Nations Unies

CRC/C/88/D/105/2019

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr. générale

9 novembre 2021

Français

Original : anglais

Comité des droits de l ’ enfant

Décision adoptée par le Comité au titre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, concernant la communication no 105/2019 * , **

Communication présentée par :

Chiara Sacchi et consorts (représentés par des conseils, Scott Gilmore et autres, de Hausfeld LLP, et Ramin Pejan et autres, de Earthjustice)

Victime(s) présumée(s) :

Les auteurs

État partie :

Brésil

Date de la communication :

23 septembre 2019 (date de la lettre initiale)

Date de la décision :

22 septembre 2021

Objet :

Non-prévention des changements climatiques et non-atténuation de leurs conséquences

Questions de procédure :

Compétence ; qualité de victime ; épuisement des recours internes ; fondement des griefs ; irrecevabilité ratione temporis

Questions de fond :

Droit à la vie; droit de l’enfant de jouir du meilleur état de santé possible; droit de l’enfant d’avoir sa propre vie culturelle; intérêt supérieur de l’enfant

Article(s) de la Convention :

6, 24 et 30, lus conjointement avec l’article 3

Article(s) du Protocole facultatif :

5 (par. 1) et 7 (al. e) à g))

1.1Les auteurs de la communication sont Chiara Sacchi, de nationalité argentine, Catarina Lorenzo, de nationalité brésilienne, Iris Duquesne, de nationalité française, Raina Ivanova, de nationalité allemande, Ridhima Pandey, de nationalité indienne, David Ackley III, Ranton Anjain et Litokne Kabua, de nationalité marshallienne, Deborah Adegbile, de nationalité nigériane, Carlos Manuel, de nationalité palaosienne, Ayakha Melithafa, de nationalité sud-africaine, Greta Thunberg et Ellen-Anne, de nationalité suédoise, Raslen Jbeili, de nationalité tunisienne, et Carl Smith et Alexandra Villaseñor, ressortissants des États-Unis d’Amérique. Au moment où ils ont soumis leur plainte, les auteurs avaient tous moins de 18 ans. Ils affirment qu’en ne prévenant pas les changements climatiques et en n’atténuant pas leurs conséquences, l’État partie a violé les droits qu’ils tiennent des articles 6, 24 et 30, lus conjointement avec l’article 3, de la Convention. Ils sont représentés par des conseils. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 29 décembre 2017.

1.2Le 20 novembre 2019, le Groupe de travail des communications, agissant au nom du Comité et se fondant sur l’article 8 du Protocole facultatif et l’article 18 (par. 4) du règlement intérieur du Comité, a prié l’État partie de soumettre ses observations sur la recevabilité de la communication séparément de ses observations sur le fond.

Rappel des faits présentés par les auteurs

2.Les auteurs affirment qu’en provoquant et en faisant perdurer les changements climatiques, l’État partie n’a pas pris les mesures de prévention et de précaution nécessaires pour respecter, protéger et mettre en œuvre leurs droits à la vie, à la santé et à la culture. Ils soulignent que la crise climatique n’est pas une menace lointaine et abstraite. L’augmentation de 1,1 °C de la température mondiale moyenne provoque actuellement des vagues de chaleur dévastatrices, des incendies de forêt, des phénomènes météorologiques extrêmes, des inondations et l’élévation du niveau de la mer et favorise la propagation de maladies infectieuses, portant ainsi atteinte aux droits humains de millions de personnes dans le monde. Parce qu’ils font partie des plus vulnérables, physiologiquement et psychologiquement, face à ces effets potentiellement mortels, les enfants subiront les préjudices causés par les changements climatiques bien davantage et bien plus longtemps que les adultes.

Teneur de la plainte

3.1Les auteurs affirment que chaque jour de retard dans l’adoption des mesures nécessaires pèse sur le « budget carbone » restant, à savoir la quantité de carbone qui peut encore être émise avant que le climat n’atteigne un point de basculement irréversible pour l’environnement et la santé humaine. Ils ajoutent que l’État partie, comme d’autres États, crée un risque imminent car les occasions perdues d’atténuer les effets des changements climatiques ne pourront pas être rattrapées et il sera impossible d’assurer des moyens de subsistance durables et sûrs aux générations futures.

3.2Les auteurs avancent que la crise climatique est une crise des droits de l’enfant. Les États parties à la Convention sont tenus de respecter, de protéger et de mettre en œuvre le droit inaliénable des enfants à la vie, dont tous les autres droits découlent. L’atténuation des effets des changements climatiques est un impératif au regard des droits de l’homme. Dans le contexte de la crise climatique, les obligations découlant du droit international des droits de l’homme sont fondées sur les règles et les principes du droit international de l’environnement. Les auteurs affirment que l’État partie n’a pas respecté l’obligation que lui fait la Convention : a) de prévenir les violations prévisibles des droits de l’homme que les changements climatiques peuvent causer, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de son territoire ; b) de coopérer au niveau international pour faire face à l’urgence climatique mondiale ; c) d’appliquer le principe de précaution pour protéger la vie dans un contexte d’incertitude ; d) de garantir une justice intergénérationnelle, pour les enfants et pour la postérité.

Article 6

3.3Les auteurs soutiennent que les actes et les omissions de l’État partie qui font perdurer la crise climatique les ont déjà exposés pendant toute leur enfance aux risques prévisibles et potentiellement mortels des changements climatiques causés par l’homme, qu’il s’agisse de la chaleur, des inondations, des tempêtes, des sécheresses, des maladies ou de la pollution de l’air. Les scientifiques s’accordent à dire que les risques potentiellement mortels auxquels les auteurs sont exposés s’aggraveront tout au long de leur vie si la température mondiale augmente de 1,5 °C ou plus par rapport à l’ère préindustrielle.

Article 24

3.4Les auteurs affirment que les actes et les omissions de l’État partie qui font perdurer la crise climatique ont déjà porté préjudice à leur santé mentale et physique, avec des effets allant de l’asthme au traumatisme émotionnel. Ces préjudices, qui s’aggraveront à mesure que la planète continuera de se réchauffer, constituent des atteintes au droit à la santé qu’ils tiennent de l’article 24 de la Convention. À Paradise, en Californie (États-Unis d’Amérique), la fumée des feux de forêt a provoqué une dangereuse poussée d’asthme chez Alexandria Villaseñor, qui a dû être hospitalisée. À Lagos (Nigéria), Deborah Adegbile est régulièrement hospitalisée pour des crises d’asthme déclenchées par la pollution liée à la chaleur. Les auteurs subissent de plus les effets de la propagation et de l’intensification des maladies à transmission vectorielle. À Lagos, Deborah souffre à présent du paludisme plusieurs fois par an. Aux Îles Marshall, Ranton Anjain a contracté la dengue en 2019. David Ackley III a contracté le chikungunya, maladie apparue dans l’archipel en 2015. Les vagues de chaleur extrême, dont la fréquence a augmenté sous l’effet des changements climatiques, menacent gravement la santé de plusieurs des auteurs. Les températures élevées ne sont pas seulement mortelles ; elles peuvent avoir de nombreux effets sur la santé, notamment causer des crampes, des coups de chaleur, de la fièvre et un épuisement, et peuvent aussi aggraver rapidement des problèmes de santé préexistants. De surcroît, pour plusieurs auteurs, dont Raslan Jbeili, Catarina Lorenzo et Ayakha Melithafa, la sécheresse menace la sécurité de l’approvisionnement en eau.

Article 30

3.5Les auteurs affirment que, en contribuant comme il l’a fait à la crise climatique, l’État partie a déjà mis en péril les pratiques millénaires de subsistance des peuples autochtones de l’Alaska (États-Unis), des Îles Marshall et du Sápmi (Suède), auxquels appartiennent certains des auteurs. Ces pratiques ne sont pas seulement la principale source de subsistance de ces peuples, elles sont aussi directement liées à une façon d’être, de voir le monde et de se comporter qui fait intrinsèquement partie de leur identité culturelle.

