NATIONS UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/55/Add.118 avril 2005

FRANÇAISOriginal: RUSSE

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIESEN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION

Quatrièmes rapports périodiques des États parties devant être soumis en 2004

Additif

FÉDÉRATION DE RUSSIE*, **

[21 juillet 2004]

TABLE DES MATIÈRES

Paragraphes Page

Introduction1 − 23

RENSEIGNEMENTS SUR LES NOUVELLES MESURESET LES FAITS NOUVEAUX CONCERNANT L’APPLICATIONDES ARTICLES PREMIER À 16 DE LA CONVENTION3 − 1573

Article premier3 − 103

Article 211 − 275

Article 328 − 297

Article 430 − 357

Article 536 − 468

Article 647 − 6511

Article 76615

Article 867 − 6915

Article 970 − 7115

Article 1072 − 7416

Article 1175 − 8916

Article 1290 − 9119

Article 1392 − 12020

Article 14121 − 12425

Article 15125 − 13026

Article 16131 − 15727

Introduction

1.Le présent rapport est soumis en vertu du paragraphe 1 de l’article 19 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et a été établi conformément aux Directives générales concernant la forme et le contenu des rapports périodiques que les États parties doivent présenter (CAT/C/14/Rev.1).

2.Ce rapport porte sur la période 2000‑2004 et contient des renseignements sur les faits nouveaux survenus depuis la soumission du troisième rapport périodique de la Fédération de Russie en 2001 (CAT/C/34/Add.15). Il tient compte également des observations finales que le Comité contre la torture a adoptées à l’issue de l’examen du troisième rapport périodique (CAT/C/CR/28/4).

Renseignements sur les nouvelles mesures et les faits nouveaux concernant l’application des articles premier à 16 de la Convention

Article premier

3.La loi fédérale no 162 du 8 décembre 2003 modifiant et complétant le Code pénal de la Fédération de Russie, assortit l’article 117 dudit Code d’une note selon laquelle le terme «torture» désigne les souffrances physiques ou mentales infligées à une personne aux fins d’obtenir d’elle une déclaration ou d’autres actes contraires à sa volonté, de la punir ou à d’autres fins.

4.Le 1er juillet 2002 est entré en vigueur un nouveau Code de procédure pénale. Il contient un certain nombre d’innovations, dont les plus importantes sont les suivantes:

Consécration du principe fondamental et autonome de la procédure pénale qu’est l’interdiction de recourir à la violence et à la torture, d’accomplir des actes et de prendre des décisions de caractère humiliant à l’égard d’une partie à une procédure pénale, de la soumettre à un traitement dégradant ou mettant en danger sa vie ou sa santé (art. 9);

Limitation à 48 heures de la durée de la garde à vue d’un suspect (art. 10);

Attribution au tribunal de la compétence exclusive pour ordonner le placement en détention provisoire et l’internement dans un établissement médical ou psychiatrique aux fins d’être soumis à l’examen d’experts ou à des mesures coercitives de nature médicale (par. 2 de l’article 29);

Abrogation de la disposition prévoyant le placement en détention provisoire à titre préventif pour des motifs liés au seul caractère dangereux de l’infraction et limitation en conséquence des motifs permettant d’appliquer cette mesure (art. 97);

Inclusion du placement sous supervision dans la liste des mesures d’intervention préventive applicables aux mineurs (art. 105);

Introduction d’une disposition fixant le temps durant lequel un prévenu peut être placé en détention provisoire pendant l’examen de son cas par les tribunaux et les modalités de la prolongation de cette détention (art. 255), réduisant ainsi de façon drastique (de plus de 40 000) le nombre de personnes placées en détention provisoire;

Renforcement des garanties de sécurité pour les parties à une procédure pénale, autrement dit application de mesures de sécurité prévues par la procédure (par. 3 de l’article 11).

5.Conformément aux dispositions du Code de procédure pénale, les personnes placées en détention provisoire ont en outre les droits suivants:

Assistance d’un défenseur dans la procédure pénale dès le moment où la personne, soupçonnée d’avoir commis une infraction, est placée en garde à vue, de même que lorsqu’elle est mise en détention provisoire à titre préventif (al. 3 b) du paragraphe 3 de l’article 49);

Notification de la détention à l’un des parents proches ou, à défaut, à d’autres membres de la famille, par l’enquêteur, le magistrat instructeur ou le procureur dans les 12 heures suivant l’arrestation (par. 1 de l’article 96).

6.Conformément à l’article 75 du Code de procédure pénale, les dépositions d’un suspect ou d’un inculpé faites au cours de l’enquête préliminaire ou de l’instruction en l’absence d’un défenseur − y compris lorsque l’assistance d’un défenseur a été refusée − et qui n’ont pas été confirmées par le suspect ou l’inculpé à l’audience, de même que les autres éléments de preuve recueillis en violation de la loi, sont irrecevables et ne peuvent pas être retenus à charge.

7.Le 1er juillet 2002 est entré en vigueur le nouveau Code des infractions administratives, en vertu duquel les décisions et actes (ou omissions) dégradants sont interdits dans l’application des mesures de contrainte «administrative» (des autorités de police) (par. 3 de l’article 1.6).

8.Il convient de souligner que le projet de loi fédérale accordant la protection de l’État aux victimes, témoins et autres parties à une procédure pénale soumis par le Président de la Fédération de Russie et approuvé en première lecture par la Douma d’État le 6 juin 2003, prévoit un ensemble de mesures autres que de procédure qui étendent la protection de l’État à la vie, à la santé et au patrimoine des victimes, des témoins et des autres parties à une procédure pénale.

9.La Douma d’État de l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie examine actuellement le projet de loi no 11807‑3 relatif au contrôle social de la garantie des droits des personnes placées à l’isolement et à la coopération des associations aux activités des établissements et organes pénitentiaires et des centres de détention provisoire (la Douma d’État a approuvé le 16 septembre 2003 ce projet de loi en première lecture).

10.En prévision de l’introduction de ce contrôle, on a créé des conseils sociaux placés sous l’autorité du Ministre de la justice ou des directeurs de la plupart des administrations pénitentiaires et composés de représentants des organes chargés de l’application des lois. Le Conseil auprès du Ministre de la justice a été créé à l’été 2003. Son programme de travail et un projet de règlement intérieur ont été établis. Conformément au règlement intérieur, les membres du Conseil peuvent effectuer des visites des établissements pénitentiaires dans lesquels on suppose que l’exercice des droits des détenus se heurte à certaines difficultés. Les membres du Conseil se sont rendus à plusieurs reprises dans différents établissements pénitentiaires et ont formulé des recommandations concernant l’amélioration des conditions de détention.

Article 2

11.La nouvelle loi constitutionnelle fédérale no 3 du 30 mai 2001 sur l’état d’urgence a mis les aspects relatifs à la restriction de certains droits et libertés de la personne en période d’état d’urgence en conformité avec les obligations internationales de la Russie. En vertu de cette loi, les mesures prises pendant l’état d’urgence qui entraînent une modification ou une restriction des droits et libertés de la personne ne peuvent dépasser certaines limites dictées par la gravité de la situation. La proclamation de l’état d’urgence a pour buts d’éliminer la situation ayant motivé cette mesure, d’assurer la protection des droits et des libertés de l’homme et du citoyen et de préserver l’ordre constitutionnel de la Fédération de Russie.

12.Conformément à l’article 30 de la loi, les modalités et les conditions d’emploi de la force physique, de moyens spéciaux, d’armes, de matériel de combat ou spécial qui sont établies par les lois fédérales et d’autres actes normatifs ne peuvent pas être modifiées durant l’état d’urgence.

13.Sont passibles de poursuites conformément à la législation l’emploi illicite de la force physique, de moyens spéciaux, d’armes, de matériel de combat ou d’équipements spéciaux par les agents des services du Ministère de l’intérieur, des établissements pénitentiaires ou des organes de sécurité fédéraux, les membres des unités militaires relevant du Ministère de l’intérieur, des Forces armées de la Fédération de Russie, d’autres troupes, formations ou unités militaires ainsi que l’abus de pouvoir que commettraient les responsables de l’application de l’état d’urgence, notamment la violation des garanties établies en matière de droits et libertés de l’homme et du citoyen par la loi constitutionnelle fédérale en question.

14.Le paragraphe 3 de l’article 59 de la Constitution énonce le droit qu’ont tous les citoyens dont les convictions ou les croyances sont contraires à l’accomplissement du service militaire d’accomplir un service civil de remplacement; ce droit s’applique également dans certains autres cas prévus par la législation fédérale.

15.La loi fédérale no 113 sur le service civil de remplacement est entrée en vigueur le 1er janvier 2004. Elle est conforme à la Constitution, à la loi fédérale sur la défense, à la loi fédérale sur les obligations militaires et le service militaire et au Code du travail, et prend en compte les intérêts des citoyens et de l’État ainsi que l’expérience internationale en matière d’organisation d’un service civil de remplacement.

16.Cette loi règle les questions liées à la réalisation du droit constitutionnel des citoyens russes d’accomplir un service civil en remplacement du service militaire et les modalités de son accomplissement, elle fixe le statut des citoyens qui accomplissent un tel service et détermine leurs droits, obligations et responsabilités.

17.La durée du service civil de remplacement, 1,75 fois plus longue que celle du service militaire obligatoire, est de 42 mois; elle est ramenée à 21 mois pour les diplômés d’établissements nationaux ou municipaux d’enseignement professionnel supérieur ou d’institutions de formation privées agréées par l’État dans certaines spécialités.

18.Pour les citoyens qu’accomplissent un service civil de remplacement dans des structures des forces armées ou d’autres troupes, formations ou unités militaires, la durée du service est de 36 mois (1,5 fois plus longue que celle du service militaire); elle est ramenée à 18 mois pour les diplômés d’établissements nationaux ou municipaux d’enseignement professionnel supérieur, ou d’institutions de formation privées agréées par l’État dans certaines spécialités.

19.En règle générale, le service civil de remplacement s’accomplit hors des limites territoriales du sujet de la Fédération de Russie dans lequel ils résident.

20.L’organisation du service civil de remplacement incombe aux organes fédéraux du pouvoir exécutif habilités à cet effet, qui sont désignés par le Président et le Gouvernement de la Fédération de Russie conformément à leurs attributions respectives.

21.Le décret présidentiel no 793 sur les questions relatives à l’organisation du service civil de remplacement a été publié le 21 juillet 2003 et est entré en vigueur le 1er janvier 2004.

22.À ce jour, les autorités ont reçu 1 321 demandes d’accomplissement d’un service civil en remplacement du service militaire obligatoire.

23.Le 25 août 2003, le Gouvernement russe a approuvé par l’arrêté no 523 le programme fédéral finalisé intitulé «Professionnalisation d’un certain nombre de grandes unités militaires et de corps de troupe» pour la période 2004‑2007. Dans le cadre de ce programme, il est prévu de remplacer par des militaires de carrière, selon un calendrier préétabli, les sous‑officiers et soldats d’unités en état d’alerte permanente. Il est prévu de ramener à 12 mois la durée du service militaire obligatoire lorsque ce programme sera entièrement réalisé.

24.La loi no 5451‑1 du 16 juin 1993 a rétabli en Russie l’institution des jurys populaires. Dans une première étape, ils ont été introduits dans neuf régions de la Fédération.

25.En 2002, 23 % des affaires dont connaissent les tribunaux d’oblast et les autres juridictions du niveau du sujet de la Fédération ont été jugées avec la participation de jurés. Cela représente 240 affaires visant 471 personnes, dont 40 (environ 9 %) ont été acquittées.

