Nations Unies

CCPR/C/130/D/2780/2016

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

11 février 2021

Original : Français

Comité des droits de l ’ homme

Décision adoptée par le Comité en vertu du Protocole facultatif, concernant la communication no 2780/2016*,**,***

Communication présentée par :

P. F. et M. F. (représentés par un conseil, William Woll)

Victime(s) présumée(s):

Les auteurs

État partie :

France

Date de la communication :

14 février 2015 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise en application de l’article 92 du règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 16 juin 2016 (non publiée sous forme de document)

Date de la décision :

20 octobre 2020

Objet :

Immixtions arbitraires dans le domicile

Question ( s ) de procédure :

Non-épuisement des recours internes ; griefs insuffisamment étayés ; incompatibilité ratione materiae avec le Pacte

Question ( s ) de fond :

Droit à la vie privée et à la famille ; droit à un procès équitable

Article(s) d u Pacte :

2 (par. 3), 7, 14 (par. 1) et 17

Article(s) du Protocole facultatif:

2, 3 et 5 (par. 2 b))

1.Les auteurs de la communication sont un couple marié de ressortissants français : P. F., né le 22 mai 1933, et M. F., née le 23 mai 1958. Ils affirment que l’État partie a violé les droits qu’ils tiennent des articles 2 (par. 3), 7, 14 (par. 1) et 17 du Pacte. La France a adhéré au Protocole facultatif se rapportant au Pacte le 17 février 1984. Les auteurs sont représentés par un conseil, William Woll.

Rappel des faits présentés par les auteurs

2.1Le 2 février 1987, les auteurs ont engagé un entrepreneur afin de construire une maison dans la ville de Fayence, en France. Pour financer leur projet, ils ont contracté un prêt auprès du Crédit foncier de France. Le montant de l’emprunt s’élevait à 450 000 francs (68 602 euros) et celui-ci a été adossé à une hypothèque qui avait pour assiette la valeur de leur terrain et de leur future maison.

2.2À la suite de diverses malfaçons imputables à l’entrepreneur, les auteurs ont saisi les tribunaux pour obtenir des dommages et intérêts. Le 14 juin 1990, le tribunal de grande instance de Draguignan leur a donné gain de cause, et l’entrepreneur a dû verser la somme de 219 453 francs (33 455 euros) afin de permettre aux auteurs de terminer la construction de leur maison et de réparer les malfaçons. L’entrepreneur a fait appel de cette décision devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence. Lors de ce procès, l’avoué des auteurs aurait commis une erreur. Le 10 juin 1993, la cour a réduit le montant des dommages pécuniaires à verser par l’entrepreneur à 80 546 francs (12 279 euros), obligeant les auteurs à rembourser le trop-perçu, en application du jugement partiellement reformé en appel.

2.3Incapables de rembourser la somme, les auteurs ont demandé à l’avoué fautif de procéder au paiement, mais celui-ci a refusé. L’entrepreneur a décidé de procéder à l’exécution forcée de l’arrêt et réclamé aux auteurs la somme correspondant au trop-perçu. Ces derniers ont demandé un sursis à l’exécution, qui leur a été refusé en première instance et en appel. L’entrepreneur a procédé à la saisie-attribution des loyers versés par la locataire des auteurs à partir du 27 octobre 1995. Les auteurs ont saisi en urgence le tribunal de grande instance de Nîmes pour obliger l’avoué et son assureur à verser la somme demandée par l’entrepreneur. Le 15 juillet 1996, sans attendre la décision du tribunal, l’entrepreneur a entamé une procédure de saisie immobilière. Les auteurs ont demandé l’annulation de la vente par adjudication, mais le juge X a rejetéla demande le 28 février 1997. Par jugement du 6 mars 1998, les auteurs ont été déboutés de leurs demandes et condamnés à payer des dommages et intérêts pour procédure dilatoire. Le 18 mars 1998, la cour d’appel d’Aix‑en‑Provence a annulé la décision du 28 février 1997, constatant que l’entrepreneur n’avait jamais eu de titre exécutoire. Le 26 juin 1998, le tribunal de grande instance de Draguignan a constaté la nullité du commandement de saisie immobilière, mais a condamné les auteurs à verser des dommages et intérêts.

2.4Toutes les procédures engagées par les auteurs ont eu un coût considérable et, depuis 1996, ils n’ont pas pu honorer leurs traites dues au Crédit foncier de France. Le 28 avril 1998, ce dernier a adressé aux auteurs un commandement aux fins de saisie immobilière. Le prix du lot comprenant la maison et le terrain a été fixé à 300 000 francs (45 735 euros), ce qui correspondrait au prix du seul terrain nu. Le 14 août 1998, le Crédit foncier de France a procédé à une autosaisine des loyers de la locataire des auteurs.

2.5Le 11 septembre 1998, le juge X a ordonné la vente du domicile des auteurs et les a condamnés à payer des dommages et intérêts pour procédure téméraire. Deux ans plus tard, le 21 septembre 2000, la Cour de cassation a cassé cette décision. Dans un courrier du 16 juillet 2001, les auteurs ont pris connaissance du fait que la Conservation des hypothèques de Draguignan refusait de faire publier la maison à leur nom. Pour remédier à cela, les auteurs ont saisi le tribunal de grande instance de Draguignan qui, par jugement du 27 juin 2002, a reconnu que l’adjudication était bien nulle.

2.6La locataire de la maison a profité de cet imbroglio pour cesser de payer son loyer. Le 20 octobre 2000, les auteurs lui ont adressé un commandement de payer la somme de 163 424,76 francs (24 914 euros) correspondant aux impayés. La locataire a saisi le tribunal de grande instance de Draguignan. Devant le refus de la locataire de payer ses loyers, le Crédit foncier de France a saisi le tribunal de grande instance de Draguignan afin d’obtenir un titre exécutoire contre elle. Le 3 juin 2003, le tribunal a annulé la saisie-attribution au motif que, selon le Code de procédure civile, il ne pouvait y avoir simultanément saisie immobilière et saisie-attribution des loyers. Le Crédit foncier de France a fait appel.

2.7En avril 2002, les auteurs ont pris l’initiative de verser chaque mois un tiers de leurs revenus (777,49 euros) au Crédit foncier de France, qui a encaissé l’argent. Ce dernier a fait publier à la Conservation des hypothèques le nom des auteurs comme véritables propriétaires pour la saisie de la maison. Le 26 novembre 2004, le tribunal de grande instance de Draguignan a rejeté les arguments desauteurs et fixé le jour de l’adjudication au 14 janvier 2005. Le 6 septembre 2005, le tribunal de grande instance de Marseille a constaté que le comportement du Crédit foncier de France était fautif et avait occasionné aux auteurs un préjudice indemnisable. Toutefois, le tribunal n’a fixé aucun montant exact de l’indemnisation et a décidé de surseoir à statuer dans l’attente de la décision « à venir » de la cour d’appel d’Aix-en-Provence. Le même jour, cette dernière, reformant le jugement du tribunal de grande instance de Draguignan, a prononcé l’expulsion de la locataire pour défaut d’assurance contre les risques locatifs.