Article 3

3.6En favorisant des politiques climatiques qui retardent la décarbonation, l’État partie reporte sur les enfants et sur les générations futures l’énorme fardeau et les coûts considérables des changements climatiques. Ce faisant, il a manqué à son devoir de garantir l’exercice des droits de l’enfant pour la postérité et a ignoré le principe d’équité intergénérationnelle. Les auteurs font observer que, si leur plainte porte sur la violation des droits que leur reconnaît la Convention, les effets de la crise climatique ne se limitent pas aux préjudices subis par un petit nombre d’enfants. En fin de compte, ce sont les droits de tous les enfants, partout dans le monde, qui sont en jeu. Si l’État partie, agissant seul et de concert avec d’autres États, ne prend pas immédiatement les mesures disponibles pour mettre fin à la crise climatique, les effets dévastateurs des changements climatiques réduiront à néant la capacité de la Convention à protéger les droits des enfants, où que ce soit dans le monde. Aucun État qui agirait rationnellement dans l’intérêt supérieur de l’enfant n’imposerait ce fardeau à un enfant en choisissant de retarder l’adoption de telles mesures. La seule analyse coûts-avantages qui justifierait les politiques menées par les États concernés est une analyse qui ne tiendrait pas compte de la vie des enfants et ferait primer les intérêts économiques à court terme sur les droits de l’enfant. En accordant, dans son action climatique, une valeur inférieure à l’intérêt supérieur des auteurs et des autres enfants, l’État partie viole directement l’article 3 de la Convention.

3.7Les auteurs demandent au Comité de constater : a) que la crise climatique est une crise des droits de l’enfant ; b) que l’État partie, avec d’autres États, a provoqué cette crise et la fait perdurer en ignorant délibérément les données scientifiques disponibles concernant les mesures à prendre pour prévenir et atténuer les changements climatiques ; c) que, en faisant perdurer les changements climatiques, qui représentent un danger mortel, l’État partie viole les droits des auteurs à la vie et à la santé et le principe selon lequel l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une priorité, ainsi que les droits culturels des auteurs issus de communautés autochtones.

3.8Les auteurs demandent également au Comité de recommander à l’État partie : a) d’examiner et, au besoin, de modifier ses lois et ses politiques en vue d’accélérer les efforts d’atténuation et d’adaptation dans toute la mesure des ressources disponibles et sur la base des meilleures preuves scientifiques disponibles pour protéger les droits des auteurs et faire en sorte que l’intérêt supérieur de l’enfant soit une considération primordiale, en particulier dans le cadre de la répartition de la charge et des coûts liés à l’atténuation des changements climatiques et à l’adaptation à ces changements ; b) d’entreprendre des actions en coopération avec la communauté internationale − et de renforcer les actions de coopération existantes − en vue d’adopter des mesures contraignantes et exécutoires visant à atténuer la crise climatique, à protéger les auteurs et les autres enfants contre tout nouveau préjudice et à garantir leurs droits inaliénables ; c) de garantir, conformément à l’article 12 de la Convention, le droit de l’enfant d’être entendu et d’exprimer librement son opinion sur toutes les actions entreprises aux niveaux international, national et infranational en vue d’atténuer la crise climatique ou de s’y adapter, ainsi que sur toutes les actions entreprises pour donner suite à la présente communication.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Dans une note du 20 janvier 2020, l’État partie a soumis ses observations sur la recevabilité de la plainte. Il affirme que la communication devrait être déclarée irrecevable pour défaut de compétence, fondement insuffisant des griefs aux fins de la recevabilité et non-épuisement des recours internes.

4.2L’État partie donne des informations sur sa législation. Il indique que l’article 3 de la loi portant statut de l’enfant et de l’adolescent dispose que les enfants jouissent de tous les droits fondamentaux reconnus à toute personne et bénéficient de toutes les mesures propres à garantir leur épanouissement physique, psychologique, moral, spirituel et social dans le respect de leur liberté et de leur dignité. Cette loi consacre en outre des droits fondamentaux tels que les droits à la vie, à la santé, à l’éducation et à la culture. Son article 141 garantit l’accès de tout enfant au Bureau du Défenseur public, au Bureau du Procureur général et à la justice, qui peut être saisie par l’intermédiaire de n’importe lequel de ses organes. L’article 210 de la même loi prévoit que des actions civiles relatives à la protection et à la promotion des droits collectifs des enfants peuvent être intentées par le Bureau du Défenseur public, le Bureau du Procureur général, les États fédérés, le District fédéral, les municipalités et des associations. L’État partie fait valoir qu’il existe au sein de son système judiciaire des mécanismes adaptés que les enfants peuvent saisir pour demander justice et réparation. La Constitution prévoit aussi des procédures permettant de défendre divers droits collectifs, dont le droit à un environnement sain. Son article 5 permet notamment à tout citoyen d’intenter une action en justice en vue de l’invalidation d’un acte portant atteinte à l’environnement. Le demandeur agit en son nom pour la défense d’un bien collectif et est exonéré de l’obligation de s’acquitter des frais de justice, sauf s’il est démontré qu’il est de mauvaise foi. En outre, des actions civiles publiques relatives à la protection de l’environnement peuvent être engagées au titre de la loi no 7,347/85. Certaines personnes morales, dont le Bureau du Défenseur public, le Bureau du Procureur général, les États fédérés, le District fédéral, les municipalités et les associations, sont habilitées à agir en justice. L’État partie fait valoir qu’en l’espèce, les auteurs auraient dû s’adresser à l’une de ces personnes morales, étant donné que celles-ci pouvaient intenter une action publique pour défendre leurs intérêts. Il affirme qu’en conséquence, la communication devrait être déclarée irrecevable pour non-épuisement des recours internes. Il prend note de l’argument des auteurs qui soutiennent qu’ils n’auraient probablement aucune chance d’obtenir une réparation effective devant les juridictions internes et que la durée de la procédure aurait été excessive. Il fait valoir que, comme les auteurs n’ont pas tenté d’engager une procédure au Brésil, cet argument repose sur des hypothèses et est dénué de fondement.

4.3L’État partie affirme que les auteurs n’ont pas démontré que le Brésil était responsable d’un fait internationalement illicite. Il renvoie au projet d’articles adopté par la Commission du droit international sur ce sujet, qui traite des conditions générales que pose le droit international pour qu’un État soit considéré comme responsable d’actes ou d’omissions illicites, et des conséquences juridiques qui en découlent. Pour qu’un État puisse être tenu responsable d’un fait internationalement illicite, il faut que la violation alléguée puisse lui être attribuée, ce qui signifie qu’il faut démontrer que la responsabilité du dommage lui est imputable. L’État partie considère qu’en l’espèce, les auteurs n’ont pas démontré dans quelle mesure la responsabilité des violations alléguées est attribuable au Brésil. Celui-ci ne saurait être tenu responsable d’actes ou d’omissions qui pourraient avoir été le fait d’autres États. Enoutre, les auteurs n’ont pas précisé en quoi consistait le préjudice qu’ils disent avoir subi ni établi de lien entre ce préjudice et des actes ou des omissions imputables au Brésil. Cet aspect est particulièrement important étant donné que les répercussions des changements climatiques ne sauraient être mises uniquement sur le compte des cinq États visés par les auteurs dans les plaintes qu’ils ont soumises au Comité. Les allégations tendant à attribuer à ces cinq États la responsabilité des conséquences générales d’un phénomène aussi complexe que les changements climatiques sont clairement dénuées de fondement. Cela vaut en particulier pour le Brésil, qui ne figure pas et n’a jamais figuré parmi les principaux émetteurs de dioxyde de carbone. L’État partie fait donc valoir que la communication devrait être déclarée irrecevable pour fondement insuffisant des griefs aux fins de la recevabilité, les auteurs n’ayant pas démontré l’existence d’un lien de causalité entre les préjudices qu’ils décrivent dans leur plainte et des actes ou omissions imputables au Brésil. L’État partie ajoute qu’il a toujours respecté les obligations internationales qui lui incombent et que, même si la façon dont il honore ses engagements en matière d’environnement peut être contestée, le Comité n’est pas compétent pour surveiller l’application des instruments internationaux relatifs aux changements climatiques.

