Nations Unies

CRC/C/80/D/15/2017

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr. générale

2 juillet 2019

Français

Original : espagnol

Comité des droits de l ’ enfant

Constatations adoptées par le Comité au titre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, concernant la communication no 15/2017 * , **

Communication présentée par :

D. K. N. (représenté par un conseil, Albert Parés Casanova)

Au nom de :

D. K. N.

État partie :

Espagne

Date de la communication :

13 mars 2017

Date de la présente décision :

1er février 2019

Objet :

Détermination de l’âge d’un présumé enfant non accompagné

Question(s) de procédure :

Non-épuisement des recours internes, abus du droit de présenter des communications, incompatibilité ratione  personae, défaut de fondement des griefs

Article(s) de la Convention :

3 et 12

Article(s) du Protocole facultatif :

7 c), e) et f)

1.1L’auteur de la communication est D. K. N., de nationalité ghanéenne, qui dit être né le 6 août 1999. Il se dit victime d’une violation de l’article 12 de la Convention. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 14 avril 2014.

1.2Le 28 mars 2017, le Groupe de travail des communications, agissant au nom du Comité et se fondant sur l’article 6 du Protocole facultatif, a demandé à l’État partie de ne pas renvoyer l’auteur dans son pays d’origine et de le placer dans un centre de protection des mineurs en attendant que le Comité ait examiné sa communication.

1.3Le 19 octobre 2017, le Groupe de travail des communications, agissant au nom du Comité, a décidé de ne pas accéder à la demande de l’État partie qui souhaitait que la question de la recevabilité soit examinée séparément du fond.

Rappel des faits

2.1Le 9 décembre 2016, l’auteur est arrivé illégalement en Espagne. Le 10 décembre 2016, il s’est présenté spontanément au Service de protection de l’enfance du parquet de la province de Barcelone, a déclaré être mineur et a présenté un acte de naissance ghanéen montrant qu’il était né le 6 août 1999. Toutefois, l’auteur affirme que les autorités espagnoles ont considéré ce document comme non valable et l’ont traité comme un immigrant sans papiers.

2.2Dans sa décision du 10 décembre 2016, le parquet de la province de Barcelone a demandé que l’auteur soit soumis à des examens médicaux visant à déterminer son âge et qu’il soit placé dans un centre de protection des mineurs dans l’attente des examens. Il y indiquait également que l’auteur devait se présenter accompagné d’un éducateur du centre pour être examiné par un médecin légiste.

2.3Le 12 décembre 2016, l’auteur a été transféré au centre Gaudí de protection des mineurs. Le même jour, le parquet des mineurs du tribunal supérieur de justice de Catalogne a ouvert une procédure préliminaire et cité l’auteur à comparaître, accompagné d’un éducateur du centre. Dans sa citation, datée du même jour, le parquet de la province de Barcelone demandait lui aussi que l’auteur se présente le 20 décembre 2016 accompagné d’un éducateur du centre.

2.4Le 20 décembre 2016, des examens médicaux ont été pratiqués pour déterminer l’âge de l’auteur : une radiographie de la main gauche comparée à l’Atlas de Greulich et Pyle, un examen physique réalisé par un médecin légiste, un examen dentaire externe, une évaluation du développement pubertaire selon la classification de Tanner et un orthopantomogramme selon la méthode de Demirjian ou une évaluation de l’âge osseux du carpe. Selon les résultats de ces examens, l’âge osseux de l’auteur était de 19 ans. Dans leurs conclusions médico-légales, les médecins ont indiqué que « l’âge le plus probable était au minimum 18 ans ». Le 20 décembre 2016, l’auteur a été mis à la disposition de la police, pour que celle-ci lance la procédure d’expulsion. Il a été mis en liberté le même jour.

2.5Le 21 décembre 2016, sur la base des résultats des examens médicaux réalisés, le parquet de la province de Barcelone a rendu une décision établissant que l’auteur avait plus de 18 ans.

2.6Le 12 janvier 2017, un arrêté d’expulsion a été pris contre l’auteur.

2.7L’auteur fait observer que les décisions du parquet relatives à la détermination de l’âge ne peuvent pas être contestées en justice, comme l’a confirmé le Tribunal constitutionnel dans son arrêt 172/2013, et qu’il a par conséquent épuisé tous les recours internes disponibles.