26.L’introduction progressive des cours d’assises dans l’ensemble de la Fédération de Russie a commencé le 1er janvier 2003. En application de la loi fédérale no 181 du 27 décembre 2002 modifiant la loi fédérale relative à l’entrée en vigueur du Code de procédure pénale de la Fédération de Russie, de telles juridictions ont commencé à fonctionner dans 69 régions. Les cours d’assises ont été introduites le 1er juillet 2003 dans 14 autres régions, et le 1er janvier 2004 dans tous les autres sujets de la Fédération de Russie, à l’exception de la République de Tchétchénie, où elles seront introduites le 1er janvier 2007.

27.En 2003, les cours d’assises ont tranché 496 affaires pénales visant 946 accusés, dont 139 (14,4 %) ont été acquittés. Ces chiffres sont des indicateurs objectifs des changements structurels des institutions judiciaires russes, qui permettent d’améliorer l’accès des citoyens à la justice et d’assurer plus pleinement le droit de chacun à un procès équitable.

Article 3

28.Quand elle a ratifié la Convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957 (loi fédérale no 190 du 25 octobre 1999 portant ratification de la Convention européenne d’extradition, du Protocole additionnel et du deuxième Protocole additionnel y relatifs), la Fédération de Russie a émis une réserve (annexe à l’arrêté présidentiel no 458 du 3 septembre 1996) par laquelle elle se réserve le droit de refuser l’extradition s’il existe de sérieuses raisons de penser que la personne dont l’extradition est demandée a été ou sera soumise, dans l’État requérant, à la torture ou à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ou que, dans la procédure pénale, cette personne n’a pas bénéficié, ou ne bénéficiera pas des garanties minimales prévues par les normes du droit international.

29.La loi fédérale no 4528‑I du 19 février 1993 sur les réfugiés prévoit la possibilité d’accorder temporairement l’asile à un individu pour des motifs humanitaires, y compris quand l’intéressé ne répond pas aux critères établis par la loi pour l’obtention du statut de réfugié, si celui‑ci, en retournant dans l’État dont il a la nationalité (dans lequel il résidait auparavant), risque d’être soumis à la torture ou à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du fait qu’il se commettrait dans l’État en question des violations flagrantes, systématiques, révoltantes et massives des droits de l’homme (notamment des exécutions et des détentions extrajudiciaires).

Article 4

30.Toute déclaration faisant état de l’emploi de la violence physique ou mentale ou de la torture émanant d’une personne participant à un titre quelconque à une procédure pénale est traitée comme un indice de la commission d’une infraction par un fonctionnaire, et fait l’objet d’une vérification par les organes du ministère public et le tribunal, à l’issue de laquelle des décisions sont prises conformément aux dispositions des articles 144 et 145 du Code de procédure pénale.

31.Les autorités compétentes réagissent ainsi qu’il convient non seulement aux déclarations dont elles sont saisies concernant l’emploi de la violence physique ou mentale, mais aussi aux informations sur ce type d’affaires qui sont diffusées par les médias. Ainsi, conformément à la loi constitutionnelle fédérale relative au Commissaire aux droits de l’homme de la Fédération de Russie, le Commissaire aux droits de l’homme a procédé de sa propre initiative à l’examen d’informations publiées dans les médias le 25 février 2004 qui faisaient état d’une grève de la faim des détenus dans les prisons et les maisons d’arrêt relevant de la Direction générale de l’administration pénitentiaire du Ministère de la justice pour Saint‑Pétersbourg et sa région (Leningradskaya oblast). Compte tenu de la nécessité de protéger les intérêts des personnes détenues dans les établissements pénitentiaires, qui ne disposent que de moyens juridiques limités pour défendre leurs intérêts, il a été décidé que des fonctionnaires des services du Commissaire aux droits de l’homme se rendraient sur place pour vérifier les informations en question. Leurs conclusions ont été examinées lors d’une réunion de travail avec les responsables du Ministère de la justice et communiquées à la Procurature générale de la Fédération de Russie, dont les services ont établi que des personnes condamnées et que des membres de leur famille avaient été victimes de chantage. Le 13 avril 2004, le parquet de la Leningradskaya oblast a mis en mouvement l’action publique pour l’infraction prévue au paragraphe 2 v) de l’article 163 du Code pénal, et le procureur de ce ressort a formulé des recommandations pour mettre fin aux violations des règles de la procédure pénale.

32.L’article 286 du Code pénal réprime l’abus de pouvoir. Les infractions entrant dans cette catégorie sont assimilées par la loi à des atteintes au pouvoir de l’État, aux intérêts de l’administration de l’État ou des collectivités locales (chap. 30 du Code pénal). L’article 5 de la loi no 1026‑I du 18 avril 1991 sur la police interdit toute restriction des droits et libertés des citoyens, notamment par l’emploi de la torture, de la violence ou d’autres traitements cruels ou dégradants. Les agents des organes chargés de l’application des lois sont investis de certaines prérogatives. Leurs ordonnances sont exécutoires, et dans les cas prévus par la loi, l’action du représentant de l’autorité peut être appuyée par une mesure de contrainte. Les infractions susmentionnées se distinguent par le fait qu’elles sapent la confiance des citoyens dans la capacité qu’a l’État de protéger leurs droits et intérêts. C’est pourquoi les particuliers comme les organisations accordent une attention particulière au traitement de ce type d’affaires par les tribunaux.

33.À titre d’exemple, on peut mentionner l’affaire suivante. Conformément à un jugement du tribunal d’oblast d’Irkoutsk rendu le 26 mars 2002, un agent de police a été condamné pour abus de pouvoir avec violence et plusieurs autres infractions à 15 ans de privation de liberté assortie de la privation du droit d’exercer des fonctions dans la police pendant trois ans. Dans le cadre d’une enquête pénale, l’agent en question et ses collègues condamnés dans la même affaire avaient soumis à la torture deux suspects, leur causant des préjudices corporels de divers degrés de gravité. La Chambre criminelle de la Cour suprême a reconnu, par arrêt rendu le 19 mars 2003, que la condamnation frappant les ex‑agents de police était légale et justifiée.

34.D’après les statistiques judiciaires, 993 personnes ont été condamnées en 2000 (1 070 en 2001 et 1 018 en 2002) pour abus de pouvoir avec violence ou menace de violence, avec emploi d’armes ou de moyens spéciaux, ou pour abus de pouvoir ayant eu des conséquences graves. En 2003, 946 personnes ont été condamnées pour des infractions visées au paragraphe 3 de l’article 286 du Code pénal (abus de pouvoir avec violence ou menace de violence).

35.La jurisprudence dans ce domaine montre que, dans la plupart des cas, les tribunaux imposent une peine complémentaire sous la forme d’une privation du droit d’occuper certaines fonctions liées à l’exercice de pouvoirs au service de l’État. Lorsqu’ils prononcent une peine complémentaire, les tribunaux prennent en compte la nature et la gravité du risque que représente pour la société une infraction qui a généralement beaucoup choqué la société civile, et considèrent, compte tenu de la personnalité du coupable, que celui‑ci ne peut pas être maintenu dans ses fonctions au sein d’un organe chargé de l’application des lois.

Article 5

36.En ce qui concerne la situation dans la République de Tchétchénie, il convient de noter que les opérations antiterroristes conduites sur le territoire de celle‑ci s’appuient sur la loi fédérale no 130 du 25 juillet 1998 relative à la lutte contre le terrorisme. En 2001‑2002, cette loi a été soumise à l’expertise juridique d’un groupe de travail réunissant des spécialistes russes et des experts du Conseil de l’Europe, qui l’a considérée comme pleinement compatible avec les prescriptions de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Outre la loi fédérale susmentionnée, les opérations antiterroristes conduites sur le territoire de la République de Tchétchénie s’appuient également sur les instruments internationaux que la Fédération de Russie a ratifiés − la Convention de Shanghai sur la lutte contre le terrorisme, le séparatisme et l’extrémisme (conclue à Shanghai le 15 juin 2001) et l’Accord entre les États membres de l’Organisation de coopération de Shanghai visant à établir une structure antiterroriste régionale (conclu à Saint-Pétersbourg le 7 juin 2002).

37.La loi fédérale no 18 du 22 avril 2004 modifiant le Code de procédure pénale de la Fédération de Russie a permis d’ajouter un deuxième paragraphe à l’article 100 dudit Code, en vertu duquel, dans le cas d’une infraction visée aux articles 205 (terrorisme), 205.1 (incitation à commettre une infraction de caractère terroriste ou autre forme de complicité dans la commission d’une telle infraction), 206 (prise d’otage), 208 (organisation d’une formation armée illicite ou participation à une telle formation), 209 (banditisme), 277 (attentat à la vie d’un homme d’État ou d’une personnalité politique), 278 (prise de pouvoir par la violence ou conservation du pouvoir par la violence), 279 (rébellion armée), 281 (sabotage) ou 360 (agression contre un individu ou une institution placés sous protection internationale) du Code pénal, le suspect soumis à une mesure d’intervention préventive doit être inculpé au plus tard dans les 30 jours suivant l’application de la mesure en question et, dans le cas où le suspect a été gardé à vue avant d’être placé en détention provisoire, dans les 30 jours à compter du moment de son arrestation. Si aucune inculpation n’a été notifiée dans ce délai, la mesure d’intervention préventive est levée immédiatement.

38.Le régime juridique applicable dans la zone où sont conduites les opérations antiterroristes est fondé sur les principes fondamentaux de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales:

Le régime applicable aux déplacements des particuliers dans la zone où sont conduites les opérations antiterroristes est conforme à l’article 2 du Protocole no 4 à cette Convention, qui prévoit la possibilité d’imposer des restrictions à la liberté de circulation dans l’intérêt de la sécurité nationale ou de la sûreté publique, ainsi que pour le maintien de l’ordre public, la prévention des infractions pénales, la protection de la santé ou de la morale, ou la protection des droits et libertés d’autrui;

Le droit d’arrêter et de remettre aux organes du Ministère de l’intérieur les personnes ayant commis des actes contraires à la loi dans la zone où sont conduites les opérations antiterroristes est compatible avec les dispositions de l’article 5 de ladite Convention, qui autorise à restreindre le droit à la liberté et à la sûreté pour garantir l’exécution d’une obligation prescrite par la loi;

La liberté d’accès à des locaux, quel qu’en soit le régime de propriété, aux fins de prévenir un acte de terrorisme ou de poursuivre une personne soupçonnée d’avoir commis un acte de terrorisme, est prévue à l’article 8 de la Convention, qui autorise à restreindre le droit au respect de la vie privée et familiale pour autant que cela soit nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien‑être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui;

Les modalités particulières de l’information du public concernant un acte de terrorisme sont conformes à l’article 10 de la Convention, qui prévoit la possibilité de restreindre la liberté d’expression dans l’intérêt de la sécurité nationale, de l’intégrité territoriale ou de la sûreté publique, ou de la défense de l’ordre et de la prévention du crime.

39.Dans la période d’exécution d’opérations militaires et de mise en place d’organes du pouvoir légitimes et d’un ordre constitutionnel dans la République de Tchétchénie, il est particulièrement nécessaire d’assurer l’ordre public et la sûreté publique, ainsi que le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales par les organes chargés de l’application des lois sur le territoire de cette République. Ainsi, dans cette phase des opérations antiterroristes, il importe de continuer à prendre toutes les dispositions nécessaires pour éviter que les militaires et les agents des organes chargés de l’application des lois ne commettent des infractions susceptibles de ternir l’image des autorités fédérales.