2.8Le 27 janvier 2006, la cour d’appel d’Aix-en-Provence, sur l’appel formé par le Crédit foncier de France contre le jugement du tribunal de grande instance de Draguignan du 3 juin 2003, a confirmé l’annulation de la saisie-attribution. Le 1er décembre 2006, la cour, encore saisie de l’appel du Crédit foncier de France contre le jugement du tribunal de grande instance de Marseille du 6 septembre 2005, a reconnu les préjudices causés par le Crédit foncier de France aux auteurs, mais leur a reproché leur incurie entre le 21 septembre 2000 et le 11 juin 2004 sans tenir compte de la violation du droit à un procès équitable. Les auteurs ont présenté un pourvoi en cassation, qui a fait l’objet d’une décision de non-admission pour absence de moyen sérieux, le 6 novembre 2008.

2.9Le 28 mars 2008, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a confirmé le jugement du 26 novembre 2004 ordonnant la vente de la maison des auteurs par adjudication. Le 29 septembre 2011, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi des auteurs sans aucune explication. L’audience des criées a été fixée au 24 février 2012. Les auteurs ont déposé un dire dans lequel ils invoquaient la nullité de la saisie. Le juge des criées a donné raison au Crédit foncier de France, qui affirmait que le report de l’audience avait été demandé par les auteurs.

2.10La maison a été vendue pour un montant de 255 000 euros, alors qu’elle avait été estimée à 528 000 euros en 2009. Sur cette vente, les auteurs ont récupéré 105 000 euros. Condamnés au versement de dommages et intérêts pour procédure abusive (3 000 euros), les auteurs ont formé un pourvoi en cassation. Le 11 juillet 2013, la Cour de cassation a rejeté tous les moyens invoqués à l’exception de celui ayant trait aux dommages et intérêts, car la faute n’avait pas été caractérisée par le juge de première instance. Sur renvoi, le 20 juin 2014, le tribunal de grande instance de Draguignan a condamné les auteurs à 1 500 euros d’amende pour procédure abusive.

2.11Les auteurs ont présenté une requête devant la Cour européenne des droits de l’homme le 3 octobre 2014. Par un courrier du 20 novembre 2014, ils se sont vus informés de l’irrecevabilité de leur requête par suite d’une procédure de formation en juge unique, au motif que leur requête ne remplissait pas les conditions prévues aux articles 34 et 35 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Convention européenne des droits de l’homme). Bien que la France ait émis une réserve au Protocole facultatif empêchant qu’une affaire soit examinée par le Comité lorsqu’elle l’a déjà été par la Cour, les auteurs rappellent la jurisprudencedu Comité, qui estime que ce type de réserve ne s’applique pas aux requêtes rejetées par la Cour uniquement pour des raisons procédurales.

2.12Au total, la procédure a duré vingt-six ans (de 1987 à 2013) devant les tribunaux français et 40 décisions de justice ont été rendues. Les auteurs se sont battus pour conserver leur domicile et se sont retrouvés perdants, bien que le prix de leur maison fût considérablement supérieur à la dette qu’ils avaient envers le Crédit foncier de France.

Teneur de la plainte

3.1Les auteurs se disent victimes d’une violation de l’article 17 (par. 1) du Pacte, relatif à la protection du domicile par l’État partie. En effet, ils estiment avoir subi des immixtions arbitraires dans leur domicile, qui leur a été retiré par deux fois sur décisions de justice. Lors de la première adjudication, le montant de la créance était extrêmement faible au regard du montant de la vente de la maison, et la saisie des loyers de la première locataire aurait été plus proportionnée et plus adaptée. D’autres solutions existaient pour désintéresser le Crédit foncier de France et l’entrepreneur saisissant. De même, pour la seconde vente, aucune spécificité ne justifiait un traitement aussi déséquilibré de la part des autorités nationales, et des solutions de substitution à l’adjudication étaient encore possibles. Les auteurs allèguent également une violation de l’article 17 (par. 1) du Pacte car ils s’estiment victimes d’une immixtion arbitraire dans leur droit à la vie privée et d’une atteinte à leur honneur et à leur réputation.

3.2Les auteurs allèguent également une violation de l’article 14 (par. 1) du Pacte en ce que leur droit de propriété constitue un droit de caractère civil. Ils estiment que cet article a été violé pour les trois raisons suivantes : a) l’absence d’impartialité du juge X ; b) le fait qu’ils n’ont pas eu droit à une véritable réparation, en raison d’une erreur manifeste décisive pour la procédure relative à la seconde vente par adjudication ; et c) la durée excessive de l’ensemble de la procédure. Les auteurs reconnaissent que l’article 14 du Pacte n’impose pas formellement, en matière civile, le respect d’un délai raisonnable,contrairement à d’autres instruments de protection desdroits del’homme. Néanmoins, le Comité a pu considérer que cette exigence faisait partie du droit à un procès équitable dans des matières portant sur des « droits et obligations » à caractère civil.

3.3Les auteurs soutiennent également que les articles 2 (par. 3) et 14 (par. 1) du Pacte ont été violés, car le droit à l’exécution d’une décision de justice découlant du droit à un juge ne leur a pas été reconnu. En l’espèce, le droit à l’exécution de l’arrêt de la Cour de cassation daté du 21 septembre 2000 aurait été violé, car la Conservation des hypothèques de Draguignan a refusé entre juillet 2001 et août 2003, sans aucun motif juridique, d’exécuter ledit arrêt. Les échanges de courriers entre les auteurs, leur conseil et la Conservation des hypothèques mettraient en évidence un blocage de l’administration, que les auteurs identifient comme étant une corruption cachée.

3.4Les auteurs estiment également que l’article 2 (par. 3) du Pacte a été violé car ils n’ont pas obtenu de réparation in integrum de l’ensemble des préjudices causés par la violation des articles 14 (par. 1) et 17 du Pacte.

3.5Les auteurs affirment également que la combinaison des violations alléguées, y compris la perte finale de leur domicile et le départ de leur domicile le 15 août 2013, équivaut à une violation de l’article 7 du Pacte.

3.6Les auteurs sont conscients que le Comité ne peut pas apprécier les faits et les éléments de preuve dans une affaire, ou la manière dont doit s’appliquer une législation interne. Toutefois, lorsque l’appréciation ou l’application du droit interne a été clairement arbitraire, est manifestement entachée d’erreur ou constitue un déni de justice, le Comité s’estime compétent.

3.7Les auteurs ont été dépossédés, par deux fois, de leur unique domicile à la suite d’un litige mal résolu et mal jugé par les tribunaux français, en violation des articles du Pacte précités.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Le 17 août 2016, l’État partie a soumis ses observations portant sur la recevabilité de la communication.

4.2L’État partie allègue que les auteurs, contrairement à ce qu’ils affirment, n’ont jamais invoqué devant les tribunaux, même en substance, les différentes violations dont ils se plaignent devant le Comité et n’ont de ce fait pas épuisé les voies de recours internes.

