NATIONS UNIES

CERD

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/COG/CO/9

23 mars 2009

Original : FRANÇAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante-quatorzième session

16 février- 6 mars 2009

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

CONGO

Le Comité a examiné le rapport initial et les rapports périodiques du Congo, du deuxième au neuvième présentés en un seul document (CERD/C/COG/9), à ses 1908e et 1909e séances (CERD/C/SR.1908 et 1909), tenues les 18 et 19 février 2009. À sa 1923e séance (CERD/C/SR.1923), tenue 2 mars 2009, il a adopté les observations finales suivantes.

A.     Introduction

Le Comité se félicite de la présentation du rapport initial du Congo et de l’instauration du dialogue avec l’État partie. Il salue l’honnêteté dont il fait preuve en reconnaissant dans son rapport certaines situations qui affectent le Congo.

Le Comité exprime sa satisfaction pour les renseignements complémentaires apportés oralement et par écrit, et salue le dialogue constructif et franc qu’il a eu avec la délégation de l’État partie.

GE.09-41270

Notant que le rapport a été présenté avec presque vingt ans de retard, le Comité exhorte l’État partie à respecter les délais fixés pour la présentation de son prochain rapport périodique.

B. Facteurs et difficultés entravant l’application de la Convention

Le Comité note que l’État partie est dans une phase de reconstruction après avoir traversé une difficile période de conflits armés, et est préoccupé par la précarité de la paix à l’intérieur et aux frontières du pays, ce qui a eu pour conséquence d’entraver la pleine application de la Convention.

C. Aspects positifs

Le Comité note avec satisfaction que, conformément au préambule de la Constitution de 2002, les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme qui ont été ratifiés par l’État partie, y compris la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, font partie intégrante de la législation nationale de l’État partie.

Le Comité note avec intérêt qu’un plan national d’action pour l’amélioration de la qualité de vie des peuples autochtones 2009-2013 a été élaboré et adopté avec la participation de la société civile et des institutions des Nations Unies.

Le Comité prend note avec intérêt du projet de loi portant promotion et protection des droits des peuples autochtones, qui s’inspire de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

Le Comité note avec satisfaction les activités menées par l’État partie dans le cadre de la célébration de la journée internationale de solidarité avec les peuples autochtones, ainsi que la tenue du Forum international des peuples autochtones d’Afrique centrale (FIPAC), à l’initiative de l’État partie.

D . Sujets de préoccupations et recommandations

Le Comité note que les informations communiquées par l’État partie au sujet de la composition ethnique et linguistique de sa population, y compris des peuples autochtones, des réfugiés et des demandeurs d’asile, sont incomplètes. Il rappelle que les informations sur la composition démographique permettent au Comité aussi bien qu’à l’État partie de mieux évaluer l’application de la Convention au plan national.

Le Comité  :

a) recommande à l’ État partie de procéder à un recensement et de lui fournir dans son prochain rapport les données statistiques ventilées résultant de celui-ci . Il lui recommande aussi de veiller à ce que le questionnaire à utiliser à cette fin contienne les questions pertinentes permettant de mieux cerner la composition ethnique et linguistique de la population , y compris des peuples autochtones.

b) invite l’État partie à lui soumettre des données concernant les demandeurs d’asile, les réfugiés et les personnes déplacées, pour lui permettre d’évaluer l’ampleur, la répartition et l’impact de leurs mouvements.

Tout en prenant note de l’article 8 de la Constitution qui établit les principes d’égalité et de non discrimination, le Comité s’inquiète du fait que, bien que l’État partie reconnaisse que des tensions interethniques se sont produites sur son territoire, il n’existe pas actuellement en droit interne une définition de la discrimination raciale correspondant à celle de l’article 1er de la Convention.

