Nations Unies

CCPR/C/131/2/Add.4

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

29 avril 2021

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Rapport sur le suivi des observations finales du Comité des droits de l’homme *

Additif

Évaluation des renseignements sur la suite donnée aux observations finales concernant la République de Moldova

Observations finales (118 e  session):

CCPR/C/MDA/CO/3, 31 octobre 2016

Paragraphes faisant l’objet d’un suivi :

10, 24 et 28

Réponse sur la suite donnée aux observations:

CCPR/C/MDA/CO/3/Add.1, reçue le 5 septembre 2018

Évaluation du Comité:

Des informations complémentaires sont nécessaires au sujet des paragraphes 10[A][B], 24[B][C] et 28[B]

Paragraphe 10 : Cadre national des droits de l’homme

L’État partie devrait :

a) Adopter dans les meilleurs délais un nouveau plan d’action national en faveur des droits de l’homme élaboré sur la base de consultations entre toutes les parties prenantes ;

b) Prévoir des ressources humaines et financières suffisantes pour assurer l’application effective de l’ancien et du nouveau plan national d’action en faveur des droits de l’homme ;

c) Veiller à ce que l’application de l’ancien et du nouveau plan national d’action en faveur des droits de l’homme soit régulièrement examinée et évaluée.

Résumé de la réponse de l’État partie

a)Un nouveau plan d’action national en faveur des droits de l’homme, pour la période 2018‑2022, a été approuvé par le Parlement le 24 mai 2018. Il a été élaboré par un groupe de travail composé de membres de la société civile, de partenaires étrangers, d’organisations donatrices et de représentants des pouvoirs publics. Il est fondé sur des recommandations formulées à l’issue de l’Examen périodique universel et par les organes conventionnels de l’ONU ainsi que sur des contributions du Conseil de l’Europe, de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe et d’autres organisations internationales. Il tient également compte des objectifs de développement durable. Il a été soumis à une vaste consultation publique, examiné par le Conseil de l’Europe et étudié par diverses commissions parlementaires permanentes.

c)Le Ministère de la justice soutient actuellement un projet de loi qui vise à établir un mécanisme national de coordination, de suivi et d’évaluation de l’application des documents directifs sur les droits de l’homme et qui est en attente d’examen par le Gouvernement. Selon ce texte, le mécanisme de coordination sera composé d’un conseil national des droits de l’homme, de structures administratives locales et d’un secrétariat permanent pour les droits de l’homme au sein de la Chancellerie d’État. De plus, dans sa décision portant approbation du nouveau plan d’action national en faveur des droits de l’homme, le Parlement mentionnait que le conseil national des droits de l’homme lui rendrait compte chaque année de la mise en œuvre dudit plan d’action.

Évaluation du Comité

[A] a) : Le Comité se félicite qu’un nouveau plan d’action national en faveur des droits de l’homme ait été adopté par l’État partie en consultation avec les parties prenantes et souhaiterait en savoir plus sur sa teneur exacte.

[B]b) etc) : Le Comité se félicite qu’en vertu du projet de loi précité, le conseil national des droits de l’homme soit tenu de rendre compte chaque année au Parlement de la mise en œuvre du plan d’action national en faveur des droits de l’homme. Il demande des informations plus précises sur : i) les ressources humaines et financières qui ont été mobilisées afin que le plan d’action soit mené à bien ; ii) le contenu du projet de loi portant création d’un mécanisme national de suivi et le processus législatif le concernant ; iii) la manière dont le Parlement surveille et évalue la bonne application du plan d’action ; et iv) l’existence éventuelle d’autres mécanismes de contrôle. Le Comité demande que lui soient communiquées toutes les données disponibles sur le suivi et l’évaluation de la mise en œuvre du plan d’action pendant la période considérée.

