Communication présentée par:

S. O. (représentée par un conseil, M. William Sloan)

Au nom de:

L’auteure

État partie:

Canada

Date de la communication:

21 février 2013 (date de la lettre initiale)

Références:

Transmises à l’État partie le 1er mars 2013 (non publiées sous forme de document)

Date d ’ adoption de la décision :

27 octobre 2014

Annexe

Décision du Comité pour l’élimination de la discrimination à  l’égard des femmes en vertu du Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes(cinquante-neuvième session)

concernant la

Communication no 49/2013 *

Présentée par:

S. O. (représentée par un conseil, M. William Sloan)

Au nom de:

L’auteure

État partie:

Canada

Date de la communication:

21 février 2013 (date de la lettre initiale)

Le Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes, institué en vertu de l’article 17 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes,

Réuni le 27 octobre 2014,

Adopte ce qui suit :

Décision concernant la recevabilité

1.1L’auteure de la communication est S. O., de nationalité mexicaine, née le 23 janvier 1973. Elle a demandé l’asile au Canada. Au moment de la présentation de la communication, sa demande ayant été rejetée, elle attendait son expulsion du Canada vers le Mexique. Elle soutient que son expulsion du Canada constituerait une violation de l’article premier et des articles 2 et 3 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. L’auteure est représentée par un conseil, William Sloan. La Convention et son Protocole facultatif sont entrés en vigueur pour l’État partie le 10 décembre 1981 et le 18 janvier 2003, respectivement.

1.2L’auteure a sollicité des mesures provisoires de protection, conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif.

1.3Le 1er mars 2013, le Comité a fait droit à la demande de mesures provisoires et a prié l’État partie de surseoir à l’expulsion de l’auteure vers le Mexique tant que la communication serait à l’examen.

Rappel des faits par les auteurs

2.1En novembre 2008, l’auteure et K.R. ont commencé à vivre ensemble dans l’État de Morelos au Mexique. Ce dernier a reconnu peu de temps après qu’il vivait au Mexique avec de faux papiers d’identité, qu’il s’était évadé d’une prison en République bolivarienne du Venezuela, où il avait été condamné pour vol à main armée et qu’il était membre d’un groupe criminel implanté au Mexique. L’auteure affirme avoir été victime de violence conjugale la première fois en décembre 2008. De nouveaux incidents de violence se sont produits en janvier, février et mars 2009. À la suite d’un incident survenu en mars 2009, l’auteure a été hospitalisée pendant trois jours. Après chaque incident, elle a porté plainte auprès de la police, mais aucune mesure n’a été prise. Lors de l’incident de mars 2009, le compagnon de l’auteure lui a dit qu’il savait qu’elle avait porté plainte.

2.2Après avoir quitté l’hôpital, en mars 2009, l’auteure a décidé d’aller vivre avec une amie. Elle a également demandé conseil sur la manière d’obtenir une protection contre son compagnon. Lorsque son avocat lui a dit qu’elle ne pourrait obtenir aucune protection au Mexique, elle a décidé de quitter le pays le 25 mai 2009. Elle indique qu’après son départ, son compagnon a téléphoné à sa famille et à ses amis pour demander où elle se trouvait. À deux reprises, en mai et septembre 2011, il a même rendu visite à la mère de l’auteure pour lui demander où cette dernière se trouvait. Au cours de la seconde visite, alors qu’il était ivre, il a agressé la mère de l’auteure en la frappant au visage, parce qu’elle refusait de lui dire où sa fille se trouvait.

2.3L’auteure a présenté une demande d’asile au Canada le 30 décembre 2011 au motif qu’elle serait victime de violence conjugale si elle retournait au Mexique. Sa demande a été soumise à la procédure d’examen des risques avant renvoi, étant donné qu’elle et son ancien compagnon avaient déjà présenté, en 1999, une demande d’asile qui avait été rejetée en 2000. Après une audience tenue le 22 octobre 2012, la demande de l’auteure a été rejetée le 5 décembre 2013 et la décision lui a été communiquée le 24 janvier 2013. La décision ne remet pas en cause le fait que l’auteure était victime de violence conjugale et qu’elle avait cherché sans succès à obtenir une protection au Mexique, mais elle conclut que l’auteure avait la possibilité de trouver refuge à Mexico et que, même si la situation au Mexique en ce qui concerne la violence conjugale n’était pas idéale, l’auteure pourrait néanmoins avoir accès à certains recours et services existants, surtout à Mexico. L’auteure n’avait pas réussi à démontrer pourquoi, en cas de retour, elle ne pourrait pas se réinstaller à Mexico, où elle avait vécu et travaillé auparavant et, le cas échéant, avoir accès aux services de protection là-bas.

2.4Le 29 janvier 2013, l’auteure a présenté une demande de contrôle juridictionnel de la décision du 5 décembre 2012 devant la Cour fédérale. Le 31 janvier 2013, l’auteure a également présenté une requête en sursis à la mesure de renvoi dans l’attente du contrôle juridictionnel, dans laquelle elle a soutenu que la possibilité de trouver refuge dans son pays n’était pas un aspect de la protection assurée par l’État. Sa requête a été rejetée le 18 février 2013. La Cour a déterminé que la conclusion de la procédure concernant la possibilité de trouver refuge dans son propre pays s’inscrivait dans le spectre des conclusions possibles à la lumière des faits et du droit en l’espèce. L’auteure a alors été informée qu’elle serait expulsée le 27 février 2013.