4.3S’agissant du droit à un procès équitable au titre de l’article 14 du Pacte, les auteurs invoquent une absence d’impartialité de l’un des magistrats du tribunal de grande instance de Draguignan, un déni de justice et le caractère excessif de la durée de la procédure. Or, aucun de ces griefs n’a été soumis à une juridiction nationale. Les auteurs n’ont jamais invoqué dans le cadre des procédures nationales, devant la Cour de cassation, l’impartialité du magistrat du tribunal de grande instance de Draguignan, alors qu’ils avaient la faculté de le faire. Il en est de même d’un éventuel déni de justice. Enfin, sur le caractère excessif de la durée de la procédure, les justiciables disposent en France d’une procédure régie par les dispositions de l’article L141-1 du Code de l’organisation judiciaire, qui permet aux intéressés d’obtenir réparation du dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice. Les auteurs n’ont pas eu recours à cette procédure et n’ont jamais soumis ce grief aux juridictions internes.

4.4S’agissant de l’immixtion arbitraire dans le droit à la vie privée des auteurs ainsi que des atteintes à leur honneur et à leur réputation, en violation de l’article 17 du Pacte, et des traitements inhumains et dégradants qu’ils auraient subis, en violation de l’article 7, ces griefs n’ont jamais été invoqués ni même seulement esquissés dans les différentes procédures judiciaires devant les juridictions internes.

4.5Enfin, les derniers griefs invoqués, à savoir une immixtion arbitraire dans le domicile des auteurs, en violation de l’article 17 du Pacte, ainsi que des violations du droit à l’exécution de l’arrêt de la Cour de cassation du 21 septembre 2000, au titre de l’article 14 du Pacte, et du droit à une indemnisation entière des préjudices subis, au titre des articles 14 et 17 du Pacte, n’ont pas davantage été invoqués devant les juridictions nationales.

4.6Par ces trois derniers griefs, les auteurs entendent contester devant le Comité, à l’instar de ce qu’ils ont fait devant les juridictions nationales, le bien-fondé de la vente par adjudication de leur propriété ordonnée par deux décisions de justice et la menace permanente de la saisie de leur bien.

4.7Concernant le grief d’immixtion arbitraire dans leur domicile, les auteurs indiquent par exemple : « Concrètement, les époux F. étaient donc propriétaires de leur domicile mais ne pouvaient se prévaloir d’aucun titre à l’égard des tiers. Le refus de la Conservation des hypothèques, non motivé en droit, est donc constitutif d’une “seconde immixtion arbitraire” dans le domicile des auteurs ». De même, s’agissant de la méconnaissance alléguée de l’article 14 du Pacte tenant à l’inexécution de la décision de la Cour de cassation du 21 septembre 2000, les auteurs indiquent au Comité que « la Conservation des hypothèques de Draguignan a refusé, entre juillet 2001 et août 2003, sans aucun motif juridique, d’exécuter l’arrêt de la Cour de cassation du 21 septembre 2000 qui, en annulant, pour violation du contradictoire et donc pour violation d’un droit protégé par le Pacte, le jugement rendu par le juge X, réintégrait les auteurs dans leurs droits de propriétaires de leur domicile ». Quant à la violation du droit à une indemnisation entière des préjudices, les auteurs estiment qu’ils n’ont pu obtenir réparation intégrale de leurs préjudices et que si tel avait pu être le cas, « ils seraient aujourd’hui propriétaires de leur domicile ».

4.8C’est en réalité une violation de leur droit de propriété que les auteurs entendent faire valoir devant le Comité. Or, le droit de propriété n’est pas garanti par le Pacte, ce qu’a rappelé le Comité dans ses constatations relatives à plusieurs affaires.

4.9Pour contourner cette incompétence du Comité, les auteurs tentent de se prévaloir de la violation d’autres droits protégés par le Pacte et de faire entrer dans ces droits les éléments du droit de propriété.

Observations supplémentaires de l’État partie sur la recevabilité et le fond

5.1Le 23 décembre 2016, l’État partie a soumis ses observations portant sur le fond de la communication.

5.2L’État partie rappelle que les auteurs se plaignent des deux procédures judiciaires engagées par le Crédit foncier de France, puis par la Compagnie de financement foncier, qui ont conduit, par deux fois, à la vente du bien des auteurs par adjudication.

5.3Concernant le grief d’immixtions arbitraires dans le domicile des auteurs, l’État partie réitère que celui-ci doit être déclaré irrecevable, car les auteurs se rapportent en réalité au droit de propriété, qui n’est pas garanti par le Pacte. De plus, le bien immobilier disputé n’est pas qualifiable de domicile. Les procédures de saisie immobilière contestées, portant sur leur maison située à Fayence, se sont étalées de 1998 à 2013. Or, dans la mesure où les auteurs ne démontrent pas qu’ils ont résidé dans cette maison au cours de la période en litige, celle‑ci ne saurait être considérée sur cette période comme leur domicile. Par conséquent, le grief ne peut qu’être écarté pour inapplicabilité de l’article 17 du Pacte aux faits de l’espèce.

5.4S’agissant de la procédure de saisie immobilière, l’État partie allègue qu’une immixtion dans le domicile est conforme aux stipulations de l’article 17 du Pacte si elle est prévue par la loi, si sa mise en œuvre est conforme aux buts et aux objectifs du Pacte, et si elle est « raisonnable eu égard aux circonstances particulières ». L’ensemble de ces conditions est réuni en l’espèce, car les saisies étaient régulières, comme le créancier peut poursuivre la saisie selon l’article 2204 du Code civil. Les auteurs n’ont pas respecté leur contrat d’emprunt avec le Crédit foncier de France en ne remboursant pas intégralement leur dette, et ce, malgré les larges délais dont ils ont disposé du fait des nombreuses procédures en contestation qu’ils ont engagées. Le Crédit foncier de France, puis la Compagnie de financement foncier étaient ainsi fondés à rechercher le paiement de leur créance en demandant la vente du bien immobilier, objet de l’hypothèque. Enfin, les procédures d’adjudication répondent au critère de proportionnalité. Leur mise en œuvre a ainsi été raisonnable. En effet, le montant très important de la dette des auteurs et leur manque de diligence pendant une très longue période pour apurer cette dette établissent le caractère nécessaire et proportionné de la vente forcée critiquée devant le Comité. Leur bien a été adjugé pour la somme de 255 000 euros par le tribunal de grande instance de Draguignan dans son jugement rendu le 24 février 2012.

