NATIONS UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/55/Add.1228 février 2005

FRANÇAISOriginal : ESPAGNOL

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L'ARTICLE 19 DE LA CONVENTION

Quatrièmes rapports périodiques des États parties devant être soumis en 2000

Additif

MEXIQUE * **

[20 décembre 2004]

TABLE DES MATIÈRES

Paragraphes Page

INTRODUCTION1 - 234

I.MESURES ADOPTÉES DE 1997 A 2004 AU TITRE DESOBLIGATIONS CONTRACTÉES EN VERTU DE LACONVENTION24 - 2867

Article premier (Définition de la torture)24 - 347

Article 2 (Mesures législatives, administratives et judiciairesdestinées à prévenir la torture)35 - 1159

Article 3 (Interdiction d'expulser, de refouler ou d'extraderune personne vers un autre État où elle risqueraitd'être soumise à la torture)116 - 12726

Article 4 (La torture considérée comme une infraction auregard du droit pénal. Imposition de peinesappropriées pour les actes de torture)128 - 14828

Article 5 (Compétence de l'État mexicain)149 - 15437

Article 6 (Placement en détention sur le territoire national ades fins d'extradition de toute personne soupçonnéed'avoir commis des actes de torture)155 - 16638

Article 7 (Les poursuites intentées dans l'État du responsableprésumé)167 - 17240

Article 8 (La torture donne lieu à extradition dans tous lestraités)173 - 17541

Article 9 (L'entraide judiciaire en matière pénale)176 - 18141

Article 10 (Éducation et formation en matière de lutte contrela torture)182 - 20842

Article 11 (Normes et procédures visant à éviter les actes detorture. L'interrogatoire et la garde des personnesdétenues, arrêtées ou emprisonnées)209 - 23448

Article 12 (Une enquête rapide et impartiale)235 - 24054

Article 13 (Le droit de porter plainte et la protection judiciairedes victimes)241 - 25755

Article 14 (Indemnisation et réparation du délit)258 - 26861

Paragraphes Page

Article 15 (Nullité des déclarations faites sous la torture)269 - 27964

Article 16 (Interdiction des traitements ou peines cruels,inhumains ou dégradants)280 - 28566

Article 22 (Acceptation de la compétence du Comite pourrecevoir des communications individuelles)28668

II.COMPLÉMENT D'INFORMATION DEMANDÉ PARLE COMITÉ287 - 29068

III.LA SUITE DONNÉE AUX RECOMMANDATIONS DU COMITÉ291 - 29868

IV.CONCLUSIONS299 - 30470

INTRODUCTION

1.Le 23 janvier 1986, le Mexique a ratifié la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

2.En application du paragraphe 1 de l'article 19 de la Convention, le gouvernement mexicain a présenté trois rapports périodiques. Le Comité a examiné en 1997 le troisième d'entre eux.

3.Soucieux de remplir dûment ses engagements internationaux, le gouvernement mexicain présente ci-après son quatrième rapport périodique qui couvre la période allant de 1997 à 2004.

4.Le rapport a été établi conformément aux directives énoncées par le Comité contre la torture. Certaines organisations de la société civile ont signalé à ce sujet que, sous cette présentation, le rapport n'analyse pas comme il devrait les questions d'ordre structurel autorisant la pratique de la torture.

5.Conformément à la périodicité établie par la Convention, le Mexique devait remettre son quatrième rapport périodique en juin 2000. Le retard apporté à la présentation de ce rapport s'explique principalement par l'intention du gouvernement mexicain qui voulait que ce document rende compte des actions menées pour consolider la politique gouvernementale en matière de droits de l'homme et expose intégralement l'évolution enregistrée au cours des dernières années, notamment la conclusion de l'accord de coopération technique passé avec le Haut-Commissaire aux droits de l'homme, lequel a permis de réaliser en décembre 2003 un diagnostic sur la situation des droits de l'homme au Mexique et prévoit l'élaboration, actuellement en cours, d'un programme national relatif aux droits de l'homme.

6.Voulant appliquer une politique d'ouverture et de transparence, le gouvernement mexicain se trouve dans les meilleures dispositions qui soient pour étayer les voies de dialogue et la communication avec les mécanismes et comités internationaux de défense des droits de l'homme, y compris le Comité contre la torture.

7.Le gouvernement mexicain a notamment adopté pour grands principes d'action d'intégrer aux institutions nationales les enseignements issus des mécanismes internationaux de façon à favoriser par là la transformation structurelle dont le pays a besoin.

8.En mars 2001, le Mexique a invité sans poser de limite à se rendre dans le pays des représentants des organismes internationaux de défense des droits de l'homme, d'où une quinzaine de visites de ce type.

9.Ont fait suite à ces visites plusieurs rapports et recommandations qui servent actuellement à élaborer une politique complète en matière de droits de l'homme qui soit conforme aux normes internationales.

10.Il faut notamment signaler la visite du Comité contre la torture qui a eu lieu en août et septembre 2001, d'où est issu le rapport portant la cote CAT/C/75 qui a été publié en mai 2002 et dans lequel sont formulées 11 recommandations à l'intention de l'État mexicain. De même, le Mexique a reçu le Rapporteur spécial sur l'indépendance des magistrats et des avocats ainsi que le Groupe de travail sur la détention arbitraire, deux mécanismes très étroitement liés aux structures et aux pratiques favorisant la torture.

11.Parmi les recommandations évoquées ci-dessus, il importe de souligner celles qui émanent du Rapporteur spécial sur la question de la torture, Sir Nigel Rodley, lesquelles ont été formulées en 1997 et dont beaucoup sont toujours valables.

12.Le 28 août 2002, le Président de la République a présenté un rapport intitulé "Bilan et défis à relever pour le gouvernement fédéral en matière de droits de l'homme". Dans ce rapport sont définis quatre objectifs prioritaires : a) éliminer totalement la torture, la discrimination et les mauvais traitements physiques et psychologiques; b) créer une politique intégrale relative aux droits de l'homme qui permette de prévenir les violations desdits droits, de prendre en compte les recommandations formulées par les commissions des droits de l'homme, de réparer le préjudice subi par les victimes et d'assurer l'éducation des fonctionnaires et agents du service public en matière de prévention et de protection des droits de l'homme; c) créer une commission interministérielle de politique gouvernementale en matière de droits de l'homme; et d) amorcer à l'échelle nationale un dialogue sur les droits de l'homme.

13.Le 17 octobre 1997, par décision présidentielle, il a été créé une Commission interministérielle pour le suivi des engagements internationaux contractés par le Mexique en matière de droits de l'homme.

14.Avec la mise en place du gouvernement actuel, la Commission a créé un mécanisme de dialogue auquel participent paritairement des représentants du gouvernement fédéral, des représentants des organismes publics compétents en matière de droits de l'homme et des représentants d'organisations de la société civile pour examiner les obligations incombant au Mexique sur le plan international et envisager l'adoption de mesures de caractère intérieur en la matière.

15.Le 11 mars 2003, a été publié au Journal officiel de la Fédération la décision présidentielle portant création à titre permanent de la Commission de politique gouvernementale en matière de droits de l'homme qui remplace la commission précédente. Dans cet espace créé pour les échanges entre les organisations de la société civile, les institutions de défense des droits de l'homme, l'université et les services publics, les intéressés ont travaillé ensemble à concevoir les politiques et les actions gouvernementales en matière de droits de l'homme et à assurer leur suivi.

16.Au sein de la sous-commission des droits civils et politiques de la Commission susmentionnée, le gouvernement et les organisations de la société civile envisagent notamment les actions à mener pour lutter contre la torture. La sous-commission a approuvé par voie de consensus les activités tendant à assurer l'application du document intitulé "25 actions de lutte contre la torture" établi par la Commission interministérielle pour le suivi des engagements internationaux du Mexique en matière de droits de l'homme. L'intérêt de ces actions est qu'elles ont été définies conjointement par les représentants du gouvernement et un groupe représentatif lui-même d'organisations de la société civile se consacrant à la défense des droits de l'homme, lesquels se sont fondés sur une analyse précise des recommandations formulées par les comités et les mécanismes internationaux relatifs aux droits de l'homme.

17.Le principe de base retenu est que ces actions vont être le point de départ d'un renforcement d'une politique de lutte contre la torture. Mais il convient d'admettre que ces mesures ne représentent qu'un premier effort qui ne fait pas le tour du problème dans son intégralité.

18.Les "25 mesures de lutte contre la torture" qui sont annexées à la présente introduction, sont évaluées périodiquement pour que l'on puisse savoir quels sont les progrès accomplis. On continue également d'examiner en même temps les recommandations issues des mécanismes internationaux de défense des droits de l'homme afin de faire nettement progresser la définition des mesures à adopter pour lutter efficacement contre la torture.

19.Aux fins de l'établissement du présent rapport, on s'est assuré le concours des services du pouvoir exécutif fédéral, c'est-à-dire de la Commission de politique gouvernementale en matière de droits de l'homme tout comme du concours des organismes publics de défense des droits de l'homme. On s'est également servi d'informations émanant des divers États de la République recueillies par l'intermédiaire de la Conférence nationale des procureurs de justice.

20.Nous signalons comme un élément fondamental du travail accompli que les organisations non gouvernementales de défense des droits de l'homme ont été consultées pour nous permettre de réviser le présent rapport avant de l'adresser au Comité afin que nous puissions solliciter leurs observations. Mais quelques organisations de la société civile n'ont pas eu assez de temps pour formuler leurs commentaires.

21.Sur la même question, le Comité doit savoir qu'il a été décidé d'adopter pour principe politique du gouvernement mexicain de solliciter le concours des organisations non gouvernementales en vue de l'établissement, de la présentation et du suivi des rapports périodiques que le Mexique présente sur la mise en oeuvre des instruments internationaux de défense des droits de l'homme auxquels le Mexique est partie. Cette pratique a sa source dans le renforcement systématique par tous les moyens de l'action menée avec les organisations de la société civile pour promouvoir et protéger les droits de l'homme au Mexique et assurer l'exécution des engagements internationaux que le pays a contractés.

22.Le changement politique majeur enregistré au Mexique à la suite des élections présidentielles du 2 juillet 2000 a donné naissance à un climat qui favorise le renforcement des politiques et des actions de promotion et de protection des droits de l'homme, et tout particulièrement de la lutte contre la torture.

23.Nous reconnaissons que l'action menée a été insuffisante. L'une des demandes que la société mexicaine formule le plus fortement à l'adresse du gouvernement est que celui-ci garantisse le plein respect des droits de l'homme et en particulier livre une lutte efficace contre la torture et l'impunité dans chacun des États comme sur le plan fédéral.

I. MESURES ADOPTÉES DE 1997 A 2004 AU TITRE DES OBLIGATIONS CONTRACTÉES EN VERTU DE LA CONVENTION

Article premier (D éfinition de la torture)

A. La torture dans la Constitution politique des États-Unis du Mexique

24.La torture et les mauvais traitements sont interdits par la Constitution politique des États-Unis du Mexique en son article 20 et en son article 22.

B. Définition de la torture dans la législation fédérale

25.La loi fédérale de 1991 visant à prévenir et réprimer la torture définit en son article 3 la torture de la façon suivante : "Se rend coupable du délit de torture tout agent public qui, dans l'exercice de ses fonctions, inflige à une personne des douleurs ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, afin d'obtenir de la personne torturée ou d'un tiers des renseignements ou des aveux ou de punir l'intéressé pour un acte qu'il a commis ou est soupçonné d'avoir commis ou bien de le contraindre à accomplir ou à cesser d'accomplir un acte déterminé." Ladite loi est applicable à l'échelle nationale dans le cadre fédéral.

26.À l'article 5 du même texte de loi, il est indiqué que le délit peut être commis dans d'autres conditions : "[les peines prévues s'appliquent à] l'agent public qui, dans l'exercice de ses fonctions, en vue de l'une quelconque des finalités définies à l'article 3, incite, contraint ou autorise un tiers ou se sert de ce dernier pour infliger à une personne des douleurs ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales; ou n'empêche pas que ces douleurs ou souffrances soient infligées à une personne confiée à sa garde… par un tiers qui, en vue d'une finalité quelconque, est incité ou autorisé de façon explicite ou implicite par un agent public à infliger des douleurs ou souffrances aiguës, physiques ou mentales, à un détenu."

27.Avec la promulgation de cette loi, le Mexique s'acquitte de l'obligation internationale qui lui incombe de définir la torture comme un délit dans sa législation pénale, conformément aux normes internationales.

C. Définition de la torture dans la législation des États

28.Parmi les "25 mesures de lutte contre la torture" adoptées par la Sous-commission des droits civils et politiques de la Commission de politique gouvernementale visée plus haut, il convient de mentionner celles qui consistent à inciter vivement les États de la fédération à procéder rapidement à la définition de la torture conformément aux normes internationales en vigueur au Mexique.

29.Eu égard à la structure fédérale du Mexique, le 2 décembre 2003 est entrée en vigueur la loi visant à prévenir et réprimer la torture de l'État du Yucatán, laquelle définit la torture comme suit :

"Article 4. Se rend coupable du délit de torture l'agent public qui agissant en cette qualité ou dans l'exercice de ses fonctions, inflige intentionnellement lui-même ou par l'intermédiaire d'un tiers à un inculpé, une personne mise en examen, une personne condamnée ou une personne quelconque des lésions à des fins d'enquête ou de procédure juridique sur des faits délictueux ou des infractions en vue d'obtenir des renseignements ou des aveux de la part de la personne torturée ou d'une tierce personne, et en fait un moyen d'intimidation ou la punition d'une action ou d'une omission dont l'intéressé est l'auteur ou est soupçonné d'être l'auteur ou bien vise à contraindre les intéressés à accomplir ou à cesser d'accomplir un acte déterminé."

30.À partir de cette loi, les 31 États de la Fédération et le District fédéral lui-même ont défini des normes visant à prévenir, réprimer et éradiquer la torture. Toutefois, comme on le constate à partir de cet exemple et dans le tableau présenté en annexe, dans leur majorité, les éléments figurant à ce sujet dans les codes pénaux ne sont pas calqués sur ce qui est prévu à l'échelon fédéral, tant pour ce qui concerne la peine privative de liberté encourue par les auteurs du délit qu'en ce qui concerne la sanction pécuniaire, ce qui nous montre qu'il faut procéder à une révision totale de la définition du délit et des sanctions à prévoir pour qui se rend coupable dudit délit.

31.L'un des progrès les plus importants consiste dans la réforme du code pénal du district fédéral, lequel a été publié le 30 octobre 2002. À l'article 294 du chapitre III il est prévu de sanctionner tout agent public qui, dans l'exercice de ses fonctions ou s'inspirant de ses fonctions, inflige des douleurs ou des souffrances à une personne aux fins i) d'obtenir de la personne ou d'un tiers des renseignements ou des aveux; ii) de la punir d'un acte qu'elle a commis ou est soupçonnée d'avoir commis; iii) ou de la contraindre à accomplir un acte déterminé. La sanction s'applique également quand l'agent de la fonction publique incite un particulier ou l'autorise à commettre l'acte de torture ou n'empêche pas qu'il soit commis.

32.En outre, est qualifiée de torture l'application à une personne de méthodes tendant à réduire à néant la personnalité de la victime ou à diminuer ses capacités physiques ou mentales même si ces méthodes ne s'accompagnent pas de douleur physique ni d'angoisse psychologique (article 295).

33.Cette description qui définit le délit de torture représente un progrès substantiel en matière législative en ce qu'il supprime l'élément de "gravité" des douleurs et des souffrances qui servait jusque là à définir l'acte correspondant au délit en question, ainsi que l'établit la Convention interaméricaine pour la prévention et la répression de la torture à laquelle le Mexique est partie.

34.Les modifications apportées à cette législation relèvent de la volonté d'adopter les normes de protection les plus élevées à l'encontre du délit dont il s'agit et de remplir les obligations internationales du Mexique en la matière.

Article 2 ( Mesures législatives, administratives et judiciaires destinées à prévenir la torture)

A. Les mesures administratives

1. Accord de coopération technique passé avec le Bureau du Haut-Commissaire aux droits de l'homme des Nations Unies

35.En décembre 2000, dans la ville de Oaxaca, le président Vicente Fox et Mme Mary Robinson qui était alors Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme ont signé un programme de coopération technique lequel prévoit au nombre de ses trois principaux objectifs de mettre au point une procédure modèle à l'intention des autorités fédérales et nationales en vue de l'examen médical des faits de torture.

2. Procédure type à suivre pour l'examen médical des faits de torture

36.Entre le 28 mai et le 1er juin 2001, un groupe d'experts nationaux et internationaux s'est réuni pour établir une proposition visant l'adoption d'une procédure type à suivre pour l'examen médical des faits de torture et autres sévices physiques. Parmi les membres de ce groupe il se trouvait des experts du Conseil international de réadaptation pour les victimes de la torture (CIRT) et des fonctionnaires des secrétariats aux relations extérieures, à la sécurité publique, à la défense nationale, au développement social, ainsi que du Bureau du Procureur général de la République, de la Commission nationale des droits de l'homme et de l'Institut fédéral de la magistrature.

3. Le diagnostic médical/psychologique spécialisé pour les cas éventuels de torture et/ou de mauvais traitement

3.1. Recommandations adressées à l'État mexicain

37.Parmi les recommandations formulées dans le rapport établi par le Comité contre la torture en mai 2002 à la suite de la visite au Mexique, il est indiqué que les formulaires utilisés par les médecins devraient être modifiés afin de renseigner sur la façon dont se sont produites les lésions constatées, sur le moment où elles ont été produites et sur l'identité de leur auteur. Il a également été recommandé de demander aux médecins de dire dans quelle mesure les lésions constatées correspondent aux explications de la personne examinée sur l'origine des lésions. La recommandation finale du Comité contre la torture (énoncée à l'alinéa k) est que, chaque fois qu'une personne dit avoir été torturée, les autorités compétentes doivent ouvrir une enquête rapide et impartiale qui comprend un examen médical effectué conformément au Protocole d'Istanbul.

38.Le Rapporteur spécial sur la torture de la Commission des droits de l'homme a de son côté dit que très souvent, les examens médicaux visant à établir s'il y a eu torture sont réalisés en l'absence des instruments voulus pour procéder à un examen approfondi.

3.2. Mesures prises par l'État mexicain

39.à la suite de ces recommandations, le Bureau du Procureur général de la République a sollicité le concours technique d'organisations internationales expertes en la matière; il a notamment demandé l'avis du CIRT et de l'organisation "Médecins pour les droits de l'homme". Ces deux organisations ont contribué de façon déterminante à l'élaboration d'un document solide intitulé "Diagnostic médico/psychologique spécialisé pour les cas éventuels de torture et/ou de mauvais traitement du Bureau du Procureur général de la République". L'établissement de ce document de synthèse procède de la mise en œuvre du Protocole d'Istanbul, laquelle a consisté à adapter les principes médicaux de documentation et d'investigation efficaces du Protocole aux normes juridiques applicables au délit de torture tant pour la phase d'enquête assurée par le ministère public que pour la phase d'instruction devant le juge. Cette mesure fait suite à l'adoption de la quatrième action envisagée parmi les 25 mesures de lutte contre la torture qui ont été proposées au sein de la Sous-Commission des droits civils et politiques et que nous avons évoquées plus haut.

40.Le 18 août 2003 a été publié au Journal officiel de la Fédération la décision N° A/057/2003 du Procureur général de la République, lequel énonce les instructions institutionnelles que devront suivre les agents du ministère public de la Fédération, les médecins légistes et autres personnels du Bureau du Procureur général de la République aux fins de l'application du diagnostic médico/psychologique spécialisé pour les cas éventuels de torture et/ou de mauvais traitement à l'encontre d'auteurs probables de faits délictueux.

41.Ce diagnostic médico/psychologique spécialisé est un document qui devra être appliqué et signé par des médecins légistes du Bureau du Procureur de la République et qui communiquera au ministère public de la Fédération le résultat de l'examen médico/psychologique qu'il faut pratiquer chez toute personne qui dit avoir été torturée et/ou maltraitée aux fins de prouver ou non l'existence des sévices en question.

42.L'agent du ministère public devra prescrire aux médecins légistes de pratiquer ce diagnostic médico/psychologique spécialisé dans les cas suivants :

Quand la torture est dénoncée par toute personne prétendant avoir fait l'objet de torture et/ou de mauvais traitement, par son représentant légal ou par une tierce personne.

Quand de l'avis du médecin légiste qui procède à l'examen du détenu, il existe des signes ou des indices de torture et/ou de mauvais traitement éventuel.

Quand le Procureur général de la République donne des instructions en ce sens.

43.Le diagnostic médical est pratiqué avec le consentement exprès et informé de la personne qui a fait l'objet de torture et/ou de mauvais traitement éventuel afin que puisse être constaté son état psychophysique. Quand l'examen médical est refusé, le refus est indiqué dans une section du document prévue à cet effet. L'examen pratiqué aux fins de ce diagnostic médical sur la victime présumée de torture et/ou de mauvais traitement a lieu en tête-à-tête et en privé, sans que puissent y assister des membres de la police ou du ministère public, sauf quand le médecin est exposé à des risques lors de cet examen.

