Nations Unies

CRC/C/88/D/104/2019

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. générale

11 novembre 2021

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’enfant

Décision adoptée par le Comité au titre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, concernant lacommunication no 104/2019 * , **

Communication présentée par :

Chiara Sacchi et consorts (représentés par Scott Gilmore et autres (Hausfeld LLP) et Ramin Pejan et autres (Earthjustice))

Victime(s) présumée(s:

Les auteurs

État partie :

Argentine

Date de la communication :

23 septembre 2019 (date de la lettre initiale)

Date de la présente décision :

22 septembre 2021

Objet :

Non-prévention des changements climatiques et non-atténuation de leurs conséquences

Questions de procédure :

Compétence ; qualité de victime ; non-épuisement des recours internes ; fondement des griefs ; irrecevabilité ratione temporis

Questions de fond :

Droit à la vie ; droit de l’enfant de jouir du meilleur état de santé possible ; droit de l’enfant d’avoir sa propre vie culturelle ; intérêt supérieur de l’enfant

Article(s) de la Convention :

6, 24 et 30, lus conjointement avec l’article 3

Article(s) du Protocole facultatif :

5 (par. 1) et 7 (al. e) à g))

1.1Les auteurs de la communication sont Chiara Sacchi, de nationalité argentine, Catarina Lorenzo, de nationalité brésilienne, Iris Duquesne, de nationalité française, Raina Ivanova, de nationalité allemande, Ridhima Pandey, de nationalité indienne, David Ackley III, Ranton Anjain et Litokne Kabua, de nationalité marshallienne, Deborah Adegbile, de nationalité nigériane, Carlos Manuel, de nationalité palaosienne, Ayakha Melithafa, de nationalité sud-africaine, Greta Thunberg et Ellen-Anne, de nationalité suédoise, Raslen Jbeili, de nationalité tunisienne, et Carl Smith et Alexandria Villaseñor, ressortissants des États-Unis d’Amérique. Au moment où ils ont soumis leur plainte, les auteurs avaient tous moins de 18 ans. Ils soutiennent que, en ne prévenant pas les changements climatiques et en n’atténuant pas leurs conséquences, l’État partie a violé les droits qu’ils tiennent des articles 6 , 24 et 30 de la Convention, lus conjointement avec l’article 3. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 14 juillet 2015.

1.2Le 20 novembre 2019, le Groupe de travail des communications, agissant au nom du Comité et se fondant sur l’article 8 du Protocole facultatif et l’article 18 (par. 4) du Règlement intérieur du Comité, a prié l’État partie de soumettre ses observations sur la recevabilité de la communication séparément de ses observations sur le fond.

Rappel des faits présentés par les auteurs

2.Les auteurs affirment qu’en provoquant et en faisant perdurer des changements climatiques, l’État partie n’a pas pris les mesures de prévention et de précaution voulues pour respecter, protéger et mettre en œuvre leurs droits à la vie, à la santé et à la culture. Ils soulignent que la crise climatique n’est pas une menace lointaine et abstraite. L’augmentation de 1,1 °C de la température mondiale moyenne provoque actuellement des vagues de chaleur dévastatrices, des incendies de forêt, des phénomènes météorologiques extrêmes, des inondations et l’élévation du niveau de la mer et favorise la propagation de maladies infectieuses, portant ainsi atteinte aux droits humains de millions de personnes dans le monde. Parce qu’ils font partie des plus vulnérables, physiologiquement et psychologiquement, face à ces effets potentiellement mortels, les enfants subiront les préjudices causés par les changements climatiques bien davantage et bien plus longtemps que les adultes.

Teneur de la plainte

3.1Les auteurs affirment que chaque jour de retard dans l’adoption des mesures nécessaires pèse sur le « budget carbone » restant, à savoir la quantité de carbone qui peut encore être émise avant que le climat n’atteigne un point de basculement irréversible pour l’environnement et la santé humaine. Ils ajoutent que l’État partie, comme d’autres États, crée un risque imminent car les occasions perdues d’atténuer les effets des changements climatiques ne pourront pas être rattrapées et il sera impossible d’assurer des moyens de subsistance durables et sûrs aux générations futures.

3.2Les auteurs avancent que la crise climatique est une crise des droits de l’enfant. Les États parties à la Convention sont tenus de respecter, de protéger et de mettre en œuvre le droit inaliénable des enfants à la vie, dont tous les autres droits découlent. L’atténuation des changements climatiques est un impératif au regard des droits de l’homme. Dans le contexte de la crise climatique, les obligations découlant du droit international des droits de l’homme sont fondées sur les règles et principes du droit international de l’environnement. Les auteurs affirment que l’État partie n’a pas respecté l’obligation que lui fait la Convention : a) de prévenir les violations prévisibles des droits de l’homme que les changements climatiques peuvent causer, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de son territoire ; b) de coopérer au niveau international pour faire face à l’urgence climatique mondiale ; c) d’appliquer le principe de précaution pour protéger la vie dans un contexte d’incertitude ; d) de garantir une justice intergénérationnelle, pour les enfants et pour la postérité.

Article 6

3.3Les auteurs soutiennent que les actes et les omissions de l’État partie qui font perdurer la crise climatique les ont déjà exposés pendant toute leur enfance aux risques prévisibles et potentiellement mortels des changements climatiques causés par l’homme, qu’il s’agisse de la chaleur, des inondations, des tempêtes, des sécheresses, des maladies ou de la pollution de l’air. Les scientifiques s’accordent à dire que les risques potentiellement mortels auxquels les auteurs sont exposés s’aggraveront tout au long de leur vie si la température mondiale augmente de 1,5 °C ou plus par rapport à l’ère préindustrielle.

Article 24

3.4Les auteurs affirment que les actes et les omissions de l’État partie qui font perdurer la crise climatique ont déjà porté préjudice à leur santé mentale et physique, avec des effets allant de l’asthme au traumatisme émotionnel. Ces préjudices, qui s’aggraveront à mesure que la planète continuera de se réchauffer, constituent des atteintes au droit à la santé qu’ils tiennent de l’article 24 de la Convention. À Paradise, en Californie (États-Unis d’Amérique), la fumée des feux de forêt a provoqué une dangereuse poussée d’asthme chez Alexandria Villaseñor, qui a dû être hospitalisée. À Lagos (Nigéria), Deborah Adegbile est régulièrement hospitalisée pour des crises d’asthme déclenchées par la pollution liée à la chaleur. Les auteurs subissent de plus les effets de la propagation et de l’intensification des maladies à transmission vectorielle. À Lagos, Deborah souffre à présent du paludisme plusieurs fois par an. Aux Îles Marshall, Ranton Anjain a contracté la dengue en 2019. David Ackley III a contracté le chikungunya, maladie apparue dans l’archipel en 2015. Les vagues de chaleur extrême, dont la fréquence a augmenté sous l’effet des changements climatiques, menacent gravement la santé de plusieurs des auteurs. Les températures élevées ne sont pas seulement mortelles ; elles peuvent avoir de nombreux effets sur la santé, notamment causer des crampes, des coups de chaleur, de la fièvre et un épuisement, et peuvent aussi aggraver rapidement des problèmes de santé préexistants. De surcroît, pour plusieurs auteurs, dont Raslan Jbeili, Catarina Lorenzo et Ayakha Melithafa, la sécheresse menace la sécurité de l’approvisionnement en eau.

