NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.RESTREINTE*

CCPR/C/93/D/1513/20066 août 2008

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMMEQuatre‑vingt‑treizième session7-25 juillet 2008

DÉCISION

Communication n o  1513/2006

Présentée par:

Vital Maria Fernandes et consorts (représentés par un conseil, M. Bjorn van Dijk)

Au nom de:

Les auteurs et leurs enfants

État partie:

Pays‑Bas

Date de la communication:

12 janvier 2005

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 22 novembre 2006 (non publiée sous forme de document)

Date de la présente décision:

22 juillet 2008

Objet: Expulsion de membres d’une famille; séparation des enfants d’avec leurs parents

Questions de procédure: Appréciation des éléments étayant les griefs aux fins de la recevabilité

Questions de fond: Droit au respect de la vie privée; protection de la famille

Articles du Pacte: 17 (par. 1) et 23

Article du Protocole facultatif: 2

[ANNEXE]

ANNEXE

DÉCISION DU COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME EN VERTU DU PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES

Quatre ‑vingt ‑treizième session

concernant la

Communication n o  1513/2006*

Présentée par:

Vital Maria Fernandes et consorts(représentés par un conseil, M. Bjorn van Dijk)

Au nom de:

Les auteurs et leurs enfants

État partie:

Pays-Bas

Date de la communication:

12 janvier 2005

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 22 juillet 2008,

Adopte ce qui suit:

Décision sur la recevabilité

1.Les auteurs de la communication sont Vital Maria Fernandes, de nationalité cap‑verdienne, qui soumet la communication en son nom propre et au nom de ses trois enfants, tous de nationalité néerlandaise; son épouse Maria Jose Pereira Monteiro Fernandes, de nationalité cap‑verdienne; et Walter Hugo Monteiro Semedo, fils de cette dernière et également de nationalité cap-verdienne. Ils se déclarent victimes d’une violation par les Pays‑Bas du paragraphe 1 de l’article 17 et de l’article 23 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Les auteurs sont représentés par un conseil, M. Bjorn van Dijk.

Rappel des faits présentés par les auteurs

2.1M. Fernandes a travaillé sur des navires commerciaux néerlandais à partir de la fin des années 80. Conformément à la loi néerlandaise sur les étrangers, les travailleurs dans ce cas peuvent obtenir un permis de séjour à condition, entre autres choses, qu’ils aient travaillé pendant sept ans sur des navires néerlandais. M. Fernandes a cessé de travailler avant le terme de cette période de sept ans en raison de problèmes de dos. Il a été indemnisé conformément à la loi sur l’assurance invalidité (WAO) et il n’a pas retravaillé depuis cette époque.

2.2M. Fernandes réside aux Pays‑Bas avec son épouse, Mme Monteiro Fernandes, qu’il a épousée en 1995 aux Pays‑Bas, et leurs quatre enfants. Trois de leurs enfants sont mineurs et ont la nationalité néerlandaise. Tous ont vécu aux Pays‑Bas depuis leur naissance. M. Monteiro Semedo, né le 5 octobre 1985, est le fils de Mme Monteiro Fernandes, issu d’un précédent mariage.

2.3Le 13 novembre 1995, M. Fernandes a présenté une demande de permis de séjour au commissaire du district de police de Groningen afin de pouvoir obtenir un emploi sur un navire néerlandais et de passer son congé aux Pays‑Bas. Cette demande a été rejetée le 16 juillet 1996. Le recours administratif qu’il a présenté contre cette décision a été déclaré irrecevable par décision du 9 octobre 1996. Un recours ultérieur a été formé auprès du tribunal du district de La Haye (arrondissement de Zwolle) le 6 novembre 1996. Ce recours a été rejeté le 2 mai 1997.

2.4Le 6 mai 1997, M. Fernandes a présenté une nouvelle demande de permis de séjour «sans restrictions» au commissaire du district de police de Groningen. Celle-ci a été rejetée le 7 mai 1999. Le 1er juin 1999, le requérant a formé opposition et a demandé que soit rendue une décision interlocutoire le 29 juin 1999. Le tribunal du district de La Haye (arrondissement de Zwolle) a rejeté cette requête le 31 août 2000 et a déclaré l’opposition formée le 1er juin 1999 non fondée. Une nouvelle demande de permis de séjour a ensuite été présentée au commissaire du district de police de Groningen le 10 juillet 2000. Le motif principal de cette demande était de permettre à M. Fernandes de rester auprès de ses enfants. Celle‑ci a été rejetée. Une opposition a été formée le 7 août 2000 et déclarée fondée le 8 janvier 2001.

2.5Le 12 septembre 2000, le commissaire du district de police de Groningen a proposé que M. Fernandes soit déclaré «personne indésirable», car il avait commis des infractions pénales et avait été condamné à trois reprises au moins en 1996, 1999 et 2000 pour violation de la loi sur l’opium et de la loi sur la circulation routière. Le 20 février 2003, la demande présentée le 10 juillet 2000 a été rejetée par le Ministre pour les étrangers et pour l’intégration et M. Fernandes a été déclaré «personne indésirable».La décision indiquait explicitement que le refus d’accorder à l’auteur un permis de séjour ne constituait pas une violation de son droit au respect de sa vie familiale, tel que défini par l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Bien que l’affaire mît en jeu le respect de la vie familiale des requérants, le refus d’accorder à M. Fernandes un permis de séjour aux Pays‑Bas ne visait pas à le priver de tout droit de séjour temporaire, lui permettant de vivre avec sa famille aux Pays‑Bas. La décision indique que M. Fernandes et son épouse étaient des résidents illégaux lorsqu’ils ont fondé une famille aux Pays‑Bas et qu’ils connaissaient ou auraient dû connaître les risques que leurs choix entraînaient. La décision stipulait que les enfants mineurs ayant la nationalité néerlandaise pouvaient opter pour la nationalité cap‑verdienne, conformément à la législation du Cap‑Vert. Par conséquent, il n’existait pas d’obstacles objectifs qui empêchaient les requérants de vivre en famille hors des Pays‑Bas. Une opposition a été formée devant le Ministre pour les étrangers et une demande de jugement provisoire présentée au tribunal du district de La Haye (chambre des étrangers). La requête et l’opposition formée ensuite ont été rejetées le 3 février 2004. La décision du tribunal de La Haye n’était pas susceptible de recours.