44.L'existence du diagnostic médical donne à l'échelle fédérale la possibilité de rendre opérationnel l'article 7 de la loi fédérale visant à prévenir et réprimer la torture et de conférer une efficacité juridique à cette disposition. Cette disposition juridique accorde tant à la victime qu'à n'importe quelle personne ayant connaissance d'un éventuel cas de torture le droit de demander à l'autorité compétente que l'intéressé soit examiné par un médecin légiste et, en l'absence dudit médecin ou bien si l'intéressé le demande en outre, par un médecin de son choix sans tenir compte de la situation juridique de la victime de la torture présumée. Au cas où le médecin légiste constate que la personne examinée s'est vu infliger des douleurs ou souffrances aiguës, il doit le faire savoir à l'autorité compétente, c'est-à-dire au ministère public.

45.Pour éviter qu'il soit produit des faux ou qu'il soit apporté des modifications à ce diagnostic médico/psychologique spécialisé, celui-ci s'accompagne des spécifications et mesures de sécurité ci-après :

Le document est imprimé sur du papier sécurisé;

Le document est imprimé à l'encre non permanente;

Chaque indication à donner est présentée sur une feuille unique;

Il est prévu un hologramme en trois dimensions;

Le document est glissé dans une chemise spéciale fermée par un hologramme.

46.Le 17 septembre 2003, avec la mise en place du Comité de contrôle et d'évaluation du diagnostic médico/psychologique spécialisé pour les cas éventuels de torture et/ou de mauvais traitement, est entré en vigueur l'accord au moyen duquel l'utilisation de ce diagnostic devient obligatoire. À compter de cette date, le personnel du Bureau du Procureur général de la République est tenu d'appliquer intégralement les principes fondamentaux du Protocole d'Istanbul.

47.Il a été créé un Comité de contrôle et d'évaluation du diagnostic médico/psychologique spécialisé pour les cas éventuels de torture et/ou de mauvais traitement qui est l'instance normative assurant le fonctionnement, le contrôle, la surveillance et l'évaluation du diagnostic en question. Sont membres dudit comité le Procureur général de la République, les chefs des parquets subsidiaires, les agents qui dirigent les organes de contrôle et de surveillance de l'institution, le directeur général de la coordination des services d'experts, un représentant du conseil de la participation populaire du parquet général de la République et un représentant du conseil mexicain de médecine légale qui aura été recommandé par l'Académie nationale de médecine. Sont également membres dudit comité des organisations non gouvernementales internationales et, en qualité d'observateur permanent, le représentant du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme.

48.Il a également été établi un groupe consultatif du Comité de contrôle qui est majoritairement constitué de médecins légistes du milieu universitaire, des institutions publiques de médecine légale et de la société civile organisée. Ce groupe a pour vocation d'être un auxiliaire technique chargé d'apprécier chaque fois si le diagnostic est pratiqué dans de bonnes conditions, et le groupe utilise à cette fin les paramètres du Protocole d'Istanbul ainsi que les instructions et les principes définis par l'accord portant création du groupe.

49.Pour donner suite à l'accord A/057/2003, le Comité de contrôle s'est réuni à deux reprises, le 17 septembre 2003, lors de sa mise en place et le 11 août 2004, quand il s'est saisi du rapport annuel portant sur les 23 cas dans lesquels il a été fait application du diagnostic médicopsychologique spécialisé pour les cas éventuels de torture et/ou de mauvais traitement.

50.De son côté, le groupe consultatif a tenu trois sessions. La première, le 18 septembre 2003, a été consacrée à la mise en place du groupe; les deuxième et troisième sessions ont eu lieu le 12 février et le 18 mai 2004 et ont été consacrées à l'examen des cas où il a été fait application du diagnostic médicopsychologique spécialisé.

51.Avec l'adoption obligatoire du Protocole d'Istanbul dans la pratique des médecins légistes du Bureau du Procureur général de la République, le Mexique s'acquitte d'une série d'engagements internationaux en matière de droits de l'homme, en l'occurrence :

Des résolutions 2000/32, 2000/43 et 2000/33 de la Commission des droits de l'homme de l'ONU.

Des recommandations j) et k) du rapport du Comité contre la torture de l'ONU sur sa visite au Mexique.

52.Un an après la mise en œuvre des principes du Protocole d'Istanbul, le bilan établi par la Direction du parquet chargée des droits de l'homme, de la prise en charge des victimes et des services à la communauté du Bureau du Procureur général fait apparaître une diminution sensible des plaintes pour faits de torture. Mais cette même direction reconnaît néanmoins que les détenus subissent toujours des mauvais traitements de la part de certains éléments des services locaux de la police et de la justice.

3.3 Observations, plans et défis à relever

53.L'adoption des normes internationales à travers le recours au diagnostic médicopsychologique représente certes un progrès important mais le principal défi à relever désormais consiste à définir une norme officielle qui rende obligatoire le recours à ce diagnostic sur tout le territoire national en matière de juridiction commune, puisque, sur les 70 cas relevés à l'encontre du Mexique pour faits de torture qui figurent dans le rapport du Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la plus grande partie ont été commis par des membres de la police judiciaire des États de la République.

4. Formation des médecins-experts

4.1 Recommandations à l'intention de l'État mexicain

54.Parmi ses recommandations à l'intention du Mexique, le Rapporteur spécial, Sir Nigel Rodley, a notamment préconisé que les médecins affectés à la protection, aux soins et au traitement des personnes privées de liberté devraient reçoivent une formation portant sur les normes internationales pertinentes, dont les Principes d'éthique médicale applicables au rôle du personnel de santé, en particulier des médecins, dans la protection des prisonniers et des détenus contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

4.2 Les mesures prises par l'État mexicain

55.Afin de disposer d'experts dûment formés et de pouvoir appliquer les normes internationales en la matière sur tout le territoire national, il est envisagé dans le cadre du programme de coopération technique conclu avec le Haut-Commissariat des Nations Unies de créer un institut national de services d'experts qui sera chargé de former des experts dans toutes les branches de la science criminologique et de leur conférer un caractère professionnel.

5. Circulaire contre la détention arbitraire

5.1 Recommandations à l'intention de l'État mexicain

56.Le Rapporteur spécial sur la question de la torture a recommandé à l'État mexicain de mener des actions pour sensibiliser davantage les personnels du ministère public (procuradurías) et de la magistrature au fait que la torture ne saurait être tolérée et que les tortionnaires ne devraient pas rester impunis.

5.2 Les mesures prises par l'État mexicain

57.Le 19 juin 2001, la Commission nationale des droits de l'homme a publié la recommandation générale N° 2 sur la pratique de la détention arbitraire établie à l'intention des procureurs généraux de la justice et de la République, du secrétaire à la sécurité publique fédérale et des responsables de la sécurité publique des États de la fédération, dans laquelle la Commission dit que les détentions arbitraires sont en général la source d'autres violations des droits de l'homme ou autorisent à les commettre (mise à l'isolement ou bien contrainte physique et/ou mentale); c'est pourquoi il est recommandé de donner expressément pour instruction aux agents de la police judiciaire et aux membres de tous les organes liés à la police de mettre immédiatement fin à ces pratiques et aux agents du ministère public de rendre compte aux organes de contrôle interne compétents des irrégularités administratives relevées à cet égard et, quand il y a lieu, d'ouvrir l'enquête préliminaire.

58.À la suite de la recommandation du Rapporteur spécial et de celles de la Commission nationale des droits de l'homme, il a été publié le 24 décembre 2001 au Journal officiel de la Fédération une circulaire portant le N° C/003/01 émanant du Procureur général de la République, qui prescrit à nouveau aux agents du ministère public de la Fédération et aux membres de l'Agence fédérale d'enquête de s'abstenir de pratiquer ou de tolérer sous quelque forme que ce soit la détention illicite.

59.Il est prescrit dans ladite circulaire aux membres de l'Agence fédérale d'enquête de s'abstenir lors du placement en détention pratiqué d'exercer des violences physiques, mentales ou des mauvais traitements contre les personnes placées en détention sauf en cas de besoin, c'est-à-dire pour empêcher des agressions dirigées contre eux-mêmes au moment du placement en détention ou pour y répondre. De même, il est stipulé que si la personne présentée devant le ministère public de la Fédération présente manifestement des marques de lésions ou de violence ou bien dit avoir été victime de lésions, de violence ou de mauvais traitement, il faut en faire le constat lors de l'enquête préliminaire au moyen de la présentation des certificats médicaux correspondants, indépendamment de l'instruction portant sur le délit ou les délits commis.

60.L'objectif de cette circulaire et les obligations qui en découlent ont notamment les effets ci-après :

En réduisant le nombre des détentions arbitraires, on cherche à réduire aussi le nombre de plaintes pour mauvais traitement physique et/ou mental infligé aux détenus.

On veut obliger les agents fédéraux à adopter des tactiques ou des stratégies d'enquête prenant en compte les normes scientifiques du recueil des preuves en vue de faire aboutir leurs enquêtes.

On veut aussi favoriser la création d'une culture de respect des droits de l'homme chez les agents du ministère public de la Fédération et les enquêteurs fédéraux.

6. Réorganisation du Bureau du Procureur général de la République

61.La décision N° A/068/02 du Procureur général de la République qui porte création des unités de protection des droits de l'homme au sein des divers grands services du Bureau et qui définit les principes régissant la pratique des inspections en matière de droits de l'homme a été publiée le 30 juillet 2002 au Journal officiel de la Fédération. La création de ces unités de protection vise à favoriser l'adoption d'une culture de respect de ces mêmes droits. La création de ces unités permet en outre de procéder à des inspections tendant à vérifier que le comportement des agents de la fonction publique est conforme à la législation et respecte les droits fondamentaux de la personne et de mener le cas échéant l'action voulue pour que tout écart de conduite ou abus soit réprimé conformément au droit.

62.Il a été publié le 25 juillet 2003 au Journal officiel de la Fédération un nouveau règlement des services du Procureur général de la République qui définit les bases d'une réorganisation des services qui a pour objet de mettre en place un nouveau modèle d'administration de la justice dans l'intérêt des droits de l'homme. C'est avec cette intention que la Direction générale de protection des droits de l'homme a été élevée au rang de Direction du parquet chargée des droits de l'homme, de la prise en charge des victimes et des services à la communauté.

7. Signature du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

63.Le 23 septembre 2003, le Président Vicente Fox a signé à New York le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le 17 mars 2004, le pouvoir exécutif fédéral a présenté le Protocole au Congrès de l'Union aux fins d'approbation et de ratification ultérieure. La proposition de ratification de l'instrument est actuellement déposée au Sénat.

64.L'adoption du Protocole en ce qui concerne le Mexique n'impose pas de réformes législatives et encore moins de réformes constitutionnelles puisque la Constitution prévoit la mise en place de la Commission nationale des droits de l'homme sous forme d'organisme public autonome chargé d'assurer la protection des droits de l'homme, dont le droit à l'intégrité physique et mentale, et prévoit également la mise en place d'organismes de même nature dans les États. Les organismes en question s'acquittent donc d'une fonction de surveillance visant le respect des normes nationales et internationales relatives aux droits de l'homme, y compris par les visites et les inspections du système pénitentiaire et de réadaptation sociale en vigueur dans le pays. Avec la signature et la ratification du Protocole par le Mexique, cette faculté sera complétée et la surveillance assurée sur l'application de la Convention contre la torture sera renforcée.

7.1 Observations, plans et défis à relever

65.Quelques organisations de la société civile ont toutefois suggéré de créer une autre structure aux fins de l'application du Protocole. L'une des formules envisagées consiste à mettre en place un mécanisme national auquel la société civile participerait paritairement et de ne pas se contenter des organismes publics de défense des droits de l'homme créés dans les États et à l'échelle nationale.

66.Comme il importe de diffuser le Protocole au sein de la société, il est envisagé de lancer une campagne à cet effet et de réaliser des tâches de formation, avec le soutien du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme et de la Commission européenne. Il est actuellement prévu d'organiser quatre ateliers de formation à l'échelle nationale consacrés au Protocole.

8. Diffusion de recommandations adressées au Mexique par les mécanismes internationaux de défense des droits de l'homme

67.En septembre 2003, le Secrétariat aux relations extérieures a publié une compilation des recommandations adressées au Mexique par les mécanismes internationaux de défense des droits de l'homme, y compris celles qu'avait élaborées le Comité contre la torture en vue de les diffuser auprès des autorités chargées de les prendre en compte et auprès de tous les intéressés. Cette compilation a été distribuée aux organes subsidiaires de la Commission de la politique gouvernementale en matière de droits de l'homme pour constituer un élément de base de leurs travaux et elle a été distribuée en outre à de vastes secteurs de l'administration et de la société civile.

9. Élaboration du programme national de défense des droits de l'homme

68.Le 8 décembre 2003 a été présenté le diagnostic de la situation des droits de l'homme au Mexique établi par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme. Les recommandations qui se dégagent de ce diagnostic à l'adresse de l'État mexicain ainsi que celles qu'ont formulées d'autres mécanismes et organismes internationaux ont constitué les éléments fondateurs de l'élaboration du programme national de défense des droits de l'homme. L'un des thèmes auxquels il a été accordé la priorité dans l'élaboration de ce programme est celui de la lutte contre la torture.

69.Ce programme se trouve actuellement au stade de la conception détaillée. Le Secrétariat à l'intérieur et le Secrétariat aux relations extérieures ont élaboré avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme un plan de travail visant à coordonner les actions que vont mener le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et le système judiciaire ainsi que les organismes publics de défense des droits de l'homme en vue d'établir une politique intégrale en la matière.

70.La mise au point de ce programme national de défense des droits de l'homme fait partie des objectifs définis par la Déclaration et le Plan d'action de Vienne tout comme par le cadre du programme de coopération technique en Amérique latine et dans les Caraïbes adopté en 1999 à Quito en Équateur.

10. Les mesures prises par le Secrétariat à la défense nationale

71.Le Secrétariat à la défense nationale a mené des actions importantes au titre de l'instruction d'affaires dans lesquelles il a été prouvé que des militaires avaient commis des actes correspondant à des violations des droits de l'homme. Les organes relevant du droit de la guerre ont fait la preuve de leur efficacité dans l'exercice de leur compétence pénale et ont notamment prononcé les condamnations qui s'imposaient sans préjudice des procédures visant à réparer le préjudice subi.

72.Le parquet général de justice militaire dispose d'agents du ministère public militaire rattachés :

aux juridictions militaires,

au secteur central d'enquête,

à chacune des 12 régions, des 44 zones et des 25 garnisons militaires.

Pour s'acquitter de sa charge, le parquet militaire dispose en outre du concours de la police judiciaire militaire et du laboratoire scientifique d'enquête.

73.Il incombe au parquet militaire d'engager les poursuites en cas de délit et de procéder à l'accusation devant les tribunaux militaires, de recevoir les plaintes, de demander les renseignements voulus pour établir le corps du délit et la responsabilité probable de son auteur; il lui incombe également de veiller à ce que les procès se déroulent conformément au droit et de veiller en outre à l'exécution des décisions.

74.Le Secrétariat à la défense nationale n'intervient d'aucune manière dans les actions en rapport avec l'administration de la justice militaire mais exerce son autorité en ce qui concerne le maintien de la discipline militaire.

75.Le parquet général de justice militaire a concrètement cherché à résoudre par diverses activités la problématique découlant des plaintes dirigées contre des militaires au titre de violations présumées des droits de l'homme et présentées devant la Commission nationale de défense des droits de l'homme : il répond notamment aux requêtes motivées par les plaintes et assure le suivi ponctuel de celles-ci jusqu'à la conclusion définitive qu'il est décidé de leur donner.

76.Quand il est prouvé que des militaires ont participé à des actes correspondant à des violations des droits de l'homme, des mesures supplémentaires sont adoptées en vue d'éviter la répétition de tels actes, indépendamment des mesures juridiques prises aux fins de sanctionner les responsables conformément au droit strict.

77.Quand il a été prouvé que des violations des droits de l'homme qui sont définies comme graves ont été commises, il ressort des affaires en question que les organes du droit de la guerre sont efficaces et permettent de sanctionner l'auteur des violations et, le cas échéant, d'indemniser la victime ou les membres de sa famille proche, ce qui permet de classer le dossier relatif à la plainte et de s'abstenir de formuler des recommandations.

78.L'expérience acquise par le Secrétariat à la défense nationale a permis de constituer un système informatique en vue de l'établissement de statistiques fiables et ce système permet de connaître à partir de références historiques les faits dans le domaine considéré et permet en outre d'analyser, d'évaluer et de diagnostiquer la problématique des droits de l'homme à l'intérieur comme à l'extérieur de l'armée et des forces aériennes par année, par type de violation ainsi que l'incidence desdites violations par région, ce qui autorise en outre à déterminer quelle est l'évolution des phénomènes sociaux dans les secteurs critiques.

79.En ce qui concerne les affaires portées devant des organismes internationaux, le Secrétariat à la défense nationale les suit étroitement en coordination avec le Secrétariat aux relations extérieures en prescrivant à cet effet que les avocats militaires assistent aux audiences et aux réunions de travail organisées par diverses instances internationales, ce qui permet de se tenir directement au courant des questions traitées de sorte qu'il est possible de prendre immédiatement les mesures législatives indispensables.

11. Les mesures prises par le Secrétariat à l'intérieur

80.La loi générale relative à la population dispose en son article 7 que les pouvoirs conférés au Secrétariat à l'intérieur dans le domaine des migrations sont exercés dans le strict respect des droits de l'homme et tout particulièrement de l'intégrité familiale.

81.Par l'entremise du Secrétariat à l'intérieur, dans le cadre de la lutte ferme et permanente menée à l'encontre des actes de torture et autres traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants qui peuvent être commis aux dépens d'étrangers indépendamment de leur statut, le gouvernement fédéral a prévu en accord avec le pouvoir exécutif de divers États de la Fédération la création, l'intégration et l'activité des groupes de protection des migrants (les groupes Beta), qui sont actuellement au nombre de 15, mènent leur activité dans les zones frontalières septentrionale et méridionale du pays et ont pour objectif de mettre en place les mécanismes de coordination entre les trois niveaux de gouvernement afin de mener à bien leurs activités de prévention et de lutte contre les comportements illicites et antisociaux visant les migrants et de protéger de cette façon la dignité, l'intégrité physique, morale et patrimoniale de ces personnes indépendamment de leur situation de migrant et de leur nationalité.

82.En liaison avec ce qui précède, le Secrétariat à l'intérieur, l'Institut national des migrations, la Commission nationale des droits de l'homme, la Commission nationale de la femme et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ont mené à bien la rédaction d'un "précis relatif aux droits fondamentaux des migrants" qui a été publié en espagnol, en anglais et en français pour donner aux migrants des indications sur leurs droits et leurs obligations et les renseigner sur les institutions auxquelles ils peuvent s'adresser s'ils ont besoin d'aide et s'ils veulent formuler des demandes et des plaintes.

83.De même, l'Institut national des migrations assure l'exécution du Programme de rapatriement dans l'ordre et la sécurité des nationaux mexicains qui permet d'éviter qu'il soit commis des abus quant à leurs droits et que ceux-ci soient compromis. De même, l'Institut a mené certaines actions dans ce qu'il est convenu d'appeler les "centres d'internement" dont il sera question plus loin.

84.Au titre d'une coopération instaurée en vue du retour de compatriotes mexicains, le Mexique et les États-Unis ont signé le 20 février 2004 un mémorandum d'accord sur le rapatriement dans l'ordre et la sécurité, dans la dignité et dans des conditions humaines de nationaux mexicains, lequel a un caractère intégral et vise à garantir que ces rapatriements sont effectués dans la dignité, l'ordre et la sécurité, reposent sur le principe de la responsabilité partagée et sur le plein respect des droits fondamentaux dont jouissent les migrants, ce qui permet d'éviter l'adoption de mesures unilatérales. En 2003, il a été enregistré 559 949 cas de rapatriement et, en 2004, entre janvier et juin, il en a été dénombré 319 558.

85.De même, les 12 et 13 juin 2002, la Direction générale des migrations de la République du Guatemala et l'Institut national mexicain des migrations ont signé un règlement en vue du rapatriement dans la sécurité et dans l'ordre des étrangers centraméricains se trouvant dans les territoires frontaliers du Mexique et du Guatemala; ce règlement définit la procédure, les lieux et les horaires en vue du rapatriement de nationaux guatémaltèques et centraméricains. Le 2 juillet 2004 a été signé un nouveau règlement portant révision des horaires et des procédures fixés dans le texte précédent et adaptant les règles à la dynamique actuelle.