5.5Pour contester le caractère proportionné de cette immixtion, les auteurs allèguent que leur bien immobilier était un lot parmi plusieurs autres sur lesquels portait l’hypothèque de la Compagnie de financement foncier. Selon eux, cette société aurait dû se contenter de saisir une seule parcelle. Il ressort des dispositions de l’article 2393 du Code civil que l’hypothèque « est, de sa nature, indivisible, et subsiste en entier sur tous les immeubles affectés, sur chacun et sur chaque portion de ces immeubles ». Du fait de cette indivisibilité, la saisie porte sur l’ensemble des lots constitué par l’hypothèque. De plus, le périmètre de cette saisie a résulté de la nature même de l’hypothèque à laquelle ils avaient consenti. La Cour de cassation a d’ailleurs annulé la première procédure de saisie immobilière engagée par le Crédit foncier de France, dans son arrêt du 21 septembre 2000, en raison d’une irrégularité procédurale. Après cette dernière décision et malgré l’écoulement de plusieurs années, les auteurs n’ont pas apuré leur dette, ni vendu leur bien de manière volontaire aux fins de désintéresser le Crédit foncier de France, conduisant la Compagnie de financement foncier à lancer une nouvelle procédure. Dans ce cadre, les auteurs ont formé quatre contestations les 23 juillet 2004, 29 mai 2009, 20 février 2012 et 24 octobre 2013 pour obtenir la nullité de l’acte de prêt de 1987, contester la régularité de la procédure et demander l’annulation de la créance. Il ressort de l’ensemble des décisions intervenues que les contestations des auteurs ont été examinées dans le respect de leurs droits et n’ont été rejetées qu’en raison de leur caractère non fondé.

5.6S’agissant du refus de l’inscription de l’arrêt de la Cour de cassation du 21 septembre 2000 annulant la première vente par adjudication au service des hypothèques, ce qui aurait privé les auteurs de l’exercice de leurs droits sur ce bien, l’État partie maintient que le conseil des auteurs ne s’est pas conformé aux règles, puisque leur demande était incomplète. La décision de refus de transcription critiquée était donc régulière. Les auteurs n’ont à aucun moment utilisé les voies de recours disponibles pour contester ce refus.

5.7Concernant le grief d’immixtion arbitraire dans la vie privée des auteurs à cause de la menace permanente de la saisie de leur bien, l’État partie affirme qu’une telle circonstance n’est que la conséquence des procédures critiquées. Il a été démontré que celles-ci n’étaient pas contraires aux stipulations du Pacte. Concernant le grief d’atteinte à l’honneur et à la réputation, les auteurs se réfèrent à l’affaire Sayadi et Vinck c. Belgique (CCPR/C/94/D/1472/2006),alors que l’État partie considère que les circonstances ne sont comparables ni au regard de la nature de l’atteinte à la réputation alléguée ni à celui de sa gravité. Il a été démontré que la procédure d’adjudication du bien des auteurs n’était pas contraire aux stipulations du Pacte. Par ailleurs, les auteurs ne produisent aucun élément établissant une quelconque atteinte à leur honneur ou à leur réputation dans l’opinion des habitants du village.

5.8Concernant la violation alléguée du droit à un procès équitable et du droit à l’exécution d’une décision de justice, l’État partie maintient que ce grief ne satisfait pas à la condition d’épuisement des voies de recours internes.

5.9Les auteurs estiment que leur droit à un procès équitable a été violé en raison de l’« absence d’impartialité » du juge du tribunal de grande instance de Draguignan et dénoncent la durée excessive de la procédure. L’État partie affirme que le seul fait que le magistrat en question a rendu plusieurs décisions défavorables aux auteurs avant de rendre le jugement du 11 septembre 1998 ne suffit nullement à établir le manque d’impartialité objective allégué. Ils ne fournissent aucune raison pour laquelle ce juge aurait pu vouloir les défavoriser, et ils n’ont pas établi que ce juge avait eu des liens d’intérêts avec le Crédit foncier de France. Les auteurs auraient dû former une demande de récusation à son égard. En réalité, c’est le raisonnement même du juge que les auteurs contestent. Or, une erreur de droit, à supposer qu’elle soit établie, ne saurait emporter à elle seule l’impartialité du juge qui la commet. Les auteurs n’établissent ni même n’allèguent avoir soulevé devant la Cour de cassation le défaut d’impartialité entachant le jugement du 11 septembre 1998. En tout cas, le jugement du 11 septembre 1998 a été annulé par l’arrêt de la Cour de cassation du 21 septembre 2000, pour un tout autre motif, tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire. Les auteurs ne sauraient se prévaloir de la contrariété avec les stipulations du Pacte d’une décision annulée par les juridictions internes.

5.10Les auteurs soutiennent que le tribunal de grande instance de Draguignan, dans son jugement du 24 février 2012, et la Cour de cassation, dans son arrêt du 11 juillet 2013, auraient commis une « erreur manifeste ». Selon l’État partie, les auteurs demandaient la nullité de la procédure au motif que l’audience éventuelle du 30 juillet 2004 avait été renvoyée au 24 septembre 2004, ce que n’autorise pas la jurisprudence. Il ressort du jugement critiqué que les auteurs avaient demandé de déclarer nulle et irrégulière la procédure de saisie, ainsi que les poursuites, pour défaut du respect de la date d’audience éventuelle. Il ressort du registre de l’audience du 30 juillet 2004 que cette audience éventuelle s’est bien tenue et qu’un seul renvoi de plaidoiries a été prononcé. Le grief des auteurs n’était donc pas sérieux, ainsi que l’a jugé la Cour de cassation le 11 juillet 2013. L’État partie soulève que le défaut du respect de la date d’audience éventuelle ne permet pas d’invoquer la nullité d’un jugement ayant statué sur les dires, en l’absence le cas échéant de recours contre les décisions successives de report de l’audience éventuelle. Les auteurs ne démontrent nullement en quoi les décisions critiquées seraient entachées d’une erreur de droit ou d’une erreur manifeste. Les critiques présentées ne tendent en réalité qu’à remettre en cause l’autorité de la chose définitivement jugée.

5.11Concernant le caractère excessif de la durée de la procédure, l’État partie rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure judiciaire doit être évalué au cas par cas, compte tenu de la complexité de l’affaire, du comportement de l’accusé et de la manière dont les autorités administratives et judiciaires ont traité l’affaire. Les auteurs soutiennent que la procédure litigieuse a débuté en 1987 pour s’achever en 2013 avec la décision critiquée de la Cour de cassation du 11 juillet 2013. Selon l’État partie, les auteurs ne sont pas fondés à soutenir que la saisie de leur bien a duré vingt-six ans. Il ressort qu’entre 1987 et 2013, de très nombreuses procédures ont été engagées par ou contre les auteurs et que seules deux d’entre elles ont précisément trait à la saisie de leur bien : la première procédure de saisie immobilière engagée par le Crédit foncier de France en avril 1998, qui s’est conclue avec l’arrêt rendu en septembre 2000 par la Cour de cassation, annulant la première décision d’adjudication ; la seconde procédure de saisie immobilière engagée par la Compagnie de financement foncier, venant au droit du Crédit foncier de France, débutée en mai 2004 jusqu’à l’arrêt de la Cour de cassation, critiqué par les requérants, rendu le 11 juillet 2013. Il ressort du déroulement des deux procédures critiquées que leur délai était justifié, notamment au regard de l’exercice, par les auteurs, des voies de recours qui leur étaient ouvertes. L’État partie soulève que le tribunal de grande instance de Draguignan, dans son jugement du 20 juin 2014, a condamné les auteurs à verser à la Compagnie de financement foncier une somme de 1 500 euros pour abus de procédure.

