Nations Unies

CERD/C/COL/15-16

Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

7 avril 2014

Français

Original: espagnol

Comité pour l ’ éliminati on de la discrimination raciale

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 9 de la Convention

Quinzième et seizième rapports périodiques des États parties attendus en 2012

Colombie * , **

[19 décembre 2013]

Table des matières

Paragraphes Page

I.Dispositions générales1–203

A.Généralités1–93

B.Aspects fondamentaux de l’État colombien10–204

II.Dispositions de fond de la Convention21–1516

Article 1er: définition de la discrimination raciale21–246

Article 2: cadre normatif et politique destiné à éliminer la discrimination raciale25–447

Article 3: Lutte contre la ségrégation raciale45–4714

Article 4: Lutte contre la discrimination raciale48–5114

Article 5: jouissance de droits 52–13715

Article 6: protection et voie de recours effectives138–14130

Article 7: Enseignement, éducation, culture et information142–15131

III.Conclusions152–15733

I.Dispositions générales

A.Généralités

La Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale a été adoptée et ouverte à la signature et à la ratification par l’Assemblée générale dans sa résolution no 2106 A (XX) du 21 décembre 1965. Entrée en vigueur le 4 janvier 1969, conformément à l’article 19 du texte, la Convention a été ratifiée par la Colombie en vertu de la loi no 22 de 1981. La Convention a un caractère contraignant en droit interne, aussi bien pour les nationaux que pour les étrangers, et en particulier pour les autorités publiques.

La Convention ainsi que les autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ont le statut de normes constitutionnelles et prévalent par conséquent dans l’ordre interne en vertu des dispositions des articles 53, 93, 94, 102, paragraphe 2, et 214, paragraphe 2, de la Constitution politique.

Sur la base de ces dispositions, la Cour constitutionnelle a développé la notion de «bloc constitutionnel», selon lequel les normes et principes de cette nature, sans figurer expressément dans le texte de la Constitution, sont considérés comme intégrés à celle-ci en vertu de la Constitution elle-même. Suivant cette logique, les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ont un caractère contraignant, voire le statut de dispositions constitutionnelles, de sorte qu’aucune règle nationale ne peut y déroger.

Le Gouvernement colombien a présenté les dixième à quatorzième rapports périodiques (CERD/C/COL/14), en un seul document, le 29 février 2008.

Le Comité a examiné ces rapports périodiques à ses 1948e et 1949e séances (CERD/C/SR.1948 et 1949), les 12 et 13 août 2009. À sa 1968e séance, le 29 août 2009, il a adopté des observations finales (CERD/C/COL/14).

Les quinzième et seizième rapports périodiques que l’État colombien soumet au Comité pour examen, en un seul document, reflètent les progrès accomplis ainsi que les obstacles et défis rencontrés par les différentes institutions de l’État entre 2008 et 2013 dans l’application et la promotion de la Convention, travail mené de concert par les trois branches du pouvoir, chacune dans son domaine de compétence, et par le ministère public dans le cadre de l’État social de droit.

Il a été tenu compte, lors de l’élaboration du présent rapport, des directives générales concernant la présentation et le contenu des rapports à présenter par les États Parties aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN/2/Rev.6).

Le présent rapport comprend trois parties: une partie à caractère général qui expose les aspects fondamentaux de l’État colombien; une deuxième partie qui rend compte des dispositions spécifiques adoptées pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention, avec un compte rendu des progrès accomplis sur les plans normatif et administratif et dans le domaine de la jurisprudence; et une troisième partie dans laquelle la Colombie soumet quelques conclusions découlant de la présentation du présent rapport.

La Colombie, par la présentation de ce rapport renouvelle son engagement de respecter, de garantir et de promouvoir les droits fondamentaux et d’observer rigoureusement les instruments internationaux qu’elle a ratifiés ainsi que les engagements qui en découlent, en particulier ceux qui résultent de la Convention.

B.Aspects fondamentaux de l’État colombien

La Colombie est un État social de droit constitué en République unitaire décentralisée et composée d’entités territoriales autonomes, démocratique, participative et pluraliste, fondée sur le respect de la dignité humaine, le travail, la solidarité des personnes qui la composent et la primauté de l’intérêt général.

La Colombie est un pays pluriethnique et multiculturel dans lequel se mélangent des populations métisses, autochtones, afro-colombiennes, blanches, Roms ou gitanes, ce qui en fait un des pays les plus variés des Amériques. Le recensement réalisé en 2005 par le Département administratif national de la statistique (DANE) a permis d’établir que dans le pays, 1 392 623 personnes, soit 3,4 % de la population, se considèrent comme autochtones. Au total, 4 141 communautés représentent 87 peuples autochtones pleinement identifiés et auxquels 34 millions d’hectares (30 % du territoire national) ont été octroyés.

Selon ce même recensement, 4 281 182 personnes ont dit appartenir à la population afro-colombienne, noire, palenquera et raizal, ce qui représente 10,5 % de la population totale. Quant aux personnes qui se sont déclarées Roms ou gitanes, le recensement en totalise 4 858.

Dans ce contexte, la diversité culturelle est un défi en Colombie, d’une part, pour la formulation de politiques publiques qui soutiennent l’égalité des chances en ce qui concerne l’accès aux bénéfices du développement pour tous ces groupes et, d’autre part, pour la préservation de leurs cultures fondée sur la reconnaissance du droit à la différence. Compte tenu de ce qui précède, l’État colombien a exprimé sa ferme intention d’élaborer, en se fondant sur le cadre constitutionnel et juridique, des politiques publiques, dont le Plan national de développement axé sur l’élimination de la discrimination et la promotion d’une véritable égalité.

La Constitution repose sur une approche multidimensionnelle de l’égalité (art. 9); elle reconnaît, protège et garantit la diversité ethnique et culturelle (art. 7); et encourage l’adoption de mesures en faveur des groupes marginalisés ou victimes de discrimination (art. 13). Par ailleurs, le système juridique, suite à l’incorporation de la Convention de 1989 relative aux peuples indigènes et tribaux (no 169) de l’Organisation internationale du Travail (OIT), fait de la consultation préalable, libre et éclairée des communautés ethniques un droit fondamental. Dans ce sens, le Gouvernement a procédé à l’élaboration d’un vaste ensemble de lois pour créer des conditions qui permettent aux représentants des groupes autochtones de participer aux décisions relatives à l’exploitation des ressources naturelles et à toutes celles qui ont trait à des projets, travaux ou activités qui touchent directement les intérêts culturels, sociaux et économiques des communautés ethniques.

Ce cadre normatif supérieur a permis l’établissement d’un cadre législatif, juridique et administratif visant à renforcer les institutions compétentes en la matière par la création et le développement de politiques, de plans, de programmes et d’instances qui soutiennent des mesures positives en faveur des minorités.

Il existe des circonscriptions électorales spéciales pour les autochtones et les Afro‑Colombiens qui garantissent la représentation de ces minorités au Congrès de la République, et l’Assemblée nationale constituante a mis en place un régime juridique spécial pour protéger l’identité culturelle raizal (art. 310 de la Constitution) et une juridiction autochtone qui se distingue par l’existence d’autorités judiciaires propres aux peuples autochtones qui sont compétentes pour élaborer leurs propres règles et procédures. Cette juridiction, qui applique les normes constitutionnelles et législatives, relève de la compétence du législateur en ce qui concerne les modalités de coordination avec le système juridique national.

Dans le domaine de la promotion, de la protection et de la défense des droits fondamentaux des autochtones, la Colombie dispose d’un vaste éventail d’institutions. Ainsi, il convient de mentionner le travail du Ministère de l’intérieur, en particulier de la Direction des affaires autochtones, des Roms et des minorités, la Direction des affaires des communautés noires, afro-colombiennes, palenqueras et raizales, et la Direction de la consultation préalable, qui œuvrent ensemble à la mise en œuvre des politiques publiques en matière de droits de l’homme et de droit international humanitaire.

Établi en 2010 par le décret no 4679, le Programme présidentiel pour la formulation de stratégies et de mesures en faveur du développement global de la population afro‑colombienne, noire, palenquera et raizal (PPA) vise à améliorer l’inclusion et l’égalité des chances dans les domaines économique, social, politique et culturel pour les communautés afro-colombiennes, noires, palenqueras et raizales. Le décret no 4679 de 2010 a également porté création du Programme présidentiel pour la formulation de stratégies et de mesures en faveur du développement global des peuples autochtones de Colombie, dont l’objectif général est de promouvoir la coordination interinstitutionnelle pour que les droits fondamentaux, collectifs et globaux des peuples autochtones de Colombie soient respectés, conformément à la Constitution et aux normes nationales et internationales.

Il convient de signaler le rôle du Défenseur délégué pour les minorités ethniques du Bureau du Défenseur du peuple, et celui du Procureur délégué aux droits de l’homme et aux groupes ethniques, qui sont actifs dans la lutte contre la discrimination, en tant qu’organes de contrôle indépendants.

Il est tout aussi important de souligner que le Plan national de développement 2010‑2014 contient des éléments propres à améliorer les conditions de vie des groupes ethniques ainsi qu’à reconnaître et renforcer leur identité culturelle.

II.Dispositions de fond de la Convention

Article 1er: définition de la discrimination raciale

Comme indiqué au chapitre précédent, la Constitution politique repose sur une approche multidimensionnelle de l’égalité; elle insiste sur l’égalité formelle, mais exige aussi une égalité matérielle, reprend la notion d’égalité des chances, adopte le principe de l’équité, inclut le critère de la différence et ordonne l’adoption de mesures positives en faveur des groupes marginalisés ou victimes de discrimination, ainsi que la protection des personnes qui se trouvent en situation de faiblesse manifeste.

L’État colombien reste résolu à éliminer et à réprimer toute forme de discrimination fondée sur la race, le sexe, la religion, la nationalité, le genre, la langue, l’orientation sexuelle, la situation économique ou sociale, et d’autres motifs. À cet égard, la Colombie a promulgué la loi no 1482 de 2011, qui porte modification du Code pénal colombien et vise à protéger les droits des personnes, des groupes de personnes, des communautés ou peuples, qui pourraient être violés par des actes de racisme ou de discrimination, lesquels sont sanctionnés par la législation colombienne (Recommandation générale no 13 du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale). La loi no 1482 se lit comme suit:

«Article 3. Actes de racisme ou de discrimination. Quiconque, de façon arbitraire empêche, entrave ou restreint le plein exercice des droits fondamentaux d’une personne en raison de sa race, de sa nationalité, de son sexe ou de son orientation sexuelle, est passible d’une peine d’emprisonnement comprise entre douze (12) et trente-six (36) mois et d’une amende allant de dix (10) à quinze (15) fois le salaire minimum légal mensuel en vigueur.»

De la même manière, la loi no 1482 de 2011 érige en infraction l’apologie du génocide, disposant que quiconque diffuse, par quelque moyen que ce soit, des idées ou des doctrines qui encouragent ou promeuvent le génocide ou l’antisémitisme ou les justifient d’une quelconque manière ou prétendent réhabiliter des régimes ou des institutions favorisant des pratiques propres à conduire à celles-ci, encourt une peine d’emprisonnement de quatre-vingt-seize (96) à cent quatre-vingt (180) mois, assortie d’une amende de six cent soixante-six virgule soixante-six (666,66) à mille cinq cent (1 500) salaires minimums mensuels légaux en vigueur, et une inhabilitation à l’exercice de droits et de fonctions publiques de quatre-vingt (80) à cent quatre-vingt (180) mois.

