Nations Unies

CERD/C/LTU/CO/4-5

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

4 avril 2011

Français

Original: anglais

Comité pour l’éliminati on de la discrimination raciale

Soixante-dix-huitième session14 février-11 mars 2011

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Lituanie

1.Le Comité a examiné les quatrième et cinquième rapports périodiques de la Lituanie, présentés en un seul document (CERD/C/LTU/4-5), à ses 2075e et 2076e séances (CERD/C/SR.2075 et 2076), tenues les 2 et 3 mars 2011. À sa 2087e séance, le 10 mars 2011, il a adopté les observations finales suivantes.

A.Introduction

2.Le Comité salue l’excellente qualité des quatrième et cinquième rapports périodiques de l’État partie, soumis en un seul document. Il se félicite de la présence d’une délégation nombreuse et de haut niveau et remercie celle-ci pour les informations actualisées qu’elle lui a apportées oralement en complément du rapport, en tenant compte de la liste de thèmes établie par le Rapporteur. Il se félicite également du dialogue franc et constructif qu’il a eu avec l’État partie.

B.Aspects positifs

3.Le Comité se félicite de l’adoption, en 2005, de la loi relative à l’égalité de traitement, qui interdit la discrimination directe ou indirecte fondée, notamment, sur l’âge, l’orientation sexuelle, le handicap, la race ou l’origine ethnique.

4.Le Comité accueille avec satisfaction les modifications apportées à la législation pour lutter contre la discrimination, notamment:

a)La modification apportée au Code pénal (juillet 2009) en vertu de laquelle il est expressément prévu que le motif racial ou le but raciste d’une infraction constitue une circonstance aggravante;

b)La modification apportée à la loi relative à l’égalité de traitement (juin 2008), qui offre aux victimes de discrimination raciale de plus amples garanties de procédures en reportant la charge de la preuve sur le défendeur dans les affaires de discrimination, sauf au pénal;

c)La loi modifiant et complétant le Code pénal (juillet 2007), qui étend le champ de l’infraction de profanation à d’autres lieux dignes de respect pour des raisons raciales, nationales ou religieuses.

5.Le Comité accueille avec satisfaction l’arrêt de la Cour constitutionnelle par lequel celle-ci a déclaré inconstitutionnelle la loi relative à la citoyenneté, qui contenait des dispositions discriminatoires à l’égard des personnes qui n’étaient pas d’origine ethnique lituanienne.

6.Le Comité constate avec satisfaction que tous les résidents permanents, y compris les apatrides, ont le droit de voter ou d’être candidats aux élections aux conseils municipaux.

7.Le Comité se félicite de ce qu’une nouvelle catégorie d’informations ait été ajoutée aux fiches statistiques des institutions chargées de faire respecter la loi afin d’assurer une meilleure surveillance des infractions à caractère raciste.

8.Le Comité accueille avec satisfaction les données statistiques sur la composition de la population ventilées par nationalité, citoyenneté, religion et groupe minoritaire. Il se félicite du recensement national qui aura lieu en 2011, dont les préparatifs sont en cours.

9.Le Comité accueille avec satisfaction le projet de loi relative aux minorités, qui accorde aux membres de minorités dans les zones où ils sont fortement représentés le droit de s’adresser aux autorités et aux organismes locaux dans leur langue, ainsi que les dispositions du projet de loi prévoyant que les panneaux et les informations peuvent être rédigés à la fois dans la langue des minorités nationales et dans la langue officielle.

C.Sujets de préoccupation et recommandations

10.Le Comité, tout en saluant l’action menée par les organes consultatifs qui s’occupent des droits de l’homme, en particulier par le Médiateur pour l’égalité des chances, est préoccupé par les coupes budgétaires qui leur sont imposées. Il regrette à nouveau que l’État partie n’ait pas encore décidé de créer une institution nationale des droits de l’homme (CERD/C/LTU/CO/3, par. 11). Il prend note, cependant, des indications de la délégation selon lesquelles la question est encore à l’examen (art. 2).

