Nations Unies

CAT/C/MRT/FCO/2

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

10 février 2020

Original : français

Anglais et français seulement

Comité contre la torture

Renseignements reçus de la Mauritanie au sujet de la suite donnée aux observations finales concernant son deuxième rapport périodique *

[Date de réception : 2 janvier 2020]

I.Introduction

1.La République Islamique de Mauritanie a présenté son 2ème rapport périodique sur la mise en œuvre de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, les 24 et 25 juillet 2018, au cours des 1656ème et 1659ème séances du Comité des Nations Unies contre la torture.

2.Lors de ces sessions, des recommandations ont été formulées par le Comité en vue de mieux lutter contre la torture.

3.Aussi, a-t-il été demandé à l’État mauritanien, d’accorder une attention prioritaire à l’application des observations finales et recommandations avant la présentation de son prochain rapport périodique.

4.Toutefois, le Comité a invité la Mauritanie, à fournir des informations écrites sur les mesures qu’elle aura prises pour appliquer les recommandations figurant aux paragraphes 15, 27 b) et 31 des observations finales.

II.Renseignements complémentaires (CAT/C/MRT/CO/2)

A.Renseignements complémentaires concernant le paragraphe 15des observations finales

5.Depuis l’adoption de la loi no 2015-033 du 10 septembre 2015 relative à la lutte contre la torture, six (06) enquêtes concernant des allégations de torture, ont été diligentées.

6.Le procureur général près la Cour Suprême, à travers les circulaires no 023/2017 du 24 janvier 2017 et no 111/2017 relatives, d’une part à la mise en mouvement et à l’exécution des décisions judiciaires et d’autre part à la mise en œuvre de la politique pénale, a mis l’accent sur la conduite du ministère public quant aux mesures à prendre pour donner suite immédiate aux allégations de torture, entre autres infractions spécifiées dans ces actes.

7.Ces circulaires instruisent les procureurs généraux et procureurs de la République et leurs substituts d’accorder la priorité et le traitement célère des procédures en relation avec des faits relatifs à la torture entre autres.

8.Ces circulaires ont insisté sur la nécessité que les réquisitions du ministère public soient conformes au but poursuivi de lutte et de dissuasion de commission de telles infractions, ainsi que l’exécution des sentences prononçant des condamnations privatives de liberté ou de condamnations pécuniaires.

9.Les mesures disciplinaires sont immédiatement entreprises contre les auteurs des actes de torture, et ce dès le déclenchement de l’enquête. Les statuts de la garde nationale, la police nationale et le Groupement Général de Sécurité de Route, ainsi que celui de la fonction publique et du Code de déontologie des agents de l’État, prévoient la suspension en cas de faute grave sans préjudice des poursuites pénales et ou pénales. Il reste évident que les actes de torture et mauvais traitement en constituent des fautes graves interdites et incriminés.

10.L’article 12 de la loi no 93-09 du 18 janvier 1993 portant statut général des fonctionnaires et agents contractuels de l’État, prévoit que toute faute commise par un fonctionnaire dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, l’expose à une sanction disciplinaire, sans préjudice le cas échéant, des peines prévues par la législation pénale. Il en est de même pour toute faute non liée au service, constituant un manquement à la probité, à l’honneur, aux bonnes mœurs, à la dignité et à l’obligation de loyauté envers l’État et ses institutions, ou de nature à jeter la déconsidération sur l’administration. Lorsque la faute commise constitue un délit ou un crime, et notamment s’il s’agit de corruption, de détournement de deniers publics, de faux en écritures publiques, de violation du secret professionnel, etc. le ministère public doit être saisi sans délai par l’autorité dont dépend le fonctionnaire.

11.Dans l’affaire de l’officier et des gardes de la Prison de Dar-Naim. Aussi, dans une affaire de suspicion de mauvais traitement infligés à des enfants au niveau du CARSEC, les présumés auteurs ont fait immédiatement l’objet de mesures de suspension dès le déclenchement de l’enquête administrative, bien qu’in fine, les résultats de l’enquête n’ont pas conclu à la commission de ces faits.

