Nations Unies

CCPR/C/131/2/Add.1

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

29 avril 2021

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Rapport sur le suivi des observations finales du Comité des droits de l’homme *

Additif

Évaluation des renseignements sur la suite donnée aux observations finales concernant la Jamaïque

Observations finales (118 e  session) :

CCPR/C/JAM/CO/4, 1er novembre 2016

Paragraphes faisant l’objet d’un suivi:

26, 32 et 44

Réponse sur la suite donnée aux observations  :

CCPR/C/JAM/CO/4/Add.1, 19 juillet 2018

Informations émanant d’organisations non gouvernementales  :

Jamaicans for Justice avec le soutien du Centre CCPR, mars 2019

Évaluation du Comité:

Des informations complémentaires sont nécessaires au sujet des paragraphes 26[C], 32[B][C] et 44[B]

Paragraphe 26 : Interruption volontaire de grossesse

L’État partie devrait, à titre prioritaire, modifier sa législation sur l’avortement pour aider les femmes à faire face aux grossesses non désirées de sorte qu’elles ne recourent pas aux avortements illégaux qui pourraient mettre leur vie en danger. Il devrait prendre des mesures pour protéger les femmes contre les risques en terme de santé liés aux avortements non médicalisés, en améliorant le suivi et la collecte des données relatives à l’accès des femmes aux soins de santé et en donnant accès à l’information et aux services dans le domaine de la santé sexuelle et procréative à toutes les femmes, y compris aux filles âgées de moins de 16 ans.

Résumé de la réponse de l’État partie

Organisme public, le Centre de ressources pour adolescentes du Centre des femmes de la Fondation jamaïcaine propose des services de santé sexuelle et procréative dans le respect de la confidentialité. Il s’agit de services de consultation, individuelle ou en groupe, sur les méthodes contraceptives, de services de dépistage des infections sexuellement transmissibles et du VIH et d’orientation vers les structures appropriées, de services de santé mentale pour le diagnostic et le traitement de la dépression puerpérale, de services de conseil aux victimes de violence fondée sur le genre et de l’accès à des gynécologues et des sages‑femmes.

L’État est en passe d’assurer le financement de mesures qui protègent les droits des femmes et des filles en matière de santé sexuelle et procréative, avec le concours du Fonds des Nations Unies pour la population. Le projet d’émancipation des femmes, qui répond à une volonté de sensibilisation, théorique et pratique, aux méthodes contraceptives, à la prévention du VIH, aux normes de genre et aux problèmes de la stigmatisation et de la discrimination, a bénéficié à quelque 208 femmes et jeunes filles âgées de 15 à 24 ans. Le programme « Hold on Hold off », qui doit aider les jeunes à améliorer leur connaissance d’eux-mêmes et à prendre des décisions plus éclairées dans le domaine de la santé sexuelle et procréative, se poursuit.

Un enseignement sur la santé et la vie de famille continue d’être dispensé dans les écoles. Il comprend un module sur la sexualité et la santé sexuelle, qui traite de la contraception, de l’abstinence et de la grossesse précoce. Le Conseil national de la planification familiale et la Fondation jamaïcaine ont organisé des ateliers de renforcement des capacités pour sensibiliser aux questions de santé sexuelle et procréative.

Informations émanant d’organisations non gouvernementales

Jamaicans for justice

Depuis 2018, l’État prend des mesures en vue de dépénaliser l’avortement et de fournir aux femmes des méthodes d’interruption de grossesse qui soient sûres et abordables. Ces mesures ne sont toutefois pas suffisantes. Les taux de mortalité et de morbidité maternelles restent élevés, l’avortement est toujours interdit, les services nécessaires continuent de faire défaut et l’accès à l’information reste limité. Tout cela pèse lourdement sur la santé sexuelle et procréative des femmes.

Il est essentiel que l’État partie agisse sans délai pour protéger la santé et le bien-être des femmes et des filles. Il est également essentiel que l’État partie procède à un examen approfondi des rôles attribués aux hommes et aux femmes et mène des campagnes de sensibilisation sur la violence fondée sur le genre, y compris la violence sexuelle et la violence au sein du couple, et sur ses effets sur la santé sexuelle et procréative des femmes.

