Nations Unies

CRPD/C/SLV/CO/1

Convention relative aux droits des personnes handicapées

Distr. générale

8 octobre 2013

Français

Original: espagnol

Comité des droits des personnes handicapées

Observations finales concernant le rapport initial d’El Salvador, adoptées par le Comité à sa dixième session (2-13 septembre 2013)

I.Introduction

Le Comité a examiné le rapport initial de la République d’El Salvador (CRPD/C/SLV/1) à ses 109e et 110e séances, tenues respectivement les 4 et 6 septembre 2013, et a adopté les observations finales ci-après à sa 119e séance, le 13 septembre 2013.

Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de la République d’El Salvador, qui a été rédigé conformément à ses directives concernant l’établissement des rapports. Il remercie l’État partie de ses réponses écrites (CRPD/C/SLV/Q/1/Add.1) à la liste des points à traiter établie par le Comité (CRPD/C/SLV/Q/1) ainsi que du rapport du Bureau du Procureur chargé de la défense des droits de l’homme et de celui des organisations de personnes handicapées.

Le Comité se déclare satisfait du dialogue entretenu avec la délégation de l’État partie. De même, il se félicite de la composition de la délégation, qui était dirigée par le Vice-Ministre des relations extérieures, Juan José García, et comptait dans ses rangs des représentants du Conseil national de la prise en charge intégrale des personnes handicapées et du Secrétariat à l’insertion sociale.

II.Aspects positifs

Le Comité prend note avec satisfaction de la législation et des politiques publiques qui comportent des dispositions concernant les droits des personnes handicapées, en particulier de ce qui suit:

a)La loi relative à la protection intégrale de l’enfance et de l’adolescence (décret législatif no 839 du 26 mars 2009, publié au Journal officiel no 68, tome 383, en date du 16 avril 2009);

b)La politique en matière de santé sexuelle et procréative (accord no 1181 du 9 août 2012) du Ministère de la santé;

c)La loi spéciale intégrale visant à garantir aux femmes une vie exempte de violence (décret législatif no 520 du 25 novembre 2010, publié au Journal officiel no 2, tome 390, en date du 4 janvier 2011), qui qualifie le délit de féminicide aggravé lorsque la victime est une femme handicapée;

d)La loi sur l’égalité, l’équité et l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (décret législatif no 645, du 17 mars 2011, publié au Journal officiel no 70, tome 391, en date du 8 avril 2011);

e)Le décret exécutif no 80, du 17 juin 2010, qui porte création du Conseil national de la prise en charge intégrale des personnes handicapées;

f)La politique en matière de santé sexuelle et procréative (accord no 1181, du 9 août 2012) du Ministère de la santé.

III.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

A.Obligations et principes généraux (art. 1 à 4)

Le Comité exprime sa préoccupation face à la réserve générale émise par l’État partie au moment de la ratification de la Convention, selon laquelle l’application de la Convention est subordonnée à sa compatibilité avec la Constitution.

Le Comité engage instamment l’État partie à accélérer la procédure de retrait de la réserve générale émise à l’égard de la Convention. Il lui recommande également d’adopter une définition du handicap conforme aux critères et principes énoncés aux articles 1, 2 et 3 de la Convention.

Le Comité constate avec préoccupation qu’il n’existe pas de stratégie nationale pour la mise en œuvre du modèle du handicap reposant sur les droits de l’homme prôné par la Convention y compris dans les zones rurales. Il juge préoccupant également que le cadre législatif national sur le handicap ne soit pas encore parfaitement aligné sur la Convention et, notamment, que:

a)La loi pour l’égalité des chances des personnes handicapées n’ait pas été harmonisée avec les dispositions de la Convention et qu’elle ne mentionne pas toutes les composantes des droits de l’homme énoncées dans la Convention;

b)Il n’ait pas été procédé à une révision en profondeur du cadre législatif de l’État partie afin d’établir un diagnostic de ce qu’il reste encore à faire pour harmoniser les textes, en particulier eu égard au Code civil et au Code de procédure civile, au Code pénal, à la loi sur le travail et à la loi spéciale intégrale visant à garantir aux femmes une vie exempte de violence.

Le Comité recommande à l’État partie de procéder à une révision en profondeur de son cadre législatif en vue de l’harmoniser avec la Convention.

Le Comité relève avec préoccupation qu’il n’existe pas de disposition reconnaissant la discrimination fondée sur le handicap et que la loi pour l’égalité des chances des personnes handicapées met l’accent sur l’aspect assistance, et non sur le modèle des droits de l’homme qui est au cœur de la Convention.

