Nations Unies

CCPR/C/131/D/2867/2016

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

23 novembre 2021

Français

Original : anglais

Comité des droits de l ’ homme

Constatations adoptées par le Comité au titre de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, concernant la communication no 2867/2016 * , **

Communication présentée par :

Vladimir Katsora et Vladimir Nepomnyashchikh (non représentés par un conseil)

Victime(s) présumée(s) :

Les auteurs

État partie :

Bélarus

Date de la communication :

13 octobre 2016 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise en application de l’article 92 du règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 23 novembre 2016 (non publiée sous forme de document)

Date de s constatations :

25 mars 2021

Objet :

Refus des autorités d’autoriser la tenue de piquets ; liberté d’expression

Question(s) de procédure :

Épuisement des recours internes

Question(s) de fond :

Liberté de réunion ; liberté d’expression

Article(s) du Pacte :

19 et 21, lus seuls et conjointement avec l’article 2 (par. 2 et 3)

Article(s) du Protocole facultatif :

2 et 5 (par. 2 b))

1.Les auteurs de la communication sont Vladimir Katsora, né en 1957, et Vladimir Nepomnyashchikh, né en 1952, tous deux de nationalité bélarussienne. Ils affirment que l’État partie a violé les droits qu’ils tiennent des articles 19 et 21 du Pacte, lus seuls et conjointement avec l’article 2 (par. 2 et 3). Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 30 décembre 1992. Les auteurs ne sont pas représentés par un conseil.

Rappel des faits présentés par les auteurs

2.1Le 26 novembre 2015, les auteurs ont demandé l’autorisation du Comité exécutif de la ville de Gomel pour organiser un piquet à Gomel le 20 décembre 2015. Le piquet, auquel devait participer un maximum de 10 personnes, devait avoir lieu sur la place de la Rébellion, dans le centre-ville de Gomel ; le but était, pour les participants, de protester contre la destruction des anciens billets de banque après la réévaluation prévue du rouble en 2016 en vue d’une éventuelle inflation à venir. Conformément à la loi relative aux manifestations publiques, les auteurs ont pris un engagement écrit au sujet de l’organisation et de la conduite du piquet.

2.2Le 8 décembre 2015, le Comité exécutif de la ville de Gomel a refusé d’autoriser la tenue du piquet, au motif que la demande des auteurs ne remplissait pas les conditions énoncées dans sa décision no 775 du 15 août 2013 sur la tenue de manifestations publiques dans la ville de Gomel, en particulier : a) que la place de la Rébellion ne faisait pas partie des sites qu’il avait désignés pour la tenue de manifestations publiques ; et b) que, préalablement à la tenue de la manifestation publique en question, les organisateurs n’avaient pas conclu de contrat avec des prestataires de services pour assurer la présence de services médicaux pendant la manifestation et le nettoyage des lieux après celle-ci.

2.3Le 17 décembre 2015, les auteurs ont saisi le tribunal du district central de la ville de Gomel pour contester cette décision. Eu égard aux articles 23, 33 et 35 de la Constitution du Bélarus et aux articles 19 et 21 du Pacte, ils soutenaient que la décision contestée était illégale et violait leur droit à la liberté d’expression et à la liberté de réunion pacifique.

2.4Le 26 janvier 2016, les auteurs ont été déboutés de leur recours par le tribunal du district central, qui a estimé que la décision du Comité exécutif de la ville de Gomel en date du 8 décembre 2015 avait été prise conformément à la législation en vigueur au Bélarus.

2.5Le 3 février 2016, les auteurs se sont pourvus en cassation devant le tribunal régional de Gomel. Le 17 mars 2016, ils ont été déboutés de leur pourvoi. Le 31 mars 2016, ils ont saisi le Président du tribunal régional de Gomel d’une demande de réexamen au titre de la procédure de contrôle juridictionnel. Le 6 mai 2016, leur demande a été rejetée. La demande de réexamen qu’ils ont introduite le 20 mai 2016 auprès du Président de la Cour suprême au titre de la procédure de contrôle a également été rejetée le 5 juillet 2016. Le 12 août 2016, ils ont aussi été déboutés d’une autre demande de réexamen, introduite le 12 juillet 2016 auprès du Procureur régional de Gomel au titre de la procédure de contrôle. De même, le 26 septembre 2016, ils ont été déboutés du recours qu’ils avaient formé le 22 août 2016 auprès du Procureur général au titre de la procédure de contrôle.

