Nations Unies

CCPR/C/132/2/Add.4

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

6 septembre 2021

Français

Original : anglais

Comité des droits de l ’ homme

Rapport sur le suivi des observations finales du Comité des droits de l’homme

Additif

Évaluation des renseignements sur la suite donnée aux observations finales concernant la Suisse *

Observations finales (1 20 e session):

CCPR/C/CHE/CO/4, 24 juillet 2017

Paragraphes faisant l ’ objet d ’ un suivi:

7, 15 et 29

Réponses sur la suite donnée aux observations:

CCPR/C/CHE/CO/4/Add.1, 6 juillet 2018

Évaluation du Comité:

Un complément d’information est demandé au sujet des paragraphes 7[C], 15[C] et 29[C]

Paragraphe 7 : Cadre constitutionnel et juridique de l’application du Pacte

L ’ État partie devrait : a) renforcer, de manière prioritaire, ses mécanismes garantissant une forme de contrôle de compatibilité des initiatives populaires avec les obligations découlant du Pacte, avant leur soumission à votation ; et b) entreprendre une revue systématique de ses dispositions internes incompatibles avec le Pacte en vue de leur révision.

Résumé de la réponse de l’État partie

a)L’État partie renvoie le Comité à plusieurs parties de son document de base commun, dans lesquelles il fournit des informations au sujet de l’incorporation des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, de l’invocabilité directe des dispositions des instruments relatifs aux droits de l’homme devant les juridictions nationales et des initiatives populaires. Il ajoute que des procédures sont en place pour évaluer la compatibilité des initiatives populaires avec le droit international. Toute initiative populaire qui ne respecte pas les règles impératives du droit international est déclarée totalement ou partiellement nulle par l’Assemblée fédérale. Si une initiative populaire proposée est incompatible avec le droit international mais ne viole pas les règles impératives, elle peut être soumise à la votation, mais l’Assemblée fédérale peut en recommander le rejet ou formuler une autre proposition. Lorsqu’une initiative populaire susceptible de provoquer un conflit avec le droit international est approuvée par la population et les cantons, tout est mis en œuvre pour la faire appliquer conformément aux normes et aux règles internationales. Lorsqu’une disposition constitutionnelle nouvellement adoptée ne laisse aucune latitude au législateur pour la faire appliquer conformément au droit international, la population et les cantons ont la possibilité de modifier ou d’abroger cette règle constitutionnelle contraire au droit international. Le Conseil fédéral et l’administration fédérale ont examiné à maintes reprises la relation entre droit international et droit interne, et ils ont notamment analysé des questions précises découlant des initiatives populaires. Ces études ont montré que les contrôles existants avaient bien fonctionné. L’initiative populaire intitulée « Le droit suisse au lieu de juges étrangers », qui visait à établir la primauté du droit constitutionnel sur le droit international, sauf pour ce qui est des règles impératives de celui-ci, a été introduite en 2016. Le Conseil fédéral a invité les Chambres fédérales à soumettre cette initiative à la population et aux cantons sans contre-projet direct ni indirect, en recommandant de la rejeter. L’Assemblée fédérale a également recommandé, le 15 juin 2018, le rejet de cette initiative.

b)On ne peut introduire une nouvelle réglementation dans l’ordre juridique existant sans tenir compte des droits fondamentaux et du droit international, qui sont des éléments essentiels de l’ordre juridique suisse. Le Conseil fédéral et le Parlement ont réussi, lors de la mise en œuvre d’initiatives populaires, à tenir compte des exigences internationales. Les dispositions internes pour lesquelles subsiste un problème de compatibilité avec le droit international sont donc rares. L’État partie ne prévoit pas d’entreprendre une revue systématique de ses dispositions internes incompatibles avec le Pacte

Évaluation du Comité :

[C] : a) et b) Le Comité se félicite des mesures prises par l’État partie pour évaluer la compatibilité des initiatives populaires avec le droit international et des efforts qu’il a déployés pour recommander le rejet de l’initiative proposée sous l’intitulé : « le droit suisse au lieu de juges étrangers ». Néanmoins, il est préoccupé par le manque d’informations sur les mesures concrètes prises au cours de la période à l’examen afin de renforcer les contrôles avant que les initiatives populaires ne soient soumises au vote, alors que cela avait été recommandé de manière prioritaire. Le Comité renouvelle sa recommandation et prie l’État partie de lui expliquer s’il envisage de prendre des mesures pour renforcer encore ces contrôles au cours de la période à l’examen.

Le Comité regrette l’absence d’informations sur les mesures prises au cours de la période considérée afin d’entamer un examen systématique des dispositions internes qui sont incompatibles avec le Pacte en vue de leur révision, et l’indication de l’État partie selon laquelle il ne prévoit pas de procéder à un tel examen. Il renouvelle sa recommandation et souhaite obtenir des renseignements sur les mesures prises pour y donner suite.

Paragraphe 15 : Institution nationale des droits de l’homme

Le Comité réitère sa recommandation selon laquelle l ’ État partie devrait établir dans les meilleurs délais une institution nationale indépendante des droits de l ’ homme dotée d ’ un large mandat en matière de protection des droits de l ’ homme et de ressources humaines et financières suffisantes, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris).

