Nations Unies

CRPD/C/NPL/CO/1

Convention relative aux droits des personnes handicapées

Distr. générale

16 avril 2018

Français

Original : anglais

Comité des droits des personnes handicapées

Observations finales concernant le rapport initial du Népal *

I.Introduction

1.Le Comité a examiné le rapport initial du Népal (CRPD/C/NPL/1 et Corr.1) à ses 367e et 368e séances (voir CRPD/C/SR.367 et CRPD/C/SR.368), les 19 et 20 février 2018. Il a adopté les observations finales ci-après à sa 382e séance, le 1er mars 2018.

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial du Népal, qui a été établi conformément aux directives du Comité concernant l’établissement des rapports, et remercie l’État partie des réponses écrites (CRPD/C/NPL/Q/1/Add.1) apportées à la liste de points établie par le Comité (CRPD/C/NPL/Q/1).

3.Le Comité se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation de haut niveau de l’État partie, qui était composée de représentants des ministères et départements concernés. Il remercie la délégation des réponses franches qu’elle a apportées aux questions posées par les membres du Comité.

II.Aspects positifs

4.Le Comité prend acte du fait que le peuple népalais a enduré un conflit armé qui s’est prolongé pendant une décennie et qui a pris fin avec la signature de l’Accord de paix global entre le Gouvernement népalais et le Parti communiste (maoïste) du Népal le 21 novembre 2006. Le Comité constate que la nouvelle Constitution, entrée en vigueur en 2015, reflète les réalisations du Mouvement populaire et qu’elle a en outre des incidences sur la mise en œuvre de la Convention.

5.Le Comité note qu’avant la ratification de la Convention, le Népal avait promulgué un certain nombre de lois portant spécifiquement sur la protection et la promotion des droits des personnes handicapées, telles que la loi de 1982 sur la protection et le bien-être des personnes handicapées et le règlement de 1994 sur la protection et le bien-être des personnes handicapées. Le Comité se félicite que l’État partie révise actuellement sa législation afin de la mettre en pleine conformité avec la Convention. En particulier, il salue la promulgation de la loi de 2017 sur les droits des personnes handicapées et l’adoption du treizième plan (2013-2016) en tant que stratégie clef pour la mise en œuvre des droits énoncés dans la Convention.

6.Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie lors de l’élaboration de son rapport, dans le cadre desquels il a notamment réuni des représentants d’un éventail d’organismes dirigés par le Ministère de la condition de la femme, de l’enfance et de la protection sociale, et tenu des consultations avec diverses parties prenantes représentées par plusieurs ministères, dont le Cabinet du Premier Ministre.

III.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

A.Principes généraux et obligations générales (art. 1er à 4)

7.Le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie semble adhérer à la définition du handicap donnée par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), qui est axée sur les situations découlant de limitations personnelles ou médicales intrinsèques, ce qui conduit à négliger l’incidence de l’interaction avec les facteurs environnementaux. Alors que la Convention reconnaît que la notion de handicap évolue, l’État partie semble s’en tenir à la notion de « handicap permanent ». Le Comité constate avec préoccupation que l’État partie continue d’utiliser une classification du handicap qui exclut certains groupes de personnes handicapées qui n’entrent dans aucune de ses catégories, comme les personnes malentendantes. Le Comité est également préoccupé par le fait que les personnes handicapées vivant dans les zones rurales et celles qui sont d’origine autochtone se heurtent à des obstacles lorsqu’elles cherchent à obtenir des cartes d’invalidité.

8. Le Comité recommande à l’État partie d’adopter un modèle du handicap fondé sur les droits de l’homme, qui mette l’accent sur la dignité humaine des personnes handicapées et les situations découlant de l’interaction avec différents obstacles qui peuvent empêcher leur participation pleine et effective à la vie sociale sur la base de l’égalité avec les autres personnes. L ’ État partie devrait faire en sorte que sa classification du handicap soit fondée sur les droits de l ’ homme et n ’ exclue pas certains groupes de personnes handicapées. Il devrait prendre des mesures appropriées pour éliminer tous les obstacles afin de garantir aux personnes handicapées vivant dans les zones rurales et à celles qui sont d ’ origine autochtone l’accès à des cartes d ’ invalidité.