Teneur de la plainte

3.1Les auteurs se disent victimes d’une violation par le Bélarus des droits à la liberté d’expression et à la liberté de réunion pacifique au regard des articles 19 et 21 du Pacte, lus seuls et conjointement avec l’article 2 (par. 2 et 3). Ils affirment que les restrictions prescrites dans la décision no 775 sur la tenue de manifestations publiques dans la ville de Gomel portent atteinte à l’essence même de ces droits.

3.2Les auteurs demandent que la loi relative aux manifestations publiques et la décision no 775 du Comité exécutif de la ville de Gomel sur la tenue de manifestations publiques à Gomel soient mises en conformité avec les obligations internationales qui incombent à l’État partie au regard des articles 19 et 21 du Pacte.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Dans une note verbale datée du 23 janvier 2017, l’État partie a adressé ses observations sur la recevabilité et sur le fond de la communication. S’agissant de la recevabilité, il fait observer que, bien que les auteurs aient saisi le Président de la Cour suprême et le Procureur général de demandes de réexamen au titre de la procédure de contrôle juridictionnel, les magistrats en question n’ont pas examiné ces recours. Les auteurs ont reçu des réponses du Vice‑Président de la Cour suprême et d’un Procureur général adjoint. Ils n’ont donc pas épuisé toutes les voies de recours internes qui leur étaient ouvertes.

4.2Sur le fond, l’État partie conteste l’argument des auteurs selon lequel il est illégal de faire obligation aux organisateurs de manifestations de masse pacifiques de conclure des contrats avec des services médicaux et des services de nettoyage. Cette obligation se fonde sur l’article 5 de la loi relative aux manifestations publiques. L’État partie estime en outre que les auteurs ne sauraient légitimement dénoncer la charge disproportionnée qui pesait sur les organisateurs du fait qu’ils devaient assumer le coût des services susdits, puisqu’ils n’ont pas eux-mêmes fait appel à des prestataires de services.

4.3L’argument des auteurs selon lequel les restrictions en question ne sont ni justifiées ni nécessaires pour protéger les droits et les intérêts d’autrui n’est pas conforme aux principes internationaux ni aux dispositions de la législation nationale. La tenue de piquets sur différents sites met en jeu non seulement les droits des participants, mais aussi ceux des personnes qui ne participent pas à ces manifestations. Des mesures doivent être prises pour protéger la sécurité publique, ainsi que les droits des participants et du reste de la collectivité. Les griefs soulevés par les auteurs au titre des articles 19 et 21 et de l’article 2 (par. 2 et 3) du Pacte ne sont pas fondés. Les dispositions nationales régissant l’organisation de manifestations publiques visent à permettre l’exercice par chacun de ses droits et libertés constitutionnels conformément aux articles 19 et 21 du Pacte et ne sauraient être considérées comme une restriction des droits visés.

Commentaires des auteurs sur les observations de l’État partie

5.1Le 27 février 2017, les auteurs ont adressé leurs commentaires sur les observations de l’État partie. Ils soutiennent que le fait que le Président de la Cour suprême et le Procureur général, à qui étaient adressées leurs demandes de réexamen, aient confié l’examen de celles‑ci à leurs adjoints ne signifie pas qu’ils n’ont pas épuisé les recours internes. Le Président de la Cour suprême a cinq adjoints et le Procureur général en a quatre. L’État partie n’indique pas auxquels d’entre eux il convient de s’adresser pour que le Président de la Cour suprême et le Procureur général examinent personnellement un recours. Les auteurs soutiennent que ce cas de figure montre que les demandes de réexamen introduites auprès du Président de la Cour suprême et du Procureur général au titre de la procédure de contrôle juridictionnel n’ont aucune chance d’aboutir.