Enfin, pour donner effet aux principes consacrés par la Constitution, la Colombie a encadré la question du traitement différencié des étrangers (art. 100 de la Constitution):

«Les étrangers jouissent en Colombie des mêmes droits civils que les Colombiens. La loi peut toutefois, pour des raisons d’ordre public, subordonner à des conditions spéciales ou refuser l’exercice de certains droits civils aux étrangers. Ces derniers jouissent également, sur le territoire de la République, des garanties accordées aux nationaux, sous réserve des limites fixées par la Constitution ou la loi. L’exercice des droits politiques est réservé aux nationaux, mais la loi peut accorder aux étrangers résidant en Colombie le droit de vote aux élections et consultations populaires à l’échelle des communes ou des districts.»

Article 2: cadre normatif et politique destiné à éliminer la discrimination raciale

La reconnaissance de la Colombie en tant qu’État social de droit, participatif et pluraliste est une première étape essentielle dans la protection et la promotion de la diversité ethnique et culturelle de la nation car il s’agit de défendre des valeurs comme la tolérance et le respect de la différence. Ainsi, le principe de la protection de la diversité culturelle est présent dans toute la Constitution grâce à la reconnaissance des droits suivants:

Constitution

Droit protégé

Article 7

L’État reconnaît et protège la diversité ethnique et culturelle de la nation colombienne.

Article 8

Il incombe à l’État et aux citoyens de protéger les richesses culturelles et naturelles de la nation.

Article 10

Les dialectes et les langues des minorités ethniques sont officiellement reconnus au niveau local (enseignement bilingue sur les territoires où ils sont parlés).

Article 13

Droit à l’égalité sans discrimination fondée sur le sexe, la race, l’origine nationale ou familiale, la langue, la religion, l’opinion politique ou philosophique

Article 17

Interdiction de l’esclavage

Article 18

Liberté de conscience

Article 19

Liberté de culte

Article 43

La femme et l’homme ont les mêmes droits et les mêmes possibilités. La femme ne peut faire l’objet d’aucune forme de discrimination. Pendant la grossesse et après l’accouchement, elle bénéficie d’une assistance spéciale et de la protection de l’État et celui-ci lui verse une allocation alimentaire si elle se trouve ensuite sans emploi ou sans protection.

L’État doit venir tout particulièrement en aide à la femme chef de famille.

Article 63

Biens inaliénables, imprescriptibles et insaisissables, notamment les terres communales des groupes ethniques et leurs resguardos

Article 68

Recevoir une éducation qui respecte et assure l’identité culturelle

Article 70

Égalité entre les cultures

Article 72

Le patrimoine culturel de la nation est placé sous la sauvegarde de l’État.

Article 96

Droit à la nationalité colombienne pour les autochtones établis sur des territoires frontaliers

Articles 171-172

Participation spéciale au Sénat et à la Chambre des représentants

Article 176

La Chambre des représentants est divisée en circonscriptions territoriales, circonscriptions spéciales et une circonscription internationale.

Article 246

Juridiction autochtone spéciale. Les autorités des peuples autochtones peuvent exercer des fonctions juridictionnelles dans les limites de leur territoire, conformément à leurs propres dispositions et procédures, à condition que celles-ci ne soient pas contraires à la Constitution et aux lois.

Articles 286-287

Les entités territoriales jouissent d’une autonomie administrative et budgétaire.

Article 310

Mise en place d’un régime juridique spécial pour le département de l’archipel de San Andrés, Providencia et Santa Catalina, afin de protéger l’identité culturelle de la minorité ethnique raizal établie sur ce territoire.

Article 330

Les territoires autochtones sont gouvernés par des conseils dont la composition et l’organisation suivent les us et coutumes de la communauté concernée.

1.Progrès d’ordre législatif

Afin de garantir la promotion et la protection des droits des groupes ethniques en Colombie, l’État colombien a adopté, au cours de la période 2008-2013, la législation suivante:

Législation

Contenu

Loi no 1257 de 2008

Elle définit des règles de sensibilisation, de prévention et de répression pour les formes de violence et de discrimination contre les femmes, porte réforme du Code pénal, du Code de procédure pénale et de la loi no 294 de 1996, et énonce d’autres dispositions.

Loi no 1381 de 2010

Reconnaissance, protection et renforcement des droits linguistiques individuels et collectifs des groupes ethniques qui ont leur propre tradition linguistique.

Décret no 2957 de 2010

Elle établit un cadre normatif pour la protection intégrale des droits des Roms ou gitans.

Décret no 4679 de 2010

Elle porte création du Programme présidentiel pour la formulation de stratégies et de mesures en faveur du développement global de la population afro-colombienne, noire, palenquera et raizal et du Programme présidentiel pour la formulation de stratégies et de mesures en faveur du développement global des peuples autochtones de Colombie.

Loi no 1450 de 2011

Elle établit le Programme national de développement 2010-2014, qui comprend un volet spécifique concernant les groupes ethniques.

Loi no 1482 de 2011

Elle porte modification du Code pénal afin d’ériger en infraction le racisme et la discrimination raciale contre les personnes, groupes de personnes, communautés ou peuples.

Loi no 1448 de 2011

Elle prévoit des mesures complètes de prise en charge, d’aide et de réparation pour les victimes du conflit armé interne et reprend, en son article 13, l’approche différenciée à partir de laquelle est reconnue l’existence de populations aux caractéristiques particulières, en raison de leur âge, sexe, orientation sexuelle ou handicap. Les mesures d’aide humanitaire, de prise en charge, d’aide et de réparation prévues par cette loi sont donc fondées sur cette approche.

Décret-loi no 4633 de 2011

Ce décret ayant force de loi précise les mesures complètes de prise en charge, d’aide et de réparation appliquées aux peuples et communautés autochtones victimes du conflit armé compte tenu de l’approche différentielle.

Décret-loi no 4634 de 2011

Ce décret ayant force de loi précise les mesures complètes de prise en charge, d’aide et de réparation appliquées aux Roms ou gitans victimes du conflit armé compte tenu de l’approche différentielle.

Décret-loi no 4635 de 2011

Ce décret ayant force de loi précise les mesures complètes de prise en charge, d’aide et de réparation appliquées aux communautés noires, afro-colombiennes, raizales et palenqueras victimes du conflit armé compte tenu de l’approche différentielle.

Décret-loi de 2013

Il établit le protocole de coordination interinstitutionnelle en matière de consultation préalable en tant que mécanisme de coordination entre les entités publiques destiné à faciliter les échanges entre les différents responsables et à partager les critères et les informations actualisées qui servent de base à la délivrance des certificats de présence des communautés ethniques ainsi qu’au renforcement de la consultation préalable.

2.Consultation préalable

Il convient de préciser que, dans le cadre des mesures spéciales et concrètes adoptées dans les domaines social, économique et culturel, la loi no 21 de 1991 a permis d’incorporer dans la législation interne la Convention no 169 de l’OIT, qui fait de la consultation préalable un droit fondamental des peuples autochtones et tribaux du monde, afin de protéger les personnes, les institutions, la propriété, le travail, les cultures et l’environnement de ces personnes, et de reconnaître et protéger leurs valeurs et leurs pratiques sociales, culturelles, religieuses, spirituelles et institutionnelles.

Pour la Cour constitutionnelle, la consultation préalable, libre et éclairée prend la forme d’un dialogue et d’une concertation interculturels autour de deux conceptions du développement et apparaît comme un droit fondamental des communautés afro‑colombiennes, noires, palenqueras et raizales, des peuples autochtones et du peuple Rom ou gitan, qui leur permet de connaître et déterminer les mesures à prendre concernant un projet, des travaux ou une activité qui devraient être réalisés sur leur territoire et altérer leur intégrité ethnique et culturelle.

La directive présidentielle no 1 de 2010 a défini les responsabilités et des procédures obligatoires pour les entités et organismes du niveau central et décentralisé en vue de garantir le droit à la consultation préalable des groupes ethniques. De même, la loi no 1437 de 2011, qui porte promulgation du Code de procédure administrative et du contentieux administratif, dispose en son article 46 que la consultation est obligatoire lorsque la Constitution ou la législation exigent la tenue d’une consultation préalable à l’adoption d’une décision administrative; cette consultation doit alors être organisée dans les délais impartis par les dispositions pertinentes sous peine de nullité de la décision qui viendrait à être adoptée.

Le décret no 2893 de 2011 a porté création de la Direction de la consultation préalable, qui relève du Ministère de l’intérieur et dont le but est de coordonner les processus de consultation préalable requis par la loi avec les entités et organismes concernés. Jusqu’au premier semestre de 2013, les consultations suivantes ont été organisées:

Consultation préalable concernant l’annexe IV.C.1-1 au Plan national de développement, qui contient 96 accords placés sous la responsabilité de tous les secteurs du Gouvernement aux échelons national et territorial. Pour assurer la pleine application de ces accords, un comité de suivi composé de membres du Département national de la planification du PPA et des Directions des affaires autochtones et des affaires afro-colombiennes du Ministère de l’intérieur a été établi fin 2011;

Consultation préalable et approche participative concernant le décret no 4633 de décembre 2011, qui traite de l’ensemble des violations des droits des peuples autochtones dans le contexte du conflit armé interne afin de promouvoir l’adoption de mesures de prise en charge différenciée fondée sur les droits;

Consultation préalable et approche participative concernant le Programme national de garantie des droits des peuples autochtones en Colombie (arrêt no 004 de la Cour constitutionnelle). Ce processus de deux ans, avec la participation de près de 4 000 autochtones de toutes les régions du pays, a donné lieu à l’adoption formelle d’accords en décembre 2011. Le Programme contient notamment des dispositions relatives: i) au territoire; ii) à l’autonomie, à l’auto-administration et au développement politico-administratif; iii) à l’adaptation du cadre institutionnel, à la participation des autochtones ainsi qu’aux politiques d’État; iv) à la consultation préalable; v) au renforcement de l’identité culturelle; vi) à un système de santé complet pour les peuples autochtones et; vii) aux droits de l’homme;

Concertation et approche participative concernant le Plan de protection de l’ethnie Awá (arrêt no 004/09) et le Plan provisoire urgent de réaction et d’intervention (arrêt no 174/11). Entre 2009 et 2011, l’élaboration du Plan de protection de l’ethnie Awá a progressé, en même temps que les plans de protection d’autres peuples autochtones du pays prévus par la Cour constitutionnelle dans son arrêt no 004 et le Plan provisoire urgent de réaction et d’intervention ordonné par la Cour constitutionnelle dans son arrêt no 174 de 2011. Cette question relève aussi du droit à la sécurité;

Consultation préalable (prévue) sur d’importantes mesures législatives et administratives qui ont des conséquences pour les peuples et les communautés autochtones.

Afin de renforcer la consultation en tant que droit fondamental des minorités ethniques, on élabore actuellement un projet de loi pour encadrer le processus de consultation, en tenant compte de tous les cas de figure qui peuvent se présenter. Les vides juridiques qui entravent le bon déroulement de la consultation devraient ainsi être comblés.