4.4Le 27 mars 2020, l’État partie a soumis des observations complémentaires sur les voies de recours internes disponibles. Il fait observer que la loi portant statut de l’enfant et de l’adolescent − texte législatif donnant effet aux dispositions de la Convention sur le plan interne − dispose en son article 15 que les enfants sont titulaires de droits. Son article 4 prévoit que la famille, la collectivité, la société en général et les autorités sont tenus d’assurer, à titre de priorité absolue, la mise en œuvre effective des droits fondamentaux des enfants et des adolescents. Le système de protection et de promotion des droits de l’enfant mis en place par cette loi s’articule autour de trois grands axes, à savoir la promotion des droits, la défense des droits et la responsabilité sociale.

4.5La loi portant statut de l’enfant et de l’adolescent comporte un chapitre expressément consacré à l’accès à la justice. L’article 141 garantit l’accès des enfants et des adolescents au Bureau du Défenseur public, au Bureau du Procureur général et à la justice et, pour ceux qui en ont besoin, à des services gratuits de représentation en justice, lesquels sont assurés par un avocat commis d’office ou un conseil désigné à cette fin. L’article 145 prévoit que des tribunaux spécialisés peuvent être créés aux fins de l’examen des affaires qui concernent des enfants et des adolescents. Les procédures correspondantes sont exonérées de coûts et de frais.

4.6En outre, les intérêts collectifs de l’enfant font l’objet de garanties juridiques spéciales. En effet, des actions civiles relatives à la protection et à la promotion des droits collectifs des enfants peuvent être intentées notamment par le Bureau du défenseur public, le Bureau du Procureur général, les États fédérés, le District fédéral, les municipalités et des associations. L’État partie précise que son système juridique prévoit plusieurs voies de recours (action civile, habeas corpus, ordonnance d’injonction, ordonnance de mandamus) qui peuvent être exercées notamment pour protéger les droits et les intérêts des enfants et des adolescents. L’action civile publique, régie par la loi no 7,347/85 et prévue par l’article 201 de la loi portant statut de l’enfant et de l’adolescent, peut être engagée par le Bureau du Procureur général ou toute autre autorité. L’habeas corpus est accordé à toute personne qui fait l’objet ou risque de faire l’objet d’actes de violence ou de restrictions à sa liberté de circulation résultant d’actes illégaux ou d’abus de pouvoir. L’ordonnance d’injonction est délivrée lorsque l’absence de disposition réglementaire est considérée comme faisant obstacle à l’exercice des libertés et droits constitutionnels ainsi que des prérogatives inhérentes à la nationalité, à la souveraineté et à la citoyenneté (art. 5 de la Constitution). L’ordonnance de mandamus est décernée pour protéger un droit non couvert par le droit d’habeas corpus ou d’habeas data, lorsque le responsable des actes illégaux ou de l’abus de pouvoir est un agent de la fonction publique ou une personne morale exerçant les fonctions d’un organe public (art. 5 de la Constitution).

Commentaires des auteurs sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité

5.1Dans un courrier daté du 4 mai 2020, les auteurs ont soumis leurs commentaires sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité de la communication. Ils soutiennent que la communication est recevable.

5.2Les auteurs affirment que l’État partie exerce un contrôle effectif sur les émissions provenant de son territoire. Il est le seul à pouvoir réduire ces émissions étant donné qu’il a le pouvoir souverain de réglementer les activités, de délivrer des licences, d’imposer des amendes et de percevoir des impôts. Parce que l’État partie exerce un contrôle exclusif sur les activités qui sont à l’origine de préjudices, les victimes prévisibles des répercussions de ces activités, dont les auteurs, relèvent de sa juridiction. Pour ce qui est de l’argument selon lequel les changements climatiques sont un problème mondial dont l’État partie ne saurait être tenu responsable, les auteurs avancent qu’en vertu du droit international coutumier, lorsque deux ou plusieurs États contribuent à un résultat dommageable, chacun de ces États est responsable de ses propres actes, nonobstant la participation d’autres États. Aux termes de l’article 47 des articles de la Commission du droit international sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite, « [l]orsque plusieurs États sont responsables du même fait internationalement illicite, la responsabilité de chaque État peut être invoquée par rapport à ce fait ». Dans les situations de ce genre, la responsabilité de chaque État participant est établie séparément, sur la base du comportement de l’État en question et au regard de ses propres obligations internationales.

5.3Les auteurs réaffirment qu’ils ont établi que chacun d’eux avait subi un préjudice et était exposé au risque de subir de nouveaux préjudices irréparables du fait des changements climatiques résultant en grande partie de l’incapacité de l’État partie de réduire les émissions. Les conséquences des actes et omissions de l’État partie en matière de lutte contre les changements climatiques lèsent directement et personnellement les auteurs et les exposent à des risques prévisibles. Quand bien même d’autres enfants dans le monde seraient dans la même situation ou seraient exposés à des risques similaires, la plainte pour préjudice dû aux changements climatiques ne constitue pas une actio  popularis .

5.4Les auteurs réaffirment que rien ne servirait d’utiliser les recours internes, car ils n’auraient aucune chance réelle d’aboutir. Ils soutiennent que les tribunaux nationaux ne peuvent pas statuer sur leurs griefs relatifs à l’obligation de coopération internationale et ne peuvent pas déterminer si l’État partie a fait ou non usage des moyens juridiques, économiques et diplomatiques à sa disposition pour persuader les autres États membres du G20 et les entreprises qui exploitent des combustibles fossiles de réduire leurs émissions. L’État partie n’a pas d’instance compétente pour examiner les griefs formulés et se prononcer sur les mesures de réparation demandées, la plainte portant sur des violations des droits de l’homme causées par les actions de multiples États dont les effets se font sentir à travers de multiples frontières. L’immunité de juridiction rend vaine toute action en réparation pour des dommages transfrontières causés par des États tiers. Les plaintes déposées contre l’Allemagne, l’Argentine, la France et la Turquie seraient considérées comme irrecevables au Brésil au motif qu’elles portent sur des actes de souveraineté de ces États. Les tribunaux brésiliens reconnaissent depuis longtemps l’immunité des États étrangers en matière d’actes de souveraineté (acta jure imperii), lesquels englobent les politiques climatiques des autres États. Les auteurs font valoir que les mesures de réparation qu’ils demandent ne sont pas du ressort des tribunaux ou que, à tout le moins, il est très peu probables qu’elles soient ordonnées. Les tribunaux nationaux sont peu susceptibles voire incapables d’ordonner aux pouvoirs législatifs et exécutifs de respecter leurs obligations internationales dans le domaine du climat et de réduire les émissions. En l’espèce, les mesures de réparation demandées supposent aussi l’adoption de décisions politiques en matière de relations internationales. Les tribunaux nationaux ne peuvent pas enjoindre au Gouvernement de coopérer avec la communauté internationale pour lutter contre les changements climatiques. En résumé, aucun tribunal n’obligerait le gouvernement à prendre des mesures de précaution efficaces permettant d’éviter que les auteurs ne subissent de nouveaux préjudices.

