Nations Unies

CAT/C/63/D/647/2014

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

14 juin 2018

Français

Original : anglais

Comité contre la torture

Décision adoptée par le Comité au titre de l’article 22 de la Convention, concernant la communication no 647/2014 * , **

Communication présentée par :

C. Y. (représentée par un conseil,Niels-Erik Hansen)

Au nom de :

C. Y.

État partie :

Danemark

Date de la requête :

17 décembre 2014 (lettre initiale)

Date de la présente décision :

17 mai 2018

Objet :

Expulsion vers la Chine

Question(s) de procédure :

Fondement des griefs

Question(s) de fond :

Risque de torture en cas de renvoi dans le pays d’origine ; non-refoulement

Article(s) de la Convention :

3 (par. 1 et 2)

1.1Le requérant est C. Y., de nationalité chinoise, né en 1978. Au moment de la soumission de sa requête, il était en détention au Danemark, en attente d’expulsion vers la Chine à la suite du rejet de sa demande d’asile. Il affirme qu’en le renvoyant en Chine, le Danemark violerait le paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention et que le paragraphe 2 de l’article 3 de la Convention a été violé dans le cadre de l’examen de sa demande d’asile par les autorités danoises. Le requérant est représenté par un conseil.

1.2Le 22 décembre 2014, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son Rapporteur chargé des nouvelles requêtes et des mesures provisoires de protection, a demandé à l’État partie, conformément à l’article 114 de son règlement intérieur, de ne pas renvoyer le requérant en Chine tant que sa requête serait à l’examen. Conformément à la demande du Comité, le 23 décembre 2014, la Commission de recours des réfugiés a suspendu jusqu’à nouvel ordre le délai fixé pour le départ du requérant du Danemark. Le 9 novembre 2016, le Comité, agissant par l’intermédiaire de l’un de ses Vice-Présidents, a rejeté la demande de levée des mesures provisoires adressée par l’État partie le 19 juin 2015.

Exposé des faits

2.1Le requérant appartient à l’ethnie han et est originaire du village de Zaozhuang, dans la province de Shandong (Chine). En 1998, il est devenu membre d’une organisation chrétienne appelée Église de Dieu tout-puissant. Cette même année, alors qu’il distribuait des tracts pour l’organisation dans les rues de la ville de Linyi, la police a saisi ses tracts. Alors que le requérant essayait de les reprendre, les policiers l’ont battu, à la suite de quoi il a été hospitalisé pendant environ deux mois. Au nombre des blessures subies par le requérant figurait une double fracture de la jambe gauche. Un des policiers qui l’avaient agressé lui a rendu visite à l’hôpital à trois reprises et l’a averti qu’il ne devait pas parler de ces violences. Après sa sortie de l’hôpital, le requérant a distribué des tracts secrètement à quelques reprises pour l’Église de Dieu tout-puissant. Peu de temps après l’incident violent de 1998, il a été placé sur une liste noire par les autorités chinoises et son numéro d’enregistrement au registre de l’état civil a été supprimé de leurs systèmes. En outre, il a été licencié de son emploi dans la ville de Linyi, où il s’occupait de relations publiques pour le Centre de promotion des technologies agricoles.

2.2De 1998 à 2010, le requérant a assisté aux offices religieux de l’Église de Dieu tout‑puissant. En 2007, la police a fermé les locaux de l’Église, à la suite de quoi le requérant et d’autres membres ont commencé à se réunir les uns chez les autres pour célébrer des services religieux. En mai 2010, le requérant a été arrêté par la police alors qu’il était au domicile de l’un des dirigeants de l’organisation. Il a été emprisonné pendant environ dix-huit mois, pendant lesquels il était placé avec des criminels qui, ainsi que les gardiens, le battaient régulièrement. Il a tenté de se suicider à plusieurs reprises. À la fin de 2011, le requérant a été battu si violemment par d’autres détenus qu’il a perdu connaissance et a été hospitalisé pendant un mois et demi. Au cours de cette période, il est resté dans le coma pendant environ une semaine. Le fait que le requérant devait payer son traitement médical lui-même, puisqu’il n’avait pas de numéro d’enregistrement au registre de l’état civil, a provoqué la colère de son père. Celui-ci s’en est plaint auprès de l’administration locale, à la suite de quoi il a été emprisonné à son tour. Après sa sortie de l’hôpital, le requérant n’a pas été renvoyé en prison car il devait se remettre de ses blessures. À partir d’avril 2013, il a dû indiquer à la police tous les quinze jours s’il se réunissait encore avec des membres de l’Église de Dieu tout-puissant. En février 2014, le requérant a appris que la police avait l’intention de reprendre les arrestations de membres de l’organisation et a donc décidé de quitter la Chine. Il a quitté le pays illégalement.