12. Les mesures adoptées par le Bureau du Procureur général de la République

86.La réorganisation de l'institution qui correspond à la création d'un Bureau subsidiaire des droits de l'homme, de prise en charge des victimes et des services à la communauté consiste à mettre en place les quatre directions générales suivantes :

La Direction générale de promotion de la culture des droits de l'homme, du traitement des demandes et de l'inspection est notamment chargée de proposer et d'instrumenter les politiques institutionnelles de formation et de promotion en matière de droits de l'homme et d'intervenir, conformément aux normes applicables, pour participer aux enquêtes, à l'adoption de décisions et au suivi des demandes que la Commission nationale des droits de l'homme porte à la connaissance de l'institution et pour participer également aux visites organisées par celle-ci.

La Direction générale chargée des recommandations et des conciliations amiables en matière de droits de l'homme, qui a notamment pour fonction d'intervenir conformément aux normes applicables dans les propositions de conciliation et les recommandations émanant de la Commission nationale des droits de l'homme; d'assurer le suivi des décisions prises par les instances de coordination pour assurer l'application des instruments internationaux de défense des droits de l'homme auxquels le Mexique est partie avec la participation des autres services administratifs compétents de l'institution et, en coopérant avec les autorités compétentes, de donner suite aux requêtes, aux visites, aux demandes de mesures de précaution et aux recommandations émanant des organismes internationaux de défense des droits de l'homme sous réserve qu'elles soient de la compétence du Bureau du Procureur général de la République.

La Direction générale de prise en charge des victimes qui a notamment pour fonction de fournir conseils et assistance juridique aux victimes de délits de caractère fédéral et d'assurer la coordination avec les secteurs compétents de l'institution pour promouvoir la réparation des préjudices subis par les victimes et les personnes lésées par des délits de caractère fédéral et rendre cette réparation effective.

La Direction générale de la prévention et des services à la communauté qui a notamment pour fonction d'organiser les programmes et les campagnes permanentes ayant pour objet de prévenir les actes illicites de caractère fédéral et d'évaluer périodiquement le rendement des actions réalisées sur tout le territoire national en coordination avec les services administratifs compétents.

87.Il existe en outre au sein du Bureau du Procureur de la République un service civil relatif à profession judiciaire qui dispense une formation aux agents du ministère public de la Fédération, aux agents de la police fédérale d'enquête et aux experts professionnels et techniques conformément à la réglementation définie aux articles 30 à 33 de la loi organique relative au Bureau du Procureur général de la République.

13. Les mesures prises par le Bureau du Procureur général du District fédéral

88.Ce Bureau du District fédéral s'attache depuis 1997 à promouvoir de multiples réformes visant à protéger les droits fondamentaux de la personne sur le territoire du District.

89.Conformément aux dispositions énoncées à l'article 122 de la Constitution, l'Assemblée législative du District fédéral est seule investie du pouvoir de légiférer en matière pénale dans la juridiction du District fédéral; d'où l'opération de décentralisation du code pénal fédéral lequel est désormais appelé code pénal pour le District fédéral. Ont été intégrées à ce texte diverses modifications relatives à la réparation du préjudice au profit de la victime, à la protection de la famille, à l'enfance et à la dignité de l'homme et aussi de dispositions visant le crime organisé, la corruption administrative, les délits sexuels et les délits écologiques, l'élément le plus important étant que la torture a été érigée en infraction pénale.

90.De même, il a été apporté une série de réformes au code de procédure pénale qui visent à atténuer le déséquilibre existant sur le plan de la procédure entre la victime du délit et son auteur probable.

91.Pour qu'il soit légalement possible de faire appel des décisions des juges de première instance rendues dans le cadre des procédures sommaires, il a été proposé de modifier l'article 418, section I du code de procédure pénale. La modification serait conforme à la Déclaration universelle des droits de l'homme et au Pacte de San José qui attribuent à chacun la garantie judiciaire que constitue le droit de faire appel de la décision devant le juge ou devant la juridiction supérieure. Il a été en outre proposé d'amender la section IV de l'article visé de façon que le ministère public puisse faire appel des décisions refusant de prendre un mandat d'arrestation ou de comparution. Cette position répond à un critère de justice car la société, par l'intermédiaire de ses représentants, doit avoir la faculté de faire appel de décisions qui traduisent des positions contraires à l'intérêt social.

92.De même, il a été adopté et publié plusieurs règlements tendant à améliorer le fonctionnement du Bureau du Procureur général de la République du District fédéral, à créer une fonction publique professionnelle, à exercer un contrôle sur les fonctionnaires, à les encourager et reconnaître leurs services et, le cas échéant, à les sanctionner; il s'agit en outre de professionnaliser les agents des services, de les sensibiliser et de les former à la prise en charge et au service de la population.

93.Dans le cadre de la réforme, des services de prise en charge des victimes ont été intégrés aux services de prévention du délit et cette intégration se situe dans le cadre de la décentralisation des services telle qu'elle a été décidée en faveur de la communauté.

14. Les mesures prises par les services des procureurs des États

94.Pour donner suite à l'une des recommandations formulées par le Rapporteur spécial sur la torture il a été installé dans divers services des procureurs des États des caméras de vidéo- surveillance qui permettent de vérifier de façon fiable que les prévenus ou les détenus ne sont pas soumis à de mauvais traitements.

95.Dans les services des procureurs de plusieurs États, il a été mis en place à titre permanent un tableau que le public peut consulter, sur lequel figure la description des personnes qui peuvent se trouver dans les cellules de garde à vue.

96.Dans tous les services des procureurs des États il existe des directions ou des fonctionnaires chargés de traiter à titre permanent tous les rapports, plaintes, demandes de conciliation et recommandations émanant des organismes publics à l'échelle de l'État ou à l'échelle fédérale qui sont dus à des violations présumées des droits de l'homme, lesquelles auraient été commises par des fonctionnaires de l'institution. De qui ces fonctionnaires relèvent-ils, quel est concrètement le travail qui leur incombe, quel est leur grade, où se trouvent-ils, quelles statistiques existent-elles à leur sujet et quelles recommandations, par exemple, ont-ils acceptées ?

B. Les mesures législatives

97.Au cours de la période à l'examen, on a renforcé les mesures conçues pour assurer plus fermement l'application des dispositions de la Convention afin d'établir le cadre juridique destiné à prévenir et réprimer la torture au Mexique.

98.Au chapitre correspondant à l'application des articles 1 et 4 de la Convention, on trouvera la description de la législation nationale en la matière, y compris la définition en vigueur dans la majorité des États de la République.

1. Les amendements apportés à la Constitution politique des États-Unis du Mexique

99.En date du 13 septembre 1999, l'article 102, section B de la Constitution a été modifié et dispose désormais que la Commission nationale des droits de l'homme est un organisme jouissant de l'autonomie de gestion et de budget et est dotée en outre de la personnalité juridique et de biens propres. À la suite de cette réforme, le pouvoir législatif, concrètement le Sénat, désigne qui va diriger la Commission, ce qui garantit à la Commission une autonomie absolue par rapport au pouvoir exécutif.

100.Le 14 août 2001, il a été publié au Journal officiel un complément à l'article 18 de la Convention qui précise que les individus condamnés doivent purger leur peine dans l'établissement pénitentiaire le plus proche de leur domicile, dans les cas et selon les modalités définis par la loi, ce qui vise à favoriser leur réinsertion dans la communauté et faire de cette incarcération une forme de réadaptation sociale.

2. La réforme de la législation locale

101.Tous les États de la République mexicaine ont adapté leur législation en créant une commission des droits de l'homme de l'État, d'une part, et, de l'autre, en créant la qualification pénale de la torture.

102.En outre, il existe dans les divers services des procureurs du pays une unité administrative qui se situe au niveau du Bureau auxiliaire du procureur ou de la Direction, selon l'État dont il s'agit, qui est chargée de veiller à ce que le comportement du ministère public et son personnel respectent en permanence les droits fondamentaux des membres du public relevant de leur compétence. (Pour citer des exemples, voir les bureaux des procureurs à l'échelle des États dont il est possible de souligner l'efficacité et prendre au moins un exemple, dire de qui les agents en question relèvent, quelle est leur formation et leur rang hiérarchique, quelles actions de formation ils assurent.)

103.Le 2 décembre 2003 est entrée en vigueur la loi de l'État du Yucatán visant à prévenir et réprimer la torture, ce qui a complété la législation en la matière pour la totalité des États de la Fédération.

2.1 Observations, plans et défis à relever

104.Il reste toutefois, en ce qui concerne la qualification pénale de la torture, à progresser sur la voie de l'uniformisation car il subsiste des différences quant à la portée de la protection assurée. De même, il existe d'importantes disparités en ce qui concerne les peines, tant pour les peines privatives de liberté que pour les sanctions de caractère pécuniaire, l'écart pouvant atteindre alors 45 %.

3. Les projets de réforme législative

3.1 L'initiative de réforme du système de sécurité publique et de justice pénale

105.Le 30 mars 2004, le chef du pouvoir exécutif fédéral a pris l'initiative de réformer le système de sécurité publique et de justice pénale et a déposé le même jour cette initiative devant le Sénat de la République pour la faire analyser, discuter et le cas échéant approuver.

106.Cette réforme structurelle vise à prendre en considération les préoccupations de la société et des organismes internationaux et l'initiative consiste à formuler des propositions dont les principales sont les suivantes :

1.Transformer le Bureau du Procureur général de la République en ministère public de la Fédération qui serait désormais un organe doté de l'autonomie budgétaire et de gestion ainsi que de la personnalité juridique et patrimoniale, et assortir cette réforme de l'obligation de faire avaliser par le Sénat de la République la désignation du chef de ce ministère public.

2.Transformer le Secrétariat de la sécurité publique fédérale en unifiant les divers services de la police fédérale du pays.

3.Accorder le pouvoir d'enquête à la police fédérale, à la police de l'État et à la police municipale.

4.Sur le plan de la justice pénale, transformer les procédures pénales en procédures orales se déroulant en audience publique, et tenir pour nulles les déclarations que l'inculpé a faites devant une autre autorité que le juge.

5.Transformer la procédure pénale en vue de s'acheminer vers un système accusatoire de façon à garantir le principe de la présomption d'innocence en faveur de tout inculpé.

107.Cette réforme du système de sécurité publique et de justice pénale conduit à amender divers articles de la Constitution, à adopter six lois nouvelles et à modifier huit autres lois.

108.Au cas où elle serait approuvée, cette réforme aura d'importantes répercussions en matière de prévention et de lutte contre la torture que nous allons analyser systématiquement dans le présent rapport.

3.2 L'initiative de réforme en matière de droits de l'homme

109.Le 26 avril 2004, le Président Vicente Fox a signé l'initiative de réforme constitutionnelle en matière de droits de l'homme laquelle a été présentée au Congrès de l'Union le 5mai devant la Commission permanente puis au Sénat de la République à la même date. La réforme consiste en particulier à reconnaître expressément les droits de l'homme définis dans la Constitution et souligne l'obligation qui est faite aux autorités de protéger les droits en question.

C. Les mesures judiciaires

1. Observations des organisations de la société civile

110.Amnesty International a signalé que chaque étape de la procédure judiciaire était entachée d'irrégularités qui compromettent le droit à un procès équitable conformément aux normes internationales ratifiées par le gouvernement mexicain. L'organisation a soutenu que ces carences du système encourageaient le maintien de la pratique de la torture.

111.En ce qui concerne les recours judiciaires, Amnesty International a proposé des réformes visant à garantir la possibilité de contester la légalité de la procédure judiciaire ainsi que les déclarations de culpabilité quand il existe des motifs raisonnables de penser que l'on a admis comme preuves des aveux qui avaient été obtenus sous la contrainte.

2. Les actions de l'État

2.1Consultation nationale sur une réforme intégrale et cohérente du système d'administration de la justice au Mexique

112.La Cour suprême de justice de la nation a organisé en mars2004 une consultation nationale pour recueillir des idées, des stratégies et des éléments importants susceptibles d'améliorer l'administration de la justice au Mexique.

113.Cette consultation a été organisée par diverses instances et tribunes du pays et a permis de recueillir 4 300 propositions émanant de la communauté juridique tout comme de divers secteurs publics et privés de la société, lesquelles portaient principalement sur la justice pénale, la justice constitutionnelle, la loi de protection et d'amélioration concernant le pouvoir judiciaire. Le processus s'est achevé en septembre 2004.

2.2 L'initiative de réforme du système judiciaire émanant du pouvoir exécutif

114.L'initiative de réforme présentée par le pouvoir exécutif fédéral qui a été évoquée plus haut va, au cas où elle serait approuvée, avoir des conséquences importantes sur le système judiciaire qui consisteront à élever les normes de protection des droits et à garantir l'équité du procès ainsi que la régularité de la procédure. En la matière, les principales propositions sont les suivantes :

Modifier le système actuel qui est celui d'une procédure écrite de caractère semi-inquisitoire au profit d'un système de caractère accusatoire, contradictoire et oral permettant de renforcer les principes de la régularité de la procédure au profit de la victime comme au profit du mis en examen, lequel se traduira par plus de transparence, d'égalité entre les parties, d'immédiateté et de publicité.

Faire expressément figurer la présomption d'innocence dans le texte de la Constitution.

Améliorer la qualité de la défense en supprimant la possibilité pour un inculpé d'être représenté par une personne n'ayant pas fait d'études de droit; cette proposition vise aussi à supprimer le recours à la personne de confiance.

Garantir que l'inculpé ne puisse faire de déclarations que devant le juge et en présence de son défenseur.

Créer des solutions de rechange permettant de remplacer le jugement pénal.

Adopter le principe de la procédure abrégée (quand la défense et le parquet sont d'accord sur l'imposition de la peine).

Créer un système de justice pénale pour les adolescents. Il faut accorder à ces derniers les garanties d'une procédure régulière et respecter à cet égard les engagements internationaux.

Donner au juge le rôle de celui qui exerce le contrôle de la procédure entre les parties avant de se prononcer, afin de garantir la régularité de la procédure et l'équilibre entre les parties.

D. Observations, défis à relever et plans

115.De 1990 à 2001, 57fonctionnaires de l'administration publique ont été accusés de torture et les juges fédéraux ont délivré 39mandats d'arrestation, dont 24 ont été exécutés. Dans huit affaires seulement les accusés ont été condamnés. Amnesty International s'est dite préoccupée de constater que la condamnation pour actes de torture ne représente qu'une faible partie des cas dénoncés, ce qui est révélateur d'impunité. Il faut à cet égard admettre qu'il existe encore d'importantes carences sur le plan législatif comme sur celui de la régularité de la procédure. Toutefois, les plaintes de torture ne sont pas nécessairement toutes justifiées et ne sont parfois pas retenues de sorte que l'impossibilité de prononcer une condamnation n'est pas toujours imputable à l'impunité.

Article 3 ( Interdiction d'expulser, de refouler ou d'extrader une personne vers un autre État où elle risquerait d'être soumise à la torture)

A. L'extradition

116.Comme nous l'avons indiqué plus haut, parmi les mesures visant à prévenir la torture, il convient de signaler l'application du texte de la Constitution politique du Mexique qui, en ses articles 20 et22, interdit la torture et les mauvais traitements.

117.À l'article 15 de la Constitution il est prescrit ceci : "Il est interdit de signer des traités d'extradition pour les prisonniers politiques ou les délinquants de droit commun qui étaient tenus en esclavage dans le pays où ils ont commis le délit; il est également interdit de signer des traités et conventions en vertu desquels les droits de l'homme ou du citoyen garantis par la présente Constitution pourraient être bafoués."

118.Sous l'effet des dispositions ci-dessus, le gouvernement mexicain est dans l'impossibilité de donner son aval à un type quelconque de traité, de convention ou de loi autorisant la torture car la mesure serait anticonstitutionnelle. Il n'est donc pas possible que le gouvernement mexicain procède à l'expulsion, au refoulement ou à l'extradition d'une personne quelconque vers un pays où l'on sait qu'elle risque d'être torturée.

119.De même, la loi relative à l'extradition internationale qui est en vigueur au Mexique dispose en ses articles 8 et 9 que l'extradition n'est jamais accordée quand l'intéressé risque de faire l'objet de persécution politique de la part de l'État requérant ou quand la personne dont l'extradition est demandée était tenue en esclavage dans le pays où le délit a été commis. Il n'est pas non plus possible d'extrader une personne poursuivie pour un délit qui relève de la juridiction militaire.

120.S'agissant des cas pour lesquels deux États n'ont pas signé de traité d'extradition, la même loi dispose au chapitre V, à l'article 10, que l'État mexicain doit exiger, avant de donner suite à la demande d'extradition, que l'État requérant s'engage notamment à ce que, si le délit imputé à la personne à extrader emporte dans la législation dudit pays la peine de mort ou l'une des peines visées à l'article 22 de la Constitution du Mexique, il se bornera à condamner l'intéressé à une peine de prison ou à toute autre peine moins grave prévue dans sa législation pour un tel crime, soit directement, soit par substitution ou commutation. De cette façon, pour que le Mexique autorise l'extradition demandée, l'État requérant est tenu de s'engager au préalable à ne pas pratiquer la torture.

B. La situation des réfugiés

121.Le 7 juin 2000, le Mexique a ratifié la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole de 1967 relatif au statut des réfugiés. La signature de ces traités impose au Mexique de jouer un nouveau rôle dans le cadre du droit des réfugiés : sa principale fonction est désormais de préserver le principe du non-retour, d'obtenir le rapatriement librement consenti ou d'assurer l'intégration localement, sur le territoire national.

122.Pour s'acquitter de ces fonctions, le gouvernement mexicain a en mars 2002 mis en place un comité d'admission et un groupe de travail sur les réfugiés. Au moyen de cette procédure d'admission, le gouvernement mexicain étudie avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et le concours d'une organisation de la société civile les demandes présentées dans le pays en vue de l'obtention du statut de réfugié. Pour accorder ce statut aux requérants, les deux mécanismes d'admission en place s'inspirent à la fois des dispositions de la Convention de 1951 et de son protocole de 1967 et de la définition formulée dans la Déclaration de Carthagène de 1984, laquelle figure aussi dans la législation nationale.

123.Si la personne qui demande à bénéficier du statut de réfugié ne peut se voir accorder ce statut parce qu'elle ne répond pas aux conditions définies dans la Convention ou dans le protocole y relatif ni dans la législation nationale applicable, mais que l'on est fondé à penser qu'en rentrant dans son pays elle risquerait d'être torturée au péril de sa vie, de son intégrité ou de sa sécurité, on applique alors le principe de non-retour et, au titre de l'article 3 de la Convention contre la torture, on autorise l'intéressé à séjourner dans le pays.

124.De son côté, la loi générale relative à la population dispose à l'article 42 (section VI) que le réfugié ne peut être refoulé vers son pays d'origine ni envoyé dans un autre pays où sa vie, sa liberté ou sa sécurité seraient menacées; cette disposition est également conforme à l'article 3 de la Convention.

C. L'expulsion des étrangers

125.L'article 33 de la Constitution confère au Président de la République le pouvoir de faire quitter le territoire national immédiatement, sans recourir préalablement à une décision judiciaire, à tout étranger dont le séjour est jugé inopportun. Cette disposition n'autorise pas l'intéressé à dire ce qui pourrait motiver de sa part la contestation de l'expulsion ni à soumettre son cas à révision devant l'autorité compétente et à s'y faire représenter à cette fin.

126.L'étranger peut toutefois recourir à la procédure d'amparo mais le recours ne sera guère efficace parce qu'il n'entraîne pas la suspension de l'acte d'expulsion aux fins duquel l'étranger ne dispose d'aucun moyen de défense au cours de l'expulsion. Toutefois, une fois l'expulsion exécutée, l'autorité judiciaire compétente peut établir si l'ordre d'expulsion était fondé et dûment motivé en engageant elle-même une procédure d'amparo par laquelle elle fera valoir l'absence de fondement et de motivation de l'ordre d'expulsion.

127.Face à cette situation et conformément aux garanties prévues dans la Constitution et dans les instruments internationaux auxquels le Mexique est partie, comme le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Charte internationale des droits de l'homme et la Convention contre la torture elle-même, parmi les réformes constitutionnelles en matière de droits de l'homme que le pouvoir exécutif fédéral a présentées à l'examen du Congrès en avril 2004, il est notamment proposé un amendement à l'article 33 de la Constitution : le premier paragraphe de cet article de la Constitution serait modifié pour qu'il soit permis à tout étranger visé par un ordre d'expulsion de se faire entendre. Le pouvoir de faire quitter le territoire mexicain immédiatement et sans décision judiciaire préalable à un étranger ne pourra plus être exercé que dans les cas présumés de menace à la sécurité nationale. De cette façon, au cas où cette proposition de réforme serait adoptée, cela permettrait d'assurer plus fermement qu'un étranger ne soit pas renvoyé dans un pays où il risquerait d'être victime de torture.