Teneur de la plainte

3.1L’auteure affirme que son expulsion au Mexique constituerait une violation par le Canada de l’article premier et des articles 2 et 3 de la Convention, lus conjointement avec la recommandation générale no 19 du Comité. Elle fait valoir qu’en cas de retour forcé au Mexique, elle serait victime de violence sexiste physique, psychologique et sexuelle aux mains de son ancien compagnon et qu’elle n’obtiendrait aucune protection adéquate de la part des autorités mexicaines.

3.2L’auteure affirme avoir subi une injustice lors des procédures nationales, car les éléments de preuve qu’elle a présentés ont été rejetés ou ignorés. Elle estime que l’État partie lui a refusé l’asile en se fondant sur l’évaluation erronée de l’agent d’examen des risques avant renvoi, qui concluait que les victimes de violence sexiste bénéficiaient d’une protection à Mexico. Elle affirme également que la décision donnait à penser à tort qu’elle aurait la possibilité de trouver refuge à Mexico, où une protection lui serait accordée. Elle a fait valoir que l’État du Morelos, où elle a vécu, est adjacent à Mexico et constitue pour ainsi dire une banlieue de la ville, et que, de ce fait, son ancien compagnon n’aurait aucune difficulté à la trouver si elle retournait à Mexico. Elle rappelle également qu’elle n’avait pas été en mesure d’obtenir une protection efficace de la part des autorités mexicaines.

3.3En ce qui concerne l’épuisement des recours internes, l’auteure rappelle que sa demande de sursis à expulsion pendant le contrôle juridictionnel a été refusée et que, par conséquent, elle ne dispose d’aucun autre recours. L’auteure compare son cas à celui présenté dans la communication d’une victime de violence conjugale devant être expulsée au Pakistan, où cette dernière n’aurait bénéficié d’aucune protection adéquate de la part des autorités. L’auteure soutient que, dans cette affaire, le Comité avait reconnu la recevabilité de la demande de l’auteure, mais qu’il avait contesté la recevabilité de la communication en faisant valoir le fait que l’auteure n’avait pas épuisé tous les recours internes, ne s’étant pas prévalue d’un contrôle juridictionnel. L’auteure estime que sa demande devrait être recevable puisqu’elle a en fait demandé un contrôle juridictionnel.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Le 7 juin 2013, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité de la communication et l’a contestée pour trois motifs. L’État partie soutient, premièrement, que l’auteure n’a pas épuisé tous les recours internes concernant son allégation quant au caractère discriminatoire de la procédure d’asile canadienne. Deuxièmement, il estime que l’affirmation selon laquelle le Canada a une obligation de non-refoulement est incompatible avec les dispositions de la Convention. Troisièmement, il déclare que la communication est manifestement mal fondée ou que l’auteure n’a pas démontré clairement, dans sa demande, qu’elle courrait le risque d’être torturée ou menacée de mort si elle retournait au Mexique.

4.2En ce qui concerne les faits de l’affaire, l’État partie indique que l’auteure est arrivée au Canada avec un visa de touriste et qu’à l’expiration de son visa, le prolongement de son séjour a été porté à l’attention des autorités en décembre 2012. L’auteure a été mise en détention et on lui a proposé un examen des risques avant renvoi. L’État partie souligne que c’était la deuxième fois que l’auteure demandait asile au Canada, sa première demande en vertu de la loi sur l’immigration et la protection des réfugiés ayant été refusée en 1999. Elle faisait alors l’objet d’une ordonnance de renvoi, mais elle avait quitté volontairement le Canada et était retournée au Mexique en avril 2000.

4.3L’État partie explique encore que, compte tenu du fait que l’auteure avait déjà obtenu un statut de réfugié dans une autre demande, ses nouvelles allégations concernant le risque d’être persécutée, tuée ou torturée ou d’être soumise à des traitements ou peines cruels et inusités ont été évaluées dans le cadre d’un examen des risques avant renvoi plutôt que dans le cadre d’un processus de détermination du statut de réfugié. L’État partie fait valoir que les demandes d’examen des risques avant renvoi sont examinées par des agents spécialement formés et dûment informés des obligations internationales en matière de droits de l’homme, y compris en ce qui concerne les questions relatives à l’égalité entre les sexes et à l’enfance et les risques particuliers auxquels les victimes de violence conjugale sont exposées, étant donné que la persécution fondée sur le sexe, y compris la violence conjugale, peut justifier une demande d’asile au Canada.