5.12Quant à la violation alléguée du droit à l’exécution de l’arrêt de la Cour de cassation du 21 septembre 2000, contrevenant aux articles 2 (par. 3) et 14 du Pacte, l’État partie considère que ce grief est infondé pour les mêmes motifs que ceux qui ont été exposés précédemment par rapport au refus de l’inscription de l’arrêt de la Cour de cassation. Concernant la violation alléguée du droit des auteurs à une indemnisation intégrale des préjudices causés par la violation des articles 14 et 17 du Pacte, l’État partie affirme qu’aucune prétention indemnitaire n’aurait pu s’appuyer sur ces griefs, puisqu’ils sont infondés. De plus, les préjudices allégués n’ont pas fait l’objet de recours internes et sont dépourvus de tout lien de causalité avec ces griefs. Les auteurs font état non seulement des frais de justice qui concernent les deux procédures d’adjudication, mais également des frais relatifs aux loyers non payés par leurs locataires, de leurs propres frais de relogement, du manque à gagner sur le montant de la vente de leur bien et des sommes versées à leur créancier. Les sommes déboursées par les auteurs ne concernent pas uniquement les deux procédures d’adjudication, qui sont seules en cause dans la présente communication. Elles n’auraient donc pu donner lieu à une indemnisation par les juridictions nationales du fait de la prétendue irrégularité de ces procédures d’adjudication.

5.13En ce qui a trait à la violation alléguée de l’article 7 du Pacte, l’État partie relève que les auteurs reprennent les allégations déjà formulées qui ne font apparaître, en soi, aucun traitement qui pourrait être qualifié d’inhumain ou de dégradant.

5.14L’atteinte à l’honneur et à la réputation ainsi que l’absence d’impartialité du juge dont se prévalent les auteurs ne sont pas établies. Il en va de même du harcèlement qu’ils auraient eu à subir du fait d’huissiers, sur lequel ils ne fournissent aucune précision. En outre, il a été indiqué que le refus du service de la publicité foncière était parfaitement justifié. La durée de la procédure s’explique par l’exercice des voies de recours par les auteurs, en conformité avec le Pacte. Le coût des procédures ne saurait constituer un traitement inhumain ou dégradant. Quant à la perte du domicile alléguée, elle n’est que la conséquence de la procédure d’adjudication qui a été menée en conformité avec le Pacte.

5.15L’État partie demande au Comité de bien vouloir déclarer la présente communication irrecevable ou de la rejeter comme étant infondée.

Commentaires de l’auteure sur les observations de l’État partie sur la recevabilité

6.1Dans ses commentaires du 21 janvier 2017, l’auteure affirme que la communication est recevable ratione materiae et qu’elle et son défunt mari, décédé le 17 juillet 2015, ont épuisé toutes les voies de recours au sens de l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif.

6.2La présence sous-jacente d’un droit de propriété n’est pas un obstacle à la recevabilité ratione materiae, du moment que les droits dont la violation est alléguée sont protégés par le Pacte. L’absence du droit de propriété au sein du Pacte ne signifie pas que l’auteur d’une communication devrait s’abstenir d’invoquer un article du Pacte au seul motif d’un lien étroit avec le droit de propriété.

6.3L’auteure indique que la maison saisie était bien leur domicile au sens de l’article 17 du Pacte, et que l’État partie ne peut considérer qu’un domicile qui n’est plus occupé par sa faute ne devrait plus être protégé par le Pacte. S’il n’y avait pas eu toutes ces procédures judiciaires, qui représentaient un coût financier important, et si leur maison n’avait pas été vendue par adjudication, les auteurs n’auraient jamais cessé d’y vivre. Cette maison a toujours été leur domicile, sauf lors des périodes de location dont l’objectif était de permettre le sauvetage judiciaire de leur maison. Ils se sont installés dans la maison en août 1990, l’ont mise en location en 1996, avant de la réintégrer en 1997. Ils l’ont à nouveau mise en location en juin 1998. En juin 2008, les auteurs s’y sont réinstallés jusqu’à ce qu’ils en soient chassés en 2013. Il n’y a aucune raison de restreindre leur domicile à cette seule période de 1998 à 2013, comme le fait l’État partie. Au moment où l’affaire a commencé, avec la décision du tribunal de grande instance de Draguignan, le 14 juin 1990, ils résidaient dans la maison.

6.4L’auteure considère qu’elle a épuisé les voies de recours internes disponibles. Concernant l’article 17 du Pacte, se référant à l’affaire Kavanagh c. Irlande (CCPR/C/71/D/819/1998, par. 9.3), elle allègue que toutes les procédures mises en œuvre ou subies par son mari et elle avaient pour objet, à titre principal, d’empêcher la saisie de leur domicile, laquelle constituait une immixtion arbitraire dans leur domicile. Par conséquent, l’auteure conclut qu’ils ont épuisé les voies de recours internes concernant la violation de l’article 17 du Pacte.

6.5Concernant l’article 14 du Pacte, l’auteure soutient que son mari et elle ont soulevé, en substance, devant la Cour de cassation, le défaut d’impartialité du juge X. Devant le tribunal de grande instance de Draguignan, et donc devant le juge X, les auteurs ne pouvaient pas exprimer leur crainte. Ils avaient besoin de ce tribunal, qui a rendu, dans leur dossier, 18 jugements, pour se défendre contre leurs adversaires. La Cour de cassation ne s’y est pas trompée puisque, dans son arrêt, elle a cassé ledit jugement au motif qu’il « ne résultait ni du jugement, ni des productions que le Crédit foncier de France se serait prévalu de l’absence de date et de signature ». L’auteure en conclut que les voies de recours internes concernant le défaut d’impartialité du juge ont bien été épuisées.

6.6L’article L141-1 du Code de l’organisation judiciaire n’aurait pas constitué une voie de recours utile et efficace au sens de l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif. Le tribunal compétent pour un tel recours aurait été celui de Draguignan. Compte tenu de la réputation des auteurs auprès de ce tribunal, une telle démarche était vouée à l’échec. L’usage de cette voie impliquait un appel à l’issue du procès de première instance, et l’auteure n’avait d’autres ressources que la pension de réversion de son mari. De plus, la saisine du tribunal, après vingt-cinq années de procédure, aurait excédé tout délai raisonnable. La voie ouverte par l’article L141-1 n’aurait pas permis aux auteurs de faire valoir l’ensemble de leurs griefs, notamment ceux ayant trait aux immixtions arbitraires dans leur domicile. Sauf la question du délai, l’article L141-1 se limite aux fautes dites lourdes de la justice. La justice n’est pas seule en cause, puisque l’auteure se plaint également de l’inertie du service de la Conservation des hypothèques. L’article L141-1 aurait été inefficace, sauf à considérer que les auteurs auraient dû saisir le tribunal de grande instance de Draguignan pour la violation du délai, et le Comité pour le reste. Concernant le procès dans un délai raisonnable, la jurisprudence française considère que, dès lors qu’une affaire peut être qualifiée de « complexe », il ne saurait y avoir droit à indemnisation. Il est très facile de prétendre que la vente par adjudication du domicile des auteurs était une opération complexe. Il n’existe aucune décision de la Cour de cassation qui accepterait d’indemniser un particulier pour violation du droit à un procès dans un délai raisonnable, dans le cadre d’une affaire dite « complexe ». L’auteure conclut donc à l’inefficacité de l’article L141-1 du Code de l’organisation judiciaire dans son cas.