Article 30

3.5Les auteurs affirment que, en contribuant comme il l’a fait à la crise climatique, l’État partie a déjà mis en péril les pratiques millénaires de subsistance des peuples autochtones de l’Alaska (États-Unis), des Îles Marshall et du Sápmi (Suède), auxquels appartiennent certains des auteurs. Ces pratiques ne sont pas seulement la principale source de subsistance de ces peuples, elles sont aussi directement liées à une façon d’être, de voir le monde et de se comporter qui fait intrinsèquement partie de leur identité culturelle.

Article 3

3.6En favorisant des politiques climatiques qui retardent la décarbonation, l’État partie reporte sur les enfants et sur les générations futures l’énorme fardeau et les coûts considérables des changements climatiques. Ce faisant, il a manqué à son devoir de garantir l’exercice des droits de l’enfant pour la postérité et a ignoré le principe d’équité intergénérationnelle. Les auteurs font observer que, si leur plainte porte sur la violation des droits que leur reconnaît la Convention, les effets de la crise climatique ne se limitent pas aux préjudices subis par un petit nombre d’enfants. En fin de compte, ce sont les droits de tous les enfants, partout dans le monde, qui sont en jeu. Si l’État partie, agissant seul et de concert avec d’autres États, ne prend pas immédiatement les mesures disponibles pour mettre fin à la crise climatique, les effets dévastateurs des changements climatiques réduiront à néant la capacité de la Convention à protéger les droits des enfants, où que ce soit dans le monde. Aucun État qui agirait rationnellement dans l’intérêt supérieur de l’enfant n’imposerait ce fardeau à un enfant en choisissant de retarder l’adoption de telles mesures. La seule analyse coûts-avantages qui justifierait les politiques menées par les États concernés est une analyse qui ne tiendrait pas compte de la vie des enfants et ferait primer les intérêts économiques à court terme sur les droits de l’enfant. En accordant, dans son action climatique, une valeur inférieure à l’intérêt supérieur des auteurs et des autres enfants, l’État partie viole directement l’article 3 de la Convention.

3.7Les auteurs demandent au Comité de constater : a) que la crise climatique est une crise des droits de l’enfant ; b) que l’État partie, avec d’autres États, a provoqué cette crise et la fait perdurer en ignorant délibérément les données scientifiques disponibles concernant les mesures à prendre pour prévenir et atténuer les changements climatiques ; c) que, en faisant perdurer les changements climatiques, qui représentent un danger mortel, l’État partie viole les droits des auteurs à la vie et à la santé et le principe selon lequel l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une priorité, ainsi que les droits culturels des auteurs issus de communautés autochtones.

3.8Les auteurs demandent également au Comité de recommander à l’État partie : a) d’examiner et, au besoin, de modifier ses lois et ses politiques en vue d’accélérer les efforts d’atténuation et d’adaptation dans toute la mesure des ressources disponibles et sur la base des meilleures preuves scientifiques disponibles pour protéger les droits des auteurs et faire en sorte que l’intérêt supérieur de l’enfant soit une considération primordiale, en particulier dans le cadre de la répartition de la charge et des coûts liés à l’atténuation des changements climatiques et à l’adaptation à ces changements ; b) d’entreprendre des actions en coopération avec la communauté internationale − et de renforcer les actions de coopération existantes − en vue d’adopter des mesures contraignantes et exécutoires visant à atténuer la crise climatique, à protéger les auteurs et les autres enfants contre tout nouveau préjudice et à garantir leurs droits inaliénables ; c) de garantir, conformément à l’article 12 de la Convention, le droit de l’enfant d’être entendu et d’exprimer librement son opinion sur toutes les actions entreprises aux niveaux international, national et infranational en vue d’atténuer la crise climatique ou de s’y adapter, ainsi que sur toutes les actions entreprises pour donner suite à la présente communication.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Le 21 juillet 2020, l’État partie a soumis ses observations sur la recevabilité de la communication. Il fait valoir que, s’il partage les préoccupations des auteurs et s’il a fait de la lutte contre les effets des changements climatiques une de ses priorités, il estime que la communication remet généralement en question la politique environnementale de l’Argentine et dépasse donc le champ d’application du mécanisme de communications. Pour l’État partie, il s’agit de questions qui pourraient être traitées dans le cadre d’autres fonctions du Comité, telles que la procédure d’examen de l’application de la Convention par l’État ou l’élaboration d’une observation générale.

4.2L’État partie fait valoir que la communication est, en ce qui concerne l’Argentine, totalement générique et juridiquement imprécise. Elle fait référence à plusieurs événements qui se seraient produits sous la juridiction de l’État partie : a) une tempête qui aurait dévasté le quartier de l’une des auteurs, Chiara Sacchi, à Haedo, dans la province de Buenos Aires ; b) un épisode de chaleur extrême qui se serait produit dans la même ville, aurait entraîné une utilisation accrue des climatiseurs et, partant, aurait aggravé la pression sur le système électrique, provoquant des coupures d’électricité affectant régulièrement la vie quotidienne de l’auteure, nuisant à son travail scolaire et gâchant les aliments stockés dans le réfrigérateur ; c) des tempêtes qui seraient survenues récemment et au cours desquelles l’auteure aurait reçu des grêlons de la taille d’une balle de golf. En conséquence, l’auteure a très peur de l’avenir en raison des changements climatiques. Cependant, la communication n’apporte aucun élément de preuve pour étayer ces affirmations et ne définit pas ce qui est reproché à l’État partie d’un point de vue juridique.

4.3L’État partie fait valoir que la communication est irrecevable ratione loci en ce qui concerne les auteurs qui ne font pas partie de ses ressortissants. S’il reconnaît l’existence d’obligations internationales de nature extraterritoriale et la possibilité de dommages environnementaux transfrontaliers, il estime que la situation est tout autre en ce qui concerne la communication des auteurs. Il rappelle la jurisprudence du Comité des droits de l’homme, ainsi que celle des systèmes européen et interaméricain des droits de l’homme, selon laquelle la notion de « juridiction » ne se limite pas au territoire mais renvoie à la relation de pouvoir, d’autorité ou de contrôle effectif entre un individu et un État, et l’exercice de la juridiction par un État d’origine repose sur l’idée que c’est l’État sur le territoire ou sous la juridiction duquel les activités ont été menées qui exerce un contrôle effectif sur ces activités et qui est en mesure de les empêcher de causer un dommage transfrontière ayant des effets sur la jouissance des droits de l’homme par des personnes se trouvant hors de son territoire, sachant qu’il doit toujours exister un lien de causalité entre le dommage causé et l’acte ou l’omission de l’État d’origine en lien avec les activités menées sur son territoire ou sous sa juridiction ou son contrôle. L’État partie fait valoir que, concernant la communication des auteurs, le Comité n’est pas compétent pour analyser, en ce qui le concerne, des événements qui se seraient produits en dehors de son territoire, sur lesquels il n’exerce aucun type de juridiction et qui, en outre, n’ont aucun type de lien de causalité qui pourrait être attribuable à des agents de l’État partie. En effet, les auteurs n’apportent pas la preuve que les enfants qui ne vivent pas en Argentine sont soumis au pouvoir ou au contrôle d’agents argentins. Au-delà des déclarations générales sur la contribution des États aux changements climatiques, ils n’établissent pas de lien de causalité entre les actions ou omissions qui pourraient être attribuées à l’État partie et la chaleur extrême en France, un incendie en Tunisie ou l’élévation du niveau de la mer dans les Îles Marshall.

