NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.RESTREINTE*

CCPR/C/93/D/1373/20054 août 2008

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMMEQuatre-vingt-treizième session7-25 juillet 2008

CONSTATATIONS

Communication n o  1373/2005

Présentée par:

Dissanayake, Mudiyanselage Sumanaweera Banda(représenté par un conseil, Nihal Jayawickrama)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Sri Lanka

Date de la communication:

3 mars 2005 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 17 mars 2005 (non publiée sous forme de document)

Date de l’adoption des constatations:

22 juillet 2008

Objet: Détention à la suite d’une action pour outrage à magistrat

Questions de procédure: Néant

Question s de fond: Détention arbitraire; procès inéquitable; impossibilité de faire recours; traitement cruel, inhumain et dégradant; travail forcé ou obligatoire; non‑qualification pénale dans la loi; liberté d’expression; droit de voter et d’être élu; discrimination

Article s du Pacte: 7, 8 (par. 3 b)), 9 (par. 1), 14 (par. 1, 2, 3 a), e) et g), et 5), 15 (par. 1), 19 (par. 3), 25 b), 26

Article du Protocole facultatif: 2

Le 22 juillet 2008, le Comité des droits de l’homme a adopté le texte ci-après en tant que constatations concernant la communication no 1373/2005 au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif.

[ANNEXE]

ANNEXE

CONSTATATIONS DU COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME AU TITRE DU PARAGRAPHE 4 DE L’ARTICLE 5 DU PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES

Quatre ‑vingt ‑ treizième session

concernant la

Communication n o  1373/2005 *

Présentée par:

Dissanayake, Mudiyanselage Sumanaweera Banda(représenté par un conseil, Nihal Jayawickrama)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Sri Lanka

Date de la communication:

3 mars 2005 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 22 juillet 2008,

Ayant achevé l’examen de la communication no 1373/2005 présentée au nom de Dissanayake, Mudiyanselage Sumanaweera Banda en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif

1.1L’auteur de la communication est M. D. M. Dissanayake, de nationalité sri‑lankaise, résidant à Sri Lanka. Il se déclare victime de violations par l’État partie de l’article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, du paragraphe 3 b) de l’article 8, du paragraphe 1 de l’article 9, des paragraphes 1, 2, 3 a), e) et g), et 5 de l’article 14, du paragraphe 1 de l’article 15, du paragraphe 3 de l’article 19, de l’article 25 b) et de l’article 26. Il est représenté par un conseil, M. Nihal Jayawickrama.

1.2L’auteur a demandé des mesures provisoires de protection en faisant valoir qu’il subirait un préjudice irréparable s’il devait exécuter l’intégralité de la condamnation à deux ans d’emprisonnement en régime sévère. Il suggérait de demander aussi d’être «dispensé de l’exécution de la condamnation à un travail forcé». En date du 17 mars 2005, le Rapporteur spécial a décidé de ne pas faire droit à la demande de mesures provisoires car il n’apparaissait pas que le travail dans une imprimerie entre dans le champ d’application du paragraphe 3 b) de l’article 8.

Rappel des faits présenté s par l ’ auteur

2.1En février 1989, l’auteur, qui était membre du parti sri-lankais de la liberté (SLFP), a été élu député. En 1994 et en octobre 2000, il a été réélu et nommé Ministre du Gouvernement de l’Alliance populaire, parti de Mme Chandrika Kumaratunga, Premier Ministre (par la suite élue Présidente); ce parti était une coalition rassemblant le SLFP et d’autres formations plus petites. En 2001, des divergences d’opinions sur un certain nombre de questions politiques ont divisé les membres du Gouvernement. Le 9 octobre 2001, l’auteur et sept autres membres du SLFP sont passés dans l’opposition en adhérant au Parti national uni (UNP). Le 5 décembre 2001, lors des élections générales, l’auteur a été élu député sur la liste nationale de l’UNP, qui a formé un gouvernement de coalition. L’Alliance populaire était alors minoritaire au Parlement, et la Présidente Mme Kumaratunga, qui était toujours le dirigeant de ce parti, a été obligée de nommer Premier Ministre le dirigeant de l’UNF (coalition rassemblant l’UNP et le Congrès des travailleurs de Ceylan − CWC), Ranil Wickremasinghe. La Présidente a nommé le cabinet proposé par le nouveau Premier Ministre et l’auteur a eu le portefeuille de Ministre de l’agriculture.