A rticle 4 (La torture considérée comme une infraction au regard du droit pénal. Imposition de peines appropriées pour les actes de torture)

A. Observations des organisations de la société civile

128.Amnesty International s'est dite préoccupée de constater que, dans la pratique, "les actes de torture et les mauvais traitements ne sont pas signalés conformément aux normes internationalement acceptées mais sont classés dans des délits moins graves comme l'abus d'autorité ou les lésions." Cette organisation, tout comme l'organisation appelée REDRESS, explique que, de ce fait, il arrive souvent que le ministère public n'enquête que sur la base de délits moins graves ou se borne à ouvrir des procédures disciplinaires internes, de sorte que les responsables ne sont pas poursuivis et que les tribunaux se refusent à admettre que le délit permet de donner aux aveux valeur de preuve.

129.De même, Amnesty International signale que la législation fédérale et la législation des États du Mexique ne tiennent pas parfaitement compte du concept de torture reconnu par les instruments internationaux en vigueur de sorte que les services de police, les agents du ministère public et les commissions publiques de défense des droits de l'homme ne classent pas les actes de torture conformément aux critères voulus et n'organisent pas non plus leurs enquêtes sur ces actes conformément à ces critères.

B. Les actions de l'État mexicain

1. Actions en matière législative dans le cadre fédéral

130.La législation mexicaine, en particulier l'article 64 du code pénal fédéral, dispose, à la suite de la réforme publiée au Journal officiel de la Fédération le 17 mai 1999, que, en cas de concours idéal (un comportement unique aboutissant à commettre divers délits), la peine prononcée est celle qui correspond au délit emportant la peine maximale, augmentée de la moitié de la durée maximale prévue; en cas de concours réel (une pluralité de comportements aboutissant à divers délits), les peines prononcées sont les peines prévues pour chacun des délits commis, sans aller au-delà du maximum indiqué dans le code.

131.Cette disposition permet de poursuivre les agents de la fonction publique responsables du délit de torture et de les sanctionner conformément aux règles indiquées et non pas uniquement pour avoir commis le délit de torture.

132.Le code fédéral de procédure pénale a été modifié en 1994 de façon que la torture figure désormais au nombre des délits graves; de même, le code dispose : "en aucun cas et pour aucun motif, l'autorité ne pourra recourir au placement au secret, à l'intimidation ou à la torture pour faire parler le prévenu ou pour une autre finalité" (article 289).

133.La loi fédérale relative aux services du défenseur du peuple laquelle a été publiée au Journal officiel de la Fédération le 28 mai 1998, prévoit qu'il est possible de porter plainte quand le délit de torture est commis par un agent de la fonction publique dans les centres de réclusion :

"Article 13. Quand les défenseurs publics, les détenus ou les internés des établissements de détention ou de réclusion portent plainte pour manque de soins médicaux; pour faits de torture; pour des traitements cruels, inhumains ou dégradants, pour des coups portés et pour toute autre violation des droits de l'homme imputable à un agent de l'administration publique, les plaintes sont adressées au ministère public, à l'autorité chargée des centres de détention et de réadaptation sociale et aux organismes de défense des droits de l'homme, selon ce qui convient. La présente disposition a pour objet d'inciter les autorités à adopter les mesures voulues pour mettre fin à ces violations, empêcher leur renouvellement et, le cas échéant, sanctionner les auteurs de ces infractions conformément à la législation applicable."

134.Par ailleurs, sur le plan administratif, la loi fédérale relative aux responsabilités administratives des agents de la fonction publique prévoit une procédure permettant de sanctionner administrativement un agent de la fonction publique pour avoir commis des actes constitutifs d'un délit qualifiés d'"abus ou exercice abusif de sa fonction, de sa charge ou de ses attributions", sans préjudice des actions pénales qui pourraient être engagées à son encontre. De même, ladite loi prévoit les sanctions applicables aux agents de la fonction publique reconnus responsables d'une faute administrative, lesdites sanctions allant de la réprimande publique ou privée et de la suspension jusqu'à la destitution et à l'interdiction temporaire d'exercer une autre fonction dans l'administration publique.

2. Les actions en matière législative dans le cadre local

135.Des progrès ont été réalisés en matière législative à l'échelon des États, par exemple avec l'adoption de la loi portant création de la Commission des droits de l'homme de l'État de Puebla, publiée au Journal officiel de l'État le 24 mars 2000, laquelle prévoit une procédure spéciale consistant à demander la présentation d'une personne, en vertu de laquelle les visiteurs officiels de la Commission, une fois sur place, demandent à l'autorité de leur présenter physiquement le détenu, en justifiant de sa détention et en garantissant la préservation de sa vie et de sa santé physique et mentale. Le visiteur spécial choisi parmi les experts de la Commission qui est présent doit pouvoir attester de l'état physique et mental du détenu sans renoncer pour autant à demander le rapport correspondant qui doit être remis 48 heures au maximum ensuite et doit exiger l'adoption des mesures de précaution voulues.

3. La répression des responsables du délit de torture ou autres traitements cruels, inhumains ou dégradants

136.Sont indiquées au tableau ci-dessous les principales autorités destinataires des recommandations de la Commission nationale des droits de l'homme formulées pour faits de torture qui en ont reçu le plus grand nombre, en particulier le Bureau du Procureur général de la République, qui recueille 48 % des recommandations formulées au titre de cette infraction particulière depuis la création de la Commission nationale et jusqu'au 30 juin 2003.

Les principales autorités auxquelles ont été adressées des recommandations relatives à des faits de torture

Période

Bureau du Procureur général de la République

Bureau du Procureur général de justice militaire

Bureau du Procureur général du District fédéral

Gouverneur de l'État de Mexico

Juin à décembre 1990

1/90, 3/90, 11/90, 29/90

De décembre 1990 à juin 1991

34/90-A, 1/91, 17/91, 24/91

15/91, 23/91

34/90-B

De juin à décembre 1991

59/91, 60/91, 64/91-A, 65/91, 68/91, 73/91, 79/91, 94/91, 98/91-A, 105/91, 111/91, 119/91, 122/91

70/91, 98/91-B

89/91-A

106/91,124/91-A

De décembre 1991 à juin 1992

130/91, 2/92, 27/92, 28/92-B, 32/92-A, 35/92, 42/92, 48/92, 57/92-A, 67/92, 72/92, 78/92, 87/92, 91/92

12/92, 28/92-C

15/92, 32/92-B

De mai 1992 à mai 1993

161/92, 173/92, 177/92, 183/92, 205/92, 209/92, 212/92, 225/92, 226/92, 251/92, 2/93, 11/93, 23/93

109/92, 116/92, 148/92

De mai 1993 à mai 1994

123/93, 124/93, 176/93-B, 178/93, 190/93, 4/94, 5/94, 14/94, 18/94, 19/94-B, 20/94, 26/94, 27/94, 35/94-A, 40/94, 41/94, 74/94, 74/95-A

143/93, 185/93

18/93, 28/94, 32/94, 35/94-B, 68/94

De mai 1994 à mai 1995

94/94

De mai 1995 à mai 1996

95/95, 121/95-C, 13/96-B

97/94-B, 122/94, 9/95-B, 15/95, 33/95, 50/95-A, 53/95, 57/95

13/96-A

De mai 1996 à mai 1997

106/96-B, 4/97

31/97, 32/97

De mai à décembre 1997

69/97

85/97, 86/97, 96/97, 100/97

De janvier 1998 à décembre 1998

17/98 et 88/98

De janvier au 15 novembre 1999

87/99

Du 16 novembre 1999 au 15 novembre 2000

19/00

Du 16 novembre 2000 au 31 décembre 2001

De janvier à décembre 2002

Du 1er janvier au 30 juin 2003

16/03

Du 1er janvier au 30 juin 2003

De juillet à décembre 2003

De janvier à septembre 2004

8/04

Total

85

13

11

9

137.Il existe 33 autres autorités ou instances dont 29 sont de caractère local, lesquelles sont majoritairement dotées du pouvoir exécutif et quatre sont de caractère fédéral, comme on peut le constater sur la liste ci-après. Nous indiquons ci-dessous le nombre de recommandations que ces autres autorités ont reçues pour des faits de torture :

Gouverneur de l'État de Veracruz : cinq recommandations (30/90-A, 19/92, 84/92-A, 50/95-B et 112/98-A).

Gouverneur de l'État de Puebla : cinq recommandations (102/91, 145/92, 219/93, 267/93 et 14/98).

Gouverneur de l'État de Chiapas : quatre (58/91, 73/92, 75/94-B et 86/96).

Gouverneur de l'État de Morelos : quatre (6/92, 71/92, 162/92 et 181/92).

Gouverneur de l'État de Oaxaca : quatre (64/93, 172/93, 121/95-A et 106/96-A).

Secrétaire à la défense nationale : deux (4/90 et 8/00).

Président du tribunal supérieur de justice de l'État de Veracruz : deux (30/90-B et 84/92-B).

Gouverneur de l'État de Chihuahua : deux (57/92-B et 176/93-A).

Gouverneur de l'État de Nayarit : deux (19/94-A et 151/95).

Secrétaire aux communications et aux transports : deux (9/95-A et 121/95-B).

Gouverneur de l'État de Durango : deux (68/97 et 75/97).

Gouverneur de l'État de Guerrero : deux (124/91-B et 33/2002).

Gouverneur de l'État de Basse Californie du Sud : une (3/2002).

Gouverneur de l'État de Tabasco : une (14/90).

Gouverneur de l'État de Tamaulipas : une (2/91).

Gouverneur de l'État de Basse Californie : une (32/91).

Gouverneur de l'État de Guanajuato : une (64/91-B).

Juge du huitième circuit de droit commun du District fédéral : une (89/91-B).

Directeur général de la justice navale : une (98/91-C).

Président du tribunal supérieur de justice de l'État de Guerrero : une (124/91-C).

Gouverneur de l'État de Jalisco : une (28/92-A)

Gouverneur de l'État de Zacatecas : une (29/92).

Gouverneur de l'État de Michoacán : une (54/92).

Président municipal de Parral Chihuahua : une (57/92-C).

Gouverneur de l'État de Sinaloa : une (230/93-A).

Président du tribunal supérieur de justice de l'État de Sinaloa : une (230/93-B).

Président du tribunal supérieur de justice de l'État de Nayarit : une(97/94-A).

Chef du département du District fédéral : une (42/97).

Sous-secrétaire à la protection civile et à la prévention et réadaptation sociale du Secrétariat au gouvernement : une (50/97).

Gouverneur de l'État de Sonora : une (29/98-A).

Président de la Commission des droits de l'homme de l'État de Sonora : une (29/98-B).

Conseil municipal de Jesús Carranza de Veracruz : une (112/98-B).

Gouverneur de l'État de Nuevo León : une (42/99).

138.Les suites données à ces recommandations se répartissent de la façon indiquée au tableau ci-après :

Comment les recommandations pour faits de torture sont suivies d'effet d'après le nombre des autorités destinataires

Nombre total

Recommandations totalement appliquées

Recommandations partiellement appliquées

Application non satisfaisante

Recommandations non acceptées

170

151

2

15

2

139.Le nombre total de recommandations pour faits de torture est de 143 mais le total figurant au tableau ci-dessus est de 170 parce que ce chiffre représente le nombre d'autorités auxquelles les recommandations ont été adressées.

140.Sur les 143 recommandations formulées, il y a 116 rapports de suivi, 35 cas dans lesquels l'autorité destinataire a donné pour instruction d'engager une procédure disciplinaire pour établir la responsabilité administrative de différents agents de la fonction publique et la procédure se solde par une sanction pour faute présentant ce caractère disciplinaire, et le nombre des agents sanctionnés est de 141 : on verra au tableau ci-dessous comment sont réparties lesdites sanctions d'après leur type.

Réprimande

Suspension

Destitution

Destitution inscrite au dossier

Interdiction d'exercer

Amende

Mise à pied

Mise à la retraite

Total

8

22

47

5

33

5

20

1

141

141.Entre 1997 et septembre 2004, la Commission nationale des droits de l'homme a adressé au Bureau du Procureur général quatre recommandations pour faits de torture. Il a été engagé une action pénale dans deux cas (4/97 et 69/97) contre cinq personnes et l'action a abouti à la condamnation de l'une d'entre elles pour abus d'autorité. Pour les autres recommandations, deux enquêtes ont abouti à un non-lieu.

142.Sur ces quatre recommandations, deux ont été adressées pour faits de torture et contre l'administration de la justice; une autre pour faits de torture et la dernière pour des lésions corporelles, contre l'administration de la justice et pour faits de torture.

143.En ce qui concerne la procédure intentée contre les cinq agents de la fonction publique, on constatait en septembre 2004 que :

pour l'un des cas, la décision d'emprisonnement a été révoquée;

deux des individus ont retrouvé la liberté sur non-lieu;

pour l'un des cas, il a été décidé de remettre l'intéressé en liberté;

pour l'un des cas, il y a eu condamnation.

144.S'agissant des responsabilités administratives, 11 agents de la fonction publique ont été sanctionnés comme suit : a) destitution et interdiction d'exercer pendant cinq ans; b) destitution et interdiction d'exercer pendant dix ans; c) destitution; d) interdiction d'exercer pendant trois ans; e) suspension pendant 90 jours; f) suspension pendant 90 jours; g) interdiction d'exercer pendant trois ans; h) réprimande publique; i) interdiction d'exercer pendant deux ans; j) destitution et interdiction d'exercer pendant deux ans et k) interdiction d'exercer pendant deux ans.

145.À la suite des quatre recommandations reçues, il a été engagé des enquêtes préliminaires. La première enquête était motivée par la commission probable du délit de torture, du délit d'abus d'autorité et du délit de complicité; le parquet a décidé d'engager l'action pénale et, pendant le déroulement des poursuites, les agents de la fonction publique poursuivis ont obtenu la liberté. Une autre enquête a abouti également à un procès mais uniquement pour abus d'autorité; la liberté a été prononcée pour l'un des agents de la fonction publique tandis que l'autre a été condamné à trois ans, six mois ferme d'emprisonnement. Les troisième et quatrième enquêtes ont abouti à un non-lieu.

146.Les renseignements émanant des divers parquets des États de la Fédération pendant la période allant de 1997 à 2003 permettent d'établir le tableau ci-après :

État

Plaintes pour faits de torture 1997-2003

Procédure administrative

Enquête préliminaire

Action pénale

Résultats

Aguascalientes

1

-

1

-

0 décision

Campeche

0

0

0

0

0 décision

Colima

0

0

0

0

0 décision

Durango

11

0

0

0

0 décision

Guanajuato

1

0

1

0

0 décision

Guerrero

1

0

1

1

0 décision

Michoacán

67

32

9

0

0 décision

Nayarit

18

10

8

0

0 décision

Oaxaca

62

4

57

1

1 décision pour délit de lésions corporelles

Puebla

6

0

6

1

0 décision

Quintana Roo

5

1

1

0

0 décision

Sinaloa

54

29

56

2

11 avertissements publics25 cas de non-responsabilitéréprimandes publiques18 suspensions5 destitutions1 avertissement privé

Sonora

12

4

12

2

1 destitution1 condamnation à un an et demi de prison et interdiction d'exercer

Tlaxcala

0

0

0

0

0 décision

Veracruz

17

17

0

0 décision

Yucatán

0

2

2

2

2 décisions

Note : sur les 10 procédures administratives engagées sur recommandation de la Commission des droits de l'homme de l'État de Nayarit à partir de l'année 2000 :

pour trois d'entre elles, les agents de la police judiciaire ont été suspendus pendant quatre jours sans traitement;

pour quatre d'entre elles, les responsables éventuels ont été acquittés, leur culpabilité n'étant pas avérée;

une procédure est en cours;

deux recommandations de la Commission de défense des droits de l'homme de l'État n'ont pas été acceptées et n'ont donc pas eu de suite.

4. Observations, défis à relever et plans

147.Il convient de souligner qu'il est précisé dans le diagnostic de la situation des droits de l'homme au Mexique établi par le Haut-Commissariat que le scepticisme qu'éprouve la société au sujet de ses polices et de ses juges explique qu'une grande partie des délits ne donne pas lieu à plainte. Cette situation explique qu'il existe ce que l'on appelle "le chiffre noir" des délits : il s'agit des délits qui ne sont pas connus, ne donnent pas lieu à poursuites, ne sont pas expliqués, ne sont pas sanctionnés.

148.L'organisation non gouvernementale ACAT (Fédération internationale de l'action des chrétiens pour l'abolition de la torture) a consigné pendant la période allant de 1996 à la date de l'établissement du présent rapport 171 cas de torture dans leur programme de prise en charge, sur lesquels on estime que 16 cas relèvent de la responsabilité des autorités de la juridiction fédérale et 155 des autorités de la juridiction commune.

A rticle 5 ( Compétence de l'État mexicain)

149.La loi fédérale visant à prévenir et réprimer la torture dispose en son article premier qu'elle est applicable sur tout le territoire national en matière de juridiction fédérale et dans le District fédéral en matière de juridiction commune. De son côté, l'article 42 de la Constitution du Mexique définit ce qu'il faut entendre par territoire national.

150.C'est ainsi que le comportement correspondant à la torture selon la définition de la Convention qu'adoptent des agents de la fonction publique fédérale se trouve dûment défini et est sanctionné en tout lieu du territoire sur lequel l'État mexicain exerce sa souveraineté. En particulier, les articles 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11 et 12 de la loi ci-dessus visent les peines dont sont passibles les agents de la fonction publique qui, dans l'exercice de leurs fonctions, commettent des actes de torture ou en sont complices.

151.Le code pénal fédéral, en ses articles 2 à 5, prévoit les cas où l'État mexicain est habilité à exercer sa juridiction quand il est commis des délits sur le territoire de la République, à l'étranger, à bord de navires de nationalité mexicaine, de navires étrangers intégrés à la marine nationale, d'aéronefs nationaux ou étrangers qui se trouvent sur le territoire national, et aussi quand il est commis des délits dans les ambassades et légations mexicaines. En outre, s'agissant de délits connexes relevant de la juridiction commune, l'État est également habilité à attraire en justice.

152.L'article 4 du code pénal fédéral dispose que les délits commis en territoire étranger par un Mexicain à l'encontre de Mexicains ou à l'encontre d'étrangers ou bien par un étranger à l'encontre de Mexicains seront réprimés au Mexique conformément à la législation fédérale à condition que soient réunies les conditions ci-après :

I.Que l'inculpé se trouve au Mexique.

II.Que l'inculpé n'ait pas fait l'objet d'un jugement définitif dans le pays où il a commis le délit, et

III.Que l'infraction dont il est accusé ait le caractère de délit dans le pays où elle a été commise tout comme au Mexique.

153.Il est donc possible de dire que le code pénal fédéral donne compétence à l'État mexicain pour poursuivre le délit de torture dans tous les cas envisagés à l'article 5, paragraphe 1 de la Convention contre la torture.

154.De même, l'article 6 du code pénal fédéral dispose que s'il est commis un délit qui n'est pas prévu par le code mais qui est prévu par une loi (telle la loi fédérale visant à prévenir et réprimer la torture), ou bien par un traité international dont l'application est obligatoire au Mexique (comme la Convention contre la torture), il faut appliquer ladite loi ou ledit traité et tenir compte à cet égard des dispositions de la loi pénale applicable. Quand on constate que la même matière est réglementée par de multiples dispositions, la règle spéciale prend le pas sur la règle générale.

A rticle 6 ( Placement en détention sur le territoire national à des fins d'extradition de toute personne soupçonnée d'avoir commis des actes de torture)

A. L'affaire Ricardo Miguel Cavallo

155.Le 24 août 2000, le périodique mexicain Reforma a publié une enquête sur un individu appelé Ricardo Miguel Cavallo ou bien Miguel Ángel Cavallo qui se trouvait au Mexique et dirigeait le registre national des véhicules (RENAVE). L'article présentait l'histoire de Cavallo et disait qu'il avait participé aux actes de répression et de terrorisme imputables à l'État pendant la dictature militaire au pouvoir en Argentine entre 1976 et 1983.

156.Le lendemain de cette publication, Cavallo a pris un avion à destination de l'Argentine et, lors d'une escale à Cancún, il a été arrêté par le service d'immigration mexicain. C'est-à-dire que le gouvernement mexicain a pris les mesures voulues pour garantir la présence sur son territoire d'une personne censée avoir commis le délit de torture, conformément aux dispositions de l'article 6, paragraphe 1 de la Convention.

157.Le 25 août, le Bureau du Procureur de la République a reçu une communication du gouvernement espagnol l'informant qu'un juge d'Espagne avait lancé le même jour un mandat d'arrêt à l'encontre de Ricardo Miguel Cavallo pour avoir selon toute probabilité participé aux délits de génocide, de terrorisme et de torture commis en Argentine entre 1976 et 1982 sous le régime de dictature alors au pouvoir dans ce pays.

158.Le 11 janvier 2001, le sixième tribunal du District en matière pénale a prononcé une décision recommandant l'extradition de Ricardo Miguel Cavallo à destination de l'Espagne pour qu'il y réponde des délits de génocide et de terrorisme, mais non du délit de torture puisque, d'après le tribunal, ce délit était prescrit sous l'effet des dispositions de la législation nationale.