B.Droits particuliers (art. 5 à 30)

Égalité et non-discrimination (art. 5)

9.Le Comité constate que la Constitution interdit la discrimination à l’égard des personnes handicapées mais juge préoccupant que les personnes handicapées et, en particulier, les femmes et les filles présentant un handicap intellectuel ou psychosocial, les personnes autistes et les personnes appartenant à des groupes ethniques et aux communautés dalit, madhesi et musulmane, continuent de se heurter à des formes multiples et croisées de discrimination fondée sur d’autres motifs tels que la caste et l’appartenance ethnique.

10.Le Comité recommande à l ’ État partie de mettre en œuvre la législation, les politiques et les programmes antidiscrimination qu’il a adoptés afin de prévenir la discrimination multiple et croisée à l ’ égard des groupes défavorisés, notamment les personnes autistes ainsi que les groupes ethniques et les communautés dalit, madhesi et musulmane. Il lui recommande aussi de mettre en place des mécanismes accessibles et efficaces permettant aux victimes de discrimination de demander réparation et une indemnisation appropriée.

Femmes handicapées (art. 6)

11.Le Comité est préoccupé par le manque d’informations sur la participation des femmes handicapées à la vie de la société au Népal, notamment sur leur situation sociale, économique, professionnelle et politique. Il est particulièrement préoccupé par l’exclusion des femmes handicapées des processus décisionnels. Il est également préoccupé par le nombre élevé de cas signalés de violence sexuelle et de sévices sexuels à l’égard de femmes et de filles, y compris les cas de viol collectif de femmes et de filles handicapées, et par le fait que certains cas ne sont pas signalés.

12. Le Comité prie instamment l ’ État partie de consulter les organisations qui représentent les femmes et les filles handicapées, d ’ utiliser ces consultations comme base pour assurer leur participation à la vie politique et à la vie publique et de mettre en œuvre des réformes législatives et des changements de politique générale, en particulier en ce qui concerne la vie familiale, l ’ éducation, les services de santé et l ’ emploi des femmes et des filles handicapées. Le Comité recommande à l ’ État partie de lutter contre les pratiques discriminatoires, comme indiqué dans le Plan triennal intérimaire (2010-2013), qui met l ’ accent sur les réformes politiques, juridiques et institutionnelles visant à éliminer toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes et des filles. Il recommande aussi à l’État partie de renforcer et de faire mieux appliquer la législation, et de prévoir des mécanismes accessibles de surveillance et de signalement afin de détecter, prévenir et combattre toutes les formes de violence, notamment les violences sexuelles, contre les femmes et les filles handicapées .

Enfants handicapés (art. 7)

13.Le Comité est préoccupé par l’absence de liens clairs entre les politiques visant à protéger les enfants, telles que le plan d’action national décennal pour l’enfance et le treizième plan (2013-2016), et leur mise en œuvre effective. Il est particulièrement préoccupé par l’absence de mesures spécifiques d’aide aux enfants handicapés et à leur famille, et par les carences de l’éducation inclusive pour les enfants, en particulier ceux qui vivent dans les zones rurales et ceux qui appartiennent à des groupes ethniques minoritaires marginalisés et à des communautés autochtones. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles des enfants handicapés sont abandonnés et, de ce fait, exposés à l’exploitation et aux mauvais traitements.

14.Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures, notamment de mener des consultations auprès des organisations qui représentent les personnes handicapées ainsi que des minorités ethniques et des groupes autochtones concernés, afin de garantir une amélioration d’ensemble du taux d’inscription des enfants handicapés dans l ’ enseignement primaire ; une amélioration de l ’ offre d ’ éducation inclusive pour la petite enfance ; l’élargissement des possibilités de formation professionnelle pour les jeunes handicapés ; et le renforcement des mesures de prévention de la violence, de la maltraitance, de l ’ exploitation et de l’abandon des enfants handicapés. L ’ État partie devrait accorder une attention particulière aux enfants handicapés appartenant à des groupes marginalisés dans les zones rurales et montagneuses, en particulier aux enfants qui présentent un handicap intellectuel ou psychosocial et à ceux qui sont issus des communautés autochtones.

Sensibilisation (art. 8)

15.Le Comité est préoccupé par les attitudes négatives qui se manifestent dans le langage courant et par la méconnaissance des droits des personnes handicapées, en particulier des femmes et des filles qui présentent un handicap intellectuel et/ou psychosocial et qui appartiennent à des groupes ethniques ou aux communautés dalit, madhesi ou musulmane. Il relève que les mesures de sensibilisation actuelles sont inappropriées, sachant que pas même les personnes handicapées et les membres de leur famille, sans parler du public en général et des professionnels concernés, n’ont conscience des problèmes concernant les droits de ces personnes.

