Nations Unies

CAT/C/MRT/1

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

13 mars 2012

Original: français

Comité contre la torture

Examen des rapports présentés par les États parties en application de l’article 19 de la Convention

Rapports initiaux des États parties devant être soumis en 2005

Mauritanie *

[Reçu le 5 janvier 2012]

Table des matières

Pages

Abréviations et sigles3

Paragraphes

I.Introduction 1-124

II.Cadre général de présentation de la République islamique de Mauritanie13-955

A.Données démographiques, économiques, sociales et culturelles13-195

B.Structures constitutionnelles, politiques et juridiques20-356

C.Cadre juridique général de l’interdiction de la torture ou autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants36-478

D.Autorités judicaires, administratives ou autres pouvant connaître des questions traitées par la Convention48-8311

E.Des institutions nationales des droits de l’homme84-9515

III.Mise en œuvre des dispositions de fond de la Convention96-20717

A.Mesures prises pour donner effet aux dispositions de la Convention96-9717

B.Mesures empêchant les actes de torture pendant la durée de la garde à vue98-16817

C.Interdiction d’utiliser comme preuve une déclaration obtenue par la torture169-17027

D.Mesures prises pour prévenir les actes constitutifs de mauvais traitements171-20727

IV.Conclusion208-21132

ABRÉVIATIONS ET SIGLES

BCM

Banque centrale de Mauritanie

CARS 

Centre d’El Mina pour l’accueil et la réinsertion sociale des enfants en conflit avec la loi

CDHAHRSC

Commissariat aux droits de l’homme, à l’action humanitaire et aux relations avec la société civile

CICR

Comité international de la Croix-Rouge

CNDH

Commission nationale des droits de l’homme

CPP

Code de procédure pénale

CSM

Conseil supérieur de la magistrature

ENAJM

École nationale d’administration, de journalisme et de magistrature

ENP

École nationale de police

FMI

Fonds monétaire international

IDH

Indicateur de développement humain

OIT

Organisation internationale du Travail

ONG

Organisation non gouvernementale

ONS

Office national de la statistique

PIB

Produit intérieur brut

:

:

:

:

:

:

Introduction

Le présent rapport est présenté par la République islamique de Mauritanie conformément aux dispositions de l’article 19 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Il est établi suivant les directives du Comité contre la torture relatives à la présentation des rapports initiaux et couvre la période allant de 2005 à 2011.

Ce rapport est le résultat d’une concertation entre le gouvernement et les institutions nationales des droits de l’homme particulièrement la Commission nationale des droits de l’homme y inclus les organisations de défense des droits de l’homme.

Il est élaboré par un comité technique interministériel présidé par un Chargé de mission à la Présidence de la République et composé de représentants du Ministère de la Justice, du Ministère de l’intérieur et de la décentralisation, du Commissariat aux droits de l’homme, à l’action humanitaire et aux relations avec la société civile et de la Commission nationale des droits de l’homme.

La coordination du rapport est assurée par la direction des droits de l’homme au Commissariat aux droits de l’homme, à l’action humanitaire et aux relations avec la société civile.

Le retard constaté dans l’élaboration de ce rapport et par delà sa soumission au Comité est lié à plusieurs facteurs dont principalement l’instabilité institutionnelle et politique survenues dans le pays de 2005 à 2008 et l’absence de volonté politique au cours de cette période de débattre des questions de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Le retour à l’ordre constitutionnel normal survenu à la suite des élections présidentielles de juillet 2009 et les avancées enregistrées récemment aux plans politique, économique et social sont autant d’atouts dont se prévaut le gouvernement actuel, décidé à promouvoir les droits humains et les libertés.

Le gouvernement tient à assurer pour l’occasion, le Comité de son entière disponibilité à engager avec lui un dialogue constructif et continu sur la mise en œuvre des dispositions de la Convention.

Cette volonté a été exprimée par les autorités du pays en réponse au courrier du président du Comité relatif au retard qu’accuse la présentation du présent rapport.

Il réitère par la même occasion son engagement à œuvrer pour respect, la promotion et la protection des droits de l’homme en général et la lutte contre toute forme de torture ou autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants, en particulier.

Cet engagement s’est récemment concrétisé à travers la signature par la Mauritanie, le 25 septembre 2011 à New York, en marge des travaux de l’Assemblée générale des Nations Unies, du Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Ce rapport comprend deux parties: une première partie relative à la présentation générale du pays et une seconde partie relative à la mise en œuvre des dispositions de fond de la Convention.

II.Cadre général de présentation de la République islamique de Mauritanie

Données démographiques, économiques, sociales et culturelles

La République islamique de Mauritanie est située entre les 15e et 27e degrés de latitude N et les 6e et 19e degrés de longitude O et couvre une superficie de 1 030 700 kilomètres carrés. Elle est limitée par l’océan Atlantique à l’ouest, le Sénégal au sud, le Mali au sud et à l’est, l’Algérie au nord-est et le Sahara occidental au nord-ouest. Cette position géographique fait de la Mauritanie un trait d’union entre l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne. De ce fait, la Mauritanie est une terre de brassage de civilisations, au riche patrimoine socioculturel.

La population mauritanienne est estimée à 3 340 627 d’habitants dont une grande partie réside à Nouakchott capitale administrative du pays et à Nouadhibou capitale économique.

La Mauritanie est un pays multiethnique et multiculturel. Elle a une population à majorité arabe et comprend des minorités pulaar, soninké et wolof.

Les étrangers représentent près de 2,2 % de la population. Ils sont surtout présents à Nouakchott et Nouadhibou et sont actifs dans les domaines de l’industrie, du bâtiment, des services et de la coopération bilatérale et multilatérale.

Tableau 1

Données démographiques

Population totale d ’ habitants

3 340  627

Population u rbaine

38,1 %

Taux annuel de croissance de la population

2,4 %

Espérance de vie à la naissance (2007)

56,6 ans

Population active

57 %

Population scolarisée

57 %

Religion musulmane

100 %

Source : O NS

L’islam est la religion du peuple et de l’État. L’islam pratiqué en Mauritanie est sunnite, de rite malékite. Il cultive la tolérance et répugne toute forme de violence.

Données économiques. Les résultats macroéconomiques sont dans l’ensemble positifs.

«Ces résultats sontsoutenus par la forte reprise de la demande extérieure, la réalisation de projets miniers et le dynamisme des industries non extractives, la production hors pétrole qui a augmenté de 5,7 % en 2010. Le vif essor des exportations minières, stimulé par les cours élevés des produits de base, a aidé à compenser le gonflement des importations de denrées alimentaires et de carburants et à réduire le déficit extérieur courant. La politique monétaire est restée prudente, ce qui a permis, entre autres, de contenir l’inflation en deçà de 10 %. Le déficit budgétaire a été réduit de moitié en 2010 sous l’effet de l’augmentation des recettes minières, d’un meilleur recouvrement des recettes et de la sous-exécution des dépenses d’investissement.»

Structure économique. Répartition sectorielle du PIB en 2010:

Secteur primaire: 18 %

Activités extractives: 14 %

Autres: 68 %

IDH moyen (0,520 en 2007 – niveau médian Afrique).

Tableau 2

Données économiques

Indicateurs

2010

PIB par habitant ($US)

1 036

Taux de croissance du PIB réel

4,6 %

Taux de pression fiscale

14,8 %

Dépenses et prêts nets (en % du PIB hors pétrole)

32 %

Déficit budgétaire hors dons et hors pétrole (en % du PIB hors pétrole)

9,6 %

Solde des transactions courantes (en % du PIB)

-11,9 %

Réserves en mois d’importations

2,5

Taux d’inflation moyen annuel

4,8% 

Sources: ONS et BCM

Structures constitutionnelles, politiques et juridiques

Conformément à l’article premier de la Constitution du 20 juillet 1991 rétablie et modifiée par la loi constitutionnelle n° 2006-014 du 12 juillet 2006, la Mauritanie est «une République islamique, indivisible, démocratique et sociale». La République assure «à tous les citoyens sans distinction d’origine, de race, de sexe ou de condition sociale l’égalité devant la loi».

L’article 3 de la Constitution consacre le principe de la démocratie: «la souveraineté appartient au peuple mauritanien qui l’exerce par ses représentants ou par voie de référendum» .

La forme républicaine de l’État est marquée par une nette séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judicaire.

Le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois. Il définit la politique de la nation mise en œuvre par le gouvernement, dirigé par un Premier Ministre.

Le pouvoir législatif est exercé par le Parlement qui vote les lois et contrôle l’action gouvernementale. Le Parlement comprend une chambre basse dénommée l’Assemblée nationale et une chambre haute appelée Sénat.

La Mauritanie présente une organisation administrative décentralisée et déconcentrée. L’organisation territoriale comporte plusieurs niveaux administratifs, wilayas (13), moughataas (54) et communes (216). La répartition des compétences entre les différents échelons de l’administration est organisée de telle façon que les collectivités et l’administration concourent ensemble au développement politique, économique et social.

L’attribution de nouvelles compétences aux communes par la loi 2001-27 du 07/02/2001 a permis de renforcer les capacités des élus locaux en matière de résolution des problèmes liés au développement local et de pallier le déficit de gouvernance locale.

Le système judiciaire mauritanien est fondé sur le principe du double degré de juridiction (juridictions de 1re instance au niveau des Moughataas et des Wilayas) et juridictions de second degré (trois cours d’appel à Nouakchott, Nouadhibou et à Kiffa et une Cour suprême).