159.Le 2 février 2001, le Secrétariat aux relations extérieures a décidé d'extrader Cavallo au titre des trois délits mentionnés par l'Espagne en tant qu'État requérant.

160.Face à cette décision, la défense de Cavallo a formulé une demande en amparo devant le pouvoir judiciaire de la Fédération en soutenant qu'il était fait application à des fins d'extradition de traités qui ne répondaient pas aux conditions requises par la Constitution mexicaine. En outre, les défenseurs de Cavallo ont fait valoir qu'il était impossible au Mexique de juger les crimes commis par Cavallo, étant donné leur caractère politique et le fait que ces crimes étaient prescrits d'après le droit applicable.

161.En session plénière, la Cour suprême de justice de la nation a confirmé le 11 juin 2003 l'extradition à destination de l'Espagne de l'ex-militaire argentin Ricardo Miguel Cavallo pour qu'il y réponde des délits de génocide et de terrorisme, mais non pas du délit de torture lequel était considéré comme prescrit. Il convient de souligner que la Cour suprême avait décidé de ne pas mettre en cause la légitimité de l'exercice de sa compétence de la part de l'Espagne.

162.Le 26 juin, le Secrétariat aux relations extérieures a placé Ricardo Miguel Cavallo à la disposition du Bureau du Procureur général pour qu'il soit transféré en Espagne. À cette date, le Secrétariat aux relations extérieures a reçu de la part du premier tribunal "B" statuant sur amparo en matière pénale et siégeant au District fédéral la résolution indiquant qu'il était donné plein effet à la décision de la Cour suprême de justice de la nation par laquelle il était ordonné à la chancellerie de modifier sa décision initiale et d'accepter d'extrader Cavallo pour qu'il réponde des délits de génocide et de terrorisme, à l'exclusion du délit de torture qui se trouvait prescrit.

B. Observations des organisations de la société civile

163.Plusieurs organisations de la société civile ont été d'avis qu'une interprétation des règles de la prescription énoncées dans le droit mexicain ou une mise en application de ces règles qui aurait pour effet d'empêcher en raison même de la prescription d'engager des poursuites pour faits de torture et de réprimer le délit de torture signifie que l'État mexicain ne s'acquitte pas de ses obligations internationales en la matière et que la responsabilité de ce manquement pourrait lui être imputée au travers des diverses instances compétentes. Dans le même ordre d'idées, les organisations de la société civile ont dit que toute interprétation des règles de la prescription énoncées dans la législation pénale qui portait à conclure que le délit de torture était prescrit était illicite en vertu de l'interprétation de la jurisprudence de la Cour suprême de justice de la nation puisque celle-ci rappelait que les traités prennent le pas sur la législation fédérale alors que le code pénal fédéral relève de cette dernière.

164.Le 15 mars 2002, l'État mexicain a ratifié la Convention sur l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité et, au moment de déposer son instrument de ratification, il a fait une déclaration interprétative dans laquelle il dit au sujet de l'article 14 de sa Constitution qu'il "[…] ne considérera comme imprescriptibles que les crimes consacrés par la Convention qui ont été commis après l'entrée en vigueur de ladite Convention à l'égard du Mexique."

165.La Constitution des États-Unis du Mexique dispose à l'article 14 qu' "il ne sera donné à aucune loi un effet rétroactif au préjudice de quiconque." Afin d'éviter des problèmes de légalité et de rétroactivité, de laisser moins de latitude à l'impunité et de remplir les obligations internationales assumées par le Mexique, la sous-commission de l'harmonisation des textes législatifs a cherché à élaborer une initiative de réforme de l'article 14 de la Constitution qui consisterait à faire en outre état dans cet article de l'imprescriptibilité des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité et des violations graves des droits de l'homme, laquelle à ne pas tenir compte du moment où les uns ou les autres ont été commis."

166.De même, on cherche à réformer le code pénal fédéral pour y faire figurer l'imprescriptibilité de l'action pénale et des sanctions prévues à l'encontre des délits contre l'humanité, contre les droits de l'homme et contre le droit international humanitaire, c'est-à-dire contre la torture, les disparitions forcées, le génocide, l'homicide qualifié, l'enlèvement (tous délits contre l'intégrité de la personne qui sont envisagés à l'article 194 du code fédéral de procédure pénale).

A rticle 7 ( Les poursuites intentées dans l'État du responsable présumé)

167.Au cas où le gouvernement mexicain refuserait d'extrader l'auteur du délit de torture, le Mexique est compétent pour juger l'inculpé aux termes des dispositions de l'article 4 du code pénal fédéral en vigueur. Cet article vise l'extradition de nationaux et la possibilité de les juger sur le territoire national sous réserve que soient remplies trois conditions : l'accusé doit se trouver au Mexique, il n'a pas fait l'objet d'un jugement définitif dans le pays où il a commis le délit, et l'infraction dont il est inculpé a le caractère de délit à la fois dans le pays où elle a été commise et au Mexique. De même, cet article du code pénal fédéral dit que les délits commis en territoire étranger par un Mexicain à l'encontre de Mexicains ou bien à l'encontre d'étrangers ou commis par un étranger à l'encontre de Mexicains seront réprimés au Mexique conformément à la législation fédérale.

168.L'article 6 du même texte législatif indique que lorsqu'il est commis un délit non prévu dans ledit code mais qu'il existe une loi spéciale ou un traité international dont l'application est obligatoire au Mexique, c'est cette loi ou ce traité qui s'applique. Quand on constate qu'une même matière est régie par plusieurs dispositions, la règle spéciale prend le pas sur la règle générale.

169.Le 18 janvier 2001, la Cour suprême de justice de la nation a exposé une doctrine jurisprudentielle consistant à reconnaître au pouvoir exécutif la faculté discrétionnaire de décider de l'extradition de nationaux :

"Extradition. Le fait qu'un Mexicain puisse être jugé au Mexique conformément à l'article 4 du code pénal fédéral n'empêche pas le pouvoir exécutif de renoncer à cette possibilité en exerçant le pouvoir discrétionnaire que lui confère le traité d'extradition conclu entre les États-Unis du Mexique et les États-Unis d'Amérique."

170.Conformément à l'article 9.1 dudit traité, "aucune des deux parties contractantes n'est tenue de livrer ses nationaux mais le pouvoir exécutif de la partie requise a la faculté, si sa législation ne l'en empêche pas, de livrer son national si, en se fondant intégralement sur son propre avis, il l'estime opportun."

171.Il convient de déduire de ce qui précède, en ce qui concerne le Mexique, que le pouvoir exécutif jouit de la faculté discrétionnaire de livrer, sur demande du gouvernement des États-Unis d'Amérique, les Mexicains qui ont commis des délits dans ce dernier pays "si sa législation ne l'en empêche pas". Cette formule doit s'entendre comme une interdiction faite au pouvoir exécutif d'accéder à l'extradition demandée mais elle vaut uniquement pour le cas où la Constitution politique des États-Unis du Mexique ou bien quelque autre loi fédérale énonce la disposition correspondant à l'obstacle évoqué.

172.D'ailleurs, l'analyse grammaticale et systématique de l'article 4 du code pénal fédéral porte à conclure que cet article n'énonce aucune interdiction ni empêchement d'extrader mais établit essentiellement une règle du droit applicable quand il dispose que les délits "seront réprimés au Mexique conformément à la législation fédérale", ce qui signifie qu'au cas où un Mexicain serait jugé au Mexique pour un délit commis à l'étranger, il lui sera appliqué les sanctions prévues par la législation fédérale mexicaine et non celles qui sont prévues par la législation de l'État étranger où il est censé avoir commis le délit, mais cela ne signifie pas que son extradition est interdite.

A rticle 8 ( La torture donne lieu à extradition dans tous les traités)

173.La loi relative à l'extradition indique en son article 6 que donnent lieu à extradition les délits reprochés qui sont considérés comme graves par la loi, lesquels sont passibles, au titre de la loi mexicaine comme de la loi de l'État requérant, d'une peine de prison. La règle en question s'applique aux délits de torture, de tentative de torture et de complicité ou de participation à des faits de torture.

174.On trouvera annexé au présent rapport un tableau explicatif des traités d'extradition signés par le Mexique à partir de 1997, dans le texte desquels sont envisagées des situations en rapport avec la torture. Il convient de souligner que la torture au Mexique est un délit grave lequel, quand cela n'est pas explicité dans le texte d'un traité quelconque ni dans les comportements classés comme faisant partie des traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants, figure parmi les délits sanctionnés par une peine supérieure à un an.

175.Il convient aussi de souligner qu'au cas où le Mexique, sans être lié par un traité d'extradition, reçoit une demande d'extradition de la part d'un autre État partie à la Convention, celle-ci sera considérée comme constituant la base juridique indispensable aux fins de l'extradition en ce qui concerne les infractions visées, ainsi que l'énoncent les dispositions du paragraphe 2 de l'article 8. En vertu de l'article 133 de la Constitution qui reconnaît à la Constitution, aux traités internationaux et à la législation fédérale le caractère de "loi suprême de toute l'Union", la disposition ci-dessus fait que, en ce qui concerne le cadre juridique, le délit de torture donne lieu à extradition sur simple demande de tout État partie à la Convention.

Article 9 ( L'entraide judiciaire en matière pénale)

A. L'entraide judiciaire dans la législation fédérale

176.Le quatrième livre du code fédéral de procédure civile pose en principe que, dans les affaires de caractère fédéral, l'entraide judiciaire internationale est régie par les dispositions de ce texte législatif et des autres lois applicables, excepté les prescriptions des traités et conventions auxquels le Mexique est partie (article 543).

177.Dans le livre en question, le code fédéral de procédure civile énonce des règles relatives aux commissions rogatoires internationales (chapitre II), à la compétence en matière d'actes de procédure (chapitre III), des règles sur les preuves à produire (chapitre IV), sur la compétence en matière d'exécution des décisions (chapitre V) et sur l'exécution des décisions (chapitre VI).

178.Conformément au texte législatif en question, les jugements prononcés et autres décisions de juridictions étrangères seront valables et reconnus au Mexique pour l'intégralité de leurs dispositions qui ne sont pas contraires à l'ordre public intérieur aux termes du code et des autres lois applicables, à l'exception des prescriptions des traités et conventions auxquels le Mexique est partie (article 569).

179.Au Mexique, les jugements et décisions de juridictions étrangères sont exécutées obligatoirement à la suite d'une approbation officielle qui est donnée aux termes du code fédéral de procédure civile et des autres lois applicables, à l'exception des prescriptions des traités et conventions auxquels le Mexique est partie.

180.En vertu de la législation fédérale, le tribunal compétent pour l'exécution d'un jugement, d'une sentence arbitrale ou d'une décision d'une juridiction étrangère est celui du domicile de l'individu visé dans la décision ou, à défaut, celui de l'endroit où sont situés ses biens au Mexique.

181.Le Mexique a signé avec différents pays des traités d'exclusivité aux fins d'entraide judiciaire réciproque, lesquels ont pour objet la prévention des délits, les enquêtes relatives aux délits et les poursuites à intenter en cas de délit ou quelque autre procédure pénale ainsi que l'exécution des jugements issus de procédures pénales sur le territoire de l'autre État. Il existe en outre des traités d'extradition dans lesquels figurent des dispositions sur l'entraide judiciaire internationale.

Article 10 ( Éducation et formation en matière de lutte contre la torture)

A. Les recommandations à l'intention de l'État mexicain

182.Le Comité contre la torture a recommandé au Mexique d'intensifier les programmes de formation et de diffusion destinés tout particulièrement aux agents de la fonction publique qui sont chargés d'assurer l'application de la loi par les organismes responsables de l'administration de la justice et de faire figurer dans ces programmes les questions qui portent sur l'interdiction de la torture.

B. Les actions de l'État mexicain

183.À la suite de cette recommandation, les services des divers organes ont, à l'échelle nationale, mené beaucoup d'actions pour former leur personnel aux droits de l'homme et lui apprendre à concevoir des stratégies nouvelles visant à anticiper les demandes de la Commission nationale des droits de l'homme, d'où une diminution significative des recommandations formulées à l'encontre de l'État mexicain.

1. Actions du Bureau du Procureur général de la République

184.Entre octobre 2002 et septembre 2004, le Bureau du Procureur général de la République a organisé et dispensé 17 cours sur les aspects juridiques et techniques de l'application du diagnostic médico-psychologique spécialisé pour les cas éventuels de torture e/ou de mauvais traitements :

Période

Nombre de cours dispensés

Nombre de participants

Durée en heures

Octobre 2002

1

56

20

2003

8

377

74

Jusqu'au 30 septembre 2004

8

326

76

Total

17

759

170

Répartition des participants

AMPF

Experts

AFI

Personnel administratif

Nombre total

2002

56

56

2003

195

125

32

25

377

Jusqu'au 30 septembre 2004

112

100

69

24

305

Total

307

281

101

49

759

185.Dans le même ordre d'idées, le Bureau du Procureur général de la République a organisé du 24 au 27 octobre 2002, dans la ville de Mexico, un "programme de formation relative aux enquêtes à mener et à la documentation à réunir sur le délit de torture."

186.Dans ce même contexte, avec la collaboration de l'organisation non gouvernementale Médecins pour les droits de l'homme et de personnalités nationales et internationales connues dans le domaine de la prévention de la torture, il a été organisé un "premier cours type de formation en vue de la documentation à réunir sur la torture et/ou les mauvais traitements au Mexique". Ce cours était destiné à 48 médecins légistes du Bureau du Procureur général de la République, à des membres de sept autres institutions gouvernementales (dont le Bureau du Procureur général du District fédéral), à la Commission nationale des droits de l'homme et aux organisations de défense des droits de l'homme de la société civile. En 2003, ce cours type a été répété huit fois, ce qui a permis d'assurer la formation de 377 agents de la fonction publique du Bureau du Procureur général de la République.

187.Ce "cours sur les aspects juridiques et techniques de la documentation à réunir sur la torture et/ou les mauvais traitements" est organisé comme suit : le premier module porte sur les aspects théoriques : des données historiques de caractère général; le concept de torture et des traitements cruels, inhumains et dégradants. Le deuxième module porte sur le cadre normatif national : la réglementation juridique nationale; la définition du délit de torture; la loi fédérale visant à prévenir et réprimer la torture et la décision A/057/03 du Procureur général de la République. Le troisième module est consacré au cadre normatif international : les principes directeurs du Protocole d'Istanbul; le programme de coopération technique internationale; les 25 mesures à adopter en vue de la lutte contre la torture et les statistiques relatives à la torture. Le quatrième module est consacré aux aspects techniques : établir qu'il y a eu torture; l'analyse technico-dogmatique; l'étude et l'analyse de cas concrets de torture; les preuves physiques de la torture et des mauvais traitement; les preuves psychologiques de la torture et des mauvais traitement; l'étude et l'application du diagnostic médico-psychologique spécialisé pour cas éventuels de torture et/ou de mauvais traitement.

188.Le Bureau du Procureur général de la République a également organisé des cours-ateliers sur "la lutte contre la torture, les traitements cruels, inhumains et dégradants" qui sont destinés aux agents du ministère public de la Fédération, aux experts de médecine légale et aux agents fédéraux d'enquête du Bureau.

189.Dans le cadre de son "programme institutionnel d'éducation, de formation et de services éducatifs en matière de droits de l'homme", le Bureau du Procureur général de la République a en outre mis au point diverses activités, cours et ateliers aux fins de consolider la formation des agents de la fonction publique dans le cadre de la lutte contre la torture, les traitements cruels, inhumains et/ou dégradants. Entre 2001 et 2003, il a ainsi été dispensé 21 cours auxquels ont assisté au total 730 participants.

190.Par ailleurs, le Bureau du Procureur général de la République a passé un accord de collaboration avec la Commission nationale des droits de l'homme qui a notamment pour objectif d'assurer la coordination des actions et d'exploiter l'infrastructure matérielle et humaine des deux institutions pour faciliter l'adoption de mesures de prévention et d'éradication de la torture. Aux termes de cet accord, le Bureau est tenu de renseigner la Commission en ce qui concerne, par exemple, le suivi des affaires dans lesquelles des agents de la fonction publique ou d'anciens fonctionnaires sont présumés avoir commis le délit de torture.

191.À l'heure actuelle, le Bureau du Procureur général de la République se prépare à signer quatre conventions avec le Bureau du Procureur général de justice de quatre États de la Fédération afin de leur servir d'organisme de conseil pour que les représentations sociales de la juridiction commune adaptent le Protocole d'Istanbul à leur contexte et élaborent leurs propres instruments techniques de lutte contre la torture et les traitements cruels, inhumains et dégradants.

2. Les actions du Secrétariat à la sécurité publique

192.Le Secrétariat à la sécurité publique fait désormais figurer des cours sur la prévention et l'éradication de la torture dans les programmes de l'Institut de formation de la police et dans divers cours et ateliers qu'il organise, parmi lesquels il convient de signaler : le cours-atelier intitulé "Protection des droits de l'homme dans l'action de la police"; le cours intitulé "Les droits de l'homme au sein du Secrétariat à la sécurité publique et de ses organismes extérieurs"; le programme interinstitutionnel intitulé "Développement et diffusion des droits de l'homme auprès des agents de la fonction publique de l'organe administratif décentralisé de prévention et de réadaptation sociale"; et l'Institut organise en outre certains cours sur le personnel pénitentiaire et les droits de l'homme, la formation d'instructeurs en matière de droits de l'homme et le droit international humanitaire.

193.Il a donc été mis au point un "programme interinstitutionnel de développement et de diffusion des droits de l'homme" qui a pour objet de former aux droits de l'homme les agents de la fonction publique spécialisés dans la prévention et la réadaptation sociale. Cette formation a été assurée par la Commission nationale des droits de l'homme. De même, il convient de souligner qu'au travers d'actions de formation menées conjointement avec les centres fédéraux et le concours de diverses institutions, il a été organisé des cours qui portent sur des thèmes comme la qualité de la vie, le travail, le développement de l'homme et la sécurité intégrale.

3. Les actions du Secrétariat à la défense nationale

194.Le Président des États-Unis du Mexique a décidé dans son "Plan national de développement 2001‑2006" de moderniser les structures et les procédures éducatives, logistiques et administratives de l'armée et des forces aériennes pour les inscrire dans un cadre de qualité, d'efficacité, d'opportunité, d'équité, de transparence et de respect des droits de l'homme, et il a décidé en outre d'améliorer la structure juridique des forces armées en accordant une attention particulière aux structures administratives et aux droits fondamentaux de la personne au sein de chacun des organes de ces forces armées.

195.Le Secrétariat à la défense nationale a mis en train un programme de promotion et de renforcement des droits de l'homme qui est en cours d'exécution depuis l'an 2000. Ce programme vise à favoriser et diffuser la culture du respect des droits de l'homme chez les militaires de façon que ces derniers s'acquittent de leurs missions constitutionnelles en pratiquant sans restriction le respect de l'état de droit ainsi que le respect des droits de l'homme au sein de l'armée.

196.Les objectifs sont les suivants :

Aider à remplir les engagements internationaux en matière de droits de l'homme que le Mexique a contractés.

Mener dans le cadre de la loi une action destinée à instaurer de meilleurs rapports réciproques avec la population civile.

Promouvoir la diffusion d'articles concernant les droits de l'homme par les organismes de diffusion du Secrétariat à la défense nationale.

Promouvoir un rapprochement avec les organisations gouvernementales et non gouvernementales grâce à des activités qui tendent à renforcer très fortement le respect des garanties individuelles.

Établir une coordination avec la Commission nationale des droits de l'homme et les commissions homologues des États et aussi avec la délégation du Comité international de la Croix-Rouge au Mexique pour que le personnel de l'armée et des forces aériennes mexicaines participent à diverses activités de formation (cours, ateliers, séminaires et conférences sur les droits de l'homme et le droit international humanitaire).

197.Le Secrétariat à la défense nationale dispense à son personnel des cours de formation à la lutte contre la torture qui sont notamment les suivants :

Formation de professeurs de droits de l'homme; ce cours est organisé au Centre des études de l'armée de terre et de l'air. Sa finalité générale est de former le personnel de direction, c'est-à-dire les commandants de garnison et les officiers pour que ces derniers puissent jouer le rôle d'enseignants et d'auxiliaires dans ce domaine au sein des unités, services et installations auxquels ils sont affectés; entre 2001 et 2004, il a été dispensé 7 cours qui ont permis de former 9 commandants et 93 officiers de l'armée de terre et des forces aériennes mexicaines.

Cours de droit international humanitaire; ce cours est également dispensé au Centre des études de l'armée et des forces aériennes. Sa finalité générale est de former, là aussi, des commandants et des officiers qui pourront jouer le rôle d'enseignants et d'auxiliaires dans cette matière au sein des unités, services et installations auxquels ils sont affectés; il a été dispensé un cours qui a permis de former 3 commandants et 15 officiers de l'armée de terre et des forces aériennes mexicaines.

Cours de droit international humanitaire; ce cours-là est dispensé par le Comité international de la Croix-Rouge depuis 2002. Actuellement, il a été dispensé 10 cours qui ont permis de former 304 participants.

