NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.RESTREINTE*

CCPR/C/93/D/1481/20064 août 2008

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMMEQuatre‑vingt‑treizième session7‑25 juillet 2008

DÉCISION

Communication n o 1481/2006

Présentée par:

Grant Tadman et Jeff Prentice (représentés par M. Brian N. Forbes)

Au nom de:

Les auteurs

État partie:

Canada

Date de la communication:

17 novembre 2005 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 21 juin 2006 (non publiée sous forme de document)

Date de la présente décision:

22 juillet 2008

Objet: Allégation de préférence illégale accordée par les écoles confessionnelles aux enseignants de la même confession, au détriment des auteurs

Questions de procédure: Qualité pour agir − épuisement des recours internes − griefs suffisamment étayés aux fins de la recevabilité

Question s de fond: Discrimination fondée sur la religion − droit de faire dispenser aux enfants une éducation conforme aux préférences des parents − recours utile − application dans toutes les unités constituant les États fédéraux

Article s du Protocole facultatif: 1, 2 et 5 (par. 2 b))

Articles du Pacte: 2 (par. 1, 2 et 3), 26 et 50

[ANNEXE]

ANNEXE

DÉCISION DU COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME EN VERTU DU PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES

Quatre-vingt-treizième session

concernant la

Communication n o 1481/2006 *

Présentée par:

Grant Tadman et Jeff Prentice (représentés par M. Brian N. Forbes)

Au nom de:

Les auteurs

État partie:

Canada

Date de la communication:

17 novembre 2005 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 22 juillet 2008,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.1La communication, datée du 17 novembre 2005, est présentée par Grant Tadman et Jeff Prentice, qui se disent victimes de violation par le Canada des paragraphes 1, 2 et 3 de l’article 2, de l’article 26 et de l’article 50 du Pacte. Ils sont représentés par des conseils, M. Renton Patterson et M. Brian Forbes.

1.2Le 29 septembre 2006, le Rapporteur spécial pour les nouvelles communications a décidé que la question de la recevabilité et la question du fond seraient examinées séparément.

Exposé des faits

2.1Les auteurs sont enseignants dans l’Ontario (Canada). En 1986, la province de l’Ontario a adopté le projet de loi 30 en vertu duquel les écoles catholiques primaires et secondaires du système séparé seraient entièrement financées par des fonds publics en Ontario. En juin 1987, dans le pourvoi relatif au projet de loi 30, portant modification de la loi sur l’éducation (Ontario), la Cour suprême du Canada a estimé que cet amendement n’était pas anticonstitutionnel. La loi sur l’éducation de l’Ontario, telle que modifiée, prévoyait aussi que, pendant une période de dix ans, les enseignants des écoles publiques se trouvant en surnombre au regard des besoins de ces écoles par suite du départ des élèves vers les écoles catholiques nouvellement financées pouvaient être mutés, en qualité d’«enseignants désignés», à un poste identique ou analogue dans le nouveau système. Par la suite, en vertu de dispositions dont la Cour suprême n’était pas saisie dans l’affaire susmentionnée, la loi a prévu que, pour préserver le caractère distinctif du système séparé, les commissions scolaires pourraient exiger comme condition d’emploi que les enseignants «acceptent de respecter la doctrine et les conditions posées par les écoles catholiques romaines séparées dans l’accomplissement de leurs fonctions», même si les enseignants employés dans les écoles séparées «jouiront des mêmes possibilités en ce qui concerne leur emploi, leur perfectionnement et leur promotion».

2.2En décembre 1997, dans l’affaire Daly v. Attorney General , la Division générale de la Cour de l’Ontario a annulé les dispositions relatives à l’égalité des possibilités énoncées à l’article 136 de la loi au motif qu’elles portaient atteinte au droit à l’autodétermination garanti aux écoles confessionnelles lors de la création de l’Union du Canada par l’article 93 1) de la Loi constitutionnelle de 1867. En conséquence, les commissions scolaires séparées étaient autorisées à donner la préférence à des coreligionnaires en matière d’emploi, d’avancement et de promotion. Le 27 avril 1999, la cour d’appel de l’Ontario a rejeté un recours formé contre la décision de la Division générale et en octobre 1999, la Cour suprême du Canada a refusé l’autorisation de faire appel.