2.2D’après l’auteur, la structure très particulière du Gouvernement faisait qu’il était difficile de bien gouverner. En 2003, la Présidente a demandé au Président de la Cour suprême de rendre un avis sur la question de l’exercice des pouvoirs en matière de défense par le Président de la République et par le Ministre de la défense. Le 5 novembre 2003, un communiqué de presse émanant du secrétariat de la présidence a annoncé l’avis de la Cour suprême; d’après celle-ci, «le pouvoir exécutif plénier, y compris les pouvoirs en matière de défense nationale, appartient exclusivement au Président de la République» et «ces pouvoirs de défense conférés au Président en vertu de la Constitution comprennent le contrôle sur les forces armées puisque le Président de la République est le chef des armées». Le 7 février 2004, la Présidente a dissous le Parlement et a arrêté la date des nouvelles élections générales. À la suite de cette élection, le 2 avril 2004, l’Alliance de la liberté des peuples unis (UPFA) (formation regroupant le SLFP et le JVP), conduite par la Présidente, a constitué un gouvernement minoritaire au Parlement. L’auteur, qui s’était présenté pour la première fois sur la liste de l’UNP, a été réélu.

2.3Le 3 novembre 2003, à la suite de la demande d’avis adressée par la Présidente au Président de la Cour suprême concernant les pouvoirs de défense conférés au Président de la République et au Ministre de la défense, l’auteur a prononcé un discours pendant une réunion publique et la presse a rapporté qu’il avait déclaré que lui-même et les membres du Parlement de même tendance que lui «n’accepteraient aucune décision indigne que la Cour pourrait rendre». L’auteur a été inculpé en vertu du paragraphe 3 de l’article 105 de la Constitution, qui traite de l’outrage à magistrat. En date du 7 avril 2004, une «ordonnance» a été rendue, lui faisant obligation de montrer «pourquoi il ne devait pas tomber sous le coup du paragraphe 3 de l’article 105 de la Constitution», pour outrage à la Cour suprême. Il a comparu devant la Cour suprême le 7 mai et le 14 septembre 2004. Le Président de la Cour suprême était le Président de la formation chargée de juger l’affaire, malgré l’objection de l’auteur.

2.4Le 7 mai 2004, lors de la première comparution de l’auteur, on lui a donné lecture de l’«ordonnance» et le Président de la Cour lui a demandé s’il avait bien prononcé le discours qui lui était attribué dans ce document. À la deuxième audience, la Cour a interrogé son conseil, demandant s’il reconnaissait avoir prononcé certaines parties du discours qu’à la première audience il avait affirmé ne pas avoir prononcées ou ne pas se rappeler. Le Président de la Cour a alors demandé aux agents de la chaîne de télévision de repasser l’enregistrement de ce qu’ils appelaient une «copie de l’original». Sur instruction de l’auteur, le conseil a informé la Cour qu’aux fins de la procédure il voulait bien reconnaître avoir fait l’intégralité de la déclaration qui lui était attribuée. Le Président a alors déclaré qu’il ne restait plus que des questions de forme, c’est‑à‑dire qu’il fallait déterminer si la déclaration que l’auteur reconnaissait avoir faite équivalait à un outrage à magistrat et, si tel était le cas, comment le tribunal devait statuer.

2.5L’auteur affirme qu’aucun témoin n’a été appelé à la barre. Les personnes qui avaient déposé la plainte initiale ni celle(s) qui avait(ent) enregistré le discours n’ont été appelées à témoigner ou à subir un contre‑interrogatoire. La bande vidéo originale n’a pas été produite comme preuve. La procédure suivie était inquisitoire et contraire aux dispositions de l’article 101 de l’ordonnance sur l’administration des preuves qui dispose que «quiconque veut qu’un tribunal rende un jugement sur un quelconque droit ou une obligation qui dérive de l’existence des faits qu’il avance doit prouver que ces faits existent» ainsi qu’aux dispositions du paragraphe 5 de l’article 13 de la Constitution qui dispose que «toute personne est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été prouvée».

2.6Le 7 décembre 2004, la Cour a déclaré l’auteur coupable d’outrage à magistrat et l’a condamné à deux ans d’«emprisonnement en régime sévère». L’arrêt de la Cour suprême n’était susceptible d’aucun recours. L’arrêt rappelle une inculpation pour outrage dont l’auteur avait fait l’objet en 2000 et qui lui avait valu une mise en garde et une admonestation de la part de la Cour suprême mais pour laquelle il n’avait pas été condamné. Dans l’arrêt, le Président de la Cour a critiqué l’attitude de l’auteur qui n’avait pas voulu reconnaître d’emblée qu’il avait prononcé l’intégralité des propos en question, déclarant que l’auteur avait manqué de «franchise». L’auteur a été écroué le jour même à la prison de Welikade et a été affecté à l’imprimerie. D’après l’auteur, la Cour suprême n’était pas compétente pour le condamner à un travail forcé, en vertu de la loi sri‑lankaise. Conformément à l’article 2 de l’ordonnance relative à l’interprétation des textes, qui s’applique à la Constitution, «x) “emprisonnement en régime sévère”, “emprisonnement simple” et “emprisonnement de l’une ou l’autre catégorie” ont le même sens que dans le Code pénal et, par “emprisonnement”, il faut entendre un emprisonnement simple». Peu de temps après son incarcération, l’auteur a été frappé d’une interdiction du droit de vote et déchu de sa qualité de membre du Parlement, conformément à l’article 66 d) de la Constitution. L’interdiction dure sept ans à partir de la date à laquelle le condamné a fini d’exécuter sa peine; dans le cas de l’auteur, l’interdiction a duré neuf ans en tout.