Paragraphe 24 : Violences et mauvais traitements dans les institutions et les hôpitaux psychiatriques

L’État partie devrait prendre d’urgence des mesures pour :

a) Revoir ses lois et pratiques concernant l’internement forcé motivé par l’existence d’un handicap mental ou intellectuel afin de garantir que les mesures d’internement ne soient appliquées qu’en dernier ressort et pour une période aussi brève que possible, et de préciser que l’existence d’un handicap ne saurait justifier à elle seule une privation de liberté ;

b) Privilégier les soins psychiatriques qui permettent de préserver la dignité des patients, adultes et mineurs, et faire en sorte que l’administration de traitements psychiatriques à un patient sans son consentement soit généralement interdite et soit autorisée, le cas échéant, uniquement dans des circonstances exceptionnelles, en dernier ressort, lorsque cela est absolument nécessaire dans l’intérêt de la personne concernée, à condition que celle-ci ne soit pas en mesure de donner son consentement, et pour une période aussi brève que possible et sans que cela n’ait d’incidences sur le long terme ;

c) Protéger les personnes handicapées contre d’autres actes de violence et mauvais traitements, notamment en adoptant un système de surveillance complet, efficace et indépendant dans tous les établissements d’accueil et les hôpitaux psychiatriques ;

d) Mener immédiatement des enquêtes impartiales et approfondies sur toutes les allégations d’actes de violence et de mauvais traitements subis par des personnes handicapées, contraindre les personnes soupçonnées de ces actes à rendre des comptes et accorder une réparation effective aux victimes ;

e) Veiller à ce que les femmes handicapées puissent exercer leur droit à la santé sexuelle et procréative, notamment en abrogeant la loi permettant d’interrompre une grossesse sans le consentement de la personne concernée.

Résumé de la réponse de l’État partie

a) et b) : En 2017, il a été procédé à la révision de quelque 16 lois dans le but de faire évoluer le statut juridique des adultes et des mineurs handicapés et de mettre en place des mesures destinées à les protéger. Par exemple, la loi no 1402 sur la santé mentale a été modifiée afin de limiter les cas où une personne pouvait être hospitalisée pour recevoir un traitement psychiatrique sans y avoir librement consenti. Également en 2017, un groupe de travail a été chargé de proposer des modifications aux dispositions du Code de procédure pénale renvoyant à des cas où la santé mentale de l’accusé était mise en cause et de définir les modalités du placement forcé en établissement psychiatrique. Selon les projets de modification, une personne ne peut être internée de force que lorsqu’il existe un danger social direct ou un risque d’atteinte grave à sa santé si elle ne bénéficie pas d’une assistance psychiatrique. Cette personne devra être soumise à un examen médical ou médico-légal (destiné à évaluer l’état de sa santé mentale) au plus tard dans les douze heures suivant son internement. Chaque ordonnance de placement pourra prescrire un internement d’une durée maximale de 30 jours et être renouvelée pour autant que la durée totale de l’internement ne dépasse pas douze mois.

c)Afin de prévenir les cas de violence et de mauvais traitements, des caméras de vidéosurveillance sont installées dans la plupart des établissements d’aide sociale depuis plusieurs années.

d)En novembre 2016, un règlement-cadre sur l’organisation et le fonctionnement des institutions psychoneurologiques pour les adultes ayant un handicap mental a été approuvé. En vertu de ce règlement, toutes les institutions en question doivent garantir la protection de leurs patients contre la violence, le manque de soin et l’exploitation, et disposer d’un système efficace de réception, d’enregistrement et de règlement des plaintes. Pour satisfaire à cette dernière obligation, elles se sont ainsi toutes dotées de boîtes aux lettres et de boîtes spéciales pour le dépôt de plaintes. De plus, bon nombre des adultes qui résident dans des établissements d’aide sociale ont accès à des téléphones portables, ce qui facilite également la présentation de plaintes.

e)Le Programme national sur la santé et les droits en matière de sexualité et de procréation pour 2018-2022 a été approuvé en 2018. En outre, un code de la santé, qui comprend un chapitre sur la santé mentale, est en cours d’élaboration. En 2017, une trentaine de centres de santé destinés aux jeunes ont été pourvus d’équipements et de matériels gynécologiques adaptés afin que les filles et femmes ayant un handicap aient accès à des services de santé sexuelle et procréative. En 2016/17, le projet « Tous égaux, tous en bonne santé » a été engagé afin de sensibiliser les femmes et les filles handicapées de la République de Moldova à leurs droits en matière de sexualité et de procréation et de leur donner les moyens d’exercer ces droits et de décider de leur propre sexualité en connaissance de cause.