2.3Le requérant est arrivé au Danemark le 19 ou le 20 juin 2014, sans document de voyage valide. Le 24 juin 2014, il a déposé une demande d’asile. Le requérant a motivé sa demande d’asile par sa crainte d’être arrêté par les autorités en cas de retour en Chine, en raison de ses convictions religieuses et de son appartenance à l’Église de Dieu tout‑puissant, qui est considérée en Chine comme une secte. Le 25 août 2014, le Service danois de l’immigration a procédé à un entretien préliminaire avec le requérant portant sur sa demande d’asile. Le Service de l’immigration a procédé aux premier et second entretiens sur le fond avec le requérant les 2 septembre et 13 octobre 2014, respectivement.

2.4Le 21 octobre 2014, le Service de l’immigration a rejeté la demande de permis de séjour déposée par l’auteur au titre de l’article 7 de la loi relative aux étrangers. Le 9 décembre 2014, la Commission de recours des réfugiés a confirmé ce rejet.

Teneur de la plainte

3.1Le requérant affirme qu’en le renvoyant en Chine, le Danemark violerait le paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention, et que le paragraphe 2 de l’article 3 de la Convention a été violé dans le cadre de l’examen de sa demande d’asile par les autorités danoises. Il fait valoir, en particulier, que la Commission de recours des réfugiés aurait dû faire procéder à un examen visant à déceler d’éventuels signes de torture, et que, lorsqu’elle a apprécié les éléments de preuve, la Commission n’a pas appliqué le principe du bénéfice du doute normalement appliqué aux demandeurs d’asile, lequel revêt une importance particulière dans les affaires concernant des victimes de torture.

3.2Le requérant affirme que sa requête est identique à celles soumises dans les affaires Amini c. Danemark et K. H. c. Danemark , dans lesquelles le Comité a conclu à une violation de la Convention du fait que l’État partie avait rejeté les demandes des requérants tendant à ce qu’un médecin les examine afin de déterminer s’ils avaient été torturés. Il indique que dans l’affaire K. H. c. Danemark, le fait que l’État partie n’ait pas pris de mesures pour empêcher que K. H. soit refoulé a eu des conséquences dramatiques pour l’intéressé puisqu’il a été soumis à la torture et à des traitements inhumains après avoir été renvoyé dans son pays d’origine. En raison des atrocités qu’il a subies en Afghanistan, K. H. s’est rapidement vu accorder l’asile par le Service de l’immigration lorsqu’il est revenu au Danemark. Il n’avait pas été procédé à un examen visant à déceler d’éventuels signes de torture dans le cadre de cette procédure de demande d’asile car un tel examen était devenu inutile.

3.3Le requérant affirme que s’il était renvoyé en Chine, il serait interrogé par la police et soumis à la torture dès son arrivée à l’aéroport en raison des cicatrices visibles qu’il porte sur ses deux jambes, sur l’un de ses bras et sur la tête. Il ajoute qu’il n’a pas de documents de voyage et qu’il a quitté la Chine illégalement. Le requérant affirme, en conséquence, qu’en le renvoyant en Chine, le Danemark commettrait une violation de l’article 3 de la Convention car, outre sa décision de ne pas le soumettre à un examen visant à déceler d’éventuels signes de torture, la Commission de recours des réfugiés n’a pas expliqué dans sa décision les raisons pour lesquelles elle estimait que le requérant n’avait pas à craindre d’être soumis à la torture après son retour en Chine. Il souligne que la situation en Chine a empiré depuis son départ en 2014.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Le 19 juin 2015, l’État partie a fait parvenir ses observations sur la recevabilité et le fond de la requête. S’agissant des faits sur lesquels est fondée la requête, il fait référence aux déclarations faites par le requérant au cours de la procédure d’asile et rappelle que celui-ci n’a pas été membre de quelque association ou organisation politique que ce soit, ni été politiquement actif de quelque autre manière.

4.2Se référant à l’article 113 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie affirme que l’auteur n’a pas démontré qu’à première vue sa requête était recevable au titre de l’article 3 de la Convention, car il n’a pas démontré qu’il y avait des motifs sérieux de croire qu’il risquerait d’être soumis à la torture s’il était renvoyé en Chine. La requête est donc irrecevable au motif qu’elle est manifestement dénuée de fondement. Dans l’éventualité où le Comité jugerait la requête recevable, l’État partie soutient que le requérant n’a pas suffisamment établi que son renvoi en Chine constituerait une violation de l’article 3 de la Convention. À cet égard, il fait observer que le requérant n’a pas fourni au Comité quelque nouvelle information que ce soit sur ses démêlés en Chine qui viendrait s’ajouter aux renseignements dont la Commission de recours des réfugiés disposait déjà lorsqu’elle s’est prononcée le 9 décembre 2014.