Cours/atelier relatif à l'examen médical et la documentation à réunir sur la torture et relatif à l'enquête de médecine légale sur les décès susceptibles d'être consécutifs à la violation de droits de l'homme; ces cours-ateliers ont eu lieu pendant la période comprise entre 2001 et 2004. à l'heure actuelle, il a été dispensé 14 cours, ce qui a permis de former 96 avocats militaires, 330 médecins chirurgiens, 79 chirurgiens dentistes et 15 psychologues, c'est-à-dire que l'on a ainsi pu former 520 membres de l'armée et des forces aériennes mexicaines.

Le Secrétariat à la défense nationale a en outre participé du 16 au 18 mars 2004, avec le concours d'un commandant et de deux officiers à un atelier intitulé "Atelier sur les politiques humanitaires, la protection des civils en cas de conflit armé : les défis humanitaires en Amérique latine", lequel a été organisé à Mexico.

198.Pendant la période comprise entre 2001 et 2004, ce sont un général, dix commandants et un officier qui ont participé à huit cours dispensés à l'étranger qui traitaient de thèmes en rapport avec le droit international humanitaire.

199.Dans le cadre du cycle national des conférences de 2001-2004, il a été organisé 49 conférences de haut niveau pour dispenser une formation à 6657 personnes, généraux et commandants de garnison, ainsi que 49 conférences de formation de base visant à former 23 430 soldats. Il était prévu lors de ces conférences de bénéficier de la participation de la Commission nationale des droits de l'homme et du Bureau du Procureur général de justice militaire dans les 12 régions militaires du pays.

200.Des fonctionnaires de la Commission nationale des droits de l'homme et des commissions des droits de l'homme des États et aussi du Bureau du Procureur général de justice militaire ont dispensé en 2003 et 2004 six conférences magistrales dont ont bénéficié au total 4 798 éléments de l'armée et des forces aériennes mexicaines qui faisaient partie des directeurs, enseignants et étudiants du système éducatif militaire.

201.Le Comité international de la Croix-Rouge a également organisé en 2003 et 2004 13 conférences de haut niveau visant à dispenser une formation à 3 561 éléments au total de l'armée et des forces aériennes mexicaines, choisis parmi les directeurs, les enseignants et les étudiants du système éducatif militaire.

202.Le système éducatif militaire fait figurer au programme d'études de la totalité des établissements de formation militaires, depuis les établissements d'enseignement supérieur jusqu'aux écoles de formation du simple soldat et centres de formation pratique, comme au programme d'études des centres et cours de spécialisation et d'application et des écoles de formation d'officiers, des matières relatives aux droits de l'homme et au droit international humanitaire, ce qui consiste à aborder et traiter le Protocole d'Istanbul, les conventions de Genève de 1949, le droit de la guerre, la protection internationale des droits de l'homme, les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, les instruments de défense des droits de l'homme et la question des droits de l'homme dans le cadre des activités militaires de même que les aspects juridiques sur lesquels repose l'action du personnel militaire.

203.Dans le cadre du programme de promotion et de renforcement des droits de l'homme mis au point par le Secrétariat à la défense nationale il est prévu des conférences magistrales sur les droits de l'homme et le droit international humanitaire données par le Président de la Commission nationale des droits de l'homme et le Délégué régional du Comité international de la Croix-Rouge en poste dans notre pays.

4. Actions de l'administration des États

204.Les États de Campeche, Colima, Durango, Guanajuato, Guerrero, Nayarit, Oaxaca, Puebla, Tlaxcala et Veracruz ont à leur actif des activités de formation de leurs fonctionnaires publics en matière de prévention et d'éradication de la torture.

205.Par exemple, dans l'État de Puebla, il a été organisé les cours ci-après : les diplômés de droit constitutionnel; l'action en amparo et des séminaires de criminalistique; des cours de formation initiale destinés aux candidats à des fonctions dans la police judiciaire, lesquels envisagent de s'intéresser aux sujets de droit constitutionnel et des droits de l'homme; des cours sur les techniques de l'entretien et de l'interrogatoire; des cours élémentaires de portée régionale destinés aux agents subalternes du ministère public; des cours de 72 heures sur le domaine juridique constitutionnel; des cours relatifs au contrôle du comportement agressif; des cours sur le cadre juridique de l'action de la police.

C. Plans et défis à relever

206.Sur la base d'un accord conclu entre le Mexique et la Commission européenne il est prévu une série d'actions de formation et de diffusion qui visent également à harmoniser le cadre juridique et les pratiques administratives avec le droit international. L'une des activités envisagées consiste à mettre au point un programme de diffusion et de formation en matière de lutte contre la torture, ce qui consistera en particulier à promouvoir le Protocole relatif à la Convention contre la torture, le diagnostic médical du Bureau du Procureur de la République qui s'inspire du Protocole d'Istanbul et à harmoniser la législation nationale et la Convention contre la torture de l'ONU. Il a été prévu une réunion avec le Bureau du Procureur de la République pour organiser conjointement ces activités.

207.En novembre 2004 doit se tenir le séminaire international sur le phénomène de la torture qui est organisé dans le cadre du programme de coopération sur les droits de l'homme qui lie le Mexique et la Commission européenne. Ce séminaire a pour objectif d'aborder la totalité des aspects de la question exerçant une influence sur la pratique de la torture, sur ses causes et sur les éléments qui la favorisent et sur les solutions de rechange qui permettraient de faire échec au phénomène. Par l'intermédiaire du Secrétariat aux relations extérieures les gouvernements des 31 États et du District fédéral seront invités à participer à ce séminaire.

208.Diverses organisations de la société civile ont dit qu'à leur avis il faut continuer à travailler et chercher à faire reconnaître la responsabilité institutionnelle face aux cas de torture car on ne doit pas traiter ces cas exclusivement comme s'ils relevaient de la responsabilité individuelle face à un fait isolé.

Article 11 ( Normes et procédures visant à éviter les actes de torture. L'interrogatoire et la garde des personnes détenues, arrêtées ou emprisonnées)

A. Les mesures adoptées par les parquets des États

209.Dans les différents États, les parquets sont dotés de deux mécanismes permanents de révision des normes appliquées, des modalités de l'instruction et des méthodes d'interrogatoire : un mécanisme de caractère interne et un mécanisme de caractère extérieur. Grâce au mécanisme de caractère interne, l'unité administrative chargée de veiller au respect des droits de l'homme surveille les activités des agents du ministère public et autre personnel soumis à sa direction en procédant à des enquêtes qui ont lieu automatiquement sur plainte ou dénonciation. Le mécanisme extérieur consiste pour les commissions locales de défense des droits de l'homme à assurer le respect des garanties de l'individu ainsi qu'à surveiller et évaluer les organes chargés de l'administration de la justice.

210.Du point de vue pénal, les victimes du délit jouissent des garanties définies à l'article 20 de la Constitution. En matière administrative, il existe dans tous les États de la Fédération, à l'échelle de la Fédération et dans le District fédéral, un organe de contrôle chargé de traiter les plaintes dirigées contre des agents de la fonction publique et ces organes de contrôle sont en outre habilités par la loi à demander qu'il soit engagé une procédure pénale parce qu'il est possible qu'il ait été commis des faits délictueux.

211.Dans les États de la Fédération, les avocats commis d'office, qui relèvent du pouvoir exécutif, interviennent dès la phase de pré-instruction ou au début de la procédure pénale, situation que les gouvernements des États doivent prendre en compte pour ne pas se trouver sans moyen de défense devant les présumés responsables lors de l'enquête préliminaire. En outre, tous les États sont dotés d'une "contrôlerie" générale de la République et certains même d'un organisme de surveillance ou de visite qui figure à l'organigramme du parquet.

B. La reconnaissance des droits des détenus

1. Les recommandations à l'intention de l'État mexicain

212.Le Comité contre la torture a recommandé à l'État mexicain d'imposer légalement l'obligation d'informer tout détenu de ses droits au moment même de son arrestation et de concevoir aussi par ailleurs des moyens d'information sur les droits des détenus.

2. Les actions de l'État mexicain

213.Dans le même ordre d'idées, plusieurs instances fédérales et locales ont approuvé des normes à respecter et arrêté des procédures pour faire connaître aux personnes soumises aux pouvoirs publics leurs droits en ce qui concerne l'interdiction de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants. C'est ainsi par exemple que le règlement des centres fédéraux de réadaptation sociale établi par le Secrétariat à la sécurité publique (qui a été publié au Journal officiel de la Fédération le 30 août 1991) énonce l'obligation de remettre à chaque détenu un exemplaire dudit règlement ainsi que des instructions énonçant dans le détail les droits et obligations de toute personne internée.

214.De leur côté, divers États de la Fédération ont indiqué que, pour faire connaître aux détenus leurs droits lorsqu'ils sont placés à la disposition du ministère public, la méthode était directe et consistait à donner lecture des droits définis dans la Constitution, ou à garantir la présence de l'avocat ou de la personne de confiance lors des procédures suivies, c'est-à-dire au moment où l'individu fait sa déclaration, où il est inculpé ou qu'il est procédé à une comparution volontaire ou encore quand l'intéressé entre dans un centre fédéral de réadaptation sociale. Tel est le cas des États suivants : Aguascalientes, Campeche, Colima, Durango, Guanajuato, Guerrero, Michoacán, Nayarit, Oaxaca, Puebla, Quintana Roo, Sinaloa, Sonora, Tlaxcala, Veracruz et Yucatán.

3. Observations, plans et défis à relever

215.Amnesty International a néanmoins souligné la nécessité d'expliquer à tous les détenus, verbalement et par écrit, en une langue qu'ils comprennent, les motifs précis de leur placement en détention; il faut aussi les informer de leurs droits et qu'ils aient immédiatement accès à un avocat (et aussi à un interprète au besoin) qui doit être immédiatement disponible et le rester à tout moment de la phase consacrée à l'interrogatoire de la police.

216.L'organisation non gouvernementale appelée Mouvement juridique national Barzón a parlé de la nécessité de distribuer dans tous les tribunaux et cours de justice un document en trois parties énonçant l'essentiel des droits de la personne jugée, les obligations de l'autorité et les dispositions du Protocole d'Istanbul.

C. Le droit à la défense

217.Le droit du mis en examen à bénéficier d'une défense gratuite est garanti par la Constitution. Pour lui donner effet, en1998, on a remplacé l'unité de services de défense pour les affaires relevant de la juridiction fédérale par l'Institut de la défense publique, organe auxiliaire du Conseil de la magistrature fédérale en matière d'enquête, de formation, d'enseignement et de mise à jour au profit des membres du pouvoir judiciaire de la Fédération et de tout candidat à une fonction dans ce domaine; cet établissement a pour finalité primordiale d'élever le niveau professionnel des défenseurs publics et des conseils juridiques afin de garantir que la prestation du service de la défense publique soit conforme aux principes de probité, d'honnêteté et de professionnalisme.

218.Au 31 mai 2000, cet Institut de la défense publique avait à sa disposition 436défenseurs publics fédéraux affectés aux organes d'enquête dans 161 villes du territoire national. Pendant la période allant du 1erjuin 1999 au 31mai 2000, ces défenseurs sont intervenus dans 123 067affaires, dont 31 065affaires en tant qu'avocats plaidants et 38 226affaires d'établissement des faits et d'aide à la déposition de témoins. Ces défenseurs ont en outre rendu 61 554visites à des détenus afin de les conseiller en matière de droit pénal.

219.Il convient en outre de signaler qu'en ce qui concerne les affaires qui ne sont pas de caractère pénal, il a été mis en place en1998 un service de conseil, d'aide et de représentation juridique en matière administrative, financière et civile sur le plan fédéral, d'où la présence au 31 mai 2000 de 88 auxiliaires juridiques fédéraux dans 42 villes du pays.

220.à partir du second semestre de 1999, il a été constitué un corps de surveillance dont les membres ont pris l'habitude d'assurer lors de visites sur place la surveillance directe des défenseurs publics et auxiliaires juridiques fédéraux ce qui consiste à étudier les aspects administratifs et les aspects de fond du travail effectué avec l'intention de savoir non seulement sous quelle forme ont lieu les contrôles internes et sont respectées les normes applicables mais aussi quelle information essentielle il faut retenir de l'exercice même de la fonction, et quelle est l'opportunité et la qualité du service rendu.

1. Observations, plans et défis à relever

221.Il a donc été mené depuis 1997 d'importantes actions en la matière, mais Amnesty International estime indispensable de continuer à travailler dans ce domaine pour qu'il soit possible de garantir que les avocats commis d'office par le tribunal soient préparés et disposent des ressources voulues, et reçoivent la formation nécessaire pour apprendre à s'occuper des victimes de torture et à formuler des plaintes pour faits de torture. À cet effet, Amnesty International a dit qu'à son avis il faut procéder à des inspections périodiques de leur travail pour avoir la certitude que les avocats commis d'office connaissent leurs obligations et exercent leurs fonctions en conséquence, surtout quand ils sont face à des victimes de torture.

222.Le pouvoir exécutif fédéral, conscient des carences existant dans ce domaine, a proposé dans le cadre de l'initiative de réforme de l'administration de la justice dont nous avons parlé de mettre au nombre de ses projets la professionnalisation de la défense pénale.

223.Conformément à la Constitution, les personnes gardées à vue sur ordre du ministère public peuvent rester jusqu'à 48 heures à la disposition des agents. Comme il est indiqué dans le rapport du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture dont nous avons déjà parlé, pendant ce laps de temps, les détenus ne sont pas accompagnés à tout moment par un défenseur ni par une personne de confiance, et l'on continue de faire état de cas dans lesquels les détenus sont placés au secret de façon prolongée de sorte que, quand finalement il leur est assigné un défenseur ou qu'ils peuvent entrer en contact avec une personne de confiance, ils n'ont pratiquement plus le temps de s'entretenir avec eux avant de faire leur première déclaration.

D. Les détentions prolongées

224.Si le cadre juridique national établit clairement les durées maximales de détention, il a pourtant été enregistré divers cas de détention qui durent plus longtemps que ne le prévoit la loi. Certains des cas les plus évidents de cette situation correspondent à la détention ordonnée par le service des migrations dans le cas d'étrangers entrés illégalement sur le territoire national.

225.L'article 94 du règlement de la loi générale relative à la population dispose que le Secrétariat à l'intérieur peut créer ou équiper dans les lieux jugés adéquats des postes pour migrants en vue du séjour provisoire des étrangers, hommes et femmes, qui ne peuvent justifier de quelque condition à remplir au moment de l'examen de leurs papiers; c'est également dans ces lieux que l'on doit placer les étrangers des deux sexes qui doivent être expulsés. À défaut d'être réservés aux migrants, ces endroits servent effectivement de locaux de rétention pour les étrangers en attente d'expulsion.

226.Le gouvernement mexicain ne considère toutefois jamais que les migrants sont des contrevenants. L'Institut national des migrations est une autorité administrative et, à ce titre, pratique le placement des migrants dans des conditions de sécurité en vue de préciser leur situation de migrants et non pas leur placement en détention.

227.D'après Mme Gabriela Rodríguez Pizarro, Rapporteuse spéciale de la Commission des droits de l'homme sur les droits de l'homme des migrants, les migrants d'Amérique centrale détenus au Mexique sont amenés dans les installations les plus proches de l'Institut national des migrations où ils vont devoir séjourner pendant que l'on examine leur cas et qu'on organise leur expulsion. La procédure peut durer jusqu'à deux jours, selon les moyens de transport disponibles. Les migrants dont l'expulsion est particulièrement compliquée, parce qu'il est difficile de les accompagner dans le pays d'origine ou dont la situation de migrant est sujette à examen, sont transférés au centre de rétention de la ville de Mexico, qui est le centre principal créé spécialement pour l'accueil des migrants, ou bien au poste de migrants de Champotón où ils vont rester jusqu'à l'adoption d'une solution en ce qui les concerne. Le placement en rétention peut durer quelques mois.

1. Les mesures prises par le gouvernement mexicain

228.Le 9 août 2004, le Secrétariat à l'intérieur a conclu un mémorandum d'accord avec l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) en vertu duquel l'organisation internationale en question aidera le gouvernement mexicain à obtenir des documents de voyage aux fins du rapatriement des migrants originaires de pays extérieurs au continent américain qui n'ont pas de représentation diplomatique ni consulaire au Mexique, pour les faire bénéficier des tarifs aériens réduits qui sont offerts à l'organisation internationale, ce qui représenterait une économie de 50 % du budget moyen de douze millions de pesos que l'Institut national des migrations doit consacrer à l'achat de billets d'avion à cette même fin.

1.1 L'assistance consulaire

229.Conformément à la loi générale relative à la population, la personne en rétention ne doit pas rester au poste de résidence des migrants plus de 90 jours, mais il arrive que les personnes ainsi assignées à ce type de séjour y restent plus longtemps que prévu parce qu'elles ne bénéficient d'aucune aide de la part de leur représentant consulaire ou tout simplement parce que cette représentation n'existe pas au Mexique.

230.Le Mexique étant membre de l'Organisation internationale pour les migrations, il a été fait don en 2004 à l'Institut national des migrations d'un équipement de vidéoconférence permettant aux représentations consulaires accréditées à Washington D.C. qui exercent la même fonction pour le Mexique de s'entretenir avec leurs concitoyens placés en rétention dans le poste pour migrants de l'Institut national des migrations qui est situé dans le District fédéral et avec ceux qui ont été placés au poste analogue de Tapachula dans l'État du Chiapas.

231.Parmi les mesures prises par le gouvernement mexicain pour renforcer les liens avec les représentations consulaires en place dans notre pays, l'Institut national des migrations s'emploie désormais à généraliser une prise de conscience et à amorcer le dialogue avec les consuls des pays d'Amérique centrale de façon que les services consulaires s'occupent désormais mieux de leurs compatriotes.

E. Les mesures adoptées pour améliorer le traitement des personnes placées en rétention, ou toute forme d'emprisonnement ou de détention

232.Au nombre des éléments fondamentaux du Plan national de développement 2001‑2006 et sur la base du Programme national de sécurité publique pour la période 2001‑2006 figure la restructuration intégrale du système pénitentiaire. Cette restructuration devrait apporter la solution à une série de phénomènes qui font obstacle au bon fonctionnement des centres pénitentiaires et empêchent une bonne réadaptation et réinsertion sociale des détenus, comme la surpopulation des prisons qui, à la date de juillet 2003, atteignait le chiffre de 27,9 %, l'augmentation incessante du nombre de détenus, la corruption, l'absence de moyens et de personnel formé et aussi la lenteur avec laquelle les décisions sont prises sur la situation juridique des détenus puisque, sur leur nombre total dans le pays, 42,3 % n'ont pas fait l'objet d'un jugement.

233.Le gouvernement mexicain a pris d'importantes mesures pour améliorer le fonctionnement des postes de séjour des migrants :

L'Institut national des migrations organise ce fonctionnement au moyen d'un document intitulé "Accord portant définition des normes de fonctionnement des postes de résidence des migrants de l'Institut national des migrations (AFEM)"; cet accord énonce les normes garantissant un traitement humain aux migrants placés en sûreté par l'autorité compétente.

Toutefois, prenant en considération le fait que l'un des principaux défis à relever lors du placement de migrants en sécurité consiste à garantir que les postes d'hébergement ne soient pas identifiés à des prisons, et consiste à apporter en outre une solution au problème du surpeuplement puisque l'ampleur du phénomène migratoire actuel est supérieur aux espaces disponibles pour l'hébergement, l'Institut national des migrations a en 2002 mis en train un programme d'aménagement des postes d'hébergement de migrants après avoir réalisé un diagnostic intégral sur les 45 postes d'ores et déjà en place.

En 2003, l'Institut a mené à bien le réaménagement de 23 postes qui sont ceux des États de Basse-Californie, Quintana Roo, Tamaulipas, Chihuahua, Chiapas, Tabasco, Oaxaca, Veracruz, Sonora, Guerrero et Campeche, puis en 2004, on a procédé au réaménagement des 22 postes restants qui sont situés dans les États de Sinaloa, Quintana Roo, Oaxaca, Tamaulipas, Chiapas, Veracruz, Zacatecas et Campeche.

Ce programme de réaménagement prévoit la construction de nouveaux postes puisqu'il faut remplacer ceux qui sont désormais insuffisants ou en créer dans les États où il n'en existe pas encore en sus du réaménagement à proprement parler de postes existants.

Dans le cadre même dudit programme, en mai 2004, à l'initiative du gouvernement mexicain, l'Institut national des migrations a reçu une assistance technique de l'Organisation internationale pour les migrations en vue de la mise en place à Tapachula, au Chiapas, d'un poste d'hébergement modèle permettant de respecter strictement les normes internationales et les meilleures pratiques en matière de droits de l'homme. La conception de ce poste servira de modèle pour la construction de postes nouveaux à forte capacité d'hébergement dans le reste du pays. Ce poste pourra héberger 490 personnes placées en sécurité pour une nuit et 960 personnes placées pour un court séjour.

