NATIONS

UNIES

CERD

Convention internationale

sur l'élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.

GÉNÉRALE

CERD/C/304/Add.86

12 avril 2001

FRANÇAIS

Original : ANGLAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DELA DISCRIMINATION RACIALECinquante-cinquième session

Examen des rapports prÉsentés par les états partiesconformément à l’article 9 de la Convention

Conclusions du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Guinée

Le Comité a examiné les deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième, septième, huitième, neuvième, dixième et onzième rapports périodiques de la Guinée (document unique, voir CERD/C/334/Add.1) à ses 1366e et 1367e séances (voir CERD/C/SR.1366 et 1367), les 24 et 25 août 1999. À sa 1370e séance, le 26 août 1999, il a adopté les observations finales suivantes.

A.Introduction

Le Comité se félicite que la Guinée ait présenté son rapport et qu’elle ait fourni des renseignements supplémentaires dans son document de base (HRI/CORE/1/Add.80/ Rev.1) et oralement par l’intermédiaire de sa délégation. Le Comité se réjouit également de la reprise du dialogue avec l’État partie et juge encourageante sa volonté de poursuivre le dialogue comme moyen de faciliter l’application de la Convention en Guinée.

B.Obstacles à l’application de la Convention

Le Comité note qu’outre que la Guinée est un pays en développement, le programme d’ajustement structurel et l’arrivée massive de réfugiés originaires de la Sierra Leone, du Libéria et dernièrement de la Guinée-Bissau a eu des répercussions négatives sur le développement socioéconomique et culturel du pays et sur la protection de l’environnement et a fait obstacle à la pleine d’application de la Convention.

C.Aspects positifs

Le Comité juge encourageant le fait que la Guinée ait ratifié les six grands instruments relatifs aux droits de l’homme adoptés sous l’égide des Nations Unies et que sa Constitution, de même que sa législation interne, fasse une large place au respect de la dignité humaine, consacre le principe de l’égalité et interdise toute discrimination raciale.

Le Comité note avec satisfaction que la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et les autres instruments internationaux l’emportent sur le droit interne et ont force obligatoire pour les autorités judiciaires et autres de l’État.

Le Comité note également avec satisfaction que l’État partie, en coopération avec le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, a introduit une formation aux droits de l’homme à l’intention des forces de police conformément à sa recommandation générale XIII et a décidé de dispenser une formation à l’établissement des rapports destinés aux organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme.

Notant les répercussions qu’a eues l’arrivée des réfugiés, le Comité se félicite que l’État partie ait accepté d’accueillir sur son territoire plus d’un million de réfugiés et de demandeurs d’asile venus de pays voisins. À cet égard, le Comité note encore avec satisfaction que la législation interne de l’État partie assure une protection et un asile aux réfugiés qui ont quitté leur pays pour cause de discrimination raciale ou ethnique.

D.Principaux sujets de préoccupation

Ayant noté que la Constitution de l’État partie consacrait le principe de l’égalité et que la législation interne prévoyait que tous les actes de discrimination raciale étaient punis par la loi, le Comité s’inquiète toutefois de l’absence d’information portant sur l’application donnée aux articles 2 et 4 de la Convention, et notamment sur la façon dont ces principes sont appliqués aux juges, aux avocats et aux fonctionnaires.

Le Comité note que les articles 109 et 111 du Code pénal sont conformes à l’alinéa a) de l’article 4 de la Convention et que la Constitution tient compte de l’alinéa c) du même article, mais il s’inquiète de l’absence d’informa­tion concernant les autres alinéas de l’article 4.

Bien que le Comité reconnaisse l’importance de l’unité nationale et la nécessité d’éviter tout régionalisme au sein de l’État partie, il craint que les mesures prises dans ce domaine ne soient à l’origine d’une discrimination raciale.

