Nations Unies

CCPR/C/131/D/2891/2016

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

4 mai 2021

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Constatations adoptées par le Comité au titre de l’article5 (par.4) du Protocole facultatif, concernant la communication no 2891/2016 * , **

Communication présentée par:

Galina Belova, Leonid Sudalenko et Anatoly Poplavny (non représentés par un conseil)

Victime(s) présumée(s):

Les auteurs

État partie:

Bélarus

Date de la communication:

31 mars 2016 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise en application de l’article 92 du règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 12 décembre 2016 (non publiée sous forme de document)

Date des constatations :

25 mars 2021

Objet:

Refus des autorités d’autoriser la tenue d’un rassemblement pacifique ; liberté d’expression ; recours utile

Question(s) de procédure:

Épuisement des recours internes ; fondement des griefs

Question(s) de fond:

Liberté de réunion ; liberté d’expression ; recours utile

Article(s) du Pacte:

2 (par. 2 et 3), 19 et 21

Article(s) du Protocole facultatif:

2 et 5 (par. 2 b))

1.Les auteurs de la communication sont Galina Belova, Leonid Sudalenko et Anatoly Poplavny, de nationalité bélarussienne, nés respectivement en 1958, 1966 et 1958. Ils affirment que l’État partie a violé les droits qu’ils tiennent des articles 19 et 21, lus conjointement avec l’article 2 (par. 2 et 3) du Pacte. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour le Bélarus le 30 décembre 1992. Lesauteurs ne sont pas représentés par un conseil.

Rappel des faits présentés par les auteurs

2.1Le 21 novembre 2014, les auteurs ont sollicité l’autorisation du Comité exécutif de la ville de Gomel en vue de la tenue d’un rassemblement pacifique dans la rue Sovetskaya, à Gomel, de la place Lénine au grand magasin « Gomel », le 10 décembre 2014 − Journée des droits de l’homme −, en soutien aux prisonniers politiques du Bélarus.

2.2Le 4 décembre 2014, le Comité exécutif a rejeté la demande des auteurs sur le fondement de l’article 9 de la loi de 1997 sur les manifestations publiques, qui interdit la tenue de manifestations publiques à moins de 50 mètres d’un bâtiment officiel, notamment des bâtiments abritant les autorités gouvernementales et administratives locales, ou à moins de 200 mètres d’un passage piétons souterrain ou des locaux des agences de télévision ou de radiodiffusion. La tenue du rassemblement a également été interdite au motif que les auteurs n’avaient pas fourni les contrats signés avec les prestataires de services municipaux concernés chargés d’assurer des services médicaux pendant la manifestation et le nettoyage des lieux après celle-ci, comme le prescrit l’article 3 de la décision no 775 du Comité exécutif en date du 15 août 2013 sur la tenue de manifestations publiques dans la ville de Gomel.

2.3Le 26 décembre 2014, les auteurs ont saisi le tribunal central de district de Gomel pour contester la décision du Comité exécutif ; le 22 janvier 2015, ils ont été déboutés de leur recours. Le tribunal a confirmé le bien-fondé du raisonnement du Comité exécutif, ajoutant que les auteurs souhaitaient organiser une manifestation publique en un lieu autre que celui prévu à cet effet par la décision no 775.

2.4Le 29 janvier 2015, les auteurs ont saisi le tribunal régional de Gomel d’un pourvoi en cassation contre la décision du tribunal central de district ; le 17 mars 2015, ils ont été déboutés de leur pourvoi.

2.5Les auteurs ont introduit des demandes de réexamen au titre de la procédure de contrôle devant le Président du tribunal régional de Gomel le 15 mai 2015, puis devant le Président de la Cour suprême le 7 octobre 2015 ; ils ont été déboutés de leurs demandes respectivement les 24 septembre et 20 novembre 2015.

2.6Les 17 décembre 2015 et 1er février 2016, les auteurs ont également saisi le Bureau du Procureur général de demandes de réexamen au titre de la procédure de contrôle, demandes qui ont été rejetées respectivement les 28 janvier et 21 mars 2016.

Teneur de la plainte

3.1Les auteurs soutiennent que le rejet par les autorités nationales de leur demande d’autorisation de tenir un rassemblement constitue une violation des droits qu’ils tiennent des articles 19 et 21 du Pacte, lus conjointement avec l’article 2 (par. 2 et 3).