Le Comité recommande à l’État partie de reconnaître, dans sa législation, la discrimination fondée sur le handicap et de veiller à ce que la révision de la loi pour l’égalité des chances des personnes handicapées rende ce texte compatible avec la perspective des droits de l’homme.

Le Comité juge préoccupant que les organisations de personnes handicapées ne soient pas consultées lors de la rédaction des lois et politiques et que la législation comprenne des expressions qui bafouent les droits des personnes présentant un handicap psychosocial ou intellectuel et sensoriel.

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter une nouvelle législation qui développe de manière spécifique les obligations contenues dans la Convention et, ce faisant, d’associer largement les organisations de personnes handicapées au processus. Le Comité recommande également à l’État partie de réviser sa législation afin d’en bannir les termes à connotation discriminatoire à l’égard des personnes handicapées.

B.Droits spécifiques (art. 5 à 30)

Égalité et non-discrimination (art. 5)

Le Comité est préoccupé par l’absence de mesures visant à interdire et réprimer toute forme de discrimination envers les personnes handicapées, et par le fait que la législation ne reconnaît pas le refus d’opérer des aménagements raisonnables en tant que forme de discrimination.

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter une législation qui interdise toute forme de discrimination fondée sur le handicap et prévoie des sanctions en cas de discrimination, et qui reconnaisse que le refus d’opérer des aménagements raisonnables est une forme de discrimination.

Le Comité constate qu’aucune mesure d’action positive n’a été prise pour accélérer l’égalité de fait des personnes handicapées et qu’aucun mécanisme de réparation en cas de discrimination à l’égard des personnes handicapées n’a été mis en place.

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter des mesures en vue d’instituer l’égalité de fait des personnes handicapées et de prévoir des recours judiciaires et administratifs rapides afin que ces personnes puissent obtenir réparation en cas de discrimination.

Femmes handicapées (art. 6)

Le Comité constate avec préoccupation que la loi spéciale intégrale visant à garantir aux femmes une vie exempte de violence ne prend pas en compte les formes multiples de discrimination dont sont victimes les femmes handicapées. Il s’inquiète également de voir que rien n’est fait pour encourager la participation des organisations de femmes handicapées à la prise de décisions.

Le Comité recommande à l’État partie de reconnaître, dans sa législation, les formes multiples de discrimination dont sont victimes les femmes et les filles handicapées et d’adopter une législation et des mesures spécifiques pour lutter contre cette forme de discrimination. Il recommande la mise en œuvre d’un système de collecte de données ventilées sur la situation des femmes et des filles handicapées, en consultation avec les organisations de femmes handicapées.

Enfants handicapés (art. 7)

Le Comité s’inquiète du fait que la loi relative à la protection intégrale de l’enfance et de l’adolescence ne prévoit pas de mesures spécifiques pour la protection des enfants handicapés, en dehors de quelques initiatives dans le domaine de la santé. Il s’inquiète de voir que les filles et garçons handicapés qui vivent dans la pauvreté sont plus sujets à l’abandon et au «placement en institution».

Le Comité recommande à l’État partie de renforcer la législation et d’adopter des programmes spéciaux pour garantir les droits des filles et garçons handicapés sur la base de l’égalité avec les autres, en prêtant tout particulièrement attention aux enfants handicapés qui vivent en milieu rural et parmi les communautés autochtones, et eu égard aux enfants présentant un handicap auditif ou visuel ou présentant un handicap intellectuel, en garantissant leur inclusion dans la société et en évitant l’abandon et le placement en institution, en accordant la priorité aux mesures en faveur des familles qui vivent dans la pauvreté.

Sensibilisation (art. 8)

Le Comité constate avec préoccupation qu’aucune campagne de sensibilisation n’a été lancée à l’échelon national pour lutter contre les stéréotypes dont les personnes handicapées font l’objet. Il est également préoccupé de voir qu’il n’existe pas de programme de formation à la Convention destiné aux organisations de personnes handicapées.

Le Comité recommande à l’État partie de lancer des campagnes destinées à diffuser la Convention et sa portée dans différents domaines de la vie, avec la participation des organisations de personnes handicapées. Il lui recommande également d’encourager la sensibilisation à la situation des personnes handicapées dans tous les cursus universitaires. Le Comité recommande à l’État partie de promouvoir des programmes de formation à la Convention à l’intention des personnes handicapées et de leurs organisations, sous des formes et par des moyens accessibles.

Accessibilité (art. 9)

Le Comité s’inquiète de voir qu’il n’existe pas de mécanisme chargé de veiller à l’application des règles relatives à l’accessibilité, et que l’État n’a pas prévu la fourniture d’aides techniques aux personnes handicapées ayant des moyens économiques modestes. Il se dit préoccupé de constater que rien n’est fait pour assurer l’accessibilité de ces personnes dans les zones rurales et leur garantir l’accès aux services communautaires.

