CERD

Convention internationale

sur l’élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.

GÉNÉRALE

CERD/C/304/Add.120

27 avril 2001

FRANÇAIS

Original: ANGLAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DELA DISCRIMINATION RACIALECinquante‑huitième session6‑23 mars 2001

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Conclusions du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Géorgie

1.Le Comité a examiné le rapport initial de la Géorgie (CERD/C/369/Add.1), qui devait être présenté le 2 juillet 2000, durant sa cinquante‑huitième session, à ses 1453e et 1454e séances (CERD/C/SR.1453 et CERD/C/SR.1454), tenues les 15 et 16 mars 2001. À sa 1462e séance, tenue le 22 mars 2001, il a adopté les conclusions suivantes.

A. Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial soumis par l’État partie et les renseignements supplémentaires fournis oralement par la délégation et se félicite d’avoir pu établir un dialogue avec l’État partie. Il salue la qualité du rapport, qui est conforme aux principes directeurs pour l’élaboration des rapports établis par le Comité. Il considère comme très positif le fait que l’État partie ait présenté le rapport dans un délai d’une année après la ratification de la Convention.

B. Facteurs et difficultés entravant l’application de la Convention

3.Le Comité reconnaît que la Géorgie a été confrontée, depuis l’indépendance, à des conflits ethniques et politiques en Abkhazie et en Ossétie du Sud. Faute d’autorité gouvernementale suffisante, il est difficile pour l’État partie d’exercer, dans ces régions, sa compétence en matière de protection des droits de l’homme et de mise en œuvre de la Convention.

4.En outre, les situations en Ossétie du Sud et en Abkhazie ont entraîné une discrimination à l’encontre de personnes d’origines ethniques différentes, notamment d’un grand nombre de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays et de réfugiés. À maintes reprises, l’attention a été appelée sur le fait que les autorités abkhazes font obstruction au retour librement consenti des populations déplacées, et plusieurs recommandations ont été formulées par le Conseil de sécurité en vue de faciliter la libre circulation des réfugiés et des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays.

C. Aspects positifs

5.Le Comité note avec satisfaction que, malgré les difficultés résultant des conflits en Abkhazie et en Ossétie du Sud et les problèmes liés à la période de transition politique, l’État partie a accompli des progrès importants dans les réformes législatives. Il note avec intérêt que la Géorgie a ratifié un grand nombre d’instruments internationaux et régionaux des droits de l’homme.

6.Le Comité note également avec satisfaction que, une fois ratifiée, la Convention internationale pour l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, comme d’autres instruments internationaux, est devenue partie intégrante du droit interne de l’État partie et peut être invoquée directement devant les tribunaux.

7.Le Comité se félicite de la création de diverses institutions de promotion et de protection des droits de l’homme, comme le Médiateur et la Commission des droits de l’homme et des relations ethniques. Il note avec un intérêt particulier la création de la Commission de l’intégration civile, qui est chargée expressément de traiter des problèmes liés aux minorités. À cet égard, le Comité relève avec intérêt la déclaration faite par la délégation durant le dialogue avec le Comité, selon laquelle la Commission de l’intégration civile œuvre à l’élaboration de la notion d’intégration civile en Géorgie, qui s’appliquerait à plusieurs lois relatives aux minorités nationales, portant notamment sur le droit à pratiquer sa langue maternelle. Le Comité se félicite également de la création de commissions des droits de l’homme dans de nombreux sakrebulo(organes élus des autorités locales).

D. Sujets de préoccupation et recommandations

8.Le Comité note qu’il est tenu compte, dans la Constitution, des dispositions de l’article 2 de la Convention. Cependant, le Comité regrette l’insuffisance des informations fournies sur les mesures que doit prendre l’État partie pour assurer l’application effective de la Convention. En Outre, le Comité regrette que, bien qu’il soit fait état dans le rapport de la condamnation par l’État partie, de la discrimination raciale sous toutes ses formes, la ségrégation raciale et l’apartheid ne soient pas expressément condamnés comme le prévoit l’article 3 de la Convention.

9.Tout en notant l’information selon laquelle la Constitution contient des dispositions visant à assurer le développement et la protection des minorités et à leur garantir le plein exercice, dans des conditions d’égalité, des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Comité est préoccupé par le fait que le Parlement n’ait pas été en mesure, en 1994, d’adopter une loi spéciale sur les minorités nationales. Prenant note de l’information fournie par la délégation concernant les objectifs de la Commission de l’intégration civile à cet égard, le Comité encourage l’État partie à continuer à soutenir pleinement ce processus et à adopter une législation sur les minorités.