5.5En ce qui concerne les recours mentionnés par l’État partie, les auteurs font valoir qu’ils n’auraient pas le droit d’ester en justice car, en droit brésilien, les enfants n’ont pas qualité pour exercer ces recours. Seuls les Brésiliens de plus de 16 ans jouissent du droit d’intenter une actio popularis, ce qui signifie que même Catarina Lorenzo, qui a 13 ans, n’aurait pas qualité pour agir. Une action civile publique ne peut pas être intentée par des particuliers ; elle ne peut l’être que par certaines entités. Le Bureau du Procureur général ou le Bureau du Défenseur public pourraient certes accepter, à leur discrétion, de porter une telle affaire devant les tribunaux mais, s’ils le faisaient, ils ne participeraient pas à la procédure en tant que défenseurs des auteurs mais en tant que partie au procès. Une association de défense des droits de l’enfant peut intenter une action civile publique, mais uniquement si l’affaire porte sur des questions relevant de son domaine de compétence. Dans ce cas également, les auteurs ne seraient pas parties au procès, et l’association agirait à sa propre discrétion.

5.6Les auteurs affirment en outre que, compte tenu du caractère unique de leurs griefs, les recours internes seraient déraisonnablement longs, car il leur faudrait engager une procédure dans chacun des cinq États parties visés et chacune de ces procédures prendrait plusieurs années. L’État partie ne pourrait pas garantir l’octroi d’une réparation dans les délais voulus et tout retard dans la réduction des émissions pèse sur le budget carbone restant et rend l’objectif consistant à limiter le réchauffement à 1,5 °C encore plus hors de portée. La durée excessive des procédures judiciaires est un problème notoire, qui a été mis en évidence dans une enquête menée auprès des juges brésiliens, ainsi que par le Comité des droits de l’homme et par le Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats. En l’espèce, la procédure serait d’autant plus longue que l’affaire soulèverait des questions inédites en matière de politique climatique. Aucune action d’une pareille ampleur et d’une portée mondiale n’a encore été intentée au Brésil dans le domaine des changements climatiques.

Intervention de tiers

6.Le 1er mai 2020, David R. Boyd, Rapporteur spécial sur la question des obligations relatives aux droits de l’homme se rapportant aux moyens de bénéficier d’un environnement sûr, propre, sain et durable, et John H. Knox, ancien titulaire de ce mandat, ont soumis une intervention en tant que tiers au Comité.

Observations de l’État partie sur l’intervention de tiers

7.1Le 29 juillet 2020, l’État partie a soumis ses observations sur l’intervention. Il réaffirme que la communication est irrecevable au motif que les recours internes n’ont pas été épuisés, la communication est manifestement dénuée de fondement et les faits sont antérieurs à l’entrée en vigueur du Protocole facultatif pour l’État partie, le 29 décembre 2017.

7.2L’État partie répète qu’en ne précisant pas en quoi a consisté le préjudice réel subi et en n’établissant pas de lien entre ce préjudice et des actions identifiables des cinq États parties visés, les auteurs n’ont pas étayé leurs griefs aux fins de la recevabilité. Il fait valoir que les effets des changements climatiques sur la planète ne peuvent être imputés à cinq pays sélectionnés au hasard par les auteurs. Il fait valoir également que, compte tenu du principe des responsabilités communes mais différenciées, il a respecté les engagements en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre qu’il a pris au titre de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, du Protocole de Kyoto et de l’Accord de Paris.

7.3L’État partie fait observer que, dans ses articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite, la Commission du droit international a indiqué qu’il y a fait internationalement illicite de l’État lorsqu’un comportement consistant en une action ou une omission est attribuable à l’État en vertu du droit international et constitue une violation d’une obligation internationale de l’État. L’État partie fait également observer que la Cour interaméricaine des droits de l’homme a conclu que, même en cas de dommage environnemental transfrontière, il doit exister un lien de causalité permettant d’attribuer le dommage à un comportement de l’État. L’État partie soutient que, s’il n’existe pas de fondement minimum permettant d’attribuer le dommage à un comportement de l’État, la question de la responsabilité internationale de l’État ne peut pas être examinée. L’existence d’un lien minimal de causalité qui permettrait une attribution légitime de la responsabilité du phénomène mondial des changements climatiques n’ayant pas été démontrée, la communication est irrecevable.

Audition

8.1À l’invitation du Comité et conformément à l’article 19 de son règlement intérieur au titre du Protocole facultatif, les représentants des deux parties se sont présentés devant le Comité le 27 mai 2021 par vidéoconférence, ont répondu aux questions des membres du Comité sur leurs positions et ont fourni des éclaircissements.

Commentaires présentés oralement par les auteurs

8.2Les auteurs réaffirment que l’État partie n’a pas pris toutes les mesures nécessaires et appropriées pour maintenir le réchauffement de la planète à moins de 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle, contribuant ainsi aux changements climatiques, en violation de leurs droits. Ils font observer que, si la Convention doit protéger les enfants de l’urgence climatique, les notions de préjudice, de compétence, de causalité et d’épuisement des recours doivent être adaptées à la nouvelle réalité. Ils soutiennent de nouveau que les préjudices qu’ils ont subis et continueront de subir étaient prévisibles en 1990, lorsque le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat a averti qu’un réchauffement de la planète de seulement 1° C pourrait provoquer les pénuries d’eau, les maladies à transmission vectorielle et l’élévation du niveau de la mer auxquelles ils sont maintenant exposés. Ils font valoir qu’ils continueront à souffrir énormément toute leur vie si les États parties visés ne prennent pas immédiatement des mesures pour réduire considérablement leurs émissions de gaz à effet de serre. Ils insistent sur le fait qu’il existe un lien de causalité direct et prévisible entre les préjudices qu’ils ont subis et les émissions des États visés, avançant qu’il est incontestable que ces préjudices sont imputables aux changements climatiques et que les émissions actuelles des États parties visés contribuent à l’aggravation des changements climatiques.

8.3En ce qui concerne l’épuisement des recours internes, les auteurs répètent que les recours mentionnés par l’État partie ne leur donneraient pas satisfaction. À titre d’exemple, ils renvoient au procès relatif au barrage de Belo Monte, soulignant que l’affaire est restée pendante devant le tribunal pendant dix-neuf ans et que le barrage a été construit au cœur de l’État d’Amazonas. Ilsavancent que, leur plainte concernant un problème environnemental mondial complexe, leur affaire subira le même retard, si ce n’est un retard plus important, que l’affaire de Belo Monte. Les auteurs répètent en outre qu’il est peu probable que les tribunaux acceptent même de se charger de leur affaire, puisque le principe de l’immunité de juridiction étrangère de l’État empêche que des décisions prises dans le cadre de recours internes soient appliquées à l’Allemagne, à l’Argentine, à la France et à la Turquie. En ce qui concerne les griefs des auteurs relatifs à la coopération internationale, la plus haute juridiction fédérale a jugé qu’il était légalement impossible pour les tribunaux nationaux d’examiner les actes du Président. Les auteurs ajoutent que des enfants ne peuvent pas intenter eux-mêmes d’action civile ou d’action civile publique dans l’État partie. Seuls le Bureau du Procureur général, le Bureau du Défenseur public, le Gouvernement lui-même ou des associations pourraient intenter de telles actions, et ils n’ont aucune obligation de le faire. Ils avancent que des recours qui dépendent du bon vouloir de tiers ne leur permettent pas de saisir directement un tribunal et ne constituent pas des recours utiles. De plus, ils font valoir que les trois voies de recours impliquant les actes de procédures mentionnés par l’État partie seraient inefficaces car elles ne sont pas adaptées aux types de grief et de recours en jeu en l’espèce. Premièrement, l’habeas corpus n’est applicable que si la victime a subi des violences ou a fait l’objet de mesures de contraintes restreignant sa liberté de circulation, ce qui ne s’applique pas en l’espèce. Deuxièmement, l’ordonnance de mandamus est un acte discret et bref qui ne peut être utilisé que pour contraindre une autorité publique à prendre des mesures précises prévues par une disposition particulière de la loi ou de la Constitution. Cette ordonnance peut par exemple être utilisée pour exiger d’une autorité publique qu’elle entreprenne une évaluation de l’impact sur l’environnement concernant un projet susceptible d’entraîner une pollution. La législation brésilienne ne contient aucune disposition prévoyant expressément l’obligation de prendre des mesures d’atténuation des changements climatiques. Troisièmement, une ordonnance d’injonction doit être fondée sur une disposition constitutionnelle exigeant expressément l’adoption de textes d’application, et le tribunal n’examinera pas la teneur de ce texte de loi. Il n’existe aucune disposition constitutionnelle que les auteurs puissent invoquer à l’appui de leurs revendications en faveur de mesures d’atténuation des changements climatiques. Les auteurs avancent que, comme aucun des recours mentionnés par l’État partie ne serait efficace, ils n’ont aucune obligation de d’épuiser ces recours avant de saisir le Comité de leur plainte.