40.À cet effet, les responsables du Commandement opérationnel régional chargé des opérations antiterroristes sur le territoire de la région du Nord‑Caucase et le Groupe unifié des troupes et forces dans la région du Nord‑Caucase, en collaboration avec les organes chargés de l’application des lois de la République de Tchétchénie, coordonnent les activités des structures participant aux opérations antiterroristes, en ce qu’elles concernent le respect par les effectifs des forces fédérales de la législation en vigueur et des droits et libertés de l’individu, et ils veillent à l’application des dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme.

41.Le commandant du Groupe unifié dans la région du Nord‑Caucase et le Procureur militaire du Groupe unifié ont élaboré et communiqué aux effectifs concernés la directive commune no 98/110 du 23 avril 2003, qui donne effet à l’instruction relative à la collaboration des fonctionnaires et militaires du Groupe unifié avec les parquets militaires au cours des opérations spéciales dans la République de Tchétchénie, lors de l’arrestation de citoyens et dans l’élucidation d’indices de la commission d’infractions.

42.Pour prévenir les infractions et les violations des droits des citoyens par les effectifs des forces de l’ordre et des services de sécurité lors des préparatifs et de l’exécution de mesures spéciales, la directive du Commandement opérationnel régional no 2 du 26 août 2003, concernant les modalités d’exécution des opérations spéciales et des opérations stratégiques, a été approuvée et communiquée aux responsables des forces de l’ordre et des services de sécurité participant aux opérations antiterroristes.

43.La Procurature de la République de Tchétchénie et le parquet militaire du Groupe unifié dans la région du Nord‑Caucase supervisent conjointement le respect de la légalité par les agents des opérations antiterroristes. En 2003, cette activité a conduit à l’ouverture de poursuites pénales contre des fonctionnaires des services du Ministère de l’intérieur et des militaires des forces fédérales dans le cadre de cinq affaires d’emploi de la contrainte physique ou psychologique à l’égard de civils. En outre, des infractions auxquelles des membres des forces fédérales sont soupçonnés d’avoir participé font l’objet d’une enquête menée conjointement par les parquets territoriaux et les parquets militaires.

44.L’ouverture à Grozny en 2003 de la maison d’arrêt no 1 a permis de décongestionner les maisons d’arrêt et cellules de garde à vue de la République de Tchétchénie et, partant, d’améliorer les conditions carcérales et le respect du délai légal de garde à vue, dont les conditions et la durée légale sont désormais conformes aux critères énoncés dans la loi fédérale no 103 du 15 juillet 1995 concernant la détention avant jugement des personnes soupçonnées ou accusées d’avoir commis une infraction.

45.Le substitut du Procureur de la République de Tchétchénie chargé de veiller au respect de la loi et le directeur adjoint de la Direction de l’administration pénitentiaire du Ministère de la justice pour la République de Tchétchénie chargé de veiller au respect des droits de l’homme dans le système pénitentiaire tchétchène s’assurent chaque mois du respect de la légalité et des droits de l’homme dans les locaux de garde à vue et les maisons d’arrêt. Les organisations internationales de défense des droits de l’homme contrôlent elles aussi le respect des droits de l’homme dans les lieux de détention. Depuis 2000, des représentants du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants se sont rendus à six reprises dans la République de Tchétchénie, à l’invitation du Gouvernement russe. Des membres du Comité international de la Croix‑Rouge (CICR) peuvent effectuer des visites périodiques des établissements pénitentiaires et des cellules de garde à vue.

46.En particulier, les membres du CICR qui ont effectué une visite du 11 au 15 novembre 2003 ont indiqué dans leur rapport que les conditions de détention dans les établissements de la Direction de l’exécution des peines et les locaux de garde à vue de la République de Tchéchénie étaient conformes aux normes internationales et continuaient d’évoluer favorablement.

Article 6

47.L’entrée en vigueur du nouveau Code de procédure pénale de la Fédération de Russie le 1er juillet 2002 a permis aux tribunaux de donner effet à la norme constitutionnelle selon laquelle le placement et le maintien en détention provisoire à titre préventif ne sont autorisés que sur décision judiciaire. La Cour suprême de la Fédération de Russie s’assure régulièrement que, dans tous les sujets de la Fédération, les tribunaux appliquent la nouvelle législation en matière de procédure pénale, notamment les normes régissant le placement en détention avant jugement des personnes soupçonnées ou accusées d’avoir commis une infraction, ainsi que la durée de cette détention (art. 108 et 109 du Code de procédure pénale). Les dispositions organisationnelles nécessaires ont été prises pour garantir que les tribunaux appliquent comme il convient les dispositions dudit Code.

48.Entre le 1er juillet et le 29 décembre 2002, les tribunaux ont examiné 94 555 requêtes de procureurs, d’enquêteurs ou de magistrats instructeurs demandant un placement en détention provisoire à titre préventif et 43 186 dossiers de demande de prolongation de la détention provisoire. Les tribunaux ont rejeté 7 930 requêtes et fait droit à 82 801 autres. Ainsi, la mesure d’intervention préventive en question a été appliquée sur décision judiciaire à 13 800 personnes en moyenne chaque mois. À titre de comparaison, on notera que durant les six premiers mois de 2002, alors que le Code de procédure pénale de la République socialiste fédérative soviétique de Russie était encore en vigueur, 142 698 personnes − soit en moyenne 23 783 personnes par mois − avaient été placées en détention provisoire sur autorisation du procureur.

49.Les chiffres susmentionnés montrent que la modification des règles applicables à la détention avant jugement des suspects et des inculpés a permis de réduire sensiblement (de 42 %) le nombre de cas où cette mesure d’intervention préventive est appliquée. L’analyse des facteurs à l’origine de cette réduction montre que dans l’ensemble, les parquets se sont mis à évaluer d’une façon plus scrupuleuse et plus objective la nécessité de demander au tribunal l’application de la mesure d’intervention préventive la plus sévère, qui restreint les droits, la liberté et l’inviolabilité de la personne.

50.En 2003, les tribunaux fédéraux ont examiné 234 149 dossiers de demande de placement en détention provisoire à titre préventif. Ils en ont accueilli 211 526. Dans 10 275 cas, l’exécution de la décision prise a été ajournée de 72 heures au plus, à la demande de l’une des parties, pour lui permettre de présenter des éléments complémentaires validant ou invalidant le choix de cette mesure. Les tribunaux ont rejeté 22 613 demandes de cet ordre.

51.Au cours de la même période, les tribunaux ont examiné 107 702 dossiers de demande de prolongation de la détention provisoire. Leur examen a abouti aux décisions suivantes: il a été fait droit à 104 280 demandes, et l’exécution de la décision a été repoussée de 72 heures dans 1 458 cas; 3 422 demandes ont été rejetées.

52.Les juridictions d’appel ont examiné 24 676 plaintes et demandes d’examen judiciaire d’une décision de placement en détention provisoire à titre préventif. Cela représente 10,5 % de l’ensemble des arrêts rendus en 2003. Près de 87 % des décisions attaquées ont été confirmées en appel, 12 % ont été annulées et dans 0,4 % des cas la décision a été réformée.

53.L’étude de la jurisprudence montre que, la plupart du temps, les tribunaux rejettent une demande de placement en détention avant jugement d’un suspect ou d’un inculpé émanant d’un procureur, d’un enquêteur ou d’un magistrat instructeur parce que la demande n’est pas suffisamment fondée sur des motifs dont la liste exhaustive est établie à l’article 97 du Code de procédure pénale, et qu’ils considèrent par ailleurs que la gravité de l’infraction commise ne saurait justifier à elle seule la détention. Ainsi, un juge du tribunal municipal de Petropavlovsk‑Kamtchatsk a rejeté le 13 février 2003 une demande de placement en détention provisoire d’une personne soupçonnée d’homicide volontaire qui avait été présentée par un enquêteur. Le juge a motivé sa décision par le fait que les poursuites pénales avaient été engagées sur la seule base de la comparution de l’intéressé pour autodénonciation d’un crime passionnel. Il a fait valoir en outre que rien ne permettait de conclure, comme l’avait fait l’enquêteur à la nécessité d’isoler le suspect de la société, si ce n’était la nature de l’infraction dont celui‑ci était soupçonné.

54.Dans certains cas, le refus de décider le placement en détention provisoire peut être motivé par le fait que les organes chargés de l’application des lois ont violé la procédure légale d’arrestation.

55.Le droit de chacun à la liberté et à la sûreté personnelle est consacré par l’article 22 de la Constitution de la Fédération de Russie. Le paragraphe 2 dudit article prévoit que nul ne peut être détenu plus de 48 heures dans l’attente d’une décision judiciaire sur le bien‑fondé de sa détention. La violation de cette disposition constitutionnelle est un motif incontestable de libération immédiate de la personne placée en garde à vue, conformément au paragraphe 3 de l’article 94 du Code de procédure pénale. Le tribunal municipal de Volgodonsk, dans l’oblast de Rostov, a par exemple rejeté une demande de placement en détention provisoire au motif que l’examen de la demande avait eu lieu après l’expiration du délai de 48 heures courant à compter de l’arrestation effective du suspect. Ce dernier avait été privé de sa liberté de mouvement par le service chargé de l’enquête le 21 avril 2003 à 13 h 5, mais le procès‑verbal d’arrestation n’avait été établi qu’à 20 heures, le même jour.

56.Lorsqu’il décide de prolonger la durée de la détention provisoire, le tribunal tient compte non seulement de la gravité de l’infraction commise, mais aussi de la personnalité de l’inculpé et d’autres circonstances susceptibles de montrer qu’il existe un danger pour la sécurité des témoins et des victimes, que l’inculpé a l’intention de se soustraire à la justice ou qu’il pourrait le faire, de même que de l’efficacité de l’action des organes chargés de l’enquête préliminaire et de l’instruction. La Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie, soulignant que toute décision de placement en détention provisoire d’un inculpé devait être solidement fondée, a considéré dans plusieurs décisions (en particulier l’arrêt du 10 décembre 1998 rendu dans une affaire portant sur la constitutionnalité du paragraphe 2 de l’article 335 du Code de procédure pénale de la République socialiste fédérative soviétique de Russie, et l’arrêt du 14 février 2000 rendu dans une affaire portant sur la constitutionnalité des dispositions des paragraphes 3, 4 et 5 de l’article 377 du Code de procédure pénale de la République de Russie, ainsi que dans l’arrêt du 25 mars 2004 concernant la plainte de V. L. Dmitrienko et l’arrêt du 8 avril 2004 concernant la plainte de A. V. Gorsky) que la restriction du droit de l’inculpé de faire valoir personnellement à l’audience, ou par tout autre moyen établi par le tribunal, ses vues sur le fond des questions liées à l’examen de la plainte concernant la décision de prolonger la durée de sa détention provisoire était inacceptable et contraire à la Constitution.

57.Le chapitre 50 du Code de procédure pénale de la Fédération de Russie prévoit une procédure particulière en matière de poursuites pénales visant des mineurs. La loi fixe un ensemble de conditions permettant de garantir le respect des droits du mineur poursuivi par l’État au pénal. En particulier, le paragraphe 2 de l’article 423 du Code de procédure pénale prévoit que, pour décider d’appliquer une mesure d’intervention préventive à l’endroit d’un mineur soupçonné ou accusé d’avoir commis une infraction, le tribunal est tenu d’évaluer la possibilité de le placer sous la supervision de ses parents, d’un tuteur ou d’autres personnes, selon les modalités prévues à l’article 105 du Code.

58.Lorsqu’il détermine si un mineur doit être placé en détention provisoire à titre préventif, le tribunal examine avec soin dans chaque cas d’espèce tous les éléments de l’affaire, les renseignements concernant la personnalité du suspect, son âge et d’autres circonstances.

