NATIONS UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/55/Add.1014 février 2005

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION

Quatrièmes rapports périodiques des États parties devant être soumis en 2000

ADDITIF *

HONGRIE

[16 juin 2004]

TABLE DES MATIÈRES

Paragraphes Page

Introduction1 − 273

I.RENSEIGNEMENTS SUR LES NOUVELLES MESURES ETLES FAITS NOUVEAUX TOUCHANT L’APPLICATIONDE LA CONVENTION28 − 1066

Article 228 − 656

Article 36611

Article 46711

Article 568 − 7011

Article 67112

Article 77212

Article 87312

Article 97412

Article 1075 − 7812

Article 1179 − 10614

II.RESPECT DES CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONSDU COMITÉ107 − 12919

INTRODUCTION

1.Le présent rapport est soumis en application du paragraphe 1 de l’article 19 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, qui est entrée en vigueur pour la Hongrie le 26 juin 1987. Il a été établi conformément aux directives générales concernant la forme et le contenu des rapports périodiques que les États parties doivent présenter en application du paragraphe 1 de l’article 19 de la Convention (CAT/C/14/Rev.1).

2.Le rapport traite des modifications qui sont intervenues dans la législation et dans la pratique juridique et administrative concernant les différentes dispositions de fond de la Convention depuis la présentation par le Gouvernement hongrois de son troisième rapport périodique (CAT/C/34/Add.10), le 15 avril 1998. Dans les domaines où rien n’a changé depuis cette date, il est fait référence aux précédents rapports de la Hongrie.

3.Les autorités hongroises accordent une grande attention à la surveillance internationale de la protection des droits de l’homme. Elles s’attachent en permanence à améliorer le degré de protection de ces droits et souhaitent vivement entretenir un dialogue suivi et fécond avec les divers organes des Nations Unies et du Conseil de l’Europe œuvrant en la matière.

4.Au cours de la période considérée, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) a effectué deux visites en Hongrie, l’une en décembre 1999 et l’autre du 30 mai au 4 juin 2003, et il publiera à la fin de 2003 un rapport final détaillé. On trouvera ci‑après un résumé de ce qui peut être retenu de la dernière visite de la délégation du Conseil de l’Europe à partir des observations préliminaires formulées par le Président du Comité.

5.Cette visite, la troisième que le CPT faisait en Hongrie, était de nature «ponctuelle» et avait expressément pour objet de faire le point sur la situation des personnes en détention provisoire dans des locaux de police ou des établissements pénitentiaires, dont certains où le CPT s’était déjà rendu précédemment.

6.La délégation du Comité s’est rendue dans trois établissements de police: le centre de garde à vue de la police de la rue Gyorskocsi, à Budapest (où des visites avaient déjà eu lieu en 1994 et en 1999), et les commissariats de police des deuxième et quatrième arrondissements de la capitale.

7.La délégation n’a recueilli aucune allégation de mauvais traitements par des surveillants des établissements susmentionnés. Les relations entre le personnel et les détenus semblaient dans l’ensemble dépourvues de tensions et, dans chacun des endroits visités, des détenus ont fait des remarques positives sur certains agents.

8.Le CPT a déploré que l’entrée en vigueur de l’article 135 de la loi no XIX de 1998 (qui dispose que la détention avant jugement doit s’effectuer en maison d’arrêt) ait été reportée de janvier 2003 à janvier 2005. Les autorités hongroises devaient selon lui déployer des efforts résolus pour éviter tout nouveau retard dans la mise en application de cette disposition.

9.Le CPT a constaté, comme lors de sa visite de 1999, que la détention de prévenus dans des établissements de police, souvent pendant plusieurs mois, restait pratique courante. Toutefois, les informations qui ont été fournies à la délégation laissent penser que des progrès sont intervenus récemment, en ce qui concerne tant le nombre de personnes qui sont dans cette situation que, semble-t-il, la durée de séjour des prévenus dans des locaux de police.

10.Selon les recommandations du CPT, les prévenus ne devraient pas, en principe, être placés dans des cellules de garde à vue, d’autant que, souvent, les locaux de détention des forces de l’ordre ne se prêtent pas à de longs séjours.

11.La délégation du CPT s’est particulièrement inquiétée des conditions matérielles de détention dans les commissariats de police des deuxième et quatrième arrondissements de Budapest, où les cellules ne reçoivent pratiquement pas la lumière du jour et sont très mal aérées. En outre, dans le premier de ces établissements, les lits sont extrêmement étroits et l’état de propreté des équipements sanitaires collectifs laisse beaucoup à désirer. Le CPT a demandé que l’on prenne d’urgence des mesures pour remédier à ces insuffisances.

12.Au centre de garde à vue de la police, la délégation a constaté plusieurs améliorations par rapport à 1999, année de sa dernière visite, notamment en ce qui concerne les installations sanitaires communes, la cuisine centrale de l’établissement et le système d’éclairage des couloirs, mais elle a par ailleurs observé que les lacunes relevées en 1994 et en 1999 (accès insuffisant à la lumière naturelle, éclairage artificiel déficient et aération médiocre dans les locaux de détention) n’avaient pas été corrigées.

13.Dans les trois établissements, les détenus se sont plaints de la difficulté d’obtenir l’autorisation de se rendre aux toilettes communes, surtout pendant la nuit, mais on notera en revanche sur le plan positif qu’ils peuvent prendre une douche chaque jour.

14.Le CPT a constaté que, comme c’était le cas lors des visites précédentes, aucun des établissements de police n’offrait un régime de détention adapté aux prévenus. Ceux‑ci restaient presque en permanence enfermés dans leur cellule sans rien faire. Les possibilités de travailler étaient quasiment nulles et aucune activité sportive n’était proposée. Même une séance quotidienne systématique d’une heure d’exercice en plein air n’était pas garantie dans tous les établissements.

15.Le CPT avait de sérieuses réserves au sujet de la manière dont était conçu l’examen médical subi par les détenus entrants, notamment en ce qui concerne le dépistage de maladies transmissibles telles que la tuberculose et l’hépatite, et il s’en préoccupait d’autant plus que les établissements de police hébergeant des prévenus constituaient le point central d’entrée dans le système pénitentiaire. Il fallait revoir sans délai le mode de traitement des détenus toxicomanes et la détection des maladies mentales. Ces questions, de même que d’autres telles que la présence de policiers à l’examen médical des nouveaux arrivants, l’absence de dossiers médicaux individuels et le fait que des médicaments continuent d’être administrés par du personnel n’ayant pas de formation médicale, seront traitées plus en détail dans le rapport du CPT.

16.Le CPT a également indiqué qu’il était très important pour les personnes détenues avant jugement de pouvoir maintenir des contacts suffisants avec le monde extérieur. Il fallait leur donner les moyens de préserver les relations avec leur famille et leurs amis proches. Au moment de la visite du Comité, le régime applicable dans les trois établissements de police concernant les visites des familles et, plus encore, l’usage du téléphone était très restrictif. Le CPT a recommandé que des améliorations soient apportées en la matière.

17.La délégation a observé avec satisfaction que les magistrats du parquet à l’échelon des districts étaient désormais tenus d’inspecter les locaux de détention de la police et les établissements pénitentiaires au moins une semaine sur deux.

18.La délégation du CPT s’est rendue dans le bloc II de la maison d’arrêt de Budapest, qui avait déjà reçu la visite du Comité en 1994 et en 1999, ainsi que dans le nouveau bloc III de l’établissement.

19.La délégation a entendu certaines allégations de mauvais traitements (passages à tabac de détenus et insultes de la part du personnel) au bloc III, mais cela n’a pas été le cas au bloc II.

20.Le Comité a constaté que la maison d’arrêt de Budapest dans son ensemble était encore extrêmement surpeuplée, ce qui nuisait de diverses façons à la qualité de vie dans l’établissement, et notamment au régime de détention offert aux prévenus, qui y séjournaient parfois longtemps avant d’être jugés.

21.Malgré l’âge des installations et le fort surpeuplement du bloc II, le CPT a observé que l’établissement était correct et relativement propre, et que certaines améliorations avaient été apportées aux équipements à usage collectif: aménagement d’une nouvelle salle de musculation et, dans le quartier des femmes, installation d’une petite bibliothèque et d’une salle commune, et aménagement dans le couloir d’un espace pour la pratique du ping‑pong.