Évaluation du Comité

[C] :Le Comité remercie l’État partie de l’avoir informé des mesures qu’il avait prises afin que toutes les femmes, y compris les filles de moins de 16 ans, aient accès à des informations et des services dans le domaine de la santé sexuelle et procréative. Il souhaiterait savoir si les mesures décrites ont été prises avant ou après la publication de ses observations finales. Il souhaiterait aussi savoir quels ont été les résultats concrets des mesures et programmes appliqués et si les services en question étaient disponibles sur tout le territoire de l’État partie pendant la période considérée.

Le Comité regrette que l’État partie n’ait fourni aucune information sur ce qu’il avait fait pour dépénaliser l’interruption volontaire de grossesse, notamment lorsque cette grossesse est le résultat d’un viol ou d’un inceste ou que le fœtus présente une anomalie ; il renouvelle donc sa recommandation. Il souhaiterait que l’État partie lui communique des informations précises sur ses projets éventuels de modification de la législation en matière d’avortement.

Le Comité regrette également que l’État partie n’ait fourni aucune information au sujet du suivi et de la collecte de données sur l’accès des femmes aux soins de santé. Le Comité renouvelle sa recommandation et demande des informations sur les mesures qui ont été prises afin d’améliorer le suivi et la collecte de données ainsi que des données statistiques sur l’accès des femmes et des filles aux soins de santé.

Paragraphe 32 : Interdiction de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et droit à la vie

L’État partie devrait accélérer l’action qu’il mène en vue de réduire le surpeuplement des lieux de détention, y compris en recourant aux mesures de substitution à l’emprisonnement, et améliorer les conditions de détention, en ce qui concerne en particulier les conditions sanitaires et l’accès aux soins médicaux, conformément à l’article 10 du Pacte et à l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (« Règles Nelson Mandela ») (résolution 70/175 de l’Assemblée générale, annexe). L’État partie devrait adopter une législation régissant la détention avant jugement et mettre en place un système permettant de détenir séparément les prévenus et les condamnés.

Résumé de la réponse de l’État partie

Le Département des services pénitentiaires prend des mesures en vue de réduire la surpopulation dans les centres de détention pour adultes de Tower Street et de St Catherine. En 2018, le centre de détention pour adultes de Tamarind Farm s’est doté d’un bâtiment supplémentaire, capable d’accueillir 304 détenus, ce qui a permis de réduire le nombre des personnes détenues dans les centres de Tower Street et de St Catherine.

La police jamaïcaine a pris des mesures pour juguler la surpopulation dans trois de ses principaux centres de détention. La normalisation des lieux de détention est engagée, une assistance est fournie aux proches des personnes libérées sous caution dans le cadre d’un programme ad hoc, et des mesures sont prises en vue de garantir le respect des normes internationales en matière de population et de sécurité.

La police jamaïcaine forme les membres des forces de l’ordre aux procédures d’arrestation et de détention. Une formation aux techniques à létalité réduite et aux règles relatives à l’instruction est dispensée aux policiers. Entre février 2016 et septembre 2017, elle a été suivie par 1 149 nouvelles recrues et 514 fonctionnaires en exercice.

Dans les établissements gérés par le Département des services pénitentiaires, les détenus et les enfants présents ont accès à des services médicaux, psychiatriques et psychologiques sur place. Seul un établissement fait exception à cette règle, en confiant la prise en charge psychiatrique de ses occupants à un hôpital public. Des efforts sont faits en vue d’augmenter le nombre des professionnels de la santé, notamment des infirmières, des pharmaciens, des psychologues et des psychiatres.

Informations émanant d’organisations non gouvernementales

Jamaicans for justice

L’état des centres de détention et des établissements pénitentiaires ainsi que le traitement réservé aux détenus sont très préoccupants. À la suite de l’application de l’état d’urgence dans le but de lutter contre la criminalité, des citoyens ont été placés en détention et traités de manière inhumaine.

Le traitement des personnes en détention provisoire ne fait l’objet d’aucune disposition précise. Le manque d’espace, l’absence de commodités de base, l’insuffisance des mesures sanitaires et la propagation des maladies qui en résulte constituent autant de violations des droits des personnes détenues.

Évaluation du Comité

[B] :Le Comité remercie l’État partie de l’avoir informé des mesures qu’il avait prises pour lutter contre la surpopulation carcérale. Il prend note de l’agrandissement du centre de détention pour adultes de Tamarind Farm, qui va permettre d’accueillir un plus grand nombre de détenus. Il prend également note des autres stratégies mises en œuvre, à l’exemple du programme d’assistance destiné aux proches de détenus et visant à faciliter la libération sous caution.