  Le Comité encourage l’ État partie à mettre en œuvre rapidement une ré forme de sa législation, en particulier du C ode péna l, prévoyant l’intégration d’une législation spécifique sur la discrimination raciale qui mette en œuvre les dispositions de la Convention, y compris une définition juridique de la discrimination raciale qui soit pleinement conforme à l’article premier de la Convention. (art. 1)

Le Comité regrette ne pas avoir reçu suffisamment d’informations sur le mandat et le fonctionnement effectif de la Commission nationale des droits de l’homme, et est particulièrement préoccupé par la question des ressources, de l’indépendance, du mandat. des compétences et de l’efficacité de cette institution.

Le Comité recommande à l’État partie de fournir des informations détaillées sur les ressources, l’indépendance, le mandat, les compétences et les résultats des activités de la Commission nationale des droits de l’homme et de s’assurer qu’elle soit pleinement conforme aux Principes relatifs au statut des institutions nationales chargées de la promotion et de la protection des droits de l’homme (Principes de Paris, résolution 48/134 de l’Assemblée générale). Le Comité invite l’État partie à chercher à obtenir l’accréditation de la Commission nationale des droits de l’homme auprès du Comité international de coordination des institutions nationales des droits de l’homme. (art. 2 et 6)

Le Comité note avec préoccupation les informations faisant état de violences, d’abus de pouvoir et de traitements cruels, inhumains et dégradants, commis par les éco-gardes du projet pour la gestion des écosystèmes périphériques du Parc national Ndoki (PROGEPP) contre les peuples autochtones dans la partie septentrionale du Congo. Il regrette que ces allégations n’aient pas donné lieu à des poursuites judiciaires.

Le Comité exhorte l’État partie à réaliser des enquêtes officielles approfondies sur toute allégation de violence, d’abus de pouvoir et des traitements cruels, inhumains et dégradants , notamment contre des peuples autochtones et , éventuellement, à traduire en justice les responsables et les sanctionner pour ces actes. Le Comité souhaiterait disposer d ’ informations à ce sujet dans le prochain rapport périodique de l’État partie. (art.4 et 5  b)

Le Comité note avec préoccupation que les droits des peuples autochtones, notamment les Pygmées, de posséder, de mettre en valeur, de contrôler et d’utiliser leurs terres, leurs ressources et leurs territoires, ne sont pas garantis et que des concessions sont accordées sur les terres et territoires des peuples autochtones sans consultation préalable.

Le Comité recommande à l’ État partie de prendre des mesures urgentes et adéquates en vue de protéger les droits des peuples autochtones à la terre , notamment les Pygmées, et en particulier de : a) consacrer dans la législation interne les droits forestiers des peuples autochtones ; b) répertorier au cadastre, les terres ancestrales des pygmées, en consultation avec les peuples autochtones concernés ; c ) prendre en compte les intérêts des pygmées aussi bien que les impératifs de sauvegarde de l’environnement, s’agissant de l’exploitation des terres et veiller à ce que ces derniers soient consultés avant d’accorder toute concession  ; d ) prévoir des voies de recours internes en cas de violation des droits des peuples autochtones ; et e ) redoubler ses efforts de consultation avec les peuples autochtones pour l’administration de leurs sites, eaux et forêts. À cette fin, l e Comité invite l’État partie à tenir compte de sa recommandation générale  nº  23 (1997) concernant les droits des populations autochtones. (art.5)

Le Comité est préoccupé par la marginalisation et la discrimination dont les Pygmées font l’objet en ce qui concerne l’accès à la justice et la jouissance de leurs droits économiques, sociaux et culturels, et notamment l’accès à l’éducation, à la santé et au marché du travail. Le Comité est particulièrement préoccupé par les informations faisant état de la domination, de la discrimination et de l’exploitation dont sont victimes les Pygmées, qui sont parfois sujet à des formes d’esclavage moderne.