5.2Les auteurs prennent acte de l’argument de l’État partie selon lequel les droits qui leur sont reconnus par les articles 19 et 21 n’ont pas été violés puisque le droit interne est conforme aux dispositions internationales autorisant des restrictions. Ils relèvent toutefois que l’État partie n’a pas pu démontrer en quoi restreindre leurs droits était nécessaire au regard des objectifs légitimes prévus par les articles 19 et 21 du Pacte.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 97 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément à l’article 5 (par. 2 a)) du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3Le Comité prend note de l’observation de l’État partie selon laquelle les auteurs n’ont pas épuisé les recours internes parce que ce ne sont pas le Président de la Cour suprême et le Procureur général qui ont personnellement examiné leurs recours en révision. Il note également que les auteurs disent avoir adressé leurs recours aux fonctionnaires susdits et n’avoir pas eu la possibilité de choisir par qui les recours seraient effectivement examinés. Le Comité rappelle sa jurisprudence, dont il ressort que l’introduction auprès du ministère public d’une demande de réexamen de décisions devenues exécutoires, demande dont l’issue relève du pouvoir discrétionnaire du procureur, ne constitue pas un recours qui doit être épuisé aux fins de l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif. De surcroît, il estime que saisir le Président d’un tribunal d’une demande de contrôle juridictionnel d’une décision judiciaire ayant force de chose jugée, dont l’issue dépend du pouvoir discrétionnaire d’un juge, constitue un recours extraordinaire, et que l’État partie doit montrer qu’il existe une possibilité raisonnable qu’une telle demande constitue un recours utile dans les circonstances de l’espèce. L’existence d’une telle possibilité n’ayant pas été démontrée en l’espèce, le Comité estime que les dispositions de l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif ne font pas obstacle à l’examen de la présente communication.

6.4Le Comité note que les auteurs soutiennent que l’État partie a violé les droits qui leur sont reconnus par l’article 2 (par. 2) du Pacte, lu conjointement avec les articles 19 et 21. Il rappelle que les dispositions de l’article 2 ne peuvent pas être invoquées en conjonction avec d’autres dispositions du Pacte pour fonder une communication présentée en vertu du Protocole facultatif, sauf lorsque le manquement de l’État partie aux obligations que lui impose cet article est la cause immédiate d’une violation distincte du Pacte portant directement atteinte à la personne qui se dit victime. Le Comité constate toutefois que les auteurs affirment que l’interprétation et l’application des lois en vigueur dans l’État partie a entraîné une violation des droits qu’ils tiennent des articles 19 et 21 du Pacte, et il estime qu’examiner la question de savoir si l’État partie a manqué aux obligations générales mises à sa charge par l’article 2 (par. 2) du Pacte, lu conjointement avec les articles 19 et 21, revient à examiner la question de savoir si l’État partie a porté atteinte aux droits qui sont reconnus aux auteurs par les articles 19 et 21 du Pacte. En conséquence, le Comité considère que les griefs soulevés par les auteurs à cet égard sont incompatibles avec l’article 2 du Pacte et, partant, irrecevables au regard de l’article 3 du Protocole facultatif.

6.5Le Comité prend note des griefs soulevés par les auteurs au titre des articles 19 et 21 du Pacte, lus conjointement avec l’article 2 (par. 3). En l’absence d’informations pertinentes dans le dossier, le Comité considère que les auteurs n’ont pas suffisamment étayé ces griefs aux fins de la recevabilité. Il déclare donc cette partie de la communication irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.6Le Comité considère que les auteurs ont suffisamment étayé, aux fins de la recevabilité de la communication, les autres griefs qui soulèvent des questions au titre des articles 19 et 21 du Pacte, et procède à l’examen de ces griefs quant au fond.

Examen au fond

7.1Conformément à l’article 5 (par. 1) du Protocole facultatif, le Comité a examiné la communication en tenant compte de toutes les informations que lui ont communiquées les parties.