4.3L’État partie donne une description détaillée de la procédure d’asile prévue par la loi relative aux étrangers, ainsi que du fonctionnement de la Commission de recours des réfugiés et de la procédure qu’elle suit pour se prononcer sur les dossiers dont elle est saisie. Il indique que dans l’affaire du requérant, la Commission a, comme elle le fait dans toutes les affaires d’asile, procédé à une évaluation visant à déterminer si les affirmations du requérant pouvaient être considérées comme crédibles et convaincantes, notamment si elles étaient plausibles, cohérentes et constantes. Dans sa décision en date du 9 décembre 2014, la Commission a conclu qu’elle ne pouvait pas considérer comme établis les faits invoqués par le requérant dans ses déclarations pour motiver sa demande d’asile car son récit semblait contradictoire et incohérent. Elle a souligné, notamment, que le requérant : a) avait fait des déclarations contradictoires sur son emploi de technicien agricole ; b) semblait peu informé de la situation de l’Église de Dieu tout-puissant ; c) n’avait pu fournir aucune information sur les arrestations massives de membres de l’Église de Dieu tout‑puissant qui avaient eu lieu en 2012 selon les informations disponibles ; d) avait fait des déclarations contradictoires concernant le moment où il a été hospitalisé. Dans ce contexte, la Commission a conclu que le requérant n’avait pas démontré qu’il avait été persécuté par les autorités chinoises en raison de ses convictions religieuses. L’État partie indique qu’il partage l’appréciation portée par la Commission sur la crédibilité du requérant. En conséquence, l’État partie ne saurait considérer comme établis les faits invoqués par le requérant dans ses déclarations pour motiver sa demande d’asile, ni le fait qu’il a mené des activités religieuses pour l’Église de Dieu tout-puissant. En conséquence, le requérant semble présenter très peu d’intérêt pour les autorités chinoises.

4.4Pour ce qui est de l’allégation du requérant selon laquelle la Commission aurait dû lui faire passer un examen visant à déceler d’éventuels signes de torture, l’État partie affirme qu’en l’espèce, il n’avait pas été nécessaire de procéder à un tel examen car la Commission n’avait pas considéré comme établis les faits relatés par le requérant dans ses déclarations concernant ses démêlés en Chine. L’État partie rappelle à cet égard que la Commission ne fait pas procéder à un examen visant à déceler d’éventuels signes de torture dans les cas où elle ne peut pas considérer comme établis les faits invoqués pour motiver une demande d’asile. De même, la Commission ne fait pas procéder à un examen si elle considère comme établi ou possible le fait que le requérant a déjà été soumis à la torture mais qu’elle estime, en se fondant sur une évaluation spécifique de la situation du requérant, que celui-ci ne courrait pas de risque réel d’être soumis à la torture s’il était renvoyé au moment où elle se livre à cette évaluation.

4.5Il ressort de la décision du 9 décembre 2014 que la Commission a expressément pris en considération les renseignements fournis par le requérant sur les agressions dont il aurait été victime. Il ressort ainsi directement de cette décision que compte tenu des informations d’ordre médical en lien avec les déclarations du requérant qui ont été communiquées par l’avocat commis d’office, et après que le requérant a montré les marques laissées par les points de suture sur son genou droit et celles qu’il porte à la jambe gauche et au bras gauche, la Commission a estimé comme établi le fait qu’il avait subi des blessures corporelles. Cependant, la Commission a conclu qu’en raison du caractère contradictoire et incohérent de ses déclarations, le requérant n’avait pas démontré l’existence d’un lien entre ses blessures corporelles et son appartenance alléguée à l’Église de Dieu tout-puissant. L’État partie ajoute qu’il partage la conclusion de la Commission et souligne que la présente requête ne comporte aucune information qui puisse donner à l’État partie une raison de modifier son appréciation des blessures évoquées par le requérant. Il fait observer à cet égard qu’un examen visant à déceler d’éventuels signes de torture ne saurait en soi étayer la déclaration du requérant concernant la manièredont se sont produites ces blessures corporelles. L’État partie fait valoir que, dans la requête qu’il a soumise au Comité, le requérant n’a expliqué en aucune manière comment ou pourquoi un examen visant à déceler d’éventuels signes de torture pourrait conduire à une appréciation différente de sa demande d’asile. En conséquence, il conclut que le requérant n’a pas droit à un examen visant à déceler d’éventuels signes de torture.

4.6S’agissant du renvoi par le requérant à l’affaire Amini c. Danemark, l’État partie affirme que ce cas diffère sensiblement de l’espèce car, dans cette affaire, le requérant avait produit des éléments de preuve objectifs attestant qu’il avait été soumis à la torture dans son pays d’origine immédiatement avant son arrivée au Danemark. Il avait également démontré qu’il courrait personnellement le risque d’être de nouveau soumis à la torture s’il était renvoyé dans son pays d’origine. En ce qui concerne l’affirmation du requérant selon laquelle son cas est similaire à celui sur lequel portait l’affaire K. H. c. Danemark, l’État partie indique que, dans cette dernière, la Commission de recours des réfugiés avait considéré comme établis les faits relatés par le requérant dans ses déclarations concernant ses démêlés avec les Taliban.