59.Ainsi, le tribunal de l’arrondissement oktyabrsky de la ville de Saratov a rejeté une demande de placement en détention provisoire d’un mineur, auteur présumé d’un vol. Il  a motivé sa décision par le fait que le mineur était élevé par son père et sa mère, avait un domicile fixe, était scolarisé dans un établissement professionnel et qu’il avait intégralement indemnisé la victime pour le dommage matériel subi.

60.D’une façon générale, il convient de souligner que les modifications apportées à la législation pénale au cours des deux dernières années ont contribué à humaniser la politique pénale applicable aux mineurs délinquants. La loi fédérale no 162 du 8 décembre 2003 modifiant et complétant le Code pénal de la Fédération de Russie confirme cette tendance: on a réduit de moitié la peine minimale de privation de liberté applicable aux mineurs condamnés pour une infraction grave ou très grave, et dans plusieurs cas la peine maximale a été limitée à six ans de privation de liberté. On peut désormais appliquer à cette catégorie de personnes des mesures de contrainte à caractère éducatif au lieu d’une sanction pénale.

61.Le paragraphe 2 de l’article 9 du Code de procédure pénale de la Fédération de Russie prévoit qu’aucune des parties à une procédure pénale ne peut être soumise à la violence, à la torture ou à d’autres traitements cruels ou dégradants.

62.L’article 14 du Code de procédure pénale de la Fédération de Russie (tout comme le faisait le Code de procédure pénale de la République socialiste fédérative soviétique de Russie qui s’appliquait auparavant) consacre l’un des principes fondamentaux d’un État de droit démocratique, le principe de la présomption d’innocence, qui est énoncé à l’article 49 de la Constitution de la Fédération de Russie ainsi qu’à l’article 11 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, à l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

63.L’inculpé ne peut être reconnu coupable que si sa culpabilité est établie selon la procédure fixée par la loi. Tous les doutes concernant la culpabilité de l’inculpé qui ne peuvent pas être dissipés bénéficient à ce dernier. Un verdict de culpabilité ne peut pas être fondé sur des suppositions (art. 14 du Code de procédure pénale).

64.L’entrée en vigueur du nouveau Code de procédure pénale de la Fédération de Russie a aboli l’institution du renvoi à l’instruction. Conformément aux dispositions de l’article 237 du Code, le tribunal peut renvoyer l’affaire au procureur, notamment quand l’acte d’accusation a été établi en violation de la loi, ce qui l’empêche de statuer ou de rendre une autre décision en se fondant sur cet acte d’accusation. Le procureur est tenu de mettre fin aux violations commises dans un délai de cinq jours. Comme l’a reconnu la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie dans son arrêt no 18 du 8 décembre 2003, les dispositions du paragraphe 1 de l’article 237 du Code de procédure pénale ne suppriment pas le pouvoir qu’a le tribunal, à la demande de l’une des parties ou d’office de renvoyer l’affaire au procureur afin qu’il lève les obstacles s’opposant à l’examen de l’affaire par le tribunal dans tous les cas où une violation grave de la loi a été commise dans la procédure avant jugement et à laquelle il n’a pas été mis fin à l’instance, pour autant que le renvoi de l’affaire ne serve pas à combler des lacunes de l’enquête préliminaire ou de l’instruction.

65.Le 9 février 2003 a été adoptée la loi fédérale no 26 modifiant et complétant la loi sur la réhabilitation des victimes de mesures politiques répressives. La nouvelle loi a permis de reconnaître en droit le statut de victime de répression politique aux personnes qui ont été privées de soins parentaux, alors qu’elles étaient mineures, du fait que leurs parents (ou l’un d’entre eux) subissaient des mesures de répression pour des motifs politiques. Auparavant, la loi ne reconnaissait pas à ces citoyens le statut de victime de répression politique, ce qui les privait du droit de bénéficier des avantages sociaux et de l’indemnisation prévus à ce titre. L’adoption de la loi susmentionnée a permis de rétablir dans leurs droits plus de 120 000 de ces victimes.

Article 7

66.Si une personne soupçonnée d’avoir commis une infraction visée à l’article 4 de la Convention n’est pas extradée vers l’État partie sur le territoire duquel l’infraction a été commise, la décision d’engager des poursuites sera prise en conformité avec le droit de la Fédération de Russie. Les procédures établies dans le nouveau Code de procédure pénale sont contraignantes pour les tribunaux, les parquets et les services chargés des enquêtes préliminaires et des instructions ainsi que pour les autres parties à la procédure pénale (art. premier du Code de procédure pénale).

Article 8

67.À la lumière de la réserve formulée à l’égard de la Convention européenne d’extradition de 1957, ainsi que des obligations qui incombent à la Fédération de Russie au titre de l’article premier de cette convention, la Procurature générale de la Fédération de Russie, à la réception d’une demande d’extradition, examine la situation politique générale dans l’État requérant.

68.Conformément à l’article 11 de la Convention européenne d’extradition de 1957, l’extradition peut être refusée si l’infraction mentionnée dans la demande d’extradition est un crime passible de la peine de mort dans l’État partie requérant, alors que l’État partie requis ne prévoit pas ou n’applique pas ce châtiment.

69.À la lumière de cette disposition de la Convention et de l’engagement tendant à abolir la peine de mort, pris par la Fédération de Russie quand elle est devenue membre du Conseil de l’Europe, et conformément au moratoire sur cette peine, la Fédération de Russie, quand elle traite des affaires d’extradition portant sur des infractions qui ne sont pas passibles de la peine de mort en vertu du droit russe mais qui le sont au regard du droit de l’État requérant, s’assure auprès de ce dernier que la personne à extrader ne sera pas mise à mort.

Article 9

70.Entre 2000 et 2003, la Fédération de Russie a conclu les accords internationaux ci‑après sur l’entraide judiciaire et les relations juridiques en matières civile et pénale: Traité entre la Fédération de Russie et la République du Mali concernant l’entraide judiciaire dans les affaires civiles, pénales et familiales (signé le 31 août 2000) et Traité entre la Fédération de Russie et la République de l’Inde concernant l’entraide judiciaire et les relations juridiques en matières civile et pénale (signé le 3 octobre 2000).

71.Le Code de procédure pénale de la République socialiste fédérative soviétique de Russie qui s’appliquait autrefois ne contenait qu’une seule disposition renvoyant à la possibilité d’échanges entre, d’une part, les tribunaux, les procureurs, les magistrats instructeurs et les organes d’enquête et, d’autre part, leurs homologues d’autres États, sur la base de la législation de l’URSS et de la République socialiste fédérative soviétique de Russie et des traités internationaux conclus. Le nouveau Code de procédure pénale de la Fédération de Russie contient une section XVIII sur les procédures de coopération entre, d’une part, les tribunaux, les procureurs, les magistrats instructeurs et les organes d’enquête et, d’autre part, les organismes et fonctionnaires compétents d’autres États et les organisations internationales, en ce qui concerne l’entraide judiciaire dans les affaires pénales, la remise de criminels et l’extradition de condamnés afin qu’ils exécutent leur peine dans leur pays.

Article 10

72.Le Gouvernement russe accorde une grande importance à l’éducation et à l’information concernant l’interdiction de la torture. En particulier, des efforts sont faits pour améliorer la formation du personnel du système pénitentiaire russe et le familiariser avec la pratique des systèmes pénitentiaires de l’Europe occidentale.

73.En 2001, sur décision du Ministère russe de la justice, il a été créé une section chargée des questions relatives au traitement humain des détenus et à la mise à profit de l’expérience internationale dans ce domaine. Il a été recommandé d’intégrer ces questions dans un programme de travail et d’engager dans les administrations pénitentiaires territoriales du personnel qui serait chargé des questions relatives au traitement humain des détenus.

74.Les obligations internationales qui incombent à la Fédération de Russie en ce qui concerne la prévention de la torture apparaissent dans les modules de formation «Droit international» et «Respect des droits de l’homme dans le travail des organes du Ministère de l’intérieur» qui sont inscrits aux programmes des établissements de formation du Ministère de l’intérieur. En outre, la formation juridique que reçoivent les membres des forces armées du Ministère de l’intérieur prévoit l’étude des principes fondamentaux de droit international humanitaire qui s’appliquent en cas de conflit armé.

Article 11

75.Conformément à l’article 96 du Code de procédure pénale de la Fédération de Russie, l’enquêteur, le magistrat instructeur ou le procureur est tenu d’avertir un parent proche du suspect dans les 12 heures suivant son arrestation ou, à défaut, de contacter d’autres membres de sa famille ou de donner la possibilité au suspect de le faire lui‑même.

76.Dans les affaires pénales portant sur des infractions commises par un mineur, les représentants légaux de l’intéressé ont l’obligation de participer à la procédure et assistent au premier interrogatoire auquel il est soumis en tant que suspect ou inculpé.

77.Conformément à la loi fédérale no 103 du 15 juillet 1995 sur la détention avant jugement des suspects et des inculpés, les suspects et les inculpés peuvent recevoir la visite:

1)De leur défenseur;

2)Des membres de leur famille ou d’autres personnes bénéficiant du droit de visite en vertu de la loi.

78.En application de la loi fédérale no 161 du 8 décembre 2003 portant harmonisation du Code de procédure pénale de la Fédération de Russie et d’autres textes normatifs avec la loi fédérale modifiant et complétant le Code pénal de la Fédération de Russie, le paragraphe 2 de l’article 21 de la loi fédérale no 103, qui porte sur les modalités de présentation par les suspects et les inculpés de requêtes sans lien avec les faits de la cause les concernant (notamment les plaintes relatives à des actes illicites commis par des fonctionnaires de l’administration ou par des codétenus) a été modifié comme suit: «Les propositions, déclarations et requêtes adressées au procureur, au tribunal ou à d’autres organismes publics habilités à exercer un contrôle sur les lieux de détention avant jugement des suspects et des inculpés au Commissaire aux droits de l’homme de la Fédération de Russie, aux commissaires aux droits de l’homme des sujets de la Fédération de Russie ou à la Cour européenne des droits de l’homme ne sont pas soumises à la censure et sont envoyées au destinataire sous pli scellé, au plus tard un jour ouvrable après avoir été déposées.».

79.Les suspects et les inculpés ont accès à un avocat (défenseur) dès le moment effectif de leur mise en détention. Ces entrevues se déroulent en tête‑à‑tête et dans la confidentialité; leur fréquence et leur durée sont illimitées, sauf dans les cas prévus dans le Code de procédure pénale de la Fédération de Russie.

80.Dans son arrêt du 27 juin 2000 concernant la vérification de la constitutionnalité des dispositions du paragraphe 1 de l’article 47 et du paragraphe 2 de l’article 51 du Code de procédure pénale de la RSFSR, la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie a déclaré inconstitutionnelle toute limitation du droit qu’a tout individu de bénéficier de l’assistance d’un avocat, au stade de la procédure précédant le procès, chaque fois que ses droits et libertés ont été ou pourraient être mis en cause par des mesures prises dans le cadre de poursuites pénales. Cet avis juridique a été pris en compte au paragraphe 3 de l’article 39 du Code de procédure pénale de la Fédération de Russie.