3.Progrès d’ordre administratif

En ce qui concerne les politiques publiques contenant une approche différenciée, il importe de signaler que le Programme national de développement 2010-2014, dans son chapitre IV relatif à l’égalité des chances pour la prospérité sociale, reconnaît que, pour parvenir à une société qui garantisse l’égalité des chances et la mobilité sociale, l’État doit assurer une croissance économique durable ainsi qu’un développement social intégré. S’agissant de ce second objectif, un des principaux défis consiste à assurer l’inclusion sociale des différents groupes ethniques, c’est pourquoi il convient, dans les grandes lignes de la politique publique, d’accorder une attention particulière à l’élaboration de plans, de programmes et de projets en faveur de groupes spécifiques de la population afro‑colombienne, noire, palenquera et raizal, des peuples autochtones et du peuple Rom ou gitan.

Aussi, le Gouvernement national a-t-il intégré dans ses lignes directrices l’approche différenciée dans les mesures de politique publique destinées à assurer les conditions nécessaires à l’égalité des chances et au développement social intégré en tenant compte des différences entre les peuples, les régions et des caractéristiques propres aux différents groupes ethniques, afin de garantir la survie de leurs cultures et de leur accorder une attention adaptée, efficace et pertinente. Par conséquent, le Gouvernement promeut la mise en œuvre de mesures positives en tenant compte de la marginalisation et des pratiques sociales discriminatoires dont sont victimes, depuis toujours, ces populations.

Parmi les exemples de la politique suivie, on peut évoquer la restructuration interne de l’Institut colombien de protection de la famille (ICBF), organisme public qui œuvre à la préservation et la protection intégrale de la petite enfance, de l’enfance, de l’adolescence et de la famille et qui a adopté clairement une approche différenciée et axée sur les populations pour encadrer ses missions et ses programmes d’intervention sociale. Pour ce faire, l’Institut a évolué vers une structure institutionnelle axée sur les populations auprès desquelles il intervient avec des mesures de préservation et de protection.

L’Institut a dû adopter une approche différenciée qui tienne compte de l’ethnie, du sexe et du handicap et respecte les cycles de vie ou l’âge, critères sur lesquels se fondent les politiques gouvernementales relatives à la petite enfance, à l’enfance, à l’adolescence et à la famille. Toujours dans une optique de traitement différencié et d’attention particulière, le statut de victime du conflit armé a été pris en compte, car les hommes, les femmes et les enfants autochtones, d’ascendance africaine et gitans, sont particulièrement concernés et ont besoin de mesures de prise en charge spécifiques.

Par ailleurs, afin de garantir la participation politique des groupes ethniques, le Gouvernement, par l’intermédiaire de différents ministères et entités, a formalisé la consultation préalable concernant le Programme national de développement 2010-2014: «La prospérité pour toutes les populations», en concluant des accords pour guider l’action des institutions en vue de faire respecter leurs droits individuels et collectifs. C’est de cette manière que l’annexe IV relative aux accords avec les peuples autochtones a été ajoutée au Plan national et que le Plan national de développement des communautés noires, afro‑colombiennes, raizales et palenqueras 2010-2014 «Vers une Colombie pluriethnique et multiculturelle et démocratiquement prospère» a été créé.

C’est par le décret no 4679 de 2010 que le Gouvernement a adopté un programme qui vise à améliorer l’inclusion et l’égalité des chances dans les domaines économique, social, politique et culturel pour les communautés afro-colombiennes, noires, palenqueras et raizales (PPA).

Le PPA contribue à la visibilité des actions de lutte contre le racisme et la discrimination raciale en se fondant sur une sensibilisation approfondie à la loi no 1482. Sous l’égide du Programme, sont organisés des forums, des séminaires, des conférences et d’autres activités qui soutiennent la sensibilisation sociale et la connaissance du passé des personnes africaines et de leurs descendants. Parmi les résultats obtenus, on citera: la gestion opérationnelle du Sommet mondial des maires d’ascendance africaine; la présidence de la table ronde de suivi des enfants des peuples afro-colombiens, noirs, palenqueras et raizales; la contribution à la diffusion des politiques publiques en faveur des personnes d’ascendance africaine et, par conséquent, à l’efficacité de l’action des maires et des gouverneurs. En outre, la connaissance de l’offre institutionnelle est renforcée par des échanges au cours desquels le Gouvernement rend compte de ses résultats dans le domaine des droits ethniques et raciaux. Enfin, il y a lieu d’indiquer que le PPA apporte sa contribution à des initiatives dans le domaine de l’emploi et de l’entreprenariat en collaboration avec d’autres institutions comme le Service national d’apprentissage (SENA).

Le document CONPES 3660 – Politique destinée à promouvoir l’égalité des chances pour la population afro-colombienne, noire, palenquera et raizal a été adopté dans ce contexte en 2010 et, grâce à ce document, les ministères et organismes nationaux ont identifié les programmes et projets qui pourraient avoir des effets bénéfiques pour ce groupe de population, sur la base de l’approche différenciée et des mesures sans dommages. Dans ce sens, la politique est axée sur l’élaboration de mesures positives dans le but d’offrir une prise en charge globale, de veiller à la protection et à la garantie des droits, d’évaluer l’action institutionnelle publique et privée, afin de garantir le droit à l’égalité des chances à titre collectif et individuel.

En ce qui concerne les communautés autochtones, le décret no 4679 de 2010 a également porté création du Programme présidentiel pour la formulation de stratégies et de mesures en faveur du développement global des peuples autochtones de Colombie, dont l’objectif général est de promouvoir la coordination interinstitutionnelle pour que les droits fondamentaux, collectifs et globaux des peuples autochtones de Colombie soient respectés, conformément à la Constitution et aux normes nationales et internationales.

Par ailleurs, le Ministère de l’intérieur, par la décision no 1154 de 2012, a porté création de l’Observatoire contre la discrimination et le racisme, mécanisme de surveillance et de suivi des actes de discrimination et de racisme, dont l’objectif est de fournir des données pour la formulation de politiques publiques contre ces pratiques en se fondant sur l’étude du quotidien de la population afro-colombien, des discussions et des réflexions sur le sujet. L’Observatoire cherche également à donner suite aux recommandations formulées par l’ONU dans son rapport sur «Les Afro-Colombiens face aux objectifs du Millénaire pour le développement», et il fournira aussi des données pour la définition de politiques publiques visant à réduire la faim et la pauvreté de la communauté afro-colombienne.

Enfin, bien que la Convention ne considère pas les lesbiennes, les homosexuels, les bisexuels, les transgenres et les intersexués (LGBTI) comme un groupe vulnérable, la législation nationale, dont la loi no 1482 de 2011, prévoit la protection des garanties et des droits fondamentaux afin de prévenir et sanctionner la discrimination sexuelle.

4.Institutions ayant un lien avec les Principes de Paris

Conformément aux Principes de Paris, la Colombie a créé le Bureau du Défenseur du peuple qui est chargé de veiller au respect effectif des droits de l’homme en tant qu’élément fondamental de l’État social de droit. Ses principales fonctions sont: promouvoir, faire connaître, prévenir, protéger et défendre les droits de l’homme et encourager le respect du droit international humanitaire. Le Bureau du Défenseur du peuple, qui relève du ministère public, exerce ses fonctions sous la direction du Procureur général de la nation. Il jouit de l’autonomie administrative et budgétaire.

Afin de remplir son objectif institutionnel, le Bureau du Défenseur du peuple compte 10 bureaux de défenseurs délégués, dont celui du défenseur délégué aux autochtones et aux minorités ethniques, qui garantit la reconnaissance et la réalisation des droits fondamentaux, collectifs et intégraux des groupes ethniques de Colombie, dans le cadre des dispositions des articles 7, 282, 283 et 284 de la Constitution politique, de la loi no 24 de 1992 et de la décision no 1602 du 7 juillet 1995. Le bureau de ce défenseur délégué a publié en novembre 2011 le Protocole d’aide spécialisée aux groupes ethniques afin de contribuer non seulement au renforcement de la prise en charge spécialisée et différenciée des membres des groupes ethniques mais aussi à la protection des droits collectifs, fondamentaux et intégraux de cette population, au moyen de mesures rapides, efficaces et efficientes pour s’attaquer aux facteurs de risque et à leurs effets préjudiciables.

Article 3: lutte contre la ségrégation raciale

Il n’y a pas eu en Colombie de politique nationale de ségrégation ou d’apartheid inscrivant dans des lois, des normes contraignantes ou des politiques une différenciation délibérée à l’encontre de certaines communautés. Au contraire, l’État colombien a cherché à garantir les droits des peuples ancestraux, leur culture et leur territoire. Aussi la Colombie dispose-t-elle d’institutions pour faire respecter pleinement les droits fondamentaux des peuples autochtones et des communautés afro-colombiennes, noires, palenquera et raizales, au moyen de l’action menée par le Ministère de l’intérieur, qui est chargé d’œuvrer à la cohésion nationale.

Cela dit, étant donné que l’on a traité des questions relatives aux droits des peuples autochtones et des communautés afro-colombiennes, noires, palenqueras et raizales dans le chapitre précédent, il est utile de noter que le Ministère de l’intérieur, dans le cadre du décret no 2893 de 2011 et du décret no 2957 de 2010, a notamment pour fonction de veiller à l’intégrité ethnique et culturelle des Roms ou gitans, satisfaisant ainsi à l’obligation primordiale qu’a l’État colombien, consacrée à l’article 7 de la Constitution politique, de protéger la diversité ethnique et culturelle de la nation. En collaboration avec différentes entités de l’État, le Gouvernement a progressé dans l’élaboration et la promotion de mesures positives qui permettent de protéger les Roms ou gitans, en assurant leur survie culturelle, politique et sociale et en prenant en compte leur identité spécifique et leur culture propre, ce qui implique un traitement spécial et différencié, ainsi que de respecter et d’assurer le droit fondamental à la consultation préalable des groupes ethniques.

Commission nationale de dialogue pour le peuple rom

Les Roms, appelés aussi gitans, forment un peuple tribal et sont par nature nomades. Leur présence en Colombie remonte à l’époque de la domination hispanique en Amérique. Malgré des mutations culturelles qui risquent de faire disparaître leur culture, ils conservent des caractéristiques ethniques qui les distinguent tant d’autres peuples que des sociétés majoritaires dans lesquelles ils vivent.

Article 4: lutte contre la discrimination raciale

Comme indiqué aux paragraphes 22 et 23, l’État colombien a adopté la loi no 1482, ou loi contre la discrimination, qui a pour objet de garantir la protection des droits d’une personne, d’un groupe de personnes, d’une communauté ou d’un peuple auxquels des actes racistes ou discriminatoires portent atteinte.

La loi no 1482 de 2011 prévoit les sanctions applicables en cas de harcèlement d’une personne, d’un groupe de personnes, d’une communauté ou d’un peuple:

Article 4. Harcèlement aux motifs de la race, de la religion, de l’idéologie, de la politique ou de l’origine nationale, ethnique ou culturelle. Quiconque promeut ou fomente des actes, des conduites ou des comportements constitutifs de harcèlement et visant à causer un dommage physique ou moral à une personne, un groupe de personnes, une communauté ou un peuple, en raison de la race, de l’ethnie, de la religion, de la nationalité, de l’idéologie politique ou philosophique, du sexe ou de l’orientation sexuelle, est passible d’une peine d’emprisonnement allant de douze (12) à trente‑six (36) mois et d’une amende équivalant au montant de dix (10) à quinze (15) salaires minimums légaux mensuels en vigueur, à moins que ces actes ne constituent un délit emportant des peines plus lourdes.