Cas de M. Tadman

2.3Depuis 1975, M. Tadman, en sa qualité d’enseignant, a été conseiller d’orientation et a enseigné l’éducation physique dans le système scolaire public. En 1986, il a été muté de la Commission de North York (North York Board) du système public à la Commission métropolitaine des écoles séparées (Metropolitan Separate School Board). En juin 1987, en septembre 1987, en décembre 1989, en juin 1991 et en septembre 1991, il a été affecté à des postes différents. Il affirme qu’au cours de cette période il n’a jamais été titulaire d’un poste permanent pour enseigner dans les deux domaines pour lesquels il était qualifié, comme il l’avait fait auparavant dans le système public. Il précise également qu’en quatre occasions il a formulé des demandes raisonnables en vue d’obtenir un poste permanent d’enseignement, mais se l’est vu refuser pour des motifs injustifiés. Il ajoute avoir fait l’objet d’un traitement discriminatoire parce qu’il n’est pas d’origine catholique. Il déclare à cet égard avoir fait l’objet d’un harcèlement verbal de la part du personnel et des élèves, que son expérience et ses qualifications professionnelles n’étaient pas convenablement reconnues, qu’on lui interdisait d’aborder certaines questions touchant la santé avec les élèves et qu’il s’est vu refuser la possibilité d’obtenir un poste au service d’orientation sous prétexte qu’il risquait de faire des commentaires déplacés en raison de ses origines non catholiques.

2.4En ce qui concerne les recours qu’il a formés, en septembre 1987, M. Tadman a demandé à la Commission scolaire de North York (North York Board), son ancien employeur, de le reprendre à son service car il ne pouvait pas, pour des raisons morales, continuer à travailler dans le système des écoles séparées. Devant le refus opposé par la Commission, il a déposé plainte devant une commission d’arbitrage. Le 17 août 1988, après l’audition des témoins, la Commission d’arbitrage a rejeté la plainte au motif que: i) le délai écoulé entre la mutation et la plainte était trop long pour être raisonnable; ii) le plaignant avait «changé d’avis» concernant son aptitude à travailler dans le système séparé; iii) les éléments de preuve «ne démontrent pas, loin s’en faut, que le plaignant se soit vu interdire d’exprimer ses convictions religieuses personnelles» par la Commission des écoles séparées; et iv) que, selon son propre témoignage, il a été dispensé d’activités religieuses dans l’école, et que «rien n’indique, au vu des éléments de preuve, que cela lui ait causé des difficultés». L’appel formé devant le tribunal de division (Divisional Court) a été rejeté, au motif que «la Commission d’arbitrage avait établi le fait que la Commission des écoles séparées n’avait pas porté atteinte à la liberté de conscience, de pensée, de conviction ou de religion du plaignant».

2.5En 1992, M. Tadman a demandé l’autorisation de déposer plainte auprès de la Commission ontarienne des droits de la personne. En avril 1992, la Commission a répondu qu’elle n’était pas compétente en la matière. En octobre 1992, l’Ombudsman de l’Ontario a fait savoir qu’il n’enquêterait pas sur cette plainte, et se ralliait à la position de la Commission. En février 1994, l’auteur a déposé plainte auprès de la Commission ontarienne des droits de la personne en invoquant une discrimination sur la base de la croyance contre la Commission métropolitaine des écoles séparées (Metropolitan Separate School Board), pour refus de la Commission de lui donner un poste et pour harcèlement. Aucun renseignement n’est fourni quant à la suite donnée à cette plainte. En février 1994 également, l’auteur a déposé une doléance (plainte) devant le syndicat des enseignants contre la Commission, en invoquant le refus d’égalité des chances en matière d’emploi et l’exposition à des remarques discriminatoires de la part des personnes employées par la Commission, notamment de la part d’enseignants de son école. En mai 1994, le syndicat a décidé de donner suite à un aspect de la plainte concernant la question de savoir si l’auteur devait être affecté à une autre école au sein de la Commission. Aucune information n’est donnée concernant l’issue de cette plainte.