4.4L’État partie rappelle les faits présentés par l’auteure dans sa demande d’examen des risques avant renvoi et indique que celle-ci a également présenté des éléments de preuve d’antécédents et d’incidents passés de violence conjugale subie au Mexique, notamment des documents médicaux, des lettres de membres de sa famille attestant le comportement abusif de son ancien compagnon et des documents provenant des autorités mexicaines attestant les plaintes qu’elle a déposées auprès des autorités compétentes. L’auteure a également présenté plusieurs rapports produits par des organes de défense des droits de l’homme sur la situation à laquelle les victimes de violence sexiste sont exposées au Mexique. Les autorités compétentes de l’État partie, tout en concluant que ses allégations étaient crédibles, ont décidé que l’auteure avait une possibilité raisonnable de trouver refuge au Mexique et qu’elle n’avait pas clairement démontré qu’elle ne pouvait pas retourner vivre loin de son ancien compagnon violent dans une autre région du pays.

4.5L’État partie indique que les conclusions rejetant l’argument de l’auteure selon lequel elle serait exposée à un risque personnel réel si elle retournait au Mexique ont été établies par les experts de l’examen des risques ainsi que par un tribunal indépendant. À cet égard, l’État partie se réfère à la décision de la Cour fédérale du 18 février 2013, par laquelle la demande de l’auteure de suspendre la procédure de renvoi a été rejetée. Il y est indiqué que l’auteure avait eu l’occasion de présenter d’autres éléments de preuve après son audience pour réfuter l’existence d’une possibilité de trouver refuge dans son propre pays. L’agent d’examen des risques avant renvoi a étudié avec soin les éléments de preuve, mais il a finalement décidé que l’auteure avait en fait la possibilité de trouver refuge dans son propre pays et que les éléments de preuve supplémentaires présentés ne mettaient pas cette conclusion en cause. L’État partie note également que la Cour n’a pas encore statué sur la demande d’autorisation en vue d’un contrôle juridictionnel de cette décision négative et que sa demande ne suspend pas automatiquement son renvoi, qui a été décidé par une ordonnance actuellement valable.

4.6En ce qui concerne l’épuisement des recours internes, l’État partie relève que l’auteure avait sollicité le statut de résidente permanente pour des considérations d’ordre humanitaire en février 2000, mais n’avait pas renouvelé sa demande depuis son arrivée au Canada en 2009, alors qu’il n’existait aucun obstacle juridique l’empêchant d’en présenter une nouvelle sur la base des circonstances actuelles. L’État partie explique qu’à la suite des modifications législatives apportées au système des réfugiés en 2010, les demandes pour des motifs d’ordre humanitaire ne sont plus traitées en fonction de l’évaluation des risques, mais des difficultés auxquelles les demandeurs pourraient se heurter dans leur pays d’origine. L’État partie estime donc que, quand bien même une suspension de la demande pour des motifs d’ordre humanitaire n’empêcherait pas son renvoi, l’auteure n’a pas épuisé tous les recours internes dont elle disposait.

4.7En outre, selon l’État partie, la Convention ne contient aucune obligation implicite de non-refoulement, contrairement à l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ou aux articles 6 et 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. L’article premier et les articles 2 et 3 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes ne contiennent aucune garantie de non-expulsion vers un pays où il y a des motifs de croire qu’une personne risque d’être victime de violence sexiste. L’État partie estime que le Comité n’a pas considéré cet aspect dans sa jurisprudence antérieure, y compris en ce qui concerne l’affaire N. S .F. c. Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, citée par l’auteure, dans laquelle le Comité a jugé la communication irrecevable pour non‑épuisement des recours internes et ne s’est pas prononcé sur la question de savoir si le principe de non-refoulement était protégé par la Convention. L’État partie affirme également qu’une interprétation de bonne foi du sens ordinaire du texte de la Convention, à la lumière de son objet et de son but, réfute l’existence d’une telle obligation implicite, et il renvoie aux travaux préparatoires en rappelant que les parties à la négociation n’ont jamais envisagé ni voulu prévoir une telle obligation. L’État partie fait valoir que le Comité ne devrait donc pas chercher à élargir l’interprétation de la Convention afin d’y inclure une garantie de non-refoulement.

4.8L’État partie rappelle en outre qu’il revient aux États, dans l’exercice de leur souveraineté, de définir les conditions d’entrée et de séjour des étrangers sur leur territoire, y compris les modalités de leur renvoi, et que seules les violations les plus graves des droits fondamentaux peuvent constituer des exceptions, comme dans le cas d’un préjudice grave et irréparable causé à la personne retournée. L’État partie relève que le Comité des droits de l’homme a fait preuve de prudence en acceptant une obligation implicite des États parties de ne pas procéder au renvoi de personnes et que le Comité devrait adopter une approche tout aussi prudente. L’État partie fait valoir que la communication de l’auteure est donc incompatible avec les dispositions de la Convention.