22.Le bloc III offre globalement des conditions matérielles de détention satisfaisantes, dont on pourrait s’inspirer dans le cadre du plan de développement à long terme des établissements pénitentiaires de Hongrie. Le CPT a notamment retenu que les cellules étaient munies de prises qui permettaient d’y brancher un poste de télévision ou d’autres appareils électriques.

23.Toutefois, le système d’aération des cellules laissait beaucoup à désirer, malgré des fenêtres de belles dimensions, et la grande majorité des détenus que la délégation a rencontrés se sont plaints à ce sujet. Le CPT a suggéré que l’on s’attache d’urgence à trouver une solution permanente à ce problème.

24.La délégation a visité deux cellules dont les fenêtres étaient munies de panneaux en plexiglas, et où, de ce fait, l’atmosphère était encore plus étouffante que dans les cellules ordinaires. Il y faisait irrespirable et la chaleur y dépassait la limite du supportable. Invoquant le paragraphe 5 de l’article 8 de la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, la délégation a demandé que l’on enlève immédiatement tous ces panneaux.

25.De l’avis du CPT, les améliorations susmentionnées apportées aux installations à usage collectif du bloc II constituaient incontestablement des progrès. Pour ce qui est des services de santé des blocs II et III de la maison d’arrêt de Budapest, il n’y avait rien à redire en ce qui concerne le personnel, les locaux ou le matériel. La délégation a constaté avec satisfaction que les dossiers médicaux étaient bien tenus et que des tests de dépistage du VIH étaient désormais pratiqués sur une base volontaire.

26.Dans le bloc II, le système en place pour les visites, sans dispositif de séparation, fonctionnait apparemment bien, et les détenus s’en félicitaient. Dans le bloc III, en revanche, les parloirs étaient aménagés avec dispositif de séparation, ce dont les détenus se plaignaient. Il fallait trouver des moyens de remédier à cette situation. Le temps de visite à la maison d’arrêt de Budapest était encore d’une heure par mois, comme en 1999, malgré les recommandations que le CPT avaient faites antérieurement à ce sujet.

27.Il faut souligner en conclusion que le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants n’a relevé aucun indice de torture dans les établissements de détention de Hongrie où il s’est rendu en 1999 et en 2003. Le Gouvernement hongrois devra avant tout s’attacher dans un avenir proche à remédier aux déficiences et carences constatées par le Comité. Comme on le verra plus en détail dans la suite du présent rapport, les autorités s’efforcent en permanence d’améliorer la situation dans les prisons et les locaux de détention de la police.

I. RENSEIGNEMENTS SUR LES NOUVELLES MESURES ET LES FAITS NOUVEAUX TOUCHANT L’APPLICATION DE LA CONVENTION

Article 2

28.Il convient de se reporter aux rapports précédents.

29.La Hongrie a complété ces dernières années la réglementation relative à son système pénitentiaire. Le Directeur national de l’administration pénitentiaire a émis les instructions requises concernant l’application du décret no 6/1996 (VII.12), qui régit la mise en œuvre de la détention provisoire.

30.Les autorités hongroises restent particulièrement attentives au respect des droits et obligations des personnes privées de liberté, tels qu’ils sont énoncés dans le décret‑loi no 11 de 1979 sur l’exécution des peines et des mesures pénales. Le fait que les organisations non gouvernementales coopèrent avec les établissements pénitentiaires contribue amplement à la bonne exécution des tâches.

31.Le décret no 13/2000 (VII.14) du Ministre de la justice porte création d’un service d’aumônerie − chaque établissement pénitentiaire a désormais son aumônier.

32.On peut regretter toutefois que les progrès accomplis sur le plan du régime juridique ne se soient pas toujours accompagnés d’une amélioration de l’infrastructure et du cadre physique des établissements pénitentiaires. Ce sont précisément les carences dans ce domaine qui empêchent le système pénitentiaire d’être pleinement conforme aux normes professionnelles. L’insuffisance des moyens financiers freine considérablement la mise en application des normes européennes que la Hongrie a inscrites dans sa législation. Les mouvements de personnel constituent un autre problème de taille, dû principalement au fait que les conditions de travail sont difficiles et que l’emploi dans le secteur pénitentiaire n’est pas socialement valorisé.

33.En 1999, le CPT a procédé à une vaste enquête sur les établissements pénitentiaires de Hongrie. Il n’a relevé aucun indice de torture ni de traitements inhumains, mais il a constaté que les établissements étaient surpeuplés et que leur infrastructure laissait à désirer et a recommandé que l’on améliore les équipements destinés aux activités récréatives et sportives.

34.Le service du parquet qui supervise les prisons a mené une enquête nationale sur le traitement des détenus et publié un rapport sur ses constatations, dont il ressort que le traitement des détenus dans les établissements pénitentiaires est de manière générale conforme aux dispositions légales.

35.En 2000, le Directeur national de l’administration pénitentiaire a présenté à la commission compétente de l’Assemblée nationale un rapport sur la situation générale des établissements pénitentiaires et le respect des droits de l’homme.

36.Depuis le 1er mars 2000, les infractions commises par des agents pénitentiaires sur leur lieu de travail ou dans le cadre de leurs fonctions − y compris les mauvais traitements infligés aux détenus − doivent faire l’objet d’une enquête de la part des organes de la justice militaire. Cette nouvelle règle institue une garantie supplémentaire ainsi qu’une procédure de règlement judiciaire spécialisée plus rigoureuse.

37.Quant à l’application des sanctions, elle est désormais réglementée de façon plus stricte. Depuis le 1er mars 1999, l’article 83 2) du Code pénal dispose que lorsque les tribunaux prononcent une peine d’emprisonnement, celle-ci doit être dans la plupart des cas d’une durée intermédiaire entre les limites minimale et maximale prévues par la loi. Il ne peut être dérogé à cette règle que pour des raisons particulières, notamment s’il y a eu manquement à la Convention contre la torture.

Surpeuplement des établissements et mesures prises pour y remédier

38.Le CPT a recommandé que les autorités hongroises s’attachent vigoureusement à mettre en œuvre tout l’arsenal des mesures destinées à lutter contre le surpeuplement carcéral. Pendant la période considérée, la population des établissements pénitentiaires a dépassé en moyenne de 60 % de la capacité d’accueil des établissements, contre 20 % précédemment. On dénombre actuellement 15 771 détenus pour 9 797 places.

39.Le décret gouvernemental no2072/1998 (31 mars) a défini un plan de développement du parc carcéral en trois volets qui doit être mené à bien pour 2007 et dont les objectifs sont les suivants:

−Accroître la capacité d’accueil des prévenus dans des structures prévues à cet effet;

−Placer les mineurs et les femmes dans des établissements plus proches de leur lieu de résidence;

−Rénover les établissements pénitentiaires.

40.Le programme prévoit les projets prioritaires suivants: construction dans le comté de Veszprém d’une nouvelle prison pouvant accueillir 220 détenus; mise en place de deux centres de détention pour mineurs, l’un dans le sud (Pécs) et l’autre dans le nord-est (Miskolc) du pays; construction d’un centre de détention pour mineurs pouvant accueillir entre 100 et 150 jeunes dans la circonscription administrative de Budapest; création de places supplémentaires dans les prisons de Pécs (50), de Miskolc (100) et de Szolnok (64); rénovation de la prison de Sopronkőhida; aménagement de 210 places supplémentaires à la prison de Szeged; accroissement de la capacité d’accueil de la prison de Nyíregyháza; réfection du sous‑sol du bloc II de la maison d’arrêt de Budapest; et reconstruction du centre pénitentiaire de Budapest.

41.La maison d’arrêt de Budapest a été dotée d’un nouveau bâtiment (bloc III) pouvant accueillir un millier de prévenus, qui fonctionne à pleine capacité depuis la fin de 2000. La prison de Tököl n’est plus le seul établissement pénitentiaire à pouvoir accueillir les mineurs puisqu’il existe à présent un établissement régional de détention pour mineurs de 30 places à Kecskemét. Les jeunes filles mineures sont placées à la prison Pálhalma, à Mélykút, où une section leur est réservée.

