NATIONS UNIES

CERD

Convention internationale

sur l’élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/GEO/CO/3*1 novembre 2005

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATIONDE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante‑septième session1- 19 Août 2005

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

GÉORGIE

Le Comité a examiné les deuxième et troisième rapports périodiques de la Géorgie, qui étaient attendus le 2 juillet 2002 et le 2 juillet 2004 respectivement, soumis en un seul document (CERD/C/461/Add.1), à ses 1705e et 1706e séances (CERD/C/SR.1705 et 1706), tenues les 3 et 4 août 2005. À sa 1721e séance, le 15 août 2005, il a adopté les conclusions suivantes:

A. Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le rapport périodique de l’État partie et les renseignements supplémentaires fournis par la délégation. Il salue la présence d’une délégation de haut niveau et se félicite de l’échange franc et constructif engagé avec l’État partie.

Le Comité note avec satisfaction la qualité du rapport, qui est conforme aux principes directeurs du Comité concernant la présentation des rapports, et juge très encourageant le fait que l’État partie ait soumis le rapport dans les délais prescrits.

B. Facteurs et difficultés entravant l’application de la Convention

GE.07-40992Le Comité prend acte du fait que, depuis l’indépendance, la Géorgie doit faire face à des conflits à caractère ethnique et politique en Abkhazie et en Ossétie du Sud. Faute d’autorité gouvernementale suffisante, il est difficile à l’État partie d’exercer, dans ces régions, sa compétence en matière de protection des droits de l’homme et de mise en œuvre de la Convention.

D’autre part, les conflits qui touchent l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie ont entraîné une discrimination à l’encontre de populations d’origines ethniques différentes, notamment de nombreux réfugiés et personnes déplacées. Le Conseil de sécurité a adopté plusieurs recommandations visant à faciliter la libre circulation des réfugiés et des personnes déplacées.

C. Aspects positifs

Le Comité prend acte du fait que l’État partie est un pays multiethnique, composé de communautés nombreuses et diverses, et apprécie les efforts faits par l’État partie pour fournir des informations relatives à la composition ethnique de la population ainsi que d’autres données statistiques relatives aux minorités.

Le Comité note avec satisfaction que l’État partie continue de faire d’importants progrès en matière de réforme législative et que, dans ce domaine, il a pris en considération certaines de ses recommandations.

Le Comité note également avec satisfaction que l’État partie a fait la déclaration prévue à l’article 14 de la Convention, reconnaissant ainsi la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications, et escompte que le public dans son ensemble en sera informé.

Le Comité accueille avec satisfaction les mesures que l’État partie a récemment prises pour renforcer la participation des minorités ethniques à la vie des institutions politiques.

D. Sujets de préoccupation et recommandations

Tout en prenant acte de l’adoption d’un plan d’action détaillé pour le renforcement de la défense des droits et libertés des différents groupes de la population géorgienne pendant la période 2003-2005, le Comité regrette que le projet de loi visant à assurer la protection des minorités n’ait pas encore été adopté (art. 2).

Le Comité recommande à l’État partie de fournir des informations détaillées sur la mise en œuvre et les résultats du Plan d’action pour le renforcement de la défense des droits et libertés des différents groupes de la population géorgienne pendant la période 2003-2005 et l’encourage à adopter une législation spécifique en vue de la protection des minorités.

Tout en prenant acte de l’introduction, dans le Code pénal, de l’article 142 (par. 1) relatif à la discrimination raciale, le Comité s’inquiète de l’insuffisance des dispositions pénales inscrites dans la législation nationale de l’État partie pour donner effet aux alinéas a et b de l’article 4 de la Convention (art. 4).

Le Comité recommande que, conformément à sa recommandation générale XV, l’État partie adopte une législation qui donne pleinement effet aux dispositions des alinéas a et b de l’article 4 de la Convention, notamment en déclarant délit punissable par la loi la diffusion d’idées inspirées par des notions de supériorité raciale ou par la haine raciale et l’assistance fournie aux activités racistes, y compris leur financement, en déclarant illégales les organisations ainsi que les activités de propagande qui encouragent et prêchent la discrimination raciale, et en déclarant délit punissable par la loi la participation à des organisations ou à des activités de cette nature.

Tout en accueillant avec satisfaction les renseignements fournis sur plusieurs minorités de l’État partie, le Comité regrette que des informations détaillées n’aient pas été données sur la situation de certains groupes minoritaires vulnérables, en particulier les Roms, et sur la manière dont s’exercent, dans leur ensemble, les droits de l’homme de ces groupes (art. 5).