2.6En juin 1994, l’auteur a déposé plainte devant la Commission des relations de travail de l’Ontario (Ontario Labour Relations Board) contre son syndicat, en invoquant une violation par ce dernier du devoir de représentation équitable. En août 1994, la Commission a rejeté cette plainte en se déclarant incompétente pour les litiges entre un enseignant et le syndicat. En novembre 1994, l’auteur a engagé une action contre la Commission scolaire devant la Cour de l’Ontario (Division générale) en invoquant une discrimination dans l’emploi, mais en excluant expressément le statut légal général des écoles séparées. Le 10 août 1995, la Cour a rejeté la demande au motif que M. Tadman n’avait pas épuisé les procédures d’arbitrage obligatoires. Cette décision n’a pas fait l’objet d’appel.

2.7Le 29 octobre 1999, le Comité des droits de l’homme a déclaré irrecevable, au motif que les auteurs ne pouvaient pas affirmer être victimes de la discrimination qu’ils disaient subir, une communication de M. Tadman et consorts dénonçant des violations des mêmes dispositions du Pacte que celles invoquées en l’espèce. Le Comité a noté que «les auteurs, tout en affirmant être victimes de discrimination, ne demandent pas des écoles financées par des fonds publics pour leurs enfants mais cherchent au contraire à faire supprimer le financement public des écoles catholiques séparées. Ainsi, s’il était fait droit à leur demande, la situation personnelle des auteurs au regard du financement de l’instruction religieuse ne serait pas améliorée. Mais les auteurs n’ont pas suffisamment étayé leur argument selon lequel le financement public dont bénéficient les écoles catholiques séparées à l’heure actuelle les défavorise ou a des conséquences préjudiciables pour eux.».

Cas de M. Prentice

2.8M. Prentice a enseigné les mathématiques et les sciences à temps partiel dans une école secondaire catholique, à Ottawa, pendant l’année scolaire 1997/98. En 1998, il a demandé un poste permanent qui lui a été refusé. Il déclare que ce refus était motivé par le fait qu’il n’était pas catholique pratiquant, en se fondant pour cela sur une note reçue de la Commission scolaire selon laquelle il ne pouvait fournir d’attestation à cet effet.

Teneur de la plainte

3.1Les auteurs affirment que les faits de la cause font apparaître une discrimination au motif de la croyance religieuse, ce qui est contraire à l’article 26 du Pacte pour trois raisons. Premièrement, ils affirment avoir souffert d’une discrimination religieuse en raison des pratiques de recrutement et de promotion applicables dans le système des écoles séparées en Ontario. Deuxièmement, ils affirment que le financement par des fonds publics des écoles catholiques est contraire à la disposition énoncée à l’article 26. Troisièmement, M. Tadman prétend que, lorsqu’il enseignait dans une école secondaire catholique, il a fait l’objet d’une discrimination du fait qu’il n’était pas catholique. Les auteurs invoquent les constatations du Comité dans l’affaire Waldman c. Canada à l’appui de leurs arguments.

3.2Les auteurs affirment aussi qu’à la lumière de la jurisprudence des tribunaux de l’État partie, ils ne disposent d’aucun recours utile, contrairement à ce que dispose l’article 2 du Pacte. Enfin, les auteurs font valoir que l’existence, en Ontario, des dispositions qu’ils jugent discriminatoires représente une violation de l’article 50 du Pacte, aux termes duquel les dispositions du Pacte s’appliquent également à toutes les unités constitutives des États fédératifs.

Observations de l ’ État partie sur la recevabilité

4.1Dans une lettre du 18 septembre 2006, l’État partie a contesté la recevabilité de la communication en faisant valoir qu’elle est irrecevable: i) ratione materiae; ii) parce qu’elle constitue un abus du droit de présenter des communications en raison du délai écoulé; iii) en raison de l’absence de victimes; iv) pour non‑épuisement des recours internes concernant les plaintes pour harcèlement présentées par M. Tadman; et v) pour griefs insuffisamment fondés concernant le harcèlement allégué par M. Tadman.

4.2Selon l’État partie, la communication est incompatible ratione materiae avec le paragraphe 4 de l’article 18 du Pacte, qui protège le droit pour les parents de faire assurer l’éducation de leurs enfants conformément à leurs convictions religieuses. Comme l’ont reconnu les tribunaux, pour préserver le caractère confessionnel d’une école religieuse, il faut pouvoir recruter des enseignants en donnant une préférence en fonction de la religion. Toutes les écoles religieuses de l’Ontario, quelle que soit leur confession, ont ce droit, compatible avec le paragraphe 4 de l’article 18.

