Nations Unies

CERD/C/CUB/CO/14-18

Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

8 avril 2011

Français

Original: espagnol

Comité pour l ’ éliminati on de la discrimination raciale

Soixante-dix-huitième session

14 février-11 mars 2011

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Cuba

1.Le Comité a examiné les quatorzième à dix-huitième rapports périodiques de Cuba (CERD/C/CUB/14-18), soumis en un seul document, à ses 2055e et 2056e séances (CERD/C/SR.2055 et 2056), les 16 et 17 février 2011. À sa 2077e séance (CERD/C/SR.2077), le 3 mars 2011, le Comité a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport soumis par l’État partie et se félicite de l’occasion qui lui est donnée de renouer le dialogue après un intervalle de plus de douze ans. Le Comité invite l’État partie à présenter régulièrement ses rapports à l’avenir, en prenant pleinement en considération les directives pour l’établissement des rapports (CERD/C/2007/1).

3.Le Comité se félicite de la présence d’une délégation nombreuse et de haut niveau, qu’il remercie d’avoir répondu de manière ouverte et détaillée au grand nombre de questions qui lui ont été posées.

B.Aspects positifs

4.Le Comité prend note avec intérêt de la mise en place de plusieurs commissions chargées d’analyser et d’étudier le phénomène de la discrimination raciale à Cuba, notamment la Commission contre le racisme et la discrimination raciale de l’Union des écrivains et des artistes de Cuba (UNAEC) et la Commission interinstitutions coordonnée par la Bibliothèque nationale José Martí.

5.Le Comité prend également note avec intérêt de la création d’un groupe de coordination chargé d’étudier et de proposer des actions en rapport avec la question raciale, rattaché au Comité central du Parti communiste cubain.

6.Le Comité accueille avec satisfaction le programme d’activités prévues en 2011 pour célébrer l’Année internationale des personnes d’ascendance africaine (résolution 64/169 de l’Assemblée générale, en date du 18 décembre 2009).

7.Le Comité est heureux de la participation de l’État partie, à travers la Fondation Fernando Ortiz, au projet «La route de l’esclave», lancé en 1994 par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO).

8.Conscient des difficultés économiques auxquelles le pays de heurte, le Comité prend note avec satisfaction des progrès accomplis dans la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement et se félicite de ce que plusieurs des objectifs aient déjà été entièrement atteints et que d’autres soient en voie de réalisation.

C.Sujets de préoccupation et recommandations

9.Le Comité regrette que les informations figurant dans le rapport périodique de l’État partie ne soient pas suffisamment concrètes, en particulier que des données sur la mise en œuvre de la législation en matière de discrimination raciale ne soient pas fournies.

Le Comité tient à rappeler à l ’ État partie que les rapports périodiques que celui-ci doit présenter conformément à l ’ article 9 de la Convention doivent refléter, dans toutes leurs parties, la situation réelle en ce qui concerne la mise en œuvre concrète de la Convention, et comporter des informations sur les progrès accomplis au cours de la période considérée (CERD/C/2007/1, par. 6).

10.Le Comité regrette de ne pas avoir reçu d’informations sur les procédures auxquelles ont donné lieu, au cours de la période couverte par le rapport, les actes contraires aux dispositions de la Convention, conformément aux dispositions de l’article 295 du Code pénal. Il prend note des explications fournies par la délégation au sujet du mandat et de la fonction du procureur général de la République, mais demeure préoccupé par l’absence d’informations sur les plaintes, les poursuites et les condamnations pour des actes de discrimination raciale au cours de la période couverte par le rapport (art. 6).

Se référant à sa Recommandation générale n o 31 (2005) relative à la prévention de la discrimination raciale dans l ’ administration et le fonctionnement de la justice pénale, le Comité rappelle que l ’ absence d ’ affaires tient peut-être au fait que les victimes n ’ ont pas connaissance des recours judiciaires existants et il recommande donc à l ’ État partie de veiller à introduire dans la législation nationale des dispositions appropriées prévoyant une protection effective et des recours utiles contre les manquements à la Convention et à informer le public en général de ses droits et des recours juridiques dont il dispose lorsque ceux-ci sont bafoués.

11.Le Comité constate avec préoccupation que la législation pénale de l’État partie ne prévoit pas la motivation raciale comme une circonstance aggravante de la responsabilité pénale (art. 4 et 6).

Le Comité recommande à l ’ État partie de modifier sa législation de façon que la motivation raciale constitue une circonstance aggravante des délits.

12.Le Comité prend note de l’article 120 du Code pénal, qui prévoit des peines de privation de liberté de dix à vingt ans, ou la peine de mort, pour le crime d’apartheid (art. 4).

Se félicitant que le crime d ’ apartheid soit une infraction qualifiée dans la législation pénale , le Comité invite l ’ État partie à envisager la possibilité d ’ abolir la peine de mort ou, à défaut, de consacrer officiellement le moratoire de facto actuellement en vigueur.

