Nations Unies

CERD/C/CUB/CO/19-21

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

20 septembre 2018

Français

Original : espagnol

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Observations finales concernant le rapport de Cuba valant dix-neuvième à vingt et unième rapports périodiques *

1.Le Comité a examiné le rapport de Cuba valant dix-neuvième à vingt et unième rapports périodiques (CERD/C/CUB/19-21) à ses 2660e et 2661e sessions (CERD/C/SR.2660 et 2661), les 15 et 16 août 2018. À ses 2676e et 2677e séances, les 28 et 29 août 2018, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport de l’État partie valant dix-neuvième à vingt et unième rapports périodiques. Il se déclare satisfait du dialogue franc et ouvert qu’il a eu avec la délégation de l’État partie et remercie celle-ci pour les renseignements complémentaires qu’elle lui a communiqués pendant le dialogue.

B.Aspects positifs

3.Le Comité se félicite de la ratification du Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, en juin 2013.

4.Le Comité prend note des mesures législatives prises par l’État partie pendant la période considérée, en particulier des mesures suivantes :

a)L’adoption de la loi no 116 (Code du travail) de décembre 2013, qui introduit une interdiction de la discrimination, notamment celle fondée « sur la couleur de la peau, le sexe, les croyances religieuses, l’orientation sexuelle, l’origine géographique, le handicap ou tout autre critère portant atteinte à la dignité humaine » (art. 2, par. d)) ;

b)L’adoption du décret-loi no 302 d’octobre 2012 portant modification de la loi no 1312 (loi relative aux migrations).

5.Le Comité salue également les efforts déployés par l’État partie pour attirer davantage l’attention sur la question de la discrimination raciale, en particulier l’adoption, à l’occasion de l’Année internationale des personnes d’ascendance africaine, d’un plan d’action et d’un programme national prévoyant des actions de sensibilisation à la question de la discrimination et ses conséquences sur le plan social ainsi que des échanges à ce sujet.

6.Le Comité se réjouit de ce qu’en dépit de l’embargo économique, commercial et financier, l’État partie ait réussi à mettre en place un système universel d’éducation et de santé et à étendre la couverture de la protection sociale à l’ensemble de la population, y compris les personnes d’ascendance africaine.

C.Préoccupations et recommandations

Mise en œuvre de la Convention

7.Le Comité constate que la législation de l’État partie prévoit la primauté des traités internationaux sur le droit interne. Cependant, il regrette que l’État partie n’ait pas fourni des renseignements sur des cas d’application directe de la Convention par ses tribunaux (art. 2).

8. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures appropriées, par exemple au moyen de la formation, pour garantir que les juges, les procureurs et les avocats connaissent les dispositions de la Convention et puissent ainsi les appliquer selon qu ’ il convient. Il demande à l ’ État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des exemples précis de cas où la Convention a été appliquée par les tribunaux nationaux.

Composition démographique de la population

9.Le Comité prend note des efforts que l’État partie a déployés pour introduire, dans le dernier recensement de la population et du logement, réalisé en 2012, la variable ethnique/raciale, en se fondant sur le principe de l’auto-identification. Cependant, il note avec préoccupation que la méthode utilisée ne permet pas d’obtenir des informations objectives qui reflètent fidèlement la composition ethnique de la population de l’État partie (art. 2, par. 1).

10. Le Comité recommande à l ’ État partie de revoir la méthode de collecte des données qu ’ il utilise dans les recensements de la population et du logement, afin que celle-ci repose sur le critère de l ’ auto-identification, et de veiller à ce que la formulation des questions posées dans le cadre des recensements soit déterminée en consultation avec la population d ’ ascendance africaine et à ce que ces questions permettent de bien rendre compte de la composition ethnique de la population. En outre, il engage l ’ État partie à redoubler d ’ efforts pour recueillir des données statistiques fiables, à jour et complètes sur la composition démographique de la population et pour mettre au point des indicateurs relatifs aux droits de l ’ homme et des indicateurs socioéconomiques, ventilés par origine ethnique, sexe, âge et région, zone urbaine et zone rurale, y compris les zones les plus reculées, afin de disposer d ’ une base empirique appropriée pour l ’ élaboration de politiques visant à améliorer l ’ exercice des droits énoncés dans la Convention. Le Comité invite l ’ État partie à se référer à ses recommandations générales n o 4 (1973) concernant les rapports des États parties  ; n o 8 (1990) concernant l ’ interprétation et l ’ application des paragraphes 1 et 4 de l ’ article premier de la Convention  ; et n o 30 (2005) concernant l a discrimination contre les non- ressortissants, ainsi qu ’ à l ’ objectif 10 de développement durable.

