NATIONS UNIES

CAT

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/USA/CO/225 juillet 2006

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURETrente‑sixième session1er‑19 mai 2006

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION

Conclusions et recommandations du Comité contre la torture

ÉTATS ‑UNIS D’AMÉRIQUE

1.Le Comité contre la torture a examiné le deuxième rapport périodique des États‑Unis (CAT/C/48/Add.3/Rev.1) à ses 702e et 705e séances (CAT/C/SR.702 et 705), tenues les 5 et 8 mai 2006, et a adopté, à ses 720e et 721e séances (CAT/C/SR.720 et 721), tenues les 17 et 18 mai 2006, les conclusions et recommandations ci‑après.

A. Introduction

2.Le deuxième rapport périodique des États‑Unis qui devait être soumis le 19 novembre 2001, comme l’avait demandé le Comité à sa vingt‑quatrième session, en mai 2000 (voir document A/55/44, par. 180 f)) a été reçu le 6 mai 2005. Le Comité note que ce rapport contient une réponse point par point à ses précédentes recommandations.

3.Le Comité prend acte avec satisfaction des réponses écrites complètes fournies par l’État partie à sa liste de points à traiter ainsi que des réponses détaillées, tant écrites qu’orales, qu’il a faites aux questions posées par ses membres durant l’examen du rapport. Il se félicite de la participation d’une délégation nombreuse et de haut niveau composée de représentants des organismes compétents de l’État partie, ce qui a rendu possible un dialogue constructif.

4.Tout en notant que l’État partie possède une structure fédérale, le Comité rappelle que les États‑Unis d’Amérique constituent un seul État au regard du droit international et qu’ils ont l’obligation d’appliquer pleinement la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants («la Convention») au niveau national.

5.Rappelant la déclaration qu’il a adoptée le 22 novembre 2001, par laquelle il a condamné sans réserve les attentats terroristes du 11 septembre 2001, s’est inquiété de la terrible menace que ces actes de terrorisme international font peser sur la paix et la sécurité internationales et a relevé la nécessité de lutter par tous les moyens, conformément à la Charte des Nations Unies, contre les menaces que constituent les actes de terrorisme, le Comité reconnaît que ces événements ont occasionné de grandes souffrances à un grand nombre de résidents de l’État partie. Il reconnaît que ce dernier s’emploie à protéger sa propre sécurité ainsi que la sécurité et la liberté de ses citoyens dans un contexte juridique et politique complexe.

B. Aspects positifs

6.Le Comité se félicite de la déclaration de l’État partie selon laquelle il est interdit en tout lieu et en tout temps aux agents des États‑Unis, quels que soient les organismes publics dont ils relèvent, y compris aux contractuels, de se livrer à la torture et d’infliger à quiconque des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants conformément aux obligations découlant de la Convention.

7.Le Comité note avec satisfaction la déclaration de l’État partie selon laquelle les États‑Unis ne procèdent à aucun transfert de personnes vers des pays où ils pensent qu’il est «fort probable» qu’elles soient torturées, ce qui s’applique aussi, par principe, au transfert de tout individu détenu par l’État partie ou sous le contrôle de ce dernier, quel que soit le lieu où il est détenu.

8.Le Comité se félicite de la précision selon laquelle la déclaration faite par le Président des États‑Unis lors de la signature de la loi sur le traitement des détenus, le 30 décembre 2005, ne saurait être interprétée comme une dérogation de la part de ce dernier à l’interdiction absolue de la torture.

9.Le Comité note également avec satisfaction l’adoption de:

a)La loi pour l’élimination du viol en prison de 2003, qui vise le problème des agressions sexuelles dont sont victimes les personnes en détention, l’objectif étant, entre autres, d’établir une norme de tolérance zéro pour les cas de viol dans les prisons de l’État partie; et

b)La loi sur le traitement des détenus de 2005, qui interdit notamment de faire subir des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants à toute personne en détention ou physiquement sous le contrôle des États‑Unis, quels que soient sa nationalité ou le lieu où elle se trouve.

