Nations Unies

CERD/C/CYP/CO/17-22

Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

23 septembre 2013

Français

Original: anglais

Comité pour l ’ éliminati on de la discrimination raciale

Observations finales concernant les dix‑septième à vingt‑deuxième rapports périodiques de Chypre, adoptées par le Comité à sa quatre-vingt-troisième session(12-30 août 2013)

Le Comité a examiné les dix-septième à vingt-deuxième rapports périodiques de Chypre (CERD/C/CYP/17-22), soumis en un seul document, à ses 2254e et 2255e séances (CERD/C/SR.2254 et 2255), le 26 août 2013. À sa 2262e séance (CERD/C/SR.2262), le 30 août 2013, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction la soumission, quoique très tardive, par l’État partie, de ses dix-septième à vingt-deuxième rapports périodiques, qui, globalement, suivent les directives du Comité relatives à l’établissement des rapports, ainsi que les renseignements fournis oralement par la délégation de haut niveau. Le Comité salue également la reprise du dialogue avec l’État partie, et trouve encourageantes les réponses franches et constructives apportées aux questions et les observations formulées dans ce cadre.

B.Aspects positifs

Le Comité salue les mesures législatives et institutionnelles et les autres mesures prises par l’État partie pour lutter contre la discrimination raciale depuis l’examen de son dernier rapport périodique en 2001, en particulier ce qui suit:

a)L’adoption de la loi de 2004 sur l’égalité de traitement (origine raciale ou ethnique) (L.59 (I)/2004), qui interdit la discrimination fondée sur l’origine raciale ou ethnique dans l’emploi, l’éducation, l’affiliation à une organisation professionnelle, la protection sociale et la fourniture de biens et services, et érige en infraction pénale toute violation de ses dispositions;

b)L’adoption de la loi sur l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (L.58(I)/2004), qui interdit la discrimination dans l’emploi et la formation professionnelle en raison de l’origine raciale ou ethnique, la religion et les croyances, et prévoit, entre autres, le renversement de la charge de la preuve, la protection contre tout traitement injuste et des mesures d’action positive;

c)L’adoption de la loi L.134(I)/2011 qui transpose la Décision-cadre du Conseil de l’Union européenne no 2008/913/JHA du 28 novembre 2008 sur la lutte contre certaines formes et manifestations de racisme et de xénophobie au moyen du droit pénal, et dispose que la motivation raciale de toute infraction constitue une circonstance aggravante au regard du droit pénal de l’État partie;

d)L’adoption des lois L.22(III)/2004 et L.26(III)/2004) portant ratification de la Convention du Conseil de l’Europe sur la cybercriminalité et de son Protocole additionnel, relatif à l’incrimination d’actes de nature raciste et xénophobe commis par le biais de systèmes informatiques;

e)La création du Bureau de la police chargé de la lutte contre la discrimination, qui s’occupe des questions liées à la discrimination, au racisme et à la xénophobie dans la police;

f)L’adoption de la loi L.2(I)/2006 relative à l’exercice du droit de vote et à l’éligibilité des membres de la communauté turque ayant leur résidence habituelle dans les zones libres de la République (dispositions temporaires);

g)Les mesures prises pour lutter contre la traite, notamment par l’adoption de la loi L.87(I)/2007 relative à la lutte contre la traite des personnes, à l’exploitation et à la protection des victimes et sa révision en cours, la mise en place d’un mécanisme national d’orientation des victimes, l’abolition des visas spéciaux pour les artistes; et en avril 2013, l’adoption et la mise en œuvre du Plan national d’action contre la traite pour 2013-2015, dans le cadre duquel plusieurs formations ont été organisées à l’intention des fonctionnaires concernés;

h)L’élargissement des compétences et des pouvoirs du Médiateur, par l’intermédiaire de la loi L.42(I)/2004 sur la lutte contre le racisme et les autres formes de discrimination (Commissaire), visant à réprimer et éliminer la discrimination dans le secteur privé ou le secteur public, notamment en lui permettant d’être saisi de plaintes pour discrimination fondée sur la race, la communauté, la langue, la couleur, la religion, l’opinion politique ou toute autre conviction, ainsi que l’origine nationale ou ethnique.

Le Comité salue la ratification de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif, le 27 juin 2011. Il salue également la ratification, le 29 avril 2009, du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et celle, le 26 avril 2002, du Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, ainsi que celle des Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, et concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, les 6 avril 2006 et 2 juillet 2010, respectivement.