F. Observations, plans et défis à relever

234.Une étude publiée en avril 2003 par l'organisation "Médecins pour les droits de l'homme", qui a mené une enquête dans les centres de détention du pays, signale que la pratique de la torture aux dépens des personnes soumises au système judiciaire mexicain a reculé au cours des cinq dernières années mais dit néanmoins formellement que la torture constitue toujours une pratique fréquente.

Article 12 ( Une enquête rapide et impartiale)

235.Dans le système juridique mexicain, conformément à l'article 21 de la Constitution, l'enquête relative au délit et les poursuites de son auteur incombent au ministère public qui a le monopole de l'exercice de l'action pénale.

236.La procédure démarre quand l'autorité chargée de l'enquête est avertie et qu'elle doit procéder immédiatement aux démarches voulues pour établir la preuve du délit et la responsabilité présumée de la personne mise en examen. Les principales démarches de la procédure sont définies dans le code de procédure pénale de chaque État, dans le même code à l'échelle fédérale et dans celui du District fédéral de sorte que l'autorité saisie puisse finalement dire s'il y aura ou non exercice de l'action pénale.

237.Toute personne a le droit qui constitue d'ailleurs en outre une obligation de porter à la connaissance de l'autorité saisie les faits qui peuvent être constitutifs du délit au sujet duquel il faut enquêter de droit. La torture est en effet un délit qui déclenche automatiquement enquête, indépendamment de la volonté de la victime ou du sujet passif du délit.

238.Si le ministère public ne se prononce pas rapidement de façon impartiale sur l'exercice de l'action pénale, la victime a le droit de se présenter devant le juge fédéral en plaidant l'amparo, en arguant du retard apporté à l'administration de la justice (la victime pouvant saisir subsidiairement ou conjointement la Commission des droits de l'homme), ou en contestant le refus d'exercer l'action pénale.

A. Observations, plans et défis à relever

239.Le déroulement d'une enquête rapide et impartiale a été mis en question par certains organismes internationaux et organisations non gouvernementales en raison des caractéristiques de la procédure et de la pratique adoptée par les organes chargés d'enquêter sur les faits. Les principales préoccupations tiennent à ce que la plainte pour torture doit donner lieu à enquête et, le cas échéant, à action pénale exercée par le ministère public, car, pour plusieurs organisations de la société civile, cette situation peut mettre en cause l'indépendance et l'impartialité de l'autorité chargée de l'enquête puisque c'est précisément l'autorité dans les mains de laquelle se trouve la victime de torture qui va être alors chargée d'enquêter sur la plainte de ladite victime.

240.Sous l'effet de la Constitution en matière d'administration de la justice qui est proposée par le pouvoir exécutif fédéral, le ministère public ne sera pas chargé de fonctions d'enquête policière et les procureurs de district exerceront exclusivement leur fonction désormais en qualité de techniciens du droit. Une fois le Bureau du Procureur général de la République transformé en parquet général de la Fédération et présentant le caractère d'organe constitutionnel autonome, la légalité des enquêtes sera favorisée de même que l'autonomie des médecins légistes du ministère public, exactement comme le Comité contre la torture l'a recommandé à l'État mexicain (recommandation j).

A rticle 13 ( Le droit de porter plainte et la protection judiciaire des victimes)

A. La législation en la matière

241.Conformément à la législation fédérale en la matière qui en fait un délit, toute personne victime de torture, les membres de sa famille, son représentant légal, une personne de confiance ou un tiers qui a connaissance des faits a le droit de porter plainte et d'accéder à la justice à travers les organes compétents. En outre, l'agent de la fonction publique qui a connaissance d'un fait constitutif de torture, est, conformément à l'article 11 de la loi fédérale visant à prévenir et réprimer la torture, tenu de déposer la plainte correspondante.

242.En sus de la faculté de porter pénalement plainte devant le ministère public, les victimes de torture peuvent aussi porter plainte devant la Commission nationale ou devant les commissions des droits de l'homme des États selon le cas. Mais, au Mexique, la Commission nationale des droits de l'homme et les commissions homologues des États n'ont pas la compétence voulue ni le pouvoir d'intervenir dans les procédures pénales; ces commissions ont toutefois pour fonction de formuler des recommandations, de leur donner suite et de vérifier qu'elles sont respectées.

B. Les plaintes déposées devant la Commission nationale des droits de l'homme

243.La Commission nationale des droits de l'homme a fait savoir qu'au cours de la période allant de janvier 1997 au 18 novembre 2003, il a été enregistré 35 356 plaintes dont 104 au titre de présumées violations des droits de l'homme pour torture et 1 457 pour traitements cruels et/ou dégradants.

244.D'après les registres du Bureau du Procureur général de la République, les plaintes adressées à la Commission nationale des droits de l'homme dans lesquelles cette institution est dite responsable sont les suivantes :

Année

Nombre de plaintes

Situation

2000 (décembre)

6

Pour 5 plaintes, indications sur les suites; pour une plainte, proposition de conciliation.

2001

32

Pour 18 plaintes, indications sur les suites; pour deux plaintes, recommandations; pour 8 plaintes, affaire réglée pendant la procédure; pour une plainte, proposition de conciliation; pour une plainte, absence d'intérêt du plaignant; pour une plainte, désistement du plaignant et pour la dernière plainte, jonction d'instances.

2002

24

Pour deux plaintes, manque d'intérêt du plaignant; pour 6 plaintes, affaire réglée pendant la procédure; pour 15 plaintes, indications sur les suites; pour une plainte, recommandation (bien qu'il faille préciser que celle-ci porte sur un homicide et des mauvais traitements alors que la plainte a été déposée pour torture).

2003

6

Pour une plainte, affaire réglée pendant la procédure et toutes les autres aboutissent à des indications sur les suites.

2004 (septembre)

14

Pour 8 plaintes, indications sur les suites; 3 plaintes intégrées à la procédure et les 3 dernières sont en cours.

245.En 2003, la Commission nationale des droits de l'homme fait savoir que les inspections générales ont qualifié 13 actes de plaintes pour faits de torture dans lesquelles il est signalé que les auteurs des faits sont probablement des agents de la fonction publique affectés aux services indiqués ci-dessous :

Service

Nombre de mentions

Bureau du Procureur général de la République

10

Secrétariat à la défense nationale

5

Bureau du Procureur général de justice de l'État de Chihuahua

2

Institut national des migrations, lequel relève du Secrétariat au gouvernement

2

Municipalité de Ciudad Juárez, Chihuahua

1

Municipalité de Tijuana, B.C.

1

Police judiciaire fédérale

1

Bureau du Procureur général de justice de l'État de Basse Californie

1

Total

23*

246.Pour les plaintes reçues pendant la période allant de 1997 à 2003, on verra au tableau ci-dessous à quelle décision elles ont abouti :

Commission

Plaintes reçues 

Conclusion

Commission nationale des droits de l'homme

104

Pour 30 plaintes, jonction d'instances

Pour 18 plaintes, indications sur les suites

Pour 15 plaintes, décisions au cours de la procédure

Pour 13 plaintes, recommandation

Pour 9 plaintes, amiable composition du juge

Pour 4 plaintes, renvoi devant une commission d'État

Pour 3 plaintes, désistement du plaignant

Pour 3 plaintes, il est constaté que le plaignant n'a pas d'intérêt à faire valoir

Pour une plainte, l'autorité n'est pas responsable

TOTAL : 96 plaintes

247.En ce qui concerne les plaintes déposées pour traitements cruels et/ou dégradants qui ont été reçues pendant la période allant de 1997 à 2003, le tableau ci-dessous indique quelle décision a été prise à leur sujet :

Commission

Plaintes reçues

Conclusion

Commission nationale des droits de l'homme

1457

Pour 737 plaintes, indications sur les suites

Pour 202 plaintes, décision au cours de la procédure

Pour 143 plaintes, amiable composition du juge

Pour 91 plaintes, il est constaté que le plaignant n'a pas d'intérêt à faire valoir

Pour 77 plaintes, renvoi devant une commission d'État

Pour 41 plaintes, manque de compétence

Pour 36 plaintes, jonction d'instances

Pour 34 plaintes, désistement du plaignant

Pour 25 plaintes, il est formulé une recommandation

Pour deux plaintes, l'autorité n'est pas responsable

TOTAL : 1 388 plaintes

248.Conformément au registre de la Commission nationale des droits de l'homme qui donne le total des plaintes reçues par l'organisme en question, le pourcentage des plaintes que représentent les actes de torture a considérablement reculé au cours des dernières années. On verra au tableau ci-dessous l'évolution suivie par les plaintes pour faits de torture :

Nombre total d'actes de plaintes enregistrés

Plaintes pour faits de torture

En pourcentage du nombre total de plaintes enregistrées

Rang d'importance de ces plaintes parmi les faits considérés comme des violations des droits de l'homme

Juin-décembre 1990

1 343

150

11,1

2ème

Décembre 1990-juin 1991

1 913

225

11,7

1er

Juin-décembre 1991

2 485

119

4,7

3ème

Décembre 1991-mai 1992

4 503

52

1,2

7ème

Mai 1992-mai 1993

8 793

113

1,2

7ème

Mai 1993-mai 1994

8 804

79

0,8

10ème

Mai 1994-mai 1995

8 912

31

0,3

15ème

Mai 1995-mai 1996

8 357

40

0,4

17ème

Mai 1996-mai 1997

8 509

35

0,4

24ème

Mai-décembre 1997

5 943

39

0,6

18ème

Janvier-décembre 1998

6 523

21

0,3

32ème

Janvier-15 novembre 1999

5 402

6

0,1

47ème

16 novembre 1999-15 novembre 2000

4 473

9

0,2

51ème

16 novembre 2000-31 décembre 2001

3 626

9

0,2

49ème

Janvier-décembre 2002

3 184

19

0,6

31ème

Janvier-décembre 2003

3 518

13

0,3

36ème

C. Plaintes déposées devant les commissions de défense des droits de l'homme des États

249.En ce qui concerne les plaintes reçues par certaines des commissions de défense des droits de l'homme des États pendant la période allant de 1997 à 2003, on peut voir au tableau ci-dessous quelle a été la décision prise à leur sujet :

Commission des droits de l'homme de l'État de Colima

56 plaintes

Pour 24 plaintes, l'autorité n'est pas responsable

Pour 16 plaintes, il est formulé une recommandation (6 ne sont pas acceptées)

Pour 5 plaintes, il est dit qu'il n'y a pas violation des droits de l'homme

Pour 4 plaintes, leur dépôt est hors délai

Pour 3 plaintes, il est constaté que le plaignant n'a pas d'intérêt à faire valoir

Pour 2 plaintes, renvoi devant la Commission nationale

Pour 2 plaintes, manque de compétence de la Commission

Commission des droits de l'homme de l'État de Guanajuato

147 plaintes

Pour 126 plaintes, la décision est rendue pour d'autres causes

Pour 17 plaintes, il est formulé une recommandation

TOTAL : 143 plaintes

Commission des droits de l'homme de l'État de Nuevo León

175 plaintes

Pour 24 plaintes, il est formulé une recommandation

Commission des droits de l'homme de l'État de Querétaro

132 plaintes

Commission des droits de l'homme de l'État du Yucatán

9 plaintes

Pour 9 plaintes, il est formulé une recommandation

D. Observations, plans et défis à relever

250.L'une des critiques formulées par les organisations non gouvernementales que l'on peut tirer du diagnostic établi par le Haut-Commissariat aux droits de l'homme des Nations Unies consiste à dire que les chiffres exposés par la Commission nationale des droits de l'homme peuvent induire en erreur sur la véritable situation existant en la matière au Mexique, car la Commission nationale prend exclusivement pour point de départ le nombre de plaintes reçues et qualifiées par l'organisme comme relevant de la torture sans faire d'analyse de fond sur le système pénal qui revêt un caractère inquisitoire ni sur l'état de la législation et de l'administration qui autorise, voire favorise, la torture dans des proportions beaucoup plus fortes que celles qui sont indiquées. De même, on considère que les plaintes présentées devant la Commission nationale ne sont pas représentatives de la situation nationale puisque l'on ne tient pas compte des plaintes présentées devant les commissions locales.

251.Les organisations de la société civile indiquent aussi que, dans la pratique, les personnes portant plainte contre des faits de torture continuent de s'estimer menacées de sorte que les personnes qui seraient disposées à porter plainte et les victimes de torture ont peur des représailles dont elles pourraient faire l'objet. L'organisation non gouvernementale REDRESS affirme qu'au Mexique, il n'existe en général aucune confiance dans les autorités car les auteurs du délit de torture sont habituellement des fonctionnaires du ministère public lui-même qui est chargé d'enquêter sur les plaintes dont il est saisi.

252.Dans son rapport le Rapporteur spécial, sir Nigel Rodley, indique que cette situation explique la passivité que manifeste le plaignant lors de la procédure : il arrive que, parfois, l'auteur de la plainte ne se présente pas pour la ratifier ou s'abstient d'apporter des éléments de preuve lors de l'enquête.

E. Les mesures visant à garantir conseils et assistance aux victimes de torture

253.L'article 20 de la Constitution des États-Unis du Mexique reconnaît comme un droit que : "Dans tout procès pénal, la victime ou la personne lésée par une infraction quelconque puisse bénéficier de conseils juridiques, …". De même, aux termes de l'article 21 de la Constitution, "[L]es résolutions du ministère public en faveur d'un non-lieu et du désistement de l'action pénale peuvent être contestées par la voie juridictionnelle suivant les prescriptions de la loi."

254.L'État fédéral et les États de la Fédération ont pris des mesures pour garantir aux victimes de torture conseils et assistance juridiques. Au niveau fédéral, le Bureau du Procureur général de la République est tenu de :

Fournir à la victime des conseils juridiques et l'informer des droits que la Constitution politique établit en sa faveur ainsi que du déroulement de la procédure pénale.

Recueillir tous les éléments de preuve que la victime lui fournit dans l'exercice de son droit de concourir à la procédure.

Procéder aux formalités voulues pour identifier le responsable probable et imposer toutes les mesures voulues pour éviter que soit mise en danger l'intégrité physique et mentale de la victime.

Imposer les mesures voulues qui sont à sa disposition pour que la victime reçoive les soins médicaux et psychologiques d'urgence.

Demander à l'autorité judiciaire, quand l'opportunité en est établie, la réparation du préjudice et faire savoir à la victime qu'elle ne sera pas contrainte de se trouver face à face avec l'individu mis en examen.

255.Le 29 juillet 2004, le Bureau du Procureur général de la République a présenté à la quinzième conférence nationale des services du ministère public un projet de création d'un centre national de prise en charge des victimes d'enlèvement qui permettrait de décentraliser les services du Bureau du Procureur de la République et aurait pour objet de mettre en application la résolution 40/34 de l'Assemblée générale de l'ONU adoptée le 29 novembre 1985 en faveur de la Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d'abus de pouvoir.

256.Le centre en question aurait pour objet de fournir à la victime d'un enlèvement des avis et des conseils d'ordre juridique ainsi que les soins médicaux, psychologiques ou de caractère social dont elle peut avoir besoin. Ce projet complèterait les dispositions de l'article 20, paragraphe B de la Constitution politique des États-Unis du Mexique et permettrait aux victimes de délits de caractère fédéral d'accéder plus efficacement et plus rapidement au ministère public de la Fédération et de voir simplifier les procédures qui se déroulent devant lui.

257.Le 21 février 2000, la Commission nationale des droits de l'homme a mis en train le programme de prise en charge des victimes de la criminalité (sous le nom de "Províctima"), qui a pour objet d'apporter conseils et avis juridiques aux victimes ou aux personnes auxquelles il a été criminellement porté atteinte pour qu'elles puissent connaître leurs droits et puissent les faire valoir devant l'autorité compétente, et a aussi pour objet de diriger les victimes et les personnes lésées par des crimes et délits parmi lesquels figurent la privation illicite de liberté et la torture vers les institutions publiques et privées du pays qui assurent une prise en charge médicale, psychologique et fournissent une assistance sociale de façon à soigner les personnes en question jusqu'à leur rétablissement intégral.

A rticle 14 ( Indemnisation et réparation du délit)

A. Un amendement à la Constitution politique des États-Unis du Mexique

258.Le 14 juin 2002, a été publié au Journal officiel de la Fédération un amendement apporté à l'article 113 de la Constitution qui est entré en vigueur le 1er janvier 2004 et qui dispose que l'État est tenu de réparer le préjudice. Le premier paragraphe de l'article 113 n'est pas modifié et s'énonce comme suit :

"Les lois portant sur les responsabilités administratives définissent les obligations des agents de la fonction publique et ont pour objet de préserver la légalité, l'honneur, la loyauté, la partialité et l'efficacité dont ces agents doivent faire preuve dans l'exercice de leurs fonctions, dans leur emploi, leurs charges et leurs missions; les mêmes lois définissent aussi les sanctions applicables pour les actes criminels ou les omissions dont ces agents peuvent se rendre coupables dans l'exercice de ces fonctions ainsi que les procédures prévues et les autorités qui vont en assurer le déroulement. Lesdites sanctions, en sus de celles que définissent les lois en question, sont des mesures de suspension, de renvoi et d'interdiction d'exercer et sont également des sanctions économiques et elles doivent être fixées en rapport avec les avantages économiques que l'auteur du délit a retirés de celui-ci et avec les préjudices et dommages économiques imputables à leurs actes criminels ou omissions qui sont évoqués à la section III de l'article 109, mais ces sanctions ne pourront être supérieures à trois fois le montant des avantages obtenus ou des préjudices causés."

Le second paragraphe qui correspond à l'amendement apporté à la disposition et est entré en vigueur le 1er janvier 2004 s'énonce comme suit :

"La responsabilité de l'État pour les préjudices causés par lui du fait d'irrégularités commises dans son activité administrative aux dépens des biens ou des droits des particuliers est objective et directe. Les particuliers auront droit à une indemnisation répondant aux bases, plafonds et procédures définis par la loi."

259.Sous l'effet de cet amendement, la Constitution dispose désormais que la responsabilité encourue par l'État pour les actions de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions est prouvée par le préjudice causé aux biens ou aux droits des particuliers par les irrégularités de l'activité administrative, à la différence de la réglementation actuelle en matière civile en vertu de laquelle la responsabilité de l'État est subordonnée à la preuve que les agents de la fonction publique ont commis des irrégularités.

260.L'article transitoire prévu par la réforme de la Constitution fait obligation à la Fédération et aux États de la République d'établir les règlements d'application de l'article 113 de la Constitution des États-Unis du Mexique.

261.Il importe de signaler qu'avec l'entrée en vigueur de cette nouvelle législation, il est dérogé à la disposition de l'article 1927 du code civil fédéral, en vertu duquel l'État est responsable des dommages causés par ses agents dans l'exercice de leurs fonctions. L'État (c'est-à-dire à proprement parler la nation) étant une personne morale, il doit réparer les dommages et les préjudices causés par ses organes; mais cette responsabilité-là est en pareil cas subsidiaire.

B. La réparation du dommage dans la législation fédérale

262.Le code pénal fédéral dispose à l'article 30 que réparer le dommage consiste à restituer l'objet obtenu au moyen du délit et, en cas d'impossibilité, consiste à payer le prix de l'objet. De même, le code pénal fédéral prévoit d'indemniser le dommage matériel et moral causé, y compris de payer les traitements curatifs dont la victime pourrait avoir besoin à la suite du délit pour recouvrer la santé. Dans les cas d'infraction portant atteinte à la liberté et au développement psychosexuel normal et dans les cas de violence intrafamiliale, la réparation comprend en outre le paiement des traitements psychothérapeutiques dont la victime peut avoir besoin et l'indemnisation des préjudices causés.

263.Le code pénal fédéral indique également à l'article 31 qu'en ce qui concerne les cas où le dommage à réparer a été commis par imprudence, le pouvoir exécutif de l'Union, sans préjudice de la décision que prendra l'autorité judiciaire, décide réglementairement sous quelle forme administrative il sera garanti par voie d'assurance particulière qu'il y aura bien réparation.

264.De son côté, la loi fédérale visant à prévenir et à réprimer la torture dispose en son article 10 que "quiconque se rend coupable des infractions visées dans la présente loi est tenu de prendre à sa charge les frais d'assistance juridique, les frais médicaux et funéraires, les coûts de la réadaptation ou les frais de toute autre nature engagés par la victime ou par sa famille à la suite de l'infraction. L'auteur des infractions est également tenu de réparer le préjudice et de verser une indemnité à raison des dommages causés à la victime ou aux personnes à sa charge dans les cas suivants :

I.décès;

II.atteinte à la santé;

III.perte de la liberté;

IV.perte de revenus économiques;

V.incapacité de travail;

VI.perte de biens ou atteinte à la propriété;

VII.atteinte à la réputation…"

C. La réparation du préjudice dans les États de la Fédération

265.Divers États de la Fédération se sont dotés de mécanismes de prise en charge des victimes, notamment les États suivants : Aguascalientes, Durango, Guanajuato, Guerrero, Oaxaca, Puebla, Quintana Roo, Sinaloa, Sonora, Veracruz et Yucatán. Lesdits mécanismes consistent à fournir les conseils juridiques, l'aide médicale psychologique et sociale et le soutien destiné à obtenir la réparation du préjudice, à garantir la protection physique ou la sécurité dans les cas où cela s'impose, et le soutien nécessaire à l'obtention d'un emploi.