4.9Enfin, l’État partie ajoute que la communication de l’auteure repose essentiellement sur son désaccord concernant l’évaluation et les conclusions de l’agent d’examen des risques avant renvoi ayant conduit au rejet de sa demande, en particulier en ce qui concerne l’existence d’une possibilité de trouver refuge dans son propre pays. L’État partie estime qu’en exprimant simplement ce désaccord, l’auteure n’a pas suffisamment étayé ses allégations selon lesquelles l’article premier et les articles 2 et 3 de la Convention ont été violés. L’État partie rappelle que ce n’est pas le rôle du Comité de réévaluer les faits et les preuves, sauf s’il peut être établi que l’évaluation menée par les autorités nationales était manifestement arbitraire ou équivalait à un déni de justice. Les arguments et les documents présentés par l’auteure ne peuvent appuyer la conclusion selon laquelle les décisions prises au niveau national ont été entachées de telles irrégularités. L’État partie note également que les rapports d’organes de défense des droits de l’homme faisant état de violences généralisées au Mexique auxquelles l’auteure fait référence dans sa communication ont été présentés et dûment évalués par l’agent d’examen des risques avant renvoi.

4.10L’État partie fait valoir que l’auteure n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve démontrant que le risque de violence conjugale dans le cas d’un renvoi augmente à un niveau tel qu’elle risque d’être persécutée, torturée ou tuée ou d’être soumise à des traitements ou peines cruels ou inusités et que le Mexique ne voudrait ou ne pourrait pas la protéger d’un tel risque. L’État partie fait également valoir que l’auteure n’a pas démontré qu’elle ne peut pas vivre en sécurité dans d’autres régions du Mexique si elle est exposée à un risque de violence conjugale dans l’État du Morelos et que les difficultés résultant d’une réinstallation seraient assimilables à une violation des droits de l’homme suffisamment grave pour justifier l’application de la Convention, si le Comité estimait qu’elle contient une obligation de non-refoulement. L’État partie considère que les allégations de l’auteure devraient être déclarées irrecevables, car elles sont manifestement non fondées et insuffisamment étayées.

4.11Enfin, l’État partie relève que les violations alléguées par l’auteure semblent aussi se rapporter au traitement discriminatoire de l’État partie à l’égard des femmes réfugiées qui dénoncent des violences sexistes. À cet égard, l’État partie fait valoir qu’il n’exerce aucune discrimination à l’égard des femmes présentant des demandes fondées sur la violence sexiste et rejette comme dénuée de fondement toute allégation formulée par l’auteure concernant une discrimination systématique à l’égard des femmes dans son système d’immigration. L’État partie ajoute que l’auteure n’a jamais présenté de preuve concernant de telles allégations. L’auteure n’a pas démontré non plus que l’absence d’un risque réel de violence conjugale du fait de l’existence d’une possibilité de trouver refuge dans son propre pays était en tout état de cause le résultat d’une discrimination systémique ou d’un cas spécifique de discrimination par les autorités. L’État partie estime, au contraire, que les lois, politiques et pratiques appropriées ont été strictement appliquées dans le cas de l’auteure, de sorte que celle-ci a été traitée de façon juste et équitable, sans discrimination. L’État partie conclut que la communication, dans la mesure où l’auteure allègue l’existence d’une discrimination dans le système canadien d’immigration, est irrecevable en vertu du paragraphe 1 de l’article 4 du Protocole facultatif, pour non-épuisement des recours internes. Il considère également que cet aspect de la communication est irrecevable parce que manifestement mal fondé et insuffisamment motivé.

Commentaires de l’auteure sur les observations de l’État partieconcernant la recevabilité

5.1Le 7 juillet 2013, l’auteure a présenté ses commentaires sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité. Elle soutient que l’État partie a une obligation de non-refoulement en vertu de la Convention et qu’il porte la responsabilité des conséquences directes et prévisibles de ses actes, à savoir son renvoi éventuel vers le Mexique. L’auteure rappelle que le Comité a confirmé l’existence d’une telle obligation, du moins aux fins de la recevabilité, dans sa décision dans l’affaire N. S. F. c. Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d ’ Irlande du Nord. Selon l’interprétation de cette affaire par l’auteure, le Comité n’a pas pris en considération l’allégation fondée sur le risque de violence sexiste après l’expulsion vers le Pakistan comme motif d’irrecevabilité.

5.2L’auteure affirme que, contrairement aux arguments de l’État partie, le danger auquel elle serait exposée si elle retournait au Mexique équivaut à une menace de mort et que les sévices corporels qu’elle a subis constituent des traitements ou peines cruels et inusités, reconnus par le Comité dans sa recommandation générale no 19 comme une discrimination au sens de l’article premier de la Convention. L’auteure remet également en cause le fait que les obligations des organes établis en vertu de traités ne sont limitées «qu’aux violations les plus graves des droits fondamentaux» dans le contexte d’un renvoi vers des États tiers. Elle note que le Comité des droits de l’homme a fait valoir que, dans les cas d’expulsion, les États parties avaient des obligations, en plus de celles énoncées aux articles 6 et 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, étant donné qu’il avait précédemment relevé des violations du paragraphe 1 de l’article 17 (immixtions arbitraires ou illégales dans la famille), de l’article 23 (protection de la famille) et du paragraphe 1 de l’article 24 (protection des mineurs).