4.3L’État partie estime que les auteurs n’ont pas donné d’explication convaincante pour justifier le retard écoulé avant de présenter leur communication, d’où il résulte un abus du droit de présenter des communications. Même si l’on prend la date d’octobre 1999 comme la toute dernière date pertinente depuis le refus de la Cour suprême d’autoriser le droit d’interjeter appel de la décision rendue dans l’affaire Daly, plus de six ans se sont écoulés avant la présentation de la présente communication. Aucune justification n’a été fournie pour expliquer ce laps de temps, qui est excessif et entrave la capacité qu’a l’État partie d’établir certains faits et certaines circonstances de l’affaire qui ne figurent pas dans les archives fédérales ni provinciales.

4.4L’État partie fait également valoir, en comparant le texte de la communication à celui de la communication qui a été déjà présentée par l’auteur en 1999, que la vraie plainte des auteurs porte toujours sur le fait que les écoles catholiques séparées ne devraient pas recevoir de fonds publics, et non sur l’allégation ostensiblement formulée du recrutement préférentiel d’enseignants catholiques dans les commissions scolaires séparées. Dans la décision qu’il a rendue sur la première communication, le Comité a rejeté la qualité pour agir de l’auteur en cette matière. Cette conclusion reste applicable, étant donné qu’aucun des auteurs de la présente communication n’a indiqué en quoi le financement par des fonds publics viole l’un des droits que leur reconnaît le Pacte. L’État partie fait également valoir que soumettre une deuxième fois la même plainte principale constitue un abus du droit de présenter des communications.

4.5L’État partie fait également valoir que M. Tadman n’a pas démontré qu’il avait épuisé les recours internes en ce qui concerne son allégation de harcèlement. La décision rendue dans l’affaire Daly n’a pas empêché d’invoquer les questions soulevées dans la communication, étant donné que le jugement a seulement affirmé que les commissions scolaires catholiques avaient l’autorisation de recruter et de promouvoir de préférence des catholiques, mais seulement dans la mesure nécessaire pour préserver le caractère catholique des écoles de cette confession. Cette règle ne s’applique pas au harcèlement allégué par l’auteur; au contraire, l’article 5 du Code des droits de la personne de l’Ontario garantit expressément le droit de ne pas être victime de harcèlement sur le lieu de travail sur la base de la croyance. M. Tadman n’a pas apporté la preuve qu’il a défendu intégralement les droits qui sont les siens en vertu du Code. En outre, dans la procédure qu’il a engagée devant les tribunaux civils, il a expressément exclu la question qui a ultérieurement fait l’objet de l’affaire Daly.

4.6Enfin, l’État partie fait valoir que les deux incidents de harcèlement qui se seraient produits ne constitueraient pas, même s’ils étaient avérés, une discrimination violant l’article 26. Il n’y a en particulier rien d’inconvenant à ce que les enfants d’une école religieuse interrogent les enseignants sur les pratiques religieuses. En outre, M. Tadman a déposé une plainte au titre de la loi sur l’éducation ainsi qu’une plainte pour violation des droits de la personne sur ces questions. La Commission d’arbitrage a conclu que ses plaintes n’étaient pas étayées, et le recours contre cette décision a été rejeté. Dans ces conditions, le Comité devrait s’en remettre aux conclusions des juridictions nationales.

Commentaires des auteurs sur les observations de l ’ État partie

5.1Dans une lettre du 17 novembre 2006, les auteurs ont répondu en contestant les observations de l’État partie. Au sujet des recours internes, ils font valoir que, compte tenu du jugement Daly, il serait vain d’engager d’autres procédures. Ils contestent également que le paragraphe 4 de l’article 18 du Pacte vise le droit d’employer des membres d’une confession religieuse dans des écoles de cette confession et font valoir que cette disposition n’autorise pas la discrimination à l’égard de certains enseignants. Ils invoquent de nouveau l’affaire Waldman et font valoir que la création du système séparé a rendu inévitable le transfert d’enseignants du système d’État vers le système séparé, compte tenu du nombre d’élèves ayant changé de système.

5.2En ce qui concerne les délais, les auteurs font valoir que l’intervalle écoulé est imputable au Canada et à l’absence de suite appropriée donnée aux constatations rendues dans l’affaire Waldman. Ils contestent également l’argument selon lequel le temps écoulé a nui à la capacité de l’État de résoudre les questions soulevées. Pour ce qui est de leur qualité de victime, ils font valoir qu’ils ne soulèvent pas les mêmes questions que celles qui ont été réglées dans la première communication Tadman, mais qu’ils invoquent un préjudice personnel sous forme de discrimination dont ils ont souffert en tant qu’enseignants.