Le Comité recommande à l’État partie:

a) De mettre en place un mécanisme de suivi de l’application des normes relatives à l’accessibilité, auquel participent les organisations de personnes handicapées, et d’appliquer des sanctions en cas de non-respect de ces normes;

b) D’adopter à titre prioritaire un plan d’action en matière d’accessibilité, qui englobe toutes les composantes énoncées à l’article 9 de la Convention, en allouant des ressources plus importantes à cet effet et en accordant la priorité aux zones rurales.

Situations de risque et situation d’urgence humanitaire (art. 11)

Le Comité se dit préoccupé de voir que les données concernant les plans de prévention, l’atténuation des risques et la prise en charge des personnes handicapées dans les situations d’urgence ne sont pas présentées sous des formes accessibles et qu’aucun rôle n’est confié aux organisations de personnes handicapées dans les situations d’urgence.

Le Comité invite instamment l’État partie à confier un rôle précis aux organisations de personnes handicapées dans la conception du système national de protection civile et à veiller à ce que les données relatives aux mécanismes d’intervention dans les situations d’urgence soient présentées sous des formes accessibles.

Reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité (art. 12)

Le Comité s’inquiète de voir que le droit civil et le droit de la famille considèrent les personnes handicapées comme des incapables, en parlant «d’interdiction» et «d’incapacité» des personnes atteintes d’un handicap intellectuel ou psychosocial, ou d’un handicap auditif et visuel, ce qui a pour effet de restreindre leurs droits. Le Comité constate avec regret que le rapport ne contient pas de données sur les personnes handicapées en régime de «tutelle» ou de «curatelle» et qu’il n’existe pas de possibilité d’annuler l’interdiction dont les personnes handicapées peuvent faire l’objet. Le Comité constate avec préoccupation que la loi relative au notariat restreint la possibilité pour les personnes «aveugles», «muettes», «sourdes» ou «qui ne sont pas en pleine possession de leurs facultés mentales» d’exercer la fonction notariale.

Le Comité recommande à l’État partie de remplacer le régime d’interdiction fondé sur le handicap par un dispositif d’accompagnement, en ce qui concerne la prise de décisions, qui respecte l’autonomie, la volonté et les préférences de la personne, et de prendre immédiatement des mesures avec la participation des organisations de personnes handicapées afin de mettre en place les services d’appui appropriés pour la prise de décisions, conformément aux dispositions de la Convention. Le Comité demande à l’État partie d’abolir les restrictions à l’exercice de la fonction notariale par des personnes au motif de leur handicap, et de mettre en place les aménagements raisonnables requis pour que ces personnes puissent exercer une telle fonction.

Accès à la justice (art. 13)

Le Comité est préoccupé par les obstacles qui entravent l’accès des personnes handicapées à la justice et par l’absence d’aménagements raisonnables. De même, le Comité s’inquiète de ce que l’accès à la justice soit limité pour les femmes et les filles handicapées victimes de violences et de délaissement, parce qu’il est accordé peu de foi à leur témoignage.

Le Comité invite l’État partie:

a) À procéder à des aménagements raisonnables et à des aménagements procéduraux en fonction du sexe et de l’âge afin de garantir aux personnes handicapées l’accès à la justice, à leur offrir une aide juridictionnelle, à leur fournir des renseignements sur la procédure sous des formes accessibles, et ce dès le stade de l’enquête par les services de police, à faciliter l’accès aux infrastructures judiciaires et à prévoir des services d’interprètes professionnels compétents en langue des signes salvadorienne;

b) À renforcer le mandat du Bureau du Procureur chargé de la défense des droits de l’homme en matière de recours judiciaires, pour la défense des droits des personnes handicapées;

c) À concevoir des programmes de formation à l’intention de toutes les personnes qui interviennent dans le domaine de la justice, parmi lesquelles les membres de la police, les juges, les avocats, les travailleurs sociaux et les professionnels de la santé, dans les zones urbaines comme dans les zones rurales;

d) À adopter des mesures pour que les femmes et les filles handicapées puissent accéder à la justice et que toute la considération voulue soit accordée à leur rôle de témoins et de victimes dans les procédures judiciaires.

Liberté et sécurité de la personne (art. 14)

Le Comité constate avec préoccupation que le handicap est un motif de privation de liberté dans l’État partie. Il regrette que le rapport ne contienne pas de renseignements sur la situation des personnes atteintes d’un handicap psychosocial ou intellectuel placées dans des établissements psychiatriques ou autres, ni sur les recours existants pour contester des mesures de placement involontaire. Le Comité s’inquiète de l’absence d’aménagements raisonnables en faveur des personnes handicapées privées de liberté dans les centres pénitentiaires et autres lieux de détention.