La loi en question définit aussi des circonstances aggravantes qui augmentent d’un tiers à la moitié les sanctions prévues dans les cas suivants:

a)Les actes susmentionnés sont commis dans un espace public, un établissement public ou un lieu public;

b)Ils sont commis en utilisant des médias;

c)Ils sont commis par un fonctionnaire;

d)Ils sont commis en raison ou à l’occasion de la prestation d’un service public;

e)Ils visent des enfants, des adolescents ou des personnes âgées;

f)Ils visent à nier ou à restreindre des droits du travail.

De même, des circonstances atténuantes peuvent entraîner une réduction d’un tiers des peines dans les cas suivants: 1) l’inculpé ou l’accusé se rétracte en public, verbalement ou par écrit, des actes pour lesquels il est mis en examen; et 2) le service qui avait été refusé est finalement assuré.

Article 5: jouissance de droits

1.Droit à un traitement égal devant les tribunaux et tout autre organe de justice

L’article 13 de la Constitution politique établit le droit à l’égalité: «Toutes les personnes naissent libres et égales devant la loi, bénéficient de la même protection et du même traitement auprès des autorités et jouissent des mêmes droits, libertés et possibilités sans discrimination fondée sur le sexe, la race, l’origine nationale ou familiale, la langue, la religion, l’opinion politique ou philosophique». À ce sujet, la Cour constitutionnelle a précisé que le droit à l’égalité est un principe applicable avec effet immédiat qui interdit aux autorités d’assurer une protection ou un traitement différents ou discriminatoires.

Néanmoins, l’ordre juridique interne reconnaît le pluralisme juridique légal puisque coexistent le droit à l’échelle de l’État et des juridictions spéciales, par exemple la justice autochtone dont les autorités ont compétence pour résoudre les différends internes selon les us et coutumes et les pratiques sociales. Ainsi, tout problème de police ou d’ordre civil, pénal ou familial, concernant des membres d’un ou de plusieurs peuples autochtones, peut et doit être résolu par les autorités propres à ces juridictions, conformément à leurs normes et procédures, à condition que celles-ci ne soient pas contraires à la Constitution et à la loi (les droits à la vie, à l’intégrité physique, à une procédure régulière, et à ne pas être soumis à l’esclavage étant inaliénables).

Par ailleurs, afin de garantir l’accès à la justice, la Colombie a mis en place des mécanismes alternatifs de règlement des différends, notamment le Programme national de maisons de justice. Il s’agit d’une initiative interinstitutionnelle qui permet aux citoyens d’obtenir une réponse opportune, efficace, complète et sans frais en cas de conflits familiaux, de problèmes de voisinage, et en matière pénale, civile et du travail, ou en cas de violation des droits de l’homme, entre autres.

Dans un souci de pluralisme juridique, le Programme national de maisons de justice fait intervenir plusieurs institutions afin que tous les peuples autochtones et les communautés afro-colombiennes, noires, palenqueras et raizales et roms accèdent dûment à la justice et en temps voulu. Ainsi, les procédures de prévention cherchent à renforcer l’ethnicité et la culture qui se manifestent dans tous les types d’organisation de la vie sociale. Les maisons de justice se sont déjà prononcées sur des questions telles que la compétence des autorités propres aux peuples et communautés et l’exercice légal et officiel de leurs fonctions dans le cadre de l’application des normes et procédures. On s’est efforcé de déterminer quelles situations n’ont pas un caractère culturel et portent atteinte au droit des peuples et communautés en question. Par conséquent, les maisons de justice visent à renforcer la capacité des communautés de résoudre les conflits en se fondant sur la justice autochtone, le droit ancestral des personnes d’ascendance africaine, le droit coutumier raizal et le droit rom.

La Direction des méthodes alternatives de règlement des conflits, qui relève du Ministère de la justice et du droit, élabore à l’intention des maisons de justice des protocoles et des moyens d’action qui comportent un volet ethnique, et travaille à la mise en œuvre d’une méthodologie pour accroître les capacités des fonctionnaires et améliorer ainsi les conditions institutionnelles nécessaires pour le bon fonctionnement de ce programme dans le contexte local.

2.Droit à la sûreté de la personne et à la protection de l’État

Tout d’abord, il convient de souligner que les groupes ethniques méritent un traitement différent de la part des pouvoirs publics en ce qui concerne le respect et la promotion de leur culture, notamment de mesures visant à bénéficier aux peuples et communautés ethniques et à renforcer leurs capacités, et non des actes qui leur portent préjudice.

S’agissant du droit à la sûreté de la personne et de la protection de l’État, le Bureau du Défenseur du peuple, qui dépend du ministère public, est chargé de veiller à l’exercice effectif des droits de l’homme, et de promouvoir le respect du droit international humanitaire. Afin de proposer un large éventail de services et de répondre aux besoins des citoyens, on a créé le Bureau du Défenseur délégué aux autochtones et aux minorités ethniques.

Par ailleurs, la Procurature générale de la nation et les représentants municipaux ont l’obligation de défendre la diversité ethnique et culturelle de la nation. De son côté, la présidence de la République a mis en œuvre un programme d’élaboration de stratégies et d’actions en vue du développement intégral de la population afro-colombienne, noire, palenquera et raizal, et un autre du même type axé sur les peuples autochtones de Colombie.

Sachant combien il importe de renforcer la protection des populations qui ont besoin d’une aide accrue, la Colombie met en œuvre des politiques qui prévoient des mesures positives. Le Plan national de développement 2010-2014, entre autres axes stratégiques, compte trois volets concernant expressément les groupes ethniques qui visent à promouvoir l’égalité d’accès des groupes ethniques aux bienfaits du développement selon une approche différenciée; la protection des droits fondamentaux de la population ethnique; et le renforcement des organisations et modalités propres de gouvernement. Voilà qui met en évidence l’engagement de la Colombie ainsi que les progrès effectués pour en faire un pays n’excluant personne.

Dans le même ordre d’idées, des progrès ont été réalisés en matière de protection grâce à la mise en œuvre, en novembre 2011, du Programme de garantie des droits des peuples autochtones, qui contient les grandes lignes de la politique publique pour ces communautés. Il fournit des outils axés sur l’application intégrale, la protection et la garantie des droits des peuples qui risquent de disparaître, physiquement et culturellement. De plus, les informations tirées du système de géoréférencement de resguardos autochtones sont validées par le biais du Système d’information autochtone de Colombie, l’objectif étant de renforcer le système de protection des territoires. Ainsi, 246 702 communautés sont d’ores et déjà géoréférencées. Sont en cours d’identification 900 702 communautés afin de les intégrer dans le système.

Autre progrès important à signaler à l’échelle nationale, on a adopté et commencé à appliquer la loi no 1448 de 2011, ou loi sur les victimes et la restitution des terres, qui prévoit des mesures de prise en charge, d’assistance et d’indemnisation intégrale des victimes du conflit armé intérieur, parmi d’autres dispositions. Cette loi résulte d’un examen rigoureux et démocratique au sein du Congrès de la République, et du consensus entre le Gouvernement national, divers secteurs politiques et la société civile.

La loi en question porte sur l’aide humanitaire, la prise en charge, l’assistance et l’indemnisation des victimes, et fournit des instruments pour que celles-ci revendiquent leur dignité et assument pleinement leur citoyenneté. Les mesures de prise en charge, d’assistance et d’indemnisation des peuples autochtones et des communautés afro‑colombiennes font partie des dispositions spécifiques prises pour chacun de ces groupes ethniques, lesquels ont été consultés préalablement afin de respecter leurs us et coutumes et leurs droits collectifs.

Ainsi, par les décrets nos 4633, 4634 et 4635 de 2011, le Gouvernement a pris des mesures d’assistance, de prise en charge, d’indemnisation intégrale et de restitution de terres pour les victimes appartenant aux communautés afro-colombiennes, autochtones et roms. Ces normes se fondent sur le respect des droits propres à ces peuples et sur le principe d’approche ethnique différenciée, afin d’en garantir la survie physique et culturelle. En outre, elles comprennent la réparation des dommages individuels ou collectifs. En particulier, le décret no 4635 prévoit des mesures d’assistance, de prise en charge, d’indemnisation intégrale et de restitution des terres pour les victimes appartenant à des communautés afro-colombiennes, noires, palenqueras et raizales.

De même, il importe de signaler que la Cour constitutionnelle a pris toute une série de décisions portant sur la situation des peuples autochtones et des communautés afro‑colombiennes, noires, palenqueras et raizales et sur les violations de leurs droits fondamentaux. À ce sujet, on soulignera l’adoption des arrêts nos 004 et 005 de 2009 qui demandent d’une manière générale au Gouvernement national de s’occuper davantage de la population autochtone et afro-colombienne, arrêts que le Gouvernement a observés avec la plus grande responsabilité.

Dans le cadre de l’application de la décision T025 de 2004, qui déclare inconstitutionnelle la situation de la population déplacée, la Cour constitutionnelle a émis en 2009 l’arrêt no 004 (Protection des droits fondamentaux des personnes et des peuples autochtones déplacés en raison du conflit armé ou qui risquent d’être déplacés de force) afin de protéger leurs droits fondamentaux. À cette fin, elle a recommandé au Gouvernement de prendre toute une série de mesures:

Élaborer et mettre en œuvre un programme de garantie des droits des peuples autochtones touchés par le déplacement ou qui risquent de l’être, en appliquant les principes constitutionnels de la participation des organisations qui défendent les droits des peuples autochtones, ainsi que des chefs des peuples autochtones les plus touchés par le déplacement;

Élaborer et mettre en œuvre, avec la participation effective des autorités légitimes des peuples autochtones, des plans de protection ethnique dans le contexte du conflit armé et du déplacement forcé à l’intention de 34 peuples autochtones.

En ce qui concerne l’arrêt no 005 de 2009, il contient les recommandations suivantes:

Élaborer 62 plans spécifiques de protection et d’aide pour la population afro‑colombienne en situation de déplacement;

Élaborer le Plan intégral de prévention, de protection et de prise en charge de la population afro-colombienne;

Élaborer un plan de qualification des territoires collectifs et ancestraux habités majoritairement par des Afro-Colombiens;

Mettre en œuvre la procédure Ruta étnica proposée par Action sociale dans le cadre du projet de protection des terres et du patrimoine;

Les Ministères de l’intérieur, de la justice et de la défense doivent présenter au Bureau du Défenseur du peuple des rapports bimensuels sur les initiatives prises pour assurer le respect des mesures provisoires ordonnées par la Cour interaméricaine des droits de l’homme en ce qui concerne les communautés du Jiguamiandó et du Curvaradó.

Afin de faire respecter les arrêts de la Cour constitutionnelle, la Direction des affaires concernant les communautés afro-colombiennes, noires, palenqueras et raizales, et la sous-direction chargée de la population déplacée, ont décidé de tenir chaque mardi des réunions avec les entités qui, en raison de leurs compétences, doivent contribuer au respect de l’arrêt no 005 de 2009.

Cela étant, afin de garantir la sécurité personnelle des membres des groupes ethniques, l’État colombien a pris les initiatives suivantes:

a)Politique globale des droits de l’homme du Ministère de la défense

À la suite de la mise en œuvre de la politique intégrale des droits de l’homme et du droit international humanitaire, le Ministère de la défense nationale, les forces armées et la Police nationale ont mené diverses activités en dehors du système éducatif dans le cadre d’ateliers, de séminaires, de cours et de formations dans divers domaines, parmi lesquels: droits de l’homme et principes du droit international humanitaire, déplacement forcé en raison de la violence, disparition forcée, protection des communautés autochtones et afro‑colombiennes, système interaméricain de protection des droits de l’homme, premiers secours, prévention de la violence liée au genre, droit opérationnel et droit de la guerre.