42.Le Parlement hongrois s’emploie à mettre au point des procédures simplifiées susceptibles de remplacer la procédure judiciaire dans certains types de cas. Il est à noter qu’une disposition permettant de surseoir à la mise en accusation d’un adulte est entrée en vigueur le 1er mars 1999. La partie III de la loi no CX de 1999 a institué une autre procédure simplifiée, la dispense de procès (chap. XVII/B de la loi sur la procédure pénale), dans le cadre de laquelle le juge prononce une peine beaucoup plus légère que celle qui est prévue par la loi pour l’infraction considérée. Conformément aux recommandations qui avaient été formulées, la loi no XIV de 2000 a redéfini l’une des causes du placement en détention. La nouvelle loi sur la procédure pénale prévoit plusieurs mécanismes susceptibles de remplacer la détention avant jugement. Ainsi, elle confirme, en la modifiant, la procédure qui interdit à la personne en cause de quitter son lieu de résidence et crée de nouvelles procédures, dont l’assignation à domicile, la saisie du passeport et la libération sous caution.

43.Lorsque le Parlement s’est prononcé, à la fin de 1999, pour l’ajournement de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi au 1er janvier 2003, il a en même temps décidé de mettre en application avant cette date les nouvelles procédures édictées concernant l’interdiction pour une personne de quitter son lieu de résidence, l’assignation à domicile et la saisie du passeport. Dès lors, les dispositions s’y rapportant ont été introduites dans la législation en vigueur à l’époque et les procédures ont été applicables au 1er mars 2000. Une fois que la pratique judiciaire aura été adaptée en conséquence, ces mesures devraient pouvoir remplacer la détention avant jugement dans un certain nombre de cas.

44.Le placement d’un suspect sous surveillance électronique dans un lieu désigné a été légalement institué au 1er mars 2000 dans le cadre de l’assignation à domicile, qui est une mesure supplémentaire spéciale applicable aux personnes ayant l’interdiction de quitter leur lieu de résidence (décret conjoint des Ministères de la justice et de l’intérieur no2/2000 du 26 février 2000, art. 1er, par. 3, al. b, et art. 5, par. 2, al. c).

45.Au vu de la taille actuelle de la population pénitentiaire, le programme susmentionné, même s’il est mené à bonne fin, ne soulagera que temporairement le problème du surpeuplement carcéral car on prévoit que la population pénitentiaire continuera de croître à un rythme soutenu.

Possibilités pour les détenus de travailler

46.La part du travail financé par l’État, en tant que principal instrument de réinsertion sociale, dans l’emploi des personnes détenues tend à se réduire mais reste prépondérante. Les détenus exerçant une activité professionnelle étaient au nombre de 2 961 en 1998, 2 736 en 1999 et 2 621 au premier trimestre de 2000.

47.Les détenus qui travaillent sont pour la plupart employés à l’intérieur des établissements de détention (à des tâches d’entretien), ceux qui exercent une activité à l’extérieur étant peu nombreux. La désaffection des détenus à l’égard du travail tient en partie au fait que celui-ci est mal rémunéré.

48.La mesure no 1-1/17/1999 relative aux modalités d’emploi des détenus, qui a été édictée par le Directeur national de l’administration pénitentiaire conformément aux dispositions du décret no 6/1996 (VII.12) du Ministre de la justice et est entrée en vigueur le 20 mars 1999, définit dans un cadre unifié les règles à observer et les tâches à accomplir en ce qui concerne l’emploi des détenus.

49.Les constatations qui ressortent du travail d’observation mené pendant la période considérée sont en résumé les suivantes:

a)Les établissements de détention ne peuvent proposer des travaux d’entretien qu’à un nombre limité de personnes;

b)Avant d’être admis à travailler, les détenus subissent un examen médical approfondi;

c)Des outils de travail et du matériel de protection sont fournis aux détenus;

d)Les détenus perçoivent une rémunération qui varie selon le travail accompli;

e)Les détenus qui travaillent ont droit à des congés payés.

50.On peut dire en bref que l’emploi des détenus financé par l’État s’inscrit dans un système conçu et géré en vue de l’accomplissement des tâches de base à effectuer à l’intérieur de l’établissement pénitentiaire, et dans un cadre défini par des dispositions légales.

51.Certains détenus sont employés dans des entreprises ayant pris la succession légale d’usines d’État créées à cet effet.

Questions relatives aux soins médicaux

52.Dans le cadre de ses travaux d’enquête antérieurs, le CPT avait formulé plusieurs observations et recommandations visant à améliorer les conditions d’hébergement et d’hygiène en détention.

53.Malgré la modicité des ressources budgétaires disponibles et l’accroissement de la population carcérale, des résultats appréciables ont été obtenus dans ce domaine.

54.En septembre 2000 a été mise en service à la maison d’arrêt de Budapest une nouvelle structure (bloc III) qui offre aux détenus des conditions adéquates en matière d’hébergement, d’alimentation, d’équipements médicaux et d’installations sanitaires en général.

55.Après l’adoption de la loi no CLIV de 1997 sur les soins médicaux, le Ministre de la justice a rendu en 1998 le décret no 5/1998 (III.6) sur les soins médicaux aux détenus qui, conformément à l’esprit de la loi, centrée sur les droits des patients, réglemente notamment la protection des données médicales et le droit de refuser des soins médicaux. Ce texte détermine quels sont les services médicaux gratuits (produits pharmaceutiques compris) auxquels les détenus ont accès aux différents niveaux de soins.

Conditions de détention

56.Au cours de la période considérée, l’État a continué de financer des programmes d’enseignement et de formation auxquels ont participé chaque année entre 1 500 et 1 600 personnes.

57.Un cours de formation professionnelle d’une durée de trois ans organisé à l’intention des détenus mineurs avec l’appui du programme PHARE est arrivé à son terme. Il aura permis à 160 jeunes de se former à cinq types de métier.

58.Les détenus ont accès au téléphone dans tous les établissements.

59.Le Ministre de la justice a rendu le décret no 17/1999 (XI.18) sur la protection des non‑fumeurs et les règles régissant la consommation et la distribution de produits du tabac dans les établissements de détention.

Tâches et mesures relatives aux activités récréatives et sportives des détenus

60.Le principal obstacle à l’utilisation féconde des loisirs en détention est le surpeuplement. Il existe à présent un fonds central qui finance un développement modeste des installations à cet effet, la contribution fournie étant proportionnelle au budget annuel de chaque établissement. Les fonds dégagés sont destinés entre autres à agrandir les bibliothèques, à aménager et équiper des salles de remise en forme ou à organiser des ateliers de formation.

61.Afin de garantir aux détenus la libre pratique de leur culte, certains établissements pénitentiaires ont mis en place des chapelles ou des salles de réunion, principalement au moyen de leurs propres ressources. Il existe actuellement 10 structures de ce type et deux autres seront mises en service cette année.

62.En 1999, le CPT avait recommandé aux autorités hongroises de déployer de vigoureux efforts pour élaborer des programmes d’activité à l’intention des détenus de tous les établissements de détention provisoire de Budapest. Il avait également réitéré la recommandation formulée dans le rapport relatif à la visite de 1994, tendant à ce que l’on donne à tous les détenus la possibilité de pratiquer au moins une heure d’exercice en plein air chaque jour.

63.L’entrée en service du bloc III de la maison d’arrêt de Budapest a contribué à élargir les possibilités de participation à des programmes d’animation ou à des activités religieuses, caritatives ou autres qui sont offertes aux détenus. Le projet de réfection du sous‑sol du bloc II pourrait lui aussi être mis à profit à cet égard. Dans le souci d’apporter une formation aux détenus, les autorités hongroises ont lancé, le 25 octobre 2000, sept cours qui sont dispensés par des conférenciers de l’université populaire de Budapest.

64.Des activités physiques en plein air sont prévues conformément aux règles en vigueur. La maison d’arrêt de Budapest, comme tous les autres établissements de détention, offre aux détenus la possibilité de pratiquer une heure d’exercice en plein air par jour. Si un détenu ne souhaite pas la mettre à profit, le fait doit être consigné par écrit.