Commentaires présentés oralement par l ’ État partie

8.4L’État partie répète que la communication devrait être déclarée irrecevable pour défaut de compétence. Il fait observer qu’étant donné qu’il n’est pas possible de conclure que les activités polluantes de l’État partie auraient un effet direct et prévisible sur les droits de l’enfant sur son territoire ou en dehors de celui-ci, aucun des auteurs ne se trouve sous le contrôle effectif de l’État partie aux fins de l’exercice de la compétence. Il réaffirme qu’il n’existe pas de lien de cause à effet entre les actes ou omissions allégués des États parties visés et le préjudice qu’auraient subi les auteurs. Il note que la Cour interaméricaine des droits de l’homme a estimé que la compétence s’exerce lorsque l’État d’origine a un contrôle effectif sur les activités qui ont causé le préjudice et les violations des droits de l’homme en résultant. L’État partie fait observer plus précisément qu’un lien doit être établi entre un acte ou une omission d’un État, la dégradation de l’environnement et des préjudices graves et directs causés à un individu. Lorsqu’il s’agit d’obligations extraterritoriales en matière de droits de l’homme, il doit y avoir un lien suffisant, ou un facteur de rattachement, entre les actes ou omissions de l’État et un préjudice lié à l’environnement subi par des personnes se trouvant à l’étranger. L’État partie affirme que ces conditions précises ne sont pas remplies en l’espèce puisqu’il n’est pas possible, par exemple, de conclure que les pénuries d’eau auxquelles certains des auteurs font face dans leur ville résultent d’un comportement imputable à l’État partie.

8.5L’État partie souligne que les auteurs n’ont pas tenté de se prévaloir de tous les recours internes qui leur sont ouverts au Brésil. Il fait observer que les auteurs de la communication n’ont pas prouvé que les recours internes seraient inefficaces ou que la procédure de recours serait indûment longue. L’argument non étayé selon lequel un jugement définitif rendu par une juridiction interne de l’État partie n’offrirait pas une réparation immédiate ou la procédure excéderait des délais raisonnables, que les auteurs avancent sans même avoir saisi une juridiction interne, relève de l’hypothèse et ne correspond pas à l’exception prévue au paragraphe 7 (al. e)) du Protocole facultatif.

8.6L’État partie fait observer que les auteurs auraient pu intenter une action civile publique, voie de recours régie par la loi no 7,347/85. Les actions civiles publiques permettent de saisir la justice pour amener un particulier ou personne morale privée ou publique à répondre de dommages environnementaux pécuniaires et non pécuniaires. Selon l’article 3 de la loi portant statut de l’enfant et de l’adolescent, les actions civiles publiques peuvent déboucher non seulement sur une indemnisation financière, mais aussi sur l’obligation pour les parties responsables de prendre des mesures précises ou de s’abstenir d’actions précises. Une action civile publique peut être intentée par le Bureau du Procureur général, le Bureau du Défenseur public, les États fédérés, le District fédéral, les municipalités ou des associations. L’article 129 (III) de la Constitution dispose que, dans le cadre de ses fonctions, le Bureau du Procureur général a le devoir d’engager des enquêtes civiles et des actions civiles publiques pour protéger les biens publics et les biens sociaux, l’environnement et d’autres intérêts diffus et collectifs. Conformément à l’article 6 de la loi no7,347/85, toute personne a le droit, et tout agent public a le devoir de communiquer au Bureau du Procureur général des informations concernant des faits susceptibles d’entraîner le déclenchement d’une action civile publique. Il n’est pas nécessaire, pour intenter une action civile publique, de s’acquitter au préalable de frais de justice ou de tout autre frais. Une association qui intente une action civile publique n’a pas à payer de frais, sauf s’il est démontré qu’elle est de mauvaise foi. Des centaines d’actions civiles publiques sont intentées chaque année par des associations dans le but de défendre les intérêts sociaux et les droits énumérés dans la loi no 7,347/85, y compris l’environnement. À titre d’exemple, l’État partie renvoie à une procédure engagée par le Bureau du Procureur général en 2019 pour garantir la protection et le nettoyage des côtes à la suite d’un déversement accidentel de pétrole. Des mesure conservatoires ont été accordées en octobre 2019 par la justice, qui a ordonné au Gouvernement fédéral et à l’Institut de l’environnement et des ressources naturelles renouvelables d’adopter toutes les mesures nécessaires pour contenir la pollution et nettoyer les zones touchées, afin de protéger les écosystèmes de Pernambuco. L’ordonnance était assortie d’une amende de 50 000 reals par jour visant à en garantir l’application. Dans une autre action civile publique également engagée en 2019, des mesures conservatoires ont aussi été accordées et il a été ordonné au Gouvernement fédéral et à l’Institut de l’environnement et des ressources naturelles renouvelables de mettre en place des barrières de protection et d’adopter toutes les mesures voulues pour dépolluer la mangrove et les zones de nidification des tortues marine en Alagoas. En mai 2020, dans le cadre de la troisième phase duProjet de protection de l’Amazonie, le Bureau du Procureur général a engagé 1023 actions civiles publiquescontre 2 262 défendeurs pour déforestation illégale de l’Amazonie. Au total, il demande plus de 3,7 milliards de reals de dommages et intérêtset la reforestation de 231456hectares de forêt. Par conséquent, les auteurs de la communication auraient dû prendre contact avec les entités et associations nationales légitimes, et en particulier avec le Bureau du Procureur général, afin d’épuiser les recours internes disponibles avant d’engager une procédure internationale. L’État partie souligne que les actions civiles publiques constituent des voies de recours qui permettent de contester les politiques publiques.

8.7L’État partie fait observer qu’en vertu de l’article 5 de la Constitution, tout citoyen peut intenter une action visant à invalider un acte susceptible de nuire à l’environnement. Les plaignants peuvent intenter une telle action en leur nom propre pour défendre un intérêt collectif ou diffus. Conformément à l’article 6 de la loi no 4,417/65, de telles actions peuvent être engagées contre des entités publiques ou privées, des autorités, des administrateurs, des fonctionnaires ou des salariés qui ont autorisé un acte susceptible de nuire à un intérêt public protégé, ont participé à cet acte ou en ont tiré avantage, ou ont omis d’agir pour empêcher une atteinte à un intérêt public protégé. Un enfant peut intenter une action par l’intermédiaire d’un représentant légal. L’État partie fait observer qu’une action civile a récemment été intentée par six Brésiliens qui demandaient l’invalidation du plan relatif aux contributions déterminées au niveau national à la riposte mondiale aux changements climatiques soumis par le Brésil en décembre 2020 au titre de l’Accord de Paris. Les plaignants demandaient que la justice ordonne au Gouvernement fédéral d’élaborer un plan de contributions déterminées au niveau national qui, de leur point de vue, serait davantage conforme à l’engagement pris au niveau international de progresser dans le temps. Le 27 mai 2021, la justice fédérale s’est déclarée compétente pour examiner la question, en application de l’article 109 de la Constitution, et a demandé au Gouvernement fédéral de présenter ses moyens de défense.