De plus, la directive ministérielle no 16 de 2006 sur les communautés autochtones et la directive no 7 de 2007 sur les communautés afro-colombiennes, noires, palenqueras et raizales donnent des instructions spécifiques sur les relations de la force publique avec ces communautés, et sur la fonction d’agent de liaison. L’objectif est de resserrer les liens entre la force publique et les communautés, aussi bien autochtones qu’afro-colombiennes, aux fins du respect et de la protection des droits de l’homme. Actuellement, la force publique compte 170 agents de liaison sur tout le territoire national.

Par la décision no 1598 de 2011, la Direction des droits de l’homme et du droit international humanitaire du Ministère de la défense a créé le Groupe d’élaboration de politiques publiques pour les populations vulnérables afin de renforcer deux lignes stratégiques: l’aide à des groupes spéciaux de la population et les agents de liaison.

Aide à des groupes spéciaux de la population: le Ministère de la défense nationale, en coordination avec le Commandement général des forces armées et la Police nationale, et en concertation avec les communautés, a lancé l’élaboration d’une politique pour les peuples autochtones, l’objectif étant de continuer à renforcer la protection des droits individuels et collectifs des autochtones et d’améliorer les relations existantes entre la force publique et les communautés autochtones. Cette ligne stratégique a des effets directs sur la doctrine et en particulier sur le comportement des membres des forces armées et de la Police nationale puisqu’ils doivent observer, au cours des opérations, les lignes directrices des instruments internationaux;

Agents de liaison: l’objectif est de resserrer les liens entre la force publique et les communautés autochtones et afro-colombiennes, noires, palenqueras et raizales, en respectant et en protégeant les droits de l’homme. À cette fin, en 2009, la Direction d’action intégrale conjointe des forces armées a décidé de créer des bureaux chargés des affaires autochtones dans chaque arme. Ainsi, depuis juin 2009, ont été créés des bureaux de liaison autochtones dans l’Armée de terre, la Marine et l’Armée de l’air, le Commandement conjoint des Caraïbes, le Commandement conjoint du Pacifique et la Force d’intervention conjointe Omega.

b)Mécanismes de protection

En vertu du décret no 4065 de 2011, le Gouvernement national a créé l’Unité nationale de protection en tant qu’organisme de sécurité nationale qui relève du Ministère de l’intérieur. Elle est chargée d’organiser, de coordonner et d’exécuter des mesures de protection et de soutien pour la prévention et la promotion des droits à la vie, à l’intégrité, à la liberté et à la sécurité des personnes qui, en raison de leur poste ou dans l’exercice de leurs fonctions, sont exposées à des risques exceptionnels ou extrêmes.

Parmi les personnes protégées par l’Unité nationale de protection, 246 représentants ou membres de groupes ethniques bénéficient actuellement de mesures individuelles de protection, dont 60 femmes et 180 hommes.

Il convient de signaler que l’Étude technique d’évaluation des risques, qui s’inscrit dans le dispositif de protection qui régit l’activité de l’Unité, suit strictement les décisions de la Cour constitutionnelle qui établissent les critères d’application du principe d’approche différenciée. À cette fin, l’Unité se fonde sur les arrêts nos T-719/03, T-1026/02 et T‑025/2004, lesquels font référence au droit à la sécurité personnelle, et aux ordonnances de suivi no 200 de 2007 (chefs de population déplacée), no 004 de 2009 (autochtones déplacés), no 005 de 2009 (communautés afro-colombiennes, noires, palenqueras et raizales), et no 045 de 2012 (conseils communautaires majeurs des bassins du Curvaradó et du Jiguamiandó).

Il est également tenu compte des décrets nos 4633, 4634 et 4635 de 2011, qui ont pour objet d’établir le cadre normatif et institutionnel de la prise en charge, l’assistance et l’indemnisation intégrale des victimes appartenant à la population afro-colombienne, noire, palenquera et raizal, au peuple rom et aux peuples autochtones, respectivement.

Par ailleurs, il convient de signaler que, afin d’appliquer le principe d’approche différenciée, il existe un comité d’évaluation des risques et de recommandation de mesures qui vise spécifiquement les autochtones et qui compte parmi ses membres des représentants de cette population. De plus, des mesures collectives de protection ont été prises en faveur de communautés afro-colombiennes, noires, palenqueras et raizales, comme celles du Jiguamiandó et du Curvaradó au Bajo Atrato Chocoano et de la Communauté pour l’autodétermination, la dignité et la vie (CAVIDA) dans le bassin du Cacarica, compte étant tenu des particularités de chaque cas.

De même, des concertations ont été menées à bien avec les peuples autochtones nasa, awa, wounaan, wiwa, les communautés de Totoró et celle de Cerro Tijeras, pour mettre en œuvre des mesures adaptées afin de protéger efficacement les droits à la vie, à la sécurité, à la liberté et à l’intégrité des membres des communautés, et de garantir le respect de leurs us et coutumes.

En outre, un accord a été conclu avec le Conseil régional autochtone du Cauca pour la protection de dirigeants de cette organisation, accord qui a permis d’engager des membres de la garde autochtone du peuple nasa yuwe pour protéger la communauté.

Il convient de noter que, afin de mieux cibler les mesures nécessaires pour protéger les collectivités comme celles mentionnées précédemment, l’Unité nationale de protection œuvre, avec l’appui du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, à la conception d’une matrice d’évaluation des risques collectifs.

L’instrument susmentionné a été utilisé, à titre pilote, pour l’Association des personnes d’ascendance africaine déplacées et quelques resguardos du peuple autochtone awa. Les résultats sont à l’étude et permettront de créer un outil pour analyser tous les facteurs de risque et de vulnérabilité qui touchent les communautés afro-colombiennes, noires, palenqueras et raizales ainsi qu’autochtones.

c)Système d’alerte précoce

Dans ce domaine, il convient de souligner les alertes qui visent à protéger les dirigeants autochtones et ceux des communautés afro‑colombiennes, noires, palenqueras et raizales, ainsi que des défenseurs communautaires. Le Bureau du Défenseur du peuple a obtenu que dans le cadre des lois de finances annuelles, on alloue des ressources à l’exécution de projets et de programmes d’investissement social. Ainsi, il a été possible d’engager des analystes pour le système d’alerte précoce, des défenseurs communautaires et des analystes de zones frontalières ou de zones d’accueil pour s’occuper des personnes victimes de déplacement forcé.

Quant à la prise en charge de groupes ethniques victimes de violations de leurs droits fondamentaux et d’atteintes au droit international humanitaire, le Bureau du Défenseur délégué aux autochtones et aux minorités ethniques, par la décision no 396 de 2003, a mené les activités suivantes: a) médiation dans des conflits; b) suivi des accords conclus entre des groupes ethniques et l’État; c) présence dans des régions où la situation des droits de l’homme est critique; d) participation à des réunions interinstitutionnelles et institutionnelles; e) services consultatifs à la demande des différents groupes ethniques, de leurs organisations, d’institutions publiques ou d’autres instances, en gardant à l’esprit les compétences de chacun.

d)Enfants et adolescents

Depuis 2011, l’Institut colombien de protection de la famille révise les procédures visant à prévenir les graves violations des droits de l’homme et les atteintes au droit international humanitaire, sur la base de rapports de risque et de notes de suivi émanant du système d’alerte précoce du Bureau du Défenseur du peuple, et d’alertes rapides données par la Commission intersectorielle d’alertes rapides. Le but est de prévenir les atteintes aux droits des enfants, des adolescents et de leur famille dans le contexte du conflit armé. Est appliquée dans le même temps l’approche différenciée, conformément aux décisions de suivi de la Cour constitutionnelle et aux dispositions de l’arrêt no T-025 de 2004.

De même, l’Institut colombien de protection de la famille a créé la Commission intersectorielle de prévention du recrutement et de l’utilisation d’enfants et d’adolescents par des groupes armés illégaux et des organisations criminelles organisées, ainsi que de prévention de la violence sexuelle contre ces enfants et adolescents. Il participe aussi activement à ses activités. Il fait partie du Système national de prise en charge et d’indemnisation intégrale des victimes, dans le cadre duquel sont élaborées des mesures de prévention et de protection, avec une approche participative et différenciée selon l’ethnie, le genre et l’incapacité, afin d’éviter de nouvelles victimes parmi les populations vulnérables et de garantir une protection particulière dans le cadre du conflit armé.

e)Personnes privées de liberté

Conjointement avec le Ministère de la justice et du droit, l’Institut national pénitentiaire et carcéral élabore des stratégies sur les court, moyen et long terme pour améliorer les conditions de détention des personnes privées de liberté, et renforcer la politique de respect, promotion, protection et défense des droits de l’homme (Recommandation no 21 du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale).

À cette fin, l’Institut national pénitentiaire et carcéral applique la procédure PT 51‑012-08 V04 (intégration sociale de groupes se trouvant dans des conditions exceptionnelles) qui, sur la base des politiques d’intégration sociale, cherche à apporter une aide intégrale à la population détenue en ciblant les mesures voulues vers le groupe correspondant: personnes âgées, personnes handicapées, Afro-Colombiens, autochtones, étrangers, femmes enceintes et mères allaitantes. L’intégration sociale se fait en trois étapes et vise tous les groupes considérés comme se trouvant dans des conditions exceptionnelles:

Aide sociale: elle est fournie dans le cadre d’initiatives visant à adapter dans un premier temps les conditions de détention et à promouvoir l’adoption de stratégies pour faciliter l’intégration sociale des détenus, en fonction de leurs caractéristiques et besoins particuliers, et en leur assurant pendant leur détention bien-être et qualité de vie;

Rencontres multiculturelles: il s’agit d’espaces de dialogue et de transmission de savoirs (c’est-à-dire l’acquisition de connaissances par l’échange de données d’expérience et de vues; cet échange recouvre différentes façons d’interpréter la réalité et compte quatre étapes: conceptualisation, analyse, réflexion et auto‑évaluation) à l’aide de groupes d’intervention culturelle qui donnent des exemples d’interculturalité;

École de vie: il s’agit d’une alternative pédagogique en rupture avec le modèle éducatif traditionnel qui est conçue comme un processus d’acquisition conjointe de connaissances, à savoir la dynamique éducative, l’idée étant de privilégier le potentiel éducatif individuel ou collectif et favorise le développement de capacités humaines au moyen de l’autosuffisance et de l’autonomisation individuelle ou collective.

Compte tenu de ce qui précède et dans le cadre de la procédure en question, on a établi le Programme d’intégration sociale de groupes se trouvant dans des conditions exceptionnelles (autochtones), pour promouvoir l’intégration sociale de détenu(e)s autochtones dans les établissements pénitentiaires, en créant des espaces individuels et collectifs dans lesquels la participation et le respect des différences permettront davantage d’autonomie et d’autogestion. Les initiatives de l’Institut national pénitentiaire et carcéral visent à:

Prendre contact avec l’autorité autochtone compétente afin qu’elle certifie l’appartenance des détenu(e)s aux communautés autochtones correspondantes. Cette autorité doit aussi indiquer si les détenu(e)s figurent sur la plus récente liste de recensement que dresse la communauté à laquelle ils ou elles appartiennent;

Faire en sorte que tant l’insertion en milieu carcéral que le traitement pénitentiaire soient réalisés dans la langue que le détenu comprend, en recourant à des fonctionnaires ou à d’autres détenu(e)s qui la connaissent, à l’autorité autochtone respective ou à des organisations autochtones légalement reconnues qui serviront occasionnellement d’interprètes;

Faciliter le contact des détenu(e)s autochtones avec la ou les autorités représentatives de la communauté à laquelle ils ou elles appartiennent et avec les membres de leur famille, en trouvant un juste équilibre entre le régime de détention interne et la prévention du déracinement culturel.