2.6Le 30 mars 2004, une plainte a été déposée devant la Cour européenne des droits de l’homme. Le 7 septembre 2004, la Cour européenne des droits de l’homme a déclaré la requête des auteurs irrecevable au motif qu’elle ne remplissait pas les conditions énoncées dans les articles 34 et 35 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Teneur de la plainte

3.Les auteurs affirment que les Pays‑Bas violent le paragraphe 1 de l’article 17 et l’article 23 du Pacte, en refusant d’accorder aux requérants des permis de séjour, étant donné que trois de leurs enfants sont de nationalité néerlandaise. En tant que citoyens néerlandais, ils ne peuvent pas être expulsés. Les trois enfants sont nés et ont été élevés aux Pays‑Bas et ils n’ont aucun contact avec le Cap‑Vert. Les requérants sont contraints de faire un choix inacceptable consistant soit à rester aux Pays‑Bas, sans avoir le statut de résident légal, soit à retourner au Cap‑Vert avec leurs enfants, qui sont pleinement intégrés à la société néerlandaise.

Réponses de l ’ État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Le 21 février 2007, l’État partie a formulé sa réponse sur la recevabilité de la communication. Le 16 avril 2007, l’État partie a confirmé que sa réponse sur la recevabilité portait également sur le fond de la communication.

4.2L’État partie considère que les auteurs n’ont pas suffisamment établi le bien‑fondé de leur plainte. Ils n’ont pas donné d’informations et d’arguments précis étayant explicitement leurs griefs de violation des dispositions du Pacte. Le seul élément apporté pour les étayer est la simple affirmation que les trois enfants mineurs sont intégrés à la société néerlandaise et que leur retour au Cap‑Vert serait pour eux une épreuve.

4.3L’État partie indique que M. et Mme Fernandes ont fondé une famille aux Pays‑Bas sans être légalement résidents dans ce pays. Ils savaient, ou à tout le moins auraient dû savoir, que l’obtention d’un permis de séjour conditionnerait le point de savoir s’ils seraient en mesure de continuer à vivre en famille aux Pays‑Bas. L’État partie appelle l’attention sur le casier judiciaire de M. Fernandes, en raison duquel il a été déclaré «étranger indésirable». Il fait observer que, comme les enfants remplissent les conditions requises pour obtenir la nationalité cap‑verdienne, rien ne s’oppose à ce qu’ils vivent avec leurs parents au Cap‑Vert.

Commentaires des auteurs sur les observations de l ’ État partie

5.Dans une lettre du 28 novembre 2007, les auteurs réaffirment que leur communication est recevable et que l’on ne peut demander aux trois enfants néerlandais d’aller vivre dans un pays qui n’est pas le leur. Ils expliquent qu’en octobre 2006 ils ont essayé d’aller vivre au Cap‑Vert pendant quatre mois, période pendant laquelle les enfants ont été séparés de leur père, mais que cette tentative s’est soldée par un échec, les enfants étant trop fortement attachés aux Pays‑Bas et n’ayant pas réussi à s’adapter.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité note que cette affaire a déjà été examinée et tranchée par la Cour européenne des droits de l’homme le 7 septembre 2004. Toutefois, il rappelle sa propre jurisprudenceselon laquelle c’est seulement lorsque la même affaire est en cours d’examendevant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement que le Comité n’est pas compétent pour examiner une communication au titre du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif. Par conséquent, le paragraphe 2 a) de l’article 5 n’empêche pas le Comité d’examiner la présente communication.

6.3En ce qui concerne le grief de violation du paragraphe 1 de l’article 17 et de l’article 23 du Pacte, le Comité note que, hormis les déclarations concernant les difficultés que rencontreraient les enfants, qui sont nés et ont grandi aux Pays‑Bas, s’ils suivaient leurs parents dans leur pays d’origine, les auteurs n’ont pas apporté d’argument démontrant comment leurs droits en vertu de ces dispositions seraient violés. En outre, les auteurs n’ont pas démontré pourquoi, dans les circonstances de l’espèce, leur expulsion vers le Cap‑Vert constituerait une ingérence illégale ou arbitraire dans leurs relations familiales. En conséquence, le Comité considère donc que les auteurs n’ont pas suffisamment étayé, aux fins de recevabilité, la plainte selon laquelle eux ou leurs enfants sont victimes de violations du paragraphe 1 de l’article 17 et du paragraphe 23 du Pacte. Il conclut donc que la communication est irrecevable au titre de l’article 2 du Protocole facultatif. Le Comité fait observer qu’il tient compte dans sa conclusion de l’insuffisance des informations données par les auteurs, en dépit des demandes qu’il leur a adressées pour obtenir des informations supplémentaires sur la situation des enfants ainsi que sur les difficultés qu’ils rencontreraient s’ils s’installaient au Cap‑Vert.

7.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée aux auteurs et à l’État partie.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

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