7.2Le Comité note que, selon les auteurs, leurs droits à la liberté d’expression et de réunion ont été restreints, en violation des articles 19 et 21 du Pacte, car ils n’ont pas été autorisés à organiser un piquet qui devait se tenir le 20 décembre 2015 sur la place de la Rébellion, dans le centre-ville de Gomel, dans le but de protester contre la destruction des anciens billets de banque après la réévaluation prévue du rouble en 2016, en vue d’une éventuelle inflation à venir. Il note aussi que, d’après les auteurs, les autorités n’ont pas expliqué en quoi restreindre la tenue de ce piquet était nécessaire dans l’intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté publique ou de l’ordre public, ou pour protéger la santé ou la moralité publiques ou les droits et libertés d’autrui, comme prévu aux articles 19 et 21 du Pacte, et les restrictions en question étaient donc illégales.

7.3Le Comité prend note des allégations des auteurs selon lesquelles leur droit de réunion pacifique garanti par l’article 21 du Pacte a été violé du fait du refus par le Comité exécutif de la ville de Gomel d’autoriser la tenue du piquet sur le site qu’ils avaient proposé. Il prend également note de l’argument selon lequel le fait de désigner à l’avance les lieux où doivent se dérouler les manifestations publiques et d’obliger les organisateurs à conclure des contrats rémunérés avec des services médicaux et des services de nettoyage restreint l’essence même des droits garantis par l’article 21. Dans son observation générale no 37 (2020), le Comité indique que les réunions pacifiques peuvent en principe être organisées en tout lieu accessible au public ou auquel le public devrait avoir accès, comme les places publiques et la voie publique. Les réunions pacifiques ne devraient pas être reléguées dans des endroits isolés où elles ne peuvent pas attirer l’attention de ceux à qui elles s’adressent ou du grand public. En règle générale, il ne peut être imposé d’interdictions générales d’organiser des rassemblements en tous lieux de la capitale, en tous lieux publics à l’exception d’un lieu unique en ville ou en dehors du centre-ville, ou sur l’ensemble de la voie publique d’une ville. Le Comité note également qu’exiger des participants ou des organisateurs qu’ils assurent l’encadrement et le maintien de l’ordre et la prestation de soins médicaux pendant les réunions pacifiques et le nettoyage du site après la réunion ou tous autres services publics connexes et qu’ils en assument les coûts n’est généralement pas compatible avec l’article 21 du Pacte.

7.4Le Comité rappelle en outre que le droit de réunion pacifique, garanti par l’article 21 du Pacte, est un droit de l’homme fondamental qui est essentiel à l’expression publique des points de vue et opinions de chacun et est indispensable dans une société démocratique. Ce droit suppose la possibilité d’organiser une réunion pacifique, notamment un rassemblement immobile (comme un piquet) dans un lieu public, et d’y participer. Les organisateurs d’une réunion ont, en principe, le droit de choisir un lieu à portée de vue et de voix du public ciblé, et l’exercice de ce droit ne peut faire l’objet que des seules restrictions : a) imposées conformément à la loi ; et b) nécessaires dans une société démocratique, dans l’intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté publique, de l’ordre public ou pour protéger la santé ou la moralité publiques, ou les droits et les libertés d’autrui. Lorsqu’un État partie impose des restrictions au droit de réunion des particuliers afin de le concilier avec les intérêts généraux susmentionnés, il doit chercher à faciliter l’exercice de ce droit, et non s’employer à le restreindre par des moyens qui ne sont ni nécessaires ni proportionnés. L’État partie est donc tenu de justifier la limitation du droit garanti par l’article 21 du Pacte.

7.5En l’espèce, le Comité doit déterminer si les restrictions imposées au droit de réunion pacifique des auteurs étaient justifiées au regard de l’un quelconque des critères énoncés dans la deuxième phrase de l’article 21 du Pacte. Il ressort des éléments versés au dossier que la demande d’autorisation déposée par les auteurs en vue de la tenue du piquet a été rejetée parce que le lieu choisi ne faisait pas partie de ceux désignés par les autorités municipales et parce que les auteurs n’avaient pas fourni de contrats signés avec les prestataires de services municipaux concernés chargés d’assurer des services médicaux pendant la manifestation et le nettoyage des lieux après celle-ci. Dans ce contexte, le Comité constate que ni le Comité exécutif de la ville de Gomel ni les tribunaux internes n’ont justifié leur décision ou expliqué en quoi, dans la pratique, la manifestation que les auteurs souhaitaient organiser aurait porté atteinte aux intérêts visés à l’article 21 du Pacte, à savoir la sécurité nationale ou la sûreté publique, l’ordre public, la santé ou la moralité publiques ou les droits et libertés d’autrui.