4.7L’État partie indique que l’affirmation du requérant selon laquelle la Commission n’a pas donné de raison pour laquelle celui-ci n’avait pas à craindre d’être soumis à la torture après son retour en Chine est inexacte. Dans sa décision du 9 décembre 2014, la Commission dit clairement que les faits relatés par le requérant dans ses déclarations sur les problèmes que lui avaient valu ses convictions religieuses, notamment le fait qu’il avait été torturé comme conséquence directe de celles-ci, ne pouvaient être considérés comme établis. La Commission a donc expressément tenu compte des renseignements fournis par le requérant sur les agressions dont il aurait été victime et, ce faisant, a également expliqué pourquoi il ne devait pas craindre d’être soumis à la torture après son retour en Chine. En outre, la Commission a fait observer que le fait que le requérant ait quitté illégalement la Chine ne constituait pas en soi un motif d’octroi de l’asile car le fait d’imposer une sanction pour un départ illégal ne pouvait pas être considéré comme contraire à la tradition juridique danoise.

4.8De plus, l’État partie maintient que la Commission a pris en considération toutes les informations pertinentes dans sa décision du 9 décembre 2014 et que le requérant n’a pas soumis d’élément nouveau au Comité. L’État partie renvoie à l’arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire R. C. c. Suède, dans lequel la Cour a indiqué qu’elle considère que, selon un principe général, les autorités nationales sont les mieux placées pour évaluer non seulement les faits, mais plus particulièrement la crédibilité des témoins, car ce sont elles qui ont eu l’occasion de voir l’intéressé, de l’entendre et d’apprécier son comportement. L’État partie considère que le requérant cherche à se servir du Comité comme d’un organe d’appel et que sa requête met simplement en évidence le fait qu’il ne partage pas l’appréciation faite par la Commission de sa crédibilité. Il affirme également que le requérant n’a mis en évidence aucune irrégularité dans la procédure de décision, ni aucun facteur de risque dont la Commission n’aurait pas dûment tenu compte. L’État partie renvoie à la jurisprudence du Comité selon laquelle il appartient aux tribunaux des États parties d’apprécier les faits et les éléments de preuve dans une affaire donnée, sauf s’il peut être établi que la manière dont ces éléments de preuve ont été appréciés était manifestement arbitraire ou équivalait à un déni de justice. L’État partie est donc d’avis qu’il n’y a aucune raison de remettre en question, et moins encore de rejeter la conclusion de la Commission selon laquelle le requérant n’a pas démontré qu’il y a des motifs sérieux de croire qu’il courrait un risque de subir un traitement contraire à l’article 3 s’il était renvoyé en Chine.

4.9L’État partie fait observer que l’affirmation du requérant selon laquelle, s’il était renvoyé en Chine, la police chinoise s’intéresserait à lui à son arrivée à l’aéroport en raison des cicatrices qu’il porte sur la tête et sur le corps, semble totalement infondée.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie

5.1Le 29 février 2016, le requérant a fait part de ses commentaires sur les observations de l’État partie. Il estime que l’État partie n’a pas démontré que sa requête était « manifestement dénuée de fondement » et que celle-ci devrait donc être déclarée recevable. Il soutient que cet argument est étroitement lié au fond de la requête et qu’en conséquence, le Comité devrait examiner la requête au fond. S’agissant du fond de la requête, le requérant réaffirme qu’il a été démontré que l’État partie avait violé l’article 3 de la Convention, en particulier du fait que les autorités danoises ont rejeté sa demande tendant à ce qu’un médecin l’examine afin de déterminer s’il avait été torturé avant son arrivée au Danemark.

5.2Le requérant indique que, le 2 décembre 2015, son conseil a demandé à la Commission de rouvrir l’examen de sa demande d’asile compte tenu d’un rapport établi par le groupe médical de la section danoise d’Amnesty International, en date du 10 novembre 2015 qui, selon lui, confirme pleinement les déclarations qu’il a faites aux autorités danoises chargées des demandes d’asile. Le 26 février 2016, la Commission a accusé réception de la demande du conseil du requérant et l’a informé du fait que l’examen de la question de savoir si l’examen de la demande d’asile du requérant serait rouvert pourrait prendre huit à dix mois.

5.3Le requérant réaffirme que sa requête est identique à celle qui portait sur l’affaire K. H. c. Danemark, dans laquelle l’intéressé s’était vu refuser la possibilité de se faire examiner par un médecin. Dans cette affaire, à la suite de la décision du Comité, cette personne avait dû être réadmise au Danemark après en avoir été expulsée, et le statut de réfugié lui avait été octroyé. Le requérant réaffirme également que sa requête est très similaire à celle portant sur l’affaire Amini c. Danemark. Il renvoie en outre à la décision concernant l’affaire F. K. Danemark, dans laquelle le Comité avait considéré qu’en rejetant la demande d’asile du requérant sans ordonner d’examen médical, l’État partie ne s’était pas suffisamment efforcé d’établir s’il existait des motifs sérieux de croire que cette personne risquerait d’être soumise à la torture si elle était renvoyée dans son pays d’origine.

5.4Concernant le renvoi par l’État partie à l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire R. C. c. Suède, le requérant souligne qu’en l’espèce la Cour n’avait pas souscrit à la conclusion de l’État partie, estimant que le récit du requérant avait été cohérent tout au long de la procédure et que, même si son récit comportait quelques imprécisions, elles ne compromettaient pas sa crédibilité générale. La Cour avait conclu que l’expulsion du requérant vers son pays d’origine constituerait une violation de l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Le requérant soutient que la Cour est parvenue à cette conclusion dans cette affaire parce que les autorités suédoises auraient dû ordonner un examen médical visant à déterminer la cause probable des cicatrices du demandeur dès lors que celui-ci avait apporté un commencement de preuve de leur origine.