Le Comité salue en outre le travail accompli par le Médiateur, notamment les études qu’il a réalisées sur l’incitation à la xénophobie et à l’intolérance dans les discours politiques, sur les comportements racistes à l’égard des migrants par le personnel médical des hôpitaux publics, sur la scolarisation des élèves roms et sur les mesures prises par les écoles face aux incidents racistes, entre autres.

C.Facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre de la Convention

Conscient que l’État partie n’exerce pas sa souveraineté sur tout le territoire et qu’il n’est donc pas en mesure d’y garantir la pleine application de la Convention, le Comité demeure préoccupé par le fait que la situation politique actuelle compromet les efforts déployés pour protéger, sur le territoire de la République de Chypre, les groupes vulnérables couverts par la Convention.

D.Préoccupations et recommandations

Processus de paix et relations intercommunautaires

Le Comité constate avec préoccupation que, malgré l’ouverture de plusieurs points de passage depuis 2003 et la multiplication des contacts entre Chypriotes grecs et Chypriotes turcs qui en a résulté, le conflit qui se prolonge et la division de l’île contribuent à entretenir les tensions entre les deux communautés.

Le Comité encourage l ’ État partie à continuer de redoubler d ’ efforts pour parvenir à un règlement global de la question chypriote. Il appuie en outre la recommandation du Haut ‑Commissariat aux droits de l ’ homme invitant l ’ État partie à rechercher des solutions aux problèmes fondamentaux liés aux droits de l ’ homme et à leurs causes profondes, en particulier en ce qui concerne les groupes et communauté s dont les droits sont garantis par la Convention.

Le Comité demande à l ’ État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations sur les initiatives intercommunautaires qui auront été prises par lui et les organisations de la société civile en vue de rétablir la confiance mutuelle et d ’ améliorer les relations entre communautés ethniques ou religieuses, et de sensibiliser la population à l ’ histoire du pays en dispensant un enseignement impartial dans les écoles et autres institutions publiques.

Statut de la Convention dans l’ordre juridique interne

Le Comité regrette que la jurisprudence de l’État partie montre que la Convention n’a pas été invoquée par les tribunaux chypriotes, bien que la Constitution prévoie que cet instrument prime la législation interne (art. 2).

Le Comité recommande à l ’ État partie de sensibiliser les juges, les avocats et les agents des forces de l ’ ordre aux normes internationales en matière de lutte contre la discrimination raciale, notamment la Convention, qui sont applicables dans le pays.

Interdiction de la discrimination raciale

Malgré l’adoption de plusieurs lois relatives à la discrimination raciale, le Comité note avec préoccupation que la législation de l’État partie est fragmentée et peu cohérente, et qu’elle n’interdit pas la discrimination raciale sous toutes ses formes, notamment en ce qui concerne la jouissance de tous les droits civils, culturels, économiques, politiques et sociaux. Le Comité s’inquiète en particulier de ce qui suit:

a)La définition de la discrimination raciale figurant à l’article premier de la Convention a été transposée dans la loi portant ratification de cet instrument, mais l’interdiction de la discrimination ainsi que les peines prévues dans la loi sur l’égalité de traitement (origine raciale ou ethnique) (L.59(I)/2004) ne visent que certains des motifs énoncés à l’article premier de la Convention;

b)En restreignant le champ d’interdiction de la discrimination raciale à l’emploi et à certains domaines sociaux, la loi sur l’égalité de traitement (origine raciale ou ethnique) (L.59(I)/2004) et la loi sur l’égalité de traitement dans le domaine de l’emploi (L.58(I)/2004) ne sont pas conformes aux critères définis aux articles 1er et 5 de la Convention, qui préconisent l’interdiction et l’élimination de la discrimination raciale pour ce qui est de la jouissance des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les domaines politiques, économiques, sociaux, culturels ou tout autre domaine de la vie publique;

c)Le principe du renversement de la charge de la preuve n’est appliqué qu’en cas de discrimination raciale en matière d’emploi et de profession, en application de la loi sur l’égalité de traitement dans le domaine de l’emploi (L.58(I)/2004) (art. 1er, 2, 4 et 5).

Le Comité invite l ’ État partie à remédier aux insuffisances de sa législation pénale, du travail et administrative en ce qui concerne l ’ interdiction et la répression des actes de discrimination fondés sur la race, la couleur, l ’ ascendance ou l ’ origine nationale ou ethnique, dans les domaines politiques, économiques, sociaux, culturels ou tout autre domaine de la vie publique, conformément aux dispositions de l ’ article premier et des articles 4 et 5 de la Convention.

