NATIONS

UNIES

CERD

Convention internationale

sur l'élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.

GÉNÉRALE

CERD/C/304/Add.101

19 avril 2000

FRANÇAIS

Original : ANGLAIS

COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALECinquante-sixième session6-24 mars 2000

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIESCONFORMÉMENT À L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Conclusions du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale

Australie

1.Le Comité a examiné les dixième, onzième et douzième rapports périodiques de l'Australie, présentés en un seul document (CERD/C/335/Add.2), à ses 1393ème, 1394ème et 1395ème séances (CERD/C/SR.1393, 1394 et 1395) tenues les 21 et 22 mars 2000. À sa 1398ème séance, tenue le 24 mars 2000, il a adopté les conclusions suivantes.

A. Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction les rapports soumis par l'État partie et les renseignements complémentaires apportés oralement et par écrit par la délégation, tout en déplorant la communication tardive des dixième et onzième rapports périodiques. Il se félicite de l'exhaustivité du rapport et de la présentation orale. Il a trouvé encourageant que le Gouvernement se soit fait représenter par une délégation de rang élevé et se déclare satisfait des réponses constructives données par ses membres aux questions posées.

3.Le Comité reconnaît que l'État partie a tenu compte de certaines des préoccupations et recommandations qu'il avait formulées dans ses conclusions sur le neuvième rapport périodique (A/49/18, par. 535 à 551).

B. Aspects positifs

4.Le Comité estime encourageante l'attention accordée par l'État partie aux obligations qui lui incombent en vertu de la Convention et au travail que lui‑même accomplit.

5.Le Comité note avec satisfaction les nombreuses mesures adoptées par l'État partie au cours de la période considérée (1992-1998) dans le domaine de la discrimination raciale, notamment pour mettre en œuvre les recommandations de la Commission royale d'enquête sur les décès d'aborigènes en détention. Il accueille avec satisfaction les multiples mesures législatives, arrangements institutionnels, programmes et politiques concernant la discrimination raciale, qui sont exposés en détail dans les dixième, onzième et douzième rapports, et notamment l'introduction d'un programme en faveur du multiculturalisme ("New Agenda for Multicultural Australia") et le lancement d'une campagne visant à favoriser l'harmonie ("Living in Harmony").

C. Sujets de préoccupation et recommandations

6.Le Comité se déclare préoccupé par l'absence, dans la législation australienne, de toute garantie solidement établie contre la discrimination raciale à laquelle aucune loi postérieure du Commonwealth, des États et des territoires ne pourrait porter atteinte.

7.Le Comité recommande une fois encore au gouvernement du Commonwealth de prendre les mesures appropriées pour garantir l'application systématique des dispositions de la Convention, conformément à l'article 27 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, à tous les niveaux du gouvernement, y compris des États et territoires, le cas échéant en passant outre, comme il en a le pouvoir, aux lois des territoires et pour ce qui est de la législation des États en usant du pouvoir qui est le sien dans le domaine des affaires extérieures.

8.Le Comité note, après avoir procédé à un nouvel examen en août 1999, des dispositions du Native Title Act (loi sur les droits fonciers autochtones) tel qu'amendé en 1998, que la délégation de pouvoir de légiférer sur le régime des "mesures ultérieures" s'est traduite par l'élaboration d'une législation des États et territoires mettant en place des régimes détaillés concernant les "mesures ultérieures" dont certaines dispositions réduisent encore plus la protection que la législation du Commonwealth accorde aux autochtones qui revendiquent la reconnaissance de leurs droits fonciers. Notant que le sénat australien a rejeté, le 31 août 1999, un régime de ce type, le Comité recommande que tout autre projet de loi des États et territoires fasse l'objet d'un examen aussi rigoureux pour que la protection des droits des autochtones ne soit pas encore réduite.

9.Le Comité se déclare préoccupé par l'action peu satisfaisante qui a fait suite à ses décisions 2 (54) (mars 1999) et 2 (55) (août 1999) et par le risque persistant d'une nouvelle atteinte aux droits des communautés autochtones de l'Australie. Le Comité réaffirme dans leur globalité ses décisions 2 (54) et 2 (55) et recommande une nouvelle fois à l'État partie de veiller à ce que les communautés autochtones participent effectivement aux décisions affectant leurs droits fonciers, conformément à l'article 5 c) de la Convention et à la recommandation générale XXIII du Comité, qui souligne l'importance d'obtenir le "consentement informé" des populations autochtones. Il recommande à l'État partie de fournir des informations complètes sur la question dans son prochain rapport périodique.

10.Le Comité note que le Comité parlementaire mixte sur les droits fonciers et le Fonds pour la terre des aborigènes et des insulaires du détroit de Torres mène actuellement une enquête sur la compatibilité de la loi de 1998 portant modification de la loi sur les droits fonciers autochtones avec les obligations internationales qui incombent à l'Australie en vertu de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Les résultats devraient aider l'État partie à reconsidérer sa réponse aux décisions 2 (54) et 2 (55). Le Comité invite l'État partie, conformément aux dispositions du paragraphe 1 de l'article 9 de la Convention, à lui transmettre le rapport du Comité parlementaire mixte lorsqu'il sera présenté.