5.5Le requérant rappelle l’affirmation de l’État partie selon laquelle il n’y avait pas lieu pour la Commission de demander qu’il subisse un examen visant à déceler d’éventuels signes de torture avant de prendre une décision définitive concernant sa demande d’asile, puisqu’il « n’avait pas démontré l’existence d’un lien entre ses blessures corporelles et son appartenance alléguée à l’Église de Dieu tout-puissant ». Il renvoie à cet égard au rapport du groupe médical de la section danoise d’Amnesty International, selon lequel le requérant, notamment, « a subi des blessures corporelles provoquant une perte auditive à l’oreille droite et des douleurs au genou droit et à la jambe. Les constatations objectives mettent en évidence des cicatrices qui cadrent pleinement avec les déclarations du requérant concernant les interventions chirurgicales pratiquées et les conséquences des coups de poing et coups de pied qu’il a subis pendant sa détention et son incarcération. Des symptômes psychologiques tels qu’anxiété, impression de revivre des expériences, cauchemars, difficulté à se concentrer et troubles de la mémoire ont été observés ». Il est en outre indiqué dans le rapport que « dans l’ensemble, les blessures corporelles et les troubles psychologiques présentés par le requérant cadrent pleinement avec son récit des tortures ». Le requérant soutient donc qu’en lui refusant la possibilité de subir un examen médical, en se fondant uniquement sur sa crédibilité et sur le fait qu’il n’aurait pas pu établir un lien entre ses activités religieuses au sein de l’Église de Dieu tout-puissant et ses blessures corporelles, l’État partie a violé les dispositions de l’article 3 de la Convention relatives à la procédure, ce que confirme le fait que lorsqu’il a déposé sa demande d’asile, le Service de l’immigration ne lui a pas même demandé de remplir le formulaire de consentement à subir un examen médical.

5.6Le requérant fait également valoir que la Commission n’a pas respecté le principe du bénéfice du doute dans son cas et a appliqué un critère de preuve inadapté, étant donné qu’il n’est pas possible d’obtenir un certificat médical indiquant qu’une personne a été torturée en raison de ses activités. Il était donc essentiel, dans son cas, d’appliquer le principe du bénéfice du doute et d’avoir la possibilité de passer un examen médical pour confirmer qu’il avait subi des actes de torture. Le requérant souligne qu’en 2015, les autorités de l’État partie n’ont autorisé qu’il soit procédé à un tel examen médical que dans deux affaires. Il estime que, compte tenu du nombre considérable de demandes d’asile reçues par les autorités de l’État partie en 2015, on peut se demander pourquoi celles-ci n’ont jugé utile de procéder à un examen médical que dans un nombre aussi faible de cas.

5.7Le requérant ajoute qu’il a bien expliqué aux autorités danoises chargées des demandes d’asile qu’il était à son domicile en 2012 parce qu’il se remettait de la torture à laquelle il avait été soumis et qu’ainsi, par chance, il n’avait pas été concerné par la rafle de 500 membres de l’Église de Dieu tout-puissant effectuée par les autorités chinoises. En 2014, cependant, les autorités chinoises ont arrêté 1 000 membres de l’organisation, et le requérant craignait qu’il serait le suivant. Le requérant souligne également avec regret que, la Commission ayant jugé certaines de ses déclarations « contradictoires et incohérentes », elle n’a pas autorisé la conduite d’un examen médical visant à déceler d’éventuels signes de torture et n’a pas tenu compte d’autres renseignements qu’il a fournis à l’appui de ses affirmations.

5.8Le requérant indique qu’un nouveau projet de loi soumis au Parlement portant modification des lois relative à l’aide juridique et à l’administration de la justice en ce qui concerne la soumission de plaintes aux organes internationaux créés en vertu d’instruments relatifs aux droits de l’homme aurait pour effet d’exclure des cas comme le sien de l’aide juridique. Le projet de loi prévoit que lorsque la Commission de recours des réfugiés décide de ne pas autoriser un examen médical, cette décision ne peut pas être invoquée comme motif de soumission d’une requête au Comité.

Observations complémentaires des parties

6.Le 15 décembre 2016, l’État partie a demandé au Comité de suspendre jusqu’à nouvel ordre l’examen de la présente requête, la Commission ayant décidé, le 12 décembre 2016, de rouvrir le dossier du requérant aux fins de réexamen lors d’une audience tenue devant une nouvelle formation. Cette décision donnait suite à la demande adressée par le conseil du requérant le 28 décembre 2015.