2.8L’auteur affirme qu’il vit actuellement dans un centre privé d’accueil de migrants.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que, dans le cadre de la procédure de détermination de l’âge à laquelle il a été soumis, il n’a pas été tenu compte de son droit d’être entendu, en violation de l’article 12 de la Convention, et ce, alors que la loi organique no 1/1996, du 15 janvier 1996, sur la protection juridique des mineurs dispose que l’enfant doit recevoir, dans une langue qu’il comprend, les informations qui lui permettent d’exercer son droit d’être entendu et consulté.

3.2L’auteur affirme que la décision de clore le dossier de protection des mineurs ne lui a pas été notifiée, ce qui contrevient à son droit à la protection judiciaire et à son droit d’être entendu. Il a seulement été informé de la décision relative à son âge rendue par le parquet de la province de Barcelone le 21 décembre 2016.

3.3L’auteur affirme que si un avocat lui a bien été commis d’office, cette nomination est intervenue alors que le parquet avait déjà déterminé qu’il était majeur, et non avant.

3.4L’auteur propose, à titre de réparation, les mesures suivantes : a) que l’État partie lui reconnaisse le droit d’être assisté par un avocat ou un représentant librement choisi avant d’être mis à la disposition de l’administration ; b) qu’il soit informé de toute décision le concernant ; c) qu’il soit fait en sorte que les décisions rendues par le parquet concernant la détermination de son âge puissent être contestées.

Observations de l’État partie concernant la recevabilité

4.1Dans ses observations du 29 mai 2017, l’État partie objecte que la communication est irrecevable parce qu’elle constitue un abus du droit de présenter des communications et qu’elle est incompatible ratione personae avec les dispositions de la Convention, conformément à l’article 7 c) du Protocole facultatif. Il souligne que l’auteur n’a présenté aucun document officiel original ni aucune preuve médicale objective qui atteste son âge de manière irréfutable. À l’inverse, il a autorisé les autorités espagnoles à effectuer cinq examens médicaux pour déterminer son âge.

4.2L’État partie fait observer que, comme pour les autres cas dont le Comité a été saisi, l’auteur est une personne présumée proche de l’âge de la majorité et qui semble être adulte ; il ne présente aucun document d’identité original sur lequel figureraient des données biométriques, ni aucune preuve médicale qui contredirait les résultats des examens effectués, alors qu’il est représenté par des avocats et des organisations non gouvernementales qui ont les moyens de le faire, et qu’il ne précise pas quels seraient les examens médicaux appropriés. Enfin, l’État partie renvoie à l’affaire M. E.  B. c. Espagne, qui a été soumise au Comité, et dans laquelle l’auteur affirmait être mineur alors qu’un examen radiologique avait abouti à la conclusion qu’il avait 18 ans. Les enquêtes menées par la police espagnole dans le pays d’origine de l’auteur ont révélé que l’intéressé avait essayé d’utiliser une fausse identité et qu’en réalité il avait 20 ans. L’État partie appelle l’attention sur les mafias qui pratiquent la traite et qui profitent de l’immigration illégale, incitant des personnes en détresse à quitter leur pays pour l’Europe à la recherche d’une prospérité incertaine et illusoire, et leur recommandent souvent de ne pas emporter leurs pièces d’identité ou de les dissimuler et, si elles le peuvent, de prétendre qu’elles sont mineures.

4.3L’État partie affirme également que la communication est irrecevable pour non-épuisement des recours internes, étant donné : a) que la détermination de l’âge peut être révisée si de nouveaux éléments objectifs (pièces d’identité avec données biométriques ou résultats d’examens médicaux objectifs) sont présentés, auquel cas le parquet peut demander de nouvelles investigations pour déterminer l’âge de l’intéressé ; b) qu’il est possible de demander la détermination judiciaire de l’âge ; c) que la décision de renvoi peut également être contestée par voie administrative et judiciaire.