4.4L’État partie fait également valoir que la communication est irrecevable ratione temporis car elle concerne des événements antérieurs au 14 juillet 2015, date à laquelle le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie. Il soutient que l’utilisation de combustibles fossiles et les émissions de carbone qui en découlent ne constituent pas des violations continues.

4.5L’État partie affirme en outre que la communication est irrecevable car les recours internes n’ont pas été épuisés. S’ils admettent expressément que Chiara Sacchi pourrait contester la politique menée par l’État partie dans le domaine des changements climatiques devant les tribunaux nationaux, les auteurs reconnaissent qu’ils ont choisi de ne pas le faire, en s’adressant directement au Comité et en faisant fi des multiples voies de recours internes qui leur permettraient de déposer des plaintes pour des questions environnementales. L’État partie rappelle que l’article 41 de la Constitution reconnaît expressément le droit à un environnement sain, que l’article 43 reconnaît l’ « acción de amparo ambiental » (recours en amparo dans le domaine de l’environnement) et que la loi générale sur l’environnement contient plusieurs dispositions qui permettent d’engager des actions en matière d’environnement (comme l’ « acción de recomposición del daño ambiental colectivo » − recours en réparation d’un dommage environnemental collectif). Il fait valoir qu’une abondante jurisprudence favorable démontre l’efficacité de ces recours internes, et rappelle notamment la jurisprudence de la Cour suprême en matière d’environnement. Enfin, en ce qui concerne les difficultés que les auteurs, en leur qualité d’enfants, auraient à accéder au système judiciaire, l’État partie fait valoir que le Bureau du Défenseur général de la nation et le Bureau duDéfenseur des droits des enfants et des adolescents fournissent gratuitement une aide juridictionnelle et les services d’un conseil aux enfants dans le cadre des affaires relatives à l’environnement. En conclusion, l’État partie affirme que le choix fait par les auteurs l’a empêché de proposer des voies de recours au niveau national, comme le prévoit l’article 7 (al. e)) du Protocole facultatif.

Commentaires des auteurs sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité

5.1Le 25 novembre 2020, les auteurs ont soumis leurs commentaires sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité de la communication. Ils soutiennent que la communication est recevable et réaffirment que le Comité est compétent pour examiner la plainte, que celle-ci est suffisamment étayée et que rien ne servirait d’utiliser les voies de recours internes.

5.2Les auteurs notent que, selon l’État partie, la communication devrait être déclarée irrecevable pour défaut de compétence. Ils font valoir que le Comité est compétent pour examiner la communication car l’État partie exerce un contrôle effectif sur les activités économiques qui provoquent des émissions de gaz à effet de serre sur son territoire. Ces émissions contribuent aux violations des droits des auteurs causées par les changements climatiques. Les auteurs renvoient à leurs observations initiales et réaffirment que les obligations extraterritoriales d’un État ne se limitent pas aux cas étroits de contrôle du territoire ou des personnes cités par l’État partie. Des obligations extraterritoriales se font également jour lorsqu’un État exerce sur son territoire un contrôle sur des activités qui causent des dommages transfrontaliers directs et prévisibles. Les auteurs soutiennent qu’il est indiscutable que l’État partie a effectivement la capacité de réglementer les émissions de gaz à effet de serre sur son territoire. L’État partie n’a pas utilisé au maximum les ressources dont il disposait pour réduire ses émissions conformément à l’objectif de l’Accord de Paris visant à limiter l’augmentation de la température à 1,5 °C au maximum. Les émissions de l’État partie ne sont pas la seule cause des changements climatiques, mais elles y contribuent, et seul l’État partie peut les atténuer. Quant à la question particulière du lien de causalité, c’est‑à‑dire la question de savoir si les changements climatiques, auxquels l’État partie contribue, ont causé une violation effective ou imminente des droits de chaque auteur, les auteurs font valoir qu’il s’agit d’une question de fond. Lors de la phase d’examen de la recevabilité, ils ont présenté des allégations fondées selon lesquelles les changements climatiques causaient des violations réelles et imminentes de leur droit à la vie, de leur droit à la santé et de leurs droits culturels. En outre, ils soutiennent que les violations de leurs droits sont tout à fait prévisibles. Depuis des décennies, les climatologues préviennent que les émissions non maîtrisées auront des effets directs sur les enfants du monde entier. En 1990, dans son premier rapport, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a averti la communauté internationale que, sans réduction suffisante des émissions, le réchauffement de la planète aurait sur le climat les effets néfastes qui, aujourd’hui, portent préjudice aux auteurs et les menacent, qu’il s’agisse de la propagation du paludisme, de feux de forêt mortels ou de la montée des eaux qui engloutit les atolls.

5.3En ce qui concerne l’argument de l’État partie selon lequel la communication est irrecevable ratione temporis, les auteurs font valoir que l’État partie continue d’autoriser et de promouvoir des émissions excessives qui contribuent à des changements climatiques dangereux et qu’il continuera de le faire, à moins qu’il ne réduise ses émissions dès que possible, conformément à la limitation du réchauffement à 1,5 °C. Les effets des émissions de gaz à effet de serre de l’État partie antérieures à 2015 continueront également de porter atteinte aux droits des auteurs pendant le reste de leur enfance et au-delà, ce qui fait de ces violations des violations persistantes au sens de l’article 7 (al. g)) du Protocole facultatif.

5.4Les auteurs réaffirment qu’ils ont établi que chacun d’eux avait subi un préjudice et était exposé au risque de subir de nouveaux préjudices irréparables du fait des changements climatiques résultant en grande partie de l’incapacité de l’État partie de réduire les émissions. Les conséquences des actes et omissions de l’État partie en matière de lutte contre les changements climatiques lèsent directement et personnellement les auteurs et les exposent à des risques prévisibles. Quand bien même d’autres enfants dans le monde seraient dans la même situation ou seraient exposés à des risques similaires, la plainte pour préjudice dû aux changements climatiques ne constitue pas une actio popularis.

5.5Les auteurs réaffirment que rien ne servirait d’utiliser les recours internes, car ils n’auraient aucune chance réelle d’aboutir. Ils font valoir que l’État partie n’a pas démontré qu’il serait juste d’exiger des auteurs résidant en dehors de ses frontières qu’ils épuisent les voies de recours internes. Il ressort de la pratique des États et l’opinio juris, telles que reflétées à l’article 15 (al. c)) des articles de la Commission du droit international sur la protection diplomatique, que les recours internes n’ont pas à être épuisés dans les affaires de dommages environnementaux transfrontières, lorsque la victime n’a pas établi de lien volontaire avec l’État d’origine et n’a pas assumé le risque d’être lésée par la pollution de cet État. Les auteurs font valoir en outre que, puisqu’il reconnaît l’immunité de juridiction étrangère de l’État, l’État partie ne peut proposer d’instance nationale compétente pour examiner les griefs formulés et se prononcer sur les mesures de réparation demandées en l’espèce, la plainte portant sur des violations des droits de l’homme commises par de multiples États dont les effets se font sentir à travers de multiples frontières. L’immunité de l’État rend vaine toute action en réparation pour des dommages transfrontières causés par d’autres États.