2.7D’après l’auteur, la formation de la Cour suprême qui a jugé l’affaire, et qui comportait le Président de la Cour suprême, manquait d’impartialité autant que d’indépendance. L’auteur fait valoir que le Président de la Cour est un ami personnel de la Présidente et que celle‑ci l’a nommé Président de la Cour suprême alors qu’il y avait cinq autres magistrats plus chevronnés que lui: le Président de la Cour suprême n’était magistrat que depuis quatre mois. L’auteur cite les propos de l’ancien Rapporteur spécial de l’ONU sur l’indépendance des juges et des avocats qui, quand le Président de la Cour suprême a été nommé, a relevé la précipitation avec laquelle il avait été désigné, d’autant plus qu’à l’époque il faisait l’objet de deux plaintes pour corruption. D’après l’auteur, chaque affaire «politiquement sensible» dans laquelle l’ancienne Présidente, son gouvernement ou son parti semblent avoir un intérêt, dont l’affaire de l’auteur, a été attribuée au Président de la Cour suprême, qui siège un peu trop souvent avec le même groupe de magistrats de la Cour suprême, dont beaucoup étaient juges quand lui‑même était Procureur général. L’auteur dit qu’il est impossible de trouver un arrêt rendu par ce président de la Cour suprême dans une affaire «politiquement sensible» qui ait été favorable au parti de l’auteur (l’UNP). Il ajoute qu’il a signé une motion parlementaire demandant sa destitution, qui avait été soumise au Président du Parlement par l’UNP. Le Président de la Cour suprême avait connaissance de cette motion et savait que l’auteur l’avait signée.

2.8D’après l’auteur, les charges retenues contre lui avaient une motivation politique. Le Président de la Cour suprême était prévenu contre lui. À ce sujet, l’auteur indique que le 10 mars 2004 à un stade crucial des élections générales, le Président de la Cour suprême a informé la presse que les magistrats de la Cour suprême examinaient un discours prononcé par l’auteur en vue de l’inculper d’outrage. Il a rappelé à la presse que ce n’était pas la première fois que la Cour suprême allait envisager de retenir ce chef d’inculpation contre l’auteur. Le 16 mars 2004, un journal a titré que l’auteur avait été inculpé d’outrage. D’après l’auteur, l’«ordonnance» n’a été rendue par la Cour suprême que le 7 avril, après les élections, et le Président de la Cour suprême n’a rien fait pour démentir les rapports parus dans la presse. L’auteur fait valoir que quand, en juillet 2004, les journaux avaient fait paraître la nouvelle que le Président de la Cour suprême avait été surpris dans une position compromettante avec une femme, dans un parking, le Président de la Cour suprême avait publiquement démenti l’allégation affirmant que cela faisait partie d’une campagne visant à le «discréditer et avait un rapport avec certaines affaires en instance». L’auteur affirme qu’il était clairement visé étant donné que l’affaire qui le concernait était la seule affaire politiquement sensible pendante devant la Cour suprême à cette époque.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que la peine à laquelle il a été condamné était excessive par rapport à l’infraction et il cite d’autres décisions de la Cour suprême portant sur des affaires de diffamation dans lesquelles des peines moins sévères avaient été prononcées pour des faits plus graves. L’auteur fait valoir qu’une peine de deux ans d’emprisonnement en régime sévère, première fois en plus de cent ans que la Cour suprême a prononcé une peine d’une telle durée et d’une telle sévérité, est notoirement excessive et représente un traitement cruel, inhumain et dégradant, en violation de l’article 7 du Pacte.

3.2L’auteur fait valoir que, étant donné qu’il a été obligé de faire un travail forcé en prison, en application d’une condamnation que la Cour n’était pas compétente en droit pour prononcer (voir plus haut par. 2.6), il a été contraint d’exécuter un travail forcé ou obligatoire en violation du paragraphe 3 de l’article 8 du Pacte. Il invoque une violation du paragraphe 1 de l’article 14 en raison de la participation du Président de la Cour suprême, qui n’était ni impartial ni indépendant.