4.4L’État partie donne des renseignements sur l’application d’un protocole particulier pour les personnes non accompagnées présumées mineures dans le cadre duquel tout immigrant en situation irrégulière qui affirme être un mineur non accompagné et dont l’apparence physique est manifestement celle d’un mineur est immédiatement confié aux autorités de protection des mineurs et inscrit au registre des mineurs non accompagnés. Si, bien qu’il se dise mineur, l’intéressé a une apparence physique qui fait douter de son âge, des examens médicaux sont immédiatement pratiqués, avec son consentement préalable et éclairé, pour déterminer son âge selon les critères reconnus par la communauté médico-légale. Les résultats de ces examens − interprétés dans le sens le plus favorable à l’immigrant − sont utilisés pour déterminer si les mesures de protection spécialement prévues pour les mineurs doivent s’appliquer.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité

5.1Dans ses commentaires du 12 septembre 2017, l’auteur fait observer qu’un avocat lui a été commis d’office dans le cadre de la procédure d’expulsion engagée contre lui le 12 décembre 2016, alors qu’il était à la disposition de la police depuis le 10 décembre 2016, et que la désignation de l’avocat a donc été tardive. En outre, le droit d’être entendu en tant que mineur avant que l’administration ne détermine son âge n’a pas été respecté, ce qui contrevient à l’article 12 de la Convention.

5.2L’auteur fait remarquer que la police catalane l’a mis à la disposition de la police espagnole afin de lancer la procédure d’expulsion, en violation du principe de la présomption de minorité établi par la législation nationale.

5.3L’auteur réaffirme que les décisions relatives à la détermination de l’âge rendues par le parquet ne peuvent pas être contestées devant un tribunal.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond

6.1Dans ses observations du 22 février 2018, l’État partie répète ses arguments en faveur de l’irrecevabilité de la communication, à savoir l’absence de preuve irréfutable de la minorité de l’auteur et le non-épuisement des recours internes disponibles. Il signale que, bien que la détermination provisoire de l’âge par le procureur ne soit pas susceptible de recours devant les tribunaux, le procureur lui-même peut ordonner qu’il soit procédé à de nouvelles investigations si de nouveaux éléments de preuve objectifs sont présentés. En outre, il est possible de former devant les tribunaux civils une demande en matière gracieuse aux fins de la détermination de l’âge, conformément à la loi no 15/2015 du 2 juillet 2015 relative à la juridiction gracieuse. Selon le Tribunal constitutionnel, les décisions du parquet concernant la détermination de l’âge sont « éminemment provisoires », ce qui signifie qu’il est possible de saisir un tribunal pour obtenir une décision définitive.

6.2L’État partie fait observer que, par l’arrêt qu’elle a rendu dans l’affaire Ahmade c.  Grèce, la Cour européenne des droits de l’homme a confirmé que les examens médicaux de détermination de l’âge étaient conformes aux droits de l’homme. Dans cet arrêt, la Cour a considéré que le refus du requérant de se soumettre à un examen radiologique de la mâchoire était la preuve qu’il craignait que l’examen révèle un âge différent de celui qu’il avait indiqué aux autorités.

6.3L’État partie soutient que les griefs de l’auteur sont généraux et semblent reposer sur l’idée que tout examen médical visant à déterminer l’âge qui aboutit à la conclusion que l’intéressé est adulte implique une violation de la Convention. Il affirme que, dans son observation générale no 6 (2005) sur le traitement des enfants non accompagnés et des enfants séparés en dehors de leur pays d’origine, le Comité établit le principe de la présomption de minorité en cas d’incertitude sur l’âge, mais que ce principe ne s’applique pas lorsque l’intéressé a l’apparence d’un adulte, comme dans le cas présent. Il ajoute que cela n’empêche pas que, lorsqu’un individu sans papiers a clairement l’apparence d’un adulte, les autorités peuvent légalement le considérer comme tel, sans avoir à procéder à un examen quel qu’il soit. Or, en l’espèce, les autorités ont donné à l’auteur la possibilité de se soumettre à des examens médicaux objectifs visant à déterminer son âge. L’État partie ajoute que l’auteur ne précise pas quels autres examens auraient dû être pratiqués à la place de ceux qui ont été réalisés.

6.4L’État partie soutient que le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant a toujours été respecté. Dès que l’auteur s’est présenté devant les autorités espagnoles en affirmant être entré illégalement sur le territoire, il a bénéficié gratuitement des services d’un avocat et d’un interprète, il a été informé de ses droits et les renseignements relatifs à sa situation ont été transmis au parquet, autorité chargée de veiller à l’intérêt supérieur de l’enfant conformément à la législation nationale.