Le Comité : a) encourage l’État partie à redoubler d’ efforts pour que les peuples autochtones puissent jouir pleinement de leurs droits économiques, sociaux et culturels et l’invite en particulier à prendre des mesures en vue de garantir leurs droits à l’éducation, à la santé, à l’emploi , à des conditions équitables d e travail - y compris par la mise en place d’un mécanisme d’inspection des conditions de travail ; b) exhorte l’État partie à intensifier ses efforts de sensibilisation des peuples autochtones au sujet de leurs droits reconnus par la Convention ; c) recommande vivement à l’État partie d’ accélérer le processus d’adoption du projet de loi portant promotion et protection des droits des peuples autochtones  ; et d) invit e l’État partie à lui fournir des information s sur l a mise en œuvre du Plan d’action pour l’amélioration de la qualité de vie des peuples autochtones 2009-2013 dans son prochain rappo rt périodique. (art. 5)

Le Comité prend note avec préoccupation de la faible participation des peuples autochtones à la vie politique en raison de leur faible niveau d’instruction. Le Comité regrette qu’à ce jour, aucun autochtone n’ait été élu à des postes de représentation politique.

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à la pleine participation des peuples autochtones aux affaires publiques à tous les niveaux. Il l’ invite à revoir ses lois électorales afin d’encourager les partis politiques à faire plus largement appel à la participation des peuples autochtones. ( art . 5 c )

Le Comité note avec préoccupation que le taux d’enregistrement à l’état civil des naissances des individus appartenant aux peuples autochtones est faible, et que nombre d’entre eux ne sont pas munis de papiers d’identité.

Le Comité recommande au Comité de redoubler d’ efforts afin que toute s les naissance s au sein des peuples autochtones soi en t enregistrée s à l’état civil et que ces derniers reçoivent des papiers d’identité. Le Comité encourage l’État partie à rapprocher les centres d’état civil des localités abritant les peuples autochtones. (art. 5 d )

Le Comité note avec préoccupation l’inégalité dans la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels entre les ressortissants et les non-ressortissants, en particulier les refugiés et les demandeurs d’asile en provenance d’Angola, de la République démocratique du Congo et du Rwanda, et les difficultés auxquelles ces derniers se heurtent pour l’obtention de leur statut de refugié.

Compte tenu de sa recommandation générale nº  30 (2004) concernant la discrimination contre les non-ressortissants, le Comité invite l’État partie à redoubler ses efforts pour améliorer la situation des refugiés et des demandeurs d’asile, notamment par le renforcement de son système d’asile ainsi que par les institutions nationales qui œuvrent dans ce domaine, notamment le Comité national d’aide aux refugiés (CNAR), la Commission d’éligibilité au statut de réfugié et la Commission de recours pour les réfugiés. L’État partie est invité à : a) établir une procédure efficace concernant la détermination du statut de refugié ; b) envisager l’adoption d’une loi sur l’asile ; et c) prendre toutes les mesures nécessaires et efficaces afin de réussir l’intégration des refugiés au Congo. (art. 5 e )

Tout en notant les affirmations de l’État partie selon lesquelles la Convention a une autorité supérieure à celles des lois internes et que ses dispositions peuvent être invoquées directement devant les tribunaux nationaux, le Comité regrette que, comme indiqué par l’État partie, les tribunaux congolais n’aient jamais été saisis pour des actes de discrimination raciale.

Le Comité demande à l’ État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des données statistiques sur les poursuites engagées et les condamnations prononcées pour des infractions liées à la discrimination raciale. Il lui rappelle que l’absence de plaintes et d’actions en justice de la part de s victimes de discrimination raciale peut être révélatrice de l’inexistence d’une législation spécifique pertinente, de l’ignorance des recours disponibles , de la crainte d’une réprobation sociale, ou du manque de volonté des autorités chargées d’engager des poursuites. Il demande à l’ État partie de veiller à ce que la législation nationale contienne des dispositions appropriées et d’informer le public de tous les recours juridiques disponibles dans le domaine de la discrimination raciale. ( art. 6)

Le Comité est préoccupé par le manque de renseignements sur les mesures prises en vue de diffuser des informations sur la Convention, notamment des cours de formation proposés aux membres de l’appareil judiciaire et des forces de l’ordre, aux éco-gardes, aux enseignants, aux travailleurs sociaux et aux autres fonctionnaires sur les dispositions de la Convention et leur application.