3.3L’auteur invoque une violation du paragraphe 2 de l’article 14 parce qu’il n’a pas été présumé innocent et que la charge de la preuve lui a été attribuée alors qu’elle devait incomber à l’accusation. Il se réfère aux faits exposés aux paragraphes 2.4 et 2.5. Il fait valoir que s’il est possible d’appliquer la procédure sommaire quand l’outrage présumé a été commis «à la face de la Cour», cette procédure est totalement inappropriée quand l’inculpation repose, non pas sur les observations du juge, mais sur une demande soumise par un individu pour une infraction présumée, qui a eu lieu plusieurs mois auparavant, des faits auxquels le requérant n’était pas partie, qui ne l’intéressaient nullement et dont aucun membre du tribunal n’avait la moindre connaissance avant de recevoir la requête. Quand une telle infraction est jugée en procédure sommaire, la charge de la preuve incombe à l’accusé qui doit montrer que les faits allégués n’ont pas été commis par lui.

3.4L’auteur dit qu’il y a eu violation du paragraphe 3 a) de l’article 14 du Pacte parce qu’il n’a pas été informé de la nature et des raisons des charges qui pesaient contre lui. L’«ordonnance» qui avait été décernée ne mentionnait pas de peine particulière pour sa déclaration (sur environ 20 peines en tout) qui était censée avoir constitué l’outrage. Il n’y était pas précisé la nature exacte de l’outrage dont il était accusé et il n’a pas été informé à l’audience non plus de la nature de l’outrage. L’auteur dit qu’il y a violation du paragraphe 3 e) de l’article 14 étant donné qu’aucun témoin à charge n’a été appelé et qu’aucun témoin n’a été interrogé par le conseil qui représentait l’auteur. Il invoque une violation du paragraphe 3 g) de l’article 14 en raison de la façon dont le Président de la Cour l’a interrogé sur la teneur de la déclaration qu’il était censé avoir faite, de la coercition exercée par le Président de la Cour et des conclusions négatives que le Président a tirées du fait qu’il ne voulait pas déclarer contre lui‑même (par. 2.4 et 2.6).

3.5L’auteur fait valoir qu’il ne peut pas faire appel de sa condamnation et de la déclaration de culpabilité puisqu’il a été jugé par la Cour suprême siégeant en tant que juridiction de jugement et non par la High Court; il y a donc violation des droits garantis au paragraphe 5 de l’article 14. Il fait valoir que s’il y avait eu une juridiction d’appel compétente pour réexaminer le jugement, il aurait pu fonder le recours sur des erreurs de droit et de fait graves. Il explique en détail ces erreurs.

3.6L’auteur invoque une violation du paragraphe 1 de l’article 15 du Pacte parce qu’il a été reconnu coupable pour un acte qui ne constituait pas une infraction pénale dans la loi, et a été condamné à deux ans d’emprisonnement en régime sévère alors que la loi ne prévoit pas de peine à temps. Il invoque le paragraphe 3 de l’article 105 de la Constitution sur le fondement duquel il a été condamné pour outrage. Il cite l’article lui‑même qui ne crée pas l’infraction d’«outrage», ne définit pas l’expression, et n’énonce pas davantage quels sont les actes ou omissions qui pourraient constituer cette infraction. L’article énonce simplement qu’au nombre de ses pouvoirs, la Cour suprême a le «pouvoir de punir pour outrage à elle‑même, qu’il soit commis dans le prétoire ou ailleurs». Il ajoute que, à en juger par la jurisprudence du Royaume‑Uni, il semblerait que le type d’outrage pour lequel il a été puni entrait dans la catégorie de «l’offense faite à la Cour», acte qui n’est qualifié d’infraction dans aucune disposition de la législation de Sri Lanka. L’auteur fait valoir en outre qu’étant donné que l’article 111 C 2) de la Constitution a prévu une peine allant jusqu’à un an d’emprisonnement pour l’infraction consistant à interférer avec le pouvoir judiciaire, il serait illogique de laisser entendre que les mots «le pouvoir de punir pour outrage d’un emprisonnement ou d’une amende» signifient que le pouvoir de la Cour suprême de prononcer une peine d’emprisonnement est illimité.