7.6En l’absence de toute explication de l’État partie sur cette question, le Comité conclut que celui-ci a violé les droits garantis aux auteurs par l’article 21 du Pacte.

7.7Le Comité note en outre que, selon les auteurs, leur droit à la liberté d’expression a été illégalement restreint puisqu’on leur a refusé l’autorisation de tenir un piquet pour exprimer publiquement leur opinion sur la destruction des anciens billets de banque après la réévaluation prévue du rouble en 2016 en vue d’une éventuelle inflation à venir. Il doit donc déterminer si l’interdiction de tenir un piquet public qui a été imposée aux auteurs par les autorités municipales de l’État partie constitue une violation de l’article 19 du Pacte.

7.8Le Comité rappelle son observation générale no 34 (2011), dans laquelle il a souligné, entre autres, que la liberté d’expression est essentielle pour toute société et constitue le fondement de toute société libre et démocratique. Il fait observer que l’article 19 (par. 3) du Pacte autorise l’application de restrictions à la liberté d’expression, y compris à la liberté de répandre des informations et des idées, dans la seule mesure où ces restrictions sont fixées par la loi et sont nécessaires : a) au respect des droits ou de la réputation d’autrui ; ou b) à la sauvegarde de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité publiques. Enfin, aucune restriction de la liberté d’expression ne doit avoir une portée trop large : elle doit constituer le moyen le moins perturbateur parmi ceux qui pourraient permettre d’obtenir le résultat recherché, et doit être proportionnée à l’intérêt protégé. Le Comité rappelle que c’est à l’État partie qu’il incombe de démontrer que les restrictions apportées aux droits que les auteurs tiennent de l’article 19 du Pacte étaient nécessaires et proportionnées.

7.9Le Comité observe que le fait de limiter la tenue de manifestations publiques, notamment de piquets, à certains lieux désignés à l’avance et de demander aux organisateurs de conclure des contrats rémunérés de prestation de services médicaux et de services de nettoyage ne semble pas répondre aux critères de nécessité et de proportionnalité énoncés à l’article 19 du Pacte. Il relève que ni l’État partie ni les juridictions nationales n’ont expliqué en quoi les restrictions imposées étaient nécessaires en ce qu’elles servaient un but légitime. Il considère que la restriction imposée aux auteurs, bien que fondée sur la législation interne, n’était vraisemblablement pas justifiée au regard des conditions énoncées à l’article 19 (par. 3) du Pacte. En conséquence, il conclut que les droits qui sont garantis aux auteurs par l’article 19 du Pacte ont été violés.

8.Le Comité, agissant en vertu de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, constate que les faits dont il est saisi font apparaître une violation par l’État partie des droits que les auteurs tiennent des articles 19 et 21 du Pacte.

9.Conformément à l’article 2 (par. 3 a)) du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer aux auteurs un recours utile. Il a l’obligation d’accorder une réparation intégrale aux individus dont les droits garantis par le Pacte ont été violés. En conséquence, l’État partie est tenu, entre autres, d’accorder aux auteurs une indemnisation suffisante. Il est également tenu de prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher que des violations similaires se produisent à l’avenir. À cet égard, le Comité fait observer que l’État partie devrait réviser son cadre normatif relatif aux manifestations publiques, conformément à l’obligation qui lui incombe au titre de l’article 2 (par. 2), afin de garantir la pleine jouissance des droits consacrés par les articles 19 et 21 du Pacte sur son territoire.

10.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité a compétence pour déterminer s’il y a ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et une réparation exécutoire lorsque la réalité d’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet aux présentes constatations. L’État partie est invité en outre à rendre celles-ci publiques et à les diffuser largement dans ses langues officielles.