Institution nationale des droits de l’homme

11.Le Comité reste préoccupé par l’absence d’institution nationale chargée de la protection et la promotion des droits de l’homme qui soit conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) (art. 2).

12. Le Comité réitère sa recommandation précéd ente (CERD/C/CUB/CO/14-18, par.  13) et engage vivement l ’ État partie à créer une institution nationale des droits de l ’ homme indépendante, conformément aux Principes de Paris, qui ait pour mandat de promouvoir et de protéger les droits de l ’ homme et d ’ assurer le suivi de la lutte contre le racisme et la discrimination raciale. À cet égard, le Comité invite l ’ État partie à se référer à sa recommandation générale n o 17 (1993) concernant la création d ’ organismes nationaux pour faciliter l ’ application de la Convention.

Situation des défenseurs des droits de l’homme

13.Le Comité est profondément préoccupé par les allégations selon lesquelles des défenseurs des droits de l’homme, en particulier des personnalités de la société civile, des journalistes, des communicateurs et des défenseurs des droits de l’homme qui combattent la discrimination raciale et œuvrent en faveur des droits de l’homme des personnes d’ascendance africaine sont discrédités, sont l’objet d’actes de harcèlement et d’intimidation et de menaces et sont poursuivis en justice. Il est préoccupé par le fait que, selon les informations reçues, à plusieurs reprises, des défenseurs des droits de l’homme et des personnalités de la société civile qui défendent les droits de l’homme des personnes d’ascendance africaine ont été détenus pendant de courtes périodes ou ont été empêchés de quitter le pays pour assister à des réunions organisées par des mécanismes internationaux de protection des droits de l’homme. En particulier, le Comité prend note avec préoccupation des informations reçues concernant la restriction imposée aux défenseurs des droits de l’homme pour ce qui est de la possibilité de voyager et de participer à l’examen du rapport de l’État partie par le Comité. Le Comité regrette que l’État partie ne reconnaisse pas la réalité de tels actes et qu’il n’ait donc pas pris de mesures pour enquêter dessus ou pour les prévenir (art. 2 et 5).

14. Le Comité engage instamment l ’ État partie à  :

a) Prendre des mesures efficaces et adaptées pour que les défenseurs des droits de l ’ homme, en particulier les personnalités de la société civile, les journalistes, les communicateurs et les défenseurs des droits de l ’ homme qui combattent la discrimination raciale et œuvrent en faveur des droits de l ’ homme des personnes d ’ ascendance africaine ne soient pas discrédités et ne soient pas l ’ objet d ’ actes de harcèlement et d ’ intimidation et de menaces ou poursuivis en justice  ;

b) Mettre en place un mécanisme national de protection des défenseurs des droits de l ’ homme indépendant, ainsi que des stratégies de protection appropriées, et prévoir l ’ affectation de ressources humaines, financières et techniques suffisantes pour assurer leur bon fonctionnement  ;

c) Enquêter sur tous les actes visant à discréditer les défenseurs des droits de l ’ homme ainsi que sur tous les actes de harcèlement et d ’ intimidation, les menaces et les mises en causes pénales dont ils sont l ’ objet, et à sanctionner comme il se doit les responsables  ;