3.2Les auteurs affirment que ni le Comité exécutif de la ville de Gomel ni les tribunaux n’ont examiné la question de savoir si les restrictions imposées à leurs droits par la décision no 775 étaient justifiées par la nécessité de protéger la sécurité nationale ou la sûreté publique, l’ordre public, la santé ou la moralité publiques, ou les droits et libertés d’autrui. Ils soutiennent qu’en disposant que les manifestations publiques organisées à Gomel ne peuvent se tenir qu’en un unique lieu éloigné et à condition que les organisateurs aient au préalable conclu des contrats de prestations de services avec la municipalité, la décision no 775 restreint inutilement les droits consacrés par les articles 19 et 21 du Pacte et porte atteinte à leur fondement même.

3.3Les auteurs avancent qu’en ratifiant le Pacte, l’État partie s’est engagé à respecter et à garantir à tous les individus les droits reconnus dans le Pacte, ainsi qu’à adopter toutes mesures d’ordre législatif ou autre propres à donner effet auxdits droits (art. 2). Ils soutiennent que l’État partie ne respecte pas les obligations mises à sa charge par l’article 2 (par. 2) du Pacte, lu conjointement avec les articles 19 et 21, car la loi sur les manifestations publiques contient des dispositions vagues et ambiguës. Par exemple, l’article 9 de cette loi donne aux responsables des comités exécutifs locaux tout pouvoir pour définir, à titre permanent et sans avoir à justifier leur choix, les lieux où peuvent être organisés des rassemblements pacifiques.

3.4Les auteurs prient le Comité de recommander à l’État partie de mettre sa législation, en particulier la loi sur les manifestations publiques et la décision no 775 du Comité exécutif de la ville de Gomel, en conformité avec les normes internationales énoncées aux articles 19 et 21 du Pacte.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Par une note verbale du 10 février 2017, l’État partie indique que, selon les dispositions du Protocole facultatif, tout particulier qui prétend être victime d’une violation de l’un quelconque des droits énoncés dans le Pacte et qui a épuisé toutes les voies de recours internes qui lui étaient ouvertes peut soumettre une communication écrite au Comité.

4.2L’État partie fait observer que, le 4 décembre 2014, le Comité exécutif de la ville de Gomel a rejeté la demande déposée par les auteurs aux fins de la tenue d’un rassemblement, le 10 décembre 2014, sur le fondement de la loi de 1997 sur les manifestations publiques et de sa décision no 775 en date du 15 août 2013 concernant la tenue de manifestations publiques à Gomel.

4.3La décision du Comité exécutif a été confirmée par le tribunal central de district de Gomel. Les auteurs ont été déboutés de leurs recours par le tribunal régional de Gomel. Les demandes introduites par les auteurs au titre de la procédure de contrôle ont également été rejetées. Toutefois l’État partie fait observer que les auteurs n’ont pas épuisé toutes les voies de recours internes qui leur étaient ouvertes puisque les demandes qu’ils ont introduites au titre de la procédure de contrôle n’ont pas été examinées ni par le Procureur général ni par le Président de la Cour suprême.

4.4L’État partie soutient que le rassemblement a été interdit parce que les auteurs n’ont pas fourni les contrats signés avec les prestataires de services municipaux concernés, obligation qui leur était imposée par l’article 3 de la décision no 775 du Comité exécutif et qui visait à garantir la prestation de services médicaux pendant la manifestation et le nettoyage des lieux après celle-ci. En outre, le rassemblement devait se tenir à moins de 200 mètres d’un passage piétons souterrain et des locaux d’agences de télévision et de radiodiffusion, ce qu’interdit la loi sur les manifestations publiques.

4.5L’État partie rejette les allégations des auteurs selon lesquelles les droits qui leur sont reconnus par les articles 19 et 21 du Pacte, lus conjointement avec l’article 2 (par. 2 et 3), auraient été violés. Il fait observer que ces droits sont garantis par les articles 33 et 35 de la Constitution. Il conclut que les dispositions de la loi sur les manifestations publiques sont conformes à l’article 19 (par. 3) et à l’article 21 du Pacte et ne sauraient être considérées comme une restriction du droit à la liberté d’expression et à la liberté de réunion.