7.Le 14 mars 2017, le requérant a informé le Comité que, le 17 février 2017, la Commission a confirmé sa décision du 9 décembre 2014 et a donc rejeté à nouveau sa demande d’asile. Il indique que, malgré les conclusions du groupe médical de la section danoise d’Amnesty International selon lesquelles « les blessures corporelles et les troubles psychologiques présentés par le requérant cadrent pleinement avec son récit des tortures subies », la Commission a indiqué, notamment, que « l’on ne pouvait conclure, sur la base de l’examen médical réalisé, que les blessures peuvent être attribuées à sa prétendue appartenance à Dieu tout-puissant ». Par conséquent, la Commission « n’a vu aucune raison de demander au Service de médecine légale de procéder à un examen complet visant à déceler d’éventuels signes de torture ». Après avoir évalué l’ensemble du dossier, la Commission a constaté que le requérant n’avait pas démontré qu’il était probable qu’en cas de retour en Chine, il risquerait d’être soumis à des persécutions justifiant l’octroi de l’asile en vertu du paragraphe 1 de l’article 7 de la loi relative aux étrangers ou qu’il courrait un risque réel de subir des violences relevant du paragraphe 2 de l’article 7 de ladite loi.

8.1Le 29 mars 2017, l’État partie a transmis au Comité une traduction en anglais de la décision, en date du 17 février 2017, dans laquelle la Commission indique que le requérant lui a déclaré, entre autres, qu’il n’avait eu aucun contact avec l’Église de Dieu tout-puissant depuis son départ de la Chine. Il avait été baptisé au Danemark et étudiait le christianisme. Il ne se considérait plus comme un membre de l’Église de Dieu tout-puissant. Il voulait désormais être un véritable chrétien, le christianisme et l’Église de Dieu tout-puissant étant deux choses différentes. Il ne pouvait pas simplement expliquer cela aux autorités chinoises, car une fois enregistré comme membre de l’Église de Dieu tout-puissant, on en restait toujours membre.

8.2Dans la décision susmentionnée, la Commission indique également que, compte tenu des conclusions formulées par le groupe médical de la section danoise d’Amnesty International dans son rapport du 10 novembre 2015, elle considérait comme établi le fait que le requérant avait subi les blessures dont il faisait état. Cependant, elle ne pouvait pas conclure, sur la base de l’examen médical effectué, que ces blessures pouvaient être attribuées à sa prétendue appartenance à l’Église de Dieu tout-puissant. En conséquence, la Commission n’a trouvé aucun motif de demander au Service de médecine légale de procéder à un examen médical complet du requérant visant à déceler d’éventuels signes de torture, lequel aboutirait aux mêmes conclusions (voir par. 7 ci-dessus).

8.3Dans son évaluation du récit du requérant, la Commission a pris en considération le fait qu’il avait été soumis à la torture ou à d’autres mauvais traitements, et qu’on ne pouvait donc pas s’attendre, dans de telles circonstances, à ce que le requérant puisse rendre compte de manière précise et cohérente de tous les détails de l’affaire. Cependant, même dans ces circonstances, la Commission ne pouvait pas accepter comme établis les faits relatés par l’auteur pour justifier sa demande d’asile. Lorsqu’elle est parvenue à cette conclusion, la Commission a souligné que le requérant avait fait des déclarations contradictoires et incohérentes concernant plusieurs points essentiels. En outre, lors d’une audience tenue le 17 février 2017, le requérant a fait des déclarations contradictoires à la Commission au sujet du financement par son père de son voyage depuis la Chine. Le requérant a fait d’autres déclarations contradictoires sur le travail de son père, notamment en ce qui concerne le moment où son père a pris sa retraite. La Commission a souligné que le requérant avait fait des déclarations incohérentes au sujet du moment où l’Église de Dieu tout-puissant avait été interdite par les autorités chinoises, ainsi qu’au sujet de la dirigeante suprême de l’organisation.

8.4Le 16 juin 2017, l’État partie a fait savoir que les observations formulées par le requérant le 14 mars 2017 n’appelaient pas de sa part de nouveaux commentaires. Il maintient que la requête est manifestement dénuée de fondement et qu’elle devrait être déclarée irrecevable. Si le Comité devait déclarer la requête recevable, l’État partie maintient que l’expulsion du requérant vers la Chine ne constituerait pas une violation de l’article 3 du Pacte.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

9.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité doit déterminer si la requête est recevable en vertu de l’article 22 de la Convention. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas déjà été examinée ou n’est pas en cours d’examen par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

9.2Le Comité rappelle que, conformément au paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention, il n’examine aucune requête sans s’être assuré que le requérant a épuisé tous les recours internes disponibles. Il constate qu’en l’espèce l’État partie n’a pas contesté que le requérant avait épuisé tous les recours internes disponibles. Le Comité conclut donc que rien ne s’oppose à ce qu’il examine la communication conformément au paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention.

9.3L’État partie maintient que la requête devrait être déclarée irrecevable au regard de l’article 113 du Règlement intérieur du Comité car manifestement dénuée de fondement. Toutefois, le Comité constate que le requérant a exposé les faits et les fondements de ses griefs de violation suffisamment en détail et considère donc que la requête a été étayée aux fins de la recevabilité. Ne voyant aucun autre obstacle à la recevabilité, le Comité déclare la communication recevable et procède à son examen quant au fond.