81.Dans son arrêt du 25 octobre 2001 concernant la constitutionnalité des dispositions figurant aux articles 47 et 51 du Code de procédure pénale de la RSFSR et à l’alinéa 15 du paragraphe 2 de l’article 16 de la loi fédérale sur la détention provisoire des suspects et des inculpés, la Cour constitutionnelle a estimé que le droit de tout avocat (défenseur) de participer à une procédure pénale et de s’entretenir seul à seul avec son client ne saurait être soumis à autorisation et qu’il ne pouvait être refusé à un défenseur que si celui‑ci était légalement récusable. Cet avis de droit, selon lequel l’accomplissement par l’avocat des tâches qui lui incombent dans le cadre d’une procédure ne saurait dépendre du bon vouloir du fonctionnaire ou de l’organe chargé de l’affaire pénale et l’application de la disposition du paragraphe 2 de l’article 48 de la Constitution consacrant le droit de tout suspect ou inculpé d’avoir accès à un avocat (défenseur), notamment d’avoir des entrevues avec ce dernier, ne saurait dépendre d’une autorisation du fonctionnaire ou de l’organe en question, a été développé dans un autre arrêt de la Cour constitutionnelle rendu le 26 décembre 2003. Dans ce dernier arrêt, qui porte sur la constitutionnalité de certaines dispositions figurant aux paragraphes 1 et 2 de l’article 118 du Code d’application des peines, l’avis de droit de la Cour concernant l’accès à un défenseur s’applique non seulement aux personnes placées en garde à vue ou en détention provisoire, mais aussi aux détenus condamnés qui purgent une peine de prison.

82.Les entrevues entre le suspect ou l’inculpé et son défenseur peuvent se dérouler dans des conditions telles qu’un surveillant puisse les voir, mais par les entendre.

83.Le suspect ou l’inculpé peut recevoir au maximum deux visites par mois de trois heures chacune de membres de sa famille ou d’autres personnes, sur autorisation écrite du fonctionnaire ou de l’organe chargé de son affaire.

84.Des programmes de soins et de prévention et des mesures d’hygiène et de lutte contre les épidémies sont appliqués dans les lieux de détention provisoire conformément à la législation sur la santé publique. L’administration de l’établissement pénitentiaire est tenue de respecter les normes de sécurité et d’hygiène afin de garantir la protection de la santé des suspects et des inculpés qui y sont détenus.

85.Conformément au paragraphe 16 de l’ordonnance n° 148 du12 mai 2000 du Ministère de la justice instituant un règlement intérieur des maisons d’arrêt du système pénitentiaire du Ministère de la justice de la Fédération de Russie, les détenus des maisons d’arrêt sont examinés dès leur mise sous écrou par le médecin (le médecin‑assistant) de service et soumis à une visite médicale. Les résultats en sont consignés dans un dossier individuel et, au cas où des lésions corporelles auraient été constatées, un certificat les attestant est établi et signé par l’auxiliaire de service, le médecin et le chef de l’escorte de police qui a amené les détenus. Le service de recherches opérationnelles procède alors à une vérification dont les résultats, s’ils confirment l’existence d’éléments constitutifs d’une infraction, sont communiqués au procureur du ressort territorial, lequel décide de l’opportunité d’ouvrir des poursuites pénales.

86.Tout suspect ou inculpé dont l’état de santé se détériore ou qui a subi des lésions corporelles est examiné sans délai par le personnel médical du lieu de détention provisoire.

87.Sur décision du responsable du lieu de détention provisoire ou de l’agent ou de l’organe chargé de l’affaire pénale, ou à la demande du suspect, de l’inculpé ou du défenseur, l’examen médical peut être effectué par le personnel d’un autre établissement médical. En cas de rejet d’une demande à cette fin, un recours peut être présenté au procureur ou au tribunal.

88.Les conclusions du médecin qui a constaté lors d’une visite l’existence de lésions corporelles chez un suspect, un inculpé ou un détenu condamné sont communiquées au parquet pour suite à donner.

89.Conformément à l’article 92 du Code de procédure pénale de la Fédération de Russie, une fois le suspect déféré à l’organe chargé de l’enquête préliminaire, il doit être remis dans les trois heures au magistrat instructeur ou au procureur un procès‑verbal d’arrestation attestant que le suspect a été informé des droits que lui confère l’article 46 du Code de procédure pénale, à savoir:

Être notifié des soupçons dont il fait l’objet et recevoir une copie de l’ordonnance d’introduction de l’instance, du procès‑verbal d’arrestation ou de la décision d’ordonner une mesure d’intervention préventive à son égard;

Faire ou refuser de faire des déclarations ou dépositions au sujet des soupçons pesant sur lui. Si le suspect accepte de faire des dépositions, il doit être averti qu’elles pourront servir de preuve dans le cadre d’une procédure pénale, même s’il se rétracte ultérieurement, sauf si, conformément aux dispositions du Code de procédure pénale, ces dépositions devaient être jugées irrecevables, auquel cas elles n’auraient aucune valeur juridique et ne pourraient servir de fondement à un acte d’accusation ni être invoquées pour étayer d’autres faits;

Bénéficier des services d’un défenseur dès le moment prévu par la loi et avoir des entretiens confidentiels en tête‑à‑tête avec ce dernier avant son premier interrogatoire;

Produire des éléments de preuve;

Présenter des requêtes en récusation;

Faire des dépositions et des déclarations dans sa langue maternelle ou une langue qu’il maîtrise;

Bénéficier gratuitement des services d’un interprète;

Avoir accès aux procès‑verbaux des procédures d’instruction auxquelles il a participé;

Avec l’autorisation du magistrat instructeur ou de l’enquêteur, participer aux actes d’instruction auxquels il est procédé à sa demande ou sur requête de son défenseur ou de son représentant légal;

Former un recours contre les actes (ou omissions) et décisions du tribunal, du procureur, du magistrat instructeur et de l’enquêteur;

Recourir pour sa défense à d’autres voies et moyens non interdits par les lois de procédure pénale.

Article 12

90.Conformément au Code de procédure pénale de la Fédération de Russie, la procédure pénale a pour objet: 1) la protection des droits et intérêts légitimes des individus et des organisations victimes de la criminalité et 2) la protection des personnes contre les accusations, les condamnations et les restrictions des droits et des libertés illégales ou injustifiées. En outre, l’objectif de la procédure pénale est tout autant de poursuivre et de sanctionner ainsi qu’il convient l’auteur d’une infraction que d’éviter de poursuivre un innocent, de le décharger d’une peine et de réhabiliter quiconque a fait l’objet de poursuites injustifiées.

91.Ces points trouvent leur meilleure expression dans le nouveau Code de procédure pénale de la Fédération de Russie. Ainsi, l’article 6 dudit Code dispose que le but de la procédure pénale est d’offrir une protection contre les accusations, condamnations et restrictions des droits et libertés illégales ou injustifiées et de garantir qu’une personne innocente, inculpée ou condamnée à tort sera réhabilitée sans délai et entièrement. Les actes ou décisions intervenant au cours des poursuites pénales et qui sont humiliants ou dégradants pour un individu, ou mettent en danger sa vie ou sa santé, sont interdits. Aucune partie aux poursuites ne peut être soumise à la violence ou à des traitements cruels ou dégradants, quels qu’ils soient (art. 9 du Code).

Article 13

92.En 2003, les parquets ont ouvert des poursuites pénales dans 95 affaires impliquant à première vue des membres des forces fédérales (78 enlèvements et 17 autres infractions commises par des membres de la police; toutes ces affaires sont traitées par les parquets de la République de Tchétchénie). Cette même année, les parquets de la République de Tchétchénie ont porté 44 affaires pénales devant les tribunaux, dont 20 concernaient des infractions commises contre la population locale.

93.L’enquête préliminaire n’ayant pas permis de démontrer que des membres des forces armées avaient été impliqués dans la commission de ces infractions, ces affaires ont été confiées aux parquets du ressort territorial de la République de Tchétchénie. Comme suite aux investigations menées au cours des 10 premiers mois de 2003, 4 affaires ont été portées devant les tribunaux, 2 ont été classées en application des dispositions exonératoires de la responsabilité pénale mais non réhabilitantes et 4 autres suivent leurs cours. Pendant les opérations antiterroristes, 18 affaires pénales où 21 membres de la police étaient mis en accusation, ont été portées devant les tribunaux et 328 procédures pénales ont été suspendues faute de pouvoir établir l’identité des auteurs présumés. Sur les 47 affaires pénales déférées aux parquets militaires, 15 ont été classées en raison de l’existence de motifs permettant d’exonérer les inculpés de leur responsabilité sans les réhabiliter. Les tribunaux militaires ont examiné des affaires pénales impliquant 78 militaires (12 officiers, 3 militaires rengagés à l’issue du service obligatoire, 30 soldats et sergents d’active et 33 soldats et sergents appelés) accusés de crimes contre les habitants de la République de Tchétchénie.

94.En 2003, les magistrats instructeurs du ministère public ont déféré aux tribunaux pour examen au fond 15 affaires concernant 25 enlèvements engageant la responsabilité pénale de 26 inculpés. Au cours des quatre premiers mois de 2004, quatre affaires pénales ont été portées devant les tribunaux et six individus ont été poursuivis. Pendant toute la durée des opérations antiterroristes, les tribunaux ont eu à connaître de 51 affaires concernant 78 enlèvements, dans lesquelles 84 personnes ont été poursuivies.

95.En 2004, 66 actions pénales ont été intentées contre les ravisseurs de 95 personnes et, sur ce total, 36 procédures portaient sur l’enlèvement de 51 personnes commis cette même année. L’année précédente, pendant la même période, 70 procédures pénales concernant 116 enlèvements avaient été entamées. Sur l’ensemble des victimes d’enlèvement, 70 ont été libérées en 2003. Durant les quatre premiers mois de 2004, 27 autres personnes ont été libérées.

96.Il est à déplorer que les violences commises par des groupes armés illégaux contre des membres des forces de l’ordre, de hauts responsables et des fonctionnaires de l’administration publique et des collectivités locales de la République de Tchétchénie, des chefs religieux et la population civile demeurent méconnues des organisations internationales. Pendant les opérations antiterroristes, 2 722 poursuites en rapport avec ces violations ont été engagées et examinées. Cent quatre‑vingt‑huit ont été portées devant les tribunaux pour examen au fond, 2 105 suspendues faute de pouvoir établir l’identité des coupables et 205 classées pour des motifs divers, tandis que 224 suivent leur cours.

97.Afin de détecter les violations, d’ouvrir des enquêtes dans les meilleurs délais et d’empêcher que les membres des forces armées ne commettent des violences contre la population locale pendant les opérations antiterroristes, la Procurature de la République de Tchétchénie a élaboré en juin 2002 des instructions qu’elle a envoyées aux procureurs municipaux et de district concernant les questions à régler en priorité après l’ouverture d’une procédure pénale pour infractions commises par le personnel et les soldats du Groupe unifié des troupes (forces) lors des opérations de vérification de l’enregistrement des citoyens à leur adresse permanente ou temporaire en République de Tchétchénie.

98.De juin à septembre 2002, les procureurs tchétchènes ont créé une base électronique de données sur les informations concernant les enlèvements et les homicides en rapport avec un enlèvement ouvertes pendant toute la durée des opérations antiterroristes qui est régulièrement mise à jour. Les travaux menés dans ce cadre sont effectués en collaboration étroite avec la direction de l’administration et le Gouvernement de la République de Tchétchénie ainsi qu’avec les organisations de défense des droits de l’homme et le milieu associatif.