8.8L’État partie réaffirme que les auteurs auraient pu demander une ordonnance de mandamus, qui est un recours contre tout acte illégal ou abus de pouvoir commis par un fonctionnaire ou un agent d’une personne morale exerçant les fonctions d’un organe public. Un enfant, qu’il soit brésilien ou non, même s’il se trouve hors du Brésil, peut intenter une telle action par l’intermédiaires de représentants, à condition d’être représenté par un conseil habilité à introduire une demande devant la justice brésilienne. Les auteurs auraient également pu intenter une action civile générale, voie de recours interne de large portée qui permet d’accéder à la justice lorsqu’un droit protégé par la Constitution et la loi est menacé ou violé. Les violations ou menaces de violation des droits environnementaux peuvent donner lieu à des actions civiles générales visant à faire constater la violation, à obtenir des dommages et intérêts ou même à obtenir une ordonnance judiciaire enjoignant à l’intéressé d’agir ou de s’abstenir d’agir de manière à protéger l’environnement. Les actions civiles générales peuvent contenir des demandes préliminaires tendant à ce que le juge accorde des mesures ayant l’effet concret de la réparation demandée, pour autant qu’il y ait suffisamment d’éléments montrant à première vue la probabilité de l’atteinte alléguée ou du risque d’atteinte, ou que la mesure permette de conserver l’effet utile du recours. Les ordonnances judiciaires enjoignant à l’intéressé d’agir aux fins de la protection des droits menacés ou de mettre un terme aux actions préjudiciables peuvent être assorties d’amendes journalières visant à garantir l’exécution de l’ordonnance. Pour intenter une action civile, il est nécessaire d’engager un conseil privé ou de remplir les conditions pour bénéficier de l’aide juridictionnelle. Un enfant, qu’il soit brésilien ou non, même s’il se trouve hors du Brésil, peut intenter une telle action par l’intermédiaire de représentants, à condition d’être représenté par un conseil habilité à introduire une demande devant la justice brésilienne.

8.9L’État partie souligne qu’au Brésil, il est possible de bénéficier de l’aide juridictionnelle et que la Constitution dispose que cette aide est fournie par l’État, par l’intermédiaire du Bureau du Défenseur public, aux personnes qui n’ont pas les moyens financiers de faire appel à un conseil privé, aux fins de la défense des droits individuels comme des droits collectifs, dans les procédures judiciaires et non judiciaires. LeBureau du Défenseur public est accessible aux étrangers non-résidents, pour autant que certaines conditions soient remplies et que la procédure de coopération internationale soit appliquée.

Audition des auteurs

9.Le 28mai 2021, à l’invitation du Comité et en application de l’article 19 de son règlement intérieur au titre du Protocole facultatif, 11 des auteurs se sont présentés devant le Comité en vidéoconférence, en séance privée, sans la présence des représentants de l’État. Ils ont décrit les effets des changements climatiques sur leur vie quotidienne et exprimé leur avis sur ce que devraient faire les États visés pour répondre aux changements climatiques et sur les raisons pour lesquelles le Comité devrait examiner leurs griefs.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

10.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 20 de son règlement intérieur au titre du Protocole facultatif, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif.

Compétence

10.2Le Comité prend note de l’objection de l’État partie selon laquelle les auteurs n’ont pas établi qu’il s’était rendu responsable d’un fait internationalement illicite, ainsi que de son argument selon lequel, pour qu’un État puisse être tenu responsable d’un fait internationalement illicite, le comportement associé à la violation alléguée doit être attribué à l’État en question et la preuve que ce dommage peut lui être imputé doit être apportée. Il note que l’État partie estime qu’il ne saurait être tenu responsable d’actes ou d’omissions qui peuvent être le fait d’autres États et que la communication devrait être déclarée irrecevable car les auteurs n’ont pas démontré qu’il existait un lien entre les dommages allégués décrits dans leur plainte et des actes ou omissions de l’État partie. Il note également que les auteurs avancent qu’ils relèvent de la juridiction de l’État partie en ce qu’ils sont victimes des conséquences prévisibles des actes par lesquels, à l’intérieur et à l’extérieur de ses frontières, l’État partie contribue aux changements climatiques, ainsi que des conséquences prévisibles des émissions polluantes de dioxyde de carbone sciemment produites, autorisées ou favorisées par l’État partie sur son territoire. Il note en outre que, selon les auteurs, les actes et omissions de l’État partie qui contribuent à faire perdurer la crise climatique les ont déjà exposés pendant toute leur enfance aux risques prévisibles et potentiellement mortels des changements climatiques causés par l’homme.

10.3Aux termes de l’article 2 (par. 1) de la Convention, les États parties ont l’obligation de respecter et de garantir les droits de tout enfant relevant de leur juridiction. En vertu de l’article 5 (par. 1) du Protocole facultatif, le Comité a compétence pour recevoir et examiner des communications présentées par des particuliers ou des groupes de particuliers ou au nom de particuliers ou de groupes de particuliers relevant de la juridiction d’un État partie, qui affirment être victimes d’une violation par cet État partie de l’un quelconque des droits énoncés dans la Convention. Il observe que, si ni la Convention ni le Protocole facultatif ne font référence au « territoire » dans le contexte de la juridiction, la notion de juridiction extraterritoriale devrait être interprétée de manière restrictive.

10.4Le Comité prend note de la jurisprudence pertinente du Comité des droits de l’homme et de la Cour européenne des droits de l’homme concernant la compétence extraterritoriale. Néanmoins, cette jurisprudence concerne des situations factuelles qui sont très différentes de celles de l’affaire à l’examen. La communication des auteurs soulève de nouveaux problèmes de compétence en ce qui concerne les dommages transfrontières liés aux changements climatiques.

10.5Le Comité prend également note de l’avis consultatif OC-23/17 de la Cour interaméricaine des droits de l’homme sur l’environnement et les droits de l’homme, qui est particulièrement pertinent pour la question de la compétence en l’espèce en ce qu’il précise la portée de la compétence extraterritoriale en relation avec la protection de l’environnement. Dans cet avis, la Cour a noté que, lorsqu’un dommage transfrontalier portait atteinte à des droits garantis par un traité, les personnes se trouvant en dehors du territoire de l’État d’origine étaient réputées relever de la juridiction de cet État dès lors qu’il existait un lien de causalité entre l’acte commis sur le territoire de l’État en question et les violations constatées (par. 101). Il y a exercice de la juridiction lorsque l’État d’origine exerce un contrôle effectif sur les activités qui ont causé le dommage et les violations des droits de l’homme qui y ont fait suite (par. 104 h)). La notion de juridiction de l’État d’origine en cas de dommage transfrontières est fondée sur le principe selon lequel c’est l’État sur le territoire ou sous la juridiction duquel les activités ont été menées qui exerce un contrôle effectif sur celles‑ci et est en mesure d’éviter qu’elles causent un dommage transfrontière qui aurait des effets sur l’exercice des droits de l’homme à l’extérieur de son territoire. Les victimes potentielles des conséquences négatives de ces activités relèvent de la juridiction de l’État d’origine, dont la responsabilité peut être engagée pour manquement à l’obligation de prévenir les dommages transfrontières (par. 102). La Cour a noté que l’on pouvait donc conclure que l’obligation de prévenir des dommages ou atteintes transfrontières à l’environnement était une obligation reconnue par le droit international de l’environnement et que les États pouvaient être tenus responsables de tout dommage significatif causé à des personnes se trouvant hors de leurs frontières par des activités ayant leur origine sur leur territoire ou relevant de leur autorité ou de leur contrôle effectif (par. 103).

10.6Le Comité rappelle que, dans la déclaration conjointe sur les droits de l’homme et les changements climatiques qu’il a publiée avec quatre autres organes conventionnels, il est souligné que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat a confirmé dans un rapport publié en 2018 que les changements climatiques menaçaient gravement l’exercice des droits de l’homme protégés par la Convention, notamment le droit à la vie, le droit à une alimentation adéquate, le droit à un logement convenable, le droit à la santé, le droit à l’eau et les droits culturels (par. 3). Il serait contraire aux obligations des États relatives aux droits de l’homme de ne pas prévenir des atteintes prévisibles aux droits de l’homme provoquées par les changements climatiques ou de ne pas réglementer les activités qui contribuent à de telles atteintes (par. 10).