En matière de garanties du droit à un procès équitable, les personnes poursuivies bénéficient des droits suivants:

La présomption d’innocence;

Le principe de la légalité des délits et des peines;

Le respect des droits de la défense ;

La présence d’un avocat dès la garde à vue et le droit de prendre contact avec sa famille.

L’article 138 du Code de procédure pénale (CPP) aménage le régime de la détention préventive. Il dispose qu’elle ne doit être ordonnée que par le juge d’instruction et lorsqu’elle est justifiée par:

La gravité des faits;

La nécessité d’empêcher la disparition des preuves de l’infraction;

La fuite de l’inculpé ou la commission de nouvelles infractions.

En matière de détention préventive, le juge d’instruction est tenu d’accélérer le déroulement de l’information. Il est responsable, à peine de prise à partie, de toute négligence qui aurait inutilement retardé l’instruction et prolongé la détention préventive.

Principal mode d’agrément des organisations non gouvernementales

En l’état actuel, l’agrément des associations se fait par voie de l’autorisation accordée par le Ministre de l’intérieur et de la décentralisation conformément à la loi n° 064-098 du 9 juin 1964 relative aux associations.

Les associations qui demandent à être reconnues constituent un dossier de candidature comprenant le procès-verbal de l’assemblée générale constitutive ainsi que les statuts et le règlement intérieur.

Le dossier est transmis à l’autorité administrative de la circonscription au niveau de laquelle se trouve le siège de l’association.

Une enquête de moralité est menée suite à laquelle le dossier est transmis aux autorités compétentes pour agrément.

Tableau 3

Données statistiques sur les a ssociations et autres groupements d ’ utilité publique

Intitulé

Nombre

Partis politiques

81

Associations et ONG

5 500

Centrales s yndicales

06

ONG i nternationales basées en Mauritanie

52

Source : MIDEC (2011)

Dans ce cadre, les pouvoirs publics s’attellent à l’adoption d’une loi régissant la vie associative axée sur le régime déclaratoire.

Cadre juridique général de l’interdiction de la torture ou autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Plusieurs textes fondamentaux abordent la répression de la torture. Il s’agit de la Constitution, de l’ordonnance n° 2007.36 portant Code de procédure pénale, de l’ordonnance 2005.15 du 5 décembre 2005 portant protection pénale de l’enfant et enfin de la loi n° 2010.07 du 20 janvier 2010 portant statut de la Police nationale.

D’abord, si la Constitution n’a pas expressément consacré en ses dispositions l’interdiction de la torture, elle a de facto interdit la pratique de la torture.

Ainsi, l’article 13 de la Constitution du 20 juillet 1991 modifiée en 2006 dispose:

«Toute personne est présumée innocente jusqu’à l’établissement de sa culpabilité par une juridiction régulièrement constituée.

Nul ne peut être poursuivi, arrêté, détenu ou puni que dans le cas déterminé par la loi et selon les formes qu’elle prescrit.

L’honneur et la vie privée du citoyen, l’inviolabilité de la personne humaine, de son domicile et de sa correspondance sont garantis par l’État.

Toute forme de violence morale ou physique est proscrite.»

L’article préliminaire de l’ordonnance n° 2007.36 portant révision de l’ordonnance n° 83-63 du 9 juillet 1983 portant institution d’un code de procédure pénale dispose:

«La procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l’équilibre des droits des parties.

Elle doit garantir la séparation des autorités chargées de l’action publique et des autorités de jugement.

Les personnes se trouvant dans des conditions semblables et poursuivies pour les mêmes infractions doivent être jugées selon les mêmes règles.

L’autorité judiciaire veille à l’information et à la garantie des droits des victimes au cours de toute procédure pénale.

Toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n’a pas été établie par une décision ayant acquis autorité de la chose jugée suite à un procès équitable remplissant toutes les garanties juridiques.

Le doute est interprété en faveur du prévenu.

L’aveu obtenu par la torture, la violence ou la contrainte n’a pas de valeur.»

L’article 10 de l’ordonnance n° 2005.015 du 5 décembre 2005 portant protection pénale de l’enfant dispose: «Le fait de soumettre un enfant à des tortures ou à des actes de barbarie est puni de six ans de réclusion criminelle.» Quant à l’article 11, il punit de 15 ans de réclusion criminelle l’auteur de l’infraction si elle est commise de manière habituelle sur un enfant ou qu’elle a entraîné des séquelles, une mutilation ou une infirmité permanente et à la réclusion criminelle à perpétuité lorsqu’elle a entraîné la mort de l’enfant sans intention de la donner.

Enfin, l’article 15 de laloi n° 2010.07 du 20 janvier 2010 portant statut de la Police nationale dispose:

«Le personnel de la Police nationale a l’obligation de s’abstenir de tout acte de nature à porter atteinte aux libertés individuelles et collectives, sauf cas prévu par la loi, et de façon générale tout traitement cruel ou dégradant constitue une violation des droits de la personne humaine.»

1.Les instruments internationaux relatifs à la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants auxquels la Mauritanie est partie

Fidèle à ses engagements internationaux, la Mauritanie fait de l’attachement aux valeurs humaines un vecteur de protection et de promotion des droits de l’homme.

Depuis son indépendance, la Mauritanie a pris part à la codification des normes du droit international des droits de l’homme en participant notamment à l’élaboration du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, ainsi que de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.

La Mauritanie est État partie à plusieurs instruments juridiques visant la prohibition de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dont on peut citer principalement:

Instruments africains

La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples

La Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant

Le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes

Le Protocole portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples

La Convention de l’Organisation de l’unité africaine régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique

Les Lignes directrices et mesures d’interdiction et de prévention de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en Afrique (Lignes directrices de Robben Island)

Instruments internationaux

La Déclaration universelle des droits de l’homme

Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels

La Convention relative aux droits de l’enfant

La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes

La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

La Convention relative aux droits des personnes handicapées;

La Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

La Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui

La Convention sur les droits politiques de la femme

La Convention sur le consentement au mariage, l’âge minimum du mariage et l’enregistrement des mariages

La Convention relative à l’esclavage (1926)

La Convention internationale contre l’apartheid dans les sports

La Convention relative au statut des réfugiés

Le Protocole relatif au statut des réfugiés (1967)

La Convention de Genève pour l’amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne

La Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre

La Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre

La Convention de Genève pour l’amélioration du sort des blessés, des malades et des naufragés des forces armées sur mer

Le Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux

Le Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux

La Convention n°29 de l’OIT relative au travail forcé

La Convention n° 182 de l’OIT concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination

Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés

Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants

2.Le statut de la Convention dans l’ordre juridique interne

La Constitution et la jurisprudence du Conseil constitutionnel font de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants une partie intégrante du droit mauritanien. À ce titre, les dispositions de la Convention peuvent être invoquées devant les juridictions nationales pour application directe.

Le caractère constitutionnel des dispositions de la Convention est renforcé par l’article 80 de la Constitution qui dispose : « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois.»

De même,la législation garantit qu’il ne peut être dérogé à l’interdiction de toute peine ou tout traitement cruel, inhumain ou dégradant.

Autorités judicaires, administratives ou autres pouvant connaître des questions traitées par la Convention

1.Autorités judiciaires

a)Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel est une juridiction autonome créée par la Constitution du 20 juillet 1991 modifiée en 2006 en lieu et place de l’ancienne Chambre constitutionnelle de la Cour suprême. L’introduction du Conseil constitutionnel dans les juridictions mauritaniennes constitue un progrès en matière de garantie des droits de l’homme.

Le Conseil constitutionnel comprend six membres nommés par: le Président de la République (3 membres dont le Président du Conseil constitutionnel), le Président de l’Assemblée nationale (2 membres) et le Président du Sénat (1 membre).

Les membres du Conseil constitutionnel sont nommés pour un mandat de neuf ans non renouvelable. Ils bénéficient d’un statut d’inamovibilité et des immunités reconnues aux parlementaires.

Le Conseil constitutionnel est chargé notamment de vérifier la conformité des lois, des traités internationaux et des règlements des Assemblées parlementaires à la Constitution. À ce titre, il peut déclarer l’inconstitutionnalité de dispositions législatives pour non-conformité à la Constitution.

Aux termes de l’article 87 de la Constitution, «les décisions du Conseil constitutionnel sont revêtues de l’autorité de la chose jugée [...]. Elles ne sont susceptibles d’aucun recours et s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles».

Il convient de souligner ici le rôle particulier que joue le Conseil constitutionnel dans la protection des droits et libertés: la haute juridiction a déjà déclaré l’inconstitutionnalité de plusieurs textes et, notamment, le Règlement de l’Assemblée nationale, le Règlement du Sénat, la loi organique portant statut de la magistrature la loi organique relative à l’élection des sénateurs représentant les Mauritaniens établis à l’étranger et la loi relative à la lutte contre le terrorisme.

b)Des cours et tribunaux

i)De la Haute Cour de justice

Il s’agit d’une Haute Cour de justice, composée de membres élus, en leur sein et en nombre égal, par l’Assemblée nationale et le Sénat, après chaque renouvellement général ou partiel de ces Assemblées. Elle élit son Président parmi ses membres. Une loi organique fixe la composition de la Haute Cour de justice, les règles de son fonctionnement ainsi que la procédure applicable devant elle.

Elle est chargée de juger les hauts responsables de l’État (Président de la République, Premier Ministre, Ministres).

Le Président de la République n’est responsable des actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions qu’en cas de haute trahison.

Il ne peut être mis en accusation que par les deux Assemblées statuant par un vote identique au scrutin public et à la majorité absolue des membres les composant; il est jugé par la Haute Cour de justice.