99.Par ailleurs, le 9 septembre 2002, le Procureur général de la Fédération de Russie a promulgué le décret no 802 portant création de la Procurature militaire du Groupe unifié des troupes (forces) (ci‑après dénommé «Groupe unifié») chargé des opérations antiterroristes dans la région du Nord‑Caucase, auquel il a donné pour tâche de veiller à ce que les officiers respectent la Constitution et appliquent la loi. Afin d’organiser comme il convient cette activité, le Procureur militaire général a promulgué à son tour l’ordonnance no 301 du 20 novembre 2002 concernant l’amélioration de la surveillance exercée par les procureurs sur la façon dont sont respectés les droits et libertés de la personne et du citoyen lors des opérations antiterroristes menées dans le Nord‑Caucase. En vertu de cette ordonnance, le procureur militaire du Groupe unifié est tenu de vérifier si les lois protégeant les droits et libertés de la personne et du citoyen sont observées, en collaboration avec la direction de la Procurature générale pour l’arrondissement fédéral du sud ainsi qu’avec le Procureur de la République de Tchétchénie, les procureurs municipaux et de district, la direction de l’État-major régional chargé des opérations antiterroristes, les états-majors du Groupe unifié et des troupes du Ministère russe de l’intérieur.

100.Le 30 novembre 2002, une réunion interministérielle de coordination a été organisée dans la localité de Khankala par la Procurature de la République de Tchétchénie sur les problèmes de collaboration entre les services respectifs des parquets territoriaux et du parquet militaire de la République en matière d’instruction des actions pénales intentées contre des membres de l’armée ayant commis des infractions contre la population civile.

101.À cette réunion, des décisions concrètes ont été prises en vue de surmonter les problèmes de communication entre services des organes répressifs qui se posent dans l’organisation des activités d’enquête sur les infractions susmentionnées. En particulier, le 30 novembre 2002, la Procurature de la République de Tchétchénie et le parquet militaire du Groupe unifié ont promulgué conjointement le décret no 15 portant création de cellules d’instruction mixtes, dans lequel sont définies les procédures et méthodes d’entraide dans le cadre de la première phase d’instruction d’affaires de détention illégale ou d’enlèvement. Dans le cadre de l’application de ce décret, des cellules d’instruction permanentes composées de magistrats instructeurs et de procureurs criminalistes du parquet militaire et des parquets territoriaux ont été créées dans tous les districts de la République.

102.Le 3 février 2003, le Procureur de la République de Tchétchénie, le procureur militaire du Groupe unifié, le Ministre tchétchène de l’intérieur, le commandant du Groupe unifié et les responsables d’autres administrations concernées ont promulgué conjointement l’ordonnance no 8 portant adoption de l’instruction relative à l’entraide judiciaire entre les organes chargés de l’application des lois dans la région du Nord‑Caucase s’agissant des informations ouvertes sur des actes de violence particulièrement graves liés à des atteintes à la vie et à l’intégrité physique de résidents permanents ou temporaires de la République de Tchétchénie.

103.Les magistrats instructeurs des parquets territoriaux entament les poursuites et instruisent conjointement avec les magistrats instructeurs du parquet militaire. Lorsqu’il est établi qu’une infraction a été commise par un militaire, ils défèrent le dossier pour suite à donner à l’organe du parquet militaire du ressort où se sont produits les faits. L’exécution du décret précité incombe personnellement aux procureurs municipaux et de district de la République de Tchétchénie ainsi qu’aux procureurs militaires de garnison.

104.Le 19 avril 2003, les responsables des organes chargés de l’application des lois, le commandement du Groupe unifié et les chefs de détachements, d’unités et d’autres formations militaires se trouvant dans la région du Nord‑Caucase ont eu une réunion de coordination sur la protection des droits et des intérêts légitimes de la population civile en République de Tchétchénie. À la suite de cette réunion, en application de l’ordonnance commune no 98/110 promulguée le 23 avril 2003 par le commandant et le procureur militaire du Groupe unifié, des modifications et compléments ont été apportés à l’instruction relative à la collaboration entre les fonctionnaires et militaires du Groupe unifié et les parquets militaires au cours des opérations spéciales menées en République de Tchétchénie, lors de l’arrestation de citoyens et dans l’élucidation d’indices de la commission d’infractions, qui avait été adoptée en vertu de l’ordonnance no 34 promulguée par le commandant du Groupe unifié le 1er février 2003. Conformément à cette instruction, toute opération spéciale doit obligatoirement se dérouler en présence de membres du parquet, qui travaillent en collaboration avec les représentants de l’administration, le clergé, les fonctionnaires des organes des affaires intérieures et d’autres fonctionnaires dans les localités où ces opérations sont déployées. Lorsque des résidents locaux sont arrêtés dans le cadre d’une opération spéciale, les responsables de l’opération sont tenus de faire en sorte que les représentants de l’administration locale, le clergé et le personnel du parquet territorial aient librement accès aux locaux où ces personnes sont détenues.

105.Afin de promouvoir les liens indispensables de coopération entre organes chargés de l’application des lois et organisations de défense des droits de l’homme, le substitut du Procureur général de la Fédération de Russie, S. N. Fridinsky, a proposé dans son instruction no 46\2‑10627-03 du 6 novembre 2003 que le procureur par intérim de la République de Tchétchénie et le procureur militaire du Groupe unifié organisent des réunions de travail mensuelles avec un représentant de la section tchétchène du Centre pour les droits de l’homme «Mémorial», afin d’échanger des informations et d’en vérifier la teneur.

106.Grâce aux mesures qui ont été prises, les activités de surveillance et d’investigation portant sur les violations des droits et libertés de la population civile en République de Tchétchénie se sont notablement intensifiées.

107.Les dispositions nécessaires ont été prises pour organiser l’observation des opérations spéciales menées en République de Tchétchénie, assurer le respect des garanties sociales et juridiques dont bénéficient les militaires du Groupe unifié et veiller à ce que les unités constitutives du Groupe unifié respectent scrupuleusement la législation en vigueur et les droits et intérêts légitimes de la population au cours de ces opérations (ordonnances no 46-2001 du Procureur général de la Fédération de Russie et no 301-2002 du Procureur militaire général). Des instructions correspondantes fixant les modalités d’application des mesures spéciales ont également été adoptées par le commandement du Groupe unifié.

108.Les fonctionnaires du parquet s’assurent du respect de la législation dans les opérations de vérification de l’enregistrement des résidents permanents ou temporaires en République de Tchétchénie.

109.Les dispositions générales de la loi fédérale sur la Procurature de la Fédération de Russie valent également pour l’organisation interne et les activités de la Procurature militaire.

110.Le Procureur militaire général et les procureurs qui lui sont subordonnés jouissent dans les limites de leur compétence des pouvoirs définis par la loi fédérale susmentionnée, qu’ils exercent indépendamment du commandement et de l’administration militaires, conformément à la législation nationale.

111.En vertu de l’article premier de la loi fédérale sur la Procurature de la Fédération de Russie ainsi que de l’ordonnance no 54 relative à la délimitation de la compétence des procureurs territoriaux, des parquets militaires et des autres parquets spécialisés y assimilés promulguée le 9 septembre 2002 par le Procureur général de la Fédération de Russie, les procureurs militaires sont chargés de veiller au respect de la Constitution et des lois, de vérifier la conformité aux lois des textes juridiques qui sont adoptés, de s’assurer que les droits des militaires et de leur famille et des autres citoyens sont respectés par l’administration, les unités, institutions, organisations, entreprises et autres divisions paramilitaires des Forces armées de la Fédération de Russie ainsi que par les autres troupes et formations militaires créées conformément à la législation fédérale.

112.Veiller au respect des droits et libertés de l’homme et du citoyen par les états‑majors et les militaires des forces armées et autres formations militaires de la Fédération de Russie qui participent aux opérations antiterroristes menées sur le territoire de la République de Tchétchénie constitue une priorité pour les parquets militaires.

113.Toutes les informations faisant état d’infractions commises par des militaires, notamment celles émanant de simples citoyens, d’organisations de défense des droits de l’homme et d’organisations non gouvernementales, qui sont publiées dans les médias sont vérifiées. Des mesures sont prises pour prévenir les atteintes à la santé et aux biens des personnes, les arrestations et détentions illégales et toutes violations d’autres droits et libertés constitutionnels. Lorsque de tels faits sont constatés, des actions pénales sont introduites.

114.Depuis le lancement des opérations de lutte contre le terrorisme, la Procurature militaire a engagé 191 procédures pénales concernant des infractions commises par des militaires contre la population tchétchène. Il s’agissait, dans 56 cas, d’homicide (art. 105 du Code pénal de la Fédération de Russie); dans 1 cas, d’homicide par excès de légitime défense (art. 108); dans 3 cas, de lésions corporelles infligées par imprudence ou négligence (art. 118); dans 9 cas, d’actes de houliganisme (art. 213); dans 36 cas, de vol (art. 158 à 162); dans 6 cas, de violations de la réglementation relative aux armes (art. 349); dans 19 cas, de manquements au règlement concernant l’utilisation de véhicules militaires ou spéciaux ou de véhicules de transport (art. 350); dans 23 cas, d’enlèvements (art. 126); dans 3 cas, de viols (art. 131); dans 15 cas, d’actes ayant entraîné la mort de civils et, dans 24 cas, d’autres types d’infractions. Soixante‑neuf de ces affaires, dans lesquelles étaient mises en cause 92 personnes, ont été portées devant les tribunaux pour examen quant au fond et 44 ont été classées pour divers motifs prévus dans la législation. Dans 19 cas, l’instruction a été suspendue. Quant aux autres affaires pendantes, l’enquête suit son cours.

115.À ce jour, 74 militaires en tout, dont 12 officiers, ont été déclarés coupables par des tribunaux militaires d’avoir perpétré des infractions contre des habitants de la République de Tchétchénie.

116.Conformément à la loi fédérale no 121 du 8 octobre 2002 instituant un tribunal militaire de la garnison de Grozny et supprimant le tribunal militaire de la garnison de Norilsk, une juridiction militaire a été mise sur pied à Grozny, qui accomplit actuellement ses tâches dans la limite des compétences qui lui ont été attribuées.

117.La pratique établie témoigne de ce que, dans la majorité des cas, les enquêtes sur les infractions commises dans la République de Tchétchénie, notamment à l’encontre de ses habitants, sont compliquées par une difficile situation opérationnelle dans la région, les coutumes nationales et les traditions religieuses (l’ensevelissement des défunts doit avoir lieu dans les plus brefs délais, les autopsies sont refusées, les victimes et les témoins sont déplacés dans d’autres régions du pays, etc.).

118.Du début de la campagne antiterroriste au 1er janvier 2004, les parquets militaires ont enquêté sur 23 affaires pénales concernant 67 enlèvements. Dans 1 cas, les poursuites ont été abandonnées; dans 9 cas, le dossier a été renvoyé aux parquets territoriaux pour complément d’enquête; dans 6 cas, l’enquête a été suspendue et, dans 7 cas, l’instruction suit son cours. On ne recense aucune action intentée contre des militaires soupçonnés d’avoir torturé des habitants de la République de Tchétchénie. Pendant la période considérée, les parquets militaires du Groupe unifié ont renvoyé devant les tribunaux 245 actions pénales en violation du règlement des forces armées sur les relations entre militaires de même rang (art. 335 du Code pénal de la Fédération de Russie).

119.En 2003, aucune plainte faisant état de tortures ou de traitements cruels ou dégradants n’a été présentée aux parquets militaires par des membres des Forces armées de la Fédération de Russie déployées dans la République de Tchétchénie ou par la population locale. Les particuliers peuvent être entendus tous les jours par l’un des six parquets militaires du Groupe unifié existant sur le territoire de la République.