Évaluation du Comité

[B] a) : Le Comité se félicite des modifications qui ont été apportées au cadre juridique relatif à l’internement forcé pour cause de handicap mental ou intellectuel. Cependant, il souhaiterait avoir des précisions sur la teneur exacte des projets de modification du Code de procédure pénale, notamment sur les dispositions selon lesquelles l’existence d’un danger social direct ou d’un risque d’atteinte grave à la santé de la personne constituent des motifs de placement forcé en établissement psychiatrique des personnes ayant un handicap mental ou intellectuel, et demande si ces dispositions autorisent l’internement forcé seulement en tant que mesure de dernier ressort. De plus, il souhaiterait savoir comment l’État partie entend garantir que l’internement forcé pour cause de handicap mental ou intellectuel soit de la durée la plus brève possible, alors que, selon les modifications proposées, cet internement peut durer jusqu’à douze mois.

[B] b) : Le Comité se félicite de la création d’un groupe de travail chargé de proposer des modifications au Code de procédure pénale et des réformes juridiques. Il souhaiterait toutefois avoir des précisions sur l’efficacité réelle de l’application de dispositions en question et sur les mesures plus générales qui ont éventuellement été adoptées en vue de promouvoir des soins psychiatriques respectueux de la dignité humaine. Il souhaiterait aussi savoir comment l’État partie fait en sorte que l’internement forcé pour cause de handicap mental ou intellectuel n’ait pas d’effets à long terme.

[C] c) : Le Comité regrette que l’État partie n’ait rien dit en ce qui concerne un système de surveillance indépendant dans les établissements d’accueil et les hôpitaux psychiatriques, et renouvelle donc sa recommandation. Il prend note de l’existence de dispositifs de vidéosurveillance, mais souhaiterait savoir quelles autres mesures ont été prises en vue d’instaurer un système de surveillance plus complet et plus indépendant.

[C] d) : Le Comité prend note des mesures qui ont été prises afin que les personnes résidant dans des établissements d’accueil et des hôpitaux psychiatriques puissent porter plainte, mais regrette que l’État partie n’ait fourni aucune information sur les actes de violence et de maltraitance dont seraient victimes les personnes handicapées ni sur les enquêtes auxquelles ces allégations ont pu donner lieu. Il renouvelle ses recommandations et demande des informations sur tous les actes de violence et de maltraitance qui auraient été commis contre des personnes handicapées pendant la période considérée, y compris le nombre de plaintes, d’enquêtes et de poursuites, les peines prononcées et les mesures de réparation accordées aux victimes.

[C] e) : Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas abrogé les dispositions législatives autorisant l’interruption de grossesse sans consentement, et renouvelle donc sa recommandation. Il demande un complément d’information sur : i) les mesures concernant les femmes handicapées dans le Programme national sur la santé et les droits en matière de sexualité et de procréation ; ii) l’état actuel du projet de code de la santé et les mesures qu’il prévoit pour répondre aux besoins propres aux femmes handicapées ; et iii) la couverture géographique et les résultats concrets des centres de santé destinés aux jeunes et du projet « Tous égaux, tous en bonne santé ».

Paragraphe 28 : Conditions de détention

L’État partie devrait prendre des mesures concrètes pour améliorer les conditions de vie dans les prisons et les centres de détention conformément au Pacte et à l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela). À cet égard, il devrait envisager non seulement la construction de nouvelles prisons mais aussi l’application plus étendue de peines non privatives de liberté comme la surveillance électronique, la libération conditionnelle et le travail d’intérêt général.

Résumé de la réponse de l’État partie

L’État partie admet que les établissements pénitentiaires visent actuellement à isoler les détenus de la société, et non à les aider à changer de comportement à des fins de réinsertion, et ne leur accorde pas un traitement décent au regard des normes relatives aux droits de l’homme. Bien qu’en 2017, la durée maximale de la période de détention ait été revue à la baisse et la capacité d’accueil des lieuxde détention ait été augmentée, la surpopulation carcérale reste une réalité pour la moitié environ despersonnes détenues dans l’État partie. En 2017, divers travaux d’équipement et de réparation ont été effectués, notamment des travaux importants visant à améliorer les conditions de détention à la prison de Soroca, et de nouveaux établissements ont été construits. D’autres projets de dépenses en immobilisations ont été engagés.