Le Premier Ministre et les membres du Gouvernement sont pénalement responsables des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions et qualifiés de crimes ou délits au moment où ils ont été commis.

ii) Des tribunaux

L’organisation judiciaire de la République islamique de Mauritanie est organisée conformément aux dispositions de l’ordonnance n° 2007-012 du 8 février 2007 portant organisation judiciaire.

Sur le territoire de la République islamique de Mauritanie, la justice est rendue, conformément aux dispositions de cette ordonnance, par la Cour suprême, les cours d’appel, les tribunaux de wilaya, les cours criminelles, les tribunaux de commerce, les tribunaux du travail, les tribunaux de moughataa et par toute autre juridiction créée par la loi.

Ces juridictions connaissent de toutes les affaires civiles, commerciales, administratives, pénales et des différends du travail. Elles statuent conformément aux lois et règlements en vigueur.

Le siège et le ressort des juridictions sont fixés par décret, pris en conseil des ministres sur rapport du Ministre de la justice, à l’exception de la Cour suprême dont le siège est fixé à Nouakchott et dont le ressort s’étend à l’ensemble du territoire national. L’année judiciaire commence le 1er janvier et se termine le 31 décembre. Elle comprend une période de vacances judiciaires de trois mois qui commence le 16 juillet et prend fin le 15 octobre.

Les jours, heures et lieux d’audience des cours et tribunaux sont fixés par ordonnance du président de la juridiction, au début de chaque année judiciaire. Les ordonnances prévues sont affichées au siège de la juridiction et publiées au Journal officiel.

Les cours et tribunaux peuvent tenir des audiences foraines dans le ressort de leur juridiction.

Les audiences des juridictions sont publiques, à moins que cette publicité soit dangereuse pour l’ordre public ou les bonnes mœurs ou interdite par la loi. Le président de la juridiction ordonne alors le huis clos. Dans tous les cas, les jugements ou arrêts sont prononcés publiquement et doivent, à peine de nullité, être motivés. La justice est gratuite, sous réserve des droits de timbre et d’enregistrement, des émoluments des auxiliaires de justice et des frais effectués pour l’instruction des affaires ou l’exécution des décisions judiciaires.

Les tarifs des frais de justice sont fixés par décret. L’aide juridique peut être accordée aux parties justifiant de leur indigence, dans les conditions prévues par la loi.

Nul ne peut être jugé sans être mis en mesure de présenter ses moyens de défense. La défense et le choix du défenseur sont libres. Lesavocats exercent librement leur ministère devant toutes les juridictions. Nulne peut être distrait de ses juges naturels.

Seules les juridictions prévues par la loi peuvent prononcer des condamnations. La justice est rendue au nom d’Allah Le Très Haut, Le Tout-Puissant.

L’exécution forcée des mandats de justice et des premières expéditions des arrêts, jugements, ordonnances, contrats notariés ou autres actes susceptibles d’exécution forcée a lieu dans les conditions prévues par le Code de procédure civile, commerciale et administrative et par le Code de procédure pénale.

En vue d’assurer le bon fonctionnement des juridictions, il est institué, au sein des cours et tribunaux, une formation non contentieuse dénommée «assemblée générale».

L’assemblée générale regroupe, sous la présidence du président de la juridiction, l’ensemble des membres de celle-ci.

L’assemblée générale règle les questions relatives à l’organisation et au fonctionnement de la juridiction. Elle est consultée sur le calendrier des audiences. Lesdélibérations de l’assemblée générale sont prises à la majorité simple des voix. En cas d’égalité des voix, celle du président est prépondérante.

Une inspection générale de l’administration judiciaire et pénitentiaire, placée sous l’autorité directe du Ministre de la justice, exerce une mission permanente et générale d’inspection sur les cours et tribunaux, la Cour suprême exceptée, ainsi que sur l’ensemble des services et organismes relevant du Ministère de la justice.

L’organisation, le fonctionnement et les attributions de l’inspection générale de l’administration judiciaire et pénitentiaire sont fixés par décret.

2.Autorités administratives

a)Le Commissariat aux droits de l’homme, à l’action humanitaire et aux relations avec la société civile (CDHAHRSC)

Le CDHAHRSC est le département ministériel en charge des droits de l’homme.

Conformément au décret n°247-2008 fixant ses attributions, le CDHAHRSC est chargé dans le domaine des droits de l’homme de:

L’élaboration et la mise en œuvre de la politique nationale de promotion, de défense, de protection des droits de l’homme;

La coordination de la politique nationale des droits de l’homme;

L’éducation et la sensibilisation en matière de droits de l’homme;

L’élaboration des rapports périodiques en vertu des instruments juridiques internationaux et régionaux ratifiés en matière des droits de l’homme;

L’harmonisation de la législation nationale avec les textes des conventions internationales et régionales relatives aux droits de l’homme ratifiés;

L’élaboration et la traduction des plans d’action et de programmes en faveur des catégories sociales vulnérables, en vue de la meilleure promotion et protection de leurs droits.

b) Autorités administratives chargées des établissements pénitentiaires et de la police

i)De l’administration pénitentiaire

L’administration pénitentiaire est confiée à une direction relevant du Ministère de la justice conformément au décret n° 197-2008 du 22 octobre 2008 fixant les attributions du Ministère de la justice et l’organisation de l’administration centrale de son département.

La Direction des affaires pénales et de l’administration pénitentiaire est chargée des questions relatives à:

La politique pénale

L’instruction des demandes de libération conditionnelle

Les recours en grâce et les questions relatives à l’amnistie

La tenue du casier judiciaire central

L’entraide pénale internationale

L’attribution de la qualité d’officier de police judicaire

L’administration pénitentiaire

Le contrôle de l’état matériel et sanitaire des établissements pénitentiaires

La rééducation et la réinsertion sociales des détenus

La Direction des Affaires pénales et de l’administration pénitentiaire est dirigée par un directeur assisté par un directeur adjoint. Elle comprend quatre services:

Le Service des affaires pénales

Le Service du casier judiciaire central

Le Service des affaires pénitentiaires

Le Service de la réinsertion sociale

Ces différents services concourent à la réalisation des missions de cette direction.

ii)De l’administration de la police

Le statut de la Police nationale est fixé par la loi n° 2010-007 du 20 janvier 2010. Selon cette loi, la Police nationale est une force de sécurité relevant du Ministère de l’intérieur.

Elle est chargée d’une mission générale de protection des intérêts fondamentaux de l’État. Elle est aussi chargée, sur l’ensemble du territoire national, d’une mission permanente de sécurité publique, de police judiciaire, de sûreté intérieure et extérieure de l’État, de la lutte contre le terrorisme, de la recherche et de la centralisation du renseignement relevant de sa compétence, du maintien et du rétablissement de l’ordre public, de la protection des personnes et de leurs biens, de la surveillance du territoire, de l’immigration et de la lutte contre la délinquance économique et financière. Elle veille à l’exécution et au respect des lois et règlements.

Selon l’article 5 de la loi n° 2010-007 du 20 janvier 2010, la hiérarchie de la Police nationale comprend quatre corps:

Le corps des commissaires

Le corps des officiers

Le corps des inspecteurs

Le corps des gradés et agents

S’agissant du respect des libertés individuelles et collectives, le personnel de la Police nationale a l’obligation de s’abstenir de tout acte de nature à porter atteinte aux libertés individuelles et collectives, sauf cas prévu par la loi, et, de façon générale, de tous traitements cruels ou dégradants constituant une violation des droits de la personne humaine.

Des institutions nationales des droits de l’homme

Ces institutions sont principalement le Médiateur de la République (Ombudsman) et la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH).

1.Le Médiateur de la République

Le Médiateur de la République est une autorité administrative indépendante instituée par la loi n° 93-27 du 27 juillet 1993.

Outre ses prérogatives classiques contenues dans la loi de 1993, le Médiateur est saisi par les particuliers à travers les élus, et peut être sollicité par le Président de la République. Il joue un rôle essentiel dans l’intermédiation entre l’administration et les citoyens qui s’estiment lésés dans leurs droits ou intérêts.

2.La Commission nationale des droits de l’homme

La CNDH, dotée du statut A des Principes de Paris, est une institution consultative indépendante et autonome à composition plurielle chargée de conseil, d’observation, d’alerte, de médiation et d’évaluation en matière de respect des droits de l’homme.

Le statut A, sur le fondement du respect des conventions internationales ratifiées par la Mauritanie, confère à la Commission une plus grande indépendance et un champ d’investigation plus étendu. Par le biais de cette reconnaissance, la CNDH devient aux yeux des mécanismes internationaux des droits de l’homme le relais national et l’élément central des systèmes de protection des droits de l’homme en Mauritanie.

Ce nouveau statut résulte de trois efforts:

L’adoption de la loi 031/2010 du 20 juillet 2010 qui annule et remplace l’ordonnance de 2006 portant création et fonctionnement de la Commission nationale des droits de l’homme.

L’implication indépendante de la CNDH dans l’évaluation et l’observation du respect des droits de l’homme sans interférence ou entrave d’aucune autorité notamment dans le suivi des questions en relation avec la prévention de la torture et les mauvais traitements.

Le déploiement d’efforts constants et soutenus d’une équipe de la CNDH, en bonne intelligence avec les représentants de l’État, du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et des membres des ONG.

Ainsi, la Commission est en capacité de:

Jouer un rôle de façon optimale dans le système de protection universelle des droits de l’homme.

Agir en tant que garant du suivi des normes internationales au plan national à travers le suivi de la mise en œuvre des conventions de droits de l’homme ratifiées par le pays;

Avoir des relations effectives avec le gouvernement, les organisations internationales, le parlement, les médias et les organisations de la société civile.

a)Missions et mandats.