Observations supplémentaires de l ’ État partie

6.1Le 11 avril 2007, l’État partie a répondu aux commentaires des auteurs. Il a souligné que l’affaire Waldman, qui est invoquée à plusieurs reprises par les auteurs, n’a rien à voir avec la présente affaire. La communication Waldman portait sur le financement des écoles confessionnelles, et ne soulevait en aucune manière la question du recrutement préférentiel de coreligionnaires comme enseignants dans les écoles confessionnelles. En centrant presque exclusivement l’attention sur l’affaire Waldman et la question du financement, les auteurs cherchent à utiliser de nouveau la question différente du financement par des fonds publics des écoles catholiques en Ontario, alors qu’ils n’ont nullement qualité pour la soulever.

6.2L’État partie souligne que toutes les écoles confessionnelles en Ontario, indépendamment de leur confession, ont le droit de procéder à un recrutement préférentiel sur la base de la religion afin de préserver leur caractère confessionnel, conformément au paragraphe 4 de l’article 18 et aux valeurs du Pacte. M. Tadman n’a pas non plus démontré l’existence d’un lien quelconque entre le recrutement préférentiel des écoles catholiques et le harcèlement dont il aurait été victime. En outre, le laps de temps écoulé a eu un effet préjudiciable: les deux exemples cités par M. Tadman se sont produits presque vingt ans auparavant et concernaient des élèves anonymes, ce qui rend impossible aujourd’hui toute enquête appropriée.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, décider si cette communication est recevable aux termes du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

7.2Le Comité note la décision qu’il a rendue sur la communication antérieure présentée par l’auteur (Tadman n o  1) déclarant que l’auteur n’avait pas la qualité de victime lui permettant de soulever les questions du financement public des écoles confessionnelles en Ontario. Dans la mesure où la présente communication soulève les mêmes questions sur lesquelles le Comité s’est prononcé dans l’affaire Waldman, elle est irrecevable conformément à l’article premier du Protocole facultatif.

7.3En ce qui concerne le cas particulier de M. Tadman, le Comité note que, dans la procédure civile qu’il a engagée devant les tribunaux de l’Ontario, il a expressément refusé toute contestation fondée sur la question générale du traitement préférentiel dont bénéficient les enseignants coreligionnaires dans les écoles confessionnelles (art. 135 et 136 de la loi). Au contraire, il s’est borné à invoquer les difficultés personnelles particulières qu’il avait rencontrées sur son propre lieu de travail. La Cour a jugé que ces difficultés n’avaient pas été évoquées dans l’arbitrage précédent et que M. Tadman n’était donc pas en droit de les soulever en l’espèce. M. Tadman n’a pas fait appel de cette décision. Il faut par conséquent en conclure que la communication de M. Tadman est irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif pour non‑épuisement des recours internes. Le Comité note également les conclusions sur les faits auxquelles sont parvenus la Commission d’arbitrage et le tribunal de division (voir par. 2.4 ci‑dessus) selon lesquelles M. Tadman n’a pas de fait souffert d’une limitation quelconque de sa liberté de conscience, de pensée, de conviction ou de religion. Il renvoie à sa décision concernant l’affaire Keshavjee c. Canada selon laquelle il se range aux conclusions de fait auxquelles sont parvenues les autorités nationales sauf si ces conclusions sont manifestement arbitraires ou équivalent à un déni de justice. Cette partie de la communication de M. Tadman est par conséquent irrecevable également en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif, les griefs étant insuffisamment étayés.

7.4En ce qui concerne M. Prentice, le Comité note que la communication ne fait apparaître aucune démarche engagée par l’auteur pour contester ou attaquer devant les autorités ou les tribunaux de l’État partie les motifs qui seraient à l’origine du refus de sa promotion. En l’absence d’effort raisonnable de l’auteur pour étayer la violation alléguée de ses droits devant les juridictions nationales, la communication de M. Prentice doit être considérée comme irrecevable conformément au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif pour non‑épuisement des recours internes.

8.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu des articles 1er et 2 et du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée aux auteurs et, pour information, à l’État partie.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

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