d) Prendre les mesures nécessaires pour que les défenseurs des droits de l ’ homme, en particulier les personnalités de la société civile et les défenseurs des droits de l ’ homme qui combattent la discrimination raciale et œuvrent en faveur des droits de l ’ homme des personnes d ’ ascendance africaine ne soient pas soumis à des restrictions arbitraires et soient en mesure d ’ assister et de participer aux réunions et travaux des mécanismes internationaux de protection des droits de l ’ homme  ;

e) Mener des campagnes d ’ information et de sensibilisation sur le travail essentiel accompli par les défenseurs des droits de l ’ homme, de manière à favoriser la mise en place de conditions sûres et favorables qui permettent à ceux-ci de mener leurs activités sans faire l ’ objet d ’ actes d ’ intimidation, de menaces, d ’ agressions ou de représailles d ’ aucune sorte.

Définition de la discrimination raciale

15.Le Comité constate que l’État partie a incorporé dans sa législation des dispositions interdisant la discrimination raciale et note qu’il s’emploie actuellement à élaborer une nouvelle constitution et un nouveau Code pénal. Cependant, il note avec préoccupation que les dispositions de la législation en vigueur ainsi que celles du projet de Constitution ne sont pas pleinement conformes à l’article premier de la Convention et qu’elles ne visent pas les actes de discrimination directe et indirecte (art. 1, par. 1 et art. 2, par. 1 d)).

16. Le Comité recommande à l ’ État partie de réviser les dispositions de la législation actuelle qui interdisent la discrimination raciale et de faire en sorte que la nouvelle constitution et le nouveau code pénal actuellement en cours d ’ élaboration comportent une définition claire et explicite de la discrimination raciale qui réunisse tous les critères et éléments énoncés dans le paragraphe 1 de l ’ article premier de la Convention et qui vise en outre les actes de discrimination directe et indirecte, et une interdiction sans ambiguïté de cette discrimination. Le Comité recommande à l ’ État partie de faire en sorte que le nouveau Code pénal en cours d ’ élaboration incrimine les actes visés à l ’ article 4 de la Convention, en tenant compte de sa recommandation générale n o  35 (2013) sur la lutte contre les discours de haine raciale. Le Comité renouvelle également sa recommandation antérieure et engage instamment l ’ État partie à veiller à ce que les motivations raciales ou fondées sur la couleur, l ’ ascendance ou l ’ origine nationale ou ethnique soient considérées comme une circonstance aggravante aux fins de la détermination des peines à imposer pour une infraction.

Discrimination à l’égard des personnes d’ascendance africaine

17.Le Comité prend note des interprétations de l’État partie quant à l’absence de discrimination institutionnelle et structurelle dans l’État partie. Cependant, le Comité considère que la population d’ascendance africaine dans l’État partie continue d’être victime de racisme et de discrimination structurelles en raison de l’héritage historique de l’esclavage, ce que les inégalités dans l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels entre cette population et le reste de la population mettent en évidence. Le Comité est préoccupé par les difficultés rencontrées par cette population pour accéder au marché du travail, par la faible représentation de celle-ci aux postes de décision dans le secteur public comme dans le secteur privé ainsi que par le fait qu’elle soit touchée de manière disproportionnée par la pauvreté (art. 2 et 5).

18. Compte tenu de ses recommandations générales n o  32 (2009) sur la signification et la portée des mesures spéciales dans la Convention et n o  34 (2011) sur la discrimination raciale à l ’ égard des personnes d ’ ascendance africaine, le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour adopter et mettre en œuvre les mesures spéciales voulues pour mettre fin à la discrimination structurelle qui touche les personnes d ’ ascendance africaine, entre autres, pour  :

a) Améliorer les conditions d ’ existence de cette population en veillant à ce qu ’ elle soit protégée contre la discrimination de la part d ’ organes et d ’ agents de l ’ État, ainsi que de tout particulier, groupe ou organisation  ;

b) Éliminer tous les obstacles à la jouissance effective des droits économiques, sociaux et culturels par cette population, en particulier dans les domaines de l ’ emploi, du logement et de la participation à la vie politique et en ce qui concerne sa représentation aux postes de décision  ;

c) Combattre la pauvreté, l ’ exclusion sociale et la marginalisation, qui touchent la population d ’ ascendance africaine de manière disproportionnée.