La CNDH est, depuis le 20 juillet 2010, régie par la loi 2010-031 qui abroge et remplace l’ordonnance n° 2006-015 du 12 juillet 2006. L’objectif de la loi est de corriger les insuffisances de l’ordonnance précitée et d’améliorer l’indépendance et l’efficacité de la CNDH dans son rôle de promotion et de protection des droits de l’homme.

La CNDH a pour mission principale, de donner un avis sur les questions de droits de l’homme au gouvernement, au parlement et à tout autre organe compétent, de contribuer à la diffusion et à l’enracinement de la culture des droits de l’homme, de promouvoir et de veiller à l’harmonisation de la législation nationale avec les instruments juridiques des droits de l’homme, de contribuer à la préparation des rapports que le gouvernement doit présenter aux organes et aux comités des Nations Unies, de coopérer avec les organes des Nations Unies dans le domaine des droits de l’homme, de visiter de manière inopinée les prisons et lieux de détention, d’examiner toutes les situations d’atteinte aux droits de l’homme et d’adresser un rapport annuel sur la situation des droits de l’homme au Président de la République.

b)Activités

Dans ce cadre, la CNDH a déjà remis trois rapports annuels (2007-2008, 2008-2009 et 2009-2010) au Président de la République. Ces rapports retracent l’ensemble des activités entreprises par la Commission au cours des périodes concernées et procèdent à une évaluation globale des problèmes des droits de l’homme en Mauritanie, notamment les questions relatives à la pratique et à la prévention de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Au terme de l’article 4 de la loi 2010-031 portant institution de la CNDH, l’autorisation lui est accordée de visiter de manière inopinée tous les établissements pénitentiaires et lieux de garde à vue afin de s’assurer du respect des droits des personnes privées de liberté.

La mise en œuvre de cette disposition légale s’est traduite par la visite périodique des 13 régions du pays notamment du 25 mai au 1er juin 2010 et du 15 au 27 septembre 2011 par des équipes composées chacune de 4 membres de la Commission qui ont rencontré et travaillé à la fois avec les représentants de l’administration, des parlementaires, des élus locaux et des représentants de la société civile.

Les membres de la CNDH ont pu aussi visiter les lieux de détention (prisons, commissariats, brigades de gendarmerie, brigade des mineurs, Centre d’insertion des enfants d’El Mina, et de Beyla, maison d’arrêt des femmes de Sebkha, etc.). Les membres de la CNDH ont été accompagnés par les représentants des ONG locales avec lesquels ils ont eu plusieurs séances de travail, visité plusieurs victimes, examiné les doléances et les procédures en instance. Toutes ces situations ont fait l’objet de rapports et de recommandations spécifiques transmis aux autorités qui ont positivement réagi à certaines des doléances de la CNDH (mesures de grâce en faveur de plus de 350 détenus, amélioration des conditions d’hygiène de la prison de Dar Naim, application de la loi incriminant l’esclavage, transparence dans la gestion des litiges fonciers dans les quartiers périphériques de Nouakchott, reprise du dialogue politique, adoption de la loi de libéralisation de l’espace audiovisuel et appui à la presse indépendante, prise de la décision d’identification des tombes des personnes disparues, avancement notoire dans le processus d’indemnisation des victimes militaires, etc.).

III.Mise en œuvre des dispositions de fond de la Convention

Mesures prises pour donner effet aux dispositions de la Convention

Article premier: définition de la torture

La Mauritanie ne dispose toujours pas de législation spécifique qui incrimine et réprime les actes de torture et son corpus juridique ne définit pas ce vocable.

Toutefois en application de la loi mauritanienne, les tortionnaires ou les auteurs d’autres mauvais traitements peuvent être poursuivis sur la base des délits ou crimes prévus dans le Code pénal tels que coups et blessures volontaires ou homicides involontaires prévus par les articles 285 à 287 de l’ordonnance n°83.0162 du 9 juillet 1983 portant institution d’un code pénal (voir peines prévues par ces articles annexées au rapport).

Mesures empêchant les actes de torture pendant la durée de la garde à vue

1.Article 2: prévention et interdiction de la torture

L’ordonnance n°2007.036 du 17 avril 2007 portant révision de l’ordonnance n°83-163 du 9 juillet 1983 portant institution d’un code de procédure pénale a réglementé la garde à vue en reconnaissant au gardé à vue des droits qui le protègent contre la torture:

Ainsi, l’alinéa 1er de l’article 58 du CPP prévoit: «Toute personne privée de liberté en vertu d’une arrestation ou détention ou toute autre forme de privation de liberté doit être traitée conformément au respect de la dignité humaine.»

Il est interdit de la maltraiter moralement ou physiquement ou de la détenir hors des lieux prévus légalement à cet effet.

L’officier de police judiciaire qui détient une personne en garde à vue est tenu d’en informer dans les meilleurs délais son conjoint, son ascendant ou descendant au premier degré de la possibilité pour celle-ci de communiquer avec son époux ou de l’un de ses parents directs. L’officier de police judiciaire peut autoriser l’avocat à communiquer avec la personne gardé à vue à charge d’en faire un rapport sans délai au procureur de la République.

S’agissant de la durée des gardes à vue, l’alinéa 2 de l’article 57 du CPP dispose:

«S’il existe contre une personne des indices graves et concordants de nature à motiver son inculpation, l’officier de police judiciaire peut la garder à sa disposition pendant une durée de 48 heures, qui ne comprend pas le repos hebdomadaire, les jours fériés et les jours de fête.»

Cette durée ne peut être prorogée qu’une seule fois pour un délai égal à la période initiale par autorisation écrite du Procureur de la République. Lorsque l’arrestation a été opérée dans une localité éloignée de la juridiction compétente, les délais sont de plein droit majoré d’un jour pour cent kilomètres de distance, sans pouvoir excéder au total le délai maximum de huit jours.

L’article 59 du CPP dispose qu’un registre coté et paraphé par le Procureur de la République est tenu dans tous les lieux dans lesquels une personne est susceptible d’être placée en garde à vue. L’identité de la personne gardée, les causes de cette dernière, l’heure à laquelle elle a débuté et celle à laquelle elle a fini, la durée de l’interrogatoire, les heures de repos, l’état physique et sanitaire de la personne arrêtée et l’alimentation qui lui est fournie sont mentionnées dans ce registre. La personne gardée à vue et l’officier de police judiciaire doivent signer ce registre dès la fin de la garde à vue. Le registre est présenté au Procureur de la République pour information et contrôle. Il le paraphe au moins une fois par mois.

2.Article 2 (paragraphe 2) : aucune circonstance exceptionnelle pour justifier la torture

L’article préliminaire de l’ordonnance n° 2007.36 portant révision de l’ordonnance n° 83.63 du 9 juillet 1983 portant institution d’un code de procédure pénale dispose: «L’aveu obtenu par la torture, la violence ou la contrainte n’a pas de valeur.» Il n’accepte aucune circonstance pouvant justifier la torture.

La Cour Suprême a rejeté dans sa sentence prononcée en 2007 dans le cadre du procès des salafistes les aveux obtenus par la torture. Ce qui a permis d’atténuer les peines prononcées pour certains accusés et l’acquittement pour d’autres.

3.Article 2 (paragraphe 3): question de la torture dans la relation entre le subordonné et sa hiérarchie

L’article 15 de la loi portant statut de la Police nationale qui impose au personnel de la police l’obligation de s’abstenir de tout acte de nature à porter atteinte aux libertés individuelles et collectives permet à tout membre de ce corps de refuser d’obéir à l’ordre de commettre des actes de torture. De même, l’article 14 de cette même loi précise que le personnel de la Police nationale n’est restreint à l’obéissance hiérarchique que dans le respect des lois et règlements.

4.Article 3: expulsion, refoulement, extradition

a)Interdiction de refoulement vers un État tortionnaire dans la législation interne.

Le nouveau titre introduit dans le CPP en 2011 relatif à la procédure d’extradition exclut le recours à cette procédure si l’extradé risque d’être soumis à la torture dans le pays vers lequel, il est extradé. Dans ce cas de figure, les juridictions mauritaniennes sont compétentes pour le jugersur les faits faisant l’objet de l’extradition si ceux-ci sont prévus et punis par la législation en vigueur en Mauritanie ou s’ils constituent un crime international.

b)Absence d’influence des motifs sécuritaires sur l’extradition

Les motifs d’extradition ou de refus d’extrader sont déterminés dans le CPP, les traités d’entraide judiciaire conclus par la Mauritanie avec d’autres pays. Il n’est pas fait référence à des préoccupations sécuritaires, y compris la lutte contre le terrorisme, les circonstances tirées de l’état d’exception ou de la sécurité nationale.

c)Autorité habilitée à prononcer l’extradition

En matière d’extradition, le Ministre de la justice est l’autorité habilitée à prononcer l’extradition par arrêté sur la base d’un accord de coopération bilatéral d’extradition ou sur la base d’une entente diplomatique de réciprocité.

L’extradition peut être refusée notamment en cas de:

Infractions politiques ou connexes à celles-ci;

Absence de double incrimination;

Infractions considérées comme manquement aux obligations militaires;

Infractions définitivement jugées par la juridiction mauritanienne;

Prescription de l’action ou de la peine suivant la législation mauritanienne ou celle de l’État requérant;

Infractions commises en tout ou en partie sur le territoire mauritanien;

Amnisties prononcées dans l’un des deux États.

d)Autorité habilitée à prononcer l’expulsion et le refoulement

L’expulsion et le refoulement d’un étranger sont prononcés par arrêté du Ministre de l’intérieur, si sa résidence dans le pays constitue une menace pour le maintien de l’ordre public, la protection de la santé, la moralité ou la sécurité publique ou si son entrée est irrégulière ou le séjour qui lui est accordé a expiré.

e)Recours contre une décision d’expulsion ou de refoulement

Tout étranger expulsé ou refoulé qui désire que la décision soit remise en cause a le droit de faire un recours gracieux pour que ladite décision soit annulée ou suspendue. En cas de rejet du recours gracieux, le plaignant peut saisir la chambre administrative de la Cour suprême pour recours d’excès de pouvoir contre l’acte administratif qui lui fait grief.