De plus, le Comité engage l ’ État partie à remédier au manque de cohérence et à la fragmentation de la législation en matière de discrimination raciale en faisant une synthèse des lois pertinentes pour aboutir à un cadre juridique complet et cohérent sur le plan interne, qui permette de voir claire ment ce qui est interdit, quel s sont les peines encourues et les recours possibles. Le Comité encourage en outre l ’ État partie à élargir la portée du principe de renversement de la charge de la preuve à tous les cas de discrimination raciale en matière civile. Il lui demande en outre de faire figurer dans son prochain rapport périodique des extraits des lois pertinentes, notamment celles adoptées en application de cette recommandation.

Lois et réglementations discriminatoires

Le Comité constate avec préoccupation que des lois, réglementations et politiques discriminatoires ou qui entraînent une discrimination, comme la loi sur les locataires et les lois excluant les domestiques migrants des prérogatives prévues par la loi sur le séjour de longue durée, sont en vigueur dans l’État partie (art. 2).

Le Comité engage l ’ État partie à revoir ses lois, règlements et politiques, notamment ceux concernant les domestiques migrants, en vue de modifier et de révoquer celles ayant pour effet de créer ou perpétuer la discrimination raciale, conformément aux obl igations énoncées à l ’ article 2  c) de la Convention.

Information sur des affaires liées à la discrimination raciale

Le Comité prend note des informations données par la délégation, selon lesquelles les actes de discrimination raciale étaient rarement dénoncés. Le Comité regrette en outre que le rapport de l’État partie ne contienne aucune information ni donnée statistique sur les cas de discrimination raciale portés devant les tribunaux et les décisions y relatives, malgré les recommandations du Comité à cet effet (A/56/18, par. 268) et l’existence d’une base de données contenant des informations sur les infractions pénales à motivation raciale (art. 5 et 6).

Se référant à sa Recommandation générale n o 31 (2005) sur la discrimination raciale dans l ’ administration et le fonctionnement du système de justice pénale, le Comité rappelle que le faible nombre de plaintes peut être révélateur d ’ une législation spécifique insuffisante, de l ’ ignorance des recours disponibles, de la crainte d ’ une réprobation sociale ou de représailles, ou du manque de volonté des autorités chargées d ’ engager des poursuites. Le Comité engage l ’ État partie à veiller à ce que le nouveau cadre législatif qui sera mis en place facilite le signalement des actes de discrimination raciale et tienne compte des facteurs énumérés plus haut.

Il recommande en outre à l ’ État partie de fournir des informations complètes à ce sujet dans son prochain rapport périodique, notamment des renseignements et des données statistiques sur les affaires de discrimination raciale, en particulier sur leur nature, les sanctions appliquées et les réparations offertes aux victimes.

Violence verbale et agressions physiques motivées par des idéologies d’extrême droite et néonazies

Le Comité est préoccupé par l’augmentation des violences verbales et agressions physiques à motivation raciale perpétrées par des groupes d’extrême droites et néonazis contre des personnes d’origine étrangère, notamment des personnes d’ascendance africaine, ainsi que contre des défenseurs des droits de l’homme et des Chypriotes turcs (art. 4).

Le Comité engage l ’ État partie à enquêter rapidement sur toutes les allégations de violence verbale et d ’ agression physique, de poursuivre les responsables et, selon qu ’ il convient, de les punir, et d ’ offrir des réparations aux victimes. Il l ’ engage également à prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter que de tels actes ne se reproduisent à l ’ avenir, notamment en rendant illégales les organisations qui incitent à la discrimination raciale, en application de la loi L. 134(I)/2011 sur la lutte contre certaines formes et manifestations de racisme et de xénophobie au moyen du droit pénal.

Discours de haine raciale

Le Comité est préoccupé par les propos racistes tenus par des personnalités politiques et membres des médias, qui dénigrent les personnes d’origine étrangère et encouragent les préjugés à leur égard (art. 4 et 5).

Le Comité recommande à l ’ État partie de condamner fermement tout propos raciste tenu par une personnalité politique ou par un membre des médias. En outre, rappelant que l ’ incitation à la discrimination raciale est illégale dans l ’ État partie, le Comité l ’ engage à mener des enquêtes approfondies sur ces actes, et s ’ il y a lieu, à poursuivre leurs auteurs.