120.L’article 11 du Code de procédure pénale dispose que, lorsqu’il existe suffisamment d’éléments montrant que la victime, les témoins ou d’autres personnes participant à la procédure pénale sont menacés d’homicide ou d’actes de violence, que leurs biens risquent d’être détruits ou endommagés ou qu’ils pourraient être visés par d’autres actes illégaux, le tribunal, le procureur, le magistrat instructeur, l’organe et l’agent chargés de l’enquête préliminaire prennent, dans la limite de leurs compétences, les mesures de protection prévues au paragraphe 9 de l’article 166 dudit Code (qui dispose qu’afin de garantir la sécurité de la victime, de son représentant, de ses proches et des témoins, le magistrat instructeur peut décider de n’inscrire aucune donnée sur l’identité de ces personnes dans le procès‑verbal d’acte d’instruction); au paragraphe 2 de l’article 186 (qui prévoit qu’en cas de menaces de violence, de chantage et d’autres actes délictueux visant la victime, les témoins, leur famille ou leurs proches respectifs, les communications téléphoniques et autres des intéressés peuvent être surveillées et enregistrées avec leur autorisation écrite ou, à défaut, sur la base d’une décision judiciaire); au paragraphe 8 de l’article 193 (qui dispose qu’afin de garantir la sécurité des personnes auxquelles sont présentés des suspects à des fins d’identification, si le magistrat instructeur en décide ainsi, la confrontation peut avoir lieu dans un cadre permettant à ces personnes d’observer les suspects sans en être vue. En pareil cas, les témoins se trouvent aux côtés des personnes chargées d’identifier les suspects); à l’alinéa 4 du paragraphe 2 de l’article 241 (selon lequel la procédure peut se dérouler à huis clos si cela permet de garantir la sécurité des parties au procès et de leur famille) et au paragraphe 5 de l’article 278 (en vertu duquel, lorsqu’il est impératif d’assurer la sécurité d’un témoin, de sa famille et de ses proches, le tribunal peut l’interroger, sans mentionner son identité exacte, dans des conditions telles qu’il ne peut être vu des autres parties au procès).

Article 14

121.Compte tenu du principe constitutionnel selon lequel tout citoyen a le droit de demander réparation à l’État pour un préjudice résultant d’actes illicites commis par des services ou des fonctionnaires de l’administration publique, une nouvelle disposition a été incorporée dans l’article 133 du Code de procédure pénale de la Fédération de Russie concernant la procédure de demande d’indemnisation en cas d’actes illicites commis par un tribunal ou les services chargés de l’enquête préliminaire dans une affaire pénale. Cet article contient des règles établissant sur quelle base et dans quelles circonstances doivent être appliqués le droit à réparation, ainsi que la procédure d’indemnisation.

122.Conformément à l’article 133 du Code de procédure pénale, le droit de demander réparation comprend celui d’être indemnisé pour des pertes ou dommages matériels, la réparation du préjudice moral et le rétablissement des droits au travail, à une pension et au logement, entre autres. Le préjudice causé à un individu par la procédure pénale fait l’objet d’une indemnisation de la part de l’État, qu’il y ait eu ou non comportement répréhensible de l’organe ou de l’agent chargé de l’enquête préliminaire, du magistrat instructeur, du procureur ou du tribunal.

123.Peuvent prétendre à la réparation d’un préjudice résultant de poursuites pénales:

Les personnes qui ont été jugées et acquittées;

Les prévenus renvoyés des fins de la poursuite parce que le ministère public a abandonné l’action publique;

Les suspects ou inculpés contre lesquels les poursuites ont été abandonnées pour les motifs prévus aux alinéas 1, 2, 5 et 6 du paragraphe 1 de l’article 24 et des alinéas 1 et 4 à 6 du paragraphe 1 de l’article 27 du Code de procédure pénale de la Fédération de Russie;

Les personnes reconnues coupables lorsque la décision exécutoire du tribunal est intégralement ou partiellement annulée et lorsque les poursuites pénales sont arrêtées pour les motifs prévus aux alinéas 1 et 2 du paragraphe 1 de l’article 27 du Code de procédure pénale;

Les personnes soumises à des mesures de contrainte d’ordre médical, lorsque la décision judiciaire concernant l’application de ces mesures a été déclarée contraire à la loi ou mal fondée et a été annulée.

124.À titre d’exemple, il convient de citer la décision rendue le 22 janvier 2004 par le tribunal du district de Kalouga (oblast de Kalouga) dans l’affaire no 2‑5098/2003, où celui‑ci avait été saisi d’une requête présentée par le Commissaire aux droits de l’homme de la Fédération de Russie tendant à ce qu’il déclare illégaux des actes commis par des organes répressifs et judiciaires. En raison des modifications apportées en 1994 à la législation en vigueur, le jugement rendu à l’égard de V. N. Kondakov aurait dû être révisé à titre de contrôle judiciaire afin d’en vérifier la compatibilité avec le chapitre 30 du Code de procédure pénale de la RSFSR et la qualification des faits de la cause aurait dû être revue conformément à l’article 15‑144 du Code pénal de la RSFSR modifié. Aucune des instances de contrôle n’a fait preuve de diligence pour réexaminer la décision rendue dans cette affaire, raison pour laquelle V. N. Kondakov a été maintenu illégalement en détention pendant un an, neuf mois et 28 jours. Le tribunal du district de Kalouga a examiné en détail les circonstances de cette affaire et a conclu à une violation grave des normes du droit international et du droit interne. Par sa décision du 22 janvier 2004, il a recouvré du Trésor public de la Fédération de Russie, à travers le Ministère des finances, la somme de 30 000 roubles au bénéfice de la victime, à titre d’indemnisation pour le tort moral subi.

Article 15

125.Le Code de procédure pénale de la Fédération de Russie interdit expressément le recours à la violence, à la menace ou à d’autres moyens illicites pour extorquer des dépositions à des inculpés ou à d’autres parties à la procédure. Les déclarations obtenues en violation des dispositions dudit Code par le tribunal, le procureur, le magistrat instructeur, l’organe ou l’agent chargé de l’enquête dans le cadre d’une procédure sont réputées irrecevables.

126.En examinant une affaire, les tribunaux se prononcent non seulement sur la question de savoir si la preuve est pertinente, suffisante et fiable, mais aussi si elle est recevable. Les témoignages obtenus par des moyens illicites, c’est‑à‑dire par le recours à la torture ou à d’autres traitements cruels, n’ont aucune valeur juridique et ne peuvent être utilisés comme preuve. Cette disposition est consacrée par la législation à l’article 50 de la Constitution, qui dispose que dans l’exercice de la justice, les preuves obtenues en violation de la loi fédérale sont interdites. Les preuves obtenues par des voies illicites sont considérées sans valeur juridique et ne peuvent servir de fondement à un acte d’accusation ou être utilisées pour étayer les faits d’une cause.

127.Conformément à l’article 88 du Code de procédure pénale de la Fédération de Russie, les preuves peuvent être déclarées irrecevables aussi bien au cours de l’instance qu’au cours de l’enquête ou de l’instruction. Afin de renforcer les garanties protégeant les individus soumis à un interrogatoire, le paragraphe 4 de l’article 173 du Code de procédure pénale prévoit la possibilité de faire subir un nouvel interrogatoire à l’inculpé sur sa demande pour l’entendre sur les mêmes accusations au cas où ce dernier aurait refusé de faire une déclaration au cours du premier interrogatoire. En outre, l’article 52 du Code de procédure pénale prévoit que l’enquêteur, le magistrat instructeur et le procureur ne sont en aucun cas tenus par le refus de se faire représenter par un défenseur. Ainsi, le suspect (l’inculpé) dispose de moyens réels de dénoncer les tortures qui lui ont été infligées aussi bien au stade de la vérification des pièces avant l’instruction qu’à tout autre stade des investigations. Une garantie supplémentaire permettant d’exclure l’utilisation des preuves obtenues par la torture est la participation de l’inculpé (du suspect) aux débats judiciaires sur l’opportunité du placement en détention provisoire à titre préventif, de la prolongation de la détention provisoire ou de l’internement en établissement médical ou psychiatrique aux fins d’expertise (art. 108, al. 16 du paragraphe 4 de l’article 47, par. 2 de l’article 29 du Code de procédure pénale de la Fédération de Russie).

128.Les déclarations de prévenus, de victimes ou de témoins affirmant avoir déposé sous la contrainte ou d’experts affirmant avoir remis leur rapport sous la menace, ou après avoir subi un chantage, des mauvais traitements, des actes de violence ou de torture, doivent être examinées par un tribunal, dans la mesure où de tels actes commis par un magistrat instructeur ou par un enquêteur sont constitutifs de l’infraction prévue à l’article 302 du Code pénal de la Fédération de Russie.

129.Depuis la récente introduction de jurys populaires sur l’ensemble du territoire de la Russie, les organes d’enquête se montrent plus scrupuleux quand ils rassemblent des preuves à charge.

130.L’examen objectif et impartial des affaires par les cours d’assises est grandement facilité par l’application de normes plus strictes en matière d’irrecevabilité des preuves obtenues par des moyens illicites.

Article 16

131.Les parquets luttent sans relâche pour éradiquer les mesures illégales de contrainte physique et psychologique infligées aux détenus des établissements pénitentiaires. Lorsque les fonctionnaires de la Procurature inspectent les maisons d’arrêt et les établissements pénitentiaires afin de s’assurer que les lois y sont respectées, ils vérifient toutes les allégations émanant des suspects, des inculpés et des détenus qui s’y trouvent ainsi que de leurs défenseurs et d’autres sources d’information concernant l’existence de violations commises par le personnel de l’établissement et décrites comme des tortures ou des peines ou traitements cruels ou dégradants. En cas d’excès de pouvoir, d’abus d’autorité ou de recours illégal à la force, une procédure pénale est entamée et les auteurs présumés de ces actes sont poursuivis. Toutefois, comme le nombre d’affaires de ce type ayant abouti à une condamnation est restreint, on ne saurait dire que les violations de la Convention sont répandues dans les maisons d’arrêt et dans les établissements pénitentiaires.

132.Les données statistiques montrent que le nombre de femmes en détention provisoire a diminué de plus de moitié par rapport à 1996 (où la densité de la population carcérale dans les maisons d’arrêt a été la plus forte des 15 dernières années).

133.Ces dernières années, la Procurature générale de la Fédération de Russie n’a été saisie d’aucune plainte ou allégation fondée faisant état d’actes de violence contre des femmes placées en détention provisoire.

134.Une étape importante de la réforme du système pénitentiaire du Ministère russe de la justice a été la création, à la suite des recommandations formulées par le forum social tenu à Moscou en 2001, de services spéciaux de surveillance du respect des droits des détenus. Ces services ont notamment pour tâche de focaliser les activités des établissements pénitentiaires sur la protection concrète des droits légitimes des personnes condamnées à une peine privative de liberté et des personnes en détention provisoire. Ils exercent une surveillance directe de la situation des droits de l’homme dans le système pénitentiaire et organisent les activités de suivi menées par les organisations non gouvernementales russes et étrangères dans les maisons d’arrêt et les établissements pénitentiaires.

135.Grâce à la promotion des activités de défense des droits de l’homme dans le système pénitentiaire, qui relève du Ministère de la justice, le nombre de plaintes fondées s’est réduit d’un quart, dont les plaintes portant sur le recours illicite à des mesures spéciales et à la force, ainsi qu’aux mesures disciplinaires les plus sévères telles que le placement en cellule de punition ou en cellule disciplinaire ou spéciale.