10.Le Comité se félicite de l’adoption, en 2000, des normes nationales de détention qui fixent des règles minimales applicables aux établissements de détention où sont placées les personnes détenues par le Département de la sécurité du territoire, y compris les demandeurs d’asile.

11.Le Comité note en outre avec satisfaction l’importante contribution versée régulièrement par l’État partie au Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture.

12.Le Comité prend note de l’intention de l’État partie d’adopter un nouveau manuel de l’armée de terre pour les interrogatoires en matière de sécurité sera, qui applicable à l’ensemble du personnel et qui, selon l’État partie, assurera la pleine conformité des techniques d’interrogatoire avec les exigences de la Convention.

C. Sujets de préoccupation et recommandations

13.Nonobstant l’affirmation de l’État partie selon laquelle «tout acte de torture au sens de la Convention est illégal en vertu de la législation fédérale et/ou la législation des États actuellement en vigueur», le Comité réaffirme la préoccupation qu’il a déjà exprimée dans ses précédentes conclusions et recommandations concernant l’absence dans la législation fédérale de l’État partie d’une disposition incriminant la torture conformément à l’article premier de la Convention, étant donné que les articles 2340 et 2340 a) du Code des États‑Unis établissent uniquement une compétence pénale fédérale pour les actes de torture extraterritoriaux. Il déplore en outre que les cas de torture extraterritoriale de détenus n’aient pas donné lieu à des poursuites en vertu de la loi sur la compétence pénale extraterritoriale en matière de torture (art. 1er, 2, 4 et 5).

Le Comité réaffirme sa précédente recommandation à l’État partie tendant à ce qu’il érige, en des termes conformes à l’article premier de la Convention, la torture en infraction pénale fédérale, en prévoyant des sanctions appropriées, de façon à s’acquitter de l’obligation qui lui incombe en vertu de la Convention d’empêcher et d’éliminer tout acte de torture causant une douleur ou une souffrance aiguë, physique ou mentale, quelle que soit sa forme.

L’État partie devrait veiller à ce que les actes de torture psychologique interdits par la Convention ne se limitent pas à ceux qui causent «une atteinte durable à l’intégrité mentale» selon les termes utilisés par l’État partie dans la déclaration interprétative formulée lors de la ratification de la Convention, mais qu’ils incluent d’autres actes qui causent une souffrance mentale aiguë, indépendamment du fait que ces actes se prolongent ou non ou de leur durée.

L’État partie devrait enquêter sur les cas de torture et en poursuivre et punir les auteurs en vertu de la loi fédérale sur la compétence pénale extraterritoriale en matière de torture.

14.Le Comité regrette l’avis exprimé par l’État partie selon lequel la Convention n’est pas applicable en temps de guerre et dans le contexte des conflits armés, au motif que «le droit des conflits armés» est la lex specialis exclusivement applicable dans un tel contexte et que le fait d’appliquer la Convention dans ces circonstances «causerait un chevauchement entre différents instruments qui aurait pour effet de compromettre la réalisation de l’objectif qu’est l’élimination de la torture» (art. 1er et 16).

L’État partie devrait reconnaître et garantir que la Convention s’applique en tout temps, en temps de paix comme en temps de guerre ou de conflit armé, dans tout territoire relevant de sa juridiction et que ses dispositions sont, en vertu du paragraphe 2 de ses articles 1 er et 16, sans préjudice de celles de tout autre instrument international.

15.Le Comité note que plusieurs dispositions de la Convention s’étendent à «tout territoire sous la juridiction» de l’État partie (art. 2, 5, 13 et 16). Il rappelle que cette expression englobe toutes les zones se trouvant sous le contrôle de facto de l’État partie, que ce contrôle soit exercé par des autorités militaires ou civiles. Il estime regrettable que l’État partie considère que ces dispositions s’appliquent exclusivement à son territoire de jure.

L’État partie devrait reconnaître et garantir que les dispositions de la Convention qui visent expressément les «territoires sous la juridiction» de l’État partie s’appliquent et bénéficient pleinement à toutes les personnes placées sous le contrôle effectif de ses autorités, quelles qu’elles soient et où qu’elles se trouvent dans le monde.