5.6Les auteurs font valoir qu’aucun des recours internes cités par l’État partie ne serait utile. L’exception d’arraigo peut être soulevée en application de l’article 348 du Code de procédure civile pour empêcher une personne non domiciliée en Argentine et n’y possédant pas de biens immobiliers d’engager tout type de poursuites. Cela empêcherait les auteurs étrangers de faire valoir leurs droits devant les tribunaux argentins. Quand bien même ils pourraient d’une manière ou d’une autre surmonter cet obstacle, ils estiment que les recours internes cités par l’État partie sont probablement inutiles. Ils font valoir que le recours en amparo n’est pas adapté à leur affaire, qui est techniquement complexe et dans laquelle ils demandent à l’État partie de modifier sa politique et d’engager une coopération internationale, parce qu’un tel recours ne permet pas un débat approfondi ou l’examen d’éléments de preuve et ne peut aboutir à une déclaration d’inconstitutionnalité de certaines lois, décrets ou ordonnances. Ainsi, dans l’affaire Mujeres por la Vida − Asociación Civil sin Fines de Lucro − filial Córdoba − c/ E.N. − P.E.N. − Ministerio de Salud y Acción Social de la Nación s/ AMPARO, le tribunal de première instance a rejeté un recours en amparo visant à faire déclarer que la loi et la politique nationale relatives au Programme national de santé sexuelle et de procréation responsable étaient inapplicables sur tout le territoire argentin au motif qu’il n’était pas compétent pour examiner chacun des médicaments visés. Une action en remédiation environnementale au titre de l’article 30 de la loi générale sur l’environnement (loi no 25675) est plus large et permet un débat et l’examen d’éléments de preuve, mais ne peut porter que sur des préjudices passés ou existants et localisés. En tant que telle, elle n’est pas un moyen de transformer les politiques nationales et internationales de l’État partie dans le but de prévenir tout préjudice futur. En outre, les auteurs ne seraient pas en mesure d’engager une action contre des États étrangers par ce moyen, car ils soulèvent des questions qui ne sont pas du ressort des tribunaux. La loi no 27520 sur les exigences minimales en matière d’adaptation aux changements climatiques et d’atténuation de leurs effets ne fournit pas non plus de recours efficace. Premièrement, elle n’oblige pas l’État partie à aligner ses objectifs nationaux sur ses engagements internationaux en matière de changement climatique ou à coopérer avec d’autres pays. Deuxièmement, elle ne prévoit ni sanctions ni autres conséquences en cas de non-respect. Le public ne peut donc pas invoquer la violation de cette loi pour demander réparation. L’engagement d’une action au titre du Code civil et commercial ne constituerait pas non plus un recours efficace, y compris pour les demandes fondées sur le droit à un environnement sain. Comme pour toute action civile, l’exception d’arraigo empêcherait les auteurs qui ne sont pas des ressortissants de l’État partie de présenter des demandes devant un tribunal argentin parce qu’ils ne vivent pas en Argentine ou n’y possèdent pas de biens immobiliers. L’auteure argentine n’obtiendrait pas non plus satisfaction car il est peu probable que le tribunal dise au pouvoir exécutif comment il devrait exercer son pouvoir discrétionnaire pour modifier la politique étrangère de l’État partie en matière de changement climatique. De plus, le Bureau du Défenseur général de la nation, le Bureau du Défenseur des droits de l’enfant et le Bureau du Défenseur du peuple de la nation constituent des recours discrétionnaires car chacun d’entre eux peut refuser de se saisir d’une affaire. Partant, ces recours ne sauraient être considérés comme des recours utiles.

5.7Les auteurs avancent que, en raison du caractère unique de leur griefs, les recours internes seraient déraisonnablement longs, car il leur faudrait engager cinq procédures dans cinq États, et chacune prendrait plusieurs années. Ils font valoir que la résolution d’affaires environnementales complexes prend souvent beaucoup de temps dans l’État partie et qu’il faudrait des années de procédure pour que la seule question de leur qualité pour agir soit tranchée. Il en va de même pour la décision sur le fond. Ainsi, plus de huit ans après le dépôt de la plainte, la Cour suprême n’a toujours pas statué sur le fond de l’affaire Fundación Ciudadanos Independientes c. San Juan, Provincia de, Estado Nacional y otros, action en remédiation environnementale engagée après le déversement de 1 million de litres de produits toxiques. Dans l’affaire Papel Prensa S. A. c. Estado Nacion al, elle a mis huit ans à rendre une décision, pour finalement ne pas tenir compte du principe de précaution consacré par la loi générale sur l’environnement. Même lorsqu’une affaire relative à l’environnement aboutit à un jugement favorable aux plaignants, la bonne exécution du jugement n’est pas garantie. Plus de douze ans après le jugement dans l’affaire Mendoza‑Riachuelo, à laquelle l’État partie fait référence dans ses observations, aucun progrès significatif n’a été fait en ce qui concerne l’assainissement du Matanza‑Riachuelo ou l’amélioration de la qualité de vie des riverains.

Intervention de tiers

6.Le 1er mai 2020, David R. Boyd, Rapporteur spécial sur la question des obligations relatives aux droits de l’homme se rapportant aux moyens de bénéficier d’un environnement sûr, propre, sain et durable, et John H. Knox, ancien titulaire de ce mandat, ont soumis une intervention en tant que tiers au Comité .

Observations de l’État partie sur l’intervention de tiers

7.Le 30 juillet 2020, l’État partie a soumis ses observations sur l’intervention. Il fait savoir qu’il partage les préoccupations des intervenants au sujet des changements climatiques et qu’il apprécie la valeur de l’intervention en tant que signal d’alarme légitime adressé à la communauté internationale pour qu’elle agisse concrètement et efficacement contre le réchauffement de la planète. Il réaffirme toutefois que la communication ne satisfait pas aux critères de recevabilité de la procédure d’examen de communications émanant de particuliers et ne présente pas d’arguments convaincants sur le fond.

Audition

8.1Le 3 juin 2021, à l’invitation du Comité et conformément à l’article 19 de son règlement intérieur au titre du Protocole facultatif, les représentants des deux parties se sont présentés devant le Comité par vidéoconférence, ont répondu aux questions des membres du Comité sur leurs positions et ont fourni des éclaircissements.