11.Le Comité a accueilli avec satisfaction la création de la Commission des aborigènes et des insulaires du détroit de Torres ainsi que la nomination du Commissaire à la justice sociale pour les aborigènes et les insulaires du détroit de Torres au sein de la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances. Il craint toutefois que les changements introduits et envisagés concernant le fonctionnement des deux institutions aient un effet négatif sur l'exercice de leurs fonctions. Il recommande à l'État partie d'étudier attentivement les réformes institutionnelles proposées de manière à ce que ces organismes conservent leur capacité d'aborder sous tous leurs aspects les questions intéressant la communauté autochtone.

12.Tout en saluant les efforts notables qui ont été faits pour parvenir à la réconciliation, le Comité constate avec préoccupation que la communauté autochtone semble avoir perdu confiance dans le processus engagé. Il recommande à l'État partie de prendre les mesures appropriées pour s'assurer que ce dernier se fonde sur un engagement solide et une direction dynamique, de manière à déboucher sur une véritable réconciliation authentiquement acceptée tant par les autochtones que par l'ensemble de la population.

13.Le Comité prend note des conclusions de l'enquête nationale sur les enfants aborigènes et insulaires du détroit de Torres séparés de leur famille et est conscient des mesures prises pour faciliter la réunification familiale et améliorer les services de conseils et d'aide offerts aux victimes. Il estime préoccupant que le gouvernement du Commonwealth ne soit pas favorable à ce que des excuses soient officiellement présentées et qu'il ne juge pas adéquat de verser une indemnisation financière aux personnes qui ont été séparées par la force et de manière injustifiable de leur famille, au motif que ces pratiques étaient sanctionnées par la loi alors en vigueur et qu'elles devaient "aider les personnes auxquelles elles étaient appliquées". Le Comité recommande à l'État partie d'envisager la nécessité de réparer comme il convient les souffrances extrêmes qu'ont occasionnées ces pratiques de discrimination raciale.

14.Le Comité se félicite de l'adoption de la loi de 1995 sur la haine raciale qui interdit les injures, insultes, humiliations ou intimidations à caractère racial. Il recommande à l'État partie de poursuivre les efforts entrepris pour adopter une législation appropriée en vue de donner pleinement effet aux dispositions de l'article 4 a) de la Convention et de retirer la réserve qu'il avait émise à cet égard.

15.Le Comité note avec une vive préoccupation que le taux d'incarcération des autochtones est démesurément élevé par rapport à l'ensemble de la population. Il constate également avec inquiétude que la fourniture de services d'interprétation appropriés n'est pas toujours pleinement garantie aux autochtones durant la procédure pénale. Le Comité recommande à l'État partie de s'efforcer davantage de prendre des mesures efficaces pour lutter contre la marginalisation socioéconomique, pour supprimer la discrimination dans l'application des lois et pour pallier le manque de programmes extrajudiciaires.

16.Le Comité se déclare préoccupé par le système de peines minimales applicables aux délits mineurs contre les biens en Australie occidentale et en particulier dans le Territoire du Nord. Ces peines semblent viser des délits commis hors de toute proportion par des autochtones, en particulier des mineurs, ce qui a une incidence discriminatoire d'un point de vue racial sur leur taux d'incarcération. Le Comité a de sérieux doutes quant à la compatibilité de ces lois avec les obligations qui incombent à l'État partie en vertu de la Convention et il recommande à ce dernier de revoir toutes les lois et pratiques dans ce domaine.

17.Prenant note de certaines déclarations faites récemment par l'État partie au sujet des demandeurs d'asile, le Comité recommande à l'État partie d'appliquer scrupuleusement les dispositions de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés ainsi que de son Protocole de 1967, en vue de continuer de coopérer avec le HCR, conformément aux principes énoncés par ce dernier dans le "Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié".

18.Le Comité rend hommage aux efforts déployés pour allouer des crédits supplémentaires aux programmes pour les autochtones exécutés dans les domaines de la santé, du logement, de l'emploi et de l'éducation. Il demeure gravement préoccupé par l'étendue de la discrimination dont continuent de faire l'objet les Australiens autochtones dans la réalisation de leurs droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que par l'ampleur des inégalités dramatiques dont souffre toujours une population autochtone qui ne représente que 2,1 % de la population totale d'un pays industrialisé très développé. Le Comité recommande à l'État partie de veiller à dégager dans les plus brefs délais possibles des ressources suffisantes pour éliminer ces disparités.

19.Le Comité recommande à l'État partie de rendre ses rapports périodiques publics dès le moment où ils sont soumis et de diffuser de la même manière les conclusions du Comité.

20.Le Comité recommande que le prochain rapport périodique de l'État partie, qui doit être présenté le 30 octobre 2000, constitue une mise à jour et traite des questions soulevées dans les présentes observations.

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