Commentaires des auteurs sur les observations de l’État partie

5.1Le 17 mars 2017, les auteurs ont relevé qu’une demande de réexamen au titre de la procédure de contrôle ne constituait pas un recours utile. Ils soutiennent que cette procédure est laissée à la discrétion d’un procureur ou d’un juge et qu’elle n’implique pas d’examen au fond. Ils ont introduit sans succès des demandes de réexamen au titre de la procédure de contrôle notamment auprès du Président de la Cour suprême et du Procureur général.

5.2S’agissant des observations de l’État partie concernant les dispositions de sa législation, les auteurs appellent l’attention du Comité sur le fait que l’État partie n’a pas mis en œuvre les recommandations des organisations internationales tendant à ce qu’il modifie la loi sur les manifestations publiques pour la rendre conforme aux normes internationales. Ils relèvent également que l’État partie n’a pas donné suite aux autres constatations du Comité dans lesquelles celui-ci lui avait demandé de réviser sa législation nationale pour la rendre compatible avec les obligations mises à sa charge.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 97 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément à l’article 5 (par. 2 a)) du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3Le Comité prend note des observations de l’État partie, dans lesquelles celui-ci laisse entendre que les auteurs n’ont pas épuisé les voies de recours internes qui leur étaient ouvertes puisque les demandes de réexamen qu’ils ont introduites au titre de la procédure de contrôle n’ont pas été examinées par le Procureur général ni par le Président de la Cour suprême. Il prend note également de l’argument des auteurs selon lequel ils ont bel et bien contesté, sans succès, les décisions de justice rendues dans l’affaire au titre de la procédure de contrôle, devant le Président de la Cour suprême et le Procureur général. À ce sujet, le Comité rappelle sa jurisprudence, dont il ressort que l’introduction auprès du ministère public d’une demande de réexamen au titre de la procédure de contrôle de décisions de justice devenues exécutoires est un recours extraordinaire dont l’issue relève du pouvoir discrétionnaire du procureur et, partant, ne constitue pas un recours qui doit être épuisé aux fins de l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif. De la même manière, le Comité estime que saisir le Président d’un tribunal d’une demande de contrôle juridictionnel d’une décision judiciaire ayant force de chose jugée, demande dont l’issue dépend du pouvoir discrétionnaire d’un juge, constitue un recours extraordinaire, et que l’État partie doit montrer qu’il existe une possibilité raisonnable qu’une telle demande constitue un recours utile dans les circonstances de l’espèce. En l’absence d’explications complémentaires de l’État partie, le Comité estime que les dispositions de l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif ne font pas obstacle à l’examen de la présente communication.

6.4Le Comité prend note des allégations des auteurs selon lesquelles l’État partie a violé les droits qu’ils tiennent des articles 19 et 21, lus conjointement avec l’article 2 (par. 2) du Pacte. Il rappelle que les dispositions de l’article 2 ne peuvent pas être invoquées en conjonction avec d’autres dispositions du Pacte pour fonder une communication présentée en vertu du Protocole facultatif, sauf lorsque le manquement de l’État partie aux obligations que lui impose cet article est la cause immédiate d’une violation distincte du Pacte portant directement atteinte à la personne qui se dit victime. Le Comité constate toutefois que les auteurs affirment que l’interprétation et l’application des lois en vigueur dans l’État partie a entraîné une violation des droits qu’ils tiennent des articles 19 et 21 du Pacte, et il estime qu’examiner la question de savoir si l’État partie a manqué aux obligations générales mises à sa charge par l’article 2 (par. 2) du Pacte, lu conjointement avec les articles 19 et 21, revient à examiner la question de savoir si l’État partie a porté atteinte aux droits qui sont reconnus aux auteurs par les articles 19 et 21 du Pacte. Le Comité estime donc que les griefs des auteurs à cet égard sont incompatibles avec l’article 2 du Pacte et, partant, qu’ils sont irrecevables au regard de l’article 3 du Protocole facultatif.

6.5Le Comité prend note en outre des griefs soulevés par les auteurs au titre des articles 19 et 21 du Pacte, lus conjointement avec l’article 2 (par. 3). En l’absence de tout autre élément utile dans le dossier, le Comité estime que les auteurs n’ont pas suffisamment étayé ces griefs aux fins de la recevabilité. En conséquence, il déclare cette partie de la communication irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.6Le Comité constate que les griefs formulés par les auteurs soulèvent des questions au regard des article 19 (par. 2) et 21 du Pacte. Il estime que ces griefs ont été suffisamment étayés aux fins de la recevabilité et passe à leur examen au fond.