10.7Compte tenu de ce qui précède, le Comité estime que le critère approprié en ce qui concerne l’établissement de la juridiction en l’espèce est celui retenu par la Cour interaméricaine des droits de l’homme dans son avis consultatif sur l’environnement et les droits de l’homme. Cela signifie que, lorsqu’un dommage transfrontière se produit, les enfants sont sous la juridiction de l’État sur le territoire duquel se trouve la source des émissions aux fins de l’article 5 (par. 1) du Protocole facultatif s’il y a un lien de causalité entre les actes ou omissions de l’État en question et les effets négatifs produits sur les droits d’enfants se trouvant en dehors de son territoire, lorsque l’État d’origine exerce un contrôle effectif sur la source des émissions en question. Le Comité considère que, si les éléments requis pour établir la responsabilité de l’État constituent une question de fond, il faut, même aux fins de l’établissement de la juridiction, que les dommages que les victimes disent avoir subis aient été raisonnablement prévisibles pour l’État partie au moment de ses actes ou omissions.

10.8Le Comité note que les auteurs affirment que, si les changements climatiques et les dommages environnementaux et les atteintes aux droits de l’homme qu’ils entraînent sont un problème collectif qui concerne l’ensemble de la planète et nécessite une solution mondiale, il n’en reste pas moins que les États parties sont individuellement responsables de leurs propres actes ou omissions s’agissant de ces changements et de la manière dont ils y contribuent. Il note aussi que les auteurs avancent que l’État partie exerce un contrôle effectif sur la source des émissions de dioxyde de carbone située sur son territoire et que ces émissions ont des effets transfrontières.

10.9Le Comité considère qu’il est généralement accepté et corroboré par des preuves scientifiques que les émissions de carbone générées dans l’État partie contribuent à l’aggravation des changements climatiques et que les changements climatiques ont des effets néfastes à la fois sur le territoire de l’État partie et au-delà. Il considère que, étant donné qu’il a la capacité de réglementer les activités qui sont la source de ces émissions et de faire respecter les réglementations adoptées, l’État partie exerce un contrôle effectif sur les émissions.

10.10Conformément au principe des responsabilités communes mais différenciées, tel qu’énoncé dans l’Accord de Paris, le Comité estime que le caractère collectif de la cause des changements climatiques n’exonère pas l’État partie de sa responsabilité individuelle qui pourrait découler du dommage que pourraient causer à des enfants, où qu’ils se trouvent, les émissions générées sur son territoire.

10.11En ce qui concerne la prévisibilité, le Comité prend note de l’argument des auteurs, que l’État partie n’a pas contesté, selon lequel l’État partie est conscient des effets préjudiciables de ses contributions aux changements climatiques depuis des décennies et a signé la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques en 1992 et l’Accord de Paris en 2016. À la lumière des preuves scientifiques existantes qui montrent les conséquences de l’effet cumulatif des émissions de carbone pour la jouissance des droits de l’homme, y compris les droits consacrés par la Convention, le Comité considère que les effets potentiellement préjudiciables des actes ou omissions de l’État partie concernant les émissions de carbone générées sur son territoire étaient raisonnablement prévisibles pour l’État partie.

10.12Ayant conclu que l’État partie exerce un contrôle effectif sur les sources d’émissions qui contribuent à causer des dommages raisonnablement prévisibles à des enfants vivant hors de son territoire, le Comité doit maintenant déterminer si le lien de causalité entre les dommages que disent avoir subis les auteurs et les actes ou omissions de l’État partie est suffisant pour établir la juridiction. À cet égard, il observe, dans le droit fil de la position de la Cour interaméricaine des droits de l’homme, que, dans les affaires de dommages transfrontières, tous les effets négatifs n’engagent pas la responsabilité de l’État sur le territoire duquel ont eu lieu les activités ayant causé le dommage transfrontière, que les raisons pour lesquelles la juridiction pourrait être établie doivent être étayées compte tenu des circonstances particulières de l’espèce et que le dommage doit être « significatif ». À cet égard, le Comité note que la Cour interaméricaine a observé que, dans les articles sur la prévention des dommages transfrontières résultant d’activités dangereuses, la Commission du droit international faisait référence uniquement aux activités qui pouvaient causer un dommage transfrontière significatif et qu’il devait être entendu que « significatif » est plus que « détectable » mais sans nécessairement atteindre le niveau de « grave » ou « substantiel ». La Cour a en outre indiqué que le dommage devait se solder par un effet préjudiciable réel sur des choses telles que la santé de l’homme, l’industrie, les biens, l’environnement ou l’agriculture dans d’autres États et que ces effets préjudiciables devaient pouvoir être mesurés à l’aide de critères factuels et objectifs.

Qualité de victime

10.13Dans les circonstances particulières de l’espèce, le Comité prend note des griefs des auteurs qui affirment que les droits qu’ils tiennent de la Convention ont été violés par les États parties visés, qui, par leurs actes et leurs omissions, contribuent aux changements climatiques, et que le préjudice s’aggravera à mesure que la planète continuera de se réchauffer. Il prend note des griefs des auteurs qui affirment : que la fumée des feux de forêts et la pollution liée à la chaleur sont responsables de l’aggravation de l’asthme dont souffrent certains d’entre eux, qui nécessite des hospitalisations ; que la propagation et l’intensification des maladies à transmission vectorielle a aussi eu des répercussions sur les auteurs, certains d’entre eux ayant contracté le paludisme à de multiples reprises au cours d’une année ou ayant été atteints de la dengue ou du chikungunya ; que les auteurs ont été exposés à des vagues de chaleurs extrêmes qui ont gravement menacé la santé de beaucoup d’entre eux; que, pour certains des auteurs, la sécheresse compromet la sécurité de l’approvisionnement en eau ; que certains des auteurs ont été exposés à des tempêtes et des inondations extrêmes ; que le niveau de subsistance des auteurs autochtones est compromis ; qu’en raison de l’élévation du niveau de la mer, les Îles Marshall et les Palaos risquent de devenir inhabitables dans quelques dizaines d’années ; que les changements climatiques ont nui à la santé mentale des auteurs, dont certains disent souffrir d’anxiété liée au climat. Le Comité considère que, en tant qu’enfants, les auteurs sont particulièrement touchés par les changements climatiques, non seulement en raison des effets qu’ils ont sur eux, mais aussi parce que ces changements risquent d’avoir des conséquences pour eux tout au long de leur vie, en particulier si des mesures ne sont pas prises immédiatement. Sachant que les changements climatiques ont des effets particuliers sur les enfants et que ceux-ci ont le droit à des garanties spéciales, en particulier à une protection juridique appropriée, les États ont une obligation accrue de protéger les enfants contre les dommages prévisibles.

10.14Compte tenu de ce qui précède, le Comité conclut que les auteurs ont suffisamment démontré, aux fins de l’établissement de la juridiction, que les atteintes aux droits qui leur sont reconnus par la Convention qui résultent des actes ou omissions de l’État partie concernant les émissions de carbone trouvant leur source sur son territoire étaient raisonnablement prévisibles. Il conclut également que, pour démontrer leur qualité de victimes, les auteurs ont établi à première vue qu’ils ont personnellement subi un dommage réel et significatif. En conséquence, il conclut qu’il n’est pas empêché par l’article 5 (par. 1) du Protocole facultatif d’examiner la communication.