3.7L’auteur fait valoir que le droit à la liberté d’expression garanti à l’article 19 du Pacte a été violé étant donné que les restrictions imposées à sa liberté d’expression par la décision de le déclarer coupable d’outrage à magistrat, dans cette affaire, ne satisfont pas au critère de «nécessité» établi au paragraphe 3 de l’article 19. D’après l’auteur, la partie de son discours qui portait sur la demande d’avis de la Présidente avait un caractère politique, visait un sujet d’actualité et était énoncée dans des termes appropriés. Il fait valoir que son exclusion du Parlement, l’interdiction qui lui a été faite pendant neuf ans de participer à la conduite des affaires publiques, et tout particulièrement d’accomplir ses fonctions d’organisateur national du premier parti d’opposition dans une période où des élections présidentielles allaient avoir lieu, et l’interdiction pendant neuf ans d’exercer les droits de vote et d’éligibilité étaient des mesures notoirement disproportionnées et qui ne pouvaient se justifier par des critères raisonnables et objectifs, ce qui constituait une violation des droits garantis à l’article 25.

3.8Enfin, l’auteur invoque une violation de l’article 26 parce que la Cour suprême n’a pas appliqué la loi en respectant le principe de l’égalité et ne lui a pas garanti le droit sans discrimination à une égale protection de la loi. Il fait valoir que la Cour suprême n’a pris aucune mesure contre le réseau de télévision indépendant ni contre la télévision nationale, la Rupavahini Corporation, qui avaient l’un et l’autre diffusé son discours.

Observations de l ’ État partie sur la recevabilité et le fond

4.1Dans une note du 14 octobre 2005, l’État partie a contesté les griefs de l’auteur. Sur les faits, il affirme que la Cour suprême, outre ses fonctions de juridiction de jugement et d’appel, a une fonction consultative et le Président de la République peut lui demander son avis sur toute question de droit ou de fait qui se pose ou peut se poser et qui a une importance publique. Il fait valoir que, à l’époque où il a fait la déclaration en question, l’auteur était ministre et non pas un simple citoyen, ce qui ajoutait du poids à la déclaration. Il souligne que l’auteur avait déjà fait l’objet d’une condamnation pour outrage, et avait reconnu avoir déclaré: «ils vont fermer le Parlement et s’il le faut fermer aussi les tribunaux pour voter cette Constitution» et «si les magistrats de l’État ne sont pas d’accord avec la mise en œuvre de la Constitution ils pourraient rentrer chez eux». L’auteur était un ministre du Gouvernement quand il a fait ces déclarations. Comme il s’était excusé et qu’il n’avait pas de casier judiciaire, il n’a pas été condamné cette fois‑là. Dans l’affaire qui fait l’objet de la communication, la Cour suprême avait expressément indiqué dans son arrêt que, étant donné que sa clémence n’avait eu aucun effet sur le comportement de l’auteur, une «peine dissuasive de deux ans d’emprisonnement en régime sévère» s’imposait. Compte tenu de ces éléments, l’État partie objecte que les affaires citées par l’auteur ne sont pas pertinentes et que la peine ne peut pas être considérée comme excessive. Pour ces raisons, l’État partie considère qu’il n’y a pas eu violation de l’article 7 du Pacte.

4.2Pour ce qui est du grief de violation du paragraphe 3 de l’article 8 et de l’argument de l’auteur qui affirme que, d’après les dispositions de l’ordonnance relative à l’interprétation des textes, le mot «emprisonnement» vise seulement un «emprisonnement simple», l’État partie fait valoir que cette ordonnance ne peut pas servir à interpréter la Constitution mais ne s’applique qu’aux lois. La Constitution ne peut être interprétée que par la Cour suprême, qui a considéré que par «emprisonnement» il fallait entendre soit l’emprisonnement «simple» soit l’emprisonnement «en régime sévère». L’État partie note également que le paragraphe 3 a) de l’article 8 doit être lu conjointement avec le paragraphe 3 b) qui dispose que l’alinéa a ne doit pas être interprété comme interdisant «l’accomplissement d’une peine de travaux forcés».

4.3En ce qui concerne les griefs au titre du paragraphe 1 de l’article 14, l’État partie réfute lesallégations portées contre le Président de la Cour suprême et dit qu’il s’abstiendra de commenter les déclarations faites contre lui qui ne sont pas étayées. Les décisions de la Cour suprême ne peuvent être rendues que par un collège d’au moins trois magistrats. Dans l’affaire contestée, le collège était composé de cinq magistrats qui ont été unanimes à déclarer l’auteur coupable et à prononcer la peine. L’auteur était représenté par un avocat plaidant et l’audience était publique. Il a reconnu avoir fait la déclaration reprochée et il appartenait donc à la Cour suprême de déterminer si cette déclaration représentait un outrage, en tout ou en partie. Dans sadéclaration, l’auteur avait employé le mot singhalais «balu» pour qualifier les magistrats de laCour suprême, mot qui signifie chien(s) et qui est donc extrêmement péjoratif.