10.Il est noté avec préoccupation que la législation actuellement en vigueur en Géorgie ne donne pas totalement effet aux prescriptions de l’article 4 de la Convention. Le Comité s’inquiète de l’absence de dispositions interdisant explicitement l’appel à la haine nationale, raciale et religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, ainsi que la propagande et les organisations racistes. Le Comité estime que la législation nationale actuellement en vigueur n’est pas pleinement conforme aux dispositions de l’article 4 b; en effet, les dispositions du paragraphe 2 de l’article 5, de la loi de l’État partie sur les associations politiques de citoyens réprimant les actes consistant à «fomenter des dissensions ethniques, locales, religieuses ou sociales» restent en deçà des prescriptions de l’article 4 b qui s’appliquent à l’encouragement et à l’incitation à la discrimination raciale. Le Comité souligne que, lorsque la discrimination raciale ne constitue pas une infraction spécifique, elle ne tombe pas forcément sous le coup de la loi et il peut donc être difficile d’engager des poursuites contre les auteurs de tels actes. Le Comité recommande que l’État partie prenne des mesures pour mettre la législation nationale en pleine conformité avec l’article 4 de la Convention.

11.En ce qui concerne l’article 142 1) du nouveau Code pénal, qui traite de l’atteinte à l’égalité des droits pour des raisons de race, de couleur, de langue, de sexe, d’origine nationale, ethnique, sociale, ou de classe, le Comité est préoccupé par le fait que cette disposition n’est applicable que si l’atteinte à l’égalité des droits entraîne une grave violation des droits de l’homme. Le Comité note la déclaration faite par la délégation selon laquelle il faudrait étudier sérieusement la possibilité de réexaminer cette disposition et il encourage l’État partie à prendre les mesures nécessaires à cet effet.

12.Le Comité recommande que l’État partie fasse figurer dans les prochains rapports périodiques des statistiques sur les affaires dans lesquelles les dispositions pertinentes du Code civil et du Code pénal ont été appliquées. Le Comité rappelle à l’État partie que l’absence de plaintes et d’action en justice de la part des victimes de discrimination raciale pourrait signifier que les citoyens ne sont pas conscients des voies de recours existant ou résulter de l’absence d’une législation spécifique appropriée. Il est donc essentiel de prévoir de telles dispositions dans la législation nationale et d’informer le public de toutes les voies de recours disponibles.

13.S’agissant de la mise en œuvre de l’article 5, le Comité exprime sa préoccupation quant à la sous‑représentation des minorités ethniques au Parlement. Le Comité note avec inquiétude les obstacles existant à la participation des minorités aux institutions politiques, par exemple le fait que la participation des minorités aux organes exécutifs locaux est limitée par le manque de connaissance du géorgien. Le Comité recommande que l’État partie prenne toutes les mesures nécessaires pour accroître la représentation des minorités nationales au Parlement et dans les organes locaux.

14.Le Comité prend note de l’engagement pris par l’État partie de rapatrier les Meskhètes qui avaient été expulsés de Géorgie du Sud vers les républiques d’Asie centrale de l’Union soviétique. Le Comité recommande que l’État partie prenne les mesures nécessaires pour faciliter le retour des Meskhètes dans le pays et leur permettre d’obtenir la nationalité géorgienne.

15.Exprimant sa satisfaction quant aux mesures positives prises par l’État partie pour créer des institutions nationales de protection des droits de l’homme, le Comité demande que, dans son prochain rapport périodique, l’État partie fournisse des informations supplémentaires sur le rôle, et les responsabilités des institutions nationales comme la Commission de l’intégration civile, la Commission des droits de l’homme et des relations ethniques et l’Ombudsman et leur contribution au suivi des obligations découlant des traités et en particulier pour ce qui est des activités menées en faveur de l’intégration des minorités et de la promotion des droits de l’homme.

16.Le Comité note l’absence de dispositions concernant les apatrides et encourage l’État partie à prendre des mesures appropriées pour remédier à cette situation.

17.Le Comité recommande à l’État partie de rendre publics ses rapports périodiques et les présentes conclusions du Comité. Le Comité recommande également que soit diffusé le texte de la Convention et que soient organisés des programmes d’éducation et de formation à l’intention de tous les secteurs de la société et en particulier des responsables de l’application des lois, portant sur les droits de l’homme en général et les dispositions de la Convention en particulier.

18.Il est noté que l’État partie n’a pas fait la déclaration prévue à l’article 14 de la Convention, et le Comité recommande que cette possibilité soit envisagée.

19.Le Comité recommande que l’État partie ratifie les amendements au paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention, adoptés le 15 janvier 1992 à la quatorzième Réunion des États parties.

20.Le Comité recommande également que l’État partie présente en un seul rapport ses deuxième et troisième rapports périodiques, ce dernier devant être présenté le 2 juillet 2004, et que ce rapport traite de toutes les questions soulevées durant l’examen du rapport initial.

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