6.5L’État partie soutient en outre qu’il n’y a pas eu de violation du droit de l’auteur à l’identité ni de son droit au développement.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond

7.1Dans ses commentaires du 28 mars 2018, l’auteur précise que la communication porte essentiellement sur la violation de son droit d’être entendu avant de se présenter devant le procureur, puisqu’il n’a pas pu consulter un avocat ou un représentant librement choisi à cette fin. En l’espèce, le droit que tient l’auteur de l’article 12 de la Convention n’a pas été respecté puisqu’il a été entendu par le procureur de la province sans que son avocat soit présent. Celui-ci n’a été désigné que deux jours après que l’auteur a été présenté au procureur. En outre, l’avocat a été commis pour défendre les droits de l’auteur en tant qu’adulte faisant l’objet d’une procédure d’expulsion et non pas pour le représenter en tant que mineur.

7.2L’auteur conteste les déclarations de l’État partie qui affirme que les examens médicaux réalisés sont objectifs, avançant que cette affirmation est contraire à la doctrine scientifique.

7.3Enfin, l’auteur joint une copie de son passeport délivré le 20 juin 2017 par l’ambassade du Ghana à Madrid qui atteste que sa date de naissance est le 6 août 1999.

7.4L’auteur demande que l’on reconnaisse à chaque enfant le droit d’être entendu par l’intermédiaire d’un avocat formé et spécialisé avant que soit prise toute décision administrative le concernant, et qu’il soit admis qu’une organisation peut représenter un enfant présenté devant les autorités.

Intervention de tiers

8.1Le 3 mai 2018, le Défenseur des droits de la France a soumis en qualité de tiers une intervention portant sur la question de la détermination de l’âge. Il souligne que les procédures de détermination de l’âge doivent être assorties des garanties nécessaires pour assurer le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant. Dans un rapport de 2017, le Conseil de l’Europe a indiqué que les garanties procédurales reconnues par les instruments internationaux et européens ne sont pas uniformément respectées dans l’ensemble des États membres.

8.2Une procédure de détermination de l’âge ne devrait être engagée qu’en cas de doute sérieux quant à l’âge d’un individu, qui doit être vérifié sur la base des documents ou des déclarations de l’intéressé. Ce type de procédure ne devrait pas se fonder uniquement sur l’apparence physique ; elle devrait également prendre en considération la maturité psychologique et s’inscrire dans une approche pluridisciplinaire. Si le doute persiste à l’issue de la procédure, il devrait bénéficier à la personne concernée.

8.3Il n’existe pas de règles ni d’accords communs concernant la détermination de l’âge dans les États européens. Plusieurs États recourent à des examens médicaux et non médicaux. Les examens médicaux pratiqués comprennent la radiographie du poignet gauche (23 États), le panoramique dentaire (17 États), la radiographie de la clavicule (15 États), l’examen dentaire (14 États) et l’évaluation fondée sur l’apparence physique (12 États). Bien qu’elle soit couramment pratiquée, la détermination de l’âge osseux n’est pas fiable et porte atteinte à la dignité et à l’intégrité physique de l’enfant. Elle n’a aucune valeur médicale, comme l’a confirmé le Royal College of Radiologists de Londres. Dans une résolution du 12 septembre 2013, le Parlement européen a lui aussi condamné le caractère inadapté et invasif des techniques médicales utilisées pour la détermination de l’âge basées sur l’âge osseux, car elles peuvent occasionner des traumatismes, présentent de grandes marges d’erreur et sont parfois pratiquées sans le consentement de l’enfant.

8.4La méthode de Greulich et Pyle est inadaptée et inapplicable aux migrants, qui sont en majorité des adolescents venant d’Afrique subsaharienne, d’Asie ou d’Europe de l’Est qui fuient leur pays d’origine, où leur situation socioéconomique est souvent précaire. Plusieurs études démontrent que le développement osseux varie en fonction de l’origine ethnique et de la situation socioéconomique de l’individu, raison pour laquelle la méthode n’est pas adéquate pour déterminer l’âge de personnes non européennes. Cette méthode présente d’importantes marges d’erreur, en particulier chez les individus âgés de 15 à 18 ans. Selon le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, les associations européennes de pédiatres sont catégoriques sur un point : la maturité de la dentition et du squelette ne permet pas de déterminer l’âge exact d’un enfant, mais uniquement d’en donner une estimation, avec une marge d’erreur importante de deux à trois ans. L’interprétation des données peut en outre varier d’un pays à l’autre, voire d’un spécialiste à l’autre. Le Comité a également engagé les États à ne pas utiliser les méthodes de détermination de l’âge osseux.