Examen au fond

10.1Le Comité a examiné la requête en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été soumises par les parties, conformément au paragraphe 4 de l’article 22 de la Convention.

10.2En l’espèce, le Comité doit déterminer si le renvoi du requérant en Chine constituerait une violation de l’obligation faite à l’État partie au paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention de ne pas expulser ou refouler une personne vers un autre État où il existe des motifs sérieux de croire qu’elle risquerait d’être soumise à la torture.

10.3Le Comité doit apprécier s’il existe des motifs sérieux de croire que le requérant risquerait personnellement d’être soumis à la torture en cas de renvoi en Chine. Pour ce faire, il doit tenir compte de tous les éléments pertinents, conformément au paragraphe 2 de l’article 3 de la Convention, notamment l’existence éventuelle d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives. Le Comité rappelle toutefois que le but de cette analyse est de déterminer si l’intéressé courrait personnellement un risque prévisible et réel d’être victime de torture dans le pays où il serait renvoyé. Il s’ensuit que l’existence, dans un pays, d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives ne constitue pas en soi un motif suffisant pour établir qu’une personne donnée serait en danger d’être soumise à la torture à son retour dans ce pays. Il doit exister des motifs supplémentaires de penser que l’intéressé courrait personnellement un danger. Inversement, l’absence d’un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme ne signifie pas qu’une personne ne puisse pas être soumise à la torture dans les circonstances qui sont les siennes.

10.4Le Comité rappelle son observation générale no 4 (2017) sur l’application de l’article 3 dans le contexte de l’article 22, selon laquelle l’obligation de non-refoulement existe chaque fois qu’il y a des motifs sérieux de croire qu’une personne risquerait d’être soumise à la torture dans un État vers lequel elle doit être expulsée, que ce soit à titre individuel ou en tant que membre d’un groupe qui risquerait d’être soumis à la torture dans l’État de destination. Le Comité a pour pratique, en de telles circonstances, de considérer que des motifs sérieux existent chaque fois que le risque de torture est prévisible, personnel, actuel et réel. Les facteurs de risque personnel peuvent comprendre, notamment : l’origine ethnique du requérant ; les actes de torture subis antérieurement ; la détention au secret ou une autre forme de détention arbitraire et illégale dans le pays d’origine ; la fuite clandestine du pays d’origine suite à des menaces de torture ; l’appartenance religieuse et les violations du droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Le Comité rappelle en outre qu’il accorde un poids considérable aux constatations de fait des organes de l’État partie concerné ; toutefois, il n’est pas lié par de telles constatations et apprécie librement les faits en se fondant sur l’ensemble des circonstances de chaque affaire, conformément au paragraphe 4 de l’article 22 de la Convention.

10.5Aux fins d’appréciation du risque de torture en l’espèce, le Comité prend note de l’affirmation du requérant selon laquelle il craint d’être arrêté par les autorités en cas de retour en Chine en raison de ses convictions religieuses et de son appartenance à l’Église de Dieu tout‑puissant, qui est considérée en Chine comme une secte. Le Comité prend également note de l’allégation du requérant selon laquelle, s’il retournait en Chine, il serait interrogé par la police et torturé dès son arrivée à l’aéroport en raison des cicatrices qu’il porte sur les deux jambes, sur un bras et sur la tête, lesquelles sont dues aux actes de torture et aux mauvais traitements subis dans son pays d’origine avant son arrivée au Danemark. À cet égard, le Comité prend en outre note des allégations du requérant selon lesquelles il a subi ces blessures en 1998 lorsqu’il a été battu par la police pour avoir distribué des tracts pour l’Église de Dieu tout-puissant et ensuite lors de son emprisonnement, entre mai 2010 et avril 2013, pour son implication dans les activités de l’Église de Dieu tout-puissant, période pendant laquelle il a été régulièrement battu par les gardiens de prison et les détenus. Le Comité prend note de l’affirmation du requérant selon laquelle il n’a pas de documents de voyage et a quitté la Chine illégalement.

10.6Le Comité prend note également de l’indication de l’État partie selon laquelle ses autorités nationales ont jugé que le requérant n’était pas crédible, pour les raisons suivantes, notamment : a) il avait fait des déclarations contradictoires sur son emploi de technicien agricole ; b) il semblait peu informé de la situation de l’Église de Dieu tout-puissant ; c) il n’avait pu fournir aucune information sur les arrestations massives de membres de l’Église de Dieu tout-puissant qui avaient eu lieu en 2012 selon les informations disponibles ; d) il avait fait des déclarations contradictoires concernant le moment où il a été hospitalisé ; e) il avait fait des déclarations contradictoires au sujet du financement de son voyage depuis la Chine par son père ; f) il avait fait des déclarations contradictoires sur le travail de son père, notamment en ce qui concerne l’année où son père a pris sa retraite ; g) il avait fait des déclarations incohérentes au sujet du moment où l’Église de Dieu tout-puissant a été interdite par les autorités chinoises et au sujet de la dirigeante suprême de l’organisation. Dans ces conditions, la Commission a conclu que le requérant n’avait pas démontré qu’il avait été persécuté par les autorités chinoises en raison de ses convictions religieuses.