Le Comité invite l’État partie à abroger les règles autorisant la privation de liberté fondée sur le handicap, qui prêtent à la personne handicapée une prédisposition à se blesser ou à blesser autrui ou lui attribuent des besoins en matière de soins et de traitement, et lui demande instamment de mettre en place les procédures voulues pour que les services de santé, y compris les services de santé mentale, soient dispensés uniquement avec le consentement libre et éclairé de l’intéressé. Le Comité invite l’État partie à mettre en place un mécanisme permettant de surveiller la situation des personnes handicapées placées dans des établissements pénitentiaires et autres lieux de détention, et à veiller à mettre en place un cadre normatif permettant d’apporter les ajustements raisonnables garants du respect de la dignité de ces personnes.

Droit de ne pas être soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (art. 15)

Le Comité constate avec préoccupation que la législation ne définit pas l’exigence du consentement préalable, libre et éclairé des personnes handicapées pour l’administration d’un traitement psychiatrique. De même, il est préoccupé par l’absence de mécanisme de surveillance de la situation des personnes handicapées, y compris les enfants handicapés soumis à un traitement psychiatrique en institution, et par l’absence de mesures destinées à empêcher que soient commis des actes de torture ou des traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants dans de telles institutions et à sanctionner les auteurs de tels actes.

Le Comité exhorte l’État partie à adopter une législation et d’autres mesures effectives pour prévenir la torture et les traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants infligés à des personnes handicapées se trouvant en établissement psychiatrique ou dans d’autres institutions. En particulier, le Comité recommande à l’État partie d’interdire et de prévenir la pratique de l’expérimentation médicale ou scientifique sur des personnes handicapées sans leur consentement libre et éclairé, et de mettre en place un mécanisme de surveillance des établissements psychiatriques et autres institutions.

Droit de ne pas être soumis à l’exploitation, à la violence et à la maltraitance (art. 16)

Le Comité est préoccupé par:

a)L’absence de registre officiel relatif aux cas d’exploitation, de violence et de maltraitance à l’égard de personnes handicapées et, plus particulièrement, d’enfants et de femmes handicapés, ainsi que l’absence de mesures de prévention visant tant les institutions que le milieu familial;

b)L’absence de protocole concernant la prise en charge des femmes handicapées qui interviennent en tant que victimes ou témoins dans des procédures relatives à des cas d’exploitation, de violence ou de maltraitance;

c)Le choix de l’accueil en institution comme mesure principale de restitution des droits envisagée par l’État partie dans les cas d’exploitation, de violence et de maltraitance;

d)L’absence d’interdiction explicite du châtiment corporel infligé à une fille ou un garçon handicapé;

e)L’exploitation par la mendicité de personnes handicapées et, tout particulièrement, des filles et des garçons.

Le Comité exhorte l’État partie:

a) À adopter une législation visant à prévenir, instruire et sanctionner les cas d’exploitation, de violence et de maltraitance à l’égard de personnes handicapées, en prêtant une attention particulière aux femmes et aux enfants;

b) À mettre en place les protocoles et la formation voulus pour enquêter sur les cas de violence à l’égard de personnes handicapées;

c) À appliquer les recommandations du Comité des droits de l’enfant (CRC/C/SLV/CO/3-4) relatives à l’interdiction explicite de toute forme de châtiment corporel et à veiller à ce que figurent dans cette interdiction les pratiques utilisées dans les institutions où se trouvent des enfants, garçons ou filles, handicapés;

d) À appliquer également les recommandations formulées par le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes lors de l’examen du rapport d’El Salvador, ayant trait à la nécessité d’envisager d’adopter une démarche globale pour faire face à la violence à l’égard des femmes et des filles (CEDAW/C/SLV/CO/7, par. 24);

e) À adopter des mesures visant à prévenir l’exploitation des enfants handicapés, filles et garçons, par la mendicité et à créer des programmes destinés à assurer la réinsertion sociale de ces enfants et à garantir leur droit de vivre au sein de la société.

Protection de l’intégrité de la personne (art. 17)

Le Comité est préoccupé par le fait que la législation de l’État partie autorise la stérilisation forcée des femmes handicapées, et les avortements en cas de grossesse consécutive à des violences sexuelles; il s’inquiète aussi de la rareté des renseignements relatifs aux conséquences pour l’intégrité de la personne de pratiques telles que le recours à des moyens d’immobilisation et de contrainte physique ou pharmacologique et autres traitements analogues dans les services de soins psychiatriques, et des affaires portées à la connaissance du Bureau du Procureur chargé de la défense des droits de l’homme.