Le Comité recommande à l’État partie de doter les org anes consultatifs mentionnés ci ‑ dessus des ressources humaines et financières nécessaires pour leur permettre de fonctionner au mieux . Il recommande en outre à l’État partie de créer une institution nationale des droits de l’homme indépendante conformément aux Principes de Paris (résolution 4 8 /134 de l’Assemblée générale ).

11.Le Comité note qu’une loi sur les minorités nationales est à l’examen.

Le Comité engage l’État partie à adopter cette loi le plus rapidement possible afin de donner effet aux dispositions pertinentes de la Convention, en particulier celles de l’article 4.

12.Le Comité note que malgré les efforts déployés sur les plans législatif et institutionnel pour combattre les préjugés raciaux et les stéréotypes xénophobes dans le sport et les médias et sur Internet, des incidents à caractère raciste et xénophobe continuent de se produire (art. 2 et 4).

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que les incidents à caractère raciste et xénophobe et les comportements discriminatoires donnent effectivement lieu à des poursuites, à ce que les responsables soient punis et à ce que les victimes disposent de recours utiles. Renvoyant à ses observations finales précédentes (CERD/C/LTU/CO/3, par. 12), le Comité recommande à l’État partie d’enquêter sur les crimes motivés par la haine conformément à la législation nationale et à la Convention. Il recommande en outre à l’État partie de mener des campagnes de sensibilisation d e l’opinion publique et de prévention.

13.Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas fourni suffisamment d’informations sur la ségrégation raciale et qu’il ne l’ait évoquée qu’en tant que crime contre l’humanité, sans tenir compte d’autres éléments de sa législation (art. 3).

Le Comité recommande à l’État partie de surveiller toutes les formes de ségrégation raciale à la lumière de sa Recommandation générale n o 19 (1995) sur la ségrégation et l’apartheid (art. 3 de la Convention), en gardant à l’esprit que les situations de ségrégation raciale ne sont pas seulement créées par des politiques gouvernementales, mais qu’elles peuvent également être le résultat non intentionnel d’actions de personnes privées, comme c’est le cas par exemple de s zones d’habitation ressemblant à des ghettos et d’autres formes d’isol ement social . Il invite l’État partie à fournir des renseignements à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

14.Le Comité prend connaissance avec intérêt des statistiques sur les cas de discrimination raciale fournies par la délégation et prend note de la diminution du nombre de plaintes liées à ce type de discrimination. Selon certaines informations, les victimes de discrimination raciale ne portent pas plainte par crainte de représailles, notamment de perdre leur emploi (art. 4 et 6).

Le Comité recommande à l’État partie de tenir pleinement compte de sa Recommandation générale n o 31 (2005) sur la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement du système de justice pénale, notamment de concevoir des programmes d’éducation appropriés à l’intention des responsables de l’application des lois et des groupes minoritaires. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour assurer la représentation de s groupes minoritaires dans la police et l’appareil judiciaire.

15.Le Comité s’inquiète de ce que les Roms continuent d’être marginalisés et de vivre dans la précarité en ce qui a trait au logement, à l’accès à des services de santé adéquats et à l’emploi, et de ce que certains d’entre eux n’ont pas de pièces d’identité et sont considérés comme apatrides bien qu’ils soient nés dans le pays (art. 3 et 5).

Le Comité, compte tenu de sa R ecommandation générale n o 27 (2000) sur la discrimination à l’égard des Roms, recommande à l’État partie de prendre des mesures spéciales en faveur des Roms à la lumière de sa R ecommandation générale n o 32 (2009) sur la signification et la portée des mesures spéciales dans la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et d’améliorer leur situation et leur protection. Il recommande également à l’État partie d’affecter des ressources suffisantes à des programmes ciblant la communauté rom et visant, par exemple, à résoudre les problèmes liés à leurs pièces d’identité et à l’apatridie, et de faire participer les représentants des Roms et l es organisations de la société civile à la mise en œuvre de ces programmes.

Le Comité recommande à l’État partie de procéder à une évaluation des programmes en faveur des Roms afin d’ apprécier le degré d’intégration des Roms dans la société lituanienne.