Commentaires présentés oralement par les auteurs

8.2Les auteurs réaffirment que l’État partie n’a pas pris toutes les mesures nécessaires et appropriées pour maintenir le réchauffement de la planète à moins de 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle, contribuant ainsi aux changements climatiques, en violation de leurs droits. Ils affirment que, pour que la Convention protège les enfants de l’urgence climatique, il faut adapter les notions de préjudice, de compétence, de causalité et d’épuisement à une nouvelle réalité. Ils soutiennent de nouveau que les préjudices qu’ils ont subis et continueront de subir étaient prévisibles en 1990, lorsque le GIEC a prévenu qu’un réchauffement climatique de seulement 1° C pourrait provoquer les pénuries d’eau, les maladies à transmission vectorielle et l’élévation du niveau de la mer auxquels ils sont maintenant exposés. Ils font valoir qu’ils continueront à souffrir énormément toute leur vie si les États parties visés ne prennent pas immédiatement des mesures pour réduire considérablement leurs émissions de gaz à effet de serre. Ils insistent sur l’existence d’un lien de causalité direct et prévisible entre les préjudices auxquels ils ont été exposés et les émissions des États parties visés, faisant valoir qu’il est incontestable que les préjudices qu’ils subissent sont imputables aux changements climatiques et que les émissions actuelles des États parties visés contribuent à l’aggravation des changements climatiques.

8.3En ce qui concerne la question de l’épuisement des recours internes, les auteurs réaffirment que les voies de recours citées par l’État partie ne leur apporteraient pas de réparation effective. Ils soutiennent que le recours constitutionnel en amparo n’est pas adapté aux affaires aussi complexes que la leur. L’article 2 de la loi sur l’amparo dispose que l’action en amparo n’est pas recevable lorsque la détermination de la validité éventuelle de l’acte visé nécessite un débat approfondi ou de nombreuses preuves, ou une déclaration d’inconstitutionnalité de lois, décrets ou ordonnances. Les auteurs soulignent qu’ils ne contestent pas que l’article 41 de la Constitution consacre le droit à un environnement sain. Ils disent simplement qu’une action en amparo n’est pas un recours approprié pour assurer la protection de ce droit dans leur cas. Ils affirment de nouveau que le recours prévu par la loi générale sur l’environnement est conçu pour les affaires moins complexes et la remédiation des dommages environnementaux. Une action en remédiation est plus large qu’une action en amparo et permet un débat et la présentation de preuves, mais ne peut porter que sur des préjudices passés ou existants et localisés. Elle n’est pas un moyen de transformer les politiques nationales et internationales de l’État partie dans le but de prévenir un préjudice qui se concrétiserait à l’avenir. En outre, les dispositions relatives à l’arraigo, en application desquelles les plaignants doivent être domiciliés dans l’État partie ou y posséder des biens immobiliers, empêcheraient 15 des 16 auteurs d’être parties à une affaire de remédiation environnementale.

8.4Les auteurs disent de nouveau que, s’ils saisissaient les tribunaux de l’État partie, ils devraient attendre longtemps à la fois pour qu’une décision soit rendue et pour qu’elle soit appliquée. Ils notent que, dans l’affaire Fundación Ciudadanos Independientes c. San Juan, la fondation a d’abord engagé une action en remédiation environnementale, en 2009, dans le but de prévenir les dommages environnementaux causés par la mine d’or de Veladero. Plus d’une décennie plus tard, et alors que de nouveaux déversements de cyanure ont eu lieu, aucun jugement définitif n’a encore été rendu. Les auteurs font également valoir que, même lorsque les demandeurs obtiennent un jugement favorable, ils n’ont pas de garantie que celui‑ci sera effectivement appliqué. En 2006, la Cour suprême a ordonné au Gouvernement de présenter un plan d’assainissement du bassin Matanza-Riachuelo. Quatorze ans plus tard, malgré cette victoire judiciaire, le Matanza-Riachuelo reste l’un des cours d’eau les plus pollués d’Amérique latine, et la situation des riverains ne s’est guère améliorée. En outre, en raison d’une séparation stricte des pouvoirs, il est peu probable que les tribunaux nationaux dictent les objectifs des politiques nationales en matière de lutte contre les changements climatiques ou ordonnent au Gouvernement fédéral de s’engager dans une coopération internationale, étant donné le large pouvoir discrétionnaire accordé à l’exécutif en matière de politiques publiques et de relations diplomatiques.

Commentaires présentés oralement par l’État partie

8.5L’État partie fournit des informations supplémentaires sur l’action qu’il mène pour protéger l’environnement et lutter contre les changements climatiques, tant dans le cadre de sa politique intérieure que dans celui de sa politique étrangère. Il répète ses arguments concernant l’absence de juridiction à l’égard des auteurs et l’absence de lien de causalité entre les dommages génériques allégués et tout acte ou omission qui pourrait lui être imputable ou être imputable à ses agents.

8.6En ce qui concerne l’épuisement des recours internes, l’État partie explique que la Constitution comme les lois argentines reconnaissent les droits dits collectifs ou derechos de incidencia colectiva (droits ayant des effets collectifs), et ont considérablement élargi la qualité pour agir, ou locus standi, des demandeurs potentiels. Selon le type de réparation demandée, les parties directement ou indirectement lésées, les défenseurs des droits, les organisations de la société civile et les autorités nationales, provinciales et municipales ont qualité pour présenter des réclamations pour des dommages environnementaux, ce qui supprime tout obstacle à l’accès à la justice pour les questions relatives à l’environnement. L’État partie souligne également que les coûts liés à l’engagement d’une procédure dans ce type d’affaire ne constituent pas une restriction pour les auteurs puisque les frais de justice représentent l’équivalent de moins de 50 cents des États-Unis. Les parties doivent uniquement supporter les frais juridiques correspondant à leur propre représentation. Toutefois, en cas de besoin, les parties, et en particulier les enfants, ont droit, en vertu de la loi, à une assistance juridique gratuite et peuvent aussi se faire représenter par l’intermédiaire du Défenseur des droits, d’organisations de la société civile, de la permanence juridique de n’importe quelle université ou d’avocats bénévoles inscrits au registre national des avocats pour enfants.

8.7En ce qui concerne la durée des procédures, l’État partie explique que, conformément aux normes internationales, la durée des procédures internes ne saurait être mesurée de manière abstraite et doit être analysée au cas par cas, compte tenu de la complexité de l’affaire, des actions engagées par les parties et de la diligence des tribunaux concernés. Il explique que, par exemple, la durée de la procédure dans l’affaire Fundación Ciudadanos Independientes c. San Juans’explique par la complexité de la procédure, en ce qui concerne les faits comme les éléments de preuve (comme la survenance de faits au Chili), par l’augmentation progressive du nombre de défendeurs, due à la seule volonté de la partie demanderesse, et par le fait que plusieurs juridictions pénales sont impliquées. Il explique qu’il n’est pas prouvé que la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19) entraîne des retards. De fait, non seulement des demandeurs ont pu continuer à déposer toutes sortes de plaintes, mais ces affaires ont été traitées rapidement en raison de la pandémie. L’État partie cite une affaire portée devant la Cour suprême le 23 juin 2020, pendant le confinement national, dans laquelle, en moins de deux mois, la Cour a conclu qu’il était gravement porté atteinte à une ressource environnementale ou écologique interjuridictionnelle (le delta du fleuve Paraná), ce qui compromettait sérieusement son fonctionnement et sa durabilité. La Cour a considéré que la conservation du delta était une priorité pour les générations actuelles comme pour les générations futures (ce qui est très similaire à ce que les auteurs soutiennent dans la présente communication), et a rendu une ordonnance imposant la création immédiate d’un comité d’urgence environnementale au niveau fédéral.