12.Aussi, l’article 36 de la loi no 2018-033 du 8 août 2018, portant statut de la police nationale précise que « le personnel de la police à l’obligation de s’abstenir de tout acte de nature à porter atteinte à la liberté individuelle ou collective sauf cas prévu par la loi et de manière générale de tout traitement cruel inhumain ou dégradant constituant une violation des droits de la personne humaine ».

13.L’article 1er du décret no 2011-283 du 10 novembre 2011, portant règlement de discipline générale du Groupement Général de Sécurité des Routes (GGSR) affirme que les dispositions législatives et réglementaires relatives à la discipline des fonctionnaires et agents de l’État sont applicables au personnel du GGSR. En outre, ce décret prévoit toute une procédure et une série de catégories de fautes et de sanctions pouvant être infligées à ce personnel en cas de fautes graves, notamment en cas de traitement cruel inhumain ou dégradant.

14.L’arrêté no 241 du 24 avril 1967, portant règlement sur le service de la garde nationale précise en son article 46 que « tout acte de la garde nationale qui trouble les citoyens dans l’exercice de leur liberté individuelle est un abus de pouvoir » et que « le personnel qui s’en rend coupable encourt une sanction disciplinaire indépendamment des poursuites judiciaires qui pourraient être exercées à son encontre ».

15.Au niveau de la Direction Générale de la Sûreté Nationale (DGSN), la direction du contrôle et de relations publiques est appelée à contrôler et à inspecter les services de police chaque fois qu’il y a faute telle que torture, forfaiture, voie de fait ou transgression d’une règle de droit. À l’issue des résultats de ses enquêtes, des mesures disciplinaires sont prises sans préjudices des poursuites pénales.

16.La Commission Nationale des Droits de l’Homme et le Mécanisme National de Prévention de la Torture sont habilités à recevoir les plaintes relatives aux allégations de torture et de mauvais traitements. Le dépôt des plaintes se fait de plusieurs manières : (1) par les victimes en personne via les boites postales disponibles dans les lieux de privation de liberté ; (2) par les ayants droits des victimes ; (3) par les organisations de la société civile ; (4) par les avocats ; ou (5) suite aux constats lors des visites régulières que la CNDH et le MNP effectuent aux lieux de privation de liberté.

17.Le MNP a installé des boites aux lettres accessibles pour faciliter le dépôt des plaintes et dénonciations de la part des détenus. L’accès au contenu confidentiel de ces boites aux lettres est réservé au MNP lors des passages et visites qu’il effectue, y compris de façon inopinée.

18.Les procureurs de la république effectuent régulièrement des visites dans les lieux de privation de liberté pour s’enquérir des conditions de détention et en contrôler la légalité. Ils peuvent à cette occasion s’entretenir de façon directe et privée avec tous individus et recevoir en privé les dénonciations, plaintes, allégations en rapport avec lesdites conditions de détentions. Ces visites sont documentées sur les registres tenus dans ces lieux.

19.L’indépendance du pouvoir judiciaire est garantie par la constitution, dont l’article 89 dispose « Le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. Le Président de la République est garant de l’indépendance de la Magistrature. Il est assisté par le Conseil Supérieur de la Magistrature qu’il préside. » Le juge n’obéit qu’à la loi. Dans le cadre de sa mission, Il est protégé contre toute forme de pression de nature à nuire à son libre arbitre.

20.Une loi organique fixe le statut de la Magistrature, la Composition, le fonctionnement et attributions du Conseil Supérieur de la Magistrature. Les nominations des magistrats aux divers emplois de la magistrature sont faites suivant leur grade et leur ancienneté au sein de ces grades.

21.Les magistrats du siège ne sont soumis, dans l’exercice de leurs fonctions juridictionnelles, qu’à l’autorité de la loi. Ils sont inamovibles et ne peuvent être affectés que sur leur demande, à l’occasion d’une sanction disciplinaire ou pour nécessité majeure de service, après avis conforme du conseil supérieur de la magistrature.