Torture et mauvais traitements

65.Les données statistiques pour la période 1998‑2000 font apparaître ce qui suit:

a)En 1998, quatre personnes ont été condamnées en application de l’article 226 du Code pénal (loi no IV de 1978) pour mauvais traitements dans l’exercice de leurs fonctions officielles. Une personne a reçu un blâme tandis que l’on abandonnait les poursuites à son encontre. Dans 13 autres cas, l’autorité pénale compétente a classé l’affaire en application de l’article 139 de la loi sur la procédure pénale;

b)En 1999, 12 personnes ont été condamnées en application de l’article 226 du Code pénal pour mauvais traitements dans l’exercice de leurs fonctions officielles. Dans 11 autres cas, l’autorité pénale compétente a classé l’affaire en application de l’article 139 de la loi sur la procédure pénale;

c)En 2000, à la date du 31 août, deux personnes avaient été condamnées en application de l’article 226 du Code pénal pour mauvais traitements dans l’exercice de leurs fonctions officielles. Dans 22 autres cas, l’autorité pénale compétente avait classé l’affaire en application de l’article 139 de la loi sur la procédure pénale.

Article 3

66.Aucun élément nouveau n’est à signaler.

Article 4

67.Aucun élément nouveau n’est à signaler.

Article 5

68.La loi no LIV de 2002 sur la coopération avec les organismes internationaux d’enquête criminelle a été adoptée par le Parlement le 17 décembre 2002, mais elle n’entrera en vigueur que lorsque le traité d’adhésion à l’Union européenne prendra effet. Cette loi a pour but de réglementer la coopération entre les organismes hongrois et internationaux d’enquête criminelle pendant les phases de prévention et d’investigation en vue d’accroître l’efficacité des procédures d’enquête. Les dispositions de cette loi ne sont applicables que dans les cas où il existe un instrument international relatif aux diverses formes de coopération prévues par la loi.

69.Les demandes d’entraide judiciaire sont recevables lorsqu’elles visent le travail de prévention ou d’enquête concernant des infractions passibles d’une peine d’emprisonnement. Elles doivent être transmises par l’intermédiaire du Centre d’entraide judiciaire internationale en matière pénale.

70.L’article 8 de la loi no LIV de 2002 expose les formes d’entraide possibles, à savoir:

a)Échanges directs d’informations;

b)Livraisons surveillées;

c)Création d’équipes communes d’enquête;

d)Participation de personnes qui collaborent avec des organismes d’enquête judiciaire;

e)Utilisation d’agents opérant sous une identité fictive;

f)Observation transfrontière;

g)Droit de suite;

h)Désignation d’agents de liaison;

i)Collecte de données à caractère personnel dans le cadre de l’entraide judiciaire;

j)Application du programme de protection des témoins dans le cadre de l’entraide judiciaire.

La loi noLIV de 2002 traite en détail ces diverses formes d’entraide judiciaire en matière pénale, ce qui contribuera sans nul doute à une plus grande efficacité des procédures d’enquête à l’échelon international.

Article 6

71.Aucun élément nouveau n’est à signaler.

Article 7

72.Aucun élément nouveau n’est à signaler.

Article 8

73.La Hongrie a ratifié par la loi no LXVII de 2001 le Protocole additionnel à la Convention sur le transfèrement des personnes condamnées, qui avait été adopté le 18 décembre 1997 par le Conseil de l’Europe, lequel avait jugé souhaitable de modifier la Convention sur certains points.

Article 9

74.Aucun élément nouveau n’est à signaler.

Article 10

75.Il convient de mentionner l’élaboration et la publication, depuis la présentation du rapport de 1996, d’un manuel intitulé «Documents internationaux», qui est désormais utilisé dans tous les cours de formation de base ainsi que par les étudiants qui suivent les cours ordinaires ou par correspondance de l’école de police et choisissent comme matière principale «Les établissements pénitentiaires».

76.Afin de relever le niveau de la formation théorique dispensée aux membres du personnel pénitentiaire qui sont en contact direct avec les détenus, les autorités hongroises ont mis en place un nouveau cursus homologué qui permet d’obtenir le titre d’«inspecteur pénitentiaire» ou d’«inspecteur général pénitentiaire». On veille à intégrer dans le programme toute modification pertinente qui intervient dans les dispositions juridiques internationales.

77.La Hongrie a franchi une nouvelle étape dans le renforcement de la formation de la police en établissant un programme d’études central qui constitue la base de l’enseignement dispensé aux futurs fonctionnaires de police et gardes frontière dans les écoles de formation des responsables de l’application des lois, dans les domaines suivants:

Questions juridiques: Protection juridique des minorités; garantie des droits de l’homme et des droits des minorités; mesures et procédures applicables par les forces de l’ordre (autres notions abordées, mais sans une analyse détaillée des passages du Code pénal s’y rapportant: abus de fonction; mauvais traitements dans l’exercice de fonctions officielles; conduite d’interrogatoires sous la contrainte et possession illicite d’armes);

Études sociales: Migration, notion de partialité, discrimination, racisme et antisémitisme;

Études psychologiques: Effets de l’attitude adoptée et de la partialité sur le comportement humain; éthique et déontologie des membres des forces de l’ordre; exigences internationales courantes; importance de l’objectivité; empathie et tolérance dans le travail de la police; problèmes psychologiques particuliers afférents aux mesures prises par la police (à l’encontre de personnes d’âge et de sexe différents, de ressortissants étrangers, de groupes ethniques, de personnes qui sont sous l’emprise de l’alcool ou de stupéfiants, d’individus ayant un comportement brutal ou violent, de personnes qui tentent de soudoyer des fonctionnaires et de malades ou handicapés mentaux); problèmes psychologiques liés au placement dans un refuge communautaire ou dans les locaux de garde à vue de la police; et problèmes psychologiques associés aux interrogatoires de police;

Techniques d’enquête (y compris loi sur la procédure pénale): Protection des témoins et protection des personnes impliquées dans une procédure pénale.

Ce programme est complété par une formation pratique.

78.Soucieux d’apporter un soutien psychologique aux fonctionnaires de police exposés au stress, les services de police emploient depuis 1999 des psychologues qualifiés qui sont là pour aider le personnel, y compris, bien entendu, les surveillants des locaux de détention. Les policiers qui souffrent de problèmes psychologiques liés au stress peuvent bénéficier d’une psychothérapie individuelle, et l’autorisation d’utiliser en Hongrie un questionnaire établi à partir de l’inventaire des sources de stress professionnel de Cary L. Cooper (OSI2) a été sollicitée. Le Commissaire parlementaire aux droits de l’homme (médiateur) a par ailleurs suggéré que l’on forme à la gestion des conflits les policiers qui opèrent normalement dans des lieux publics. Depuis septembre 2000, les policiers subissent régulièrement des tests psychologiques standard ou ciblés destinés à vérifier qu’ils satisfont toujours aux critères d’aptitude.

Article 11

Légalité du traitement des détenus pendant la période 1998 ‑1999

79.Il est indiqué au point 4 de la circulaire no 2/1995 (ÜK.5) diffusée par le Procureur général adjoint sur l’adaptation des recommandations du CPT à l’intention du parquet que les services du ministère public à l’échelon des comtés doivent faire rapport sur la légalité du traitement des détenus. Ces services ont présenté leurs rapports à ce sujet pour la période 1998-1999, dans lesquels ils résument les conclusions qu’ils ont formulées sur la base de leurs visites mensuelles d’inspection dans les locaux de détention de la police et les établissements où sont exécutées les peines privatives de liberté (prisons).

80.Pour l’ensemble des établissements concernés (locaux de police et prisons), les services du ministère public des comtés ont reçu, en 1998, 639 requêtes, 168 plaintes et 220 rapports écrits. En outre, les procureurs chargés de la surveillance ont de leur côté entendu, dans 1 632 cas, 6 818 détenus, qui avaient fait une demande à cet effet sur un formulaire standard. En 1999, les services du ministère public ont enregistré 795 requêtes, 342 plaintes et 390 rapports, et les procureurs chargés de la surveillance ont entendu 6 682 détenus.