8.8L’État partie explique que, depuis la réforme constitutionnelle de 1994, le pouvoir judiciaire s’emploie activement à vérifier la constitutionnalité des politiques publiques, y compris celles qui ont trait à l’environnement. Ainsi, il a décidé de suspendre une série d’autorisations d’abattage d’arbres, en modifiant les critères d’évaluation de l’impact environnemental de ces abattages et en obligeant les autorités à réaliser une étude d’impact environnemental globale et complète. Il a également rendu des ordonnances visant à faire cesser et à réparer les dommages environnementaux en obligeant les autorités concernées à effectuer des travaux de dragage dans le Tarariras. L’État partie fait référence à d’autres affaires dans lesquelles l’intervention active du pouvoir judiciaire dans les questions de politique publique montre que le principe de la séparation des pouvoirs n’est pas un obstacle au contrôle judiciaire lorsqu’il s’agit de la protection des droits environnementaux. Il fait donc valoir que rien n’empêche les auteurs d’épuiser les recours internes et de lui donner la possibilité de répondre à toute allégation de violation.

Audition des auteurs

9.Le 28 mai 2021, à l’invitation du Comité et en application de l’article 19 de son règlement intérieur au titre du Protocole facultatif, 11 des auteurs se sont présentés devant le Comité en vidéoconférence, en séance privée, sans la présence des représentants de l’État. Ils ont décrit les effets des changements climatiques sur leur vie quotidienne et exprimé leur avis sur ce que devraient faire les États visés pour répondre aux changements climatiques et sur les raisons pour lesquelles le Comité devrait examiner leurs griefs.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

10.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 20 de son règlement intérieur au titre du Protocole facultatif, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif.

Compétence

10.2Le Comité note que, selon l’État partie, la communication est irrecevable pour défaut de compétence. Il note également que les auteurs avancent qu’ils relèvent de la juridiction de l’État partie en ce qu’ils sont victimes des conséquences prévisibles des actes par lesquels, à l’intérieur et à l’extérieur de ses frontières, celui-ci contribue aux changements climatiques, et victimes aussi des émissions polluantes de carbone sciemment produites, autorisées ou encouragées par l’État partie à l’intérieur de son territoire. Il note en outre que les auteurs soutiennent que les actes et omissions par lesquels l’État partie perpétue la crise climatique les ont déjà exposés pendant toute leur enfance aux risques prévisibles et potentiellement mortels des changements climatiques causés par l’homme.

10.3Aux termes de l’article 2 (par. 1) de la Convention, les États parties ont l’obligation de respecter et de garantir les droits de tout enfant relevant de leur juridiction. En vertu de l’article 5 (par. 1) du Protocole facultatif, le Comité a compétence pour recevoir et examiner des communications présentées par des particuliers ou des groupes de particuliers ou au nom de particuliers ou de groupes de particuliers relevant de la juridiction d’un État partie qui affirment être victimes d’une violation par cet État partie de l’un quelconque des droits énoncés dans la Convention. Il observe que, si ni la Convention ni le Protocole facultatif ne font référence au « territoire » dans le contexte de la juridiction, la notion de juridiction extraterritoriale devrait être interprétée de manière restrictive.

10.4Le Comité prend note de la jurisprudence pertinente du Comité des droits de l’homme et de la Cour européenne des droits de l’homme concernant la compétence extraterritoriale. Néanmoins, cette jurisprudence concerne des situations factuelles qui sont très différentes de celles de l’affaire à l’examen. La communication des auteurs soulève de nouveaux problèmes de compétence en ce qui concerne les dommages transfrontières liés aux changements climatiques.

10.5Le Comité prend également note de l’avis consultatif OC-23/17 de la Cour interaméricaine des droits de l’homme sur l’environnement et les droits de l’homme, qui est particulièrement pertinent pour la question de la compétence en l’espèce en ce qu’il précise la portée de la compétence extraterritoriale en relation avec la protection de l’environnement. Dans cet avis, la Cour a noté que, lorsqu’un dommage transfrontalier portait atteinte à des droits garantis par un traité, les personnes se trouvant en dehors du territoire de l’État d’origine étaient réputées relever de la juridiction de cet État dès lors qu’il existait un lien de causalité entre l’acte commis sur le territoire de l’État en question et les violations constatées (par. 101). Il y a exercice de la juridiction lorsque l’État d’origine exerce un contrôle effectif sur les activités qui ont causé le dommage et les violations des droits de l’homme qui y ont fait suite (par. 104, al. h)). La notion de juridiction de l’État d’origine en cas de dommage transfrontières est fondée sur le principe selon lequel c’est l’État sur le territoire ou sous la juridiction duquel les activités ont été menées qui exerce un contrôle effectif sur celles-ci et est en mesure d’éviter qu’elles causent un dommage transfrontière qui aurait des effets sur l’exercice des droits de l’homme à l’extérieur de son territoire. Les victimes potentielles des conséquences négatives de ces activités relèvent de la juridiction de l’État d’origine, dont la responsabilité peut être engagée pour manquement à l’obligation de prévenir les dommages transfrontières (par. 102). La Cour a noté que l’on pouvait donc conclure que l’obligation de prévenir des dommages ou atteintes transfrontières à l’environnement était une obligation reconnue par le droit international de l’environnement et que les États pouvaient être tenus responsables de tout dommage significatif causé à des personnes se trouvant hors de leurs frontières par des activités ayant leur origine sur leur territoire ou relevant de leur autorité ou de leur contrôle effectif (par. 103).

10.6Le Comité rappelle que, dans la déclaration conjointe sur les droits de l’homme et les changements climatiques qu’il a publiée avec quatre autres organes conventionnels, il est souligné que le GIEC a confirmé dans un rapport publié en 2018 que les changements climatiques menaçaient gravement l’exercice des droits de l’homme protégés par la Convention, notamment le droit à la vie, le droit à une alimentation adéquate, le droit à un logement convenable, le droit à la santé, le droit à l’eau et les droits culturels (par. 3). Il serait contraire aux obligations des États relatives aux droits de l’homme de ne pas prévenir des atteintes prévisibles aux droits de l’homme provoquées par les changements climatiques ou de ne pas réglementer les activités qui contribuent à de telles atteintes (par. 10).

10.7Compte tenu de ce qui précède, le Comité estime que le critère approprié en ce qui concerne l’établissement de la juridiction en l’espèce est celui retenu par la Cour interaméricaine des droits de l’homme dans son avis consultatif sur l’environnement et les droits de l’homme. Cela signifie que, lorsqu’un dommage transfrontière se produit, les enfants sont sous la juridiction de l’État sur le territoire duquel se trouve la source des émissions aux fins de l’article 5 (par. 1) du Protocole facultatif s’il y a un lien de causalité entre les actes ou omissions de l’État en question et les effets négatifs produits sur les droits d’enfants se trouvant en dehors de son territoire, lorsque l’État d’origine exerce un contrôle effectif sur la source des émissions en question. Le Comité considère que, si les éléments requis pour établir la responsabilité de l’État constituent une question de fond, il faut, même aux fins de l’établissement de la juridiction, que les dommages que les victimes disent avoir subis aient été raisonnablement prévisibles pour l’État partie au moment de ses actes ou omissions.