16.Le Comité note avec préoccupation que l’État partie n’inscrit pas systématiquement sur un registre les personnes détenues dans des territoires sous sa juridiction hors des États‑Unis, les privant ainsi d’une garantie efficace contre des actes de torture (art. 2).

L’État partie devrait tenir un registre de toutes les personnes détenues dans tout territoire relevant de sa juridiction, en tant que mesure visant à prévenir des actes de torture. Il faudrait notamment y consigner l’identité du détenu, la date, l’heure et le lieu de l’arrestation, l’identité de l’autorité qui y a procédé, le motif de celle ‑ci, la date et l’heure d’admission au centre de détention et l’état de santé du détenu au moment de son admission ainsi que tout changement ultérieur, l’heure et le lieu des interrogatoires et le nom de toutes les personnes présentes, de même que la date et l’heure de la libération ou du transfert dans un autre lieu de détention.

17.Le Comité est préoccupé par les allégations selon lesquelles l’État partie aurait établi des centres de détention secrets, qui ne sont pas accessibles au Comité international de la Croix‑Rouge. Les détenus n’y disposeraient d’aucune garantie légale fondamentale, et il n’existerait notamment pas de dispositif de contrôle de la façon dont ils sont traités ni de procédure de réexamen de leur détention. Le Comité est aussi préoccupé par les allégations selon lesquelles les personnes détenues dans ces lieux pourraient y rester indéfiniment ou risqueraient d’être soumises à la torture ou à des traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il considère que la politique de l’État partie consistant à ne faire aucun commentaire au sujet de l’existence de tels centres de détention secrets ainsi que des activités de ses services de renseignement est regrettable (art. 2 et 16).

L’État partie devrait faire en sorte qu’aucun individu ne soit placé dans des lieux de détention secrets sous son contrôle de fait. La détention de personnes dans de telles conditions constitue en soi une violation de la Convention. L’État partie devrait mener des investigations et divulguer le cas échéant l’existence de tels centres de détention et sous quelle autorité ils ont été mis en place, de même que les conditions dans lesquelles sont traités les détenus qui s’y trouvent. Il devrait condamner publiquement toute politique d’établissement de lieux de détention secrets.

Le Comité rappelle que les activités des services de renseignement, nonobstant leur auteur, leur nature ou l’endroit où elles se déroulent, sont des faits de l’État partie, qui engagent pleinement sa responsabilité internationale.

18.Le Comité est préoccupé par des informations relatives à l’implication de l’État partie dans des disparitions forcées. Il regrette que l’État partie ne considère pas que de tels faits constituent une forme de torture (art. 2 et 16).

L’État partie devrait adopter toutes les mesures nécessaires pour interdire et empêcher les disparitions forcées sur tout territoire relevant de sa juridiction, et poursuivre et punir les auteurs de tels faits, cette pratique constituant en soi une violation de la Convention.

19.Nonobstant l’affirmation de l’État partie selon laquelle «la législation des États‑Unis ne contient aucune disposition permettant de déroger à l’interdiction expresse de la torture» et «aucune circonstance quelle qu’elle soit (…) ne peut être invoquée pour justifier ou défendre l’usage de la torture», le Comité reste préoccupé par l’absence de disposition législative claire garantissant qu’il ne peut être dérogé en aucune circonstance à l’interdiction de la torture énoncée dans la Convention, en particulier depuis le 11 septembre 2001 (art. 2, 11 et 12).

L’État partie devrait adopter des dispositions législatives claires pour mettre en œuvre le principe de l’interdiction absolue de la torture dans son droit interne, sans la moindre possibilité de dérogation. Toute dérogation à ce principe est incompatible avec le paragraphe 2 de l’article 2 de la Convention et ne saurait restreindre la responsabilité pénale. L’État partie devrait aussi veiller à ce que les auteurs d’actes de torture soient dûment poursuivis et punis.

L’État partie devrait en outre veiller à ce que les règles, instructions ou méthodes d’interrogatoire ne dérogent pas au principe de l’interdiction absolue de la torture et qu’aucune règle de droit interne n’empêche de tenir pour pleinement responsables les auteurs d’actes de torture.