81.Au cours de cette période, les détenus ont présenté par écrit ou oralement aux procureurs chargés de la surveillance plus de 1 000 requêtes, plaintes et rapports concernant exclusivement le traitement dans les établissements de détention. Les plaintes relatives à des infractions commises par des agents (brutalités ou insultes lors de l’interpellation, du transfert ou des interrogatoires, principalement) ont été transmises aux bureaux d’enquête des services du ministère public, seuls habilités à les examiner, par les directeurs des établissements pénitentiaires concernés ou par les procureurs chargés de la surveillance. Pour ce qui est des plaintes pour mauvais traitements présentées oralement aux procureurs chargés de la surveillance, ceux-ci les ont examinées rapidement sur place et ont décidé soit de ne pas y donner suite, soit de les transmettre à l’autorité compétente. Il faut toutefois noter que les plaintes portaient majoritairement non sur les conditions de traitement, mais sur la longueur de la procédure, le manque de contacts avec la personne chargée de l’enquête, des retards dans la remise du courrier ou des carences sur le plan des soins de santé.

82.Ainsi, en 1999, les services du ministère public du comté de Hajdú‑Bihar ont reçu 214 requêtes, 3 plaintes et 7 rapports, et le procureur chargé de la surveillance a entendu 382 détenus. Seules deux des plaintes reçues concernaient des actes s’apparentant à la torture ou à des traitements cruels ou dégradants. L’une d’elles était dirigée contre un gardien de la prison du comté de Hajdú‑Bihar qui avait frappé un détenu dans la nuque pendant la promenade, sans toutefois lui causer de blessure. L’enquête qui a été menée sur cette affaire a abouti à la conclusion que le gardien avait eu recours à la force physique contre le détenu, et le directeur de l’établissement a estimé que cette mesure ne se justifiait pas. Le bureau d’enquête des services du parquet du comté de Hajdú‑Bihar a renoncé à poursuivre l’agent mis en cause pour mauvais traitements dans l’exercice de ses fonctions parce que les déclarations du prévenu et des témoins, tout comme les avis des experts médicaux, divergeaient, et qu’il n’était dès lors pas possible d’établir avec certitude la matérialité de l’infraction.

83.En application des recommandations du CPT, le Procureur général adjoint de la République de Hongrie a prescrit, par voie de circulaire, qu’un contrôle de la légalité soit effectué au moins une fois par mois.

84.Un sergent de l’établissement pénitentiaire pour mineurs a été condamné par la chambre militaire du Tribunal métropolitain (jugement no KB.II.172/1999) du chef de mauvais traitements dans l’exercice de ses fonctions et manquement aux devoirs de sa charge à une peine d’emprisonnement de cinq mois, avec régime aménagé, et un an de mise à l’épreuve. L’intéressé avait quitté son poste sans autorisation pour se rendre dans un autre couloir, était entré dans une cellule et avait ordonné au détenu qui l’occupait de descendre de la fenêtre, de cesser de crier et de fermer la fenêtre. Le détenu ayant refusé d’obtempérer, l’agent l’avait saisi par les vêtements, traîné dans le couloir, poussé contre le grillage du couloir puis repoussé dans sa cellule, sans toutefois que le détenu soit blessé.

85.Le 15 septembre 1999, dans les locaux de garde à vue du commissariat de police du comté de Győr‑Moson‑Sopron, un gardien a frappé un jeune détenu au visage à travers la lucarne utilisée pour passer les repas et lui a causé des lésions qui ont guéri en huit jours. Mis en accusation par le parquet de Győr, le gardien a été condamné par le tribunal de cette ville (jugement n° B.2661/1999) à un an de mise à l’épreuve pour avoir infligé des mauvais traitements à un détenu dans l’exercice de ses fonctions et lui avoir causé des lésions corporelles.

86.Une enquête pour détention illégale a été ouverte contre un sergent de la sous-section II du centre de détention du commissariat de la police métropolitaine qui, le 18 avril 1999, avait libéré un détenu avec quelques heures de retard (16 h 50 au lieu de 11 h 30). Elle a fait apparaître que le prévenu, occupé à enregistrer plusieurs contrevenants après un match de football, n’avait pas remarqué que l’heure de libérer le détenu était arrivée. Le détenu avait ensuite été remis en liberté rapidement. Le sergent a reçu un avertissement de la part du directeur du centre de détention et l’enquête s’est clôturée par un avertissement de la part des services du parquet des cinquième, huitième et treizième arrondissements de Budapest.

87.Les magistrats du parquet chargés de la surveillance ont effectué 1 734 visites d’inspection en 1998 et 1 951 en 1999 − dont respectivement 804 et 788 dans les locaux de garde à vue de la police. Au cours de ces visites, les magistrats ont refusé d’enquêter plus avant sur 36,7 % des plaintes.

88.Dans 261 cas en 1998 et 332 en 1999, les magistrats ont examiné des faits à caractère exceptionnel que des détenus avaient dénoncés. Des poursuites pénales ont été engagées contre 24 gardiens en 1998 et 26 en 1999.

89.Toutes les plaintes relatives au traitement des détenus ont été examinées. Toutes les plaintes que les procureurs ont reçues ont été examinées, ce qui signifie qu’il est faux de prétendre que le parquet n’examine pas certaines des plaintes.

90.De manière générale, hormis quelques infractions relevées lors des examens, le traitement des détenus dans les établissements de détention est conforme aux prescriptions énoncées dans les instruments internationaux et dans la législation nationale. Les services du parquet contrôlent les lieux de détention et veillent à mettre un terme sans délai aux manquements qu’ils relèvent.

91.Les circonstances du placement en détention ne peuvent être considérées comme faisant partie du traitement, mais il convient toutefois de souligner que le nombre de détenus ne cesse de croître (en particulier dans les comtés où les arrestations ont lieu) et que, dans certains établissements, le surpeuplement atteint 200 %. Cet engorgement porte atteinte aux conditions d’existence et au traitement des détenus ainsi qu’à la sécurité des établissements de détention.

92.Il importe au plus haut point de continuer d’œuvrer au respect de la légalité du traitement des détenus, en s’attachant avant toute chose à observer les prescriptions des conventions et traités internationaux. Il incombe donc à toutes les autorités compétentes de prendre les mesures nécessaires pour corriger et prévenir toute illégalité de traitement en utilisant les instruments disponibles.

93.De même, il est primordial de veiller plus strictement à l’application de pratiques disciplinaires uniformes. Aux fins de la bonne exécution des dispositions légales en la matière, le bureau du Procureur général a rédigé, en s’appuyant sur les conclusions des examens des services des chefs de parquet, des instructions à l’intention de la Direction nationale de la police et de la Direction nationale de l’administration pénitentiaire du Ministère de la justice. Il a également entrepris, à l’échelle du pays, un examen de la légalité du traitement des détenus depuis 1995, année par année, pour chacun des services des chefs de parquet, afin de vérifier que les prescriptions des instruments internationaux et des dispositions légales internes étaient bien respectées.

Observations du Commissaire parlementaire aux droits civils

94.C’est à la faveur de la révision de sa Constitution, en 1989, que la Hongrie s’est dotée d’un commissaire parlementaire, placé sous l’autorité du Parlement et indépendant des autorités administratives et judiciaires, pour pallier les lacunes du mécanisme d’autocontrôle de l’État, compléter le dispositif garantissant les droits constitutionnels et renforcer le contrôle du Parlement sur l’administration. Le lien direct du Commissaire avec le Parlement est illustré par le fait que le Commissaire est élu par le Parlement et que, selon l’article 31b 6) de la Constitution et l’article 27 1) de la loi no LIX de 1993 sur le Commissaire parlementaire aux droits civils, il doit rendre compte chaque année au Parlement de ses activités, et notamment faire le point sur la situation en ce qui concerne la protection des droits constitutionnels dans le cadre des fonctions officielles ainsi que sur l’accueil reçu par ses initiatives et recommandations et les suites qui y ont été données. Le Commissaire doit présenter son rapport au Parlement à la fin du premier trimestre de l’année civile suivant l’année sur laquelle il porte. Depuis l’établissement de cette fonction, les Commissaires se sont toujours acquittés de cette obligation en temps voulu.