16. Le Comité recommande à l ’ État partie, en collaboration avec les organisations représentatives des personnes handicapées, d ’ élaborer et de mettre en œuvre des programmes de sensibilisation et d ’ éducation du public consacrés aux droits et à la situation des personnes handicapées, à l ’ intention des médias, des agents de la fonction publique, des juges et des avocats, de la police, des travailleurs sociaux et du grand public, afin de promouvoir une image positive des personnes handicapées en tant que titulaires autonomes de droits fondamentaux. L’État partie devrait garantir que ses programmes de sensibilisation reconnaissent le caractère intersectoriel de la Convention, eu égard en particulier à ses articles 2, 3, 5, 12, 13, 15, 16 et 21, et devrait adopter un modèle du handicap fondé sur les droits de l ’ homme en tant que stratégie décisive pour susciter une plus grande prise de conscience positive par le public de la diversité des handicaps.

Accessibilité (art. 9)

17.Le Comité est préoccupé par le fait que, comme indiqué dans la Politique nationale et plan d’action sur le handicap, de 2006, les mesures prises par l’État partie pour améliorer l’accessibilité sont limitées aux personnes handicapées qui vivent en milieu urbain, ce qui exclut tous les groupes de personnes handicapées vivant dans les zones rurales et les zones montagneuses reculées.

18. Le Comité recommande que l’État partie, conformément à son observation générale n o 2 (2014) sur l’accessibilité  :

a) Élargisse sa politique d’accessibilité de façon à ce qu’elle s’applique à tous les groupes de personnes handicapées, y compris celles qui vivent dans des zones rurales et des zones montagneuses reculées  ;

b) Renforce, y compris dans le domaine des marchés publics, les mesures visant à permettre à toutes les personnes handicapées, dont celles vivant dans les zones rurales, d’accéder aux technologies de l’information et de la communication et à des logiciels et des appareils d ’ assistance peu coûteux ;

c) Renforce ses mécanismes de contrôle et de mise en œuvre en matière d ’ accessibilité pour faire en sorte que la Politique nationale et plan d ’ action sur le handicap, de 2006, la loi de 2007 sur le droit à l ’ information , les nouvelles lignes directrices globales sur l ’ accessibilité (2013), le treizième plan (2013-2016) et le quatorzième plan, en cours, soient dûment appliqués.

Situations de risque et situations d’urgence humanitaire (art. 11)

19.Le Comité est préoccupé par l’absence de mesures de protection et d’appui visant spécifiquement les groupes vulnérables de personnes handicapées qui ont été touchés de manière disproportionnée par le tremblement de terre de 2015, notamment les femmes, les personnes atteintes de la lèpre, les enfants et les peuples autochtones.

20. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter un mécanisme efficace, conformément au Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe (2015-2030) , afin de disposer d ’ une stratégie de communication accessible (utilisant notamment des permanences téléphoniques, des alertes par SMS et des manuels en langue des signes et en braille) et d’une stratégie et de procédures complètes pour les situations de catastrophe et de risque . Il recommande également à l ’ État partie de demander à tous les services publics d ’ élaborer des plans individuels et locaux concernant l ’ évacuation en toute sécurité des personnes handicapées, en consultation avec celles-ci par l ’ intermédiaire des organisations qui les représentent. L ’ État partie devrait veiller à ce que les efforts de relèvement et de réadaptation après une catastrophe soient réalisés en adoptant une approche fondée sur les droits de l ’ homme afin de protéger efficacement toutes les personnes handicapées.

Reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité (art. 12)

21.Le Comité est préoccupé par le fait qu’aucune modification n’a été apportée aux dispositions juridiques afin de remplacer le système de prise de décision substitutive par un système de prise de décisions accompagnée qui respecte l’autonomie, la volonté et les préférences des personnes handicapées, en pleine conformité avec l’article 12 de la Convention et l’observation générale no1 (2014) du Comité sur la reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité. Le Comité est particulièrement préoccupé par le fait que, bien que des efforts soient faits pour mettre en œuvre la prise de décisions accompagnée, on continue de recourir à la prise de décision substitutive dans l’État partie. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles des personnes présentant un handicap intellectuel ou psychosocial sont parfois démises de leurs fonctions au sein d’organismes publics, judiciaires ou institutionnels ou d’entreprises privées, ce qui revient à nier leur égalité devant la loi et est contraire aux dispositions de l’article 12 de la Convention.