Examen au fond

7.1Conformément à l’article 5 (par. 1) du Protocole facultatif, le Comité a examiné la communication en tenant compte de toutes les informations que lui ont communiquées les parties.

7.2Le Comité prend note des griefs des auteurs, qui soutiennent que leurs droits à la liberté d’expression et à la liberté de réunion ont été restreints, en violation des articles 19 et 21 du Pacte, car ils se sont vu refuser l’autorisation d’organiser un rassemblement pacifique en soutien aux prisonniers politiques du Bélarus. Il note également que, d’après les auteurs, les autorités n’ont pas expliqué en quoi les restrictions imposées à la tenue du rassemblement étaient nécessaires dans l’intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté publique ou de l’ordre public, ou pour protéger la santé ou la moralité publiques ou les droits et libertés d’autrui, comme prévu à l’article 19 (par. 3) et dans la deuxième phrase de l’article 21, et que, partant, les intéressés considèrent que les restrictions en question étaient illégales.

7.3Le Comité prend note des allégations des auteurs selon lesquelles leur droit de réunion pacifique garanti par l’article 21 du Pacte a été violé du fait du refus par le Comité exécutif de la ville de Gomel d’autoriser la tenue d’un rassemblement pacifique. Dans son observation générale no 37 (2020), il indique que les réunions pacifiques peuvent en principe être organisées en tout lieu accessible au public ou auquel le public devrait avoir accès, comme les places publiques et la voie publique. Les réunions pacifiques ne devraient pas être reléguées dans des endroits isolés où elles ne peuvent pas attirer l’attention de ceux à qui elles s’adressent ou du grand public. En règle générale, il ne peut être imposé d’interdictions générales d’organiser des rassemblements en tous lieux de la capitale, en tous lieux publics à l’exception d’un lieu unique en ville ou en dehors du centre‑ville, ou sur l’ensemble de la voie publique d’une ville. Le Comité note en outre qu’exiger des participants ou des organisateurs qu’ils assurent l’encadrement et le maintien de l’ordre et la fourniture de soins médicaux pendant les rassemblements pacifiques et le nettoyage du site après la réunion ou tous autres services publics connexes ou qu’ils en assument les coûts n’est généralement pas compatible avec l’article 21.

7.4Le Comité rappelle que le droit de réunion pacifique, garanti par l’article 21 du Pacte, est un droit de l’homme fondamental qui est essentiel à l’expression publique des points de vue et opinions de chacun et est indispensable dans une société démocratique. L’article 21 du Pacte protège les réunions pacifiques, qu’elles se déroulent, partiellement ou intégralement, à l’extérieur, à l’intérieur ou en ligne, en public ou en privé. Ces réunions peuvent prendre de nombreuses formes, notamment celles de manifestations, protestations, rassemblements, défilés, sit-in, veillées à la bougie et mobilisations éclair. Elles sont protégées au titre de l’article 21 qu’elles soient statiques, comme les piquets, ou mobiles, comme les défilés ou les marches. Les organisateurs d’un rassemblement ont, en principe, le droit de choisir un lieu à portée de vue et de voix du public cible et l’exercice de ce droit ne peut faire l’objet que des seules restrictions : a) imposées conformément à la loi ; et b) nécessaires dans une société démocratique pour sauvegarder la sécurité nationale, la sûreté publique et l’ordre public ou pour protéger la santé ou la moralité publiques, ou les droits et libertés d’autrui. Lorsqu’il impose des restrictions au droit de réunion des particuliers afin de concilier ce droit avec l’intérêt général, l’État partie doit chercher à faciliter l’exercice de ce droit et non s’employer à le restreindre par des moyens qui ne sont ni nécessaires ni proportionnés. Il est donc tenu de justifier la limitation du droit garanti par l’article 21 du Pacte.