De même, on a recensé les détenus qui appartiennent aux groupes se trouvant dans des conditions exceptionnelles. Grâce à ce recensement, on a obtenu des informations sur le suivi des mesures d’intervention prévues par la procédure et les modèles de prise en charge pour chaque établissement carcéral à l’échelle nationale.

Enfin, en ce qui concerne les personnes qui se considèrent comme membres des communautés afro-colombiennes, noires, palenqueras et raizales, les initiatives suivantes sont prises:

Faciliter le contact des détenu(e)s avec l’autorité représentative de la communauté à laquelle ils ou elles appartiennent et les membres de leur famille, en trouvant un juste équilibre entre le régime de détention interne et la prévention du déracinement culturel;

Obtenir la collaboration d’organisations de communautés noires ou afro‑colombiennes légalement constituées qui œuvrent pour le bien-être de cette population en détention à la faveur d’activités d’accompagnement ou d’assistance;

Établir des accords de coopération interinstitutionnelle entre l’Institut national pénitentiaire et carcéral et d’autres entités publiques ou privées aux niveaux national, départemental et local, afin d’apporter à la population concernée l’aide dont elle a besoin.

3.Droits politiques

En vertu de l’article 176 de la Constitution politique, la Chambre des représentants est composée de circonscriptions territoriales, de circonscriptions spéciales et d’une circonscription internationale. Les circonscriptions spéciales visent à garantir la participation des groupes ethniques et des minorités politiques. La loi no 649 de 2001 a réglementé comme suit ce type de circonscription: deux sièges pour les communautés noires et un pour les communautés autochtones.

Conformément à la loi, les personnes qui veulent se faire élire à la Chambre des représentants par les communautés autochtones doivent avoir exercé dans leur communauté respective des fonctions au sein de l’autorité traditionnelle. Dans le cas de la population afro-colombienne, noire, palenquera et raizal, les candidats doivent être membres de l’une de ces communautés et avoir été investis préalablement par une organisation inscrite à la Direction des affaires des communautés noires, afro-colombiennes, raizales et palenqueras du Ministère de l’intérieur.

En ce qui concerne les espaces de dialogue avec les peuples autochtones en Colombie, il convient de mentionner tout particulièrement les instances suivantes de participation:

Table régionale amazonienne: créée en 2005 pour protéger la diversité ethnique et culturelle de la région et constituée de 52 communautés autochtones, elle formule des recommandations en vue d’élaborer, de promulguer et d’exécuter des politiques publiques sociales pour les peuples autochtones de la région, qui comprend les départements de Amazonas, Caquetá, Guaviare, Guainía, Putumayo et Vaupés;

Table permanente de concertation nationale avec les peuples et organisations autochtones: elle a pour objectif de se concerter avec l’État sur toutes les décisions administratives et législatives susceptibles d’avoir des incidences sur ces peuples et organisations, d’évaluer l’exécution de la politique autochtone de l’État, sans préjudice des fonctions propres à l’État, et d’assurer le suivi de l’application des accords conclus dans ce cadre (décret no 1397 du 8 août 1996);

Commission nationale des droits fondamentaux des peuples autochtones: conformément au décret no 1396 de 1996, les principales activités de la Commission sont les suivantes: veiller à la protection et à la promotion des droits de l’homme; définir des mesures pour prévenir les violations graves et assurer l’application de ces droits; concevoir et faire appliquer des mesures visant à réduire et à éliminer les violations graves des droits de l’homme et les infractions au droit international humanitaire; encourager les enquêtes pénales et disciplinaires et en suivre le déroulement; et élaborer un programme national spécial de prise en charge des autochtones victimes de la violence et de leurs proches (veuves et orphelins), et définir les mécanismes nécessaires pour son fonctionnement et son exécution;

Table ronde de consultation pour le peuple awa: créée en vertu du décret no 1137 de 2010, elle a notamment pour but de recommander des initiatives pour faire face aux situations de déplacement en suivant une approche différentiée, et de suggérer et d’appuyer des mesures pour prévenir les violations des droits fondamentaux du peuple awa qui est tout particulièrement persécuté par le groupe narcoterroriste des FARC.

4.Autres droits civils

En Colombie, sont des droits fondamentaux consacrés par la Constitution politique la liberté de conscience (art. 18), la liberté de culte, le droit de professer librement sa religion et de la diffuser individuellement et collectivement (art. 19), la liberté d’expression, de pensée et d’opinion, la liberté d’informer et de recevoir des informations véridiques et impartiales, ainsi que de créer des médias (art. 20).

De plus, sont consacrés le droit de tous de se réunir et de manifester publiquement et pacifiquement (art. 37) ainsi que de s’associer librement pour avoir une vie sociale (art. 38).

La Constitution politique reconnaît le droit à la nationalité comme un droit fondamental des enfants et dispose: est citoyen colombien:

Article 96

Par la naissance:

a)L’enfant né en Colombie d’un père ou d’une mère nés en Colombie ou citoyens colombiens, ou né de parents étrangers à condition que l’un des parents au moins est domicilié en Colombie au moment de la naissance;

b)L’enfant né de père colombien ou de mère colombienne nés à l’étranger mais ayant pris ensuite domicile en Colombie.

Par naturalisation :

a)Le ressortissant étranger qui demande et obtient une carte de naturalisation conformément à la loi, laquelle définit les cas de perte de la nationalité colombienne acquise par voie de naturalisation;

b)Le ressortissant d’un pays d’Amérique latine et des Caraïbes domicilié en Colombie qui, avec l’autorisation du Gouvernement et conformément à la loi et au principe de réciprocité, demande à être inscrit comme Colombien dans la municipalité où il s’établit;

c)Les membres de peuples autochtones qui partagent des territoires frontaliers, en application du principe de réciprocité consacré par les traités de droit public.

Aucun Colombien de naissance ne peut être privé de sa nationalité.

En Colombie, l’article 24 de la Constitution dispose que tout Colombien, dans les limites établies par la loi, a le droit de circuler librement sur le territoire national, d’y entrer et d’en sortir, et de rester et de s’établir en Colombie.

En matière de droits économiques, sociaux et culturels, l’article 42 de la Constitution relatif au droit à la famille, indique que le mariage est une décision prise librement par un homme et par une femme. Les types de mariage, l’âge et la capacité de se marier, les droits et les devoirs des conjoints, leur séparation et la dissolution des liens du mariage sont régis par le droit civil. Les mariages religieux ont des effets civils dans les conditions établies par la loi. Les effets civils de tout mariage cessent en cas de divorce, conformément au droit civil.

De même, le droit à la propriété privée et les autres droits acquis sont garantis par la Constitution nationale, conformément à la législation civile. On notera néanmoins qu’en Colombie la propriété a une fonction sociale et écologique: lorsque l’application d’une loi promulguée au nom de l’utilité publique ou de l’intérêt social entraîne un conflit entre les droits des particuliers et la nécessité reconnue par cette loi, c’est l’intérêt public ou social qui prime l’intérêt privé.

Le titre II du Code civil relatif aux règles de la succession ab intestat précise que la législation régit la succession des biens dont le défunt n’a pas disposé ou, s’il en a disposé, lorsqu’il ne l’a pas fait conformément au droit ou que ses dispositions n’ont pas eu d’effet.

5.Droits économiques, sociaux et culturels

a)Droit au travail

Le travail est un droit fondamental et une obligation sociale (art. 25) que l’État protège expressément. Ainsi, chacun a droit à un travail dans des conditions dignes et justes. De même, la loi consacre les principes minimaux fondamentaux suivants: égalité de chances des travailleurs; rémunération minimale et révisable, proportionnelle à la qualité et au volume du travail; stabilité de l’emploi; intangibilité des prestations minimales établies dans la législation du travail; possibilité de recourir à la négociation et à la conciliation en cas de droits incertains et discutables; en cas de doute, application et interprétation plus favorables des sources formelles du droit pour le travailleur; primauté de la réalité sur les règles formelles instituées par les partenaires sociaux; garantie du droit à la sécurité sociale, à la formation professionnelle, au perfectionnement et au repos nécessaire; protection spéciale des femmes, de la maternité et des travailleurs mineurs. De plus, il convient de noter que les conventions internationales du travail qui ont été ratifiées font partie du droit interne.

On soulignera que le Ministère du travail a réalisé une enquête sur l’emploi et la qualité de la vie à Santiago de Cali, qui a permis d’obtenir des informations à l’échelle de la ville sur chacun des différents groupes ethniques qui y vivent. Cali compte en termes absolus la plus grande population d’ascendance africaine dans le pays. Cette enquête a donc permis de recueillir des informations qui seront utiles pour élaborer des politiques du travail différenciées.

En outre, dans le cadre d’une collaboration entre le Ministère du travail et le Programme pour les personnes d’ascendance africaine et autochtones de l’Agence pour le développement international des États-Unis (USAID), on effectuera sur la base des résultats de l’enquête une étude sur le marché du travail et la qualité de la vie en suivant une approche ethnique et raciale, on établira toute une série d’indicateurs du travail à des fins de suivi, et on élaborera un programme d’insertion socioprofessionnelle pour la population d’ascendance africaine et autochtone.

En ce qui concerne le Programme d’insertion socioprofessionnelle du Ministère du travail, il faut mener des études sur le terrain qui, plus que l’employabilité, viseront les moyens de créer des revenus qui correspondent à la vocation économique des régions dans lesquelles les communautés résident.

En outre, le Ministère de l’intérieur, par le biais de la Direction chargée des communautés noires, apporte aux conseils communautaires une assistance technique en vue de l’identification, l’élaboration, la gestion et le suivi de projets productifs afin que les conseils acquièrent les méthodologies pertinentes et accèdent aux ressources du système général de redevance.

Enfin, il convient de mentionner l’adoption, en 2006, de la loi no 1010 qui permet de prendre des mesures pour prévenir, corriger et sanctionner le harcèlement, notamment au travail, dans le cadre des relations professionnelles. À ce sujet, l’article 2, paragraphe 3 (modifié par l’article 74 de la loi no 1622 de 2013) de cette loi indique que le harcèlement au travail peut découler de la discrimination au travail, c’est-à-dire de tout traitement différencié du fait de la race, du genre, de l’âge, de l’origine familiale ou nationale, de la confession, de la préférence politique ou de la situation sociale que rien ne justifie dans la vie professionnelle.

b)Droit de fonder des syndicats et de se syndiquer

Pour ce qui est de la liberté d’association, l’article 39 de la Constitution politique dispose que les travailleurs et les employeurs ont le droit de constituer des syndicats ou des associations, sans ingérence de l’État, à l’exception des membres de la force publique.

De plus, le droit de négociation collective pour réglementer les relations professionnelles est garanti, sous réserve des exceptions prévues par la loi. On soulignera qu’il incombe à l’État de promouvoir la concertation et les autres moyens de résoudre pacifiquement les différends collectifs du travail.