10.8Le Comité note que les auteurs affirment que, si les changements climatiques et les dommages environnementaux et les atteintes aux droits de l’homme qu’ils entraînent sont un problème qui concerne l’ensemble de la planète et nécessite une solution mondiale, il n’en reste pas moins que les États parties sont individuellement responsables de leurs propres actes ou omissions s’agissant de ces changements et de la manière dont ils y contribuent. Il note aussi que les auteurs avancent que l’État partie exerce un contrôle effectif sur la source des émissions de carbone située sur son territoire et que ces émissions ont des effets transfrontières.

10.9Le Comité considère qu’il est généralement accepté et corroboré par des preuves scientifiques que les émissions de carbone générées dans l’État partie contribuent à l’aggravation des changements climatiques et que les changements climatiques ont des effets néfastes à la fois sur le territoire de l’État partie et au-delà. Il considère que, étant donné qu’il a la capacité de réglementer les activités qui sont la source de ces émissions et de faire respecter les réglementations adoptées, l’État partie exerce un contrôle effectif sur les émissions.

10.10Conformément au principe des responsabilités communes mais différenciées, tel qu’énoncé dans l’Accord de Paris, le Comité estime que le caractère collectif de la cause des changements climatiques n’exonère pas l’État partie de sa responsabilité individuelle qui pourrait découler du dommage que pourraient causer à des enfants, où qu’ils se trouvent, les émissions générées sur son territoire.

10.11En ce qui concerne la prévisibilité, le Comité prend note de l’argument des auteurs, que l’État partie n’a pas contesté, selon lequel l’État partie est conscient des effets préjudiciables de ses contributions aux changements climatiques depuis des décennies et a signé la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques en 1992 et l’Accord de Paris en 2016. À la lumière des preuves scientifiques existantes qui montrent les conséquences de l’effet cumulatif des émissions de carbone pour la jouissance des droits de l’homme, y compris les droits consacrés par la Convention, le Comité considère que les effets potentiellement préjudiciables des actes ou omissions de l’État partie concernant les émissions de carbone générées sur son territoire étaient raisonnablement prévisibles pour l’État partie.

10.12Ayant conclu que l’État partie exerce un contrôle effectif sur les sources d’émissions qui contribuent à causer des dommages raisonnablement prévisibles à des enfants vivant hors de son territoire, le Comité doit maintenant déterminer si le lien de causalité entre les dommages que disent avoir subis les auteurs et les actes ou omissions de l’État partie est suffisant pour établir la juridiction. À cet égard, il observe, dans le droit fil de la position de la Cour interaméricaine des droits de l’homme, que, dans les affaires de dommages transfrontières, tous les effets négatifs n’engagent pas la responsabilité de l’État sur le territoire duquel ont eu lieu les activités ayant causé le dommage transfrontière, que les raisons pour lesquelles la juridiction pourrait être établie doivent être étayées compte tenu des circonstances particulières de l’espèce et que le dommage doit être « significatif ». À cet égard, le Comité note que la Cour interaméricaine a observé que, dans les articles sur la prévention des dommages transfrontières résultant d’activités dangereuses, la Commission du droit international faisait référence uniquement aux activités qui pouvaient causer un dommage transfrontière significatif et qu’il devait être entendu que « significatif » est plus que « détectable » mais sans nécessairement atteindre le niveau de « grave » ou « substantiel ». La Cour a en outre indiqué que le dommage devait se solder par un effet préjudiciable réel sur des choses telles que la santé de l’homme, l’industrie, les biens, l’environnement ou l’agriculture dans d’autres États et que ces effets préjudiciables devaient pouvoir être mesurés à l’aide de critères factuels et objectifs.

Qualité de victime

10.13Dans les circonstances particulières de l’espèce, le Comité prend note des griefs des auteurs qui affirment que les droits qu’ils tiennent de la Convention ont été violés par les États parties visés, qui, par leurs actes et leurs omissions, contribuent aux changements climatiques, et que le préjudice s’aggravera à mesure que la planète continuera de se réchauffer. Il prend note des griefs des auteurs qui affirment : que la fumée des feux de forêts et la pollution liée à la chaleur sont responsables de l’aggravation de l’asthme dont souffrent certains d’entre eux, qui nécessite des hospitalisations ; que la propagation et l’intensification des maladies à transmission vectorielle a aussi eu des répercussions sur les auteurs, certains d’entre eux ayant contracté le paludisme à de multiples reprises au cours d’une année ou ayant été atteints de la dengue ou du chikungunya ; que les auteurs ont été exposés à des vagues de chaleurs extrêmes qui ont gravement menacé la santé de beaucoup d’entre eux ; que, pour certains des auteurs, la sécheresse compromet la sécurité de l’approvisionnement en eau ; que certains des auteurs ont été exposés à des tempêtes et des inondations extrêmes ; que le niveau de subsistance des auteurs autochtones est compromis ; qu’en raison de l’élévation du niveau de la mer, les Îles Marshall et les Palaos risquent de devenir inhabitables dans quelques dizaines d’années ; que les changements climatiques ont nui à la santé mentale des auteurs, dont certains disent souffrir d’anxiété liée au climat. Le Comité considère que, en tant qu’enfants, les auteurs sont particulièrement touchés par les changements climatiques, non seulement en raison des effets qu’ils ont sur eux, mais aussi parce que ces changements risquent d’avoir des conséquences pour eux tout au long de leur vie, en particulier si des mesures ne sont pas prises immédiatement. Sachant que les changements climatiques ont des effets particuliers sur les enfants et que ceux-ci ont le droit à des garanties spéciales, en particulier à une protection juridique appropriée, les États ont une obligation accrue de protéger les enfants contre les dommages prévisibles.

10.14Compte tenu de ce qui précède, le Comité conclut que les auteurs ont suffisamment démontré, aux fins de l’établissement de la juridiction, que les atteintes aux droits qui leur sont reconnus par la Convention qui résultent des actes ou omissions de l’État partie concernant les émissions de carbone trouvant leur source sur son territoire étaient raisonnablement prévisibles. Il conclut également que, pour démontrer leur qualité de victimes, les auteurs ont établi à première vue qu’ils ont personnellement subi un dommage réel et significatif. En conséquence, il conclut qu’il n’est pas empêché par l’article 5 (par. 1) du Protocole facultatif d’examiner la communication.

Épuisement des recours internes

10.15Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel la communication devrait être jugée irrecevable pour non-épuisement des recours internes. Il prend également note de l’argument de l’État partie selon lequel l’article 41 de la Constitution reconnaît expressément le droit à un environnement sain, que l’article 43 prévoit le recours en amparo dans le domaine de l’environnement et que la loi générale sur l’environnement contient plusieurs dispositions qui permettent d’engager des actions en matière d’environnement (recours en réparation d’un dommage environnemental collectif). Il prend note en outre de l’argument de l’État partie selon lequel le Bureau du Défenseur général de la nation et le Bureau du Défenseur des droits des enfants et des adolescents fournissent gratuitement une aide juridictionnelle et les services d’un conseil aux enfants dans le cadre des affaires relatives à l’environnement. Il prend note en outre de l’argument de l’État partie selon lequel les droits collectifs ou droits ayant des effets collectifs sont reconnus dans le droit interne et que, selon le type de recours demandé, les parties directement ou indirectement lésées, les défenseurs des droits, les organisations de la société civile et les autorités nationales, provinciales et municipales ont qualité pour présenter des réclamations pour dommages environnementaux, ce qui supprime tout obstacle à l’accès à la justice pour les questions relatives à l’environnement.