La conduite des étrangers expulsés ou refoulés à la frontière est à la charge de la Police nationale.

f)Formations spécialisées des responsables en charge de l’expulsion, du refoulement ou de l’extradition des étrangers

Le personnel chargé de l’expulsion, du refoulement de l’extradition des étrangers subit des formations basées sur le respect de la dignité humaine et les droits des personnes se trouvant dans pareille situation.

Par ailleurs, un projet de code de déontologie destiné à la Police nationale est en cours d’élaboration afin de doter ce personnel d’un outil efficace en matière de promotion et de protection des droits humains notamment des personnes en situation de refoulement, d’expulsion et d’extradition.

5.Article 4: définition et incrimination de la torture

Il n’existe pas de législation spécifique à l’incrimination de la torture comme cela a été signalé plus haut. Celle-ci n’est pas érigée en infraction pénale autonome. Les actes de torture sont cependant sanctionnés en tant que coups et blessures ou homicide.

À ce titre, les sanctions par le Code pénal et le CPP sont principalement:

Ordonnance n° 83.162 du 09.07.1983 portant institution d’un code pénal:

«A rt . 279. – Seront punis comme coupables d’assassinat, tous malfaiteurs, quelle qu’en soit la dénomination, qui, pour l’exécution de leurs crimes, emploient des tortures ou commettent des actes de barbarie.

[…]

A rt . 285. – Toute personne majeure qui, volontairement, aura fait des blessures ou porté des coups ou amputé un membre de l’organisme, ou toutes autres violences et voies de fait à un innocent, sera puni de la peine de “Ghissass” sauf dans les cas ci-après énumérés :

1.Si la victime et le coupable ne sont pas de même religion;

2.Si le coupable a bénéficié de la grâce de la victime, soit à titre onéreux, soit à titre gratuit

3.Si la blessure est grave à tel point que la peine de Ghissass risquerait de mettre la vie du coupable en danger : coups de poignard dans le ventre (diarifa) ou lorsqu’ils ont endommagé le cerveau (mamouma) ou encore lorsqu’ils ont touché le cerveau (dhamigha) ou enfin lorsqu’ils ont endommagé un os (mounakhila);

4.Lorsque le membre de l’organisme endommagé fait défaut chez le coupable;

5.Lorsque le membre endommagé est frappé d’incapacité totale et permanente et que le Ghissass risque de supprimer;

6.S’il est impossible de procéder à l’évaluation proportionnelle du préjudice subi par ces sortes de coups ou de violences.

Dans tous les cas ci-dessus énumérés, il ne sera prononcé que la condamnation à des réparations civiles (la Diya) à l’exception du cas prévu à l’alinéa 6 dont la peine est prévue à l’article 287 du présent code.

A rt . 286. – Lorsque les coups ou les blessures auront entraîné la perte de l’œil d’un borgne, la victime aura droit entre deux options :

1)soit le Ghissass;

2)soit la Diya totale.

Dans le cas où le ou les auteurs et la victime sont borgnes, la peine est une Diya totale. Il en va de même lorsque le coupable est amputé de plus d’un doigt. Dans tous les cas, il n’y a ni Ghissass ni Diya qu’après la guérison.

Dans tous les cas, seul le médecin compétent peut déterminer l’importance des coups et des blessures de même que leur conséquence, ainsi que l’exécution de la peine de Ghissass.»

Ordonnance n° 2007-036 du 17 avril 2007 portant institution du Code de procédure pénale:

«Article 58 . – Toute personne privée de liberté en vertu d’une arrestation ou détention ou toute autre forme de privation de liberté doit être traitée conformément au respect de la dignité humaine. Il est interdit de la maltraiter moralement ou physiquement ou de la détenir hors des lieux prévus légalement à cet effet.»

6.Article 5: compétence

Les articles 222 et 340 du CPP reconnaissent aux tribunaux correctionnels et aux cours criminelles la pleine compétence sur les actes de torture qui seraient qualifiés de délit ou de crime.

7.Article 6: détention préventive

Les auteurs des actes de torture sont détenus conformément à la qualification de l’acte qu’ils ont commis.

Selon le CPP:

«La détention préventive ne doit être ordonnée par le juge d’instruction que lorsqu’elle est justifiée soit par la gravité des faits, soit par la nécessité d’empêcher la disparition des preuves de l’infraction, la fuite de l’inculpé ou la commission de nouvelles infractions.»

Si l’acte de torture a été qualifié de délit, la détention préventive ne peut dépasser quatre mois, renouvelable une seule fois. S’il a été qualifié de crime, la durée de la détention préventive ne peut dépasser six mois, renouvelable une seule fois.

Dans tous les cas de détention préventive, le juge d’instruction est tenu de hâter le plus rapidement possible le déroulement de l’information. Il est responsable, à peine de prise à partie, de toute négligence qui aurait inutilement retardé l’instruction et prolongé la détention préventive.

8.Article 7: procédure garantissant les droits de la défense

Dans le cadre de l’application de l’article 7 de la Convention, le parquet de la République et la direction de l’administration pénitentiaire informent les représentations diplomatiques et consulaires des pays qui ont des ressortissants détenus en Mauritanie de l’évolution de leur situation judiciaire afin d’assurer autant que faire se peut la protection de leurs droits.

a)Droit à l’assistance d’un conseil

La personne, quelle que soit sa nationalité, poursuivie pour actes de torture sous les qualifications admises par le droit mauritanien bénéficie du droit à l’assistance d’un conseil conformément aux dispositions de l’article 57 du CPP qui permet à l’officier de police judiciaire d’autoriser la présence de l’avocat.

b)Traitement équitable à tous les stades de la procédure

L’article préliminaire de l’ordonnance n° 2007.36 portant révision de l’ordonnance n°83.63 du 9 juillet 1983 portant institution d’un code de procédure pénale dispose que «la procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l’équilibre des droits des parties». Elledoit garantir la séparation des autorités chargées de l’action publique et des autorités de jugement.

Les personnes se trouvant dans des conditions semblables et poursuivies pour les mêmes infractions doivent être jugées selon les mêmes règles.

c)Présomption d’innocence

La présomption d’innocence est garantie par le préambule de la Constitution qui dispose que la présomption d’innocence est le principe et que chaque personne est présumée innocente jusqu’à ce qu’une juridiction établisse sa culpabilité.

d)Égalité devant les tribunaux

Selon l’article 21 de la Constitution, «tout étranger qui se trouve régulièrement sur le territoire de la Mauritanie jouit de la protection de la loi pour sa personne et ses biens». De cette protection constitutionnelle il découle que les étrangers, au même titre que les nationaux, bénéficient d’un traitement égal devant la justice.

Les règles d’administration de la preuve en matière de torture sont les mêmes aussi bien pour les nationaux que pour les étrangers. Ces derniers bénéficient d’un égal accès à la justice sans discrimination fondée sur leur nationalité. Ils ont droit à l’exercice effectif des droits d’exercer des voies de recours dont l’opposition, l’appel et le droit de se pourvoir en cassation.

Les infractions peuvent être établies par tout moyen de preuve suivant les articles 293 à 317 du CPP: l’aveu, la preuve par témoins, de manière générale, les procès verbaux et les rapports constatant l’infraction, les rapports d’expertise médico-légale.

L’expert peut être appelé à témoigner à l’audience s’il y a lieu après avoir prêté serment.

9.Article 8: extradition

Le CPP considère que tous les auteurs de délits ou crimes sont extradables s’ils ne sont pas de nationalité mauritanienne et si les infractions qui leur sont reprochées ne tombent pas sous les critères suivants:

Les infractions ont été définitivement jugées en Mauritanie;

La prescription de l’action publique ou de la peine est acquise;

Les infractions ont été commises en tout ou en partie sur le territoire mauritanien;

Les infractions ayant été commises hors du territoire de l’État requérant par un étranger à cet État, la législation mauritanienne n’autorise pas la poursuite des mêmes infractions hors de son territoire par un étranger;

Une amnistie est intervenue dans l’État requérant ou une amnistie est intervenue dans l’État mauritanien à la condition que, dans ce dernier cas, l’infraction soit au nombre de celles qui peuvent être poursuivies en Mauritanie lorsqu’elles ont été commises hors de son territoire par un étranger.

10.Article 9: entraide judiciaire

La Mauritanie est État partie à la Convention d’entraide judiciaire entre la France et les pays francophones et àla Convention de Riyad sur l’entraide judiciaire entre les pays arabes.

11.Article 10: enseignement et information concernant l’interdiction de la torture

Le cursus des différents acteurs de la justice comprend depuis 2007 des formations sur l’interdiction de la pratique de la torture et des sanctions qu’encourent ses auteurs sur le plan disciplinaire, pénal et civil. Pour ce faire, des séminaires de formation et d’information des personnes qui peuvent intervenir dans la garde à vue, l’interrogatoire ou le traitement de tout individu arrêté, détenu ou emprisonné sont régulièrement organisés par le Ministère de la justice en partenariat avec la CNDH et le Ministère de l’intérieur.