Droits des minorités et liberté de religion ou de conviction

Prenant note des informations fournies par la délégation, selon lesquelles la question de l’appartenance des groupes religieux à l’une des deux communautés de l’État partie sera réexaminée lors des révisions futures de la Constitution, le Comité note néanmoins avec préoccupation que, pour l’heure, la Constitution prive les membres de ces groupes de leur droit à l’auto-identification et au libre exercice de leurs droits politiques. Le Comité est également préoccupé de ce qu’en vertu de l’article 2 de la Constitution de 1960, ne sont reconnus que les «groupes religieux» qui comptaient plus de 1 000 membres au moment de l’entrée en vigueur de la Constitution (art. 5).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ envisager tous les moyens de garantir la jouissance du droit à l ’ auto-identification et d u libre exercice des droits politiques, sans distinction. De plus, il lui recommande de définir, dans sa législation, le terme «minorité » et les droits des personnes appartenant à des groupes minoritaires. Le  Comité demande à l ’ État partie de fournir des informations sur ces dispositions dans son prochain rapport périodique, ainsi que sur la contribution économique et culturelle des minorités à la société.

Rappelant la corrélation entre l’appartenance ethnique et la religion, le Comité regrette de ne pas avoir reçu d’information sur la protection du droit à la liberté de religion ou de conviction, autres que les dispositions constitutionnelles en vigueur (art. 5).

Le Comité demande à l ’ État partie de fournir, dans son prochain rapport périodique, des informations sur le dispositif de protection et de respect de la liberté de religion ou de conviction, sans discrimination liée à la race ou l ’ origine ethnique, notamment en ce qui concerne les minorités appartenant à une religion autre que l ’ É glise grecque orthodoxe, qui sont susceptibles d ’ être victimes de discrimination.

Situation de la communauté rom

Le Comité note avec préoccupation que la communauté rom continue d’être victime de discrimination en matière d’accès à l’éducation, à l’emploi et à des conditions de vie décentes. De plus, il prend note des informations fournies par l’État partie selon lesquelles les mesures prises pour améliorer la situation des Roms n’ont pas été aussi efficaces que prévu. Il est en outre préoccupé par les informations faisant état d’agressions racistes visant des Roms, par la ségrégation de facto dont ils sont l’objet, et par les informations selon lesquelles des communautés locales refuseraient de vivre à leurs côtés (art. 2 et 5).

Le Comité, rappelan t sa Recommandation générale n o 27 (2000) concernant la discrimination à l ’ égard des Roms, recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour remédier à la situation précaire de la communauté rom. Il engage l ’ État partie à veiller à ce que les mesures prises, notamment dans le cadre de la Stratégie nationale pour l ’ intégration des Roms, ne perpétuent pas la situation de ségrégation de facto de cette communauté, mais garantissent bien leur intégration et remédient à la stigmatisation, la marginalisati on et la discrimination raciale dont sont l ’ objet ses membres. Il demande à l ’ État partie de fournir, dans son prochain rapport périodique, des informations sur les mesures prises et les progrès accomplis dans ce domaine.

Procédure d’asile

Le Comité note l’adoption d’une politique tendant à accorder un permis de séjour temporaire et un permis de travail valables six mois à tous les Syriens titulaires d’un passeport ou d’une carte d’identité, mais craint que les procédures d’asile de l’État partie ne protègent pas efficacement contre le refoulement les personnes nécessitant une protection internationale. Le Comité est préoccupé par le traitement différencié des demandeurs d’asile, qui n’ont le droit de travailler que dans certains secteurs et reçoivent certaines prestations sociales sous la forme de bons d’achat (art. 5).

Le Comité engage l ’ État partie à renforcer les garanties juridiques pour faire en sorte que toute personne nécessitant une protection internationale soit réellement protégée contre le refoulement, notamment en fournissant une aide juridictionnelle gratuite et sans condition aux demandeurs d ’ asile, à toutes les étapes de la procédure. Le Comité invite l ’ État partie à faire en sorte que les demandeurs d ’ asile jouissent des droits du travail et des droits à des prestations sociales dans des conditions d ’ égalité, notamment en revenant sur sa décision consistant à distribuer des bons d ’ achat en guise de prestations sociales.

Citoyenneté

Le Comité note avec préoccupation que les demandes de naturalisation, notamment celles émanant de personnes originaires d’Asie du Sud-Est, qui remplissent les critères juridiques requis par l’État partie aux fins de naturalisation, ont parfois été rejetées (art. 5).