4.4En ce qui concerne le grief de violation des paragraphes 2, 3 e) et g) de l’article 14 du Pacte, l’État partie souligne que, vu que l’auteur a reconnu avoir fait la déclaration en question, ces dispositions n’ont pas été violées. En effet, si l’auteur avait nié avoir fait la déclaration, il aurait alors incombé à l’accusation de prouver que cette déclaration avait été effectivement faite. En ce qui concerne le paragraphe 3 e), étant donné que l’auteur avait admis qu’il avait fait la déclaration, il n’était pas nécessaire que l’accusation entende des témoins pour prouver que les propos avaient bien été tenus. En ce qui concerne le paragraphe 3 g), le fait que l’auteur ait reconnu avoir tenu les propos incriminés ne saurait être considéré comme une déclaration contre lui‑même ou un aveu de culpabilité. L’auteur et son conseil, ayant étudié les preuves disponibles, ont pris la décision réfléchie de reconnaître l’intégralité de la déclaration.

4.5En ce qui concerne le paragraphe 3 a) de l’article 14, l’État partie affirme que l’auteur avait reçu un document contenant tous les éléments intéressants longtemps avant l’ouverture du procès. Il avait été informé des charges à l’avance et la déclaration a été lue en audience plénière dans une langue qu’il comprenait. Il était représenté par un conseil et ni lui‑même ni le conseil n’a fait savoir qu’il ne comprenait pas en quoi consistait le chef d’inculpation. Le conseil a eu la possibilité de visionner une vidéo de l’auteur faisant la déclaration en question et de conseiller l’auteur avant que celui‑ci n’admette qu’il l’avait faite.

4.6L’État partie rejette l’idée qu’il y ait eu violation du paragraphe 1 de l’article 15 et du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte. Il confirme que la décision de la Cour suprême ne pouvait pas être réexaminée. En vertu du paragraphe 3 de l’article 105 de la Constitution, la Cour suprême a la faculté, en tant que juridiction supérieure, de punir tout outrage, commis dans le prétoire ou ailleurs. Il ressort clairement de cet article que l’outrage, qu’il soit commis devant la Cour elle‑même ou ailleurs, constitue une infraction. S’il n’en était pas ainsi, les pouvoirs conférés à la Cour suprême seraient vains. Toute autre interprétation serait irréaliste et déraisonnable. De plus, d’après l’État partie, l’outrage pourrait être tenu pour criminel, d’après «les principes généraux de droit reconnus par l’ensemble des nations (art. 15, par. 2)».

4.7En ce qui concerne le grief de violation de l’article 19 du Pacte, l’État partie objecte qu’une restriction imposée pour prévenir des incidents d’outrage à magistrat est raisonnable et nécessaire pour préserver le respect dû à la Cour et la réputation de celle‑ci ainsi que pour préserver l’ordre public et la morale publique. Le chapitre III de la Constitution de Sri Lanka dispose que l’exercice du droit à la liberté d’expression est soumis aux restrictions prescrites par la loi, au nombre desquelles l’outrage à magistrat. En vertu de l’article 89 d) de la Constitution est déchu de ses droits électoraux «celui qui exécute ou a exécuté pendant les sept années précédant immédiatement l’élection une peine d’emprisonnement (de quelque type que ce soit) d’une durée au moins égale à six mois, prononcée par un tribunal pour une infraction punissable d’un emprisonnement d’au moins deux ans…». L’État partie avance que le fait d’empêcher une personne qui a été condamnée pour une infraction pénale de voter ou d’être élue membre du Parlement ne saurait être considéré comme une restriction déraisonnable au sens de l’article 25 du Pacte.

4.8En ce qui concerne l’article 26 du Pacte, l’État partie fait valoir que l’argument selon lequel les chaînes de télévision et la personne qui a prononcé la déclaration litigieuse doivent être traitées sur un pied d’égalité n’est pas défendable. De plus, l’auteur avait déjà reçu une mise en garde et une admonestation pour des faits d’outrage précédents et ne peut donc pas être traité de la même manière qu’une personne qui comparaît devant un tribunal pour la première fois.

4.9L’État partie ajoute qu’il n’a aucun pouvoir sur les décisions d’un tribunal compétent et qu’il ne peut pas donner d’instruction concernant les jugements qu’un tribunal rendra à l’avenir. Quand il a signé le Protocole facultatif, il n’a jamais eu l’intention d’accepter que le Comité soit compétent pour exprimer des opinions sur un jugement rendu par un tribunal compétent de Sri Lanka. L’État partie nie que le Président de la Cour suprême ait été prévenu contre l’auteur pour des raisons politiques ou personnelles.