L’État partie devrait procéder sans délai à une enquête approfondie et impartiale concernant toute éventuelle responsabilité du commandement militaire et des autorités civiles pour avoir, d’une quelconque manière, donné leur autorisation, leur acquiescement ou leur accord à des actes de torture commis par leurs subordonnés.

20.Le Comité s’inquiète de ce que l’État partie considère l’obligation de non-refoulement, énoncée à l’article 3 de la Convention, comme ne pouvant s’appliquer à une personne détenue hors de son territoire. Il s’inquiète aussi du fait que, sans aucune procédure judiciaire, l’État partie remette des suspects à des États dans lesquels ils risquent effectivement d’être soumis à la torture (art. 3).

L’État partie devrait appliquer la garantie de non-refoulement à tous les détenus placés sous sa garde, et mettre fin à la remise de suspects, notamment par ses services de renseignement, à des États dans lesquels ils risquent effectivement d’être soumis à la torture, afin de s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu de l’article 3 de la Convention. L’État partie devrait toujours s’assurer que les suspects ont la possibilité de contester les décisions de refoulement.

21.Le Comité s’inquiète du recours par l’État partie aux «assurances diplomatiques» ou à d’autres formes de garanties qu’un individu ne sera pas soumis à la torture s’il est expulsé, refoulé, transféré ou extradé vers un autre État. Il est aussi préoccupé par le secret qui entoure ces procédures, notamment le fait qu’elles échappent à tout contrôle judiciaire, et par l’absence de dispositif de surveillance pour vérifier si les assurances ont été honorées (art. 3).

Pour déterminer l’applicabilité de son obligation de non-refoulement en vertu de l’article 3 de la Convention, l’État partie ne devrait s’en remettre aux «assurances diplomatiques» qu’à l’égard des États qui ne violent pas systématiquement les dispositions de la Convention et après examen attentif de chaque cas quant au fond. L’État partie devrait établir et mettre en œuvre des procédures bien définies pour obtenir ces assurances, ainsi que des mécanismes judiciaires appropriés de contrôle et des dispositifs efficaces de suivi en cas de refoulement. L’État partie devrait aussi communiquer des informations détaillées au Comité sur tous les cas dans lesquels des assurances ont été fournies depuis le 11 septembre 2001.

22.Le Comité, notant que la détention de personnes sans inculpation pour une durée indéfinie constitue en soi une violation de la Convention, s’inquiète de constater que des personnes sont détenues pendant des durées prolongées à Guantánamo, sans garanties judiciaires suffisantes et sans qu’un tribunal se soit prononcé sur les motifs de leur détention (art. 2, 3 et 16).

L’État partie devrait mettre un terme à la détention de personnes à Guantánamo et fermer ce centre de détention, autoriser l’accès des détenus à une procédure judiciaire ou les libérer le plus tôt possible, en veillant à ce qu’ils ne soient pas renvoyés dans un État où ils risqueraient d’être soumis à la torture, afin de s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu de la Convention.

23.Le Comité s’inquiète de ce que l’information, l’éducation et la formation des personnels de maintien de l’ordre ou de l’armée ne sont pas suffisantes et ne portent pas sur toutes les dispositions de la Convention, spécialement sur le caractère absolu de l’interdiction de la torture et sur la prévention des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (art. 10 et 11).

L’État partie devrait veiller à ce qu’un enseignement et une formation soient dispensés régulièrement à tous les personnels de maintien de l’ordre et de l’armée, en particulier à ceux qui participent aux interrogatoires de suspects. Il devrait s’agir notamment d’une formation sur les règles, instructions et méthodes d’interrogatoire ainsi que d’une formation consacrée spécifiquement aux moyens de détecter les marques de torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants. Tous ces personnels devraient en outre avoir pour instruction de signaler de tels incidents .

L’État partie devrait aussi procéder régulièrement à une évaluation de la formation et de l’éducation assurées à ses personnels de maintien de l’ordre ou de l’armée et à une surveillance régulière et indépendante de leur conduite.