6.7L’auteure rappelle que ses avocats ont invoqué expressément, à de multiples reprises, le droit à un procès équitable en référence à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, à savoir l’équivalent de l’article 14 du Pacte devant la Cour de cassation et la cour d’appel. Le droit à un procès équitable a toujours fait partie du débat, en fait et en droit, conformément à la jurisprudence Kavanagh c. Irlande, devant la plupart des juridictions saisies y compris la plus haute sur le plan national. L’auteure considère donc avoir épuisé les voies de recours concernant le droit à un procès équitable.

6.8Concernant les griefs relatifs aux articles 2 (par. 3), 7 et 17 du Pacte, ceux-ci n’auraient pu être portés à la connaissance des juridictions françaises qu’une fois l’ensemble des procédures achevées, puisqu’ils ont trait à l’impact de toutes ces procédures sur la vie des auteurs. L’État partie leur reproche de ne pas avoir usé de la voie offerte par l’article L141-1 du Code de l’organisation judiciaire. Comme il a été indiqué précédemment, cet article n’aurait pas permis une indemnisation de l’ensemble des préjudices subis, y compris ceux causés par la Conservation des hypothèques. De plus, une telle procédure aurait impliqué la saisine du tribunal de grande instance de Draguignan à l’origine de leurs souffrances. Après vingt-cinq années de procédure, on ne saurait reprocher aux auteurs d’avoir refusé d’utiliser une voie de droit qui aurait abouti à une indemnisation d’une partie seulement des griefs liés au Pacte.

Commentaires de l’auteure sur le fond

7.Le 9 mars 2017, l’auteure a présenté ses commentaires réfutant les arguments de l’État partie sur le manque de fondement, réaffirmant que les violations alléguées des articles 2 (par. 3), 7, 14 (par. 1) et 17 du Pacte ont été suffisamment corroborées.

Observations complémentaires de l’État partie sur la recevabilité et le fond

8.Les 19 avril et 24 août 2017, l’État partie a fait valoir à nouveau que les procédures d’adjudication avaient été mises en œuvre de façon raisonnable, eu égard aux circonstances particulières, qui ont établi le caractère nécessaire et proportionné de la vente forcée du bien immobilier des auteurs. Concernant l’impossibilité de réaliser la vente en raison du refus du service de la publicité foncière d’inscrire sur ses registres l’arrêt de la Cour de cassation du 21 septembre 2000, il est rappelé que ce refus est le résultat de la seule carence des auteurs. L’État partie a aussi rappelé que le droit de propriété n’était pas garanti par le Pacte, et que même si l’auteure ajoute que l’article 6 (par. 1) de la Convention européenne des droits de l’homme a été soulevé, elle ne démontre nullement avoir invoqué devant les juridictions internes un défaut d’impartialité, le déni de justice tel qu’il a été exposé ou la durée excessive de la procédure. L’État partie réitère donc ses arguments sur l’irrecevabilité et l’absence de fondement de la communication.

Commentaires complémentaires de l’auteure

9.Le 16 avril 2018, l’auteure a noté avec satisfaction que l’État partie reconnaissait enfin que la maison des auteurs était bien leur « domicile », ajoutant qu’ils ne pouvaient pas vendre leur domicile pour apurer la dette, car l’immeuble était saisi et/ou ils n’étaient pas légalement les propriétaires de leur domicile, et que les auteurs ont bien effectué des règlements réguliers au Crédit foncier de France entre 1996 et 2003.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

10.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 97 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

10.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément à l’article 5 (par. 2 a)) du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Le Comité note que les auteurs ont présenté une requête devant la Cour européenne des droits de l’homme le 3 octobre 2014. Leur requête a été déclarée irrecevable par un juge unique, sans motifs spécifiques. Le Comité rappelle sa jurisprudence qui estime que le type de réserve déposée par la France ne s’applique pas aux requêtes rejetées par la Cour européenne des droits de l’homme uniquement pour des raisons procédurales. Étant donné que l’État partie ne s’est pas opposé à la recevabilité pour ce motif, le Comité considère que les dispositions de l’article 5 (par. 2 a)) du Protocole facultatif ne font pas obstacle à l’examen de la présente communication.

10.3Le Comité rappelle sa jurisprudence selon laquelle l’auteur doit se prévaloir de tous les recours judiciaires internes pour satisfaire à la condition énoncée à l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif, pour autant que de tels recours semblent être utiles en l’espèce et soient de facto ouverts à l’auteur. Le Comité note que l’État partie a contesté la recevabilité de la communication parce que les auteurs n’ont jamais invoqué, même en substance, devant les juridictions nationales, les violations alléguées devant le Comité.

10.4Le Comité examine les arguments des deux parties dans l’ordre des allégations telles qu’elles ont été présentées par les auteurs.

a.Droit à la vie privée

10.5Le Comité prend note des arguments des auteurs selon lesquels ils auraient subi des immixtions arbitraires dans leur domicile en violation de l’article 17 du Pacte, en ce que celui-ci leur a été retiré par deux fois sur décisions de justice. Ils estiment aussi avoir subi une atteinte à leur honneur et à leur réputation. L’État partie, quant à lui, considère que le bien immobilier disputé n’est pas qualifiable de domicile. Le Comité note que, selon les auteurs, le bien immobilier concerné devrait être considéré comme leur domicile secondaire et que s’ils n’y ont pas toujours résidé, ce n’était pas de leur faute. En effet, la maison des auteurs a toujours été leur domicile sauf lors des périodes de location dont l’objectif était de permettre le sauvetage judiciaire de leur maison. Les auteurs se sont installés dans la maison en août 1990, l’ont mise en location en 1996, avant de la réintégrer en 1997. Ils l’ont à nouveau mise en location en juin 1998. En juin 2008, les auteurs s’y sont réinstallés jusqu’à ce qu’ils en soient chassés en 2013. Ils y ont donc résidé pendant douze ans, au cours des différentes procédures auxquelles ils ont participé. Ils soulignent également avoir épuisé les recours internes qui visaient à rétablir leur propriété de la maison vendue par adjudication, tout en cherchant une protection contre l’immixtion arbitraire dans leur « domicile ». Le Comité estime, sur ce grief, qu’une immixtion dans le domicile est conforme aux stipulations de l’article 17 du Pacte si elle est prévue par la loi, si sa mise en œuvre est conforme aux buts et aux objectifs du Pacte et si elle est « raisonnable eu égard aux circonstances particulières ». Dans le cas d’espèce, le Crédit foncier de France, puis la Compagnie de financement foncier se sont vus obligés de rechercher le paiement de leur créance en demandant la saisie et la vente du bien immobilier, objet de l’hypothèque, la procédure de vente forcée ordonnée tendant à assurer le respect des droits de ces derniers. Le Comité estime en outre que les auteurs n’ont pas démontré que les procédures d’adjudication ne répondaient pas au critère de proportionnalité, ou que leur mise en œuvre n’avait pas été raisonnable, eu égard aux circonstances particulières. Il note à cet égard que les auteurs ont eu la possibilité de régler leur dette au cours des différentes années où toutes ces procédures se sont tenues. De plus, plusieurs décisions de justice se sont successivement penchées sur l’argumentation des auteurs, et les délibérations dans leur ensemble ont soulevé des faits et des questions dont le Comité est actuellement saisi. Même si les dispositions de l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif ne font pas obstacle à l’examen de ce grief, le Comité estime que les auteurs ne l’ont pas suffisamment étayé et considère donc celui-ci comme irrecevable, conformément à l’article 2 du Protocole facultatif.