22.Les magistrats perçoivent des salaires et traitements qui les prémunissent de la corruption. Ils sont au premier plan des fonctionnaires les mieux payés. Les salaires comprennent outre, les éléments essentiels du salaire, des indemnités de domesticité et de logement ameublement qui varient selon le grade et la fonction, des indemnités liées à la fonction ainsi qu’une indemnité de judicature spécifique au corps de la magistrature.

23.Les magistrats de siège sont inamovibles et ne peuvent être affectés que sur leur demande, à l’occasion d’une sanction disciplinaire ou pour nécessité majeure de service, après avis conforme du conseil supérieur de la magistrature (art. 8 du statut de la magistrature). En pratique cette inamovibilité est favorisée par la séquence des réunions du conseil supérieur de la magistrature. En fait, sauf exception, le Conseil supérieur se réunit une fois par an en fin d’année. Son ordre du jour porte essentiellement sur la gestion des carrières des magistrats ; avancement, mise à disposition, détachement, droit à la retraite, etc.

B.Renseignements complémentaires concernant le paragraphe 27 (b)des observations finales

24.Il n’existe aucun défenseur des droits de l’homme en situation de privation de liberté.

25.Le nommé Mohamed Cheikh Ould Mkhaitir a été condamné le 9 novembre 2017 à deux ans d’emprisonnement ferme par la Cour d’appel de Nouadhibou, en application de l’article 306 du Code pénal. Cette condamnation a couronné une affaire longue, pleine d’incidents, et marquée par des évènements uniques de leur genre dans une société musulmane conservatrice, malgré son ouverture et sa tolérance, qui ont affectée la société et l’opinion publique nationale qui s’est sentie intégralement touchée et menacée dans sa foi et son existence.

26.Face à cette situation, il est du devoir de l’État non seulement de maintenir son ordre public, mais aussi d’assurer la sécurité de tous ses citoyens, y compris Mohamed Cheikh Ould M’khaitir, qui a enfreint à l’ordre général par ses agissements contraires à la loi et à la morale.

27.Pour ce faire, et en application de ses lois et règlements en vigueur, M. Mohamed Cheikh, ayant purgé sa peine d’emprisonnement, l’État devrait assurer sa mise en liberté, mais aussi sa sécurité contre toute tentation. C’est pourquoi, il a été placé en isolement, par mesure de police administrative, en application des dispositions de la loi no 62.121 du 18 juin 1962 et du décret no 70-172 du 3 juin 1970.

28.Cette mesure qui a été prise par acte administratif (arrêté du Ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation), prendra fin dès que les conditions de rétablissement de l’ordre public et de la sécurité physique de l’intéressé seraient assurément atteintes.

29.En tout état de cause, M. Mohamed Cheikh ould M’khaitir est librement protégé en lieu sûr et reçoit les visites de qui de droit, dans les conditions qui garantissent l’ordre public national et la sécurité physique de l’intéressé.

C.Renseignements complémentaires concernant le paragraphe 31 des observations finales

30.Conformément à la loi no 034-2015 instituant le MNP une commission de sélection est chargée du processus transparent, inclusif et participatif de sélection des membres du MNP. Les membres du MNP sont sélectionnés par une commission de présélection dont les membres sont désignés par arrêté du Premier Ministre. Cette commission est composée de représentants de l’État, de la société civile et des professions qui composent le MNP. Elle reçoit les candidatures et sélectionne les candidats conformément aux procédures ci-après :

•Quatre (4) membres proposés par l’ordre National des Médecins et qui ne peuvent pas être membres du conseil de cet ordre, exerçant effectivement la profession de médecin et dont l’expérience n’est pas inférieure à dix (10) ans ;