Est jugée préoccupante l’absence d’information concernant l’application pratique de l’article 5 de la Convention. À cet égard, le Comité s’inquiète de la destruction par l’État de plus de 10 000 foyers dans le quartier de Conakry Ratoma dont les habitants appartiennent dans leur majorité au groupe ethnique de langue puular; des affrontements qui en ont résulté, au cours desquels huit personnes ont trouvé la mort et des tensions interethniques qui persistent dans ce secteur. Le Comité s’inquiète aussi de l’absence d’indemni­sation pour les personnes expropriées.

Le Comité juge particulièrement préoccupant le fait que l’évolution récente des secteurs tant publics que privés ait eu des répercussions plus graves sur certains groupes ethniques que sur d’autres.

Le Comité prend note des informations communiquées sur les mécanismes juridiques auxquels peuvent recourir les victimes d’actes de discrimination raciale. À cet égard et compte tenu de l’absence de plaintes pour discrimination raciale rapportée par l’État partie, l’attention est appelée sur le fait que l’absence de plaintes et de poursuites judiciaires par les victimes d’actes racistes n’est pas forcément un signe positif car elle peut être due à l’ignorance dans laquelle sont les victimes de tels actes des voies de recours juridiques qui leur sont ouvertes ou au fait que l’opinion publique n’est pas suffisamment informée de la protection contre la discrimination raciale que lui offre la Convention.

E.Suggestions et recommandations

En ce qui concerne les articles 2 et 4 de la Convention et afin de mieux évaluer l’application réelle de ces articles, le Comité souhaite que, dans son prochain rapport périodique, l’État partie lui donne un complément d’information sur la façon dont ces dispositions sont appliquées par les juges, les avocats et les fonctionnaires.

Pour ce qui est de la loi concernant les actes de régionalisme, le Comité encourage l’État partie à veiller à ce que les mesures prises dans ce domaine ne soient pas à l’origine d’une discrimination raciale.

Le Comité recommande que, dans son prochain rapport, l’État partie fasse figurer le texte de la loi sur la nationalité de façon à pouvoir déterminer les contraintes qu’elle impose aux étrangers et aux apatrides dans l’exercice des droits que leur reconnaît l’article 5 de la Convention. En outre, l’État partie est invité à donner des informations complémentaires sur la jouissance effective des droits politiques, économiques et sociaux visés à l’article 5 de la Convention notamment par les personnes appartenant à différents groupes ethniques.

Le Comité invite l’État partie à lui donner dans son prochain rapport des informations plus détaillées sur la situation à Conakry Ratoma et sur les mesures prises pour apaiser les tensions interethniques dans ce secteur et pour reloger et/ou indemniser les personnes expropriées.

Le Comité recommande que l’État partie envisage la création d’un organisme national pour faciliter l’application de la Convention conformément à sa recommandation générale XVII.

En ce qui concerne l’application de l’article 6 de la Convention, le Comité demande à l’État partie de lui dire dans son prochain rapport quelles mesures il a prises ou envisage de prendre pour faire mieux connaître à l’opinion publique les principes et les dispositions de la Convention.

Le Comité encourage l’État partie à poursuivre sa collaboration avec le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme pour assurer la protection et la promotion des droits de l’homme et notamment l’élimination de la discrimination raciale. À cet égard, il recommande que l’État partie organise des cours et dispense une formation portant sur la tolérance raciale et les droits de l’homme à l’intention du grand public mais aussi des enseignants et des responsables des établissements d’enseignement conformément à l’article 7 de la Convention et à sa recommandation générale XIII.

Il est noté que l’État partie n’a pas fait la déclaration prévue à l’article 14 de la Convention; certains membres du Comité lui demandent d’envisager la possibilité de faire cette déclaration. Le Comité recommande également que l’État partie ratifie les amendements au paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention adoptés à la quatorzième réunion des États parties à la Convention, le 15 janvier 1992.

Le Comité suggère que l’État partie donne une large diffusion au rapport et aux présentes conclusions. Le Comité recommande à l’État partie d’aborder dans son prochain rapport périodique, qui doit être présenté le 13 avril 2000 et peut avoir un caractère de mise à jour, les points soulevés dans les présentes conclusions.

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