8.5Le Défenseur des droits recommande par conséquent : a) que la détermination de l’âge s’inscrive dans une approche pluridisciplinaire et qu’il ne soit procédé à des examens médicaux qu’en dernier ressort, lorsqu’il existe des motifs sérieux de douter de l’âge d’une personne ; b) que l’enfant soit informé et qu’il ait la possibilité de donner son consentement préalable ; c) que l’intéressé soit présumé mineur pendant la procédure de détermination de l’âge et que des mesures de protection soient prises, par exemple la désignation d’un représentant légal chargé de l’assister tout au long de la procédure ; d) que tout examen soit effectué dans le strict respect des droits de l’enfant, notamment de sa dignité et de son intégrité physique ; e) que le droit de l’enfant à être entendu soit respecté ; f) que, si le doute persiste à l’issue de la procédure, il bénéficie à l’intéressé ; g) qu’une demande de protection ne puisse pas être rejetée au seul motif que l’intéressé refuse de se soumettre à des examens médicaux ; h) qu’il existe un recours utile permettant de contester les décisions fondées sur une procédure de détermination de l’âge.

8.6Le Défenseur des droits rappelle que la détention d’enfants migrants, même de courte durée et à des fins de détermination de l’âge, est interdite par le droit international et que les États devraient appliquer des mesures autres que la détention. Les États devraient interdire la privation de liberté des enfants ou leur placement en détention dans des établissements pour adultes. Les services de protection de l’enfance devraient être immédiatement avisés afin qu’ils puissent évaluer les besoins de protection de l’enfant.

Observations complémentaires des parties

9.1Dans ses observations du 3 août 2018, l’État partie signale que le passeport dont l’auteur a joint une copie n’a jamais été présenté aux autorités espagnoles, alors qu’il a été délivré le 20 juin 2017, et que la copie a été adressée au Comité le 28 mars 2018 seulement, ce qui démontre la mauvaise foi de l’auteur. Il ressort du paragraphe 1 a) de l’article 15 du règlement intérieur du Comité que les parties sont tenues de porter immédiatement à la connaissance du Comité tous les renseignements et documents utiles permettant de prouver l’identité et l’âge du l’auteur. Or, l’auteur n’a produit ce qu’il considérait comme une preuve qu’une fois que l’État partie avait formulé ses observations. En conséquence, celui-ci ne pouvait pas prendre le passeport en considération. Compte tenu de la nécessité d’épuiser les recours internes avant de saisir le Comité, le passeport original aurait dû être présenté aux autorités espagnoles compétentes dès qu’il a été délivré.

9.2L’État partie souligne le manque de cohérence entre les formes de réparation demandées par l’auteur dans sa communication initiale et dans ses commentaires du 28 mars 2018.

9.3L’État partie insiste sur le fait que cinq examens médicaux objectifs démontrent que l’auteur est adulte, et que celui-ci n’a pas produit de passeport ou d’autre document d’identité qui viendrait infirmer les résultats des examens. Il fait remarquer que, même s’il reconnaissait la date de naissance de l’auteur figurant sur la copie du passeport présentée le 28 mars 2018, l’auteur serait, en tout état de cause, déjà majeur et ne pourrait donc pas soumettre la communication, car celle-ci serait sans objet.

9.4L’État partie réitère ses observations quant au fond de la communication.

10.1Dans ses commentaires en date du 21 septembre 2018, l’auteur fait remarquer qu’il a présenté son passeport aux autorités espagnoles le 9 novembre 2017 dans le cadre d’une demande de permis de séjour temporaire.

10.2L’auteur insiste sur le fait que la communication porte sur le non-respect de son droit d’être entendu avant d’être présenté au parquet, en violation de l’article 12 de la Convention.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

11.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 20 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications.