b.Droit à un juge impartial

10.6En ce qui concerne l’article 14 (par. 1) du Pacte, les auteurs estiment que leur droit de propriété constitue un droit de caractère civil, violé à trois reprises en raison de l’absence d’impartialité de l’un des juges, qui est intervenu pour décider de leur affaire, et d’un déni de justice se traduisant par l’absence d’une véritable réparation. Ils se plaignent également de la durée excessive de la procédure, le respect d’un délai raisonnable faisant partie du droit à un procès équitable dans des matières portant sur des « droits et obligations » à caractère civil. Le Comité considère en effet que, dans un procès civil, les retards que ne justifient ni la complexité de l’affaire ni la conduite des parties portent atteinte au principe du procès équitable consacré par l’article 14 (par. 1) du Pacte.

10.7Concernant le grief d’absence d’impartialité du juge X, le Comité note les arguments de l’État partie selon lesquels ce grief n’aurait pas été soulevé devant les juridictions internes, et que le seul fait que le magistrat en question a rendu plusieurs décisions défavorables aux auteurs ne suffit nullement à établir le manque d’impartialité objective allégué. D’ailleurs, les auteurs n’ont jamais présenté de demande de récusation à l’encontre de ce juge. Le Comité note, en effet, que les auteurs ont toujours eu la possibilité d’interjeter appel des décisions du magistrat concerné et ont même eu gain de cause, au moins une fois, dans la décision de la Cour de cassation du 21 septembre 2000. Le Comité estime que les auteurs n’ont pas épuisé les recours disponibles en ce qui concerne les allégations d’absence d’impartialité du juge X, au sens de l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif, et n’ont pas suffisamment étayé leur grief à ce sujet. En conséquence, le Comité considère que ce dernier est irrecevable, conformément à l’article 2 du Protocole facultatif.

c.Délai raisonnable

10.8Le Comité estime en outre que, même si les procédures engagées par les auteurs ont été considérablement prolongées, s’étendant sur une période de vingt-six ans, il ne peut considérer qu’elles excèdent des délais raisonnables au sens de l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif, car la durée des procédures internes est principalement la conséquence de la série d’appels interjetés par les auteurs pour réfuter les deux décisions des autorités judiciaires de saisir et de vendre leur maison par adjudication, comme ils n’avaient pas remboursé le crédit obtenu pour sa construction. Ces délais ne peuvent de ce fait être imputables à l’État partie.

10.9Dans ce contexte, le Comité observe que l’État partie considère que les auteurs n’ont pas épuisé tous les recours internes disponibles, comme ils n’ont pas invoqué, ou l’ont fait seulement indirectement, des violations alléguées de l’article 14 (par. 1) du Pacte devant les tribunaux nationaux et n’ont pas demandé de recours spécifiques par rapport à la durée excessive alléguée des procédures judiciaires et à l’absence d’indemnisation complète des biens perdus. Les auteurs estimaient, en effet, que de tels recours seraient voués à l’échec, l’article L141-1 du Code de l’organisation judiciaire ne constituant pas, en l’espèce, une voie de recours utile et efficace au sens de l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif, celui-ci se limitant aux fautes dites lourdes de la justice. Comme le Comité l’a reconnu à maintes reprises, un État partie ne peut généralement pas être tenu responsable des erreurs ou des omissions commises par les auteurs ou un conseiller juridique indépendant. Le Comité rappelle également sa jurisprudence selon laquelle de simples doutes quant à l’efficacité des recours internes n’exonèrent pas l’auteur d’une communication de les épuiser. En conséquence, le Comité considère que les dispositions de l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif font obstacle à l’examen de la présente communication.

d.Violation de l’article 7 du Pacte

10.10Les auteurs estiment de plus que la combinaison des différentes violations subies, y compris la perte finale de leur domicile, équivaudrait à une violation de l’article 7 du Pacte. En réponse, l’État partie considère qu’aucune de ces allégations ne fait apparaître, en soi, de traitement qui pourrait être qualifié d’inhumain ou dégradant, la plupartdes allégations des auteurs n’étant pas établies et les autres trouvant à chaque fois une justification légitime. Le Comité estime, à cet égard, que les violations dont se plaignent les auteurs sont en grande partie dues à l’issue des différentes procédures judiciaires auxquelles ils ont participé. Les auteurs n’ayant pas suffisamment étayé leur grief à ce sujet, le Comité considère que celui-ci est irrecevable, conformément à l’article 2 du Protocole facultatif.

e.Droit à l’exécution d’une décision de justice

10.11Les auteurs soutiennent également que les articles 2 (par. 3) et 14 (par. 1) du Pacte ont été violés car le droit à l’exécution d’une décision de justice découlant du droit à un juge n’a pas été reconnu aux auteurs.

10.12Le Comité note, toutefois, l’argument de l’État partie selon lequel le refus de l’inscription de l’arrêt de la Cour de cassation du 21 septembre 2000, annulant la première vente par adjudication au service des hypothèques, serait dû au fait que le conseil des auteurs ne se serait pas conformé aux règles, leur demande étant incomplète. La décision de refus de transcription critiquée serait donc régulière. Le Comité note également, à cet égard, que les auteurs eux-mêmes reconnaissent que le Crédit foncier de France a fait publier ultérieurement à la Conservation des hypothèques le nom des auteurs comme véritables propriétaires. Le Comité estime donc que les auteurs n’ont pas suffisamment étayé ce grief et que ce dernier est irrecevable, conformément à l’article 2 du Protocole facultatif.

f.Droit à une réparation in integrum de l’ensemble des préjudices causés

10.13Les auteurs estiment également que l’article 2 (par. 3) du Pacte a été violé car ils n’ont pas obtenu de réparation in integrum de l’ensemble des préjudices causés par la violation des articles 14 (par. 1) et 17 du Pacte. L’État partie considère que ces griefs sont infondés, aucune prétention indemnitaire n’ayant jamais été soumise aux juridictions nationales. De plus, les préjudices allégués par les auteurs seraient dépourvus de tout lien de causalité avec ces griefs et se rapporteraient aux frais de justice qui ne concernent pas uniquement les deux procédures de saisie et d’adjudication de leur maison.