Commentaires de l ’ auteur sur les observations de l ’ État partie

5.Dans une note datée du 9 novembre 2005, l’auteur réitère ses griefs et ajoute que l’État partie n’a pas répondu à un grand nombre de ses arguments. En ce qui concerne les arguments relatifs au paragraphe 3 de l’article 8 du Pacte, il fait valoir que l’ordonnance relative à l’interprétation des textes énonce explicitement qu’elle s’applique à la Constitution et que le fait que la Cour suprême soit investie du pouvoir d’interpréter la Constitution ne signifie pas que dans l’exercice de ce pouvoir elle peut ignorer les dispositions explicites de l’ordonnance. Pour ce qui est de l’argument selon lequel dans sa déclaration il a qualifié les magistrats de la Cour suprême de «chiens», l’auteur renvoie à la traduction des mots en question faite par la Cour suprême elle‑même et qui était «décision indigne». À aucun moment pendant la procédure le Procureur ni la Cour elle‑même n’a prétendu que l’auteur avait qualifié les juges de la Cour suprême de «chiens». En ce qui concerne la référence au paragraphe 2 de l’article 15 du Pacte faite par l’État partie, l’auteur objecte que cette disposition visait à confirmer les principes appliqués par les tribunaux chargés de juger les crimes de guerre mis en place après la Seconde Guerre mondiale.

Commentaires supplémentaires de l ’ auteur

6.1Le 31 mars 2008, sur instructions du Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications, le secrétariat a demandé à l’auteur de confirmer que le grief tiré du paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte était implicite dans sa plainte et de donner des renseignements sur sa remise en liberté. Dans une note du 6 avril 2008, l’auteur confirme qu’un grief de violation du paragraphe 1 de l’article 9 est implicite dans chacune des violations qu’il énumérait dans sa communication initiale. Il se réfère aux constatations du Comité dans l’affaire Fernando c. Sri Lanka qui ont été adoptées trois semaines après la date à laquelle la présente communication a été adressée au Comité et dans lesquelles celui-ci a établi qu’il y avait eu violation du paragraphe 1 de l’article 9, l’auteur ayant été victime d’une privation arbitraire de liberté du fait d’un acte du pouvoir judiciaire. L’auteur de la présente communication renvoie également aux critères appliqués par le Groupe de travail sur la détention arbitraire pour déterminer si une privation de liberté est arbitraire − «quand la violation de quelque norme internationale relative à la garantie d’un procès équitable est d’une telle gravité que la privation de liberté, de quelque nature que ce soit, prend un caractère arbitraire» et «quand cette détention est le résultat d’une procédure judiciaire ou d’une peine qui découlent de l’exercice par un individu du droit à la liberté d’opinion et d’expression garanti par l’article 19 du Pacte».

6.2L’auteur indique que, le 15 février 2006, le Président a remis le reste de sa peine et qu’il a donc été libéré, environ six à huit semaines avant l’expiration de sa peine. Deux ou trois semaines avant sa remise en liberté, le Président du Parlement a décidé que l’auteur était déchu du siège de député auquel il avait été élu en avril 2004 pour un mandat de six ans, parce qu’il s’était absenté pendant une durée continue de trois mois. Le Président n’a pas accordé la grâce (ce qu’il aurait pu faire conformément au paragraphe 2 de l’article 34 de la Constitution), ce qui aurait annulé l’interdiction de voter ou de se porter candidat à des élections dont l’auteur est frappé pendant sept années à compter de la date d’exécution de sa condamnation, c’est‑à‑dire jusqu’en avril 2013.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte. Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

7.2Pour ce qui est des griefs de violations de l’article 7 du Pacte, du paragraphe 3 b) de l’article 8, du paragraphe 1 de l’article 15, et de l’article 26, le Comité estime que ces griefs n’ont pas été étayés, aux fins de la recevabilité, et considère donc qu’ils sont irrecevables en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.3Pour ce qui est des autres griefs, tirés des dispositions de l’article 14, du paragraphe 1 de l’article 9, de l’article 19 et de l’article 25 b), le Comité considère qu’ils ont été suffisamment étayés et ne voit aucun autre obstacle à leur recevabilité.

Examen au fond

8.1Le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par les parties, conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif.

8.2Le Comité rappelle l’observation qu’il a déjà faite dans une décision précédente et relève que l’une des caractéristiques des juridictions de common law est que par tradition les tribunaux exercent la faculté de maintenir l’ordre et la dignité pendant les audiences et disposent pour ce faire du pouvoir de prononcer sommairement des peines pour «outrage à magistrat». Dans cette décision, le Comité avait également noté que l’application d’une peine draconienne sans explication suffisante ni garanties indépendantes de procédure tombait sous le coup de la disposition du paragraphe 1 de l’article 9 interdisant la privation «arbitraire» de liberté. Le fait qu’un acte constitutif d’une violation du paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte soit commis par une autorité judiciaire ne peut pas exonérer l’État de sa responsabilité en tant qu’État.