24.Le Comité trouve préoccupant qu’en 2002 l’État partie ait autorisé l’emploi de certaines méthodes d’interrogatoire dont l’application a entraîné la mort de plusieurs détenus au cours d’interrogatoires. Il regrette aussi que des règles d’interrogatoire créant la confusion et des techniques définies en termes vagues et généraux, comme le maintien dans des «positions pénibles», aient abouti à de graves sévices sur la personne de détenus (art. 11, 1er, 2 et 16).

L’État partie devrait interdire toute méthode d’interrogatoire qui constitue une peine ou un traitement cruel, inhumain ou dégradant, comme l’humiliation sexuelle, le «sous ‑marin» ( water-boarding ), l’«entravement serré» ( short shackling ) ou l’utilisation de chiens pour terrifier le suspect, dans tous les lieux de détention placés de fait sous son contrôle effectif, afin de s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu de la Convention.

25.Le Comité est préoccupé par des allégations faisant état de l’impunité de certains personnels de maintien de l’ordre pour des actes de torture ou des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il relève l’insuffisance des enquêtes ouvertes sur les plaintes dénonçant les tortures perpétrées dans les secteurs 2 et 3 du Département de police de Chicago et l’absence de poursuites (art. 12).

L’État partie devrait engager sans délai des enquêtes approfondies et impartiales sur toutes les allégations de torture ou de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants imputés à des membres des forces de l’ordre et traduire les responsables en justice, afin de s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu de l’article 12 de la Convention. L’État partie devrait aussi donner au Comité des informations sur les enquêtes en cours et les poursuites qui peuvent avoir été engagées dans l’affaire susmentionnée.

26.Le Comité est préoccupé par des rapports dignes de foi faisant état d’actes de torture ou de peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants commis par certains membres du personnel civil ou militaire de l’État partie en Afghanistan et en Iraq. Il est également préoccupé par l’issue des enquêtes et des poursuites engagées dans nombre de ces cas, y compris en cas de mort de détenus, qui ont abouti à des peines clémentes, notamment à des sanctions de nature administrative ou à des peines d’emprisonnement de moins d’un an (art. 12).

L’État partie devrait prendre des mesures immédiates pour éliminer toutes les formes de torture et de mauvais traitements de détenus par ses personnels civils ou militaires, dans tout territoire relevant de sa juridiction, et il devrait enquêter sans délai et de façon approfondie sur ces actes, en poursuivre tous les responsables et veiller à ce que les peines prononcées soient en rapport avec la gravité du crime commis.

27.Le Comité est préoccupé par la loi de 2005 sur le traitement des détenus, qui vise à retirer aux tribunaux fédéraux de l’État partie la compétence qu’ils avaient pour examiner les requêtes en habeas corpus ou d’autres plaintes déposées par les détenus de Guantánamo ou en leur nom, sauf dans certaines circonstances limitées. Il est également préoccupé par le fait que le statut des détenus d’Afghanistan et d’Iraq, sous le contrôle du Département de la défense, est déterminé et réexaminé selon une procédure administrative de ce département (art. 13).

L’État partie devrait veiller à ce que des procédures indépendantes, rapides et approfondies soient offertes à tous les détenus pour faire réexaminer les circonstances de leur détention et leur statut de détenus, en application de l’article 13 de la Convention.

28.Le Comité est préoccupé par les difficultés que certaines victimes de sévices rencontrent pour obtenir une réparation et une indemnisation appropriées, et par le fait que très peu de détenus seulement ont déposé une demande d’indemnisation pour voies de fait et mauvais traitements, en particulier en vertu de la loi sur les demandes d’indemnisation étrangères (art. 14).

L’État partie devrait veiller, conformément à la Convention, à ce que des mécanismes permettant d’obtenir pleines réparation et indemnisation et de bénéficier de moyens de réadaptation complète soient accessibles à toutes les victimes d’actes de torture ou de voies de fait, y compris de violences sexuelles, perpétrés par ses agents.

29.Le Comité est préoccupé par l’article 1997 e) e) de la loi de 1995 portant réforme du droit de recours des prisonniers, qui dispose qu’aucune action civile fédérale ne peut être engagée par un détenu en raison d’un préjudice moral ou affectif subi en détention sauf s’il a démontré l’existence d’un préjudice physique (art. 14).