11.2Le Comité prend note de l’argument de l’État partie qui objecte que la communication est irrecevable au regard de l’article 7 c) du Protocole facultatif parce que l’auteur n’a apporté aucun document officiel original ni aucune preuve médicale attestant sa condition de mineur, alors que les résultats des cinq examens médicaux objectifs établissent qu’il est majeur. Il fait toutefois remarquer qu’il n’existe dans le dossier aucun élément montrant que l’auteur, un jeune homme qui affirmait être mineur au moment des faits, était en fait adulte à son arrivée en Espagne. Il fait également remarquer que l’auteur avait en sa possession une copie certifiée conforme de son acte de naissance à son arrivée en Espagne et que ce document n’a jamais été examiné par l’État partie. Dans ce contexte, le Comité estime que l’article 7 c) du Protocole facultatif ne fait pas obstacle à la recevabilité de la présente communication.

11.3Le Comité prend également note de l’argument de l’État partie qui affirme que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes disponibles étant donné qu’il n’a pas demandé au procureur d’ordonner la révision de la décision relative à la détermination de l’âge, qu’il n’a pas demandé la détermination judiciaire de l’âge et qu’il n’a pas contesté l’arrêté d’expulsion devant la juridiction contentieuse administrative. L’État partie a également affirmé que l’auteur n’avait pas présenté aux autorités espagnoles compétentes le passeport délivré le 20 juin 2017 par l’ambassade du Ghana à Madrid afin d’épuiser les recours internes disponibles. L’auteur a déclaré qu’il avait présenté son passeport lorsqu’il a déposé sa demande de permis de séjour temporaire en invoquant des circonstances exceptionnelles. Toutefois, le Comité constate que, par sa décision du 25 janvier 2018, le délégué du Gouvernement en Catalogne a rejeté la demande parce qu’elle n’avait pas été présentée à l’autorité compétente. Ainsi, il ne ressort pas de cette décision que le passeport délivré au nom de l’auteur a été présenté avec la demande de permis de séjour temporaire. L’auteur n’a pas non plus présenté une copie de son passeport au parquet pour demander la révision de la décision relative à la détermination de son âge. Enfin, l’auteur n’a informé le Comité de la délivrance du passeport que le 28 mars 2018, soit neuf mois après son obtention, sans justifier le délai écoulé avant de produire un document d’une telle importance pour prouver sa condition de mineur au moment de son arrivée en Espagne.

11.4Sans préjudice de ce qui précède, le Comité observe que les griefs de l’auteur portent exclusivement sur la violation de son droit d’être entendu pendant la procédure de détermination de l’âge dont il a fait l’objet et qu’à ce sujet l’État partie n’a pas indiqué de quels recours internes utiles l’auteur aurait pu se prévaloir pour faire respecter ce droit. En conséquence, le Comité estime que l’article 7 e) du Protocole facultatif ne fait pas obstacle à la recevabilité de la présente communication.

11.5Le Comité prend note des allégations de l’auteur qui affirme qu’aucun avocat n’a été désigné pour le représenter avant que son affaire soit renvoyée au parquet aux fins de la détermination de son âge et de l’adoption d’une décision correspondante. Toutefois, le Comité observe que, d’après les propres dires de l’auteur, qui indique qu’un avocat lui a été commis d’office le 12 décembre 2016, ces allégations sont en contradiction avec les faits établis au moyen d’éléments de preuve objectifs qui montrent que la détermination de son âge et l’adoption de la décision correspondante ont eu lieu après la désignation d’un avocat. D’après les documents officiels fournis par l’État partie, les examens médicaux de détermination de l’âge ont été réalisés le 20 décembre 2016, sur ordre du parquet de la province de Barcelone et du parquet du Tribunal supérieur de justice de Catalogne, et l’auteur a été déclaré majeur par décision du procureur de la province de Barcelone le 21 décembre 2016. Le Comité observe également que, d’après les documents officiels fournis par l’État partie, lorsqu’il a été examiné par le médecin légiste, l’auteur était accompagné d’un éducateur du centre de protection des mineurs où il était accueilli, et que les résultats de l’examen lui ont été communiqués par le parquet des mineurs en présence d’un interprète.

11.6À la lumière de ce qui précède, le Comité considère que l’auteur n’a pas suffisamment étayé son grief de violation du droit d’être entendu et, par conséquent, déclare la plainte irrecevable au regard de l’article 7 f) du Protocole facultatif.

12En conséquence, le Comité des droits de l’enfant décide :

a)Que la communication est irrecevable au regard de l’article 7 f) du Protocole facultatif ;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’auteur de la communication et, pour information, à l’État partie.