Plan de lutte contre la discrimination raciale

19.Le Comité accueille avec satisfaction les renseignements fournis pendant le dialogue sur l’élaboration d’un plan national pour l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, mais regrette de ne pas avoir reçu d’informations sur l’incidence et les résultats concrets qu’a eus la mise en œuvre des programmes sociaux et de la politique multisectorielle visant à éliminer les vestiges de la discrimination raciale (art. 2 et 5).

20. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ intensifier ses efforts d ’ élaboration d ’ un plan national pour l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale et de veiller à ce que celui-ci fixe des objectifs clairs et précis et prévoie des mécanismes d ’ évaluation des résultats ainsi que l ’ allocation des ressources humaines, techniques et financières nécessaires à sa mise en œuvre effective. Le Comité engage l ’ État partie à veiller à ce que l ’ élaboration comme la mise en œuvre de ce plan se fassent avec la participation effective de la population d ’ ascendance africaine et de tous les groupes dont l ’ origine nationale ou ethnique fait qu ’ ils continuent d ’ être victimes de discrimination et d ’ exclusion sociale.

Accès à la justice

21.Le Comité prend note des informations fournies concernant les mesures prises pour élargir les voies de recours et les mécanismes de plaintes relatives à la discrimination raciale, mais il constate avec préoccupation qu’à ce jour, un seul cas de discrimination raciale a été porté devant les tribunaux et qu’il n’y a pas suffisamment d’informations sur les cas signalés et ayant fait l’objet d’enquêtes (art. 2 et 6).

22. Le Comité rappelle à l ’ État partie que l ’ absence de procédures judiciaires et de condamnations pour des actes de discrimination raciale peut être due au manque d ’ information des victimes concernant les recours judiciaires existants et, à cet égard, il recommande à l ’ État partie  :

a) De veiller à ce que toutes les plaintes pour discrimination raciale donnent lieu à des enquêtes approfondies et indépendantes  ;

b) D ’ adopter des mesures efficaces pour que toutes les victimes de discrimination raciale aient facilement accès à des recours juridiques rapides et efficaces et à une indemnisation  ;

c) De dispenser une formation systématique aux fonctionnaires, procureurs, juges, magistrats et agents des forces de l ’ ordre afin d ’ assurer l ’ application effective de la Convention et des lois relatives à la discrimination raciale  ;

d) De permettre au ministère public d ’ agir d ’ office dans les affaires pénales de discrimination raciale  ;

e) De mener des campagnes de sensibilisation auprès des titulaires de droits sur les dispositions de la Convention et le système juridique de protection contre la discrimination raciale  ;

f) De mettre en place des outils permettant d ’ accéder à des informations sur la criminalité et la violence, en intégrant les variables de couleur de peau, d ’ origine nationale ou ethnique et tout autre motif faisant que des personnes sont victimes de discrimination croisée.

Population carcérale

23.Le Comité regrette l’absence d’informations complètes sur l’origine ethnique ou nationale des personnes privées de liberté (art. 2 et 6).

24. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que la variable relative à l ’ origine ethnique ou nationale ou l ’ ascendance soit utilisée dans les registres de détention afin d ’ obtenir des informations fiables sur la population carcérale et de fournir ces informations dans son prochain rapport.

Formes multiples de discrimination à l’égard des femmes

25.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les femmes d’ascendance africaine dans l’État partie continuent de faire l’objet de formes multiples de discrimination et se heurtent à des obstacles importants pour accéder au marché du travail et à des possibilités de participation et de représentation dans la vie politique et à des postes de décision (art. 5).

26. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre en considération sa recommandation générale n o  25 (2000) concernant la dimension sexiste de la discrimination raciale et d ’ inclure une perspective de genre dans toutes les politiques et stratégies visant à combattre la discrimination raciale en vue de remédier aux formes multiples de discrimination dont sont victimes les femmes d ’ ascendance africaine. Le Comité recommande également à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour éliminer les obstacles structurels auxquels les femmes d ’ ascendance africaine se heurtent dans leur accès au marché du travail, ainsi qu ’ à des possibilités de participation et de représentation dans la vie politique et à des postes de décision.