95.Le Commissaire parlementaire aux droits civils est chargé de conduire ou de diligenter des enquêtes sur les irrégularités constatées dans le domaine des droits constitutionnels et de prendre des mesures de portée générale ou individuelle pour y remédier. La loi régissant ses activités dispose que le Commissaire parlementaire peut être saisi par quiconque estime avoir été lésé dans ses droits constitutionnels, ou craint de l’être de façon imminente, par suite de l’acte d’une autorité ou d’une entité publique, d’une décision ou mesure prise, ou de l’omission de prendre des mesures. La modification de la loi rendue nécessaire par la décision no226/B/1999 de la Cour constitutionnelle et entrée en vigueur en 2002 précise quelles sont les entités devant être considérées comme d’autres autorités qui relèvent de la compétence du Commissaire parlementaire et fournit une liste exhaustive des autres autorités sur lesquelles le Commissaire n’est pas habilité à enquêter. Le changement le plus important qui en résulte est que les services du ministère public (à l’exception des organes d’enquête du parquet) ont été retirés du champ d’enquête du Commissaire, ce qui réduit considérablement l’éventail des questions sur lesquelles le Commissaire parlementaire peut enquêter, comme l’atteste d’ailleurs la diminution du nombre de plaintes déposées.

96.Les condamnés et les prévenus ne peuvent faire l’objet d’un traitement plus sévère que celui qui est prévu par le jugement ou par la loi. La loi énonce également les garanties les plus importantes des droits des condamnés. Les exigences fondamentales relatives au traitement des condamnés tiennent compte notamment des dispositions pertinentes de la Convention contre la torture et des conventions européennes. Lorsqu’il examine les plaintes émanant de détenus, le Substitut général du Commissaire parlementaire s’assure que les conditions de détention et la mise en œuvre concrète des règles et des procédures internes applicables aux détenus sont conformes aux droits fondamentaux et aux droits civils de l’homme consacrés par la Constitution.

97.Les bonnes relations entretenues de longue date avec la Direction nationale de l’administration pénitentiaire sont l’un des facteurs qui expliquent le bon déroulement des enquêtes du Substitut général et l’accueil favorable réservé à ses constatations et recommandations. La modernisation du parc pénitentiaire qui s’effectue conformément aux projets du Ministère de la justice et de la Direction nationale s’est déjà traduite par une amélioration des conditions de détention à plusieurs endroits, même si on n’a pas constaté de grands progrès en ce qui concerne le surpeuplement carcéral. Les changements intervenus se manifestent notamment par le fait que les plaintes émanant de détenus sont en recul et que les conditions qui en sont à l’origine ne sont plus les mêmes.

98.Le surpeuplement carcéral, déjà dénoncé les années précédentes, explique aussi qu’il est difficile de séparer les détenus comme la loi le prescrit. Dans le cas des détenus mineurs, l’inobservation des règles met également en danger la sécurité des intéressés. Dans la prison métropolitaine, un prévenu de 16 ans qui avait été placé dans une cellule abritant principalement des adultes beaucoup plus solidement bâtis que lui a été roué de coups à plusieurs reprises par quatre de ses compagnons de cellule adultes, s’est fait voler plusieurs objets et a subi des violences sexuelles. En l’occurrence, le personnel pénitentiaire a enfreint à la fois les règles concernant la détention dans les établissements pénitentiaires, la procédure pénale et les dispositions spéciales relatives à la protection des mineurs, portant ainsi atteinte aux droits constitutionnels de l’intéressé à la vie et à la dignité de la personne.

99.La plupart des plaintes qui ont été déposées concernent des lacunes en matière de soins de santé, de traitement médical et de conditions d’hygiène. Il ressort de la plupart des enquêtes que le service de santé du système pénitentiaire offre aux détenus des prestations d’un niveau adéquat. Il a été fait mention plus tôt d’un cas où l’administration pénitentiaire avait porté atteinte au droit d’un détenu de jouir du meilleur état de santé physique et mentale susceptible d’être atteint parce que l’intéressé ne pouvait être soigné qu’à l’extérieur du système pénitentiaire et que son transfèrement hors de la prison n’avait pas été effectué d’office.

100.En ce qui concerne le droit des personnes purgeant une peine privative de liberté dans un établissement pénitentiaire d’exprimer leur opinion ainsi que le droit à la liberté de la presse, un requérant a dénoncé le fait qu’avant d’interviewer un détenu, il avait dû s’entendre avec lui sur les conditions de l’interview, s’engager à soumettre l’enregistrement de l’entretien à la Direction nationale de l’administration pénitentiaire avant sa diffusion et accepter que seule la version approuvée par les autorités passe à l’antenne. Selon l’exposé des motifs d’une décision de la Cour constitutionnelle adoptée depuis lors, le fait de réglementer et de contrôler les relations des détenus avec les médias ne constitue pas un manquement aux droits à la liberté d’opinion et à la liberté de la presse. Les droits fondamentaux ne peuvent toutefois faire l’objet que des seules restrictions qui sont prévues par la loi et qui répondent au «critère de nécessité». À la demande du Substitut général, le Directeur de l’administration pénitentiaire a mis fin à la pratique contestée concernant la possibilité pour les détenus d’accorder des interviews. Étant donné toutefois que le fondement juridique de la protection des droits constitutionnels est incomplet, il peut en résulter des manquements à l’obligation de sécurité juridique imposée par la Constitution. En conséquence, le Substitut général a entrepris une démarche en vue de l’adoption d’un texte législatif auprès du Ministre de la justice, qui a souscrit à cette initiative.

101.Lors d’une enquête qui couvrait également les locaux de police, le Substitut général a constaté que dans plusieurs établissements de détention, l’échange direct de documents entre un avocat et son client dans le parloir réglementaire n’était pas autorisé. Selon le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, toute personne a le droit, en pleine égalité, de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense et de communiquer avec le conseil de son choix. Ces «facilités» comprennent les conditions propres à permettre à une personne d’assurer sa défense efficacement et sans retard, ce qui suppose fondamentalement qu’elle puisse communiquer librement et sans surveillance avec son avocat, y compris échanger directement des documents avec lui. L’absence de cette possibilité fait obstacle à la préparation d’une défense efficace en temps voulu, ce qui hypothèque le droit à la défense et constitue dès lors un manquement.

102.Le cas des enfants nés en milieu carcéral pose un problème particulier. Alors qu’il examinait une nouvelle plainte ayant un lien avec une enquête déjà achevée, le Substitut général a constaté que les enfants nés dans un établissement pénitentiaire et vivant provisoirement avec leur mère pouvaient être lésés dans leur droit à un développement physique, mental et moral approprié si, par suite de la procédure suivie par le Ministère des affaires sociales et familiales et d’une omission de la part de l’hôpital central de l’administration pénitentiaire, les parents n’étaient pas en mesure de faire valoir leur droit à des allocations familiales pour ces enfants.

103.La réglementation régissant les modalités et les conditions de détention revêt une importance particulière sur le plan constitutionnel. Les dispositions qui y figurent définissent en effet les limites dans lesquelles la restriction de la liberté inhérente à l’incarcération est constitutionnellement admise, nécessaire et proportionnée. Selon la position de la Cour constitutionnelle relative à la protection du droit à la vie, l’obligation de protéger certains droits fondamentaux en tant qu’acquis légaux est inconditionnelle et son application ne peut être «ajournée» jusqu’à ce que les conditions soient plus favorables. Le manquement constitutionnel reste entier même si l’établissement pénitentiaire ou l’organisation a fait tout son possible pour prévenir le préjudice mais n’y est pas parvenue dans la mesure minimale requise par la loi. Sans une mesure ciblée pertinente de la part de l’État, de nouvelles irrégularités risquent de se produire dans les établissements pénitentiaires.

104.Malgré les dispositions claires énoncées en la matière dans la loi sur la police, il arrive encore que des personnes appréhendées ne soient pas autorisées à informer leurs proches ou d’autres personnes et que, de son côté, l’organe de police compétent ne se charge pas de les avertir. Il est particulièrement important d’informer les proches lorsque la personne mise en cause est un mineur ou un ressortissant étranger car ces catégories de personne sont dans une situation plus vulnérable. Dans le cas des ressortissants étrangers, la police est tenue de faire le nécessaire en vertu de la Convention de Vienne sur les relations consulaires et du traité bilatéral conclu avec les États‑Unis. Le non-respect de cette obligation porte atteinte à la sécurité juridique liée à la primauté du droit et à l’équité de la procédure.