5.3Au sujet de l’argument de l’État partie selon lequel il n’appartient pas au Comité de réexaminer l’évaluation des faits et des éléments de preuve effectuée par les autorités nationales, l’auteure fait valoir qu’elle a subi un déni de justice dans le processus de prise de décisions, parce que sa demande était crédible, que les preuves qu’elle avait présentées n’ont pas été prises en considération et qu’elle ne devrait pas être expulsée.

5.4L’auteure affirme que l’État partie a violé l’article 2 de la Convention, mais elle précise qu’elle n’a pas été traitée d’une manière discriminatoire par les autorités dans le traitement de sa demande d’asile. Elle n’allègue aucun acte de discrimination sexiste de la part des autorités de l’État partie lors de l’instance en immigration ou au sein du système d’immigration, indiquant que sa plainte devant le Comité ne porte que sur le risque auquel elle serait exposée si elle retournait au Mexique.

5.5En ce qui concerne l’épuisement des recours internes, l’auteure affirme qu’une demande de résidence permanente pour des motifs d’ordre humanitaire n’est pas un recours utile, puisqu’elle ne suspendrait pas son renvoi de l’État partie et les agents compétents ne seraient plus en mesure de prendre en compte les risques invoqués de persécution, de torture ou de traitement cruel. Elle rappelle également la jurisprudence du Comité contre la torture, qui a établi qu’une demande pour motifs d’ordre humanitaire est accordée sur la base de critères purement humanitaires et à titre gracieux et n’est pas un recours qui doit être épuisé pour satisfaire aux exigences nécessaires.

Observations supplémentaires de l’État partie sur la recevabilité

6.1Le 8 octobre 2013, l’État partie a fait d’autres constatations sur l’irrecevabilité, tout en rappelant les raisons initiales de sa décision de considérer la communication irrecevable.

6.2Tout en notant la jurisprudence du Comité dans l’affaire M. N. N. c. Danemark, l’État partie conteste l’interprétation de la Convention faite par le Comité selon laquelle le principe de non-refoulement peut être inclus dans la Convention. Il rappelle qu’une bonne interprétation du sens ordinaire du texte de la Convention, à la lumière de son objet et de son but, ne permet pas de valider l’obligation implicite de non-refoulement. Il se réfère à nouveau aux travaux préparatoires où il n’est nullement indiqué que les parties à la négociation ont déjà envisagé d’inclure dans la Convention une garantie contre un renvoi en cas de torture ou autres menaces semblables à la vie et à la sécurité de la personne. Il rappelle que l’un des éléments centraux de la Convention est l’action nationale pour améliorer la condition des femmes dans les domaines couverts par la Convention, ce qui signifie que les femmes qui sont exposées à des formes de torture fondées sur le sexe, à des menaces pour la vie et à d’autres préjudices irréparables devraient utiliser les mécanismes de recours existants devant le Comité des droits de l’homme ou le Comité contre la torture, qui sont compétents pour évaluer ces risques.

6.3En outre, contrairement à l’affirmation de l’auteure, l’État partie considère que la définition de la discrimination figurant à l’article premier n’inclut aucune obligation de non-refoulement lorsque les femmes peuvent être exposées à un risque de violence sexiste. Il affirme donc que l’acceptation de la thèse avancée par le Comité élargirait indûment les obligations des États parties au titre de la Convention. L’État partie fait valoir que les demandes de l’auteure n’entreraient dans le champ d’application de la Convention que si celle-ci alléguait une discrimination sexiste dans le système canadien de protection des réfugiés ou une violence conjugale au Canada sans obtenir une réponse adéquate des autorités canadiennes. L’État partie rappelle que les demandes de l’auteure ont trait à la réponse inadéquate des autorités mexicaines et que, par conséquent, sa plainte devrait être adressée au Mexique. L’État partie ne peut pas être tenu pour responsable de discrimination dans la juridiction d’un autre État.

Observations de l’État partie sur le fond

7.1Le 8 octobre 2013, l’État partie a également présenté ses observations sur le fond. L’auteure n’ayant pas réussi à démontrer l’existence de motifs substantiels de croire qu’elle serait exposée au risque de subir un préjudice irréparable si elle retournait au Mexique, il estime que ses griefs sont dénués de fondement.

7.2L’État partie fait valoir également que le principe de non-refoulement, en droit international, exige un seuil élevé, en ce sens qu’il doit y avoir un risque prévisible, réel et personnel de préjudice irréparable dans le pays de retour, notamment un risque pour la vie ou un risque de torture, pour qu’un État soit contraint par l’obligation de non-refoulement. Il estime que le risque d’une violation d’un droit de l’homme, tel que le droit à la non‑discrimination, ne peut imposer aucune obligation de non-refoulement. L’État partie souligne que le Comité des droits de l’homme et la Cour européenne des droits de l’homme ont établi des obligations implicites de non-refoulement uniquement dans les cas les plus graves de violation des droits de l’homme afin de limiter à des circonstances exceptionnelles les effets extraterritoriaux des instruments des droits de l’homme.