En Colombie, le droit de grève est garanti sauf dans les services publics essentiels définis par le législateur.

c)Droit au logement

Dans le cadre des droits économiques, sociaux et culturels, tous les Colombiens ont droit à un logement décent. L’État définit les conditions nécessaires pour exercer ce droit et promouvoir des programmes de logements sociaux, des systèmes appropriés de financement sur le long terme et des modalités associatives d’exécution de ces programmes (art. 51 de la Constitution politique).

Afin de garantir le droit à un logement décent, l’État colombien a adopté la loi no 1537 de 2012 qui établit les lignes directrices pour l’élaboration de la politique de logement dans le pays. Elle donne la priorité aux départements et fixe le nombre de logements à attribuer. À ce sujet, le Ministère de l’agriculture, afin de faciliter l’accès en milieu rural aux logements sociaux et l’officialisation des droits fonciers, a mis en œuvre des programmes stratégiques comportant une approche différenciée. Ils visent des groupes en situation de vulnérabilité (population déplacée, bénéficiaires de la politique de restitution de terres) qui ont besoin d’une prise en charge intégrale, ainsi que les ménages en milieu rural classés dans les niveaux I et II du système d’identification des bénéficiaires potentiels de programmes sociaux (SISBEN), que ce soit pour acquérir ou rénover un logement.

De plus, l’Institut colombien de développement agraire (INCODER) cherche à garantir l’accès à la terre en officialisant les droits fonciers en milieu rural. L’objectif est de stimuler le développement rural et d’améliorer la qualité de vie des paysans en leur donnant la propriété des terres qu’ils occupent et qu’ils cultivent. Ce sont principalement des femmes, des personnes déplacées, des groupes ethniques et des paysans pauvres qui en bénéficient.

Le Ministère de l’agriculture et du développement rural a pris le décret no 1160 de 2010, modifié par le décret no 900 de 2012, qui porte sur l’aide au logement social en faveur des familles et vise les ménages relevant des niveaux I et II du SISBEN, les ménages des resguardos autochtones et les communautés afro-colombiennes, noires, palenqueras et raizales.

Ainsi, en collaboration avec la Banque agraire, le Ministère a publié pour 2013 un appel d’offres d’un montant de 20 100 dollars des États-Unis au titre de projets de logements sociaux qui bénéficieront à la population ciblée.

d)Droit à la santé publique

Les soins de santé constituent un service public qui incombe à l’État, lequel doit organiser, diriger et réglementer les activités de promotion de la santé et de prévention de la maladie, ainsi que la prestation de services de santé et de réadaptation, conformément aux principes d’efficacité, d’universalité et de solidarité. Il revient aussi à l’État de définir les politiques de prestations de services de santé assurés par des entités publiques.

Les citoyens ont le droit d’accéder aux services de promotion, protection, prestation et recouvrement de la santé. De même, les personnes qui ne sont pas encore affiliées au système général de sécurité sociale et de santé et sont sans ressources ont le droit à une prise en charge dont le coût est subventionné.

Les instances de dialogue entre le Gouvernement national et les autorités traditionnelles et légitimes des groupes ethniques et de leurs organisations représentatives ont permis d’avancer dans l’élaboration de politiques publiques de santé pour ces groupes.

À cette fin, le Ministère de la santé et de la protection sociale participe au niveau national à deux espaces de dialogue avec les peuples autochtones: le bureau permanent de concertation avec les organisations et peuples autochtones et la sous‑commission de la santé de ce bureau. Elle est composée de 15 délégués autochtones élus par cinq organisations autochtones nationales qui défendent les intérêts des peuples autochtones vivant sur l’ensemble du territoire national.

De même, le Ministère de la santé et de la protection sociale et les entités territoriales de la santé appartiennent et participent aux espaces de dialogue avec des représentants autochtones aux niveaux régional, départemental et local, dont le bureau régional de l’Amazonie. Il y a aussi un dialogue direct avec les autorités traditionnelles des peuples autochtones pour définir les mesures à prendre.

Le dialogue permet de définir collectivement avec les peuples autochtones toute une série de mesures pour promouvoir le renforcement de la médecine propre à ces peuples et l’adaptation interculturelle, et fournir ainsi des services de santé comportant une approche différenciée. On mentionnera notamment les mesures suivantes:

a)Incorporation du chapitre spécial sur la santé pour les peuples autochtones dans le Plan décennal de santé publique;

b)Mise en œuvre en fonction d’une approche différenciée de la stratégie pour un environnement sain dans les communautés autochtones;

c)Élaboration de modèles interculturels et de santé spécifiques aux peuples autochtones;

d)Système autochtone interculturel et de santé (SISPI).

Le Ministère de la santé et de la protection sociale participe depuis 2011 au bureau national de protection sociale des communautés afro‑colombiennes, noires, palenqueras et raizales, et au bureau des prestations de santé pour les Roms qu’il a constitués et qui élaborent conjointement des politiques publiques de santé. Ils ont été créés conformément aux engagements pris devant ces groupes dans le cadre de l’annexe IV.C‑1.1. «Protocole de la consultation des groupes ethniques en vue du Plan national de développement 2010‑2014» de la loi no 1450 de 2011.

Ces dispositifs permettent aussi d’incorporer dans le Plan décennal de santé publique le chapitre spécial sur la santé pour les communautés afro‑colombiennes, noires, palenqueras et raizales, et le chapitre spécial sur la santé pour le peuple rom ou gitan.

e)Droit à l’éducation et à la formation professionnelle

L’éducation constitue un droit de la personne et un service public qui a une fonction sociale: l’accès à la connaissance, à la science, à la technique et aux autres biens et valeurs culturels. L’État, la société et la famille sont responsables de l’éducation, laquelle est obligatoire pour les personnes âgées de 5 à 15 ans, et comprend au minimum une année d’éducation préscolaire et neuf d’éducation de base. L’éducation est gratuite dans les établissements publics. Les membres des groupes ethniques ont droit à une formation qui respecte et développe leur identité culturelle.

Le décret no 4807 de 2011 établit les conditions de la gratuité de l’éducation dans les établissements publics pour tous les élèves, du niveau préscolaire au onzième niveau. De même, on s’efforce d’accroître son taux de couverture dans les différents niveaux éducatifs. En 2011, la Colombie est parvenue à la couverture universelle de l’éducation de base, primaire et secondaire, et à diminuer l’écart du taux de couverture entre milieu urbain et milieu rural.

En outre, davantage de crédits par enfant scolarisé ont été alloués aux entités territoriales les plus en retard sur le plan éducatif, les plus isolées en milieu rural et qui s’occupent du plus grand nombre de personnes appartenant à des groupes vulnérables très divers: population rurale, population relevant des niveau I et II du SISBEN, population en situation de déplacement et autochtones, entre autres. L’accroissement de ces ressources répond au besoin d’une aide complémentaire qu’ont ces groupes pour accéder à l’école et y rester. De même, davantage de moyens par élève ont été destinés à l’enseignement préscolaire et secondaire, afin d’accroître leurs taux de couverture aux niveaux national et régional.

La politique publique d’ethnoéducation mise en œuvre en Colombie prend la forme d’un processus social permanent de réflexion et de construction collective qui permet aux groupes ethniques de renforcer leur autonomie dans le cadre de l’interculturalité et, donc, d’intérioriser et de produire des valeurs et des connaissances, et de développer des capacités et des aptitudes correspondant à la réalité culturelle en lien avec leur projet de vie.

Ainsi, l’ethnoéducation est un système qui permet de répondre aux besoins culturels, sociaux et politiques des membres de la population afro‑colombienne, noire, palenquera et raizal et des communautés autochtones, de sorte qu’elles puissent vivre dans de bonnes conditions dans leur milieu, et projeter leur identité vers d’autres groupes de la population.

En ce qui concerne la politique ethnoéducative publique qui vise la communauté afro‑colombienne, noire, palenquera et raizal, son objectif fondamental est de contribuer à la formation de personnes et de communautés autonomes, afin qu’elles puissent construire leur projet de vie conformément à leur réalité culturelle dans un cadre interculturel. À ce sujet, le Ministère de l’éducation nationale, conjointement avec la population afro‑colombienne, noire, palenquera et raizal, a progressé dans l’élaboration des stratégies éducatives, afin de garantir un système d’enseignement national axé sur l’interculturalité:

a)Inclusion de l’identité afro-colombienne en promouvant l’interculturalité à tous les niveaux du système éducatif colombien;

b)Renforcement de tous les processus d’éducation spécifique;

c)Prise en charge des enfants en bas âge, des enfants et des jeunes;

d)Inclusion des communautés afro‑colombiennes, noires, palenqueras et raizales ayant des besoins éducatifs particuliers;

e)Promotion de la mise en place de réseaux de connaissance ethnoéducatifs dans cette population;

f)Concertation à l’échelle de l’État sur la politique publique ethnoéducative pour la population afro‑colombienne, noire, palenquera et raizal;

g)Gestion, financement, évaluation et suivi de la politique ethnoéducative en tenant compte des vues de ces communautés.

Il convient de souligner que l’Institut colombien de crédits à l’éducation et d’études techniques à l’étranger (ICETEX) dispose d’un fonds spécial de crédits pour les communautés noires. Ce mécanisme vise à aider ces communautés à accéder à l’éducation supérieure et à y rester. Outre les frais de subsistance, les crédits couvrent les études de premier cycle, de spécialisation, de mastère, de doctorat et de postdoctorat.

Cet institut dispose aussi du «Fonds Álvaro Ulcupe Chocué». Destiné aux étudiants autochtones, il a pour but de promouvoir l’ethnodéveloppement et le développement intégral des communautés autochtones.

f)Droit de prendre part, dans des conditions d’égalité, aux activités culturelles

L’État a l’obligation de promouvoir et de favoriser l’accès à la culture de tous les Colombiens dans des conditions d’égalité au moyen de l’éducation permanente et de l’enseignement scientifique, technique, artistique et professionnel, à tous les stades du processus de création de l’identité nationale.

La culture, sous ses diverses formes, est reconnue comme un aspect fondamental de la nationalité. Ainsi, l’État reconnaît l’égalité et la dignité de toutes les personnes qui vivent dans le pays. L’État promeut la recherche, la science, le développement et la diffusion des valeurs culturelles de la nation (art. 70 de la Constitution politique).

L’État a créé en 2008 la Direction des populations du Ministère de la culture. Prenant en compte la diversité culturelle et de la nécessité de reconnaître, d’inclure et de rendre visibles les groupes ethniques et autres groupes qui constituent le pays, elle a pour objectif d’orienter et de mettre en œuvre les politiques, programmes et projets qui permettront de mieux comprendre la culture en tant que partie intégrante du développement de la nation.

Dans cet ordre d’idées, et afin de consolider ces espaces de représentation, d’inclusion et de visibilisation, cette direction a défini trois grands domaines: inclusion sociale de la population en situation de vulnérabilité et de handicap; renforcement des espaces de représentation; et visibilisation des groupes ethniques et de la population en situation de vulnérabilité et de handicap. Ces activités suivent trois axes d’action transversale: transmission de savoirs culturels, renforcement institutionnel et formes spécifiques de gouvernement et de commémorations.