105.Même si certaines des plaintes concernant les conditions d’emprisonnement étaient infondées, la vétusté des maisons centrales de Budapest n’en demeure pas moins un problème. L’absence de toilettes, le fait que les possibilités de prendre l’air sont limitées et la médiocrité des conditions d’hygiène constituent des violations des droits des détenus à la dignité humaine et au meilleur état de santé physique et mentale susceptible d’être atteint. Il y a manquement à l’obligation fondamentale d’assurer la sécurité des détenus si certains des barreaux, dispositifs de verrouillage des fenêtres et radiateurs des locaux de détention, des équipements sanitaires et des cellules sont disposés de telle façon qu’ils fournissent aux détenus des occasions directes de se suicider par pendaison. Le Substitut général a observé des cas de ce genre dans les prisons du comté de Győr‑Moson‑Sopron.

106.La torture et les peines inhumaines ou inhabituelles sont proscrites par plusieurs instruments internationaux ainsi que par la loi sur la police et le Code de procédure pénale. Non seulement de tels actes (heureusement rares) constituent un délit, mais ils portent gravement atteinte aux droits constitutionnels à la vie et à la dignité humaine. Le cas s’est produit dans un poste de police relevant des services de police de Kapuvár, où des policiers ont agressé des jeunes qui étaient accusés de cambriolage. La juridiction qui a été saisie par des proches des victimes a également établi la responsabilité pénale des policiers pour le crime de torture destinée à obtenir des aveux. Après cela, on a pu observer une augmentation du nombre de contraventions dressées sur le territoire relevant du poste de police concerné, qui a atteint près du triple de la moyenne nationale, certaines des mesures policières visant expressément les personnes qui avaient saisi la justice ou leurs proches. Le Substitut général a estimé que les mesures injustifiées prises après l’ouverture des poursuites contre les policiers coupables de l’agression étaient contraires au principe constitutionnel de la primauté du droit.

II.  RESPECT DES CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS DU COMITÉ

107.Le Comité a proposé, dans les conclusions et recommandations qu’il a adoptées après l’examen du précédent rapport, que la Hongrie procède à un réexamen approfondi de l’article 123 du Code pénal et en adapte le texte aux dispositions de la Convention.

108.Toutefois, de l’avis du Gouvernement hongrois, il n’est pas indispensable de modifier l’article 123 du Code pénal. La jurisprudence fondée sur l’interprétation correcte de la disposition qu’il contient ne va pas à l’encontre du paragraphe 3 de l’article 2 de la Convention, en particulier si l’on se reporte à la réglementation connexe en vigueur ainsi qu’à la pratique des juridictions pénales hongroises en la matière.

109.L’article 123 du Code pénal est libellé comme suit:

1)Un militaire ne peut être sanctionné pour un acte qu’il a commis sur l’ordre d’un supérieur, sauf s’il savait qu'en exécutant l’ordre, il commettrait une infraction.

2)La personne qui a donné l’ordre est responsable de l’infraction commise sur son ordre en tant qu’auteur de l’infraction.

Cette disposition figure au chapitre VIII de la partie générale du Code pénal (loi no IV de 1978), qui traite des militaires. Aux fins du Code pénal, le terme «militaire» désigne les membres actifs des forces armées (armée proprement dite et corps des gardes frontière) et les membres de la police, des établissements pénitentiaires et des services de la sécurité civile. Aux fins de la Convention, ce sont les dispositions légales régissant la police, le corps des gardes frontière et les établissements pénitentiaires qui sont pertinentes, eu égard aux pouvoirs d’enquête et de détention attribués à ces institutions.

110.Les membres de la police sont régis par la loi no XXXIV de 1994 sur la police et le décret no 3/1995 du Ministre de l’intérieur sur le règlement de service. Les gardes frontière sont régis par la loi no CX de 1993 sur la défense nationale et le décret no 6/1987 du Ministre de la défense. Les membres de l’administration pénitentiaire sont régis par la loi no CVII de 1995 sur l’organisation des établissements pénitentiaires et le décret no 21/1997 du Ministre de la justice sur le règlement de service des établissements pénitentiaires.

111.Les forces armées, la police, l’administration pénitentiaire et les services de la sécurité civile ne peuvent exercer leurs fonctions que s’il existe une hiérarchie stricte parmi leurs membres ayant le statut de militaire. La loi no CX de 1993 sur la défense nationale dispose au paragraphe 1 de son article 25 que, dans le système hiérarchique, les personnes qui sont appelées dans le cadre de leurs droits et obligations à donner des ordres à d’autres militaires ont le statut de supérieur et les personnes sur lesquelles les supérieurs exercent leurs compétences ont le statut de subordonné. Les supérieurs font exécuter leur volonté en donnant des ordres et décrétant des mesures. Selon le paragraphe 1 de l’article 26, l’ordre est une instruction spécifique prescrivant l’exécution d’une activité ou l’accomplissement d’une tâche. Le paragraphe 2 de cet article dispose que l’ordre est adressé à une personne ou à un groupe de personnes précis.

112.La loi no XLIII de 1996 sur le service des membres des corps armés vise les relations de service des membres des forces armées (armée proprement dite et corps des gardes frontière), des organes de maintien de l’ordre (police, protection civile, services douaniers et brigade financière, administration pénitentiaire, corps des pompiers relevant de l’État ou des collectivités locales) et des services de la sécurité civile.

113.L’article 68 de la loi no XLIII de 1996 est libellé comme suit:

«Paragraphe 1: Les membres des forces armées sont tenus:

a)De se présenter en lieu et heure en étant aptes à accomplir leur service, et d’exécuter leur tâche ou d’être prêts à l’exécuter;

b)D’exécuter leurs tâches relevant du service conformément aux prescriptions, instructions ou mesures légales − si nécessaire au mépris du danger − et en faisant preuve du professionnalisme, de la diligence, de l’impartialité et de l’équité qui peuvent être attendus d’eux;

c)De coopérer avec leurs collègues, d’accomplir leur tâche et de se comporter de manière générale de telle façon qu’ils ne mettent pas en danger la santé ou l’intégrité physique d’autrui et ne causent pas de dommages, à moins que cela ne soit inévitable pour la bonne exécution de leur tâche;

d)De s’inscrire aux cours ou activités de formation qui leur sont imposés et d’effectuer les épreuves requises;

e)De satisfaire aux critères médicaux, psychologiques et physiques exigés pour la profession;

f)D’observer, lorsqu’ils ne sont pas en service, un comportement digne de membres des corps armés.

Paragraphe 2: Les membres des forces armées sont tenus de garder les secrets d’État et les secrets militaires et de se conformer aux règles relatives à la protection des données.

Paragraphe 3: Les membres des forces armées ne peuvent accepter aucune rémunération pour des apparitions en public.».

114.L’article 69 est libellé comme suit:

«Paragraphe 1: Dans l’exercice de leurs fonctions, les membres des forces armées sont tenus de se conformer aux ordres et aux instructions de leurs supérieurs sauf si, ce faisant, ils commettraient une infraction pénale.

Paragraphe 2: Sous réserve de l’exception visée au paragraphe 1, un membre des forces armées ne peut pas refuser d’exécuter un ordre ou une instruction illégaux, mais il doit avertir immédiatement son supérieur de l’illégalité de l’ordre ou de l’instruction, s’il en a conscience. Si le supérieur maintient malgré tout son ordre, il doit le consigner par écrit si le subordonné le lui demande. En cas d’exécution d’un ordre ou d’une instruction illégaux, la responsabilité de la personne qui a donné l’ordre ou l’instruction est engagée.».

115.Les supérieurs sont tenus de donner leurs ordres de manière ferme. Les ordres doivent être dépourvus d’ambiguïté et adressés à des personnes capables de les exécuter.