7.3L’État partie note que le principe de non-refoulement, tel que défini dans la Convention sur les réfugiés de 1951, peut inclure des formes de persécution liées au sexe. Il note également que le Comité contre la torture a considéré certaines formes de violence sexiste comme entrant dans la définition de la torture. La Convention contre la torture contient une obligation explicite de non-refoulement. L’État partie affirme que, si la portée de l’article premier de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes contient le principe de non-refoulement, une telle obligation devrait toutefois être interprétée de même d’une manière prudente et restreinte. Par conséquent, il fait valoir l’argument selon lequel la Convention ne peut qu’imposer une obligation de ne pas retourner les femmes vers des pays où elles risquent d’être exposées à la violence sexiste, pour autant qu’il existe un risque grave de violence sexiste, prévisible, réel et personnel, susceptible de causer un préjudice irréparable, comme un risque pour la vie, un risque de torture ou un risque de traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants.

7.4L’État partie conteste l’affirmation de l’auteure selon laquelle les affaires Madafferi c. Australie et Winata c. Australie fournissent des exemples d’application du principe de non-refoulement par le Comité des droits de l’homme en rapport avec la protection de la vie familiale. Il est d’avis que ces affaires illustrent en fait un principe différent, car le Comité a considéré que les immixtions dans la vie familiale par l’État de renvoi constituaient une violation du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il n’y était donc aucunement question de risque dans le pays de retour.

7.5L’État partie soutient également que l’auteure n’a pas établi qu’elle courait personnellement un risque de préjudice irréparable sous forme de violence sexiste. Il rappelle qu’elle avait eu, au contraire, une possibilité raisonnable de trouver refuge dans son propre pays. Se référant aux Principes directeurs du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, à la jurisprudence du Comité contre la torture et à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, l’État partie fait valoir qu’il est bien établi dans le droit international sur les réfugiés que chacun doit chercher à réduire au minimum le risque de préjudice, autant que possible, lors d’une réinstallation interne ou dans le pays d’origine. Ce principe est également reconnu dans la jurisprudence nationale des États parties à la Convention sur les réfugiés de 1951. Ainsi, en vertu du droit canadien, le principe de la possibilité de fuite fait partie intégrante du processus de détermination du statut de réfugié.

7.6L’État partie soutient que le principe de non-refoulement n’impose pas aux États parties l’obligation de s’abstenir d’expulser des non-ressortissants du fait que leur pays d’origine ne garantit pas leur sécurité dans une situation de violence grave et systématique. L’État partie considère que la prévalence de la violence conjugale au Mexique suscite de sérieuses inquiétudes. S’appuyant sur la jurisprudence du Comité contre la torture, il note toutefois que l’existence dans un pays d’un ensemble de violations graves ou flagrantes des droits de l’homme ne constitue pas en soi un motif suffisant pour établir qu’une personne risque d’être tuée ou soumise à la torture ou à des traitements inhumains à son retour dans ce pays. L’auteure doit démontrer qu’elle courrait personnellement un risque. L’État partie rappelle que, dans l’affaire de l’auteure, il a été constaté que les risques allégués n’ont pas été considérés comme de la persécution, de la torture, des menaces graves à la vie ou des traitements cruels et inusités. Tout en reconnaissant que la situation des Mexicaines confrontées à la violence conjugale n’était pas idéale, l’État partie rappelle également que l’agent d’examen des risques avant renvoi a noté qu’un certain nombre de services de protection étaient mis à leur disposition, en particulier à Mexico, où l’auteure avait vécu et travaillé pendant plusieurs années, et qu’elle n’avait pas démontré qu’elle ne pourrait pas trouver refuge dans une autre région du Mexique, à l’extérieur de sa ville natale. L’agent a également examiné les rapports sur les droits de l’homme déposés par l’auteure, ainsi que les notes d’information qu’Amnesty International a fournies au Comité en 2012. Il a établi que le document présentait un aperçu pertinent de la violence à l’égard des femmes au Mexique, mais n’a pas réfuté le fait que l’auteure avait la possibilité de trouver refuge dans le pays. En outre, l’État partie note que, malgré les récents rapports sur les droits de l’homme mettant en évidence les nombreux problèmes auxquels sont confrontées les victimes de violence conjugale au Mexique, certains progrès ont été réalisés à la suite de l’adoption par le Gouvernement d’importantes réformes des lois fédérales et de l’État dans le but d’améliorer la protection.

7.7L’État partie rappelle que l’auteure a bénéficié de deux évaluations indépendantes des risques auxquels elle serait exposée à son retour au Mexique. Elle mentionne également que la demande d’autorisation en vue d’un contrôle juridictionnel a été rejetée sans motif le 7 juin 2013.

7.8Enfin, l’État partie rappelle que le Comité ne devrait pas agir comme une autre instance d’appel. Il rappelle également que les conclusions formulées par les décideurs nationaux, notamment la conclusion selon laquelle l’auteure peut se réinstaller en toute sécurité dans une autre région du Mexique, n’étaient pas arbitraires et ne constituaient pas non plus un déni de justice au point de nécessiter l’intervention du Comité. L’État partie affirme que son système d’immigration ne minimise pas les risques particuliers auxquels les femmes fuyant la violence ou la persécution sont exposées, mais il estime que l’auteure a bénéficié d’une évaluation équitable de sa demande de protection.