Néanmoins, le Comité renouvelle sa recommandation, en particulier à la lumière des rapports selon lesquels la promulgation de l’état d’urgence, en 2020, a eu des effets négatifs sur les conditions de détention. Il demande des informations complémentaires sur :a) le nombre de bénéficiaires du programme d’assistance destiné aux proches de détenus et visant à faciliter la libération sous caution ; b) la capacité globale des lieux de détention et le nombre total de personnes détenues pendant la période considérée, y compris pendant l’état d’urgence en 2020 ; c) toute autre mesure qui aurait été prise en vue d’accroître le recours aux mesures non privatives de liberté, en conformité avec le Pacte et avec d’autres normes internationales pertinentes telles que les Règles minima des Nations Unies pour l’élaboration de mesures non privatives de liberté (Règles de Tokyo).

Le Comité constate que les lieux de détention sont actuellement mis en conformité avec les normes internationales applicables, que les membres des forces de l’ordre suivent des formations et que des mesures sont prises afin d’élargir l’offre de services médicaux, psychiatriques et psychologiques accessibles aux détenus à l’intérieur des centres de détention. Il souhaiterait connaître les résultats concrets des mesures et programmes en question et la proportion de détenus ayant accès aux services précités.

[C] :Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas fourni d’informations sur les mesures qu’il avait prises pour améliorer les conditions sanitaires dans les lieux de détention. Il renouvelle sa recommandation et demande des informations sur toute mesure de suivi qui aurait été prise pendant la période considérée.

Le Comité regrette également que l’État partie n’ait fourni aucune information sur les mesures qu’il avait prises afin de se doter d’une législation relative à la détention provisoire et de mettre en place un système de détention qui garantisse la séparation entre prévenus et condamnés. Il renouvelle sa recommandation et demande combien de personnes en détention provisoire cohabitent avec des personnes déclarées coupables.

Paragraphe 44 : Droits de l’enfant

L’État partie devrait modifier sa loi dans les meilleurs délais de façon à supprimer la possibilité d’incarcérer un enfant au motif qu’il « échappe au contrôle parental » et remédier aux lacunes dans la prestation de services aux enfants en conflit avec la loi, la coordination et la supervision du secteur de la protection de l’enfance, l’appui aux familles et la réadaptation des enfants qui ont connu l’exploitation, les sévices et d’autres traumatismes. L’État partie ne devrait recourir à la détention des mineurs qu’en dernier ressort et pour une durée aussi brève que possible prévue par la loi, continuer de mettre en place des cellules spécialement destinées aux enfants et offrir des mesures de substitution à la détention conformément aux dispositions du Pacte. Il devrait continuer d’offrir aux enfants en conflit avec la loi un soutien de remplacement, y compris des services psychologiques et de réadaptation, et des programmes de règlement des conflits.

Résumé de la réponse de l’État partie

Une commission parlementaire mixte a repris l’examen de la loi sur la protection de l’enfance et a proposé d’apporter des modifications au texte. Dans sa version révisée, la loi mettrait fin à l’incarcération d’enfants pour des problèmes de comportement, renforcerait l’appui aux familles dont les enfants ont été exploités, maltraités et autrement traumatisés et garantirait que la détention d’enfants dans les locaux de la police soit la plus brève possible.

Les enfants ayant un comportement incontrôlable, c’est-à-dire un comportement antisocial, violent ou prédélictueux, ne sont placés en détention qu’en dernier ressort. À la fin septembre 2017, quatre enfants étaient en détention pour comportement incontrôlable.

Dans le cadre du programme « New Path », le centre de détention provisoire et établissement pénitentiaire pour mineurs de South Camp et le centre de détention pour mineurs de Metcalfe sont devenus opérationnels, et les centres de détention pour mineurs de Rio Cobre et Hill Top ont été agrandis. Les jeunes délinquants ont accès à des services de réinsertion de meilleure qualité, sous la forme de formations techniques, d’activités de préparation à l’emploi, d’initiatives en faveur de l’entreprenariat et des micro-entreprises, de stages et d’un appui psychosocial.

Lancé en 2017, le programme de responsabilisation et de réinsertion des jeunes « We Transform » vise à transformer la vie des jeunes occupants des quatre centres de détention provisoire susmentionnés grâce à des programmes de formation et de développement personnel.