116.On trouve des dispositions analogues aux paragraphes 1 et 2 de l’article 12 de la loi sur la police, qui sont libellés comme suit:

«Paragraphe 1: Dans l’exercice de leurs fonctions, les membres de la police sont tenus de se conformer aux instructions de leurs supérieurs sauf si, ce faisant, ils commettraient une infraction pénale.

Paragraphe 2: Sous réserve de l’exception visée au paragraphe 1, un membre de la police ne peut pas refuser d’exécuter un ordre ou une instruction illégaux, mais il doit immédiatement avertir son supérieur de l’illégalité de l’ordre ou de l’instruction, s’il en a conscience. Si le supérieur maintient malgré tout son ordre, il doit le consigner par écrit si le subordonné le lui demande. Tout refus ou omission de consigner l’ordre par écrit doit être signalé au supérieur immédiat de l’auteur de l’ordre, mais l’exercice de ce droit n’a pas d’effet dilatoire sur l’exécution de l’ordre.».

117.Aux termes du paragraphe 6 de l’article 8 du règlement de service des établissements pénitentiaires, le devoir d’obéissance du personnel pénitentiaire est régi par les articles 68 et 69 de la loi no XLIII de 1996 sur le règlement de service des membres des forces armées, appliqué mutatis mutandis.

118.Les militaires (au sens du Code pénal) qui n’obéissent pas aux ordres enfreignent l’article 354 du Code pénal régissant la désobéissance aux ordres.

119.Sous réserve des exceptions visées plus haut, les militaires ne peuvent pas refuser d’obéir à des ordres illégaux.

120.Il ressort des dispositions légales qui précèdent que toute personne ayant le statut de militaire est tenue d’obéir aux ordres de ses supérieurs sauf si elle a la certitude que, ce faisant, elle commettrait une infraction pénale. Conformément à l’article 123 du Code pénal, la personne qui a obéi à un ordre dont elle ignorait qu’il impliquait la commission d’une infraction n’encourt aucune sanction. En pareil cas, la responsabilité de la personne qui a donné l’ordre est engagée. Si le subordonné a obéi à un ordre alors qu’il savait qu’il commettrait ce faisant une infraction pénale, sa responsabilité est engagée en tant qu’auteur de l’acte.

121.Le paragraphe 3 de l’article 16 de la loi sur la police et le paragraphe 3 de l’article 11 de la loi no CVII de 1995 sur l’organisation des établissements pénitentiaires interdisent expressément la pratique de la torture et les traitements inhumains.

122.Le paragraphe 3 de l’article 16 de la loi sur la police est libellé comme suit: «Les membres de la police ne peuvent recourir à la torture ni soumettre quiconque à des interrogatoires sous la contrainte ou à des traitements cruels, inhumains ou dégradants. Ils doivent refuser d’obéir à tout ordre à cet effet. Afin de prévenir de tels actes, les membres de la police doivent prendre des mesures à l’encontre de toute personne qui en commet, quels que soient son poste, son grade ou sa personnalité.».

123.Le paragraphe 3 de l’article 11 de la loi no CVII de 1995 sur l’organisation des établissements pénitentiaires est libellé comme suit: «Lorsqu’ils prennent des mesures, les membres du personnel des établissements pénitentiaires ne peuvent recourir à la torture ni soumettre quiconque à des interrogatoires sous la contrainte ou à des traitements cruels, inhumains ou dégradants. Ils doivent refuser d’obéir à tout ordre à cet effet. Les membres du personnel doivent demander à l’auteur de tels actes d’y mettre un terme immédiatement et sont autorisés à prendre des mesures ou à avertir la personne habilitée à en prendre.».

124.La torture au sens de la Convention est contraire à l’article 226 (mauvais traitements dans l’exercice de fonctions officielles) ou à l’article 227 (conduite d’interrogatoires sous la contrainte) du Code pénal hongrois. Si de tels actes s’accompagnent de voies de fait, on considère qu’il y a cumul d’infractions.

125.Les dispositions légales régissant les infractions susmentionnées sont les suivantes:

«Mauvais traitements dans l’exercice de fonctions officielles:

Article 226: L’agent qui inflige des sévices à autrui dans le cadre de ses fonctions commet un délit passible d’une peine d’emprisonnement de deux ans au maximum.

Conduite d’interrogatoires sous la contrainte:

Article 227: L’agent qui, pour obtenir des aveux ou une déclaration, fait usage de la violence, de menaces ou de moyens analogues commet un crime passible d’une peine d’emprisonnement de cinq ans au maximum.».

126.En ce qui concerne les agissements susmentionnés, l’usage non autorisé de la force physique ou les ordres prescrivant le recours à des violences physiques, il convient de mentionner que les membres des forces armées et de la police sont censés connaître les dispositions légales régissant leurs activités, leurs droits et leurs devoirs. Le membre de la police ou des forces armées qui commet des infractions de cette nature ne pourra faire valoir qu’il a agi sur l’ordre d’un supérieur. La connaissance des dispositions législatives et réglementaires précitées ainsi que des dispositions pertinentes du Code pénal est une condition de l’admission au statut de membre de la police ou des forces armées. Dans la pratique, les membres de la police ou des forces armées ne pourront donc invoquer comme excuse leur ignorance des textes pertinents.

127.La chambre militaire du Tribunal régional de Budapest a considéré que l’ordre donné par un sous-officier à ses subordonnés, eux-mêmes membres de l’armée, d’enlever des articles d’une valeur de 52 000 forint qui se trouvaient dans un autocar portant une plaque d’immatriculation étrangère qui était immobilisé sur la route à cause d’un incident technique visait manifestement la commission d’une infraction. Le tribunal a rejeté l’argument des accusés subalternes selon lequel ils avaient agi sur ordre (jugement no VIII.437/1993 de la chambre militaire du Tribunal régional de Budapest).

128.La Cour suprême a déclaré un policier subalterne coupable de complicité de conduite d’un interrogatoire sous la contrainte pour avoir été présent pendant toute la durée d’un interrogatoire au cours duquel son supérieur avait brutalisé la personne interrogée. Le supérieur avait d’abord interrogé le plaignant au sujet de vols de bicyclettes, dont le nombre s’était à l’époque multiplié. Le plaignant avait nié en être l’auteur. Le supérieur l’avait ensuite rudoyé dans la rue et lui avait enjoint d’entrer au commissariat, où l’agent subalterne l’avait reçu. Sans poser la moindre question et sans rien savoir de l’affaire, il avait engagé le plaignant à plaider coupable, après quoi le supérieur avait informé son subordonné des vols et requis son aide. En présence de son subordonné, le supérieur avait à nouveau questionné le plaignant et, celui-ci ayant encore nié toute implication dans les vols, le supérieur avait demandé à son subordonné de lui donner sa matraque et s’en était servi pour administrer plusieurs coups au plaignant à la tête et sur le haut du corps. Le policier subalterne avait assisté à toute la scène mais n’avait pas demandé à son supérieur de s’arrêter alors qu’il savait parfaitement que son comportement était illégal. Selon la conclusion de la Cour suprême, il était tout à fait exact de dire que la présence passive d’une personne sur le lieu de la commission d’une infraction pénale ne suffisait pas en soi, dans la majorité des cas, pour établir la matérialité d’une complicité morale car cette présence ne confortait pas nécessairement l’auteur de l’acte délictueux dans son intention. Cela étant, on était assurément en droit d’attendre d’un membre de la police témoin d’une infraction pénale qu’il invite la personne qui commet l’infraction à s’arrêter, même si cette personne est son supérieur. C’est là le seul moyen pour le témoin de manifester son désaccord avec son collègue et d’amener l’auteur de l’acte délictueux à s’arrêter. En l’espèce, la conduite de l’accusé au second degré équivaut à une complicité morale: sa présence pendant que son supérieur brutalisait le plaignant et le fait qu’il lui a donné sa matraque lorsqu’il la lui a demandée − ce qui va au‑delà de la simple passivité − ont conforté l’accusé au premier degré dans son intention (arrêts de la Cour suprême, no 1983/223).

129.L’article 5 du Code pénal militaire de la République fédérale d’Allemagne contient une disposition analogue à celle qui figure à l’article 123 du Code pénal hongrois.

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