7.9L’État partie considère que la communication de l’auteure repose sur les mêmes faits et éléments de preuve déjà présentés aux autorités nationales et soutient que l’auteure n’a fourni aucune preuve établissant que le risque de violence conjugale auquel elle serait exposée est omniprésent dans le pays et constitue l’une des plus graves violations des droits de l’homme au même titre que la torture et autres menaces aussi graves pour la vie et la sécurité de la personne.

Commentaires de l’auteure sur les observations supplémentaires de l’État partie sur la recevabilité et les observations sur le fond

8.1Le 20 décembre 2013, l’auteure a présenté ses commentaires sur les observations de l’État partie sur le fond. Elle se réfère à sa première communication et rappelle son argument selon lequel le Canada porte la responsabilité des conséquences prévisibles de ses actes si elle est renvoyée au Mexique, où elle sera exposée à une violence sexiste. L’auteure souligne également que le Comité a adopté cette position dans sa décision dans l’affaire M. N. N. c. Danemark.

8.2L’auteure rappelle également que les États parties ont l’obligation de s’abstenir d’expulser une personne si les conséquences prévisibles devaient constituer une violation de ses droits en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et ce, même dans le cas où la violation est loin de représenter un risque pour la vie, un risque de torture ou de traitements inhumains ou dégradants. Elle considère, en tout état de cause, que le risque allégué représente une menace à sa vie et que les violences physiques qu’elle a subies et auxquelles elle serait à nouveau exposée à son retour constituent également des peines ou traitements cruels et inusités.

8.3L’auteure réaffirme qu’elle est victime d’un déni de justice par les autorités canadiennes de l’immigration, ce qui justifie l’intervention du Comité, et fait valoir que l’évaluation de la possibilité de trouver refuge dans son pays menée par l’agent d’examen des risques avant renvoi était fondée sur une utilisation sélective de certains éléments de preuve crédibles qu’elle a présentés à l’appui de sa demande. Par exemple, l’agent a ignoré de façon arbitraire le rapport sur le Mexique présenté par Human Rights Watch et a tiré des conclusions déraisonnables des notes d’information présentées au Comité par Amnesty International. L’auteure fait également valoir que, dans la décision concernant la demande de sursis à son renvoi, la Cour fédérale n’a fait aucune référence aux arguments, aux documents et à la jurisprudence qu’elle a présentés.

8.4L’auteure conteste la position prise par l’État partie dans son mémoire présenté à la Cour fédérale, faisant valoir que l’existence d’une protection n’est pas un facteur pour déterminer si Mexico peut constituer une possibilité de refuge interne.

8.5L’auteure se réfère à d’autres rapports publiés en 2013 par Human Rights Watch et Amnesty International concernant l’absence et l’insuffisance de protection pour les victimes de violence sexiste au Mexique.

8.6Quant à l’épuisement des voies de recours internes, elle indique que sa demande d’autorisation en vue d’un contrôle juridictionnel de la décision de l’examen des risques avant renvoi a été rejetée sans motif le 7 juin 2013 et que toutes les autres voies de recours internes sont épuisées.

Délibérations du Comité concernant la recevabilité

9.1Conformément à l’article 64 de son règlement intérieur, le Comité doit décider si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif. Selon le paragraphe 4 de l’article 72 dudit règlement, il le fait avant de se prononcer sur le fond.

9.2Conformément à l’alinéa a) du paragraphe 2 de l’article 4 du Protocole facultatif, le Comité s’est assuré que la question n’a pas déjà fait ou ne fait pas l’objet d’un examen dans le cadre d’une procédure d’enquête ou de règlement international.

9.3Le Comité prend note des allégations de l’auteure selon lesquelles son expulsion vers le Mexique constituerait une violation de l’article premier et des articles 2 et 3 de la Convention, lus conjointement avec la recommandation générale no 19 du Comité, se fondant sur le risque de violence sexiste auquel elle serait exposée si elle retournait au Mexique, compte tenu du fait qu’elle avait déjà été victime de violence conjugale et que les autorités mexicaines avaient été dans l’incapacité de la protéger. Le Comité note que l’État partie conteste la recevabilité de la communication pour non-épuisement des voies de recours internes conformément au paragraphe 1 de l’article 4 du Protocole facultatif. Il note également que l’État partie objecte que la communication devrait être déclarée irrecevable, conformément aux paragraphes 2 b) et c) de l’article 4 du Protocole facultatif, au motif que les allégations de l’auteure sont incompatibles avec les dispositions de la Convention, manifestement non fondées et insuffisamment étayées.