7.5En l’espèce, le Comité doit déterminer si les restrictions imposées au droit des auteurs à la liberté de réunion pacifique sont justifiées au regard de l’un quelconque des critères énoncés dans la deuxième phrase de l’article 21 du Pacte. Il ressort des éléments versés au dossier que la demande d’autorisation déposée par les auteurs en vue de la tenue d’un rassemblement a été rejetée : parce que le lieu choisi n’était pas celui qui avait été désigné par les autorités municipales ; parce que le rassemblement devait avoir lieu à moins de 50 mètres d’un bâtiment officiel, notamment d’un bâtiment abritant les autorités gouvernementales et administratives locales, et à moins de 200 mètres d’un passage piétons souterrain et des locaux d’agences de télévision et de radiodiffusion ; parce que les auteurs n’avaient pas fourni de contrats signés avec les prestataires de services municipaux concernés chargés d’assurer des services médicaux pendant la manifestation et le nettoyage des lieux après celle-ci. Dans ce contexte, le Comité constate que ni le Comité exécutif de la ville de Gomel ni les tribunaux internes n’ont justifié leur décision ou expliqué en quoi, dans la pratique, la manifestation que les auteurs souhaitaient organiser aurait menacé les intérêts visés à l’article 21 du Pacte, à savoir la sécurité nationale ou la sûreté publique, l’ordre public, la santé ou la moralité publiques ou les droits et libertés d’autrui. L’État partie n’a pas non plus montré que d’autres mesures avaient été prises pour faciliter l’exercice des droits que les auteurs tiennent de l’article 21.

7.6En l’absence d’explications de la part de l’État partie sur cette question, le Comité conclut que celui-ci a violé les droits garantis aux auteurs par l’article 21 du Pacte.

7.7Le Comité prend également note des allégations des auteurs selon lesquelles leur droit à la liberté d’expression a été restreint illégalement, en ce qu’on leur a refusé l’autorisation de tenir un rassemblement pour exprimer publiquement leur soutien aux prisonniers politiques du Bélarus. Il doit donc déterminer si l’interdiction de tenir un rassemblement pacifique qui a été imposée aux auteurs par les autorités municipales constitue une violation de l’article 19 du Pacte.

7.8Le Comité rappelle son observation générale no 34 (2011), dans laquelle il souligne, entre autres, que la liberté d’expression est essentielle pour toute société et constitue le fondement de toute société libre et démocratique. Il fait observer que l’article 19 (par. 3) du Pacte autorise l’application de restrictions à la liberté d’expression, y compris à la liberté de répandre des informations et des idées, dans la seule mesure où ces restrictions sont fixées par la loi et sont nécessaires au respect des droits ou de la réputation d’autrui ou à la sauvegarde de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité publiques. Enfin, aucune restriction de la liberté d’expression ne doit avoir une portée trop large : elle doit constituer le moyen le moins perturbateur parmi ceux qui pourraient permettre d’obtenir le résultat recherché, et doit être proportionnée à l’intérêt protégé. Le Comité rappelle que c’est à l’État partie qu’il incombe de démontrer que les restrictions apportées aux droits que les auteurs tiennent de l’article 19 du Pacte étaient nécessaires et proportionnées.

7.9Le Comité fait observer que le fait de limiter la tenue de rassemblements à certains emplacements désignés à l’avance ne semble pas répondre aux critères de nécessité et de proportionnalité énoncés à l’article 19 du Pacte. Il relève que ni l’État partie ni les juridictions nationales n’ont expliqué en quoi la restriction imposée était nécessaire en ce qu’elle servait un but légitime. Le Comité considère que, dans les circonstances de l’espèce, les restrictions imposées aux auteurs, bien que fondées sur le droit interne, n’étaient pas justifiées au regard de l’article 19 (par. 3) du Pacte. En l’absence de toute explication de la part de l’État partie, il conclut que les droits que les auteurs tiennent de l’article 19 du Pacte ont été violés.

8.Le Comité, agissant en vertu de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, constate que les faits dont il est saisi font apparaître une violation par l’État partie des droits garantis aux auteurs par les articles 19 et 21 du Pacte.

9.Conformément à l’article 2 (par. 3 a)) du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer aux auteurs un recours utile. Il a l’obligation d’accorder une réparation intégrale aux individus dont les droits garantis par le Pacte ont été violés. En conséquence, l’État partie est tenu, entre autres, d’accorder aux auteurs une indemnisation suffisante. Il est également tenu de prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher que des violations similaires se produisent à l’avenir. À cet égard, le Comité fait observer que l’État partie devrait réviser son cadre normatif relatif aux manifestations publiques, conformément à l’obligation qui lui incombe au titre de l’article 2 (par. 2), afin de garantir la pleine jouissance des droits consacrés par les articles 19 et 21 du Pacte sur son territoire.

10.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité a compétence pour déterminer s’il y a ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et une réparation exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet aux présentes constatations. L’État partie est invité en outre à rendre celles-ci publiques et à les diffuser largement dans ses langues officielles.