266.S'agissant de l'État de Puebla, par exemple, en vertu des articles 1, 2, 12, sections I et II de la loi assurant la protection des victimes de la criminalité, le Bureau du Procureur général de justice de l'État est en mesure de fournir à la victime ou à la personne lésée par des faits de torture la prise en charge médicale d'urgence ainsi que les soins psychothérapeutiques nécessaires.

D. Observations, plans et défis à relever

267.L'organisation non gouvernementale Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT) estime que les difficultés de caractère général en matière de réparation du préjudice qui se font sentir dans le système juridique mexicain se manifestent tout particulièrement dans les affaires de torture puisque, par exemple, le concept de victime ne s'étend pas aux victimes indirectes étant donné que celles-ci ne peuvent exclusivement bénéficier d'une réparation qu'à la condition que la victime directe décède.

268.De même, cette organisation constate que le législateur n'a pas indiqué clairement les délais de la prescription applicable à l'action civile en réparation du préjudice et que la portée de ces délais varie avec la législation en vigueur, locale ou fédérale. La même ONG fait savoir qu'en général, la réparation du préjudice est entendue comme une indemnisation, même si elle comprend le traitement médical et le traitement en vue de la réadaptation, et elle ne tient pas compte d'autres éléments fondamentaux d'une réparation à proprement parler comme la garantie de non répétition.

A rticle 15 (Nullité des déclarations faites sous la torture)

A. Le cadre normatif

269.L'article 20 de la Constitution dispose à la section A, paragraphe III :

"Dans tout procès pénal, l'inculpé bénéficie des garanties suivantes :

II.L'inculpé ne peut pas être contraint de faire une déclaration. Toute mise au secret, intimidation ou torture est interdite et réprimée par la loi pénale. Les aveux faits devant toute autorité autre que le ministère public ou le juge, ou devant ceux-ci sans l'assistance du défendeur, n'ont aucune valeur de preuve;…"

270.Dans le même ordre d'idées, la loi fédérale visant à prévenir et réprimer la torture dispose que tous aveux faits devant le ministère public sans la présence d'un avocat ou d'une personne de confiance du mis en examen sont dénués de toute valeur probante.

B. Les critères judiciaires

271.Le cadre juridique en place établit un haut niveau de protection en faveur de l'auteur présumé du délit en vertu duquel tous aveux obtenus sous la contrainte ou sans la présence du conseil sont nuls, mais certains autres critères judiciaires ne témoignent pas du même niveau de protection. D'après la jurisprudence des tribunaux collégiaux de circuit établie postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi fédérale visant à prévenir et réprimer la torture, quand des aveux sont obtenus au moyen de violences physiques ou mentales mais sont corroborés par d'autres moyens de preuve, l'autorité judiciaire est tenue de leur accorder valeur probante.

272.D'autre part, les tribunaux collégiaux de circuit ont réaffirmé le principe de l'immédiateté des éléments de preuve, en vertu duquel les premières déclarations faites par un inculpé devant le ministère public ont plus de force probante que les déclarations faites devant l'organe juridictionnel.

273.Ce critère revêt encore plus d'intérêt si l'on tient compte du fait que, conformément à la Constitution, les personnes détenues par le ministère public peuvent rester jusqu'à 48 heures à la disposition de ses agents. Comme nous l'avons déjà dit, l'une des préoccupations dont font état certaines organisations de la société civile et des mécanismes internationaux de protection des droits de l'homme tient à ce que, pendant ce laps de temps, les personnes détenues ne sont pas accompagnées à tout moment par un conseil ou une personne de confiance, d'autant que l'on continue de signaler des cas où le détenu est maintenu en isolement pendant un temps fort long de sorte que, quand finalement ce détenu a accès à un conseil ou peut entrer en contact avec une personne de confiance, il n'a pratiquement plus le temps de s'entretenir avec eux avant de faire sa première déclaration. L'idée à retenir est que le problème, ici, tient à ce que l'auteur présumé du délit ne se voit pas donner régulièrement les garanties nécessaires à sa défense.

1. Les conditions auxquelles les aveux ont valeur de preuve

274.Le pouvoir judiciaire dit que, pour avoir pleine valeur probante, les aveux doivent être prouvés et être vraisemblables. Les tribunaux collégiaux de circuit ont sur le plan de la doctrine soutenu que la constatation médicale des lésions d'un prévenu ne suffit pas à prouver que des aveux ont été obtenus sous la torture, et cela d'autant plus si la torture n'est pas corroborée par d'autres moyens de preuve.

275.D'une autre doctrine des tribunaux collégiaux de circuit il découle que les aveux judiciaires de l'inculpé, même s'ils ont valeur de preuve indiciaire, ne suffisent pas en soi à fonder la pleine responsabilité pénale de l'inculpé pour l'acte illicite qui lui est reproché; c'est pourquoi les aveux doivent, pour acquérir pleine valeur probante, être corroborés par d'autres moyens de preuve emportant la conviction qui renforcent ces aveux et les rendent crédibles.

C. Observations, défis à relever et plans

276.Le Rapporteur spécial sur la question de la torture signale que, parmi les moyens de preuve qui peuvent corroborer des aveux obtenus sous la torture figurent notamment les aveux d'un complice ou d'un coauteur qui peuvent avoir été obtenus, eux aussi, sous la contrainte. De même, le Rapporteur spécial signale que la charge de la preuve en ce qui concerne les aveux faits sous la torture, dans le système pénal mexicain, incombe toujours à l'inculpé, lequel doit non seulement prouver les violences dont il a été victime mais encore apporter des éléments de preuve ôtant tout leur poids aux moyens présentés par le ministère public, lequel fait parfois état d'aveux émanant d'un autre mis en examen.

277.À cet égard, l'organisation non gouvernementale ACAT fait observer que la victime de faits de torture doit engager une procédure distincte dans laquelle elle a caractère de victime; mais, pour aboutir à la décision voulue de manière indépendante, cette procédure n'aura strictement aucun lien avec la première, à moins qu'il soit prononcé une décision ferme qui établit que le mis en examen (la victime dans le cadre de la seconde procédure) a été contraint aux aveux sous la violence.

278.Par ailleurs, le Rapporteur spécial sur la torture de la Commission des droits de l'homme, Sir Nigel Rodley, indique en s'appuyant sur les renseignements communiqués par des organisations non gouvernementales que, dans la pratique, les juges se servent de critères d'évaluation pour définir s'il y a eu ou non torture. Pour les juges, si les lésions corporelles de la personne inculpée mettent moins de 15 jours à guérir, il ne faut pas les considérer comme résultant de faits de torture parce que les lésions ne correspondent pas à des douleurs ou souffrances graves.

279.À la suite de la recommandation formulée par la Commission interaméricaine des droits de l'homme et des recommandations formulées également par le Rapporteur spécial sur la torture et le Comité des droits de l'homme qui vont dans le même sens, l'initiative présentée par le pouvoir exécutif fédéral consiste à apporter un amendement à la Constitution tendant à ce que seuls les aveux faits devant un juge en présence du défenseur de l'accusé aient valeur probante pour la décision à rendre et tendant à supprimer par ailleurs la faculté conférée au ministère public de recueillir des déclarations faites hors la présence du juge.

A rticle 16 ( Interdiction des traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants)

280.Comme il est indiqué dans les renseignements donnés dans les chapitres précédents, il existe au Mexique divers textes juridiques qui protègent l'individu contre les comportements qui, sans être à proprement parler des actes de torture, sont des infractions aux droits de l'homme et portent atteinte à la dignité et à l'intégrité physique et émotionnelle. Il convient de souligner que la Commission de la politique gouvernementale, à travers l'étude et le suivi des 25 mesures de lutte contre la torture adoptées par la Sous-commission des droits civils et politiques, tente d'établir une définition du concept ainsi que les caractéristiques du syndrome de torture psychologique.

281.En ce qui concerne les dispositions de la législation qui évoquent la pratique des traitements et peines cruels ne correspondant pas à la torture proprement dite, il convient de signaler que les articles 328 et 330 du code de justice militaire visent le délit de violences contre la personne qui sont à même de provoquer des lésions, voire l'homicide, sans préjudice de l'applicabilité de la loi fédérale visant à prévenir et réprimer la torture au titre des dispositions de l'article 58 du même code militaire.

A. Le consentement informé

282.Le règlement de la loi générale relative à la santé définit le consentement informé comme étant "l'accord écrit par lequel le sujet de l'enquête ou, le cas échéant, son représentant légal autorise sa participation à ladite enquête en étant parfaitement au courant de la nature des traitements et des risques auxquels il s'expose, en jouissant de la capacité de libre choix et sans subir la moindre contrainte." Pour que ledit consentement soit censé exister, il faut faire savoir à la personne en cause qu'elle doit accepter i) la justification et les objectifs de l'étude exploratoire; ii) les traitements à subir, étant entendu qu'on dit clairement lesquels d'entre eux ont un caractère expérimental; iii) les troubles ou les risques qui sont imputables à ces traitements; iv) les avantages escomptés; v) les autres traitement éventuels de substitution; vi) l'intéressé a en outre la liberté de retirer ce consentement à tout moment et a aussi vii) la garantie qu'il ne sera pas identifié et que les renseignements concernant sa personne resteront strictement confidentiels.

283.En dépit de ce règlement, la Commission nationale d'arbitrage médical continue d'être saisie de plaintes portant sur le manque d'information des patients dans les centres de santé publics et privés. Par exemple, entre janvier et février 2004, il a été enregistré six irrégularités de ce type ce qui équivaut à peu près à 10 % du nombre total de plaintes présentées pendant la période.

284.De même, conformément à l'accord en vertu duquel sont énoncées les directives institutionnelles aux fins de l'application du diagnostic médico/psychologique spécialisé pour les cas éventuels de torture et/ou de mauvais traitements, diagnostic que nous avons déjà évoqué, il est indispensable d'avoir le consentement informé de la victime présumée de faits de torture avant d'établir les preuves médicales de ces faits dans le cadre dudit diagnostic.

B. Observations, plans et défis à relever

285.En vertu des amendements à la Constitution qui intéressent les droits de l'homme et sont proposés par le pouvoir exécutif, il est prévu de modifier notamment les articles 14 et 22 de la Constitution pour supprimer de façon définitive la peine de mort, laquelle sera considérée comme un traitement cruel, inhumain ou dégradant qui figurera désormais à l'article 22, lequel se lira comme suit :

"Sont interdites la peine de mort, les peines de mutilation et les peines infamantes, la flagellation, la bastonnade, la torture de quelque sorte qu'elle soit, l'amende excessive, la confiscation des biens et toutes autres peines inusitées et aux conséquences graves."

A rticle 22 (Acceptation de la compétence du Comite pour recevoir des communications individuelles)

286.Le 15 mars 2002, pour donner expressément effet aux recommandations du Comité, l'État mexicain a déposé son instrument d'acceptation par lequel il déclare, conformément à l'article 22 de la Convention, qu'il reconnaît la compétence du Comité pour recevoir et examiner les communications présentées par des particuliers relevant de sa juridiction ou pour le compte de ces particuliers qui prétendent être victimes d'une violation par un État partie des dispositions de la Convention. L'instrument a été publié au Journal officiel de la Fédération le 3 mai de la même année.

II. COMPLÉMENT D'INFORMATION DEMANDE PAR LE COMITE

287.En ce qui concerne les inquiétudes exprimées par le Comité au cours de l'examen du dernier rapport périodique présenté par le Mexique, il convient de souligner que tout au long du présent document il leur a été donné réponse sur plusieurs points.

288.Toutefois, il y a lieu de souligner que les principaux progrès enregistrés par rapport aux questions du Comité concernent le droit à la réparation du préjudice, c'est-à-dire l'amendement qu'il est envisagé d'apporter à l'article 113 de la Constitution, que nous avons analysé en étudiant le mode d'application de l'article 14 de la Convention et qui établit la responsabilité objective et directe de l'État. Une fois cet amendement adopté, la responsabilité de l'État pour les irrégularités administratives de ses agents sera prouvée par le préjudice causé aux biens ou aux droits des particuliers sous couvert de l'irrégularité administrative dont il s'agit, à la différence de la réglementation actuelle en matière civile laquelle stipule que la responsabilité de l'État est subordonnée à la preuve de l'irrégularité commise par le fonctionnaire dont il s'agit (voir les paragraphes 243 à 246 ci-dessus).

289.De même, l'autonomie de la Commission nationale des droits de l'homme dont il est question dans la section ci-dessus relative aux mesures législatives adoptées aux fins de l'article 2 de la Convention représente un autre progrès important. L'amendement qui a été publié le 13 septembre 1999 au Journal officiel de la Fédération et a été apporté au paragraphe B de l'article 102 de la Constitution consiste à faire de la Commission nationale des droits de l'homme un organisme doté de l'autonomie de gestion et de l'autonomie financière ainsi que de la personnalité juridique et de son propre patrimoine. Sa finalité essentielle est de protéger, respecter, promouvoir, étudier et faire connaître les droits de l'homme définis dans l'ordre juridique mexicain. En vertu du même amendement, c'est le Sénat qui est investi de la direction de la Commission nationale des droits de l'homme, ce qui garantit son autonomie totale par rapport au pouvoir exécutif.

290.Par ailleurs, la réforme du système de justice présentée par le pouvoir exécutif fédéral et évoquée ci-dessus aux paragraphes 99 à 102 et 108 représente également un des principaux instruments donnant réponse à certaines des préoccupations du Comité.

III. LA SUITE DONNÉE AUX RECOMMANDATIONS DU COMITE

291.Le gouvernement mexicain a fait porter son action sur les suites à donner aux recommandations formulées par le Comité, d'où d'importants progrès en ce qui concerne la prévention de la torture, la lutte contre la torture et la répression de la torture. L'action menée par le gouvernement mexicain qui s'inspire ainsi des recommandations du Comité est décrite tout au long du présent rapport.

292.Les recommandations formulées par le Comité à partir de l'examen du dernier rapport périodique présenté par le Mexique sont les suivantes :

Mise en place de mécanismes effectifs de contrôle permettant de vérifier que les agents de l'État, les organes responsables de l'administration de la justice et de l'application de la loi, en particulier le Bureau du Procureur général de la République et tous ses personnels ainsi que le pouvoir judiciaire lui-même s'acquittent dûment de leurs devoirs et observent les interdictions qui leur sont faites, afin d'assurer le respect des nombreuses mesures législatives en vigueur au Mexique pour éliminer la torture et imposer des sanctions pénales et administratives aux contrevenants.

293.Voir dans le présent rapport ce qu'a été l'action menée dans les exposés concernant les articles 2 et 4 de la Convention.

Il faut conférer aux commissions des droits de l'homme les pouvoirs nécessaires pour engager une action pénale dans les cas de violations graves des droits de l'homme, notamment dans les cas de plaintes pour torture.

294.Il a certes été pris d'importantes mesures pour renforcer les organismes dont il s'agit mais la Commission nationale des droits de l'homme et les commissions homologues dans les États n'ont pas la compétence voulue ni le pouvoir d'intervenir dans les procédures pénales; elles ont néanmoins pour fonction de formuler des recommandations, de leur donner suite et de vérifier qu'elles sont exécutées (voir l'exposé relatif à l'article 13 de la Convention).

Il faut renforcer les programmes d'information et de formation visant plus particulièrement les fonctionnaires chargés de l'administration de la justice et de l'application de la loi ainsi que le personnel médical, et faire figurer dans ces programmes un volet portant sur l'interdiction de la torture.

295.Dans la période à l'examen dans le présent rapport, il a été mené des actions importantes dans ce même sens (voir l'exposé relatif à l'article 10 de la Convention).

Il faut mettre au point des mécanismes d'information sur les droits des détenus qui doivent être portés immédiatement et directement à la connaissance des personnes en état d'arrestation par les agents qui procèdent à l'arrestation et qui doivent être aussi affichés dans tous les lieux de détention et dans tous les bureaux du ministère public et dans les tribunaux.

296.À la suite de ces recommandations du Comité il a été mené sur tout le territoire national des actions dans ce domaine (voir l'exposé relatif à l'article 11 de la Convention).

Le Comité recommande à l'État partie d'envisager de faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention.

297.Le 15 mars 2002, pour donner expressément effet aux recommandations du Comité, l'État mexicain a déposé son instrument d'acceptation par lequel il déclare, conformément à l'article 22 de la Convention, qu'il reconnaît la compétence du Comité pour recevoir et examiner les communications adressées par des personnes soumises à sa juridiction ou en leur nom qui soutiennent être victimes de violation des dispositions de la Convention par un État partie.

Le Comité appelle l'attention de l'État partie sur l'opportunité de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les questions intéressant le Comité en les présentant à l'échelle du District fédéral et à l'échelle des États. Le Comité souhaiterait plus particulièrement connaître :

a) Le nombre de plaintes pour violations des droits de l'homme en général et pour torture en particulier avec les décisions prises à cet égard par les commissions des droits de l'homme ou destinées aux commissions des droits de l'homme (voir l'exposé relatif à l'article 13 de la Convention).

b) Les enquêtes préliminaires menées sur les allégations de torture, les cas dans lesquels une action pénale a été engagée et les affaires dans lesquelles un jugement définitif a été rendu, que la décision ait été l'acquittement ou la condamnation et, quand il y a eu condamnation, les peines prononcées (voir l'exposé relatif à l'article 13 de la Convention).

c) Les cas où la responsabilité effective d'agents de l'État auxquels des actes de torture avaient été imputés a été reconnue et les sanctions prises à leur encontre.

298.Voir les indications données au sujet de l'article 4 de la Convention.

IV. CONCLUSIONS

299.Le gouvernement mexicain estime qu'il a été réalisé des progrès importants dans la lutte contre la torture lesquels constituent un cadre favorable à l'éradication de cette pratique, tout en reconnaissant qu'il persiste dans notre pays une dichotomie marquée entre l'abondant arsenal juridique et administratif mis en place pour mettre fin à la torture d'une part, et, de l'autre, la réalité; c'est-à-dire que malgré les instruments internationaux que notre pays a signés et les mesures législatives et administratives qu'il a adoptées pour éradiquer la torture, celle-ci est toujours pratiquée au Mexique.

300.La législation en vigueur a constitué une démarche importante mais n'a pas suffi à combattre le problème. On constate que la société civile proteste de façon généralisée et constante contre l'incidence élevée des actes de torture et contre l'impunité dont jouissent leurs auteurs. C'est pourquoi au début de l'année il a été présenté deux initiatives importantes de réforme du système de justice en place au Mexique et de la Constitution mexicaine en matière de droits de l'homme, initiatives qui devraient sans aucun doute créer un climat propice au progrès pour ce qui concerne le défi à relever que constitue la lutte contre la torture et une administration efficace de la justice.

301.Pour le gouvernement en place, la politique d'ouverture, de transparence et de consolidation des voies de dialogue et de communication avec les mécanismes et les comités internationaux de défense des droits de l'homme et les visites des experts internationaux dans ce domaine joue désormais un rôle extrêmement important dans la prise en charge des problèmes liés aux droits de l'homme. Les recommandations et les concours de ces mécanismes ont des effets positifs sur les institutions nationales et c'est uniquement de cette façon qu'il est possible de favoriser le changement structurel dont le pays a besoin.

302.Le gouvernement mexicain continuera de chercher à assurer une harmonisation adéquate de la législation et des procédures administratives et continuera aussi de promouvoir une culture favorisant l'éradication de la pratique de la torture et de coopérer avec les mécanismes internationaux des systèmes de protection des droits de l'homme car il reconnaît le rôle joué par ces mécanismes dans ce domaine.

303.Divers experts s'accordent à dire qu'aujourd'hui, le Mexique est face à une situation où règne un sentiment public d'insécurité due à la délinquance de droit commun qui, tout comme dans beaucoup de pays du monde entier, a augmenté rapidement comme il en allait par ailleurs de l'évolution économique et politique. Les secteurs du public qui sont atteints réclament une action ferme de la part de l'autorité. Faire face à ces problèmes représente un défi considérable à relever pour tout gouvernement. Mais il s'impose à tout État de droit, s'il veut pouvoir bénéficier de ce qualificatif, d'affronter les problèmes en question sans recourir à des méthodes criminelles comme celle de la torture.

304.Le gouvernement mexicain a conscience que c'est uniquement grâce à l'éradication de la torture qu'il sera possible de protéger efficacement la dignité et l'intégrité de tous. Il ne fait pas de doute que la protection de l'être humain et son développement intégral constituent la finalité et l'objet même de l'État de droit, c'est-à-dire qu'aucune démocratie ne saurait autoriser la torture dans aucune circonstance.