10.14Le Comité note que lesdits préjudices ont trait aux frais de justice concernant les différentes procédures auxquelles les auteurs ont participé et sont la naturelle conséquence de l’exercice de leurs droits. En l’absence d’autres informations sur l’épuisement des recours internes en ce qui concerne la réparation intégrale et sur le caractère déraisonnable de ces frais, le Comité estime donc que les dispositions de l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif font obstacle à l’examen de la présente communication, et que les auteurs n’ont pas suffisamment étayé leur grief à ce sujet. Il considère donc que ce dernier est irrecevable, conformément à l’article 2 du Protocole facultatif.

11.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide :

a)Que la communication est irrecevable au regard des articles 2 et 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif ;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteure.

Annexe

[Original : anglais]

Opinion individuelle de José Manuel Santos Pais (partiellement dissidente)

1.Je souscris aux décisions du Comité concernant les différents griefs soulevés par les auteurs, à l’exception de sa décision concernant le grief relatif à la durée excessive des procédures judiciaires. Sur ce point, le Comité a conclu que les auteurs n’avaient pas épuisé les recours internes disponibles, parce qu’ils n’avaient pas invoqué les violations alléguées de l’article 14 (par. 1) du Pacte devant les tribunaux nationaux, ou l’avaient fait seulement indirectement, et n’avaient pas demandé de recours spécifiques par rapport à la durée excessive alléguée des procédures judiciaires et à l’absence d’indemnisation complète des biens perdus.

2.M. F. fait valoir que certains aspects des violations alléguées du droit à un procès équitable et du droit à une réparation intégrale efficace ont été indirectement soulevés devant les tribunaux nationaux. Elle admet toutefois qu’elle et son époux n’ont pas demandé de recours spécifiques par rapport à la durée excessive alléguée des procédures judiciaires nationales et contre l’absence d’indemnisation complète des biens perdus, estimant que de tels recours seraient voués à l’échec, l’article L141-1 du Code de l’organisation judiciaire ne constituant pas, en l’espèce, une voie de recours utile et efficace au sens de l’article 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif, celui-ci se limitant aux fautes dites lourdes de la justice. Je souscris à sa conclusion selon laquelle l’article L141-1 du Code de l’organisation judiciaire ne semble pas ouvrir droit à indemnisation dans les affaires complexes.

3.Seules deux des différentes procédures concernant les auteurs ont trait directement à la saisie immobilière de leur bien, à savoir, la première procédure de saisie immobilière, engagée par le créancier hypothécaire en avril 1998 et qui s’est conclue avec l’arrêt rendu en septembre 2000 par la Cour de cassation, et la seconde procédure de saisie immobilière, engagée par la Compagnie de financement foncier en mai 2004 et qui a duré jusqu’au 11 juillet 2013, date de l’arrêt de la Cour de cassation.

4.Il est toutefois à noter que les quatre types de procédures engagées par les auteurs − contre l’établissement de crédit, l’entrepreneur, l’avoué et son assureur, et la locataire − étaient étroitement liées entre elles et que, selon les auteurs, elles ont duré vingt-six ans (de 1987 à 2013). Après une si longue période, demander aux auteurs de soumettre à nouveau une plainte devant les tribunaux français, compte tenu de la durée excessive de la procédure, semble déraisonnable et ne ferait qu’allonger encore un délai déjà excessif. En conséquence, je considère que les auteurs n’avaient pas à épuiser les recours internes concernant ce grief, car le recours en question ne serait pas un recours utile.

5.Même si l’on ne tient compte que des procédures concernant la maison des auteurs et le prêt contracté auprès du Crédit foncier de France, ces procédures ont débuté en 1998 et se sont poursuivies jusqu’en 2013. Elles ont donc duré quinze ans, avec plusieurs décisions contradictoires rendues par les juridictions de l’État partie durant cette période, qui ont directement influé sur l’issue des procédures.

6.Le 11 septembre 1998, le juge a ordonné la vente du domicile des auteurs. Cette décision a toutefois été cassée par la Cour de cassation le 21 septembre 2000.

7.Les auteurs ont appris par une lettre du 16 juillet 2001 que la Conservation des hypothèques de Draguignan refusait de faire publier la maison à leur nom, mais un jugement du 27 juin 2002 a reconnu que l’adjudication de la vente, suite à la décision du 11 septembre 1998, était nulle.

8.Le 6 septembre 2005, le Tribunal de grande instance de Marseille a constaté que le comportement du Crédit foncier de France était fautif et avait occasionné aux auteurs un préjudice indemnisable. Cependant, le tribunal n’a pas fixé le montant exact de l’indemnisation qui devrait être accordée aux auteurs à ce titre. Le 1er décembre 2006, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a reconnu les préjudices causés aux auteurs par le Crédit foncier de France.

9.Les auteurs ont demandé à l’avoué qui avait commis l’erreur de procéder au paiement du trop-perçu après la décision de 1993, parce qu’ils n’avaient pas été représentés à l’audience et que leur défense n’avait pas été assurée lors de celle-ci. La Cour d’appel de Nîmes ne s’est prononcée sur ce grief que le 18 janvier 2001, confirmant le jugement du 17 novembre 1997, dans lequel l’avoué et son assureur avaient été condamnés solidairement à indemniser les auteurs.

10.Le 20 octobre 2000, les auteurs ont adressé à la locataire un commandement de payer le montant des loyers impayés, mais son expulsion n’a été décrétée par la Cour d’appel d’Aix‑en-Provence que le 6 septembre 2005, et la locataire n’a libéré les lieux que le 31 mars 2007.

11.Le caractère raisonnable de la durée d’une procédure judiciaire devrait être calculée au cas par cas, compte tenu de la complexité de l’affaire, du comportement de l’accusé et de la manière dont les autorités administratives et judiciaires ont traité l’affaire.

12.Il est clair, même si les procédures ont été complexes, qu’elles ont effectivement été prolongées, s’étendant sur vingt-six ans, avec des rebondissements divers, les auteurs ayant parfois eu gain de cause et ayant dû, à d’autres moments, attaquer certaines décisions qui leur étaient défavorables.

13.Par conséquent, j’aurais conclu que les autorités administratives et judiciaires nationales avaient une part de responsabilité importante dans la durée excessive des procédures, qui ont finalement abouti pour les auteurs à la perte de leur maison, et j’aurais donc considéré que l’État partie avait violé les droits des auteurs au titre de l’article 14 (par. 1) du Pacte.