13.Le Comité constate que l’État partie n’a toujours pas prévu de mettre en place un organe indépendant chargé d’assurer le suivi, la supervision et l’évaluation des progrès réalisés dans la lutte contre le racisme et la discrimination raciale, de déceler des manifestations de discrimination indirecte et de formuler des propositions d’amélioration (art. 2, par. 1).

Le Comité engage l ’ État partie à créer cet organe indépendant ou à mettre en place un organe national des droits de l ’ homme indépendant, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris, adoptés par l ’ Assemblée générale dans sa résolution 48/134, en date du 20 décembre 1993, annexe).

14.Le Comité prend note de l’avis de l’État partie, qui considère que les préjugés raciaux dans la société cubaine «ne tirent pas à conséquence et se manifestent en particulier dans les aspects les plus intimes de la vie, le plus souvent dans la relation de couple», mais il demeure préoccupé par le fait que des préjugés et des stéréotypes raciaux négatifs sont profondément ancrés dans la société, ainsi que par leur dimension sexiste (art. 5 et 7).

Le Comité invite l ’ État partie à poursuivre ses efforts pour mettre un terme aux préjugés et aux stéréotypes raciaux, en particulier en organisant des campagnes de sensibilisation et des programmes d ’ éducation du public dans le cadre de l ’ enseignement et du travail. Il l ’ engage instamment à s ’ assurer que les médias évitent les stéréotypes fondés sur la discrimination raciale.

Le Comité rappell e à l ’ État partie la nécessité d ’ intégrer une perspective de genre dans toutes les politiques et stratégies de lutte contre la discrimination raciale afin de lutter contre les multiples formes de discrimination dont les femmes peuvent être victimes , en tenant compte de la Recommandation générale n o 25 (2000) r elative à la dimension sexiste de la discrimination raciale.

15.Le Comité donne à l’État partie acte des efforts qu’il consent pour améliorer la représentation de la population noire et métisse dans l’administration publique, mais il constate qu’il est difficile de concevoir des politiques susceptibles de corriger avec succès la situation des groupes historiquement exclus du fait de l’action conjointe de la discrimination raciale et des privations économiques (art. 2, par. l a) et b)).

Le Comité accueille avec satisfaction les mesures spéciales et les mesures d ’ action positive visant à améliorer la représentation de la population d ’ ascendance africaine dans l ’ administration et les entreprises publiques, et encourage l ’ État partie à redoubler d ’ efforts en ce sens et à prendre en considération sa Recommandation générale n o 32 (2009), relative à la signification et la portée des mesures spéciales.

Le Comité engage l ’ État partie à maintenir activement la vigilance en ce qui concerne l ’ incidence de la discrimination raciale sur les groupes de population dans lesquels l es niveaux d ’ exclusion ou de marginalisation économique sont toujour s élevés .

16.Le Comité prend note des informations fournies par la délégation au sujet des mesures adoptées par l’État partie pour lutter contre la traite des êtres humains, en particulier des femmes et des enfants à des fins d’exploitation sexuelle, mais regrette l’absence de renseignements sur l’ampleur de la traite au plan interne et l’incidence de ce phénomène sur la population d’ascendance africaine (art. 5 b)).

Le Comité demande à l ’ État partie de fournir, dans son prochain rapport périodique, des informations détaillées, ventilées par sexe, âge, groupe ethnique et nationalité des victimes, sur le nombre d ’ enquêtes ouvertes, de condamnations prononcées et de peines infligées dans des affaires de traite des êtres humains à des fins d ’ exploitation sexuelle ou par le travail.

17.Le Comité prend note des informations fournies par la délégation selon lesquelles les autorités cubaines sont sur le point d’achever l’examen du Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (Protocole de Palerme) (art. 5 b)).

Le Comité encourage l ’ État partie à accélérer le processus de ratification du Protocole de Palerme.

18.Le Comité prend note de l’information fournie par la délégation au sujet des initiatives en cours en vue de réformer la législation relative aux migrations (lois nos 1312 et 1313 relatives aux migrations et aux étrangers, respectivement, de 1976) et la loi de 1948 relative à la nationalité. Il regrette cependant le manque d’informations officielles sur l’immigration irrégulière au cours de la période à l’examen, en particulier en ce qui concerne l’arrivée d’embarcations transportant des immigrants haïtiens, et leur rapatriement ultérieur dans le cadre du Mémorandum d’accord tripartite signé en février 2002 entre Cuba, Haïti et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) (art. 5 d) et e)).

Le Comité recommande à l ’ État partie de s ’ occup er sans retard de réformer la législation relative aux migrations et aux étrangers, ainsi que les textes concernant la nationalité afin de prévenir l ’ apatridie.