10.7Le Comité prend également note de l’allégation du requérant selon laquelle bien qu’il ait montré à la Commission les cicatrices qu’il porte sur les deux jambes, sur le bras et sur la tête, et exigé que la Commission demande un examen médical spécialisé pour vérifier si ces blessures avaient été provoquées par des actes de torture, la Commission a rejeté sa demande d’asile à deux reprises, sans avoir ordonné un tel examen et malgré le rapport du groupe médical de la section danoise d’Amnesty International qui atteste que « dans l’ensemble, les blessures corporelles et les troubles psychologiques présentés par le requérant cadrent pleinement avec son récit des tortures ». Il prend également note de l’argument de l’État partie selon lequel la Commission avait accepté comme un fait établi que le requérant avait subi les blessures dont il faisait état, mais qu’elle ne pouvait pas conclure, sur la base de l’examen médical effectué par le groupe médical de la section danoise d’Amnesty International, que ces blessures pouvaient être attribuées à sa prétendue appartenance à l’Église de Dieu tout-puissant. En conséquence, la Commission n’avait trouvé aucun motif de demander au Service de médecine légale de procéder à un examen médical complet du requérant visant à déceler d’éventuels signes de torture, lequel aboutirait aux mêmes conclusions. En outre, un examen visant à déceler d’éventuels signes de torture ne saurait en soi étayer la déclaration du requérant concernant la manière dont se sont produites les blessures corporelles dont il fait état.

10.8À cet égard, le Comité fait observer qu’en principe, et indépendamment de l’appréciation portée par les autorités chargées des demandes d’asile sur la crédibilité d’une personne qui déclare avoir été soumise à la torture, lesdites autorités doivent faire examiner cette personne par un médecin indépendant, gratuitement, conformément au Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul), afin que les autorités qui statuent sur une affaire donnée de renvoi forcé soient en mesure d’apprécier le risque de torture objectivement et de façon qu’il ne subsiste aucun doute raisonnable, en se fondant sur les résultats de cet examen médical. Le Comité constate cependant que, dans la présente requête comme dans ses déclarations aux autorités danoises chargées des demandes d’asile, le requérant n’a pas expliqué comment ou pourquoi un examen effectué par le Service de médecine légale visant à déceler d’éventuels signes de torture aurait pu conduire à une appréciation différente de sa demande d’asile.

10.9Le Comité fait également observer que, même s’il faisait abstraction des incohérences dans le récit du requérant de ce qu’il a vécu en Chine et s’il considérait comme véridique ses déclarations, celui-ci n’a produit aucun élément montrant que les autorités chinoises l’avaient recherché dans un passé récent ou qu’elles s’intéressaient à lui. Le Comité rappelle à cet égard que les mauvais traitements subis par le passé ne constituent qu’un élément à prendre en considération, la question qui se pose à lui étant de savoir si le requérant courrait actuellement le risque d’être torturé s’il était renvoyé en Chine. Le Comité considère que, même à supposer que le requérant ait été torturé dans le passé par les autorités chinoises ou avec leur consentement, il ne s’ensuit pas automatiquement qu’il courrait un risque d’être soumis à la torture s’il retournait en Chine aujourd’hui. Tout en relevant que certaines informations font état de violations graves des droits de l’homme commises en Chine contre des membres de l’Église de Dieu tout-puissant, en particulier contre ceux qui occupent des postes de premier plan dans l’organisation, le Comité constate qu’il ressort des déclarations faites par le requérant à la Commission de recours, le 17 février 2017, qu’il n’a pas eu de contact avec l’Église de Dieu tout-puissant depuis son départ, qu’il ne se considère plus comme membre de cette organisation et qu’il a été baptisé au Danemark dans une église chrétienne.

10.10 Le Comité rappelle que la charge de la preuve incombe au (à la) requérant(e), qui doit présenter des arguments défendables, c’est‑à‑dire des arguments circonstanciés montrant qu’il ou elle court personnellement un risque prévisible, réel et actuel d’être soumis(e) à la torture, sauf lorsqu’il ou elle se trouve dans une situation dans laquelle il ou elle ne peut pas apporter de précisions sur son cas. Compte tenu de ce qui précède et de toutes les informations soumises par le requérant et par l’État partie, notamment celles concernant la situation générale des droits de l’homme en Chine, le Comité estime que le requérant n’a pas suffisamment démontré qu’il y avait des motifs sérieux de croire que son renvoi en Chine aujourd’hui l’exposerait personnellement à un risque réel et précis d’être torturé, comme l’exige l’article 3 de la Convention.

11.En conséquence, le Comité, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention, conclut que le renvoi du requérant en Chine ne constituerait pas une violation du paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention et qu’il n’y a pas non plus eu de violation par l’État partie des obligations qui lui incombent en vertu du paragraphe 2 de l’article 3 de la Convention, dans le cadre de l’examen de la demande d’asile du requérant.