Il convient de souligner des projets destinés entre autres à sauvegarder et à mettre en évidence le patrimoine linguistique de la Colombie, à réécrire l’histoire des groupes ethniques, à créer des associations artistiques, à constituer une bibliothèque de la littérature afro‑colombienne et à établir une cartographie de la diversité.

g)Droit d’accès à des lieux ou des services

L’article 24 de la Constitution politique dispose que tous les Colombiens ont le droit de circuler librement sur le territoire national; il n’y a donc pas de restriction à la liberté de transit, de déplacement, de séjour et/ou de résidence des Colombiens, et l’exercice de ce droit ne fait l’objet d’aucune distinction au motif du type ethnique ou racial.

Les ressortissants étrangers bénéficient de ce droit puisqu’en vertu de l’article 100 de la Constitution politique, ils jouissent en Colombie des mêmes droits civils que les nationaux.

Article 6: protection et voie de recours effectives

Le Bureau du Défenseur du peuple, qui est chargé de veiller au respect effectif des droits de l’homme, élément fondamental de l’État social de droit, a eu connaissance en 2011‑2012 de deux cas de discrimination raciale et a pris des mesures ponctuelles pour rétablir les droits des victimes.

Par le biais de sa Dirección Nacional de Fiscalías, la Fiscalía General de la Nación qui remplit des fonctions d’instruction suit de près les enquêtes sur les actes de racisme ou de discrimination. Elle a constaté qu’en mai 2013, huit cas étaient instruits par les Direcciones Seccionales de Bogotá, Bucaramanga et Cali pour des actes de discrimination au motif de la race, de l’orientation sexuelle et de la confession. L’examen de ces cas en est au stade de l’enquête préliminaire. Un magistrat a été désigné pour les instruire et la police judiciaire a reçu l’ordre d’établir la matérialité et la responsabilité des faits.

La Dirección Nacional de Fiscalías participe au Bureau interinstitutionnel de suivi de l’application de la loi no 1482 de 2011. Ce bureau relève du Programme présidentiel pour l’élaboration de stratégies et d’actions en vue du développement intégral de la population afro‑colombienne, palanquera et raizal, et de l’Observatoire contre le racisme et la discrimination raciale du Ministère de l’intérieur, avec la participation de la Procurature générale de la nation, du Bureau du Défenseur du peuple, du Ministère de l’éducation, du Ministère des télécommunications, du Ministère de la défense, de l’Université des Andes et de l’Université nationale notamment. Différentes stratégies y ont été élaborées. Elles doivent être mises en œuvre cette année pour faire connaître la législation qui sanctionne la discrimination et y sensibiliser les fonctionnaires. En ce qui concerne la Fiscalía General de la Nación, un séminaire‑atelier se tiendra pour doter les procureurs délégués d’outils efficaces pour déterminer les actes pouvant avoir un caractère raciste et discriminatoire et il portera sur les instruments internationaux, la législation interne et l’analyse de cas.

Par ailleurs, dans sa jurisprudence, la Cour constitutionnelle a établi, à propos d’un cas de discrimination raciale, que les actes discriminatoires constituent une violation directe du droit à l’égalité. L’action en protection est le moyen de défense judiciaire le plus approprié pour défendre le droit fondamental, applicable avec effet immédiat, qui a été enfreint. Ainsi, en ce qui concerne l’exigibilité des droits, l’action en protection est l’un des plus efficaces mécanismes reconnus par la Constitution pour garantir la protection immédiate des droits lorsqu’ils sont enfreints ou menacés par l’action ou l’omission d’une autorité publique, par des personnes chargées d’assurer un service public, par des personnes vis-à-vis desquelles le requérant est sans défense ou en situation de subordination, ou par des personnes dont le comportement nuit gravement et directement à l’intérêt collectif.

Article 7: enseignement, éducation, culture et information

1.Enseignement et éducation

Le Ministère de l’éducation nationale, en particulier l’équipe de prise en charge éducative des groupes ethniques, est chargé de l’élaboration des projets et modèles ethnoéducatifs et interculturels en concertation avec les communautés afro‑colombiennes, noires, palenqueras et raizales, et en coordination avec les secrétariats à l’éducation. À cette fin, une feuille de route a été établie pour la construction, la conception, la formulation et la mise en œuvre de projets ethnoéducatifs spécifiques, communautaires et interculturels.

Dans ces projets, la communauté éducative joue un rôle pédagogique avec pour objectif la permanence culturelle, le respect territorial et l’exercice de l’autonomie. Ces projets permettent aussi d’identifier les connaissances, la tradition, la culture et l’éducation spécifiques à des groupes ethniques dans l’optique de garantir leur survie physique et culturelle, et tiennent compte des principes en vigueur.

Les projets et modèles ethnoéducatifs, communautaires et d’éducation spécifique ou interculturelle sont fonction de chaque peuple et sont établis en coordination avec les secrétariats départementaux à l’éducation. Ils suivent trois étapes: 1) élaboration du projet; 2) conception du modèle pédagogique; et 3) mise en œuvre et diffusion du modèle. La dernière étape comprend l’accompagnement pédagogique, la formation d’ethnoéducateurs, la systématisation des données d’expériences et l’adaptation des modèles existants. Depuis 2011, l’accent est mis sur une modification des programmes des études aux fins du renforcement de l’identité et de la reconnaissance de la culture spécifique.

Afin de mettre en œuvre une politique publique d’interculturalité, l’adoption en 1993 de la loi no 70 a abouti à la création de la Chaire d’études afro‑colombiennes (CEA) qui vise à faire connaître dans les établissements d’enseignement les pratiques culturelles propres aux communautés afro‑colombiennes, noires, palenqueras et raizales, ainsi que leur apport à l’histoire et à la culture colombiennes. Le Ministère de l’éducation nationale a pour mission de concevoir les procédures et instruments nécessaires pour recueillir, coordonner, enregistrer et diffuser des études et des recherches et, d’une manière générale, le matériel qui porte sur les pratiques et processus culturels de ces communautés afin de contribuer au service éducatif public.

De même, dans le cadre de la Chaire d’études afro‑colombiennes, des ateliers et des forums se sont tenus pour renforcer l’ethnoéducation afro‑colombienne, faire connaître la chaire et partager des expériences marquantes. Ainsi, en 2010 et 2011, des ateliers ont été organisés à la demande des départements de Putumayo, Nariño, Bolívar, Atlántico et Córdoba.

En 2012, des ateliers se sont tenus en coordination avec la Commission pédagogique nationale des communautés noires (CPN) dans six territoires: Valle del Cauca, Chocó, Cauca, Guajira, Córdoba et Atlántico. Ces ateliers visaient à sensibiliser enseignants, secrétariats à l’éducation, organisations de base et conseils communautaires à la création de la Chaire d’études afro‑colombiennes. Ils ont permis de créer des espaces pour partager des expériences positives à ce sujet.

2.Culture

Dans le cadre des activités éducatives axées sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, un séminaire de portée nationale s’est tenu le 21 mars 2013. Y ont participé quelque 300 représentants du secteur public aux niveaux national, régional et local, du secteur privé, ainsi que d’universités et de la société civile pour analyser, à des fins de réflexion et de dialogue, les racines, les formes modernes, les manifestations et le coût social du racisme et de la discrimination raciale.

En vertu de la décision no 0740 de 2011 du Ministère de la culture, mai a été déclaré mois de l’héritage culturel africain en Colombie. Ainsi, en 2013, il a été commémoré avec la participation d’africanistes prestigieux qui contribuent à briser le silence qui entoure le rôle de la population d’ascendance africaine à la construction des sociétés de l’Amérique latine. Le Gouvernement national mise sur une connaissance accrue de l’historiographie des Africains et de leurs descendants afin de faire reculer le racisme et la discrimination raciale.

Enfin, il convient de souligner que la Colombie a accueilli le troisième Sommet mondial de maires et élus d’ascendance africaine. Organisé par la vice-présidence de la République et le Programme présidentiel pour les questions afro‑colombiennes, le sommet s’est tenu à Cali et à Carthagène du 13 au 18 septembre 2013, pour promouvoir le jumelage de villes et approfondir le dialogue politique et la coopération internationale en faveur de la diaspora africaine.

Par ailleurs, la cinquième Réunion latino‑américaine des autorités de territoires autochtones a eu lieu en Colombie. Coordonnée par le Ministère de l’intérieur, le Programme présidentiel chargé des peuples autochtones et l’Organisation des peuples autochtones de l’Amazonie Colombienne (OPIAC), elle s’est tenue du 2 au 4 octobre 2013 à Carthagène pour favoriser la participation à l’élaboration et à la mise en œuvre en Amérique latine des politiques publiques comportant une approche différenciée.

III.Conclusions

La Colombie progresse dans le domaine des droits de l’homme, comme la communauté internationale l’a reconnu à juste titre. De plus en plus solides, ses institutions œuvrent à la protection et à la garantie des droits de tous les habitants du pays sans distinction, conformément au principe d’égalité. Le présent rapport met en évidence leur action ainsi que l’engagement et les importants efforts et résultats de la Colombie, mais aussi les difficultés qu’elle connaît, pour inclure davantage les peuples autochtones, les communautés afro‑colombiennes, noires, palenqueras et raizales et le peuple rom, en ce qui concerne particulièrement le droit à l’égalité, l’inclusion sociale et la lutte contre la discrimination. De plus, depuis quatre ans, une approche différenciée caractérise les mesures publiques qui tendent à garantir la survie culturelle des différents groupes ethniques.

La Colombie dispose de mécanismes juridiques pour protéger les droits des communautés ancestrales. Elle a renforcé aussi ses institutions afin de faire respecter effectivement tous les droits. En est un exemple l’action menée par le Ministère de l’intérieur et son Observatoire contre la discrimination et le racisme, le Programme présidentiel pour l’élaboration de stratégies et d’actions en vue du développement intégral de la population afro‑colombienne, noire, palenquera et raizal, et le Programme présidentiel analogue qui porte sur les peuples autochtones de Colombie.

Un des résultats significatifs de la lutte contre la discrimination raciale a été la promulgation en 2011 de la loi no 1482, ou loi antidiscrimation, qui a pour but de garantir la protection des droits des personnes, groupes de personnes, communautés ou peuples victimes d’actes de racisme ou de discrimination.

Par ailleurs, compte tenu du conflit armé interne, l’État colombien s’est engagé à garantir les droits à la vérité, à la justice et à l’indemnisation de toutes les victimes. La loi no 1448 de 2011, ou loi sur les victimes et la restitution de terres, va dans ce sens, ainsi que les trois décrets ayant force obligatoire qui portent sur la prise en charge, l’assistance et l’indemnisation intégrale des communautés autochtones, des communautés noires, afro‑colombiennes, palenqueras et raizales ainsi que du peuple rom, et sur la restitution de leurs droits territoriaux. Cette législation vise à reconnaître leur condition de victimes et à rétablir leur dignité en traduisant dans les faits leurs droits constitutionnels.

Pluriethnique et multiculturelle, la Colombie reconnaît que, même si elle a obtenu récemment des résultats notables, elle se heurte à des difficultés pour garantir l’exercice effectif des droits des communautés ancestrales. L’un des principaux défis est d’élaborer une politique publique n’excluant personne et comportant une approche différenciée et axée sur les droits de l’homme.

Néanmoins, l’État est déterminé à garantir pleinement l’exercice et la jouissance des droits fondamentaux consacrés par la législation nationale, et à poursuivre résolument son action pour respecter les engagements pris à l’échelle internationale en matière d’égalité et de lutte contre la discrimination.