Conformément à sa Recommandation générale n o  30 (2004) concernant les non-ressortissants, le Comité engage l ’ État partie à garantir le respect des droits et libertés des étrangers présents sur son territoire, qu ’ ils disposent ou non de documents et qu ’ ils soient en situation régulière ou irrégulière.

19. Le Comité se dit préoccupé par l’absence de cadre légal qui permette l’intégration des personnes ayant besoin de protection internationale présentes sur le territoire de l’État partie (art. 5 d) et e)).

L ’ État partie devrait adopter les mesures législatives et administratives propres à assurer la protection des réfugiés, des demandeurs d ’ asile et des apatrides.

Le Comité demande instamment à l ’ État partie d ’ envisager la possibilité de ratifier la Convention relative au statut des réfugiés et le Protocole relatif au statut des réfugiés, ainsi que la Convention relative au statut des apatrides, et la Convention sur la réduction des cas d ’ apatridie.

20.Le Comité prend note avec préoccupation de l’explication fournie par l’État partie au sujet de l’application de l’article 215 du Code pénal, qui établit le délit d’entrée illicite sur le territoire national, selon lequel, dans les contrôles aux frontières, toute personne qui tente d’entrer dans le pays sans respecter les procédures migratoires est refoulée (art. 5).

Le Comité souhaiterait recevoir des renseignements complémentaires sur les mécanismes qui garantissent la conformité des décisions relatives à l ’ expulsion des étrangers ou à leur renvoi à la frontière avec les normes et principes du droit international des droits de l ’ homme, en particulier le principe de non-discrimination.

21.Le Comité invite l’État partie à ratifier les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme qu’il n’a pas encore ratifiés, en particulier ceux dont les dispositions ont un lien direct avec la discrimination raciale, tels que le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, signés par Cuba en février 2008, ainsi que la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

22.À la lumière de sa Recommandation générale no 33 (2009) concernant le suivi de la Conférence d’examen de Durban, le Comité recommande à l’État partie, quand il incorporera la Convention dans l’ordre juridique interne, de prendre en compte la Déclaration et le Programme d’action de Durban adoptés en septembre 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, ainsi que le Document final de la Conférence d’examen de Durban tenue à Genève en avril 2009. Le Comité prie l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations précises sur les plans d’action et autres mesures prises pour appliquer au niveau national la Déclaration et le Programme d’action.

23.Le Comité recommande à l’État partie de ratifier les amendements au paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention adoptés le 15 janvier 1992 à la quatorzième réunion des États parties à la Convention et approuvés par l’Assemblée générale dans sa résolution 47/111 en date du 16 décembre 1992. À ce propos, le Comité renvoie aux résolutions 61/148, en date du 19 décembre 2006, et 63/243, en date du 24 décembre 2008, dans lesquelles l’Assemblée générale a demandé instamment aux États parties d’accélérer leurs procédures internes de ratification des modifications et d’informer par écrit le Secrétaire général, dans les meilleurs délais, de leur acceptation de ces modifications.

24.Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre les consultations et de renforcer le dialogue avec les organisations de la société civile qui travaillent dans le domaine de la protection des droits de l’homme, en particulier celles qui luttent contre la discrimination raciale, dans l’optique de l’établissement du prochain rapport périodique.

25.L’État partie ayant soumis son document de base (HRI/CORE/1/Add.84) en juin 1997, le Comité l’invite à faire parvenir une mise à jour selon les directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, en particulier celles qui visent le document de base commun, adoptées par la cinquième réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme en juin 2006 (voir HRI/GEN/2/Rev.4, première partie).

26.Le Comité encourage l’État partie à envisager la possibilité de faire la déclaration facultative prévue à l’article 14 de la Convention, afin de reconnaître la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers.

27.Conformément au paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention et à l’article 65 de son règlement intérieur modifié, le Comité prie l’État partie de lui faire parvenir, dans l’année qui suit l’adoption des présentes observations finales, des informations sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 10, 14 et 20.

28.Le Comité souhaite également appeler l’attention de l’État partie sur l’importance particulière des recommandations qui figurent aux paragraphes 11 à 13, et le prie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations détaillées sur les mesures concrètes qu’il aura adoptées pour appliquer effectivement ces recommandations.

29.Le Comité recommande à l’État partie de lui soumettre ses dix-neuvième à vingt et unième rapports périodiques en un seul document, au plus tard le 16 mars 2013, et de les établir en tenant compte des directives concernant l’élaboration du document se rapportant spécifiquement à la Convention sur l’élimination de la discrimination raciale qu’il a adoptées à sa soixante et onzième session (CERD/C/2007/1), et qui traitera de tous les points soulevés dans les présentes observations finales. Il l’engage également à respecter la limite de 40 pages imposée pour les rapports présentés au titre d’un instrument particulier, et la limite de 60 à 80 pages imposée pour le document de base commun (voir les directives harmonisées pour l’établissement de rapports qui figurent dans le document HRI/GEN/2/Rev.6, par. 19).