16.Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie pour améliorer l’éducation dispensée aux enfants roms. Il regrette cependant l’absence de statistiques sur le nombre d’enfants roms qui achèvent leurs études secondaires et sur le placement d’enfants roms dans des écoles pour enfants ayant des besoins spéciaux (art. 5).

Dans le prolongement de ses observations finales précédentes (CERD/C/LTU/CO/3, par. 19), le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts pour accueillir les enfants roms dans des écoles ordinaires, de s’employer résolument à remédier au problème de l’abandon scolaire chez les enfants roms et de promouvoir la langue rom dans le système scolaire.

Le Comité recommande en outre à l’État partie d’instaurer un mécanisme permettant de déterminer avec précision le nombre d’enfants roms qui font des études secondaires ou supérieures.

Le Comité prie l’État partie de fournir dans son prochain rapport périodique des renseignements supplémentaires sur la procédure de prise de décision s relative au placement d’enfants roms dans des écoles pour enfants ayant des besoins spéciaux et sur les mesures prises par l’État pour inciter les parents roms à scolariser leurs enfants .

17.Le Comité relève avec préoccupation qu’en raison de la crise financière, les programmes de l’État partie visant à remédier au problème de la discrimination, en particulier la discrimination à l’égard des Roms, ont pâti de coupes budgétaires disproportionnées (art. 5).

Le Comité invite l’État partie à renforcer ses politiques et ses programmes en faveur de l’intégration des groupes minoritaires, en particulier des Roms, dans la société lituanienne, en tenant compte de sa Recommandation générale n o 27 (2000) sur la discrimination à l’égard des Roms. Il encourage l’État partie à prendre part aux initiatives collectives européennes en faveur des Roms et à allouer des ressources suffisantes aux programmes existants concernant les Roms .

18.Le Comité regrette l’absence d’informations complètes sur la situation des femmes appartenant à des groupes minoritaires qui sont généralement victimes de multiples formes de discrimination (art. 5).

Le Comité renouvelle ses précédentes recomma ndations (CERD/C/LTU/CO/3, par.  16) invitant l’État partie à fournir des renseignements à jour sur la situation générale des femmes appartenant à des groupe s minoritaires en tenant compte de sa Recommandation générale n o 25 (2000) sur la dimension sexiste de la discrimination raciale.

19.Le Comité s’inquiète du nombre élevé d’apatrides dans le pays (art. 5).

Le Comité souhaite avoir des informations sur les mesures et initiatives prises par l’État partie pour réduire le nombre d’apatrides compte tenu de sa Recommandation générale n o 30 (2004) sur la discrimination contre les non-ressortissants. Il attire l’attention de l’État partie sur les obligations qui lui incombent en vertu de la Convention de 1954 relative au statut des réfugiés, à laquelle il a adhéré le 7 février 2000.

20.Le Comité se félicite des programmes mis en place par l’État partie pour lutter contre la traite d’êtres humains mais est préoccupé par les coupes budgétaires qui entravent leur mise en œuvre effective. Il s’inquiète de ce que les victimes de la traite, en particulier les non-ressortissants, hésitent à porter plainte en raison de leur manque de confiance à l’égard des institutions chargées de faire respecter la loi (art. 5 et 6).

Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre s a lutte contre la traite d es êtres humains en général, et aux fins de l’ exploitation sexuelle en particulier. Il prie instamment l’État partie de consacrer des ressources suffisantes à son action dans ce domaine et de fournir au Comité, dans son prochain rapport, des renseignements à jour sur les résultats obtenus.

21.Le Comité note avec regret que le degré de sensibilisation aux droits de l’homme est encore faible en Lituanie, comme il est indiqué dans le rapport périodique à propos d’une résolution adoptée dans le cadre de la campagne européenne en faveur de la jeunesse intitulée «Tous différents, tous égaux» (art. 7).

Le Comité recommande à l’État partie d’allouer les ressources voulues pour renforcer les activités de sensibilisation et d’éducation aux droits de l’homme et de mettre, à cet égard, un accent particulier sur la non-discrimination, la culture de la communication et le respect de la diversité. Il engage l’État à accorder une attention particulière à la formation des enseignants et des responsables de l’application des lois.

22.Compte tenu de l’indivisibilité de tous les droits de l’homme, le Comité encourage l’État partie à envisager de ratifier les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme qui ne l’ont pas encore été, en particulier ceux dont les dispositions se rapportent directement à la discrimination raciale, tels que la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (1990) et la Convention de l’UNESCO concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement (1960).

23.À la lumière de sa Recommandation générale no 33 (2009) sur le suivi de la Conférence d’examen de Durban, le Comité recommande à l’État partie de donner effet à la Déclaration et au Programme d’action de Durban, adoptés en septembre 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, en tenant compte du Document final de la Conférence d’examen de Durban, tenue à Genève en avril 2009, lorsqu’il incorpore la Convention dans son ordre juridique interne. Il le prie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations précises sur les plans d’action et les autres mesures adoptés pour mettre en œuvre la Déclaration et le Programme d’action de Durban au niveau national.

24.Le Comité recommande à l’État partie de mettre sur pied et de faire largement connaître un programme approprié d’activités pour célébrer en 2011 l’Année internationale des personnes d’ascendance africaine, proclamée par l’Assemblée générale dans sa résolution 64/169 en date du 18 décembre 2009.

25.Le Comité recommande à l’État partie de continuer à tenir des consultations et d’approfondir son dialogue avec les organisations de la société civile œuvrant dans le domaine de la protection des droits de l’homme, en particulier avec celles qui luttent contre la discrimination raciale, en vue de l’élaboration de son prochain rapport périodique.

26.Le Comité engage l’État partie à envisager de faire la déclaration facultative prévue à l’article 14 de la Convention afin de reconnaître la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers.

27.Le Comité recommande à l’État partie de ratifier les amendements au paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention, adoptés le 15 janvier 1992 à la quatorzième réunion des États parties à la Convention et approuvés par l’Assemblée générale dans sa résolution 47/111 du 16 décembre 1992. À cet égard, le Comité renvoie aux résolutions 61/148 et 63/243, dans lesquelles l’Assemblée générale a demandé instamment aux États parties d’accélérer leurs procédures internes de ratification des modifications relatives au financement du Comité et d’informer par écrit le Secrétaire général, dans les meilleurs délais, de leur acceptation de ces modifications.

28.Le Comité recommande à l’État partie de rendre ses rapports aisément accessibles au public dès leur soumission, et de diffuser également les observations finales du Comité concernant ces rapports dans la langue officielle et les autres langues communément utilisées, selon le cas.

29.Notant que l’État partie a présenté son document de base en 1998, le Comité l’invite à en présenter une version actualisée conformément aux directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, en particulier celles qui portent sur le document de base commun, adoptées par la cinquième réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, tenue en juin 2006 (HRI/MC/2006/3).

30.Conformément au paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention et à l’article 65 de son règlement intérieur modifié, le Comité prie l’État partie de lui fournir, dans un délai d’un an à compter de l’adoption des présentes observations finales, des informations sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant aux paragraphes 12, 15, 18 et 19 ci‑dessus.

31.Le Comité attire également l’attention de l’État partie sur l’importance particulière que revêtent les recommandations 13, 16, 20 et 23 et le prie de donner dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures concrètes qu’il aura prises pour les mettre en œuvre.

32.Le Comité recommande à l’État partie de présenter ses sixième à huitième rapports périodiques en un seul document, d’ici au 9 janvier 2014, en tenant compte des directives pour l’établissement du document se rapportant spécifiquement à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, adoptées par le Comité à sa soixante et onzième session (CERD/C/2007/1), et d’y traiter tous les points soulevés dans les présentes observations finales. Le Comité l’engage aussi à respecter la limite de 40 pages fixée pour les rapports présentés au titre d’un instrument particulier et la limite de 60 à 80 pages fixée pour le document de base commun (voir les directives harmonisées figurant au paragraphe 19 du document HRI/GEN.2/Rev.6).