136.Dans l’ensemble du pays, la concentration de la population carcérale dans les centres de détention s’est réduite de plus de moitié par rapport à 1996. En moyenne, la surface disponible par détenu dans ces établissements est actuellement de 1,1 à 1,2 fois plus élevée que la norme, qui est de 4 m2 par détenu. La législation fédérale prévoit la possibilité d’octroyer un sursis, une remise de peine ou son annulation aux femmes enceintes et aux mères d’enfants de moins de 14 ans, à l’exception de celles qui ont été condamnées à une peine de prison de plus de cinq ans pour des infractions graves ou des atteintes particulièrement graves aux personnes. Les femmes enceintes condamnées à une peine et celles ayant des enfants en bas âge qui purgent leur peine dans une colonie pénitentiaire, à l’exception de celles qui ont été condamnées à une peine de plus de cinq ans de prison pour des infractions graves et des crimes particulièrement graves contre les personnes peuvent bénéficier d’un sursis à exécution de la peine jusqu’à ce que leur enfant ait atteint l’âge de 14 ans.

137.Le Code d’application des peines de la Fédération de Russie contient 17 articles régissant les conditions de détention des femmes dans le système pénitentiaire, dont 11 (soit 65 %) portent sur la protection de la maternité et de l’enfance.

138.D’après des données émanant du Ministère russe de la justice, 4,2 % des suspects et des inculpés mis en détention avant jugement sont atteints de formes actives de la tuberculose. Ces malades, de même que ceux qui sont atteints d’autres maladies infectieuses, sont séparés des détenus sains.

139.Une modification importante apportée à la législation pénale a été la disposition figurant dans la loi fédérale no 161 du 8 décembre 2003 portant harmonisation du Code de procédure pénale de la Fédération de Russie et d’autres textes de loi avec la loi fédérale modifiant et complétant le Code pénal de la Fédération de Russie, qui abroge l’article en vertu duquel les personnes condamnées à des peines d’emprisonnement qui sont placées dans les cellules de punition, les quartiers spéciaux, les cellules individuelles des quartiers spéciaux ou les cellules d’isolement reçoivent une ration alimentaire réduite. Auparavant, cette disposition était justement l’une des causes de la forte incidence de la tuberculose chez les détenus.

140.Afin de rendre les conditions de détention des personnes placées en détention provisoire conformes aux normes internationales relatives au traitement des détenus (et pour donner suite aux recommandations formulées par le Comité contre la torture lors de l’examen des rapports précédents de la Fédération de Russie), en 2002 et 2003, les plaques de métal (volets) apposées aux fenêtres des cellules ont été démontées dans presque tous les centres de détention provisoire du pays. En moyenne, le taux d’occupation de ces établissements est actuellement de 98,5 %, étant entendu que la norme est de 4 m2 par détenu.

141.Conformément aux dispositions prévues dans la loi, les suspects et inculpés mineurs qui sont placés en détention avant jugement bénéficient de meilleures conditions de détention (par rapport aux adultes) et de rations alimentaires plus importantes. Pendant la promenade, ils ont la possibilité de faire de l’exercice physique et de pratiquer des jeux sportifs de plein air. Des dispositions sont prises afin qu’ils bénéficient d’un enseignement général du niveau secondaire. Des activités culturelles et pédagogiques sont également organisées.

142.L’interdiction d’infliger des traitements cruels aux mineurs figure dans diverses dispositions légales, dont:

L’article 156 du Code pénal, qui porte sur les sanctions dont sont passibles les parents qui manquent à leurs obligations en matière d’éducation des mineurs ou ne s’en acquittent pas convenablement, dont sont également passibles toute autre personne à qui ces obligations incombent ainsi que les enseignants ou le personnel des établissements scolaires, éducatifs, médicaux ou autres à qui un mineur a été confié, si les faits reprochés sont assimilables à des traitements cruels infligés à un mineur;

L’article 5.35 du Code fédéral des infractions administratives du 23 décembre 2003, qui concerne les sanctions dont sont passibles les parents qui manquent à leurs obligations en matière d’entretien et d’éducation des mineurs ou ne s’en acquittent pas convenablement;

L’article 8.1 de la loi fédérale no 120 du 7 juillet 2003 sur les principes du système de prévention de l’abandon d’enfants et de la délinquance juvénile, qui régit l’application de sanctions dans les institutions relevant du système de prévention de l’abandon d’enfants et de la délinquance juvénile.

143.Tirant parti des compétences qui leurs sont assignées, les procureurs, à quelque échelon que ce soit, répriment fermement les traitements cruels infligés aux enfants et les violences physiques, psychologiques et sexuelles commises au sein de la famille et des établissements de rééducation et d’enseignement. Les auteurs de ce type de violations sont passibles de poursuites pénales, «administratives» et civiles.

144.En 2002, la Procurature générale de la Fédération de Russie a passé au crible la façon dont était appliquée la loi dans les établissements d’éducation spéciale surveillée, ce qui a permis de mettre au jour toute une série de violations des droits et des intérêts des adolescents, en particulier le recours à des mesures de contrainte illégales à l’encontre de ces jeunes.

145.Ainsi, il a été constaté que, dans l’école spéciale de Тchelyabinsk, des jeunes qui avaient violé le règlement avaient été privés de cinéma, de concert et d’autres activités culturelles. Dans la salle à manger de l’école spéciale de Prosvet (oblast de Kourgan), il existait une «table de la honte» à laquelle devaient manger les jeunes qui avaient commis des manquements au règlement. Certains jeunes étaient chargés de maintenir la discipline, ce qui avait donné lieu à divers abus de la part des «chefs» nommés par l’administration de l’établissement. Dans cette institution, il existait une cellule établie illégalement dans laquelle on enfermait les jeunes qui avaient enfreint la discipline.

146.L’administration de l’Institut pédagogique spécial de Kourtamych (oblast de Kourgan) avait institué des restrictions illégales touchant la fréquence d’envoi de colis par les parents des pensionnaires (réduite à un seul colis par mois). Les travailleurs sociaux faisaient savoir aux parents que les pensionnaires n’avaient pas le droit de correspondre avec leurs amis et leurs connaissances. Les parents ne pouvaient rendre visite à leur enfant que trois mois après l’arrivée de ce dernier dans l’institution.

147.Dans l’école spéciale de Nyandom (oblast d’Arkhangelsk), un règlement prévoyant un régime de récompenses et de sanctions était en vigueur en vertu duquel les jeunes pouvaient être privés de vacances, de films et d’autres activités culturelles organisées les jours de congé. Les jeunes qui assumaient des tâches de contrôle sanitaire devaient vérifier si les enfants avaient des allumettes, des cigarettes ou du tabac.

148.Le fait que l’administration de cette institution ait négligé de s’occuper elle‑même de la discipline avait fait dégénérer la situation, de sorte que la cause principale des traumatismes subis par les pensionnaires était les bagarres. Les mesures prises par le procureur pour remédier à cette situation ont permis de faire cesser ces incidents.

149.Les fonctionnaires de l’État qui travaillent avec des enfants doivent régulièrement passer des contrôles et suivre des cours de formation continue. En septembre 2002, un séminaire national a par exemple été organisé conjointement par le Ministère russe de l’intérieur et la Procurature générale sur le thème de l’amélioration des activités des services des affaires intérieures en matière de prévention de l’abandon d’enfants et de la délinquance juvénile. Les participants se sont penchés en particulier sur la question de la légalité des mesures prises par le personnel des services du Ministère de l’intérieur employé dans les institutions spéciales.

150.L’alinéa 4 du paragraphe 1 de l’article 8 de la loi fédérale sur les principes du système de prévention de l’abandon d’enfants et de la délinquance juvénile contient une disposition en vertu de laquelle il est interdit d’infliger à un mineur des violences physiques ou psychiques ou des mesures antipédagogiques et humiliantes; de limiter ou d’interdire les contacts entre un mineur et ses parents ou ses tuteurs légaux, de réduire sa ration alimentaire et de le priver de promenade.

151.Conformément à l’article 41 de la Constitution de la Fédération de Russie, toute personne jouit du droit à la protection de sa santé et à des soins médicaux. Les fonctionnaires qui dissimulent des faits ou des circonstances qui constituent une menace pour la vie et la santé des citoyens encourent des poursuites conformément à la législation fédérale. D’après les fondements de la législation fédérale relative à la protection de la santé des citoyens (tels que formulés dans la loi fédérale no 30 du 2 mars 1998), l’État garantit la protection de la santé de tous les citoyens sans distinction fondée sur le sexe, la race, la nationalité, la langue, l’origine sociale, la fonction, le domicile, l’attitude à l’égard de la religion, les opinions, l’appartenance à une association ainsi que d’autres facteurs.

152.En vertu de l’article 16 de la loi fédérale no 103 du 15 juillet 1995 sur la détention avant jugement des suspects et des inculpés, les dispositions relatives aux soins médicaux et sanitaires auxquels ont droit les personnes placées en détention avant jugement sont fixées dans le règlement intérieur des lieux de détention avant jugement des suspects et inculpés.

153.Les modalités d’accès aux soins médicaux (y compris aux traitements psychiatriques) des suspects et inculpés détenus avant jugement sont définies par les Ministères de la santé publique et de la justice et par le Service fédéral de sécurité. Conformément à la loi fédérale no 161 du 8 décembre 2003, en cas de détérioration de l’état de santé ou de lésions corporelles d’un suspect ou d’un inculpé, un examen est effectué sans délai par le personnel médical du lieu de détention où il se trouve. Les résultats de cet examen sont dûment enregistrés et sont communiqués à l’intéressé. À la demande de ce dernier ou de son défenseur, une copie des conclusions du rapport médical lui est fournie. Sur décision soit du responsable du lieu de détention, soit du magistrat, soit de l’organe chargé de l’affaire pénale ou à la demande du suspect, de l’inculpé ou de son conseil, l’examen médical peut être effectué par un médecin d’un autre établissement. En cas de rejet d’une demande à cette fin, un recours peut être présenté au procureur ou au tribunal.

154.Conformément au paragraphe 16 du règlement intérieur des maisons d’arrêt du système pénitentiaire du Ministère de la justice, les personnes envoyées dans ces établissements sont examinées dès leur mise sous écrou par le médecin de service (ou le médecin‑assistant) et passent une visite médicale. Les résultats de cet examen sont consignés dans un dossier individuel et si des lésions physiques sont constatées, un certificat les attestant est établi et signé par l’auxiliaire de service, le médecin et le chef de l’escorte de police qui a amené le suspect après son arrestation. En pareil cas, on procède à une vérification dont les résultats, s’ils confirment l’existence d’éléments constitutifs d’une infraction, sont communiqués au procureur du ressort territorial, qui décide de l’opportunité d’entamer des poursuites pénales.

155.Les personnes dont les possibilités de communication font l’objet de restrictions peuvent attaquer les décisions pertinentes devant les tribunaux.

156.Au cours des inspections effectuées par le parquet de l’oblast de Kaliningrad en avril et mai 2003, il a été constaté que, dans pratiquement tous les lieux de détention préventive de courte durée destinés aux individus gardés à vue de cette région, les cours de promenade étaient inexistantes, les rations alimentaires étaient réduites, l’aération des cellules était insuffisante ou inexistante, les draps et couvertures n’étaient pas fournis, il n’y avait pas de produits désinfectants et l’éclairage était faible. Pour toutes ces raisons, la Direction des affaires intérieures de l’oblast de Kaliningrad a élaboré un programme de construction et de rénovation de cellules de détention de courte durée pour 2004‑2008. Un projet visant à doter ces locaux d’équipements techniques modernes, accompagné d’une estimation des ressources nécessaires, a été remis à la direction administrative de l’oblast afin que les fonds requis soient inscrits au budget régional, mais celle‑ci a refusé de le financer.

157.Le parquet de la ville de Sovietsk a constaté que l’envoi de denrées alimentaires aux personnes gardées à vue était soumis à des restrictions illégales. Le chef des services des affaires intérieures de cette ville a été informé de ces irrégularités et y a mis un terme après avoir procédé à une inspection.

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