9.4En ce qui concerne le non-épuisement des recours internes, le Comité note l’argument de l’État partie qui affirme que l’auteure aurait pu présenter une demande de résidence permanente sur la base de considérations humanitaires et qu’elle ne l’a pas fait. Le Comité relève que, d’après l’État partie, une demande en instance fondée sur ces motifs ne suspendrait pas l’expulsion de l’auteure et que les demandes fondées sur des motifs humanitaires ne sont plus traitées en fonction de l’évaluation des risques en cas de renvoi. Le Comité estime donc que, après avoir demandé un sursis à exécution de l’ordre d’expulsion et un contrôle juridictionnel de la décision négative sur l’examen des risques avant renvoi, en date du 5 décembre 2012, devant la Cour fédérale, la plus haute juridiction de l’État, l’auteure a épuisé les recours internes disponibles, aux fins de la recevabilité, comme l’exige le paragraphe 1 de l’article 4 du Protocole facultatif. Dans ces circonstances, le Comité estime que le fait que l’auteure n’ait pas présenté de demande pour motifs humanitaires n’a pas d’incidence sur la règle de l’épuisement des recours internes et que le dépôt d’une telle demande n’est pas nécessaire pour satisfaire aux prescriptions du paragraphe 1 de l’article 4 du Protocole facultatif.

9.5En ce qui concerne l’argument de l’État partie selon lequel les allégations de l’auteure sont incompatibles avec les dispositions de la Convention, qui, selon lui, ne contiennent aucune obligation de non-refoulement, le Comité souligne qu’en vertu de l’alinéa d) de l’article 2 de la Convention, les États parties s’engagent à s’abstenir de tout acte ou pratique discriminatoire à l’égard des femmes et à faire en sorte que les autorités et les institutions publiques se conforment à cette obligation. Le Comité souligne également que, conformément à sa jurisprudence constante, l’alinéa d) de l’article 2 inclut l’obligation pour les États parties de protéger les femmes contre l’exposition à un risque réel, personnel et prévisible de formes graves de violence sexiste, que ces conséquences aient lieu ou non dans les limites territoriales de l’État partie d’envoi. Le Comité rappelle en outre que la violence sexiste est une forme de discrimination à l’égard des femmes et englobe des actes qui infligent des tourments ou des souffrances d’ordre physique, mental ou sexuel, la menace de tels actes, la contrainte ou autres privations de liberté. Toutefois, le Comité a établi que la gravité des formes de violence sexiste exigeant la protection prévue à l’article 2 d) dépend des circonstances de chaque espèce et doit être déterminée au cas par cas, au stade de l’examen au fond, à condition que l’auteure ait établi devant le Comité qu’il y avait matière à plainte en étayant suffisamment ces allégations.

9.6Le Comité note que l’État partie ne conteste pas le fait que l’auteure a été victime de violence conjugale au Mexique et qu’elle a demandé sans succès la protection des autorités mexicaines. Le Comité reconnaît que les femmes et les filles sont victimes d’une violence sexiste généralisée au Mexique, notamment de violence au foyer. Il note toutefois que l’auteure n’a pas apporté suffisamment d’éléments pour lui permettre de conclure que l’ancien compagnon de celle-ci serait pour elle toujours une menace, cinq ans après les faits allégués, survenus entre décembre 2008 et mars 2009. À ce propos, le Comité relève que, selon les informations au dossier, la dernière fois que l’ancien compagnon de l’auteure a cherché à savoir où elle se trouvait remonte à septembre 2011 quand il s’est rendu chez la mère de celle-ci, alors qu’il était ivre. Le Comité note que l’auteure n’a pas expliqué pourquoi elle ne pouvait pas déménager ailleurs au Mexique, si elle décidait de quitter le Morelos pour échapper à la violence de son ancien compagnon. Le Comité relève également que l’auteure a quitté le Mexique deux mois après le dernier incident de violence au foyer et ne donne aucun renseignement sur les autres recours qu’elle a pu former dans son pays, après avoir sans succès déposé plainte à la police. Dans ces circonstances le Comité estime donc que l’auteure n’a pas apporté d’éléments suffisants pour démontrer qu’elle serait exposée à un risque réel, personnel et prévisible de formes graves de violence sexiste si elle retournait au Mexique et ainsi d’étayer ses griefs au titre de l’article premier et de l’article 2 de la Convention, lus conjointement avec la recommandation générale no 19.

9.7En outre, le Comité relève que l’auteure n’a pas expliqué pourquoi et en quoi elle estime que le rejet de sa demande d’asile par l’État partie et la décision de l’expulser constitue une violation des droits qu’elle tient de l’article 3 de la Convention, qui porte sur la promotion des droits fondamentaux de la femme.

9.8Le Comité rappelle que le paragraphe 2 c) de l’article 4 du Protocole facultatif empêche le Comité de déclarer une communication recevable si elle n’est pas suffisamment étayée. Vu les circonstances de l’espèce, et en l’absence de toute autre information pertinente, le Comité estime que les faits présentés par l’auteure ne permettent pas de conclure qu’elle a suffisamment étayé, aux fins de la recevabilité, l’affirmation selon laquelle son renvoi du Canada vers le Mexique l’exposerait à un risque réel, personnel et prévisible de formes graves de violence sexiste. L’auteure n’a donc pas apporté un commencement de preuve permettant d’étayer ses griefs de violation de l’article premier et des articles 2 et 3 de la Convention par l’État partie. En conséquence, le Comité conclut que la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 c) de l’article 4 du Protocole facultatif.

10.En conséquence, le Comité décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 c) de l’article 4 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteure.