Nations Unies

CAT/OP/UKR/1

Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

16 mars 2016

Français

Original : anglais

Anglais, espagnol, français et russe seulement

Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Rapport sur la visite en Ukraine du Sous-Comité pour la prévention de la torture et autre peines ou traitement cruels, inhumains ou dégradants

Rapport à l’attention de l’État partie * , ** , ***

Table des matières

Paragraphes Page

I.Introduction1−133

II.Mécanisme national de prévention14−164

III.Problèmes généraux17−895

A.Cadre juridique18−205

B.Cadre institutionnel21−345

C.Garanties fondamentales35−588

D.Détention provisoire59−6013

E.Justice pour mineurs61−7313

F.Soins de santé74−8916

IV.Situation des personnes privées de liberté90−14118

A.Locaux de police et centres de détention temporaire90−9618

B.Centres de détention provisoire (SIZO)97−11019

C.Colonies pénitentiaires111−14121

V.Répercussions de la visite142−14327

Annexes

I.List of persons with whom the SPT met28

II.Places of deprivation of liberty visited30

I.Introduction

En application de l’article premier et de l’article 11 du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autre peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Sous-Comité de la prévention de la torture (SPT) a effectué une visite en Ukraine du 16 au 25 mai 2011.

Le SPT était représenté par les membres suivants : Malcolm Evans (Président et Chef de la délégation), Mari Amos, Arman Danielyan, Lowell Patria Goddard, Zbigniew Lasocik, Aisha Shujune Muhammad, Hans Draminsky Petersen, Maria Margarida Pressburger et Víctor Rodríguez-Rescia.

Les membres du SPT étaient assistés de Patrice Gillibert (Secrétaire du SPT), Dmitri Alechkevitch, Yulia Babuzhina et Michelle Kierulf, membres du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), ainsi que de Dmitry Cherepanov et Andrej Putintsev (agents de sécurité hors siège de l’ONU) et de six interprètes.

Pendant sa visite, le SPT a examiné le traitement réservé aux personnes privées de liberté dans un grand nombre d’établissements de différentes régions du pays. Le SPT estime que, sauf mention contraire, ses constatations témoignent de la situation générale des personnes privées de liberté dans l’État partie.

Si tous les lieux de détention dans lesquels le SPT s’est rendu ne sont pas mentionnés dans le présent rapport, le Sous-Comité se réserve néanmoins le droit de faire des observations au sujet d’un établissement quelconque qu’il aura visité dans le cadre de son dialogue futur avec l’État partie. L’absence d’observations au sujet d’un établissement particulier visité par le SPT n’est le signe ni d’un avis positif ni d’un avis négatif de sa part concernant celui-ci.

Outre les visites qu’il a effectuées dans des lieux de détention, le SPT s’est entretenu avec différentes autorités gouvernementales, des représentants du système des Nations Unies dans le pays et des membres de la société civile. Il tient à les remercier pour les informations précieuses qu’ils lui ont communiquées.

À la fin de sa visite, le SPT a présenté ses observations préliminaires confidentielles oralement aux autorités ukrainiennes. Dans le présent rapport, le SPT expose ses observations et recommandations relatives à la prévention de la torture et des mauvais traitements concernant les personnes privées de liberté en Ukraine. Dans le présent rapport, l’expression « mauvais traitements » est utilisée au sens générique et vise toutes les formes de traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Le SPT demande aux autorités ukrainiennes de lui rendre pleinement compte, dans les six mois qui suivront la transmission du présent rapport, des mesures que l’État partie aura prises pour donner suite aux recommandations formulées.

Le présent rapport demeurera confidentiel jusqu’à ce que les autorités ukrainiennes décident de le rendre public, conformément au paragraphe 2 de l’article 16 du Protocole facultatif. La publication du présent rapport et des rapports adoptés par le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) contribuera indubitablement à prévenir la torture et les mauvais traitements en Ukraine, le SPT considérant que la large diffusion des recommandations favorisera un dialogue national transparent et fructueux sur le système de justice pénale en Ukraine.

Le SPT tient à appeler l’attention de l’État partie sur le fonds spécial créé en vertu de l’article 26 du Protocole facultatif. Les recommandations formulées par le SPT dans ses rapports de visite publics peuvent être la base sur laquelle se fonde l’État partie pour faire une demande de financement de projets spécifiques par le fonds spécial.

Le SPT recommande à l’Ukraine de demander la publication du présent rap port conformément au paragraphe  2 de l’artic le  16 du Protocole facultatif. Il lui recommande en outre de demander la publication du rapport sur la visite qu’a effectuée le CPT dans le pays en 2009.

Le SPT tient à remercier les autorités ukrainiennes et, tout particulièrement, la coordonnatrice principale de la visite, Valeriya Lutkovska, Ministre de la justice, et ses collaborateurs, pour leur coopération et pour avoir facilité la visite.

Des détails complémentaires sur les difficultés rencontrées par le SPT en matière d’accès et de préparatifs de la visite sont contenus dans les observations préliminaires confidentielles.

II.Mécanisme national de prévention

L’Ukraine aurait dû avoir créé ou désigné un mécanisme national de prévention au plus tard un an après la ratification et l’entrée en vigueur du Protocole facultatif. Bien que des efforts aient été faits pour concevoir ce mécanisme, et notamment qu’un projet de décret présidentiel ait été élaboré, au moment de la visite du SPT le mécanisme national n’avait pas encore été créé. Dans ses observations préliminaires, le SPT s’est exprimé au sujet du projet de décret présidentiel et a notamment souligné que ses dispositions n’étaient pas conformes à l’article 17 et ne tenaient compte ni des Directives concernant les mécanismes nationaux de prévention ni des Principes de Paris.

À cet égard, le SPT regrette que les autorités ukrainiennes n’aient pas répondu à l’offre d’assistance et de conseils complémentaires aux fins de création d’un mécanisme national de prévention qu’il leur avait adressée conformément à l’article 11 b) i) du Protocole facultatif. Par ailleurs, le SPT a récemment appris que le décret présidentiel portant création de la Commission sur la prévention de la torture, en tant qu’organe consultatif placé sous les auspices du Président, avait finalement été signé.

Le SPT demande instamment aux autorités ukrainiennes de tenir pleinement compte des préoccupations qu’il a exprimées dans ses observations préliminaires. Dans le respect du principe de coopération et de dialogue constructif avec les États parties et conformément à l’article 11 b)  iv), il se déclare prêt à fournir une assistance complémentaire à l’État partie, sous la forme d’une visite consultative rapide, dans le but de formuler des recommandations et des observations en vue de renforcer les capacités et le mandat du mécanisme national de prévention désigné.

III.Problèmes généraux

Le SPT a examiné, outre la situation particulière des personnes privées de liberté dans différents types d’établissements (chap. IV), un certain nombre de problèmes systémiques généraux soulevés par le traitement de ces personnes, qui sont exposés dans les sections A à F.

A.Cadre juridique

La criminalisation de la torture

Le SPT considère que l’interdiction de la torture dans la législation présente plusieurs points faibles. Les autorités ukrainiennes continuent de considérer que l’application des articles 127 et 365 du Code pénal est conforme à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Parmi les préoccupations que lui inspire la définition de la torture telle qu’elle figure dans la législation nationale actuellement en vigueur, le SPT tient à mentionner notamment l’absence de l’expression « agent de la fonction publique » dans la définition et le fait que la torture ne s’entend que des souffrances découlant d’actes de violence physique.

En tant qu’État partie à la Convention contre la torture, l’Ukraine est liée par la définition énoncée à l’article premier de ladite Convention. Le SPT estime qu’une définition de l’infraction de torture conforme à l’article premier remplit une fonction préventive et que si cette définition dans le droit interne est trop éloignée de celle énoncée dans la Convention, le vide juridique réel ou potentiel qui en découle peut ouvrir la voie à l’impunité. La législation nationale doit prévoir des enquêtes, des poursuites et des sanctions pour tous les cas de torture ou de mauvais traitements. De plus, la sévérité de la peine devrait être en rapport avec la gravité des actes commis. Le SPT a reçu des informations indiquant que les auteurs de torture et de mauvais traitements étaient de facto poursuivis en vertu de l’article 365 du Code pénal, lorsqu’ils étaient poursuivis, car peu de poursuites et de condamnations étaient enregistrées.

Le SPT recommande que les dispositions relatives à la définition de la torture soient mises en pleine conformité avec la Convention. Il recommande en outre que le cadre juridique concernant la prévention de la torture et des mauvais traitements fasse l’objet d’une révision complète et tienne pleinement compte des obligations internationales de l’Ukraine dans le domaine des droits de l’homme. Enfin, le SPT recommande que l’infraction de torture soit poursuivie en vertu de la disposition relative à la torture, et non en tant qu’abus de pouvoir, et que les actes de torture ou les mauvais traitements soient punissables de peines proportionnelles à la gravité des actes commis.

B. Cadre institutionnel

La prévention de la torture et des mauvais traitements dans les lieux de privation de liberté relève de la responsabilité partagée de plusieurs institutions travaillant dans le domaine de l’administration de la justice, y compris la police, le ministère public, le système d’aide juridictionnelle, l’ordre judiciaire et l’administration pénitentiaire ainsi que toute autre autorité habilitée à prononcer le placement de personnes en détention. Le SPT est préoccupé de constater que le cadre institutionnel actuel de l’Ukraine ne garantit pas une protection suffisamment forte contre la torture et les mauvais traitements.

1.Administration de la police

Compte tenu des graves allégations reçues (voir le chapitre IV), le SPT est vivement préoccupé de ce que la police continue apparemment de subir des pressions officieuses pour qu’un nombre élevé de faits soient élucidés, ce qui encourage la pratique de l’extorsion d’aveux. Le SPT a rencontré des personnes ayant reconnu avoir commis jusqu’à 10 infractions différentes. Il se félicite des déclarations faites par le Ministre des affaires intérieures en avril 2011, selon lesquelles les autorités ont l’intention de mettre moins l’accent sur le taux de faits élucidés. Le SPT a pris note des informations selon lesquelles la police serait dotée d’un budget insuffisant et la rémunération des policiers serait très faible.

Le SPT recommande au Ministère des affaires intérieures de publier une ordonnance officielle interdisant la fixation de taux d’élucidation par la police et de mettre au point un plan d’action pour contrer la mentalité négative que cette pratique a générée.

Le SPT recommande à l’État partie de prévoir une allocation budgétaire suffisante pour que la police soit constituée d’agents motivés, correctement rémunérés, suffisamment formés aux techniques modernes d’enquête criminalistique et au courant des méthodes respectueuses des droits de l’homme. Des mécanismes de surveillance interne devraient être mis en place pour garantir que les normes internationales relatives aux droits de l’homme soient respectées par les policiers .

2.Procureur général

Le SPT demeure vivement préoccupé par la multiplicité des fonctions exercées par le procureur qui a) mène les enquêtes criminelles, b) contrôle la légalité de celles-ci et vérifie que les droits de l’homme sont respectés pendant leur déroulement et c) assume la responsabilité des poursuites engagées contre les personnes officiellement mises en examen. Par ailleurs, les procureurs continueraient de s’en remettre pour une grande part aux aveux des suspects pour accomplir leur tâche.

Faisant écho aux recommandations formulées par d’autres organes internationaux et mécanismes régionaux , le SPT recommande que les rôles multiples du ministère public fassent l’objet d’une révision tendant à renforcer l’indépendance des enquêtes ouvertes sur les allégations d’actes de torture ou de mauvais traitements.

Le SPT recommande en outre à l’État partie de faire en sorte que les procureurs reçoivent une formation appropriée de manière que leur rôle soit bien dissocié de celui d’autres acteurs institutionnels, tels que les enquêteurs de police et les juges. Leur formation de vrait insister notamment sur a)  la nécessité d’un moindre recours aux a veux comme mode de preuve et b)  l’obligation de signaler les cas de torture ou de mauvais traitements. Le ministère public se doit de pleinement respecter, dans l’exercice de ses fonctions, les normes internationales relatives aux droits de l’homme .

3.Aide juridictionnelle gratuite

En s’entretenant avec des personnes privées de liberté, le SPT a constaté qu’il n’existait pas en Ukraine de système effectif d’aide juridictionnelle gratuite. La législation nationale prévoit qu’un prévenu bénéficie de l’aide juridictionnelle gratuite s’il est dans l’incapacité de payer les services d’un avocat. Toutefois, la plupart des personnes interrogées qui n’étaient pas en mesure de payer les services d’un avocat n’avaient bénéficié ni de l’assistance d’un défenseur public ni d’une aide juridictionnelle. Ainsi, la plupart des personnes privées de liberté ne bénéficiaient d’aucune représentation juridique effective.

Le SPT recommande à l’État partie de faire du renforcement du système d’aide juridictionnelle une priorité, afin de garantir qu’il dispose des ressources humaines et financières nécessaires pour lui permettre d’offrir effectivement une assistance juridique suffisante à toutes les personnes privées de liberté et, en priorité, de manière urgente, aux personnes, en particulier les enfants, se trouvant en détention provisoire.

4.Le corps judiciaire

Selon le droit ukrainien, si l’organe chargé de l’enquête veut garder un suspect en détention pendant plus de soixante-douze heures, il doit le faire comparaître devant un juge pour que celui-ci rende une décision motivée dans un délai de trois jours. Les entretiens menés par le SPT ont confirmé que l’obligation de faire comparaître les détenus devant un juge dans le délai indiqué était généralement respectée mais beaucoup se sont plaints de ce que les juges s’intéressaient peu aux circonstances de leur arrestation et avaient tendance à entériner d’office la demande d’extension de la détention. D’après les informations recueillies, les juges s’enquéraient rarement du traitement des détenus pendant l’enquête.

Étant donné les allégations régulières de torture et de mauvais traitements (voir le chapitre IV), les juges devraient être attentifs aux signes de torture et de mauvais traitements et prendre des mesures juridiques de nature à faire cesser de tels actes et à remédier aux préjudices infligés.

Le SPT recommande que les juges soient tenus par la loi de s’enquérir auprès des détenus de la manière dont ils ont été traités pendant l’enquête, d’enregistrer par écrit toute allégation de torture ou de mauvais traitements et d’ordonner que soit pratiqué un examen médico-légal immédiat lorsqu’il y a lieu de penser qu’un détenu a pu être soumis à la torture ou à des mauvais traitements.

Le maintien du recours aux aveux comme élément clef dans les procédures judiciaires est préoccupant, même si la législation nationale dispose que les aveux ne constituent qu’une partie de la preuve et qu’ils doivent être vérifiés et corroborés par d’autres éléments de preuve.

Le SPT recommande avec force que la formation des juges soit renforcée afin d’éviter un recours excessif aux aveux comme mode de preuve. Par ailleurs, les juges devraient à tout moment refuser d’accepter des aveux lorsqu’il existe des motifs raisonnables de croire que ceux-ci ont été obtenus par la torture ou par des mauvais traitements.

C.Garanties fondamentales

1.Garanties applicables au moment de la privation de liberté

a)Informations concernant les motifs de l’arrestation et les droits des détenus

De nombreuses personnes interrogées ont indiqué qu’elles n’avaient pas été dûment informées des raisons de leur placement en détention au moment de leur arrestation et qu’elles n’avaient pas non plus été informées de leurs droits. Informer les personnes privées de liberté de la raison de leur arrestation et de leurs droits constitue une garantie fondamentale contre la détention arbitraire ainsi que contre la torture et les mauvais traitements.

Le SPT recommande à l’État partie de veiller à ce que des instructions soient données aux agents chargés de la mise en détention pour que soit garanti le respect effectif et systématique du droit de toute personne privée de liberté d’être informée oralement et par écrit de la raison de son arrestation et de ses droits pendant sa détention, dans une langue qu’elle peut comprendre, dès le début de la détention, et à ce que ces données soient enregistrées.

b)Droit d’informer un tiers de la mise en détention

Le droit des personnes privées de liberté d’informer une personne de leur choix de leur détention représente une garantie fondamentale contre la torture et les mauvais traitements. Le SPT a relevé plusieurs cas de personnes privées de liberté qui n’avaient pu pendant longtemps informer de leur détention une tierce personne de leur choix, bien qu’elles en aient fait la demande.

Le SPT recommande que les personnes privées de liberté soient autorisées à aviser ou à demander à l’autorité compétente d’aviser une personne de leur choix de leur détention et du lieu où elles sont détenues, sans frais. Cette notification sera faite sans délai après leur mise en détention initiale ou leur arrestation ainsi qu’après tout transfert d’un lieu de détention à un autre. Cette notification sera faite de préférence par téléphone et la date et l’heure de l’appel téléphonique, ainsi que l’identité de la personne avisée, seront notées dans le registre.

c)Droit à une assistance juridique

Cela constituant une garantie fondamentale contre la torture et les mauvais traitements, les détenus devraient avoir le droit de bénéficier d’une assistance juridique dès le début de la détention et un représentant juridique indépendant devrait en principe être autorisé à être présent et à assister le détenu pendant tous les interrogatoires de police et durant les comparutions devant un juge. Si le détenu a subi des actes de torture ou des mauvais traitements, l’accès à la défense, outre le fait d’avoir une fonction préventive, facilitera l’exercice du droit de déposer plainte.

Ainsi qu’il a été mentionné plus haut, dans la section sur l’aide juridictionnelle, une forte proportion des personnes interrogées en Ukraine n’avaient pas eu accès à celle-ci. En outre, un grand nombre d’entre elles ont informé le SPT du fait qu’elles avaient été contraintes de signer des déclarations par lesquelles elles renonçaient à ce droit fondamental.

Le SPT recommande aux autorités ukrainiennes compétentes de prendre des mesures immédiates pour faire cesser et sanctionner sévèrement la pratique généralisée tendant à contraindre des personnes à signer des déclarations par lesquelles elles renoncent à leur droit à une assistance juridique, ce qui est un exemple clair d’abus de pouvoir. Toute allégation relative à cette pratique devrait faire l’objet d’une enquête approfondie et les responsables devraient être tenus de rendre compte de leurs actes.

Le SPT recommande aux autorités de veiller à ce que les personnes privées de liberté soient systématiquement informées de leur droit d’avoir accès à un avocat de leur choix, de faire en sorte qu’elles bénéficient de services d’aide juridictionnelle et qu’elles puissent exercer librement ce droit dès le début de leur privation de liberté et tout au long de la procédure pénale .

d)Durée de la garde à vue

Des allégations crédibles ont été reçues faisant état de la pratique consistant à déplacer des détenus d’un lieu de détention à un autre pour éviter la procédure d’enregistrement et contourner le principe de la durée maximum légale de détention dans les lieux de garde à vue. Ces pratiques témoignent de la mauvaise foi des autorités dans l’exécution de leurs obligations juridiques à l’égard des détenus et pourraient être assimilées à de la détention arbitraire.

Le SPT recommande que la durée maximum de détention dans les différentes catégories de lieux de garde à vue, telle que prévue par la loi, soit strictement respectée par le personnel concerné et que cela soit rigoureusement contrôlé par les autorités compétentes, y compris les tribunaux.

e)Examen médical

En analysant les registres médicaux tenus dans les locaux de police et en s’entretenant avec des détenus, le SPT a constaté que de nombreux détenus étaient soumis à un examen médical de routine après leur arrestation. Toutefois, l’accès à un professionnel de santé n’était pas garanti et le SPT a également reçu plusieurs allégations sérieuses de personnes qui n’avaient pas été examinées ou à qui des soins médicaux d’urgence avaient été refusés ou dispensés tardivement. Le SPT a noté que les registres contenaient peu de données et que celles-ci étaient souvent répétitives, ce qui était le signe d’un niveau d’examen superficiel. Lorsque des blessures étaient mentionnées, les registres ne contenaient pas d’évaluation quant à leur origine. En outre, les blessures constatées et enregistrées à l’arrivée d’un détenu ne faisaient pas l’objet d’un suivi.

D’un point de vue préventif, les examens médicaux et l’enregistrement en bonne et due forme des blessures que présentent les personnes privées de liberté sont des garanties importantes en matière de prévention de la torture et des mauvais traitements et de lutte contre l’impunité. Les États doivent procéder immédiatement à une enquête impartiale chaque fois qu’il y a des motifs raisonnables de croire qu’un acte de torture a été commis ou que des mauvais traitements ont été infligés. Les examens, y compris un examen médical et psychologique indépendant et complet, doivent être pratiqués en privé par un professionnel de santé formé à la description et au signalement des blessures. Les résultats des examens pratiqués doivent être tenus confidentiels ; ils ne doivent être communiqués ni à la police ni au personnel pénitentiaire mais uniquement au détenu et/ou à son avocat, conformément au Protocole d’Istanbul.

Le SPT recommande aux autorités ukrainiennes de garantir que tous les professionnels de santé travaillant avec des personnes privées de liberté reçoivent une formation élémentaire leur permettant de savoir décrire et évaluer les blessures, de signaler les cas de torture et d’orienter les victimes pour qu’elles soient examinées par des experts, conformément aux principes du Protocole d’Istanbul. En outre, l’État partie devrait créer un organe d’experts indépendant dont feraient partie des médecins spécialistes et des psychologues, qui serait habilité à enquêter sur les cas de torture et de mauvais traitements et à documenter ceux-ci conformément au Protocole d’Istanbul. Les blessures constatées et enregistrées devraient faire l’objet d’un suivi.

Le SPT recommande qu’à l’issue de l’examen médical pratiqué pour chaque détenu, il soit fait état par écrit a)  des antécédents médicaux du détenu, y compris de toute allégation de violence récente et de la description par l’intéressé de la manière dont les éventuelles bles sures subies ont été faites, b)  de l’existence de douleurs et de symptômes, c)  du résultat de l’examen clinique, accompagné en particulier de la description des éventuelles blessures et d’une note indiquant si tou t le corps a été examiné, et d)  de la conclusion du professionnel de santé s’agissant de la cohérence des trois éléments d’information susmentionnés. Si le professionnel de santé a des raisons de supposer que des actes de torture ou des mauvais traitements ont été pratiqués, il devrait en être fait mention dans un registre national d’allégations de torture et de mauvais traitements, avec le consentement de la personne examinée ou, si celle-ci refuse de donner son consentement, de manière anonyme. En outre, le professionnel de santé devrait, avec le consentement du détenu, diriger celui-ci vers un expert indépendant qui pratiquera un examen complémentaire, conformément au Protocole d’Istanbul, ceci afin de faciliter toute enquête disciplinaire ou pénale ultérieure. Le rapport médical confidentiel devrait être remis au détenu et/ou à son avocat. Enfin, une assistance médicale devrait être garantie et accessible à toute personne détenue qui en fait la demande .

2.Registres

Les registres étaient généralement bien tenus dans les différents types d’établissements visités. Toutefois, le SPT a relevé quelques inexactitudes et omissions importantes concernant l’enregistrement des entrées et sorties de détenus. Il a relevé en outre, ainsi qu’il l’a mentionné dans ses observations préliminaires, un nombre particulièrement peu élevé d’entrées de personnes depuis le début de 2011 dans les locaux de police visités. Enfin, le SPT a noté que les différents types de registres existant dans l’ensemble du pays étaient conçus sur des modèles similaires mais non identiques et qu’il conviendrait de moderniser le système d’enregistrement.

Le SPT rappelle à l’État partie que la tenue de registres complets et fiables concernant les personnes privées de liberté constitue l’une des garanties fondamentales contre la torture ou les mauvais traitements et qu’elle est une condition indispensable à l’exercice effectif des garanties d’une procédure régulière, comme le droit de contester la légalité de la détention (habeas corpus) et le droit du détenu de comparaître rapidement devant un juge.

Le SPT recommande l’établissement progressif de registres électroniques dans l’ensemble du pays ainsi que leur harmonisation. Toutes les personnes privées de liberté devraient être rapidement enregistrées selon un système standardisé et unifié.

Le SPT recommande que dans les registres tenus dans les locaux de police et les centres de détention provisoire soient consignés, pour chaque détenu, les informations suivantes  : 1)  la date et l’heure exactes de l’arrestation  ; 2)  l’heure exacte de l’admission  ; 3)  le motif de l’arrestation  ; 4)  l’autorité qui en a donné l’ordre  ; 5) l’identité du ou des fonctionnaires chargés d’y procéder  ; 6)  la date, l’heure et les motifs du ou des transferts ou de la remise en liberté  ; 7)  des indications précises quant au lieu dans lequel la personne a été détenue pendant toute la période de détention (par exemple le numéro de cellule)  ; 8)  l’identité de la personne avisée de la détention, la date et l’heure à laquelle elle l’a été, y compris la signature du fonctionnaire qui a procédé à la notification  ; 9) la date et l’heure d’une éventuelle visite de la famille  ; 10) la date et l’heure de la demande d’entretien avec un avocat et/ou de la rencontre avec celui-ci  ; 11)  la date et l’heure de la demande de visite d’un professionnel de santé et/ou de la visite de celui-ci  ; et 12)  la date et l’heure de la première comparution de la personne détenue devant une autorité judiciaire ou toute autre autorité . Ces informations devraient, en tant que de besoin, être communiquées à l’avocat du détenu . Les policiers devraient être correctement formés à la tenue des registres et inscrire les données à l’arrivée du détenu. Le SPT recommande également que figure dans le registre l’inventaire des effets personnels de la personne arrêtée, y compris les sommes d’argent, et que celui-ci soit signé par le fonctionnaire et par le détenu à son arrivée et de nouveau lorsque les effets personnels sont restitués au détenu ou à son représentant, lorsqu’il quitte les locaux de police.

3.Mécanismes de plainte

Les personnes privées de liberté n’étaient que vaguement au courant de la possibilité qu’elles avaient de présenter une plainte et n’auraient, d’une manière générale, pas recouru à cette possibilité, soit parce qu’elles ne pensaient pas que cela pourrait donner un résultat positif ou utile, soit parce qu’elles pensaient que la démarche leur vaudrait des représailles. Le SPT a également reçu des allégations faisant état de falsification ou de non-transmission de la correspondance.

Une démarche fondée sur les droits de l’homme suppose qu’il soit reconnu que les personnes privées de liberté ont des droits et doivent pouvoir non seulement présenter des plaintes mais aussi avoir accès aux moyens nécessaires pour intenter une action devant les tribunaux et obtenir justice. L’une des garanties fondamentales contre la torture et les mauvais traitements est le droit reconnu à un détenu ou à son conseil de présenter une plainte officielle quant à la façon dont il est traité. Il ne suffit pas que des mécanismes de plainte existent ; ceux-ci doivent être indépendants, impartiaux et efficaces, et considérés comme tels.

À cet égard, le SPT recommande  :

a) Que toutes les personnes privées de liberté soient informées (par exemple au moyen de brochures et d’affiches) de leur droit de soumettre directement des plaintes de manière confidentielle, c’est-à-dire sans filtrage de la part de la police ou du personnel pénitentiaire et/ou d’autres détenus, à l’autorité responsable de l’administration du lieu de détention, à des autorités supérieures et à des autorités de recours  ;

b) Que le droit de soumettre des plaintes soit garanti dans la pratique, que les plaintes soient reçues sans censure quant au fond et qu’elles fassent l’objet d’un examen et d’une réponse sans retard  ;

c) Que les personnes soumettant une plainte ne fassent l’objet ni de représailles ni d’autres formes de préjudice  ;

d) Que les autorités compétentes établissent et tiennent un registre de toutes les plaintes reçues, dans lequel soient indiqués la nature des plaintes, l’établissement d’où elles proviennent, la date de leur réception, la date des décisions, la nature de la décision et toute mesure prise pour y donner suite  ;

e) Que l’État partie établisse un registre national de toutes les allégations de torture et de mauvais traitements.

4.Organes chargés des visites et mécanismes de surveillance

Le SPT déplore la dissolution du département chargé de la surveillance des droits de l’homme, qui était rattaché au Ministère des affaires intérieures, et des groupes dits de surveillance itinérants qui contrôlaient auparavant les centres de détention de la police et les centres de détention provisoire. Il a pris acte du mandat confié au Commissaire parlementaire pour les droits de l’homme mais il a noté que cette institution n’avait pas la capacité de couvrir de manière adéquate l’ensemble du pays.

Les mécanismes de surveillance institutionnelle sont importants pour la prévention de la torture et des mauvais traitements. Ces mécanismes devraient procéder régulièrement à des visites inopinées et avoir la possibilité de s’entretenir avec les détenus en privé, et de superviser et d’examiner la gestion et l’administration des établissements et des locaux avec le personnel.

Le SPT recommande à l’Ukraine d’accroître le niveau de surveillance institutionnelle exercée par les organismes et autorités compétents, tant indépendants qu’internes, pour garantir que les autorités centrales de l’État soient pleinement au fait des problèmes se posant dans les établissements et centres de détention de l’ensemble du pays . Par ailleurs, le SPT demande de nouveau à l’État partie d’accepter une visite consultative rapide, dont l’objet sera de faire des recommandations et des observations en vue de renforcer la capacité et le mandat du mécanisme national de prévention qui a été désigné. Le SPT encourage en outre l’Ukraine à soutenir et à promouvoir les activités des ONG, qui peuvent contribuer à la surveillance.

D.Détention provisoire

Le SPT est gravement préoccupé de constater que des personnes restent jusqu’à neuf ans en détention provisoire. Aucune explication ne peut justifier de manière satisfaisante des périodes de détention provisoire aussi longues, exacerbées par les conditions de la détention provisoire (ainsi qu’il est expliqué de manière plus détaillée au chapitre IV). D’autre part, la détention provisoire est la norme et non l’exception. Les solutions de remplacement que sont la libération sous caution, l’assignation à résidence ou les services sociaux, entre autres, sont très limitées, que ce soit en théorie ou dans la pratique.

Le SPT recommande à l’État partie de prendre les mesures législatives et concrètes qui s’imposent, notamment dans le domaine de la formation des juges, pour accroître le recours à des mesures de substitution à la détention provisoire, non privatives de liberté, en tenant dûment compte des normes internationales et régionales . La durée de la détention provisoire devra être strictement contrôlée par les autorités compétentes. La détention provisoire devrait être une mesure de dernier ressort dans les procédures pénales  ; elle ne devrait être utilisée que pour des durées limitées et, conformément à la loi, compte étant dûment tenu de l’enquête sur l’infraction présumée et de la protection de la société et de la victime. Les personnes en détention provisoire devraient être présumées innocentes .

E.Justice pour mineurs

1.Questions systémiques

Le SPT est préoccupé par la lenteur de la réforme du système de justice pour mineurs en Ukraine. En l’absence d’un système de justice pour mineurs spécialisé, les enfants en conflit avec la loi sont jugés par les tribunaux ordinaires. Si le droit des enfants à une assistance juridique gratuite est reconnu par la loi, il semblerait que la qualité des services gratuits dont ils bénéficient soit très médiocre.

a)Législation nécessitant des modifications

La législation ukrainienne contenait des dispositions autorisant l’emprisonnement des enfants avec des adultes pour « des raisons de sécurité » et permettait le placement d’enfants à l’isolement pour une durée maximale de cinq jours à titre de mesure disciplinaire. L’emprisonnement d’enfants avec des adultes est contraire au principe de la séparation des jeunes délinquants et des détenus adultes.

Le SPT considère que la peine maximum de dix ans qui, en vertu de la législation nationale en vigueur, peut être imposée à des personnes de moins de 18 ans ayant commis une infraction autre qu’un meurtre, est excessive.

b)Garde à vue

La législation nationale se rapportant aux enfants en conflit avec la loi respecte en général les normes internationales relatives à une procédure régulière. Toutefois, certaines garanties sont insuffisamment respectées dans la pratique, en particulier celles qui concernent la présence d’un avocat ou toute autre assistance appropriée lorsqu’un enfant est interrogé par la police. Le SPT a reçu régulièrement des allégations faisant état de brutalités et de recours à des menaces et à des actes d’intimidation durant l’interrogatoire d’enfants en conflit avec la loi.

c)Détention provisoire

La détention provisoire d’enfants pour des durées allant de six mois à un an est courante en Ukraine et le SPT a découvert des cas d’enfants en détention provisoire depuis plus de deux ans. La longueur de la détention provisoire des enfants, à laquelle s’ajoutent de mauvaises conditions de vie, les restrictions dont les visites de la famille font l’objet et l’obligation de rester dans la cellule pendant de longues heures, est assimilable à un mauvais traitement.

Pour garantir la pleine application des instruments relatifs à la justice pour mineurs conformément aux normes internationales , en ayant à l’esprit l’intérêt supérieur de l’enfant, le SPT recommande  :

a) De redoubler d’efforts pour établir et mettre en œuvre, à titre prioritaire, un système complet de justice pour mineurs  ;

b) De faire des efforts en vue de créer, lorsque cela est possible, des mécanismes permettant de prendre en charge les enfants en conflit avec la loi sans recourir à la procédure judiciaire, étant entendu que les droits de l’homme et les garanties légales doivent être pleinement respectés  ;

c) De ne priver les enfants et les adolescents de liberté qu’en dernier ressort, pour la durée la plus courte possible, et sous réserve du réexamen régulier de cette mesure  ;

d) De rechercher, dans la mesure du possible, de nouvelles mesures de substitution à la privation de liberté  ;

e) De s’efforcer à titre prioritaire de réduire le nombre d’enfants en détention avant jugement et en attente d’une condamnation ou d’une procédure en appel et de réduire la durée de la détention lorsqu’il existe des raisons impérieuses de priver l’enfant de liberté  ;

f) De modifier d’urgence la législation nationale autorisant l’incarcération d’enfants avec des adultes ainsi que l’isolement pénitentiaire des mineurs  ;

g) De réduire la durée des peines imposées aux enfants, sans exclure la possibilité d’une libération anticipée  ;

h) De faire en sorte que les enfants bénéficient d’une assistance juridique appropriée à tous les stades de la procédure judiciaire, y compris durant les interrogatoires de police .

2.Questions suscitées par les visites effectuées dans des établissements spécialisés

a)Centres d’accueil et de répartition

Ces centres accueillent à la fois des enfants en conflit avec la loi et des enfants en situation de délaissement âgés de 3 à 18 ans ; il n’y a pas de différence de traitement entre ces deux catégories d’enfants en termes de procédure. Le SPT recommande que les enfants en conflit avec la loi soient tenus à l’écart des autres catégories d’enfants accueillis dans ces centres.

b)Écoles de réadaptation sociale

À l’époque de la visite du SPT, 11 écoles de réadaptation sociale relevant du Ministère de l’éducation accueillaient des enfants âgés de 11 à 14 ans privés de liberté à la suite d’une décision judiciaire, qui avaient commis des « actes socialement dangereux ». Étant donné que l’âge de la responsabilité pénale est fixé à 14 ans, la privation de liberté dans ce type d’école est préoccupante. Des entretiens privés avec des enfants ont révélé que des infractions relativement mineures, telles que le vol simple, étaient punies d’un placement dans ces établissements.

En l’absence de structures sociales autres, des enfants n’ayant commis aucune infraction mais présentant un « comportement antisocial » ou encore des enfants sans abri ou en situation de délaissement parental étaient également admis dans ces écoles, sans qu’il y ait eu aucune décision prononcée par un tribunal. Les enfants n’étaient pas séparés par catégorie.

Le SPT a été favorablement impressionné par l’école de réadaptation sociale de Lviv et par les services fournis gratuitement aux enfants de cette école. Il est toutefois préoccupé par l’utilisation généralement inefficace des établissements, dont témoignent le nombre de personnels par rapport au nombre d’enfants et les établissements vides.

Étant donné qu’il n’existe actuellement pas d’autres ressources pour répondre aux situations de délaissement d’enfants et prévenir la délinquance, le SPT considère que ces établissements devraient être maintenus mais que le cadre institutionnel des écoles devrait être axé sur une approche préventive plutôt que punitive pour éviter que les enfants soient davantage stigmatisés et criminalisés. Les infrastructures et les ressources humaines existante s devraient être rationalisées.

c)Centres de redressement pour mineurs : la colonie pénitentiaire de Sambirska

Les enfants interrogés par le SPT ont exprimé un avis positif au sujet de la colonie pénitentiaire de Sambirska mais ils n’avaient toutefois pas connaissance de l’existence de mécanismes de plaintes. Par ailleurs, le SPT a estimé que le rythme des visites, soit une par mois à l’heure actuelle, était insuffisant. Enfin, les enfants de cet établissement avaient un choix limité en termes de formation professionnelle.

Compte tenu de ce qui précède, le SPT recommande à l’État partie  :

a) De mener des campagnes d’information à l’intention des enfants en conflit avec la loi pour qu’ils soient au courant de leurs droits et de veiller à ce que des matériels sur les mécanismes de plaintes et de recours soient inclus dans les programmes de formation des personnels des colonies pénitentiaires  ;

b) D’autoriser les familles à rendre visite aux enfants fréquemment et régulièrement, en principe au minimum une fois par semaine  ;

c) D’élargir le contenu des programmes de formation professionnelle destinés aux enfants détenus dans les colonies pénitentiaires .

F.Soins de santé

Le SPT a examiné la situation générale du point de vue sanitaire dans les lieux de privation de liberté et a constaté avec satisfaction qu’il y avait des professionnels de santé dans tous les établissements pénitentiaires et centres de détention avant jugement qu’il avait visités.

Le SPT est vivement préoccupé par le cadre dans lequel, et la manière selon laquelle, les examens médicaux se déroulent et les soins de santé sont dispensés dans plusieurs des établissements qu’il a visités, les jugeant inappropriés du point de vue de la confidentialité médicale.

Le SPT recommande que, lorsqu’un examen est pratiqué, les gardes soient hors de portée de vue et d’ouïe. Les consultations et les examens médicaux ne devraient pas se faire à travers des barreaux ou alors que le patient est menotté. Les éventuelles mesures spéciales de sécurité devraient être prises au cas par cas, conformément aux normes internationales , et les motifs des mesures prises notés dans le dossier médical du détenu.

Le SPT a noté que des mesures de sécurité extrêmement restrictives étaient appliquées lors des transferts de détenus vers des établissements de soins extérieurs, en particulier lorsqu’il s’agissait de condamnés à la prison à vie. En outre, les véhicules utilisés n’étaient pas adaptés au transport des malades. Les procédures relatives au transfert des patients dont l’état nécessitait des soins spécialisés d’urgence étaient extrêmement longues, ce qui pouvait mettre en danger la santé de la personne concernée.

Le SPT recommande que les politiques en matière de sécurité s’appliquant au transfert de personnes vers des établissements de soins extérieurs soient revues à l’échelle du pays. Des mesures de haute sécurité ne devraient être appliquées que dans des circonstances exceptionnelles  ; les mesures de sécurité devraient être décidées au cas par cas et les raisons de celles-ci indiquées dans le dossier médical du patient. Les procédures administratives en matière de transfert devraient également être revues d’urgence afin que, dans la pratique, le transfert des patients soit écourté.

Les dossiers médicaux dans les différentes catégories de lieux visités ont soulevé des préoccupations, n’étant pas toujours cohérents ni complets. Par exemple, certains mentionnaient l’existence de traumatismes sans donner de précisions quant à leur origine.

Le SPT recommande que le système des dossiers médicaux soit mis à jour et que des efforts soient faits pour mettre au point un mode d’enregistrement des informations plus cohérent et plus complet. Le SPT recommande à nouveau que tous les professionnels de santé travaillant avec des personnes privées de liberté reçoivent une formation élémentaire leur permettant de savoir décrire et évaluer les blessures et gérer ce genre de situation, et qu’un organe d’experts indépendant soit créé conformément au Protocole d’Istanbul.

Le SPT a reçu fréquemment des allégations selon lesquelles les détenus seraient obligés de payer leurs traitements et médicaments, ce que, dans de nombreux cas, ils ne pouvaient pas faire. Il estime qu’il incombe à l’État partie de fournir gratuitement des soins de santé adéquats à toutes les personnes privées de liberté.

Le SPT recommande à l’État partie de procéder d’urgence à une évaluation des besoins dans tous les établissements du pays pour faciliter la distribution de fournitures médicales suffisantes.

Le SPT recommande en outre aux autorités ukrainiennes de procéder à une évaluation nationale des besoins en matière de soins de santé dans les lieux de privation de liberté, afin de couvrir d’urgence les besoins dans le domaine des soins de base et des soins spécialisés. Par exemple, il convient d’accroître sensiblement, dans les centres de détention, l’accès gratuit aux soins dentaires, aux soins de santé mentale et aux traitements psychiatriques ainsi qu’à des services de gynécologie.

Le SPT a rencontré des personnes privées de liberté qui souffraient de toxicomanie et a noté qu’il n’y avait de traitement spécifique ni pour soigner la dépendance ni pour soulager les symptômes du sevrage.

Le SPT recommande qu’en plus de l’examen médical de routine qui doit être pratiqué à l’admission dans un lieu de détention, des professionnels de santé soient présents dans les lieux de détention pour surveiller et traiter les graves symptômes de sevrage et toutes les autres conséquences de la toxicomanie .

Le SPT a constaté qu’un test de dépistage de la tuberculose était administré aux personnes admises dans un centre de détention et que des efforts étaient faits pour séparer les personnes atteintes de la maladie des autres détenus et les soigner. Toutefois, il a relevé des différences marquées entre les établissements quant aux conditions de détention des personnes atteintes de tuberculose et quant au traitement qui leur était dispensé.

Le SPT recommande que des mesures soient prises pour harmoniser et améliorer les conditions de détention et de traitement des personnes atteintes de tuberculose.

Le SPT a été informé de ce que la prévalence du VIH parmi les détenus était inconnue et que très peu de personnes étaient disposées à faire le test de dépistage du VIH. Un grand nombre des décès survenus en détention seraient dus à l’association du VIH et de l’hépatite B.

Le SPT recommande aux autorités ukrainiennes d’être plus promptes à lancer des initiatives de promotion dans le domaine de la santé, notamment pour prévenir les maladies transmissibles, en particulier le VIH, par exemple dans le cadre de programmes d’éducation par les pairs. Rappelant les Directives internationales sur le VIH/sida et les droits de l’homme , le SPT recommande que des tests volontaires et confidentiels soient proposés en prison par du personnel médical formé, que des conseils soient fournis avant et après les tests et que des traitements médicaux au moins équivalents à ceux auxquels l’ensemble de la population a accès, soient dispensés aux détenus séropositifs.

IV.Situation des personnes privées de liberté

A.Locaux de police et centres de détention temporaire

1.Conditions de détention

Bien que des différences aient été relevées quant aux conditions de détention dans les différents locaux de la police visités, le SPT a noté qu’elles étaient généralement mauvaises pour ce qui concernait l’espace, l’hygiène, les toilettes, la lumière naturelle et la ventilation. Les limiteurs d’ouverture des portes utilisés dans les centres de détention temporaire et les locaux de la police étaient dangereux et pouvaient provoquer des blessures.

Les conditions matérielles dans la plupart des centres de détention temporaire visités étaient bien meilleures, même si le SPT a constaté qu’il y avait un manque d’hygiène, de lumière naturelle et de ventilation dans certains lieux. Les personnes interrogées dans ces centres ont indiqué qu’elles avaient droit à une heure d’exercice par jour dans une cour de l’établissement et qu’elles recevaient trois repas par jour et de l’eau potable.

Le SPT recommande aux autorités ukrainiennes de procéder à un contrôle indépendant des conditions matérielles de détention dans les locaux de police et les centres de détention temporaire dans l’ensemble du pays, afin d’améliorer les conditions, le cas échéant, de manière qu’elles soient conformes aux normes internationales, et de créer dans les locaux de police, pour les détenus qui y séjournent plus de vingt-quatre heures, des installations où ils puissent faire au minimum une heure d’exercice par jour. Le SPT recommande en outre que les limiteurs d’ouverture des portes soient supprimés.

2.Torture et mauvais traitements

Le SPT a été alarmé par les nombreuses et régulières allégations qu’il a reçues faisant état d’actes de torture et de mauvais traitements subis en détention dans les locaux de police en Ukraine, en particulier pendant le premier interrogatoire. Ces informations ont été corroborées par les entretiens qu’il a eus avec des détenus dans l’ensemble du pays, qui ont apporté la preuve de la pratique consistant à faire subir des violences aux personnes privées de liberté au moment de leur arrestation et de leur interrogatoire par la police et, pour celles faisant l’objet d’enquêtes prolongées, durant les périodes de détention dans les centres de détention temporaire également. Les méthodes employées incluaient l’administration de coups, avec les poings, les pieds, des sacs de sable et des bouteilles d’eau. Par ailleurs, plusieurs personnes ont déclaré avoir été amenées au bord de l’asphyxie et avoir reçu des électrochocs sur les oreilles et les parties génitales.

Le SPT a également reçu des allégations de personnes qui avaient été arrêtées par la police alors qu’elles étaient blessées ou avaient des problèmes de santé et qui étaient restées longtemps sans assistance médicale en dépit de leurs demandes.

De nombreuses personnes interrogées ont indiqué avoir subi des pressions psychologiques lors du premier interrogatoire, sous la forme notamment de menaces dirigées contre elles ou leur famille. Ainsi qu’il a été mentionné plus haut, des personnes interrogées ont indiqué qu’elles avaient été contraintes de signer des aveux et de renoncer à leur droit à une représentation juridique.

Le SPT considère que les allégations susdites sont des exemples clairs d’actes de torture et de mauvais traitements physiques et mentaux. Étant donné la régularité des allégations reçues, le SPT considère qu’il y a un grave problème lié au recours systématique à la torture et aux mauvais traitements par la police en Ukraine. Le SPT condamne catégoriquement tous les actes de torture et mauvais traitements et rappelle que la torture ne se justifie en aucune circonstance et doit être complètement interdite conformément aux lois internationales relatives aux droits de l’homme . Le SPT demande à nouveau aux autorités ukrainiennes de condamner fermement et publiquement et de criminaliser tout acte de torture et de prendre les mesures nécessaires pour prévenir la torture et les mauvais traitements. Le SPT rappelle avec insistance à l’Ukraine les recommandations du CPT, tendant à ce qu’un message clair de « tolérance zéro » de la torture et des autres formes de mauvais traitements soit transmis au plus haut niveau et à intervalles réguliers à tout le personnel des Affaires intérieures et repris dans le cadre de la formation professionnelle . Outre ces mesures antérieurement recommandées dans les observations préliminaires et ailleurs dans le présent rapport, des mesures préventives devraient être prises, y compris, entre autres, la conduite d’enquêtes immédiates, impartiales et indépendantes, la création d’un système de plaintes efficace, et l’engagement de poursuites contre les auteurs présumés des actes en cause et leur condamnation.

B.Centres de détention provisoire (SIZO)

1.Conditions de détention

a)Surpeuplement

Le SPT a relevé un fort niveau de surpeuplement dans de nombreuses cellules des SIZO, donnant lieu à de vives préoccupations concernant la santé et l’hygiène. Par exemple, dans un SIZO, 34 personnes occupaient une cellule de 6,5 x 5 mètres, équipée de 26 lits seulement. Par contre, certains détenus étaient logés dans de bien meilleures conditions matérielles, dans des cellules de qualité supérieure moins surpeuplées, sans qu’une explication satisfaisante puisse être donnée.

Le SPT répète la recommandation qu’il a faite à la section III.D ci-dessus, à savoir que le recours à la détention provisoire en Ukraine soit moins fréquent et que la durée de celle-ci soit réduite. Il recommande par ailleurs que l’État partie prenne d’urgence des mesures pour réduire le surpeuplement dans les SIZO. Les cellules devraient être équipées d’un nombre suffisant de lits, conformément aux normes internationales . Les différences de traitement ne sont acceptables que si elles sont fondées sur des critères officiels objectifs et elles devraient être notées de manière transparente dans les registres.

b)Conditions matérielles

Le SPT considère que les conditions matérielles générales des SIZO sont insuffisantes en ce qui concerne la surface minimum par détenu, l’éclairage, le chauffage et la ventilation. Le niveau général de l’hygiène, l’accès à l’eau salubre et l’état des toilettes (y compris le manque d’intimité dans l’usage de celles-ci) dans les SIZO suscitent également de vives préoccupations.

Les personnes interrogées ont en outre indiqué que les articles nécessaires à leur hygiène et à leur toilette personnelle n’étaient pas fournis et qu’elles devaient compter sur leur famille ou sur la générosité d’autres détenus pour s’en procurer ; elles ont dit également qu’une douche par semaine n’était pas garantie.

Le SPT recommande à l’État partie de faire de l’amélioration de l’hygiène en général, de l’accès à l’eau et aux équipements sanitaires et de la fourniture d’articles d’hygiène personnelle dans les SIZO une priorité, conformément aux normes internationales .

En outre, les autorités ukrainiennes devraient procéder à un contrôle des conditions matérielles des SIZO dans l’ensemble du pays, afin de prévoir d’apporter progressivement d’autres améliorations concrètes, en ce qui concerne notamment la surface minimum, l’éclairage, le chauffage et la ventilation.

c)Régime et activités

Le SPT s’est déclaré préoccupé par le régime très strict appliqué dans les SIZO, au vu notamment de la durée de la détention provisoire. Tous les détenus sont censés pouvoir faire une heure d’exercice par jour en dehors de leur cellule, or de nombreux détenus ont informé le SPT que ce n’était pas toujours le cas. De plus, les cours d’exercice étaient souvent exiguës, en mauvais état et dépourvues d’équipements. Certaines, mais pas toutes, étaient équipées de barres ou de bancs d’exercice rudimentaires. Beaucoup étaient couvertes, de telle sorte que le ciel n’était pas visible, tout en étant néanmoins exposées aux intempéries. Le SPT s’est dit préoccupé en outre par le manque général d’activités constructives proposées aux détenus des SIZO.

Le SPT recommande aux autorités ukrainiennes de veiller à ce que les SIZO respectent le droit de tous les détenus de faire au minimum une heure d’exercice physique par jour . Il conviendrait de remédier à l’absence d’activités constructives (travail, formation et éducation, par exemple) et de faire en sorte que des activités sportives soient possibles.

d)Contacts avec le monde extérieur

Le SPT croit comprendre que, selon la législation nationale, les personnes faisant l’objet d’une enquête ne peuvent recevoir la visite de membres de leur famille qu’avec l’approbation du responsable de l’enquête ou du tribunal saisi de l’affaire. Il en résulte que la plupart des personnes détenues dans les SIZO, qui sont souvent en détention provisoire pour de longues périodes, ne reçoivent pas de visites (ou sont contraintes de désigner des membres de leur famille comme étant leur avocat civil). Le SPT est préoccupé par la rigueur du régime des visites et souligne que la méthode d’approbation des visites peut conduire à des abus de pouvoir.

Le SPT recommande que les règles soient revues de telle sorte que les personnes en détention provisoire puissent recevoir régulièrement la visite de leur famille, conformément aux normes internationales . Les décisions restreignant les visites de la famille devraient être justifiées sur la base de critères transparents, limitées dans le temps et réexaminées régulièrement.

e)Mesures disciplinaires et sanctions

Il régnait dans les cellules disciplinaires de tous les SIZO visités des conditions inhumaines. Les cellules étaient dénudées, petites, très sombres, mal ventilées, humides ; les conditions d’hygiène y étaient effroyables, les installations sanitaires et la literie insuffisantes. De plus, le régime auquel étaient astreintes les personnes condamnées à une peine de réclusion à perpétuité équivalait à un régime disciplinaire appliqué pendant toute la durée de la détention.

Le SPT considère que ce type de détention disciplinaire est constitutif de mauvais traitement et pourrait, dans certaines circonstances, être utilisé d’une manière assimilable à une forme de torture. Les conditions de détention et le régime appliqué aux détenus placés dans les cellules disciplinaires des SIZO devraient être révisés à titre prioritaire, de manière à rendre les conditions de détention pendant la durée des sanctions disciplinaires plus humaines et conformes aux normes internationales . Par ailleurs, les personnes ayant fait appel d’une condamnation à la réclusion à perpétuité et détenues dans un SIZO en attendant que la justice statue sur leur demande ne devraient pas être placées dans des conditions équivalentes à un régime disciplinaire permanent.

2.Torture et mauvais traitements

Le SPT considère que les situations préoccupantes décrites dans la section précédente (« Conditions de détention ») sont assimilables à des mauvais traitements infligés à des personnes détenues pendant des périodes prolongées dans des SIZO et pourraient, dans certaines circonstances, être constitutives d’une forme de torture.

En conséquence, le SPT recommande à l’État partie de prendre d’urgence des mesures pour remédier aux situations préoccupantes décrites ci-dessus, afin d’honorer les obligations internationales qui lui incombent dans le domaine des droits de l’homme en matière de prévention de la torture et des mauvais traitements.

C.Colonies pénitentiaires

1.Conditions de détention

a)Surpeuplement

Le SPT a constaté que certaines des colonies pénitentiaires qu’il a visitées étaient surpeuplées. Par exemple, au moment où il a visité la prison no 30 de Luchakivski, 1 280 détenus y étaient incarcérés, alors que la capacité d’accueil de l’établissement n’était que de 1 100 détenus. Il en résultait que certains détenus n’avaient qu’un lit pour deux et devaient dormir à tour de rôle.

Le SPT recommande que tous les détenus disposent de lits convenables et d’un espace personnel suffisant . Le surpeuplement dans les colonies pénitentiaires devrait être réduit et un plan d’action national devrait être élaboré à cette fin.

b)Conditions matérielles

Le SPT a estimé que les conditions matérielles dans les prisons étaient insuffisantes pour ce qui était de l’espace minimum, de l’eau, de l’éclairage, du chauffage et de la ventilation. Les administrateurs des prisons ont informé le SPT du fait que le niveau de financement officiel ne permettait pas de couvrir pleinement les budgets approuvés et qu’on attendait d’eux qu’ils pallient ce manque en s’engageant dans des activités de production et en recherchant une assistance humanitaire.

La qualité de l’eau de boisson dans les prisons était déplorable et des détenus se sont plaints de problèmes gastriques dus à sa consommation. Dans toutes les prisons visitées, les toilettes étaient dans un état effroyable. Les installations sanitaires étaient déficientes, dépourvues de toute hygiène, et des détenus se sont plaints de ne pas avoir pris de douche depuis plusieurs semaines. Les articles d’hygiène personnelle n’étaient pas fournis dans toutes les prisons que le SPT a visitées et les détenus qui ne pouvaient recevoir ces articles de l’extérieur de la prison devaient compter sur la générosité de leurs codétenus. Dans toutes les prisons, le SPT a recueilli des plaintes de détenus au sujet de la qualité de la nourriture.

Le SPT a également relevé qu’une humidité excessive régnait dans un grand nombre de cellules et que, dans toutes les prisons visitées, le chauffage, la ventilation et l’éclairage, que les détenus eux-mêmes ne pouvaient contrôler, étaient insuffisants.

L’état matériel et les conditions d’hygiène des cellules disciplinaires et des cellules d’isolement de toutes les prisons visitées étaient particulièrement mauvais, que l’on considère la qualité de l’eau potable ou l’absence de celle-ci, l’état des installations sanitaires, l’éclairage ou la ventilation, et leurs occupants étaient privés d’activités.

Le SPT recommande à l’administration pénitentiaire ukrainienne ainsi qu’à toute autorité compétente d’établir un plan d’action visant à améliorer les conditions matérielles dans les colonies pénitentiaires, assorti d’un calendrier réaliste pour sa mise en œuvre. Des ressources budgétaires suffisantes devraient être allouées à la réalisation de ce plan pour garantir que les besoins essentiels de toutes les personnes privées de liberté soient satisfaits. Le SPT recommande également à l’Ukraine de mettre fin à la pratique du sous-financement des établissements pénitentiaires et de fournir tous les fonds nécessaires à leur gestion, sans considération des fonds complémentaires qui pourraient être obtenus par d’autres biais. Il conviendrait notamment de veiller à ce que  :

a) La ventilation, le cubage d’air, la surface minimum, l’éclairage et l’accès à la lumière naturelle ainsi qu’un chauffage suffisant dans les cellules et les dortoirs soient garantis conformément aux normes internationales  ;

b) Les prisons soient équipées d’installations sanitaires et de toilettes convenables, hygiéniques et en bon état, qui permettent la toilette personnelle, le lavage des vêtements et l’évacuation des déchets  ;

c) La nourriture soit nutritive, effectivement distribuée à tous les détenus et préparée et servie de manière correcte et digne  ;

d) De l’eau potable soit fournie à chaque détenu lorsqu’il en a besoin.

c)Travail, activités culturelles et éducatives

Le SPT a constaté qu’il y avait des possibilités de travail dans toutes les prisons qu’il a visitées. Par contre, le nombre d’emplois n’était pas proportionnel au nombre de détenus. La maigreur des salaires, dont était systématiquement déduit le coût de la nourriture et des services collectifs, faisait que les détenus travaillaient sans véritable rémunération et contractaient souvent des dettes envers l’État. La seule motivation pour travailler était la possibilité de libération conditionnelle.

Le SPT a appris avec satisfaction qu’il existait dans toutes les prisons visitées des possibilités d’études secondaires, de formation professionnelle et, parfois même, d’études supérieures. Des activités culturelles, éducatives et récréatives étaient également organisées dans certaines des prisons visitées. Dans toutes les prisons visitées, les installations sportives étaient insuffisantes.

Le SPT recommande que tous les détenus sans exception aient accès au travail ainsi qu’à des activités éducatives et culturelles, qu’une bibliothèque dotée d’un nombre suffisant de journaux et d’ouvrages éducatifs et récréatifs soit ouverte et que davantage de possibilités d’activités sportives soient créées dans tous les établissements pénitentiaires. Il recommande en outre que soit mis fin à la pratique systématique consistant à déduire le coût de la nourriture et des services collectifs de la rémunération versée aux détenus. Une part des gains devrait par contre être mise de côté par l’administration pour constituer un pécule à remettre au détenu à sa libération.

d)Contacts avec le monde extérieur

Les détenus pouvaient généralement recevoir des visites. Ils avaient droit tous les trois mois à une visite de trois jours de personnes qui pouvaient dormir sur place. Les visites de courte durée (quatre heures maximum), sans la possibilité pour les visiteurs de dormir sur place, étaient autorisées une fois par mois. Le SPT a constaté que les locaux prévus pour les visites étaient corrects et que l’intimité des visites des membres de la famille était préservée. Il a noté toutefois que passer la nuit sur place coûtait cher, ce qui était discriminatoire pour les détenus qui n’avaient pas les moyens de payer.

Le SPT recommande que ne soient facturés aux conjoints et aux enfants passant la nuit sur place que les dépenses effectives (par exemple la nourriture).

e)Mesures disciplinaires et sanctions

Les mesures disciplinaires semblaient être appliquées de manière arbitraire ou sans logique apparente. Plusieurs détenus ont déclaré au SPT que, dans certains cas, ils recevaient un avertissement tandis que, dans d’autres cas, pour une infraction analogue ils étaient placés en cellule disciplinaire. Un registre des infractions et des sanctions était tenu dans toutes les prisons visitées et contenaient des informations satisfaisantes sur les sanctions infligées à chaque détenu et les actes leur ayant valu l’appréciation des autorités.

Un échantillonnage de dossiers personnels vérifiés par le SPT a confirmé que les détenus étaient généralement informés de l’infraction qui leur était imputée et qu’ils avaient la possibilité de présenter leur défense. Des détenus interrogés par le SPT ont indiqué cependant que, s’ils signaient un document les informant de leurs droits, ils ne recevaient jamais d’informations sur la procédure et les modalités de recours contre les mesures disciplinaires prononcées et qu’aucun d’entre eux n’envisageait de le faire. L’attitude générale était une attitude de résignation et de crainte des représailles.

Le SPT recommande à l’État partie de prendre des mesures concrètes pour garantir le droit des détenus de soumettre des requêtes ou d’introduire des recours concernant leur traitement, y compris les mesures disciplinaires, sans crainte de représailles, auprès d’une autorité indépendante compétente, à titre de garantie fondamentale contre la torture et les mauvais traitements.

Le SPT a noté avec une vive inquiétude qu’il semblerait que, dans certaines colonies pénitentiaires, une « cage » (petite cellule munie de barreaux) soit utilisée à titre disciplinaire. Ce local n’était pas équipé de sanitaires et plusieurs détenus ont déclaré qu’ils y étaient exposés à des températures très basses. Ce type de placement n’était pas enregistré ni autorisé par le règlement et le personnel pénitentiaire a nié l’existence d’une telle cellule.

Le SPT considère que le fait de punir des détenus en les plaçant dans une cellule ressemblant à une « cage » équivaut à un mauvais traitement. Il devrait être immédiatement mis fin à cette pratique, qui devrait faire l’objet d’une enquête et les responsables devraient être tenus de rendre des comptes.

2.Torture et mauvais traitements

a)Situation des personnes purgeant une peine de réclusion à perpétuité

Les conditions observées par le SPT dans les quartiers réservés aux prisonniers purgeant une peine de réclusion à perpétuité à la prison nº 52 de Yenakievo et à la prison nº 47 de Sokal étaient assimilables à des mauvais traitements. Le SPT a relevé l’absence d’eau ou la mauvaise qualité de celle-ci, le mauvais état des installations sanitaires, l’insuffisance de l’éclairage et de la ventilation et l’absence d’articles personnels d’hygiène.

Le droit de participer à des activités culturelles, sportives ou éducatives dignes de ce nom n’était accordé qu’au bout de quinze ans de détention. Certaines personnes interrogées se sont plaintes du fait qu’elles passaient moins d’une heure par jour en dehors de leur cellule et que, parfois, elles ne pouvaient se déplacer que menottées.

Le SPT a constaté avec préoccupation que les détenus retraités et handicapés purgeant une peine de prison à perpétuité étaient de facto privés de la possibilité de travailler et que, comme aucune pension ne leur était versée pendant toute la durée de leur peine, ils étaient souvent démunis.

Les régimes en matière de sécurité et de visite s’appliquant aux personnes purgeant une peine de prison à perpétuité étaient beaucoup plus sévères que ceux s’appliquant aux autres détenus et correspondaient en général à un régime disciplinaire permanent. Le personnel pénitentiaire partait systématiquement du principe que tous les condamnés à la perpétuité étaient extrêmement dangereux. En conséquence, les mesures de sécurité étaient excessivement restrictives, même pour les détenus âgés et de constitution fragile. Les personnes purgeant une peine à perpétuité n’avaient droit qu’à une visite de quatre heures tous les trois mois. Ces visites se déroulaient sous l’étroite supervision du personnel pénitentiaire et aucune intimité n’était possible.

Le SPT considère que les conditions de détention et le régime pénitentiaire appliqués aux personnes purgeant une peine à perpétuité équivalent à des mauvais traitements. Conformément aux normes internationales , le SPT demande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour  :

a) Améliorer les conditions matérielles des prisonniers condamnés à la réclusion à perpétuité en leur permettant notamment d’avoir accès à l’eau courante et de disposer d’eau potable, de toilettes et d’équipements sanitaires  ;

b) Remédier au manque d’activités, y compris sportives et génératrices de revenus, dans le cas des prisonniers condamnés à la réclusion à perpétuité  ;

c) Veiller à ce que les détenus soient traités de manière égalitaire et sans discrimination et harmoniser notamment les règles en matière de visite s’appliquant aux personnes purgeant une peine à perpétuité avec celles qui s’appliquent aux autres groupes de détenus  ;

d) Veiller à ce que le personnel pénitentiaire, se fondant sur des critères clairs et enregistrés, procède à des évaluations au cas par cas des mesures de sécurité applicables aux détenus purgeant une peine à perpétuité en vue de déterminer si un régime restrictif doit leur être appliqué ou s’ils peuvent fonctionner dans un milieu carcéral ordinaire, conformément aux normes internationales .

Le SPT a également reçu de graves allégations de torture et de mauvais traitements émanant de personnes purgeant une peine à perpétuité. Ces allégations faisaient état de brutalités systématiques, de la pratique consistant à bander les yeux du détenu, de la non-séparation délibérée des détenus et des personnes atteintes de tuberculose active et du refus d’assistance médicale.

Le SPT demande instamment aux autorités ukrainiennes de mener sans retard des enquêtes indépendantes et impartiales sur les allégations de torture dans les établissements pénitentiaires dans lesquels sont détenues des personnes condamnées à perpétuité, conformément aux obligations qui leur incombent en vertu de l’article  12 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et, si ces accusations sont confirmées, d’amener les responsables à rendre compte de leurs actes.

b)Situation à la prison de femmes nº 127

Le SPT s’est rendu dans un centre de détention pour femmes, la prison nº 127 de Snizhne. Le régime de travail, les mesures disciplinaires et les conditions matérielles imposés aux femmes dans cette prison étaient gravement préoccupants. Le SPT n’a pas été en mesure de vérifier si des violations analogues des droits des femmes détenues étaient commises dans l’ensemble du pays de manière systématique, aussi les conclusions et les recommandations contenues dans la présente section ne concernent-elles que la prison de Snizhne.

Nonobstant ce qui précède, le SPT invite instamment les autorités pénitentiaires à procéder d’urgence à une enquête pour s’assurer que les violations décrites ci-après ne sont pas perpétrées de manière systématique dans toute l’Ukraine.

Le SPT a observé un taux élevé d’épuisement parmi les femmes, dû à l’obligation qui leur était faite d’accomplir de longues heures de travail physique, souvent jusqu’à douze heures par jour, en plus des deux heures de tâches ménagères quotidiennes. Il a été rapporté que les femmes portaient 60 tonnes de charbon en deux jours, sans équipement de protection, et régulièrement des sacs de 50 kilos de farine et des matériaux de construction. Des préoccupations ont été exprimées quant aux dangers pour la santé que comportait ce travail. La rémunération de ce travail, quand elle existait, était faible. En outre, par suite des déductions mensuelles opérées sur leurs salaires pour la nourriture et les services de base, des détenues accumulaient des dettes qu’elles devaient rembourser après leur sortie de prison. Le régime de travail dans cette prison est un exemple clair d’exploitation et de travail forcé, équivalent à un mauvais traitement, et il convient que les autorités interviennent d’urgence pour remédier à la situation.

Les mesures disciplinaires dans la prison étaient appliquées de manière arbitraire, sans possibilité de recours, y compris aux femmes âgées et à celles qui refusaient de travailler. Les cellules d’isolement étaient particulièrement mal entretenues et ne comportaient pas de toilettes.

Les toilettes se trouvant dans les quartiers où dormaient les femmes étaient inaccessibles durant la journée. Les sanitaires extérieurs que les femmes devaient utiliser durant la journée étaient dans un état effroyable, en raison d’une accumulation d’excréments et d’urine. Les autorités forceraient certaines personnes (celles qui se plaignaient ou refusaient de travailler) à les nettoyer. Les détenues n’avaient ni gants ni masque et devaient faire le nettoyage à mains nues. Le SPT considère que le fait de contraindre une personne à accomplir de telles tâches, en particulier à titre punitif, constitue un mauvais traitement inacceptable.

La communication avec le monde extérieur, notamment avec les familles, était restreinte et, selon certaines allégations, l’administration pénitentiaire décidait des personnes qui pouvaient recevoir des visites en fonction de leur « comportement ». Lorsque la détenue refusait de travailler, les visites de la famille et les appels téléphoniques étaient suspendus. De plus, pour les femmes détenues, les longues visites de partenaires de l’extérieur étaient interdites et le prix d’utilisation des locaux réservés aux visites à caractère intime était prohibitif et supérieur à celui pratiqué dans les centres de détention pour hommes que le SPT avait visités.

Le SPT invite l’État partie à se pencher d’urgence sur la situation de travail forcé et d’exploitation qui règne à la prison nº 127 de Snizhne et d’amener les responsables à rendre compte de leurs actes. Il recommande en outre  :

a) D’améliorer immédiatement les conditions matérielles dans cette prison, en particulier en ce qui concerne les toilettes, les cellules disciplinaires et les ateliers de travail  ;

b) De veiller à ce que les détenues disposent d’un temps de repos suffisant et de faire cesser immédiatement la pratique consistant à leur faire accomplir des tâches physiques pénibles et/ou un travail dégradant à titre disciplinaire  ;

c) De respecter dans la pratique le droit des personnes de communiquer avec le monde extérieur, en particulier les membres de leur famille. En vertu des normes internationales, les contacts des détenues avec leur famille, notamment leurs enfants, les personnes qui ont la garde de leurs enfants et les représentants légaux de ceux-ci doivent être encouragés et facilités par tous les moyens . Lorsque les visites conjugales sont autorisées, les détenues doivent pouvoir exercer ce droit au même titre que les hommes .

V.Répercussions de la visite

Le SPT a constaté qu’une attitude hostile et une atmosphère tendue régnaient dans les établissements qu’il a visités. De nombreux détenus ont refusé les entretiens en privé, peut-être par crainte de représailles. Certains détenus ont indiqué avoir reçu des « avertissements ». Le SPT est donc très préoccupé par la possibilité que les personnes interrogées fassent l’objet de représailles. Il souligne que toute forme d’intimidation ou de représailles contre des personnes privées de liberté constitue une violation de l’obligation qui incombe à l’Ukraine de coopérer avec le SPT dans le cadre des travaux que conduit celui-ci en vertu du Protocole facultatif.

Conformément à l’article  15 du Protocole facultatif, le SPT demande aux autorités ukrainiennes de prévenir tout acte de représailles à la suite de sa visite. Il demande à l’État partie de lui donner dans sa réponse des informations détaillées sur les mesures prises pour empêcher que les détenus qu’il a rencontrés, avec lesquels il s’est entretenu ou qui lui ont donné des renseignements durant sa visite, soient victimes de représailles.

Annexes

Annexe I

[Anglais seulement]

List of persons with whom the SPT met

I.National authorities

A.Ministry of Justice

Valeriya Lutkovska, Government Agent before the European Court of Human Rights

Nazar Kulchitsky, Head of Secretariat of the Government Agent before the European Court of Human Rights

Tamara Andrieva, Deputy Director of the Department of International Cooperation and Law

Svitlana Kolyshko, Head of the Unit on cooperation with international organizations

Roman Iemets, specialist of the Unit on cooperation with international organizations

B.Office of the General Public Prosecutor

Oleksiy Lilyakov, Head of Unit

C.State Security Service

Igor Demchenko, Head of Unit

Ministry of Internal Affairs

Makar Barylo, Head of Unit

Yuriy Mazur, Deputy Head of the Directorate

Oleksandr Humenyuk, Chief Inspector

D.Ministry of Defence

Igor Strokan, Head of Unit

Oleg Lavrov, Chief of Staff

State Border Guard Service

Oleksandr Skihin, Deputy Head of the Directorate

Serhiy Abalmasov, Deputy Head of the Directorate

E.Ministry of Education, Science, Youth and Sports

Vira Shynkarenko, Head of Unit

F.Ministry of Health

Yuri Polishchuk, Chief Specialist

G.Ministry of Social Policy

Iryna Kysliak, Deputy Director of Department

State Penitentiary Service

Sergiy Sydorenko, First Deputy Chairman

Oleksandr Kislov, Director of Department

Vladislav Klysha, Head of Unit

II.Parliament Commissioner for Human Rights

Nina Karpachova, Ombudsperson

III.United Nations Development Programme

Olivier Adam, Resident Coordinator

IV.Civil society

American Bar Association, Rule of Law Initiative

Association of Ukrainian Monitors on Human Rights Observance in Law-Enforcement Activities

Chernihiv Public Committee for Human Rights Protection

Danish Refugee Council

Donetsky Memorial

Kharkiv Human Rights Group and the Helsinki Human Rights Union

Kharkiv Public Centre “Youth for Democracy”

International Renaissance Foundation

Annexe II

[Anglais seulement]

Places of deprivation of liberty visited

I.Prison colonies

1.Buchanska Prison Colony No. 85, Kyiv Region

2.Luchakivski Prison Colony No. 30, City of Lviv

3.Snizhne Prison Colony for Women No. 127, Donetsk Region

4.Sokal Prison Colony No. 47, Lviv Region

5.Yenakiyeve Prison Colony No. 52, Donetsk Region

6.Zhdanivka Prison Colony No. 3, Donetsk Region

II.Police stations

1.Halitski District Police Station, City of Lviv

2.Kalininski District Police Station, City of Donetsk

3.Khartsizsk City Police Station, Donetsk Region

4.Kyivski District Police Station, City of Donetsk

5.Shevchenkovski District Police Station, City of Lviv

6.Sykhivski District Police Station, City of Lviv

7.Transport Police Department at Kyiv-Pasazhyrski Train Station

8.Yenakiyeve City Police Station, Donetsk Region

9.Zaliznychnyi District Police Station, City of Lviv

III.Police temporary holding facilities (ITTs)

1.Donetsk Temporary Holding Facility, City of Donetsk

2.Horodok Temporary Holding Facility, Lviv Region

3.Khartsizsk Temporary Holding Facility, Donetsk Region

4.Lviv Temporary Holding Facility, City of Lviv

5.Uzhhorod Temporary Holding Facility, City of Uzhhorod

6.Yavoriv Temporary Holding Facility, Lviv Region

IV.Pre-trial detention facilities (SIZOs)

1.Artemivsk Pre-trial Detention Centre, Donetsk Region

2.Kyiv Pre-trial Detention Centre, City of Kyiv

3.Lviv Pre-trial Detention Centre, City of Lviv

V.Facilities for children

1.Kyiv Reception-Distribution Centre for Children, City of Kyiv

2.Sambir Educational Colony, Lviv Region

3.School of Social Rehabilitation for Children, City of Kyiv

4.School of Social Rehabilitation for Children, Lviv Region

VI.State border guard service temporary holding facilities

1.Chop Temporary Holding Facility

2.Lviv Temporary Holding Facility

3.Special Premises at the Boryspil Airport