Le Comité recommande à l ’ État parti e de respecter le droit à la nationalité sans discrimination et de faire en sorte qu ’ aucun groupe d ’ étrangers ne soit victime de discrimination en matière d ’ accès à la naturalisation. Il demande à l ’ État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des données statistiques sur les demandes de naturalisation et les décisions y relatives, qui soi en t ventilées par groupe ethnique, sexe, durée de séjour dans l ’ État partie et tout a utre critère pertinent. Le  Comité lui demande également de fournir dans son prochain rapport périodique des informations sur la manière dont les lois et réglementations sur la nationalité sont appliquées aux personnes vivant dans les territoires occupés.

Droits économiques, sociaux et culturels des groupes vulnérables

Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie sur la répartition de la population par groupe ethnique, mais relève l’absence de données ventilées sur les étrangers habitant dans le pays, qui représentent 19 % de la population. Il regrette également l’absence de données statistiques dans le rapport périodique et le document de base commun relatives à la situation socioéconomique des divers groupes (art. 5).

Conformément au x paragraphe s 10 à 12 de ses directives révisées concernant l ’ établissement de rapports (CERD/C/2007/1), le Comité recommande à l ’ État partie de fournir des informations sur la composition de sa population, sous forme de données ventilées par origine nationale et ethnique, ainsi que des données statistiques sur la situation socioéconomique des divers groupes, pour permettre au Comité de se faire une idée du degré de protection de leurs droits, en particulier s ’ agissant de leurs droits économiques, sociaux et culturels, au regard de la Convention. Le Comité appelle également l ’ attention de l ’ État partie su r sa Recommandation générale n o 24 (1999) sur le décompte des personnes appartenant à des races ou des groupes nationaux ou ethniques différents, ou à des peuples autochtones (art.  1 er ).

Migrants

Le Comité est préoccupé par la discrimination dont sont l’objet les migrants, notamment en ce qui concerne l’accès à l’emploi et au logement, qui est aggravée par les mesures d’austérité résultant de la crise économique actuelle, et s’inquiète de la recrudescence des attitudes discriminatoires et des stéréotypes raciaux à l’égard des personnes d’origine étrangère (art. 5).

Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour protéger les droits des migrants en luttant contre les stéréotypes raciaux et les attitudes discriminatoires, notamment par des campagnes de sensibilisation, et en appliquant la législation visant à lutter contre la discrimination dans tous les domaines de la vie publique. Il l ’ engage en outre à prévoir des mesures spécifiques à cet effet dans le Plan d ’ action national (2013-2015) pour l ’ intégration des ressortissants de pays tiers résidant légalement à Chypre. Le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur sa R ecommandation généra le n o 30 (2004) concernant la discrimination à l ’ égard d es non-ressortissants.

Domestiques

Le Comité prend note de la diminution du nombre de plaintes reçues par le Mécanisme de résolution des plaintes pour violation des contrats de travail des domestiques. Toutefois, il note avec préoccupation que les domestiques restent vulnérables face aux abus et à l’exploitation, principalement en raison de la pratique consistant à lier permis de travail et de séjour à un employeur, ainsi que la règle voulant que leurs lieux de travail ne soient pas soumis au contrôle des services d’inspection du travail. Le Comité craint en outre que les contrats de travail des domestiques, élaborés par les services du Ministère de l’intérieur de l’État partie, les exposent au risque de travail forcé et les empêchent de jouir, dans des conditions d’égalité, du droit à des conditions de travail justes et favorables et à des droits syndicaux (art. 5).

Le Comité engage l ’ État partie à garantir une protection efficace contre les abus, l ’ exploitation et les inégalités en matière de droit du travail, notamment en:

a) Garantissant que les conditions de travail des domestiques soient contrôlées par les services d ’ inspection du travail;

b) Permettant aux domestiques de changer d ’ employeur pendant la période de validité du titre de séjour/de travail;

c) Modifiant plusieurs dispositions de l ’ article 2 du contrat de travail type des domestiques afin de prévenir les cas de travail forcé et de garantir le droit à des conditions de travail justes et favorables et à la liberté d ’ association.

Le Comité invite également l ’ État partie à suivre les recommandations du Médiateur, qui figurent dans son rapport de juillet 2013 sur les conditions de travail des domestiques à Chypre, et lui recomman de de ratifier la Convention n o 189 de l ’ Organisation internationale du Travail (OIT) sur les travailleuses et travailleurs domestiques, 2011.