L’État partie ne devrait pas limiter le droit des victimes d’engager une action civile et devrait modifier en conséquence la loi portant réforme du droit de recours des prisonniers.

30.Le Comité prend note de l’instruction no 10 de l’État partie, datée du 24 mars 2006, qui dispose que les commissions militaires n’admettent pas comme moyen de preuve une déclaration dont il est établi qu’elle a été obtenue par la torture, mais il s’inquiète de l’application de cette instruction dans le contexte de ces commissions et des restrictions du droit des détenus de porter plainte. Il éprouve également des inquiétudes à propos des tribunaux d’examen du statut de combattant et des conseils de révision administrative (art. 13 et 15).

L’État partie devrait veiller à ce que ses obligations en vertu des articles 13 et 15 soient respectées en toutes circonstances, y compris dans le contexte des commissions militaires, et devrait envisager de créer à cette fin un mécanisme indépendant en vue de garantir les droits de tous les détenus placés sous sa garde.

31.Le Comité est préoccupé par le fait que, selon des informations dignes de foi, les exécutions pratiquées dans l’État partie peuvent s’accompagner de douleurs et de souffrances aiguës (art. 16, 1er et 2).

L’État partie devrait reconsidérer soigneusement les méthodes employées pour les exécutions, en particulier par injection d’un produit mortel, afin d’empêcher des douleurs ou souffrances aiguës.

32.Le Comité est préoccupé par des informations dignes de foi faisant état d’agressions sexuelles commises dans des lieux de détention dans l’État partie à l’égard de détenus condamnés ainsi que de personnes en détention avant jugement ou d’immigrants en rétention administrative. Il est préoccupé par l’abondance des rapports faisant état de violences sexuelles entre détenus et par la vulnérabilité particulière de certaines personnes en raison de leur orientation sexuelle. Il déplore en outre que de tels actes ne fassent pas l’objet d’enquêtes rapides et indépendantes et que des mesures appropriées pour lutter contre ces abus n’aient pas été mises en œuvre par l’État partie (art. 16, 12, 13 et 14).

L’État partie devrait élaborer et mettre en œuvre des mesures appropriées pour empêcher toute violence sexuelle dans tous ses centres de détention. Il devrait veiller à ce que toutes les allégations de violence dans des centres de détention fassent l’objet d’une enquête rapide et indépendante, que leurs auteurs soient poursuivis et dûment condamnés et que les victimes aient la possibilité de demander réparation et d’être dûment indemnisées.

33.Le Comité est préoccupé par le traitement des femmes détenues dans l’État partie, notamment par les humiliations à connotation sexiste dont elles font l’objet et par la pratique consistant à entraver les détenues pendant l’accouchement (art. 16).

L’État partie devrait prendre toutes les mesures appropriées pour garantir que les femmes en détention soient traitées conformément aux normes internationales.

34.Le Comité réitère les inquiétudes exprimées dans ses précédentes recommandations quant aux conditions de détention des enfants, en particulier le fait qu’ils puissent ne pas être complètement séparés des adultes en cas de détention avant jugement et pour l’exécution de leur peine. Il est également préoccupé par le grand nombre d’enfants condamnés à la réclusion à perpétuité dans l’État partie (art. 16).

L’État partie devrait veiller à ce que les enfants détenus soient placés dans des établissements distincts de ceux des adultes conformément aux normes internationales. Il devrait en outre prêter attention au problème des peines de réclusion à perpétuité prononcées contre des enfants dans la mesure où elles pourraient être constitutives de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

35.Le Comité demeure préoccupé par l’utilisation généralisée d’engins produisant des décharges électriques par les membres des forces de l’ordre de l’État partie, à l’origine de plusieurs décès. Il craint que cette pratique ne soulève des questions graves de compatibilité avec l’article 16 de la Convention.

L’État partie devrait reconsidérer sérieusement la question de l’utilisation d’engins produisant des décharges électriques, réglementer strictement leur usage en le limitant aux seuls cas où ils servent à remplacer des armes meurtrières et mettre fin à leur utilisation pour maîtriser des personnes en état d’arrestation car cette pratique est en infraction avec l’article 16 de la Convention.