8.3Dans la présente affaire, l’auteur a été condamné à un emprisonnement en régime sévère de deux ans pour avoir déclaré lors d’une réunion publique qu’il n’accepterait pas de «décision indigne» de la part de la Cour suprême, dans le contexte d’un avis attendu de la Cour suprême au sujet de l’exercice des pouvoirs de défense par le Président de la République et le Ministre de la défense. Comme l’État partie l’a objecté et comme l’a confirmé la lecture du texte du jugement, il semblerait que le mot «indigne» ait été considéré par le tribunal comme une traduction «édulcorée» du mot qui a été véritablement prononcé. L’État partie mentionne l’argument de la Cour suprême qui a affirmé que la peine visait à être «dissuasive» étant donné que l’auteur avait déjà été inculpé d’outrage mais n’avait pas été condamné parce qu’il avait présenté des excuses. Il semblerait donc que la peine sévère qui a été prononcée se fonde sur deux inculpations pour outrage, dont l’une n’avait pas été sanctionnée par une condamnation. De plus, le Comité note que l’État partie n’a pas expliqué pourquoi il était nécessaire dans cette affaire d’appliquer la procédure sommaire, en particulier compte tenu du fait que l’incident à l’origine de l’inculpation n’avait pas eu lieu «devant la Cour», c’est-à-dire pendant l’audience. Le Comité constate que la Cour suprême pas plus que l’État partie n’a donné d’explication motivée justifiant la nécessité de prononcer en procédure sommaire une peine aussi sévère pour assurer le bon déroulement de la procédure, comme elle en a le pouvoir, si tant est que le fait de rendre un avis consultatif peut constituer une procédure à laquelle peut s’appliquer une procédure sommaire pour outrage. Il conclut donc que la détention a été arbitraire, en violation du paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte.

8.4Le Comité conclut que l’État partie a violé l’article 19 du Pacte, la peine prononcée contre l’auteur étant disproportionnée par rapport à tout but légitime au sens du paragraphe 3 de l’article 19.

8.5Pour ce qui est du grief de violation de l’article 25 b) du fait que l’auteur est déchu de ses droits électoraux pour une durée de sept ans après sa remise en liberté, le Comité rappelle que l’exercice du droit de vote et du droit d’être élu ne peut être suspendu ou supprimé que pour des motifs consacrés par la loi, et qui soient raisonnables et objectifs. Il rappelle également que «si le fait d’avoir été condamné pour une infraction est un motif de privation du droit de vote, la période pendant laquelle l’interdiction s’applique devrait être en rapport avec l’infraction et la sentence». Le Comité note que dans l’affaire à l’examen les restrictions sont établies par la loi mais que, à part le fait d’affirmer que ces restrictions sont raisonnables, l’État partie n’a apporté aucun argument pour montrer que les restrictions imposées au droit de voter ou de se porter candidat étaient proportionnées à l’infraction et à la sentence. Étant donné que ces restrictions résultent de la condamnation de l’auteur et de sa peine, dont le Comité a établi qu’elle était arbitraire, ce qui constitue une violation du paragraphe 1 de l’article 9, et vu que l’État partie n’a apporté aucun motif pour justifier le caractère raisonnable ou proportionné de ces restrictions, le Comité conclut que l’interdiction dont l’auteur a été frappé et qui l’empêche d’exercer ses droits électoraux, pendant sept ans après sa condamnation et l’extinction de la peine, est déraisonnable et constitue donc une violation de l’article 25 b) du Pacte.

8.6Étant donné que le Comité a constaté des violations du paragraphe 1 de l’article 9, de l’article 19 et de l’article 25 b) dans la présente affaire, il n’est pas nécessaire qu’il détermine si les dispositions de l’article 14 du Pacte peuvent s’appliquer à l’exercice par un tribunal du pouvoir à lui conférer pour outrage à magistrat.

9.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, est d’avis que l’État partie a commis une violation du paragraphe 1 de l’article 9, de l’article 19 et de l’article 25 b) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

10.Conformément au paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer à l’auteur un recours utile, y compris sous la forme d’une indemnisation et du rétablissement de son droit de voter et d’être élu, et de procéder aux modifications qui s’imposent en droit comme dans la pratique pour éviter des violations analogues à l’avenir. L’État partie est tenu de veiller à ce que de telles violations ne se reproduisent à l’avenir.

11.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y avait eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre‑vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. L’État partie est invité en outre à rendre publiques les présentes constatations.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

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