Éducation à la tolérance et à la compréhension de la diversité culturelle

Le Comité est préoccupé par les informations faisant état d’incidents racistes contre des enfants migrants dans des écoles (art. 7).

Prenant note des mesures prises par l ’ État partie face aux incidents racistes survenus dans des écoles, notamment la mise en place d ’ équipes pluridisciplinaires chargées de fournir immédiatement une assistance aux écoles concernées par la fourniture d ’ un soutien psychologique aux enfants vulnérables, le Comité engage l ’ État partie à prendre également des mesures propres à créer un environnement propice à la tolérance et à la compréhension de la diversité culturelle dans les écoles, ainsi que dans la société dans son ensemble. Le Comité recommande en outre à l ’ État partie de réaliser des études sur la manière dont la société perçoit la diversité culturelle et de prendre des mesures en conséquence.

Institution nationale des droits de l’homme

Le Comité prend note de l’adoption de la loi L.158(I)/2011 qui confie le mandat d’une institution nationale des droits de l’homme au Médiateur, mais note avec préoccupation que cette institution n’est pas habilitée à recruter son propre personnel et que, selon certaines informations, elle ne dispose pas des ressources nécessaires pour s’acquitter efficacement de son mandat, qui est particulièrement vaste (art. 2).

Le Comité encourage l’ État partie à faire en sorte que le Médiateur jouisse d ’ une totale indépendance et autonomie financière et qu ’ il soit pleinement conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris; annexe à la résolution 48/134 de l ’ Assemblée générale). Le Comité recommande en outre à l ’ État partie d e prendre des mesures en vue d ’ obtenir l ’ accré ditation du Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme.

D.Autres recommandations

Ratification d’autres instruments

Compte tenu du caractère indivisible de tous les droits de l’homme, le Comité encourage l’État partie à envisager de ratifier les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, en particulier ceux dont les dispositions se rapportent directement à des communautés qui peuvent faire l’objet de discrimination raciale, tels que la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Suite donnée à la Déclaration et au Programme d’action de Durban

À la lumière de sa Recommandation générale no 33 (2009) sur le suivi de la Conférence d’examen de Durban, le Comité recommande à l’État partie de donner effet à la Déclaration et au Programme d’action de Durban, adoptés en septembre 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, en tenant compte du Document final de la Conférence d’examen de Durban, tenue à Genève en avril 2009, quand il applique la Convention. Il le prie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements précis sur les plans d’action qu’il aura adoptés et les autres mesures qu’il aura prises pour mettre en œuvre la Déclaration et le Programme d’action de Durban au niveau national.

Consultations avec les organisations de la société civile

Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre les consultations et de renforcer le dialogue avec les organisations de la société civile qui œuvrent à la protection des droits de l’homme, en particulier celles qui luttent contre la discrimination raciale, dans le cadre de l’élaboration du prochain rapport périodique et du suivi des présentes observations finales.

Diffusion

Le Comité recommande à l’État partie de faire en sorte que ses rapports périodiques soient rendus publics et soient accessibles au moment de leur soumission, et de diffuser de la même manière les observations finales du Comité qui s’y rapportent dans les langues officielles et les autres langues couramment utilisées, selon qu’il convient.

Suite donnée aux observations finales

Conformément au paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention et à l’article 65 de son Règlement intérieur modifié, le Comité demande à l’État partie de fournir, dans un délai d’un an à compter de l’adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant dans les paragraphes 13, 20 et 23.

Paragraphes d’importance particulière

Le Comité souhaite aussi appeler l’attention de l’État partie sur l’importance particulière des recommandations figurant dans les paragraphes 7, 12, 16 et 21, et demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures concrètes qu’il aura prises pour y donner suite.

Élaboration du prochain rapport

Le Comité recommande à l’État partie de soumettre ses vingt-troisième et vingt‑quatrième rapports périodiques en un seul document, d’ici au 4 janvier 2016, en tenant compte des directives pour l’établissement du document se rapportant spécifiquement à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale adoptées par le Comité à sa soixante et onzième session (CERD/C/2007/1) et en traitant de tous les points soulevés dans les présentes observations finales. Le Comité demande instamment à l’État partie de respecter la limite de 40 pages fixée pour les rapports propres au Comité et la limite de 60 à 80 pages fixée pour le document de base commun (voir les directives harmonisées figurant dans le document HRI/GEN.2/Rev.6, par. 19).