10.16Le Comité prend note de l’affirmation des auteurs selon laquelle l’exception d’arraigo prévue à l’article 348 du Code de procédure civile interdirait aux auteurs domiciliés à l’étranger d’engager une action en justice quelle qu’elle soit dans l’État partie. Il prend également note de leur argument selon lequel le recours en amparo n’est pas adapté à leur affaire techniquement complexe, dans laquelle ils demandent à l’État partie de modifier sa politique et d’engager une coopération internationale, parce qu’un tel recours ne permet pas un débat approfondi ou l’examen d’éléments de preuve et ne peut aboutir à une déclaration d’inconstitutionnalité de certaines lois, décrets ou ordonnances. Il prend aussi note de l’argument selon lequel une action en remédiation environnementale au titre de l’article 30 de la loi générale sur l’environnement, bien que plus large et permettant un débat et l’examen d’éléments de preuve, ne peut porter que sur des préjudices passés ou existants et localisés, et qu’elle n’est donc pas un moyen de transformer les politiques nationales et internationales de l’État partie. En outre, il prend note de l’argument des auteurs selon lequel le Bureau du Défenseur général de la nation, le Bureau du Défenseur des droits de l’enfant et le Bureau du Défenseur du peuple de la nation constituent des recours discrétionnaires et ont donc peu de chances d’être utiles.

10.17Le Comité rappelle qu’un auteur doit avoir exercé toutes les voies de recours judiciaires et administratives qui peuvent lui offrir une perspective raisonnable de réparation. Il estime qu’il n’est pas nécessaire d’avoir épuisé les recours internes si ceux-ci n’ont objectivement aucune chance d’aboutir, par exemple dans les cas où la législation interne applicable entraînerait inévitablement le rejet de la demande ou lorsque la jurisprudence établie des plus hautes instances judiciaires exclut toute issue positive. Toutefois, il fait observer que de simples doutes ou supputations quant à l’utilité des recours internes ou leurs chances d’aboutir ne suffisent pas à dispenser les auteurs d’épuiser ces recours.

10.18En l’espèce, le Comité note que les auteurs n’ont pas tenté d’engager de procédure dans l’État partie. Il note également que les auteurs affirment qu’ils se heurteraient à des obstacles considérables s’ils devaient épuiser les recours internes, car les procédures seraient excessivement lourdes, déraisonnablement longues et peu susceptibles de leur permettre d’obtenir une réparation effective. Il note en outre qu’ils soutiennent qu’il est fort probable que les tribunaux internes rejetteraient leurs demandes, qui portent sur l’obligation d’un État de coopérer avec d’autres États, en raison de la non-justiciabilité de la politique étrangère et de l’immunité de juridiction étrangère de l’État. Il considère néanmoins que la question des manquements de l’État partie pour ce qui est de la coopération internationale est soulevée en relation avec la forme d’action en réparation particulière envisagée par les auteurs et que ceux-ci n’ont pas suffisamment démontré qu’une telle action était nécessaire pour obtenir une réparation effective. De plus, il prend note de l’argument de l’État partie selon lequel les auteurs disposaient de voies de droit sous la forme d’un amparo en matière d’environnement en application de l’article 43 de la Constitution, ainsi que sous la forme d’un recours en réparation d’un dommage environnemental collectif en application de la loi générale sur l’environnement. Il prend également note de l’argument de l’État partie selon lequel les auteurs auraient pu s’adresser au Bureau du Défenseur général de la nation et au Bureau du Défenseur des droits des enfants et des adolescents pour engager de telles actions en application de la loi générale sur l’environnement, et auraient pu obtenir une aide juridique, qui est disponible pour ce type d’action. Il note que les auteurs affirment que l’exception d’arraigo prévue à l’article 348 du Code de procédure civile empêcherait ceux d’entre eux qui sont domiciliés à l’étranger d’engager une action en justice quelle qu’elle soit dans l’État partie. Il note toutefois que l’État partie a réfuté cette affirmation et que les auteurs n’ont pas fourni d’exemples d’affaires dans lesquelles des demandeurs non domiciliés dans l’État partie auraient été empêchés de se saisir des recours mentionnés par l’État partie pour obtenir des réparations similaires à celles qu’ils demandent. Enfin, il prend note de l’argument des auteurs selon lequel le Bureau du Défenseur général de la nationet le Bureau du Défenseur des droits de l’enfant constituent des recours discrétionnaires et ont donc peu de chances d’être utiles. Il note toutefois que les auteurs n’ont pas demandé à ces entités d’engager une action en leur nom et considère que le fait que le recours puisse être discrétionnaire en soi ne les dispense pas de formuler une telle demande, en particulier en l’absence de toute information qui démontrerait que ce recours n’a aucune chance d’aboutir et à la lumière des actions en justice déjà engagées sur la question de la dégradation de l’environnement dans l’État partie. Les auteurs n’ayant fourni aucune explication sur les raisons pour lesquelles ils n’ont pas tenté d’exercer ces recours, si ce n’est en déclarant qu’ils doutaient de pouvoir obtenir gain de cause de quelque manière que ce soit, le Comité estime qu’ils n’ont pas épuisé tous les recours internes utiles et disponibles dont ils pouvaient raisonnablement se prévaloir pour dénoncer la violation présumée des droits qu’ils tiennent de la Convention.

10.19Concernant l’argument des auteurs selon lequel l’immunité de juridiction étrangère de l’État les empêcherait d’épuiser les recours disponibles dans l’État partie, le Comité note que la question de l’immunité de juridiction étrangère de l’État ne se pose qu’en relation avec l’action particulière que les auteurs auraient engagée en poursuivant d’autres États et l’État partie devant les tribunaux internes de celui-ci. Il considère que les auteurs n’ont pas suffisamment démontré, au regard de l’article 7 (al. e)) du Protocole facultatif, que ces recours seraient peu susceptibles de leur permettre d’obtenir une réparation effective.

10.20Le Comité note que les auteurs soutiennent que l’exercice des recours internes entraînerait des procédures déraisonnablement longues. Il note également que les auteurs citent quelques exemples d’affaires touchant à l’environnement dont la résolution a pris plusieurs années, mais qu’ils ne fournissent pas d’autres informations concrètes sur la durée de telles procédures dans l’État partie. Il note aussi que l’État partie fournit des exemples d’affaires touchant à l’environnement qui ont été traitées dans des délais raisonnables. Les auteurs n’ayant pas fourni d’informations précises montrant que les recours internes seraient inutiles ou indisponibles et n’ayant pas tenté de saisir les tribunaux de l’État partie, le Comité considère qu’ils n’ont pas épuisé les recours internes.

10.21En conséquence, le Comité déclare que la communication est irrecevable au regard de l’article7 (al. e)) du Protocole facultatif au motif que les recours internes n’ont pas été épuisés.

11.En conséquence, le Comité décide :

a)Que la communication est irrecevable au regard de l’article 7 (al. e)) du Protocole facultatif ;

b)Que la présente décision sera communiquée aux auteurs de la communication et, pour information, à l’État partie.