Plus spécifiquement, afin de concrétiser l’article 10 de la Convention, des modules sur la prohibition et la prévention de la torture sont dispensés depuis 2010 par l’École nationale d’administration, de journalisme et de magistrature (ENAJM) et l’École nationale de police (ENP) pour les magistrats et policiers, les officiers de police judiciaire, d’une part, et le Centre d’El Mina pour l’accueil et la réinsertion sociale des enfants en conflit avec la loi (CARS) d’autre part. Ce dernier dispense régulièrement des formations sur la prévention de la torture aux fonctionnaires de l’administration pénitentiaire.

Par ailleurs, des séminaires de sensibilisation ont été dispensés aux médecins afin de les amener à contribuer à la lutte contre la torture sous toutes ses formes. Ces formations insistent sur la prévention, la prohibition et l’interdiction de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants.

12.Article 11: surveillance et traitement des personnes arrêtées ou détenues

a)Protection du gardé à vue

En vertu de l’article 37 du CPP, le Procureur de la République dirige l’activité de la police judiciaire notamment les officiers de police judiciaire chargés de rassembler les preuves et les indices en vue d’établir l’existence d’une infraction. Dans l’accomplissement de leur mission, ils agissent sous la direction et le contrôle du Procureur de la République. Ce dernier peut, à tout moment, procéder à des contrôles de la régularité et de la légalité de la détention pendant la garde à vue ou celle subie dans les établissements pénitentiaires en qualité de membre de la commission de surveillance des prisons. Ils sont astreints de rendre des comptes au Procureur de la République des résultats obtenus et de lui transmettre les procès-verbaux d’enquêtes y compris les informations sur le respect du délai de garde à vue.

Afin de prévenir tout acte de torture, l’alinéa 3 de l’article 36 du CPP dispose:

«Lorsqu’un suspect est déféré par la police judiciaire, le procureur de la République est tenu de procéder à son interrogatoire en présence de son avocat, sur son identité complète, l’accusation qui lui est adressée et les conditions dans lesquelles le fait a été commis. Cet interrogatoire doit être constaté par un procès-verbal écrit.»

Le non-respect de ces dispositions entraîne la nullité de la procédure.

Par ailleurs, la présence de l’avocat dès la première heure de la garde à vue des mineurs et la dernière heure de la première garde à vue des majeurs permet d’éviter la pratique de la torture et de mauvais traitements pendant l’interrogatoire ou pendant la garde à vue.

b)La détention dans des établissements pénitentiaires

La détention préventive ne doit être ordonnée par le juge d’instruction que lorsqu’elle est justifiée soit par la gravité des faits, soit par la nécessité d’empêcher la disparition des preuves de l’infraction, la fuite de l’inculpé ou la commission de nouvelles infractions.

Cependant, en vertu de l’article 139 du CPP:

«Dans tous les cas de détention préventive, le juge d’instruction est tenu d’accélérer le plus possible le déroulement de l’information. Il est responsable, à peine de prise à partie, de toute négligence qui aurait inutilement retardé l’instruction et prolongé la détention préventive.»

En effet, conformément aux dispositions du même article, si le juge d’instruction ne met pas fin à l’instruction par ordonnance, le détenu est présenté par le régisseur de la prison au Procureur de la République qui le présente au juge d’instruction qui doit le libérer immédiatement, sauf s’il est détenu pour une autre cause.

c)Mécanisme indépendant de contrôle et de surveillance des lieux de détention

Les établissements pénitentiaires font l’objet d’un triple contrôle. En effet, il existe d’abord des visites systématiques organisées par l’administration pénitentiaire. Les services de la réinsertion sociale, du suivi de l’action publique et ceux de la santé sont quotidiennement présents dans les lieux. À cela s’ajoute le service de l’alimentation qui veille à ce que les menus soient respectés et parviennent aux détenus en quantité et qualité suffisante.

Ensuite, les autorités judiciaires, notamment les procureurs, les juges d’instruction et les présidents de juridiction, sont tenues de suivre la situation des détenus qu’ils ont placés en prison. La mise en place de l’institution du juge de l’exécution des peines contribue également au renforcement du contrôle des établissements pénitentiaires.

Enfin, à l’instar de beaucoup de pays, la Mauritanie possède une commission de surveillance des prisons qui est chargée du contrôle des établissements pénitentiaires sur les questions liées à la salubrité, la sécurité, la nourriture, l’organisation des soins, le travail et la discipline, l’observation des règlements, la tenue des dossiers, l’enseignement et la préparation au retour à la société des personnes détenues. Par ailleurs, la CNDH peut se saisir des cas de violation des droits de l’homme y compris celles relatives à la torture ou de mauvais traitements. Elle adresse des rapports aux autorités compétentes en cas de violation des droits de l’homme constatés y compris la pratique de mauvais traitements et de torture à l’encontre des personnes privées de liberté.

Dans le même ordre d’idées, les prisons mauritaniennes sont visitées par les ONG nationales des droits de l’homme ou internationales comme Amnesty International ainsi que les institutions internationales comme le CICR ou les rapporteurs des Nations Unies sur les questions des droits de l’homme.

13.Article 12: enquête impartiale en cas d’actes de torture

a)Les autorités compétentes en matière pénale

La qualification d’actes de torture n’étant pas encore consacrée dans le droit mauritanien, les personnes suspectées d’avoir commis un acte de torture sont poursuivies sous le vocable de coups et blessures ou d’homicide volontaire. Aussi, lorsqu’il y a des raisons de penser qu’un acte de torture ou de mauvais traitement a été commis, les officiers de police judiciaire dont dépend l’auteur présumé, le procureur de la République ou le juge d’instruction informés de cette situation peuvent prendre toutes les mesures nécessaires en vue d’une enquête immédiate pour l’établissement des faits.

L’officier de police dont dépend l’auteur présumé peut procéder à l’enquête et faire remplacer l’agent fautif par un autre. Il doit rendre compte de cette situation au Procureur de la République pour lui demander les instructions sur la suite à donner.

Le Procureur de la République, au vu des informations ou des renseignements sur l’existence d’actes de torture ou de mauvais traitements (sous les qualifications en vigueur dans le droit mauritanien) qui auraient été commis, peut faire procéder à une enquête en vue de vérifier le bien-fondé des faits de torture ou de mauvais traitements allégués. Dans l’hypothèse où des charges sérieuses ont été relevées, il peut engager la poursuite et traduire l’auteur devant la juridiction pénale compétente.

De même, le juge d’instruction peut informer le Procureur de la République sur l’existence éventuelle d’actes de torture ou de mauvais traitements relevés en cours d’instruction. Le Procureur de la République apprécie la suite à donner et pourra prendre les mesures en vue de l’ouverture d’une enquête. Les résultats de l’enquête pourront être communiqués au juge d’instruction en vue d’aider ce dernier à la prise de décision, écartant les aveux obtenus par la torture. La poursuite de l’auteur des actes de torture fera l’objet d’une procédure distincte.

Ainsi, il appartient à la juridiction pénale saisie à cet effet de prononcer une décision de condamnation contre les tortionnaires lorsque les preuves sont jugées suffisantes.

b)Les autorités compétentes sur le plan disciplinaire

L’organe doté de pouvoir disciplinaire et compétent pour engager la poursuite disciplinaire d’un magistrat fautif est le Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Il dispose d’une section disciplinaire présidée par le Président de la Cour suprême s’il s’agit de sanctionner un magistrat du siège et d’une section disciplinaire présidée par le Procureur général près la Cour suprême s’il s’agit d’un magistrat du parquet.

Au sein de la police, l’autorité compétente est le Conseil de discipline de la Police nationale.

Au niveau de la gendarmerie, l’autorité compétente est le Conseil d’enquête de la Gendarmerie nationale.

Au niveau de l’administration pénitentiaire, il s’agit du Conseil supérieur de la fonction publique qui est doté de pouvoir disciplinaire à l’égard de tous les fonctionnaires.

c)Examen médical et expertise médico-légale

L’article 58 du CPP pénale dispose:

«Toute personne privée de liberté en vertu d’une arrestation ou détention ou toute autre forme de privation de liberté doit être traitée conformément au respect de la dignité humaine. Il est interdit de la maltraiter moralement ou physiquement ou de la détenir hors des lieux prévus légalement à cet effet. Souvent, les officiers de police judiciaire à leur propre initiative ou à la demande des personnes détenues ont recours à l’expertise médicale pour déterminer leur état de santé avant la garde à vue.

d)Peines encourues

À l’issue des procédures de poursuite pour actes de torture, si les preuves sont suffisantes, les peines à prononcer par les juridictions de jugement sont celles prévues par le Code pénal et le Code procédure pénale.

14.Article 13: droit de porter plainte

Les actes de torture relèvent du droit commun et sont poursuivis conformément aux procédures prévues pour enquêter, instruire, juger et sanctionner éventuellement les coups et blessures volontaires ou les homicides. Pour ce faire, la victime de tels actes peut user des procédures de droit commun pour recouvrir son droit. À cet effet, plusieurs recours lui sont ouverts.

a)Recours ouverts aux victimes

Recours judiciaire. Les victimes disposent du droit de porter plainte devant les officiers de police judiciaire ou devant le Procureur de la République qui apprécient l’opportunité de la poursuite. S’ils estiment les plaintes fondées, ils engagent la poursuite par le biais de la citation directe, l’information sommaire ou l’instruction préparatoire.

Les victimes peuvent également saisir la CNDH qui est compétente pour faire des enquêtes et saisir les autorités compétentes. Elle est habilitée à recevoir et examiner des plaintes individuelles ou collectives liées à des violations de droits de l’homme Les résultats des enquêtes peuvent être exploités par les autorités compétentes en vue d’établir la réalité des faits allégués.