22.Le Comité recommande à l ’ État partie de réviser sa législation afin de reconnaître la pleine capacité juridique de toutes les personnes handicapées , quel que soit leur handicap, sur la base de l’égalité avec les autres, et de mettre en place des mécanismes d’aide à la prise de décisions accompagnée, conformément à l’observation générale n o 1 du Comité. Il lui recommande également de mettre en place, en concertation et en collaboration avec les personnes handicapées et les organisations qui les représentent, aux niveaux national, régional et local, une formation sur la reconnaissance de la capacité juridique des personnes handicapées et sur les principes de la prise de décisions accompagnée, pour tous les acteurs concernés, y compris les agents de la fonction publique, les juges et les travailleurs sociaux.

Accès à la justice (art. 13)

23.Tout en prenant note des efforts déployés par l’État partie pour garantir l’accès des personnes handicapées à la justice, le Comité demeure préoccupé par l’absence de dispositions explicites visant à mettre en place pour les personnes handicapées, lorsque cela est nécessaire, des aménagements procéduraux adaptés à leur âge et à leur type de handicap afin de garantir leur accès à la justice. Il est également préoccupé par les informations faisant état d’une utilisation insuffisante de la langue des signes, du braille et du langage Easy Read (facile à lire et à comprendre, ou « FALC »), ainsi que de l’absence de formation appropriée pour les agents des institutions juridiques, judiciaires et autres chargées d’appliquer les lois.

24.Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures appropriées pour garantir l ’ accès physique, l ’ accessibilité des services juridiques et la présence d ’ interprètes qualifiés en langue des signes et en langue tactile dans les salles d ’ audience et les postes de police. Les mesures en question devraient notamment permettre de garantir que les personnes handicapées ne font pas l’objet d’une discrimination en raison de leur handicap lorsqu ’ il faut recourir à la langue des signes, au braille ou au langage Easy Read (facile à lire et à comprendre, ou «  FALC »), ou du fait que les professionnels du droit ou les membres de la police et le personnel pénitentiaire n’ont pas bénéficié de la formation appropriée.

Liberté et sécurité de la personne (art. 14)

25.Le Comité est préoccupé par le fait que des personnes présentant un handicap intellectuel et/ou psychosocial seraient détenues ou enchaînéesdans des foyers, ou seraient placées de force dans des établissements psychiatriques, et qu’elles sont parfois soumises, sans leur consentement, à des examens physiques, des traitements médicaux et des procédures médicamenteuses. Le Comité est également préoccupé par les informations selon lesquelles des personnes présentant un handicap intellectuel et/ou psychosocial auraient été enchaînées, soumises à la torture ou à des surdoses de médicamentdans des établissements de traitement psychiatrique.

26. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures, législatives et autres, nécessaires pour mettre un terme à la privation de liberté de personnes en raison d’un handicap réel ou supposé. Il recommande également que les personnes handicapées ne puissent être soumises à tout examen ou tout traitement qu’après avoir obtenu le consentement libre et éclairé de l’intéressé, conformément aux directives du Comité relatives au droit à la liberté et à la sécurité des personnes handicapées (voir A/72/55, annexe). Le Comité recommande également à l ’ État partie d ’ enquêter sur les cas de personnes ayant été enchaînées ou détenues dans des foyers privés , ainsi que sur les placements et les traitements forcés dans des établissements psychiatriques, et de poursuivre et sanctionner les responsables de ces actes.

Droit de ne pas être soumis à l’exploitation, à la violence et à la maltraitance (art. 16)

27.Le Comité est préoccupé par l’absence d’un mécanisme de surveillance permettant de recueillir des données ventilées concernant les poursuites relatives aux cas de violence, de maltraitance et d’exploitation de personnes handicapées, en particulier des données sur l’exploitation et les abus sexuels envers des femmes et des enfants handicapés.

28. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures appropriées pour protéger toutes les personnes handicapées contre l ’ exploitation, la violence et les mauvais traitements, tant dans leur foyer qu’au dehors.