Résumé de la réponse de l’État partie

En juin 2016, le Conseil fédéral a évalué les options possibles pour une solution pérenne et a mandaté les départements responsables afin qu’ils préparent un avant-projet de loi pour une institution nationale des droits de l’homme selon le modèle statu quo +. Le choix de ce modèle se fonde sur la réalisation d’un projet pilote, tout en tenant compte des lacunes constatées lors de l’évaluation. L’avant-projet de loi prévoit que les responsabilités de la future institution nationale des droits de l’homme continueront d’être assumées par un centre rattaché à une ou plusieurs universités. Il prévoit également que l’institution aura les responsabilités suivantes : information et documentation ; recherche ; élaboration d’avis et de recommandations ; promotion du dialogue et de la collaboration entre les services et organisations qui œuvrent à la réalisation et à la promotion des droits de l’homme, éducation et sensibilisation en la matière ; échanges internationaux. L’avant-projet de loi autorise, en droit, l’octroi d’une subvention sous la forme d’une aide financière à l’institution et détermine les conditions de son attribution. Le montant de cette aide financière est estimé à un million de francs suisses par an, ce qui équivaut au montant versé dans le cadre du projet pilote. Il est prévu que les universités auxquelles l’institution nationale des droits de l’homme est rattachée mettent gratuitement à sa disposition l’infrastructure et les équipements. Comme pour le projet pilote, le projet de loi portant création de la future institution lui permet de fournir, dans le cadre de son mandat, des prestations contre rémunération à des autorités et des organisations privées.

Évaluation du Comité

[C] : Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie au sujet des mesures prises pour établir un cadre juridique pour une future institution nationale des droits de l’homme fondée sur un modèle « statu quo + », après la réalisation d’un projet pilote. Néanmoins, il s’inquiète de ce que l’État partie ne dispose toujours pas d’une institution nationale des droits de l’homme qui soit pleinement conforme aux Principes de Paris. Il s’inquiète également de ce que les projets de création d’une institution plus permanente ne tiennent pas compte des points qui préoccupent le Comité, notamment l’absence d’un mandat explicite de protection des droits de l’homme et le rattachement prévu à une institution universitaire.

Le Comité s’inquiète en outre de l’absence d’informations indiquant clairement que les ressources fournies à l’institution nationale des droits de l’homme seront suffisantes et octroyées de manière à permettre pleinement l’accessibilité et le fonctionnement indépendant de l’institution. Il renouvelle sa recommandation au sujet de la création d’une institution nationale des droits de l’homme dans les meilleurs délais. Il demande des informations sur les mesures prises par l’État partie au cours de la période considérée pour qu’une institution nationale des droits de l’homme pleinement conforme aux Principes de Paris soit en place, notamment des précisions sur la manière dont le financement de l’institution respecte ces normes.

Paragraphe 29 :Comportement des agents de police

L ’ État partie devrait promptement instaurer un mécanisme indépendant mandaté pour : a) recevoir l ’ ensemble des plaintes liées aux violences ou mauvais traitements infligés par les forces de police ; b) enquêter sur lesdites plaintes et engager des poursuites, efficacement et impartialement ; et c) maintenir à jour des statistiques centralisées et ventilées sur l ’ ensemble des plaintes, poursuites et condamnations liées aux brutalités policières.

Résumé de la réponse de l’État partie

Au sein de la structure fédérale suisse, les cantons ont la responsabilité première de recevoir les plaintes contre la police. Ils sont libres de définir les procédures qui leur semblent appropriées, pour autant que celles-ci soient compatibles avec le droit fédéral et le droit international. L’instruction des plaintes pénales contre la police est régie par le Code suisse de procédure pénale, qui garantit le traitement de ces plaintes par une autorité pénale indépendante, à savoir le ministère public. L’indépendance des plaintes est protégée par les motifs de récusation prévus par le Code et par l’indépendance du pouvoir judiciaire suisse. La partie lésée peut adresser à l’entité qui dirige la procédure une demande de récusation à l’encontre d’une personne exerçant une fonction au sein d’une autorité pénale si certains motifs sont de nature à la rendre suspecte de prévention. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme ne prévoit aucune obligation d’instaurer des mécanismes de recours particuliers en cas d’incidents impliquant la police. Aucun fait nouveau concernant la question d’une banque de données nationale sur les abus policiers n’est à signaler depuis la présentation du quatrième rapport périodique. Le traitement des plaintes déposées contre des policiers est régi à l’échelle cantonale et il n’existe de ce fait aucune base de données nationale ni de registre correspondant. Les cantons tiennent pour la plupart une statistique interne de toutes les plaintes reçues. L’Office fédéral de la statistique, en coopération avec les autorités de police au niveau cantonal, fournissent des informations sur le nombre et le type d’infractions signalées, sur la suite qui leur est donnée et sur le profil des personnes accusées.

Évaluation du Comité

[C: Le Comité prend note des informations fournies sur la compétence des procureurs cantonaux en matière de plaintes pour violence et mauvais traitements de la part de policiers mais regrette l’absence d’informations sur des mesures particulières qui auraient été prises pour appliquer ses recommandations, à savoir établir un mécanisme indépendant habilité à recevoir et à instruire ces plaintes, et tenir des statistiques centralisées. Il renouvelle donc ses recommandations avec insistance.

Mesures recommandées : Une lettre devrait être adressée à l’État partie pour l’informer de l’arrêt de la procédure de suivi. Les renseignements demandés devraient être communiqués par l’État partie dans son prochain rapport périodique.

Prochain rapport périodique : attendu en 2026 (examen en 2027, selon le cycle d’examen prévisible. Voirwww.ohchr.org/EN/HRBodies/CCPR/Pages/PredictableReviewCycle.aspx).