Le Comité recommande à l’État partie de fournir des informations sur l’enseignement des droits de l’homme dans les programmes scolaires et sur les cours de formation spécifiques destinés aux membres de l’appareil judiciaire , aux forces de l’ordre, aux éco-gardes, aux enseignants, aux travailleurs sociaux et aux autres fonctionnaires au sujet des dispositions de la Convention . (art. 7)

Tout en prenant note des efforts menés conjointement par l’État partie et le Haut commissariat des Nations unies pour les refugiés (HCR), en vue de promouvoir la coexistence pacifique entre les refugiés Rwandais et la population locale, le Comité demeure préoccupé par les tensions interethniques persistantes au nord du pays.

Le Comité invite l’ État partie à redoubler s es efforts pour promouvoir des relations harmonieuses entre les refugiés et les différents groupes ethniques et culturels existants au nord du Congo notamment à travers des campagnes de sensibilisation à la tolérance et à l’entente interethnique. ( a rt .  7)

Le Comité encourage l’État partie à envisager la ratification de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Le Comité recommande à l’État partie de tenir compte des parties pertinentes de laDéclaration et du Programme d’action de Durban, adoptés en septembre 2001 par la Conférencemondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y estassociée (A/CONF.189/12, chap. I), lorsqu’il transposera la Convention dans son ordre juridiqueinterne, en particulier les dispositions des articles 2 à 7 de la Convention. En outre, il exhortel’État partie à inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements spécifiques surles plans d’action adoptés et les autres mesures prises en vue demettre en œuvre ces deux textes auplannational. Le Comité encourage aussi l’État partie à participer activement à la Conférence d’examen de Durban en 2009.

Le Comité note que l’État partie envisage de faire la déclaration facultative prévue à l’article 14 de la Convention et l’encourage à le faire rapidement.

Le Comité recommande à l’État partie de ratifier les amendements au paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention adoptés le 15 janvier 1992 à la quatorzième réunion des États parties et approuvés par l’Assemblée générale dans sa résolution 47/111 du 16 décembre 1992. À cet égard, le Comité rappelle les résolutions 61/148 du 19 décembre 2006 et 62/243 du 24 décembre 2008 dans lesquelles l’Assemblée générale a demandé instamment aux États parties de hâter leur procédure interne de ratification de l’amendement et d’informer par écrit le Secrétaire général dans les meilleurs délais de leur acceptation de cet amendement.

Le Comité recommande à l’État partie de mettre à la disposition du grand public ses rapports périodiques dès leur soumission et de faire connaître de la même manière les conclusions du Comité, dans les langues officielles et nationales et, si possible, les principales langues minoritaires.

Le Comité recommande à l’État partie de consulter largement les organisations de la société civile lors de l’élaboration du prochain rapport périodique.

Le Comité invite l’État partie à présenter son document de base conformément aux directives harmonisées concernant l’établissement des rapports établis au titre des instruments internationaux relatifs au droits de l’homme, à savoir celles qui se rapportent au document de base commun, telles qu’adoptées par la cinquième réunion intercomités des organes crées en vertu des traités relatifs aux droits de l’homme tenue en juin 2006 (HRI/GEN/2/Rev.4).

En application du paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention et de l’article 65 de son propre Règlement intérieur tel qu’amendé, le Comité demande à l’État partie de l’informer de la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant ci-dessus aux paragraphes 12, 13, 14 et 15 c) dans l’année suivant l’adoption des présentes observations finales.

Le Comité recommande à l’État partie de présenter ses dixième et onzième rapports périodiques en un seul document au plus tard le 30 mars 2012, en tenant compte des directives pour la préparation du rapport spécifique au Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, adoptées à sa soixante et onzième session (CERD/C/2007/1), et de traiter dans ce document tous les points soulevés dans les présentes observations.

-----