Enfin, la constitution de partie civile devant le juge d’instruction permet également à la victime d’actes de torture de recouvrer ses droits, et ce, conformément aux dispositions de l’article 75 du CPP qui dispose: «Toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit peut, en portant plainte, se constituer partie civile devant les juges d’instruction.»

Dans ce cas, l’action publique est enclenchée et la saisine de la juridiction de jugement garantie sauf s’il existe des motifs de droit empêchant cette saisine, notamment l’extinction de l’action publique par la prescription, l’amnistie, le décès de l’auteur ou le fait que l’affaire est déjà jugée.

b)Mécanismes prévus pour assurer la protection des plaignants et des témoins

Il n’existe toujours pas dans le droit mauritanien de dispositions juridiques spécifiques sur la protection des plaignants, des témoins, des enquêteurs, ainsi que de leurs familles contre tout acte d’intimidation ou de représailles en raison des plaintes pour tortures ou mauvais traitements. La Mauritanie ne dispose toujours pas également de services spécialisés en matière de lutte contre la torture

Cependant, la législation sur la lutte contre le terrorisme comprend des dispositions qui couvrent la protection des enquêteurs et de leurs familles. Il est envisagé de les étendre aux acteurs de la lutte contre la torture qui peuvent être l’objet d’actes d’intimidation ou de représailles en raison de l’enquête ou des rapports effectués dans le cadre d’une plainte déposée pour torture ou mauvais traitement. Ce processus interviendra dès la fin des réflexions engagées dans le cadre du processus d’élaboration d’une loi nationale contre la torture.

15.Article 14: droit d’obtenir réparation

a)Procédures prévues pour indemniser les victimes de torture

Il n’existe pas de dispositions spécifiques relatives à la procédure d’indemnisation des victimes de torture dans le droit mauritanien. Celles-ci doivent se référer au droit commun pour réclamer réparation. Pour ce faire, elles peuvent se prévaloir de l’article 2 du CPP qui dispose: «L’action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction.»

L’action en réparation peut être exercée en même temps que l’action publique et devant la même juridiction. Elle est recevable pour tous les chefs de dommage, aussi bien matériels que corporels ou moraux, qui découleront des faits objet de la poursuite. Elle est également recevable pour tous les chefs de dommages imputables à la personne poursuivie et ayant un rapport de connexité avec les faits objet de la poursuite.

b)Le passif humanitaire

L’année 2009 est marquée par le dénouement heureux du passif humanitaire consécutif aux exactions commises au sein de nos forces armées et de sécurité au cours de la période 1987-1991.

Le processus de règlement de cette importante question s’est traduit par la reconnaissance de la responsabilité de l’État dans les douloureux événements survenus, le devoir de justice et de réparation, le devoir de mémoire et le pardon.

Cela s’est concrétisé grâce au processus de concertation engagé entre les pouvoirs publics et les ayants droits aboutissant à l’engagement des deux parties à aboutir à une forme d’arrangement conformément au droit mauritanien, aux valeurs du peuple mauritanien, peuple musulman, arabe et africain, ainsi qu’aux engagements internationaux du pays.

Tous ces éléments ont été traduits par la prière en la mémoire des victimes, le 25 mars 2009 à Kaédi, l’indemnisation des ayants droits et recensement des fonctionnaires et agents contractuels de l’État victimes des événements de 1989 en vue de leur indemnisation.

A Kaédi, le 25 mars 2009, notre pays a décidé, en organisant la journée de réconciliation nationale, de tourner à jamais cette page de son histoire.

Cette réconciliation constitue une étape cruciale du règlement de cette question nationale qui, des décennies durant, a retardé le développement politique, économique et social du pays.

Interdiction d’utiliser comme preuve une déclaration obtenue par la torture

Article 15: irrecevabilité de toute déclaration obtenue par la torture

L’article préliminaire de l’ordonnance n° 2007.36 portant révision de l’ordonnance n°83-63 du 9 juillet 1983 portant institution d’un code de procédure pénale dispose: «L’aveu obtenu par la torture, la violence ou la contrainte n’a pas de valeur.»Par conséquent, il est interdit aux juridictions de se fonder sur des éléments de preuve entachés de torture.

Pour ce faire, encas d’aveu extorqué par l’utilisation de la torture, les juridictions pénales doiventasseoir leurs décisions sur la base d’autres éléments de preuve. Cette option est d’autant plus facilitée que le droit mauritanien consacre la liberté de preuve en matière pénale dont l’aveu, le témoignage, les preuves matérielles, médicales, l’expertise. Ainsi donc, le juge pénal peut asseoir sa conviction sur des éléments de preuve autres que ceux obtenus par la torture.

Mesures prises pour prévenir les actes constitutifs de mauvais traitements

Article 16: prohibition des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

La législation mauritanienne cerne indirectement la torture. C’est que l’article 13 de la Constitution du 20 juillet 1991 modifiée en 2006 énonce: «Toute forme de violence morale ou physique est proscrite».

L’article préliminaire de l’ordonnance n° 2007.36 portant révision de l’ordonnance n°83.63 du 9 juillet 1983 portant institution d’un code de procédure pénale dispose: «L’aveu obtenu par la torture, la violence ou la contrainte n’a pas de valeur».

L’article 10 de l’ordonnance n° 2005.015 du 5 décembre 2005 portant protection pénale de l’enfant dispose que «le fait de soumettre un enfant à des tortures ou à des actes de barbarie est puni de six ans de réclusion criminelle», tandis que son article 11 punit de 15 ans de réclusion criminelle l’auteur de l’infraction si elle est commise de manière habituelle sur un enfant ou qu’elle a entraîné des séquelles, une mutilation ou une infirmité permanente et la réclusion criminelle à perpétuité lorsqu’elle a entraîné la mort de l’enfant sans intention de la donner.

Enfin, l’article 15 de la loi 2010.07 du 20 janvier 2010 portant statut de la police dispose:

«Le personnel de la Police nationale a l’obligation de s’abstenir de tout acte de nature à porter atteinte aux libertés individuelles et collectives, sauf cas prévu par la loi, et de façon générale de tous traitements cruels ou dégradants constituant une violation des droits de la personne humaine.»

Les formations dispensées au personnel chargé de la surveillance des détenus mettent l’accent sur les critères de détermination des actes considérés comme cruels, inhumains ou dégradants en se basant sur l’idée de l’inviolabilité de la personne humaine et du respect de sa dignité.

Par ailleurs, s’inspirant de ce qui existe dans les États de droit, les formateurs mauritaniens se servent des éléments suivants pour déterminer les actes constitutifs de mauvais traitements:

La détention à long terme de demandeurs d’asile pendant l’examen de leur demande;

La détention dans une cellule pendant 22 heures par jour sans aucune activité pour occuper le prisonnier;

L’absence d’installations séparées pour les hommes, les femmes et les enfants en détention;

L’usage abusif par les forces de l’ordre d’armes chimiques irritantes, incapacitantes ou mécaniques dans le cadre d’opérations de contrôle de foule;

Les représailles, intimidations et menaces dont seraient victimes les personnes qui dénoncent des actes de torture et des mauvais traitements;

Le paiement par les prisonniers d’une partie des dépenses liées à leur emprisonnement.

Conditions de vie dans les prisons

Afin d’éviter toute détention arbitraire, les conditions d’admission dans des centres de détention sont réglementées par les articles 642 à 650 du CPP.

Nul ne peut être privé de liberté qu’en vertu d’une décision émanant de l’autorité judiciaire ordonnant sa détention préventive ou en vertu de l’exécution d’une décision ayant acquis l’autorité de la chose jugée prononçant à son encontre une condamnation à l’emprisonnement, à la détention ou à la contrainte par corps.

La détention ne peut avoir lieu que dans des institutions pénitentiaires relevant du Ministère de la justice.

La détention préventive des inculpés, prévenus et accusés prend effet à compter du jour de l’écrou, quel que soit l’acte qui a motivé l’incarcération.

Lorsqu’une peine d’emprisonnement est prononcée, la durée de la détention préventive est imputée sur la durée de cette peine.

Pendant la détention préventive, le juge d’instruction, le Président du tribunal correctionnel, le Président de la cour criminelle, le Procureur de la République et le Procureur général près la cour d’appel peuvent donner tous les ordres nécessaires tant pour les besoins de l’instruction que pour tout autre acte de procédure.

Les inculpés, prévenus et accusés soumis à la détention préventive la subissent dans un quartier spécial de la prison du lieu de leur détention. Ils sont isolés des condamnés et placés au régime de l’emprisonnement individuel de jour et de nuit.

L’exécution des peines privatives de liberté

Les condamnés à des peines criminelles, les condamnés à l’emprisonnement correctionnel, les condamnés à l’emprisonnement de simple police sont internés si possible au sein d’un même établissement pénitentiaire dans des quartiers distincts.

La répartition des condamnés dans les prisons établies par peine s’effectue, compte tenu de leur catégorie pénale, de leur âge, de leur sexe, de leur état de santé et de leur personnalité.

Les condamnés à des peines privatives de liberté pour des faits qualifiés de crimes ou de délits de droit commun, sont astreints au travail. Les produits du travail de chaque condamné sont affectés selon des règles prévues par décret.

Chaque établissement pénitentiaire est pourvu d’un registre d’écrou signé et paraphé à toutes les pages par le Procureur de la République. Tout exécutant d’arrêt ou de jugement de condamnation, de mandat de dépôt ou d’arrêt, de mandat d’amener lorsque ce mandat doit être suivi d’incarcération provisoire, d’ordre d’arrestation ou de billet d’écrou établi conformément à la loi, est tenu, avant de remettre au régisseur de la prison la personne qu’il conduit, de faire inscrire sur le registre l’acte dont il est porteur. Le régisseur lui délivre une décharge de la personne incarcérée.