Le Comité recommande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur la situation de tous les groupes minoritaires, dont les plus vulnérables et en particulier les Roms, et, à cet égard, appelle l’attention de l’État partie sur sa recommandation générale XXVII relative à la discrimination à l’égard des Roms.

Le Comité constate l’absence de toute législation traitant du statut des langues, le fait que les groupes minoritaires ne connaissent guère le géorgien et l’absence de mesures efficaces susceptibles de pallier cette situation et de renforcer l’usage des langues minoritaires au sein de l’administration publique (art. 5).

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter une législation sur le statut des langues, ainsi que des mesures efficaces destinées à améliorer la connaissance du géorgien chez les groupes minoritaires, et de renforcer l’usage des langues minoritaires au sein de l’administration publique.

Le Comité note que la représentation de divers groupes ethniques dans les institutions de l’État et l’administration publique est proportionnellement faible, ce qui limite leur participation à la vie publique (art. 5).

Le Comité recommande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements plus détaillés sur la composition ethnique des institutions de l’État et de l’administration publique et d’adopter des mesures concrètes visant à assurer la représentation des minorités ethniques au sein de l’administration publique et de ces institutions et à renforcer leur participation à la vie publique, notamment en élaborant des politiques culturelles et éducatives les concernant.

Tout en notant l’engagement de l’État partie à rapatrier et à intégrer les Meskhètes expulsés de Géorgie en 1944, ainsi que la création récente d’une Commission d’État pour le rapatriement des Meskhètes, le Comité constate avec préoccupation qu’aucune mesure concrète n’a encore été prise pour apporter une solution à cette question (art. 5).

Le Comité recommande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations détaillées sur la situation des Meskhètes et de prendre les mesures voulues pour faciliter leur retour et leur permettre d’obtenir la nationalité géorgienne, notamment en adoptant le cadre législatif nécessaire, qui est en cours d’élaboration depuis 1999.

Le Comité regrette que le rapport de l’État partie ne contienne pas d’informations sur les droits fondamentaux des non-ressortissants installés à titre temporaire ou permanent en Géorgie, notamment l’exercice effectif, sans discrimination, des droits énoncés à l’article 5 de la Convention (art. 5).

Appelant l’attention de l’État partie sur sa recommandation générale XXX concernant la discrimination à l’égard des non-ressortissants, le Comité lui recommande d’assurer, sans discrimination, l’exercice effectif des droits énoncés à l’article 5 de la Convention, en accordant une attention particulière aux droits à la justice et à la santé.

Tout en prenant note de l’adoption de nouvelles dispositions juridiques concernant les réfugiés, le Comité reste préoccupé par le fait que des réfugiés et demandeurs d’asile appartenant à certaines ethnies ont été renvoyés de force dans leur pays alors qu’il existait des raisons sérieuses de penser qu’ils pourraient y subir des violations graves des droits de l’homme (art. 5).

Le Comité recommande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations détaillées sur la situation des réfugiés et des demandeurs d’asile, la protection juridique qui leur est fournie, notamment leurs droits d’obtenir une assistance juridique et de faire appel contre un arrêté d’expulsion, et les fondements juridiques de l’expulsion. Il demande instamment à l’État partie de veiller, conformément à l’article 5 b) de la Convention, à ce qu’aucun réfugié ne soit renvoyé de force dans un pays lorsqu’il y a des motifs sérieux de croire qu’il pourrait y subir de graves violations des droits de l’homme. Le Comité engage l’État partie à ratifier la Convention relative au statut des apatrides et la Convention sur la réduction des cas d’apatridie.

Les questions religieuses concernent le Comité lorsqu’elles sont liées à des questions d’appartenance ethnique et de discrimination raciale. À cet égard, tout en prenant acte des mesures que prend l’État partie pour combattre la violence à caractère ethnique ou religieux, le Comité demeure préoccupé par la situation des minorités ethniques et religieuses, telles que les Kurdes yézidis (art. 5).

Le Comité recommande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur la situation des minorités ethniques et religieuses et d’adopter le projet de loi sur la liberté de conscience et la liberté religieuse afin d’assurer la protection des minorités contre la discrimination et, particulièrement, les actes de violence.

La pauvreté est une question qui relève des droits de l’homme et un facteur qui entrave le plein exercice par tous, notamment les groupes minoritaires vulnérables, de ces droits. Le Comité est préoccupé par l’extrême pauvreté dans laquelle vit une partie de la population et par les effets de cette pauvreté sur l’exercice des droits de l’homme des groupes minoritaires vulnérables et regrette que le programme de l’État partie visant à atténuer la pauvreté et à favoriser la croissance économique n’ait pas encore été adopté (art. 5).