•Quatre (4) membres proposés par l’Ordre National des Avocats et qui ne sont pas membres du Conseil de l’ordre des avocats, exerçant effectivement la profession d’avocat et dont l’expérience n’est pas inférieure à dix (10) ans ;

•Quatre (4) membres, en qualité de personnalités indépendantes connues pour leur intégrité morale et leur engagement en faveur des droits de l’homme ;

•Dix (10) membres issus des organisations non gouvernementales nationales œuvrant dans le domaine des droits de l’homme, et dont l’expérience n’est pas inférieure à cinq (5) ans ;

•Deux (2) membres issus du corps professoral universitaire, exerçant effectivement la profession d’enseignement ou de recherches, et dont l’expérience n’est pas inférieure à dix (10) ans.

31.Les femmes représentent, au moins, le tiers des membres du MNP.

32.La commission délibère et choisit les candidats à la majorité absolue des membres présents sur la base des conditions édictées dans les articles 6, 7 et 8 de la loi instituant le MNP, tenant compte de la diversité culturelle et du quota réservé au genre. Le président et les membres du MNP sont désignés pour un mandat de quatre (4) ans renouvelable une seule fois, partiellement ou totalement. L’appartenance au MNP est incompatible avec toute responsabilité au sein d’un parti politique ou au Parlement, l’exercice d’une fonction administrative et/ou de toute autre fonction susceptible de porter atteinte à son indépendance et impartialité.

33.La nomination du président et des membres du MNP est formalisée par décret du Président de la République. Ce qui accorde la solennité et considération utiles de cette composition à travers la publication au Journal Officiel de la République.

34.Le MNP jouit de l’autonomie financière et fonctionnelle. Il ne reçoit instruction d’aucune autorité et procède au recrutement de son propre personnel. Le président exerce le pouvoir hiérarchique sur le personnel du MNP. Il gère, anime et coordonne les activités du MNP. Il est ordonnateur du budget de celui-ci. Il représente le MNP dans les limites des pouvoirs qui lui sont conférés et est, à ce titre, l’interlocuteur du MNP auprès des pouvoirs publics, des institutions nationales et des organismes régionaux et internationaux.

35.Le Secrétaire Général, qui n’est pas membre du MNP, joue le rôle d’assistance administrative et sa nomination par l’exécutif n’a aucune entrave sur l’indépendance de l’institution.

36.Les membres du MNP bénéficient des immunités et avantages nécessaires pour l’exercice de leur fonction.

37.Le budget annuel alloué au MNP s’élève à un montant de 11 260 000 MRU. Les membres perçoivent une allocation mensuelle individuelle de 45 000 MRU, en plus d’une prime trimestrielle de session d’un montant de 40 000 MRU pour chacun des membres du bureau permanent et de 30000 MRU pour les autres.

38.Conformément à l’article 23 de la loi no 034-2015 instituant le MNP, l’État inscrit dans son budget général de chaque année, sur une ligne spécifique, les crédits nécessaires au fonctionnement du MNP.

39.Les ressources financières nécessaires au fonctionnement et à la réalisation des missions du MNP sont spécifiquement prévues par le budget propre octroyé à ce dernier. Le MNP peut, aussi, bénéficier de dons et legs.

40.Le MNP jouit d’une autonomie de gestion administrative et financière. Le MNP élabore son budget et l’exécute conformément aux règles de la comptabilité publique.

41.Le montant annuel de 11 260 000 MRU alloué au MNP lui permet de subvenir aux charges fixes du siège du MNP, le paiement des allocations du président, des membres et de la secrétaire générale du MNP, les salaires du personnel administratif du MNP ainsi que les dépenses liées à quelques visites des lieux de privation de liberté à l’intérieur du pays (location de véhicule, carburant, per diem des membres etc.).

42.En conclusion, le Gouvernement de la République islamique de Mauritanie souhaite la prise en compte des informations fournies et reste engagé à poursuivre un dialogue constructif avec le Comité pour une meilleure protection des droits et une bonne mise en œuvre des observations et recommandations qui lui ont été adressées.