Refoulement de migrants en situation irrégulière

27.Malgré les informations fournies par la délégation au cours du dialogue, le Comité demeure préoccupé par les effets préjudiciables de l’application de l’article 215 du Code pénal, qui érige en infraction l’entrée illégale sur le territoire national, sur le refoulement des migrants en situation irrégulière (art. 5).

28. Dans le cadre de l ’ élaboration du nouveau Code pénal, le Comité recommande à l ’ État partie d ’ envisager d ’ éliminer l ’ infraction d ’ entrée illégale sur le territoire national et de prendre les mesures nécessaires pour que les dispositions relatives au refoulement des étrangers soient conformes aux normes et principes du droit international des droits de l ’ homme, en particulier le principe de non-discrimination.

Traite des personnes

29.Le Comité salue les mesures que l’État partie a adoptées pour combattre la traite des personnes, notamment l’adoption du Plan national d’action pour la prévention et la répression de la traite des personnes et la protection des victimes (2017-2020). Toutefois, il regrette l’absence d’informations ventilées par sexe, âge, groupe ethnique et nationalité des victimes afin d’évaluer l’ampleur de ce phénomène au sein de la population d’ascendance africaine ou d’une autre origine ethnique ou nationale (art. 5).

30. Le Comité rappelle sa précédente recommandation et demande à l ’ État partie de fournir, dans son prochain rapport périodique, des informations ventilées par sexe, âge, groupe ethnique et nationalité des victimes, sur le nombre d ’ enquêtes ouvertes, de condamnations prononcées et de peines infligées dans des affaires de traite des êtres humains à des fins d ’ exploitation sexuelle ou par le travail. Le Comité encourage l ’ État partie à poursuivre ses efforts pour lutter contre la traite des personnes et à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la mise en œuvre effective du Plan national d ’ action pour la prévention et la répression de la traite des personnes et la protection des victimes (2017-2020).

Usage excessif de la force

31.Le Comité est préoccupé par les informations faisant état d’un recours excessif à la force de la part d’agents des forces de l’ordre contre des personnes d’ascendance africaine et par l’absence d’informations suffisantes sur les mesures que l’État a prises pour enquêter sur ces affaires (art. 5 et 6).

32. Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ adopter des mesures efficaces pour prévenir l ’ usage excessif de la force, les mauvais traitements et l ’ abus d ’ autorité de la part d ’ agents des forces de l ’ ordre contre des personnes d ’ ascendance africaine, notamment en garantissant le respect du principe de proportionnalité et de stricte nécessité dans l ’ usage de la force et en organisant des formations sur l ’ usage de la force et le rétablissement de l ’ ordre par des moyens appropriés  ;

b) De veiller à ce que toutes les allégations d ’ usage excessif de la force, de mauvais traitements et d ’ actes de violence imputés à des agents des forces de l ’ ordre donnent lieu à une enquête efficace et approfondie et, lorsque les preuves sont suffisantes, à ce que les responsables soient poursuivis et punis, compte tenu de la gravité de ces actes  ;

c) De veiller à ce que les personnes d ’ ascendance africaine qui ont été victimes d ’ un usage excessif de la force de la part d ’ agents des forces de l ’ ordre aient accès à des recours utiles et à une indemnisation et ne subissent pas de représailles pour avoir porté plainte.

Lutte contre les stéréotypes raciaux

33.Le Comité prend acte des efforts que l’État partie a déployés pour combattre la discrimination raciale, mais il constate avec préoccupation que ces efforts n’ont pas été suffisamment efficaces pour lutter contre les stéréotypes et les préjugés raciaux qui sont toujours bien ancrés dans la société (art. 2 et 7).