En cas d’exécution volontaire de la peine, le régisseur mentionne sur le registre d’écrou, l’extrait de l’arrêt ou le jugement de condamnation qui lui a été transmis par le Procureur général de la cour d’appel ou le Procureur de la République.

Dans tous les cas, le régisseur mentionne la date d’incarcération et le numéro du registre d’écrou sur l’acte qui lui a été transmis et adresse aussitôt cet acte au Procureur général près la cour d’appel ou au Procureur de la république.

Le registre d’écrou mentionne également conformément à l’acte de remise la date de la sortie du détenu ainsi que, s’il y a lieu, la décision ou le texte de loi motivant la libération

Nul régisseur de prison ne peut, à peine d’être poursuivi et puni comme coupable de détention arbitraire, recevoir ni détenir une personne qu’en vertu d’un arrêt ou jugement de condamnation, d’un mandat de dépôt ou d’arrêt, d’un mandat d’amener, lorsque ce mandat doit être suivi d’incarcération provisoire, d’un ordre d’arrestation ou d’un billet d’écrou établi conformément à la loi et sans lequel l’inscription sur le registre d’écrou ait été faite.

L’inobservation de ces dispositions expose son auteur à des poursuites disciplinaires et pénales.

Violences pénitentiaires et poursuites y afférentes

Si un détenu use de menaces, injures ou violences ou commet une infraction à la discipline, il peut être enfermé seul dans une cellule aménagée à cet effet ou même être soumis à des moyens de coercition en cas de fureur ou de violence grave, sans préjudice des poursuites éventuelles.

Surveillance des prisons

Le juge d’instruction, le juge de l’exécution des peines, le procureur de la République et le Procureur général près la cour d’appel visitent les établissements pénitentiaires. Les prisons sont en outre placées sous la surveillance des commissions de contrôle des établissements pénitentiaires.

Conditions de détention des mineurs

Les mineurs sont affectés dans des quartiers séparés de ceux des adultes. Les mineurs détenus bénéficient de traitements adaptés à leur situation. Ils bénéficient du droit à l’éducation et à l’enseignement. Ils bénéficient également des mêmes droits que les adultes, entre autres, le droit de visite, le droit de communiquer avec les membres de leur famille, le droit d’être assisté par un conseil.

Le Centre d’El Mina pour l’accueil et la réinsertion sociale

La Mauritanie dispose d’un centre semi-ouvert pour la réinsertion sociale des enfants en conflit avec la loi. Il a été crée par arrêté n° 0692 du 21 mars 2010 du Ministre de la justice portant création du CARS.

Le CARS est une structure du Ministère de la justice dont la mission s’inscrit dans l’esprit de l’ordonnance 2005.015 du 5/12/05 portant protection pénale de l’enfant:

Il reçoit des enfants entre 13 et 18 ans ou mineurs à l’époque des faits, de deux sexes, sous mains de justice (détenus ou non) par ordre de placement du juge, condamnés ou dans une autre phase de la procédure pénale, afin de leur réinsertion sociale;

Il offre aux juges la possibilité de prendre des mesures éducatives en alternative à la simple détention (préambule) et il assure la collaboration avec les autorités de la justice (ex.: accompagnement de l’enfant pendant les audiences du juge, contacts entre juges et mineurs);

Il assure la formation du personnel du Centre.

Les destinataires et les bénéficiaires des services du CARS sont les enfants en conflit avec la loi de deux sexes, les familles des enfants, les juges et les procureurs des enfants et le personnel du Ministère de la justice.

Les services du CARS sont:

Accueil: information sur les droits, visite médicale et soins, écoute et consultation psychologique, fourniture d’habillement et de matériel d’hygiène personnelle, logement, cantine, loisirs (sport, vidéo-bibliothèque);

Éducation et formation: écoute et appui éducatif, alphabétisation, éducation civique, scolarisation, formation professionnelle (couture, informatique, mécanique, menuiserie), arts plastiques, sport;

Réinsertion sociale: participation des familles et du personnel social et de la justice, étude, financement et mise en place des projets individuels, suivi éducatif et assistance technique à l’enfant.

Les structures et les moyens du centre sont:

Logements (3 dortoirs avec une capacité totale de 40 places pour les garçons et 20 places pour les filles) avec douches et WC;

Un service de cantine, un terrain de football et un terrain de volley-ball;

Une salle polyvalente équipée d’un écran pour projections et d’un téléviseur pour les alphabétisations en arabe et en français, les animations et les sensibilisations, ateliers pour formations professionnelles (couture, coiffure, cuisine, électricité, informatique, maçonnerie/carrelage, mécanique, menuiserie bois et métallique, plomberie), une bibliothèque;

Une administration équipée avec ordinateurs et imprimantes;

Une infirmerie fournie des médicaments de base, des chambres d’isolement, des lits et un service d’une infirmière diplômée, une salle d’écoute psychologique;

Une salle de garde pour le service de surveillance et de sécurité;

Trois véhicules.

Le message éducatif du Centre est le suivant:

L’enfant doit comprendre que le CARS n’est pas une prison. Dans une prison, la durée du séjour est basée sur une peine proportionnée à la gravité du délit, tandis que dans le Centre la durée du séjour est finalisée à la rééducation et, par conséquent, peut être personnalisée à l’enfant et indépendante de la gravité du délit;

On rappelle aux enfants que tout être humain est titulaire des droits (droit à la vie, à la santé, au respect, à l’intégrité physique et à la sécurité, à la propriété, etc.);

Droits et devoirs vont ensemble: le devoir en général se justifie comme le respect du droit de l’autre. Par exemple, le règlement intérieur du CARS prévoit l’accomplissement de certains devoirs de la part de l’enfant pour assurer le bon déroulement des activités du Centre qui sont destinées à la réalisation des droits des enfants et à leur réinsertion sociale.

La réinsertion sociale est possible si l’enfant y participe avec bonne volonté et sincérité. Pour sa réinsertion, le CARS peut lui offrir un parcours formatif dans des secteurs qui peuvent faciliter la recherche d’un emploi. Le Centre s’engage à faire partager le parcours de réinsertion sociale aux familles, au milieu social d’origine de l’enfant et aux différentes autorités qui peuvent être concernées (juges, police, assistants sociaux, etc.). Mais l’enfant doit participer activement et démontrer avec son nouveau comportement civique que sa réinsertion sociale est possible.

Certaines valeurs civiques sont par conséquent proposées par le CARS à l’enfant et illustrées avec différentes formes et modalités (cours d’éducation civique, séances audiovisuelles, témoignages, jeux de rôles, sport) auxquelles l’enfant pourra apporter activement sa contribution. La qualité et la continuité de sa participation seront le facteur d’évaluation que le Centre prendra en considération, pendant des évaluations mensuelles de l’équipe du Centre destinées à mesurer le niveau d’éducation civique atteint par l’enfant et qui est indispensable pour sa réinsertion sociale. Un système de fiches de suivi et d’évaluation de l’enfant est appliqué par l’équipe du Centre.

Sur le plan de l’approche pédagogique, les projets individuels de réinsertion sociale se développent grâce à un travail commun du directeur, de la coordinatrice didactique, de l’assistante sociosanitaire, des formateurs, des surveillants qui contribuent tous à identifier le potentiel du mineur et développent les relations de famille et le partenariat avec les juges pour enfants, les travailleurs sociaux, la police du lieu où l’enfant est destiné à être réinséré.

La mise en confiance de l’enfant est l’opération la plus importante car si l’enfant ne participe pas à son projet, ce dernier est destiné à l’échec. Le cœur de l’approche éducative est de transmettre à l’enfant l’envie de connaître et de savoir, l’amour pour le travail et la confiance en ses propres moyens personnels.

L’enfant doit se sentir respecté, encouragé, informé et guidé pour devenir capable de mettre en valeur ses capacités personnelles, spécifiques à sa nature. Par exemple, la compétition sportive doit se baser sur l’envie de participer, sur l’acceptation de ses limites, sur la reconnaissance des capacités des autres, sur le respect des règles du jeu et sur la solidarité entre compétiteurs, engagés ensemble à exalter la beauté de la compétition.

Les formateurs doivent surtout se soucier des «derniers», de ceux qui manifestent plus de difficultés, en faisant ainsi tous les efforts pour comprendre les causes qui empêchent la réussite des élèves. Un enseignant doit être capable d’enseigner aux plus réticents des élèves, sinon c’est l’enseignant qui n’est pas à la hauteur de sa mission et non l’enfant.

IV.Conclusion

Conformément à ses engagements conventionnels et à sa déclaration de candidature en qualité de membre du Conseil des droits de l’homme, la République islamique de Mauritanie œuvre inlassablement au service de la promotion et de la protection des droits humains.

C’est dans ce cadre que le Gouvernement, sur instruction du Président de la République, décide aujourd’hui d’engager à travers l’élaboration et la présentation du présent rapport un dialogue permanent et constructif avec le Comité contre la torture sur la mise en œuvre des dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants.

La République islamique de Mauritanie tient par cette occasion à réaffirmer son engagement souscrit lors de son passage devant le Groupe de travail sur l’Examen périodique universel en novembre 2010 destiné à incriminer et à sanctionner les actes de torture à travers l’adoption d’une loi pénale spéciale et à traduire en justice les auteurs des allégations avérées de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Elle réitère par la même occasion son attachement aux idéaux, principes et valeurs contenus dans sa Constitution et dans les instruments juridiques régionaux et internationaux auxquels elle est partie.