Autonomie de vie et inclusion dans la société (art. 19)

29.Le Comité est préoccupé par le fait que les personnes handicapées ne disposent pas de moyens suffisants pour exercer un choix et avoir la maîtrise de leur vie et prendre leurs propres décisions, notamment pour choisir de vivre de manière autonome et au sein de leur communauté. Il est également préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas adopté de mesures politiques pour protéger les personnes handicapées contre le placement forcé en institution.

30.Conformément à son observation générale n o 5 (2017) sur l ’ autonomie de vie et l ’ inclusion dans la société , le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter une stratégie visant à mettre en œuvre des programmes pour l ’ autonomie de vie et à garantir l ’ accès à des services communautaires destinés spécifiquement aux personnes handicapées. Il recommande également à l ’ État partie de veiller à ce que les personnes handicapées qui vivent avec leur famille ou sont à leur charge reçoivent un soutien approprié pour leur permettre de vivre de manière autonome au sein de la société.

Mobilité personnelle (art. 20)

31.Le Comité est préoccupé par le fait que la majorité des infrastructures publiques, notamment les administrations publiques, les hôpitaux, les écoles, les collèges, les banques, les routes, les bâtiments publics et les transports publics, ne sont pas facilement accessibles aux personnes handicapées. Il est également préoccupé par le fait que les rues ne sont pas conçues de manière à pouvoir accueillir les utilisateurs de béquilles et de fauteuils roulants. Il est en outre préoccupé par le fait que la situation est encore plus difficile lorsque les maisons, les écoles et les établissements de santé sont situés dans des régions montagneuses et vallonnées où les fauteuils roulants et autres dispositifs ne peuvent pas être utilisés.

32. Le Comité prie instamment l ’ État partie d ’ adopter des mesures appropriées, notamment de donner à toutes les personnes handicapées accès à des aides à la mobilité, des appareils et des technologies d ’ assistance de qualité et d ’ un coût abordable, ainsi qu ’ à tous les services nécessaires pour assurer leur mobilité personnelle sans entrave, afin de faciliter leur inclusion et leur participation générale à la vie de la communauté, et en particulier leur participation à des activités éducatives et visant à assurer leur subsistance.

Liberté d’expression et d’opinion et accès à l’information (art. 21)

33.Le Comité est préoccupé par l’absence de centre de recherche sur la langue des signes et de formation d’interprètes en langue des signes, ainsi que par l’absence de système public de certification et d’homologation des qualifications des interprètes en langue des signes.

34.Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures appropriées pour créer un centre de recherche et de formation d ’ interprètes en langue des signes et pour assurer leur certification, avec la participation des organisations représentatives des personnes sourdes.

Éducation (art. 24)

35.Le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie maintient un système d’écoles spéciales et séparées. Il est particulièrement préoccupé par :

a)L’absence de soutien et de formation suffisants des personnels administratif et enseignant en matière d’éducation inclusive ;

b)Le manque d’accessibilité des écoles ordinaires et le peu d’aménagements raisonnables apportés pour les enfants handicapés dans ces écoles ;

c)L’absence de stratégie globale visant à promouvoir l’éducation inclusive dans les zones urbaines et rurales.

36. Le Comité recommande à l ’ État partie, conformément à son observation générale n o 4 (2016) sur le droit à l ’ éducation inclusive et à l’objectif de développement durable n o 4, en particulier les cibles 4.5 et 4 a) , d ’ intensifier ses efforts en vue de parvenir à l ’ éducation inclusive en prenant les mesures suivantes  :

a) Adoption d’une politique de formation obligatoire des enseignants sur le modèle de l ’ éducation inclusive, assortie d’indicateurs et d’objectifs à atteindre, et apport d’un soutien aux enseignants formés et mise à disposition de supports en braille, en langue des signes, en langage Easy Read (facile à lire et à comprendre, ou « FALC ») et de moyens et modes alternatifs de communication et autres équipements et moyens auxiliaires ;

b) Garantie, pour toutes les personnes handicapées, de l’accès à l’éducation inclusive, à tous les niveaux de l’enseignement, y compris l’éducation pour adultes, et dans tout le pays, et garantie que ce modèle d’éducation est disponible dans les zones les plus reculées, prend en considération les questions de genre et est adapté aux spécificités ethniques et culturelles des intéressés.

Santé, adaptation et réadaptation (art. 25 et 26)

37.Le Comité est préoccupé par l’accès limité des personnes handicapées à des services complets de santé et de réadaptation, particulièrement dans les zones rurales et isolées.