Environ 3,5millions de lei moldoves sont consacrés chaque année aux services médicaux contractés par le Ministère de la santé, du travail et de la protection sociale, àl’achat de médicaments et à d’autres dépenses médicales. En 2017, 3231308lei ont servi à l’achat de médicaments, qui ont ensuite étédistribués dans les établissements pénitentiaires en fonction des besoins. Les dépenses par jour et par détenu sont de 13,99 lei pour la nourriture et de 2,26lei pour les services de santé. À son admission, chaque détenu est soumis à un examen radiologique afin de déterminer s’il est atteint de la tuberculose. En 2017, 70 cas de tuberculose ont été enregistrés, contre 109 en 2016 et 99 en 2015.

Ces dernières années, l’État partie s’est employé à promouvoir des mesures de substitution à la détention, en mettant l’accent sur la participation de la communauté à la réinsertion sociale des détenus. Une attention particulière a été accordée au développement des services de probation, pour que ceux-ci puissent mener à bien des évaluations psychosociales, à la réinsertion sociale et à la prévention de la récidive. De plus, un règlement sur la surveillance électronique a été approuvé en 2016 pour les personnes reconnues coupables d’une infraction, puis étendu en 2017 aux prévenus.Le nombre de personnes placées sous surveillance électronique est passé de 10 en moyenne en 2017 à 66au premier semestre 2018.

La loi no163/2017 a rendu les sanctions pénales plus humaines et une nouvelle disposition sur le sursis a été introduite. Cela a permis une meilleure personnalisation des peines, notamment en cas de circonstances atténuantes extraordinaires, et contribué grandement à réduire le taux de récidive. Le mécanisme de libération conditionnelle a été simplifié, ce qui a favorisé la participation des détenus à des activités de lutte contre la criminalité telles que des programmes cognitifs. Les modalités de la libération anticipée peuvent être adaptées en fonction des détenuspar l’application de conditions supplémentaires. Compte tenu de ce qui précède, le nombre de détenus ayant été libérés avant la fin de leur peine est passé de 420 en juin 2017 à 502 en juin 2018. Il est aussi devenu beaucoup plus fréquent de recourir à des peines de travail d’intérêt général comme mesure de substitution à la détention, ou à des sanctions pécuniaires, par exemple, pour les délits de conduite en état d’ivresse. Le nombre de personnes condamnées à des peines de travail d’intérêt général est passé de 701 en juin 2017 à 1052 en juin 2018.

Évaluation du Comité

[B]: Le Comité se félicite des diverses mesures que l’État partie a prises pour améliorer les conditions de vie dans les prisons et les centres de détention. Il souhaiterait savoir : i) quels ont été les effets concrets des projets de dépenses en immobilisations sur la surpopulation carcérale pendant la période considérée ; ii) si les mesures destinées à lutter contre la violence entre détenus ont été efficaces ; iii)si les ressources consacrées à la santé des détenus sont suffisantes pour répondre à tous les besoins et si les dépenses mentionnées ont augmenté pendant la période considérée ; et iv)si les mesures prises en faveur deslieux de détention visent aussi à l’amélioration des conditions d’hygiène.

Le Comité se félicite des mesures notables que l’État partie a prises pour étendre l’application de peines non privatives de liberté. Il souhaiterait en savoir plus sur les mesures concrètes qui ont été mises en œuvre afin de développer les capacités des services de probation. Il demande aussi des précisions sur les effets concrets que les mesures visant à étendre l’application de peines non privatives de liberté, y compris le renforcement de la surveillance électronique, les peines de travail d’intérêt général et les peines avec sursis, ont eu sur les taux de détention et de récidive. Enfin, ildemande des informations sur les dispositions de la loi no 163/2017 qui ont modifié le cadre juridique de l’application des sanctions pénales.

Mesures recommandées:Une lettre devrait être adressée à l’État partie pour l’informer de l’arrêt de la procédure de suivi. L’État partie devrait communiquer les renseignements demandés dans son prochain rapport périodique.

Prochain rapport périodique attendu en : 2024 (examen en 2025, selon le cycle d’examen prévisible. Voir www.ohchr.org/EN/HRBodies/CCPR/Pages/PredictableReviewCycle.aspx).