36.Le Comité demeure préoccupé par le régime extrêmement dur imposé aux détenus des «prisons de sécurité maximale». Il s’inquiète de la mise à l’isolement prolongée de détenus et de ses incidences sur leur santé mentale, et craint qu’un tel régime puisse avoir un objectif punitif, auquel cas il serait constitutif d’une peine ou d’un traitement cruel, inhumain ou dégradant (art. 16).

L’État partie devrait reconsidérer le régime imposé aux détenus dans les «prisons de sécurité maximale» en particulier en ce qui concerne la pratique de la mise à l’isolement prolongée.

37.Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de brutalités et d’usage excessif de la force par les personnels de maintien de l’ordre de l’État partie, ainsi que par les nombreuses allégations de mauvais traitements infligés aux membres de groupes vulnérables, notamment les minorités raciales, les migrants et d’autres personnes en raison de leur orientation sexuelle, qui n’ont pas fait l’objet d’enquêtes suffisantes (art. 16 et 12).

L’État partie devrait faire en sorte que les rapports faisant état de brutalités et de mauvais traitements infligés à des personnes appartenant à des groupes vulnérables par les personnels de maintien de l’ordre fassent rapidement l’objet d’enquêtes indépendantes et approfondies et que les responsables soient poursuivis et dûment punis.

38.Le Comité encourage vivement l’État partie à inviter le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants à se rendre à Guantánamo ainsi que dans tout autre centre de détention sous son contrôle de facto, conformément aux modalités applicables aux missions d’établissement des faits au titre des procédures spéciales des Nations Unies.

39.Le Comité invite l’État partie à reconsidérer son intention expresse de ne pas devenir partie au Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

40.Le Comité recommande de nouveau à l’État partie d’envisager de retirer les réserves, déclarations et interprétations qu’il a formulées lors de la ratification de la Convention.

41.Le Comité encourage l’État partie à envisager de faire la déclaration prévue à l’article 22 par laquelle il reconnaîtrait la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers, et de ratifier le Protocole facultatif à la Convention.

42.Le Comité demande à l’État partie de lui communiquer des données statistiques détaillées, ventilées par sexe, origine ethnique et comportement, sur les plaintes pour actes de torture et mauvais traitements imputées aux agents des forces de l’ordre, ainsi que sur les enquêtes, les poursuites, les sanctions pénales et les actions disciplinaires auxquelles elles ont donné lieu. Il lui demande également de fournir des données statistiques et des renseignements analogues sur l’application de la loi sur les droits civils des personnes placées en institution par le Département de la justice, notamment en ce qui concerne la prévention, l’ouverture d’enquêtes et l’engagement d’actions se rapportant à des actes de torture ou d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants commis dans des centres de détention, et sur les mesures qu’il a adoptées pour mettre en œuvre la loi sur l’élimination du viol en prison et leur impact. Il demande à l’État partie de fournir des renseignements sur toute indemnisation et tous moyens de réadaptation accordés aux victimes. Il l’encourage à créer une base de données fédérale pour faciliter la collecte de ces statistiques et renseignements qui sont utiles pour évaluer la mise en œuvre des dispositions de la Convention et l’exercice effectif des droits qui y sont consacrés. Le Comité prie en outre l’État partie de fournir des informations sur les enquêtes ouvertes au sujet des allégations de mauvais traitements qui auraient été commis par des agents des forces de l’ordre au lendemain du cyclone Katrina.

43.Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir, dans le délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 16, 20, 21, 22, 24, 33, 34 et 42 ci-dessus.

44.Le Comité demande à l’État partie de diffuser largement son rapport ainsi que ses additifs et les réponses écrites à la liste des points à traiter du Comité et aux questions qui lui ont été posées oralement par certains de ses membres, de même que les conclusions et recommandations du Comité, dans toutes les langues voulues, par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

45.L’État partie est invité à faire parvenir son prochain rapport périodique, qui sera considéré comme son cinquième rapport, avant le 19 novembre 2011, date à laquelle son cinquième rapport périodique doit être présenté.

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