Le Comité recommande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements sur la situation économique, notamment celle des minorités, et d’adopter toutes les mesures nécessaires pour atténuer la pauvreté, particulièrement celle qui touche les groupes minoritaires vulnérables, et pour favoriser la croissance économique, par exemple en adoptant un plan national spécial.

Le Comité est préoccupé par les allégations d’arrestation et de détention arbitraires, le recours excessif à la force par les agents de la force publique, les mauvais traitements subis par les membres des groupes minoritaires et les non-ressortissants en garde à vue et le fait que ces cas ne donnent lieu à aucune enquête (art. 5 et 6).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures voulues pour éliminer toutes les formes de mauvais traitements imputables à des agents de la force publique et assurer des enquêtes rapides, approfondies, indépendantes et impartiales sur toutes les allégations de mauvais traitements, particulièrement ceux subis par les membres des groupes ethniques et les non-ressortissants. L’État partie devrait poursuivre et sanctionner les auteurs de ces actes et veiller à ce que les victimes soient indemnisées.

Tout en prenant acte de l’existence d’un Médiateur, le Comité regrette que le rapport de l’État partie ne contienne pas suffisamment d’informations sur le niveau d’indépendance, les compétences et l’efficacité de cette institution (art. 6).

Le Comité recommande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations détaillées concernant le niveau d’indépendance et les compétences du Médiateur, ainsi que les résultats concrets qu’il a obtenus. En outre, le Comité engage l’État partie à renforcer cette institution et à la doter de ressources suffisantes afin qu’elle puisse jouer le rôle d’une institution nationale indépendante de défense des droits de l’homme, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme ou «Principes de Paris» (résolution 48/134 de l’Assemblée générale).

Tout en notant avec appréciation que la Convention peut être invoquée directement devant les tribunaux nationaux, le Comité constate un manque d’informations sur les plaintes pour discrimination raciale, l’absence d’affaires judiciaires relatives à la discrimination raciale et la nécessité de diffuser plus largement la Convention auprès des autorités de l’État (art. 6 et 7).

Le Comité recommande à l’État partie de s’assurer que l’absence d’affaires judiciaires relatives à la discrimination raciale n’est pas due au fait que les victimes ignorent leurs droits, à la modicité de leurs moyens financiers, à leur méfiance à l’égard de la police et des autorités judiciaires ou au manque d’intérêt ou de sensibilité des autorités aux cas de discrimination raciale. Le Comité demande instamment à l’État partie de veiller à ce que la législation nationale contienne des dispositions assurant une protection et des voies de recours efficaces contre toute violation de la Convention et de diffuser aussi largement que possible dans la population des informations sur les voies de recours judiciaire disponibles. Le Comité recommande aussi à l’État partie de prendre des dispositions pour informer les membres de la police et de la magistrature des dispositions de la Convention.

Le Comité recommande à l’État partie, lorsqu’il applique dans son ordre juridique interne les dispositions de la Convention, en particulier celles des articles 2 à 7, de tenir compte des passages pertinents de la Déclaration et du Programme d’action de Durban et d’inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les mesures prises pour mettre en œuvre la Déclaration et le Programme d’action au niveau national.

Le Comité demande à l’État partie de diffuser largement, à l’échelon du pays et dans les diverses langues, son rapport et les présentes conclusions du Comité et de communiquer son prochain rapport périodique aux organisations non gouvernementales présentes dans le pays avant de le transmettre au Comité.

Le Comité recommande vivement à l’État partie de ratifier l’amendement au paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention, adopté le 15 janvier 1992 à la quatorzième Réunion des États parties à la Convention et approuvé par l’Assemblée générale dans sa résolution 47/111. À cet égard, le Comité attire l’attention de l’État partie sur la résolution 59/176 du 20 décembre 2004, dans laquelle l’Assemblée générale a demandé instamment aux États parties de hâter leurs procédures internes de ratification de l’amendement et d’informer par écrit le Secrétaire général, dans les meilleurs délais, de leur acceptation de cet amendement.

En vertu des dispositions du paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention et de l’article 65 du Règlement intérieur du Comité, tel qu’amendé, le Comité prie l’État partie de l’informer de la suite donnée aux recommandations figurant aux paragraphes 10, 16 et 17 ci-dessus, dans un délai d’un an à compter de l’adoption des présentes conclusions.

Le Comité recommande à l’État partie de soumettre ses quatrième et cinquième rapports périodiques en un seul document, attendu le 2 juillet 2008, et d’y traiter tous les points soulevés dans les présentes conclusions.

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