38. Le Comité recommande à l’État partie d’élaborer des mesures visant à assurer un accès complet des personnes handicapées aux services de santé, en particulier aux services de santé sexuelle et procréative, aux centres de santé maternelle et infantile et aux services psychosociaux, et à renforcer la mise à disposition de services locaux complets de réadaptation, y compris dans les zones rurales et isolées.

Travail et emploi (art. 27)

39.Le Comité est préoccupé par l’absence d’informations sur l’efficacité du quota d’emploi de personnes handicapées dans la fonction publique et sur la manière dont ces postes sont occupés par des personnes handicapées, en particulier par des personnes présentant un handicap intellectuel et/ou psychosocial, y compris celles qui sont d’origine autochtone.

40.Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures appropriées pour recueillir des données et élaborer des critères afin de remplir le quota de 5 % de postes de la fonction publique réservés aux personnes handicapées, notamment en procédant à une évaluation complète de la qualité de ces emplois et de la mesure dans laquelle les personnes présentant un handicap intellectuel et/ou psychosocial, y compris celles qui sont d ’ origine autochtone, ont bénéficié du système de quotas.

Niveau de vie adéquat et protection sociale (art. 28)

41.Le Comité est préoccupé quant à l’efficacité d’un certain nombre de mesures, telles que la Politique nationale et plan d’action sur le handicap, de 2006,et leFonds pour la réduction de la pauvreté, pour ce qui est de garantir un niveau de vie décent aux personnes handicapées et leur permettre de faire face aux coûts supplémentaires liés à la vie avec un handicap. Il est également préoccupé par la mesure dans laquelle les programmes de réadaptation communautaires ont été efficaces pour réduire le nombre de personnes handicapées vivant dans la pauvreté.

42.Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour garantir aux personnes handicapées, sur l’ensemble de son territoire, l’accès à des services de réadaptation de proximité et à des programmes de protection sociale appropriés axé sur l’inclusion dans la société et la communauté. Le Comité demande à l ’ État partie de fournir dans son prochain rapport périodique des données actualisées sur le nombre et le pourcentage de personnes handicapées qui ont bénéficié de la protection sociale minimale assurée par le Gouvernement, ventilées par sexe, âge et appartenance ethnique, en particulier pour les personnes présentant un handicap intellectuel et/ou psychosocial, auditif ou visuel, ou celles qui sont multihandicapées.

Participation à la vie culturelle et récréative, aux loisirs et aux sports (art. 30)

43.Le Comité est préoccupé quant à l’efficacité de la politique nationale du sport adoptée en 2010 afin de développer les activités sportives accessibles aux personnes handicapées et d’en élargir l’offre afin d’encourager ces personnes à pratiquer les sports de leur choix. Le Comité aimerait savoir si cette politique a permis de garantir les droits des personnes handicapées en vertu de l’article 30 de la Convention, en particulier des personnes présentant un handicap de la vue, de la parole ou de l’ouïe. Le Comité prend note du fait que l’État partie a signé le Traité de Marrakech visant à faciliter l’accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés aux œuvres publiées, mais ne l’a pas encore ratifié.

44. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures propres à garantir la participation des personnes handicapées aux programmes culturels et récréatifs , aux loisirs et aux sports. Le Comité encourage l’État partie à prendre dans les meilleurs délais toutes les mesures appropriées pour ratifier et mettre en œuvre le Traité de Marrakech visant à faciliter l’accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés aux œuvres publiées.

C.Obligations particulières (art. 31 à 33)

Statistiques et collecte des données (art. 31)

45.Le Comité constate avec préoccupation que le dernier recensement, effectué en 2011 par le Bureau central de statistique, n’incluait pas la collecte de données ventilées sur les handicaps. Ce recensement ne rend donc pas compte avec précision de la situation des personnes handicapées dans l’État partie.

46.Le Comité recommande à l’État partie de prêter attention aux liens entre l’article 31 de la Convention et la cible 17.18 des objectifs de développement durable afin d’accroître sensiblement la disponibilité de données à jour, fiables et de grande qualité, ventilées par niveau de revenu, sexe, âge, race, appartenance ethnique, statut migratoire, handicap, emplacement géographique et en fonction d’autres caractéristiques pertinentes dans les contextes nationaux, et pour analyser ces données en vue de fournir des services adaptés aux personnes handicapées. Il recommande également à l ’ État partie d ’ utiliser la série de questions préparées par le Groupe de Washington sur les statistiques des incapacités lors des futurs recensements afin de recueillir des données complètes sur le handicap.