Le regroupement de l’Agence pour le développement de l’enfant et du Bureau du registre des enfants au sein de l’Agence de protection de l’enfance et des services aux familles devrait permettre de remédier au manque de communication entre les institutions et de gagner en efficacité dans les enquêtes sur le cas de maltraitance d’enfants et le traitement des rapports correspondants.

De plus, l’État partie s’emploie à rationaliser les services dans le secteur de la protection de l’enfance à l’aide d’un système de gestion des dossiers. En permettant aux spécialistes de la protection de l’enfance de télécharger et de suivre les dossiers des enfants enregistrés, ce système contribue à la bonne tenue des dossiers et à une meilleure répartition des responsabilités et fait gagner en efficience.

Des efforts sont faits en vue d’améliorer les relations entre la police et les enfants, y compris ceux qui sont détenus, conformément à la politique et aux procédures relatives aux interactions avec des enfants. Les enfants se trouvant sous la responsabilité du Département des services pénitentiaires continuent d’être détenus dans des établissements séparés, sauf dans le centre de détention provisoire et établissement pénitentiaire pour mineurs de South Camp, qui accueille à la fois des enfants placés en détention provisoire et des enfants en conflit avec la loi qui ont été déclarés coupables.

Informations émanant d’organisations non gouvernementales

Jamaicans for justice

La possibilité d’incarcérer un enfant au motif qu’il échappe à l’autorité parentale existe et continue d’être appliquée dans l’État partie. Les mesures prises n’ont pas été suffisantes et il est à craindre que, pendant l’état d’urgence, des enfants aient été détenus dans des conditions inhumaines, au risque de voir leur santé mentale altérée.

L’application de sanctions pénales aux enfants ayant des problèmes de comportement continue d’être encouragée, même si d’autres mesures sont possibles. Selon certaines sources, des familles ne seraient pas informées du sort réservé à leur enfant placé en détention ou n’auraient pas pu lui rendre visite.

Évaluation du Comité

[B] :Le Comité se félicite de la reprise de l’examen de la loi sur la protection de l’enfance et des modifications qu’il sera probablement proposé d’apporter au texte afin que l’incarcération d’enfants ayant des problèmes de comportement ne soit plus possible, qu’un meilleur appui soit fourni aux familles dont les enfants sont exploités, maltraités et traumatisés, et que la détention d’enfants dans les locaux de la police soit la plus brève possible. Il constate toutefois avec préoccupation que cette loi n’est pas encore d’application et souhaiterait savoir où en sont les modifications proposées et dans quel délai la loi révisée sera adoptée.

Le Comité prend note des mesures visant à améliorer le système de détention des mineurs, notamment l’accès à des services d’accompagnement de qualité pour les enfants en conflit avec la loi. Il demande des informations complémentaires sur la disponibilité de ces mesures et leurs résultats concrets. Il note avec préoccupation que rien n’a été dit de l’élaboration de programmes de règlement des conflits et demande des informations sur toute mesure de suivi qui aurait été prise à ce sujet pendant la période considérée.

Le Comité prend également note des mesures visant à assurer la coordination et la supervision du secteur de la protection de l’enfance, notamment le regroupement d’institutions au sein de l’Agence de protection de l’enfance et des services aux familles, la mise en place du système de gestion des dossiers de protection de l’enfance et les efforts destinés à améliorer les relations entre la police et les enfants, conformément à la politique et aux procédures relatives aux interactions avec les enfants. Le Comité demande des informations complémentaires sur le délai prévu pour la pleine application de ces mesures et sur leurs résultats concrets dans le traitement d’affaires concernant des enfants exploités, maltraités et traumatisés.

Le Comité demande des informations au sujet de toute action prise en faveur de l’élaboration de mesures substitutives à la détention pour les enfants en conflit avec la loi.

Mesures recommandées :Une lettre devrait être adressée à l’État partie pour l’informer de l’arrêt de la procédure de suivi. L’État partie devrait communiquer les renseignements demandés dans son prochain rapport périodique.

Prochain rapport périodique attendu en  : 2024 (examen en 2025, selon le cycle d’examen prévisible.Voir https://www.ohchr.org/EN/HRBodies/CCPR/Pages/ PredictableReviewCycle.aspx).