34. Le Comité recommande à l ’ État partie de mener systématiquement des campagnes de sensibilisation et d ’ éducation auprès de la société en général concernant les effets négatifs de la discrimination raciale, en vue de promouvoir la compréhension et la tolérance entre les différents groupes ethniques ou nationaux existant dans le pays, et de combattre les stéréotypes raciaux et toutes les formes de discrimination.

D.Autres recommandations

Ratification d’autres instruments

35. Compte tenu du caractère indivisible de tous les droits de l ’ homme, le Comité encourage l ’ État partie à envisager de ratifier les instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme auxquels il n ’ est pas encore partie, en particulier le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, le Protocole facultatif à la Convention sur l ’ élimination des toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes, le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l ’ enfant établissant une procédure de présentation de communications.

Suite donnée à la Déclaration et au Programme d’action de Durban

36. À la lumière de sa recommandation générale n o 33 (2009) concernant le suivi de la Conférence d ’ examen de Durban, le Comité recommande à l ’ État partie de donner effet à la Déclaration et au Programme d ’ action de Durban, adoptés en septembre 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l ’ intolérance qui y est associée, en tenant compte du Document final de la Conférence d ’ examen de Durban, tenue à Genève en avril 2009, quand il applique la Convention. Le Comité prie l ’ État partie d ’ inclure dans son prochain rapport périodique des informations précises à ce sujet.

Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine

37. À la lumière de la résolution 68/237, par laquelle l ’ Assemblée générale a proclamé la Décennie internationale des personnes d ’ ascendance africaine (2015 ‑ 2024), et de la résolution 69/16 sur le programme d ’ activités de la Décennie, le Comité prie l ’ État partie d ’ inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements précis sur les mesures concrètes qu ’ il aura adoptées dans ce cadre, compte tenu de sa recommandation générale n o 34 (2011) sur la discrimination raciale à l ’ égard des personnes d ’ ascendance africaine.

Diffusion d’information

38. Le Comité recommande à l ’ État partie de mettre ses rapports à la disposition du public dès leur soumission et de diffuser également largement les observations finales du Comité qui s ’ y rapportent.

Consultations avec la société civile

39. Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour établir une coopération constructive avec les organisations de la société civile qui travaillent dans le domaine de la protection des droits de l ’ homme, en particulier celles qui luttent contre la discrimination raciale, et de tenir de vastes consultations dans le cadre de l ’ élaboration du prochain rapport périodique et du suivi des présentes observations finales.

Déclaration prévue à l’article 14

40. Le Comité encourage l ’ État partie à faire la déclaration prévue à l ’ article 14 de la Convention.

Suite donnée aux présentes observations finales

41. Conformément au paragraphe 1 de l ’ article 9 de la Convention et à l ’ article 65 de son règlement intérieur modifié, le Comité demande à l ’ État partie de fournir, dans un délai d ’ un an à compter de l ’ adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la suite qu ’ il aura donnée aux recommandations figurant aux paragraphes 14, alinéas d) et e) (situation des défenseurs des droits de l ’ homme), 20  (plan de lutte contre la discrimination raciale) et 22, alinéas c) et f) (accès à la justice).

Paragraphes d’importance particulière

42. Le Comité souhaite appeler l ’ attention de l ’ État partie sur l ’ importance particulière des recommandations qui figurent aux paragraphes 16 (définition de la discrimination raciale), 18 (discrimination à l ’ égard des personnes d ’ ascendance africaine) et 32 (usage excessif de la force) et lui demande de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures concrètes qu ’ il aura prises pour y donner suite.

Élaboration du prochain rapport périodique

43. Le Comité recommande à l ’ État partie de soumettre son rapport valant vingt-deuxième à vingt-sixième rapports périodiques d ’ ici au 16 mars 2023, en tenant compte des directives pour l ’ établissement du document se rapportant spécifiquement à la Convention adoptées par le Comité à sa soixante et onzième session (CERD/C/2007/1) et en traitant de tous les points soulevés dans les présentes observations finales. À la lumière de la résolution 68/268 de l ’ Assemblée générale, le Comité demande instamment à l ’ État partie de respecter la limite de 21 200 mots fixée pour les rapports périodiques.