Coopération internationale (art. 32)

47.Le Comité est préoccupé par le fait que la collaboration de l’État partie avec des organismes internationaux en vue d’améliorer sa capacité à mettre en œuvre la Convention ne fait pas une place suffisante à la participation des personnes handicapées. Il est également préoccupé par la vitesse à laquelle les nouvelles technologies et les bonnes pratiques atteignent les personnes handicapées et les organisations qui les représentent, ainsi que par la mesure dans laquelle les personnes handicapées ont été associées aux consultations ou aux partenariats visant à atteindre les objectifs de développement durable.

48. Le Comité recommande à l ’ État partie de revoir les projets internationaux qu ’ il a lancés en partenariat avec des organismes d ’ aide internationale afin d ’ assurer le plein respect des principes de la Convention. Le Comité recommande également à l ’ État partie de garantir l’inclusion judicieuse et autonome des personnes handicapées et des organisations qui les représentent dans la conception, la mise en œuvre et le suivi des projets de développement tenant compte du handicap et dans la réalisation des objectifs de développement durable.

Application et suivi au niveau national (art. 33)

49.Le Comité est préoccupé par le peu de moyens consacrés au processus de suivi de la mise en œuvre de la Convention et par l’absence de participation effective des organisations qui représentent les personnes handicapées à ce processus, prévue au paragraphe 3 de l’article 33 de la Convention.

50. Le Comité recommande à l’État partie d’allouer des ressources financières suffisantes aux cadres de suivi existants et aux organisations qui représentent les personnes handicapées afin de leur permettre de suivre l’application de la Convention dans l’ensemble de l’État partie, comme prévu au paragraphe 3 de l ’ article 33 et dans les Lignes directrices sur les cadres indépendants de surveillance et leur participation aux travaux du Comité (voir CRPD/C/1/Rev.1, annexe).

IV.Suivi

Diffusion de l’information

51. Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir, dans un délai de douze mois, des renseignements sur l’adoption des présentes observations finales et, conformément au paragraphe 2 de l’article 35 de la Convention, sur les mesures prises pour mettre en œuvre les recommandations figurant au paragraphe 20 (Situations de risque et situations d’urgence humanitaire) .

52. Le Comité demande à l’État partie de mettre en œuvre ses recommandations figurant dans les présentes observations finales. Il lui recommande de transmettre les présentes observations finales, pour examen et suite à donner, aux membres du Gouvernement et du Parlement, aux responsables des différents ministères, au système judiciaire, aux responsables de l ’ application des lois, et aux membres des professions concernées, tels les professionnels de l’éducation, de la santé et du droit, ainsi qu’aux autorités locales, au secteur privé et aux médias, en utilisant pour ce faire les stratégies de communication sociale modernes.

53. Le Comité encourage vivement l’État partie à associer les organisations de la société civile, en particulier les organisations de personnes handicapées, à l’élaboration de ses rapports périodiques.

54. Le Comité prie l’État partie de diffuser largement les présentes observations finales, notamment auprès des organisations non gouvernementales et des organisations de personnes handicapées, ainsi qu’auprès des personnes handicapées elles-mêmes et de leurs proches, dans les langues nationales et minoritaires, notamment en langue des signes, et sous des formes accessibles. Il lui demande aussi de les diffuser sur le site Web public consacré aux droits de l’homme.

Coopération technique

55.Le Comité recommande à l’État partie de solliciter la coopération technique des organisations appartenant au Groupe d’appui interorganisations pour la Convention relative aux droits des personnes handicapées afin de bénéficier de conseils et d’une assistance pour donner effet à la Convention et aux présentes observations finales.

Prochain rapport périodique

56. Le Comité prie l’État partie de lui soumettre son prochain rapport valant deuxième à quatrième rapports périodiques le 7 juin 2024 au plus tard et d’y faire figurer des renseignements sur la mise en œuvre des présentes observations finales. Il invite également l’État partie à envisager de soumettre ce rapport selon la procédure simplifiée de présentation des rapports, dans le cadre de laquelle le Comité établit une liste de points au moins un an avant la date prévue pour la soumission du rapport. Les réponses de l’État partie à cette liste de points constituent son rapport périodique.