Épuisement des recours internes

10.15Le Comité note que l’État partie affirme que la communication devrait être déclarée irrecevable pour non-épuisement des recours internes. Il note également que l’État partie fait valoir que l’article 141 de la loi portant statut de l’enfant et de l’adolescent garantit aux enfants l’accès au Bureau du Défenseur public, au Bureau du Procureur général et à la justice. Il prend note de l’information fournie par l’État partie selon laquelle des actions civiles publiques relatives à la protection de l’environnement peuvent être engagées au titre de la loi no 7,347/85 à la suite d’information reçues de plaignants, y compris d’enfants qui ne sont pas ressortissants de l’État partie, et des actions peuvent être intentées par des entités telles que le Bureau du Défenseur public, le Bureau du Procureur général, les États fédérés, le District fédéral, les municipalités et des associations. Il prend également note de l’information fournie par l’État partie selon laquelle d’autres recours internes sont également disponibles. Ainsi, les plaignants peuvent engager une action civile générale, qui permet de saisir la justice lorsqu’un droit garanti par la Constitution et la loi est menacé ou violé. Le Comité prend note de l’information communiquée par l’État partie selon laquelle les actions civiles générales peuvent permettre de faire constater la violation, d’obtenir des dommages et intérêts ou d’obtenir une ordonnance judiciaire enjoignant à l’intéressé d’agir ou de s’abstenir d’agir aux fins de la protection de l’environnement. Il prend également note de l’information fournie par l’État partie selon laquelle un enfant, qu’il soit Brésilien ou non et même s’il ne réside pas au Brésil, peut intenter une action civile générale par l’intermédiaire de ses représentants, pour autant qu’il soit représenté par un conseil habilité à saisir la justice brésilienne. Enfin, il prend note de l’information communiquée par l’État partie selon laquelle il est possible, y compris pour des non-Brésiliens qui ne résident pas au Brésil, sous certaines conditions, d’obtenir une aide juridictionnelle.

10.16Le Comité prend note de l’argument des auteurs qui soutiennent que, si des entités telles que le Bureau du Procureur général, le Bureau du Défenseur public ou des associations de défense des droits de l’enfant pourraient accepter, si elles le jugeaient approprié, de se charger de leur affaire, elles n’agiraient pas en tant que leurs représentantes légales, mais en tant que parties à la procédure. Il prend également note de l’argument des auteurs selon lequel des recours qui ne leur permettent pas de saisir directement les tribunaux ne sont pas utiles. Enfin, il note que les auteurs affirment que la durée excessive des procédures judiciaires dans l’État partie est un problème notoire.

10.17.Le Comité rappelle qu’un auteur doit avoir épuisé toutes les voies de recours judiciaires et administratives qui peuvent lui offrir une perspective raisonnable de réparation. Il estime qu’il n’est pas nécessaire d’avoir épuisé les recours internes si ceux-ci n’ont objectivement aucune chance d’aboutir, par exemple dans les cas où la législation interne applicable entraînerait inévitablement le rejet de la demande ou lorsque la jurisprudence établie des plus hautes instances judiciaires nationales exclut une issue positive. Il note toutefois que de simples doutes ou supputations quant à l’utilité des recours internes ou leurs chances d’aboutir ne suffisent pas à dispenser les auteurs d’épuiser ces recours.

10.18En l’espèce, le Comité note que les auteurs n’ont pas tenté d’engager de procédure dans l’État partie. Il note également que les auteurs affirment qu’ils se heurteraient à des obstacles considérables s’ils devaient épuiser les recours internes, car les procédures seraient excessivement lourdes, déraisonnablement longues et peu susceptibles de leur permettre d’obtenir une réparation effective. Il note en outre qu’ils soutiennent qu’il est fort probable que les tribunaux internes rejetteraient leurs demandes, qui portent sur l’obligation d’un État de coopérer avec d’autres États, en raison de la non-justiciabilité de la politique étrangère et de l’immunité de juridiction étrangère de l’État. Il considère néanmoins que la question des manquements de l’État partie pour ce qui est de la coopération internationale est soulevée en relation avec la forme d’action en réparation particulière envisagée par les auteurs et que ceux-ci n’ont pas suffisamment démontré qu’une telle action était nécessaire pour obtenir une réparation effective. En outre, il prend note de l’argument de l’État partie selon lequel les auteurs disposaient de voies de recours, par exemple au titre de la loi no 7,347/85 et qu’ils auraient pu bénéficier de l’assistance de diverses entités comme le Bureau de Défenseur public, le Bureau du Procureur général, les États fédérés, le District fédéral, les municipalités ou des associations, pour intenter une action civile publique relative à la protection et à la promotion des droits collectifs des enfants, y compris les droits environnementaux. Il note que les auteurs n’ont entrepris aucune démarche pour inviter l’une de ces entités à intenter une action en leur nom, pas plus qu’ils n’ont tenté de se prévaloir des autres recours qui leur étaient ouverts dans l’État partie, tels que l’introduction d’une action générale par l’intermédiaire d’un représentant légal. Il note aussi que les auteurs affirment que les entités compétentes n’introduiraient l’action civile publique que si elles le jugeaient opportun et qu’eux-mêmes ne seraient pas directement parties à la procédure devant les tribunaux nationaux. Il considère toutefois que cela ne dispense pas les auteurs de tenter de convaincre ces entités d’intenter une action, en particulier en l’absence de toute information indiquant que cette voie de recours n’a aucune chance d’aboutir et au vu des procédures qui ont été engagées au sujet de la dégradation de l’environnement dans l’État partie. S’il prend note de l’argument des auteurs selon lequel leur grief concernant la coopération internationale ne serait pas recevable dans l’État partie, il relève que l’État partie affirme qu’une action civile publique peut être intentée aux fins de la protection de biens publics et de biens sociaux, de l’environnement et d’autres intérêts collectifs et diffus. Les auteurs n’ayant pas expliqué pourquoi ils n’ont pas tenté d’exercer ces recours et s’étant bornés à exprimer des doutes formulés en termes très généraux sur les chances de succès d’un éventuel recours, le Comité considère qu’ils n’ont pas épuisé tous les recours internes qui étaient raisonnablement utiles et disponibles pour demander réparation de la violation alléguée des droits que leur reconnaît la Convention.

10.19Le Comité note que la question de la non-participation de l’État partie à la coopération internationale est soulevée dans le cadre de l’action en réparation envisagée par les auteurs. Concernant l’argument des auteurs selon lequel l’immunité de juridiction étrangère de l’État les empêcherait d’épuiser les recours disponibles dans l’État partie, le Comité note que la question de l’immunité de juridiction étrangère de l’État ne se pose qu’en relation avec l’action particulière que les auteurs auraient engagée en poursuivant d’autres États et l’État partie devant les tribunaux internes de celui-ci. Il considère que les auteurs n’ont pas suffisamment démontré, au regard de l’article 7 (al. e)) du Protocole facultatif, que ces recours seraient peu susceptibles de leur permettre d’obtenir une réparation effective.

10.20Le Comité prend note de l’argument des auteurs selon lequel une procédure engagée devant les juridictions internes aurait excédé des délais raisonnables. Il note que les auteurs mentionnent des procédures engagées dans d’autres États qui ont duré des années et une affaire engagée dans l’État partie qui a duré dix-neuf ans, mais il estime qu’ils n’ont pas établi de lien entre ces procédures et les recours disponibles dans l’État partie en ce qui concerne leurs propres griefs et n’ont pas montré en quoi une procédure interne excéderait des délais raisonnables ou pourquoi il serait peu probable qu’elle permette d’obtenir réparation au sens de l’article 7 (al. e)) du Protocole facultatif. Le Comité conclut que, comme ils n’ont pas fourni d’informations précises montrant que les recours internes seraient inefficaces ou indisponibles et n’ont pas tenté de saisir les tribunaux de l’État partie, les auteurs n’ont pas épuisé les recours internes.

10.21En conséquence, le Comité déclare la communication irrecevable au regard de l’article 7 (al. e)) du Protocole facultatif au motif que les recours internes n’ont pas été épuisés.

11.En conséquence, le Comité décide :

a)Que la communication est irrecevable au regard de l’article 7 (al. e)) du Protocole facultatif ;

b)Que la présente décision sera communiquée aux auteurs de la communication et, pour information, à l’État partie.