Le Comité recommande à l’État partie de supprimer de sa législation les dispositions qui autorisent la stérilisation de femmes handicapées sans leur consentement, et de prévenir et instruire la pratique de l’interruption des grossesses consécutives à des violences sexuelles. Il lui recommande également de veiller à ce que les autorités administratives fournissent les renseignements nécessaires pour surveiller la situation des personnes handicapées internées en hôpital psychiatrique.

Droit de circuler librement et nationalité (art. 18)

Le Comité est préoccupé par le fait que les enfants − filles et garçons −, les jeunes et les adultes handicapés des zones rurales ne sont toujours pas enregistrés à la naissance et, partant, ne disposent pas de document d’identité.

Le Comité demande à l’État partie de veiller à ce que les enfants − filles et garçons − handicapés soient enregistrés dès leur naissance dans le registre de l’état civil.

Autonomie de vie et inclusion dans la société (art. 19)

Le Comité constate que, dans l’État partie, il n’existe pas de cadre juridique ni de politique publique relatifs au droit à l’autonomie de vie, et que la pauvreté constitue, socialement, une raison d’abandonner les personnes handicapées, de les isoler ou encore de les séparer de leur famille ou de leur communauté. Le Comité déplore que les enfants − filles et garçons − handicapés demeurent assujettis à des mesures de «placement en institution».

Le Comité exhorte l’État partie à adopter, avec la participation des organisations de personnes handicapées, une stratégie visant à retirer des institutions les personnes handicapées, y compris les filles et les garçons présentant un handicap intellectuel ou psychosocial, en prévoyant les ressources nécessaires à cet effet, et à garantir leur réinsertion dans la société et leur droit de vivre au sein de la société de façon autonome, y compris de pouvoir disposer d’assistants personnels et de services d’appui à domicile. Le Comité recommande également à l’État partie d’adopter des mesures pour empêcher que les personnes handicapées soient dissimulées ou isolées de leur environnement social ou qu’elles soient séparées de leur famille et de leur environnement social, en fournissant aux familles les aides nécessaires à cet effet.

Mobilité personnelle (art. 20)

Le Comité est préoccupé par le fait que la répartition des aides à la mobilité n’est pas universelle. Il relève que les mesures visant à assurer la mobilité personnelle sont insuffisantes, voire inexistantes.

Le Comité recommande à l’État partie d’assurer l’accès à l’équipement et aux diverses formes de mobilité, d’aide technique, d’assistance humaine ou animale et de technologie d’appui, à toutes les personnes handicapées, y compris celles qui vivent en milieu rural ou qui ne disposent pas d’un système de sécurité sociale ou de protection particulier.

Liberté d’expression et d’opinion et accès à l’information (art. 21)

Le Comité est préoccupé par le fait que la langue des signes salvadorienne n’est pas reconnue comme langue officielle, et par l’absence de mesures visant à mettre au point et à fournir des outils de communication améliorée et alternative. Le Comité est également préoccupé par l’accès et la promotion limités du braille et d’autres formes de communication accessibles aux personnes ayant un handicap visuel, en particulier par le recours aux nouvelles technologies de l’information.

Le Comité recommande à l’État partie:

a) De reconnaître la langue des signes salvadorienne en tant que langue officielle et d’en promouvoir l’enseignement, notamment la formation professionnelle d’interprètes en langue des signes salvadorienne, et l’utilisation en tant que moyen d’assurer aux personnes ayant un handicap auditif l’accès à l’information;

b) De veiller à ce que l’information destinée au grand public soit disponible selon des modalités et sous des formes accessibles, y compris des modes de communication améliorés et alternatifs pour les personnes ayant un handicap intellectuel ou psychosocial, et des technologies de l’information accessibles aux personnes ayant un handicap visuel, en y consacrant le budget nécessaire.

Respect du domicile et de la famille (art. 23)

Le Comité est préoccupé par le fait que les personnes ayant un handicap intellectuel ou psychosocial, ou encore un handicap auditif, sont privées de la capacité juridique, ainsi que par les autres obstacles qui privent ces personnes de la possibilité de se marier et d’exercer leurs droits dans le cadre de la famille, de la maternité et des relations personnelles.

Le Comité exhorte l’État partie à prendre des mesures appropriées pour faciliter l’exercice des droits des personnes handicapées dans les affaires liées à la famille, à la maternité et aux questions familiales.

Éducation (art. 24)

Le Comité est préoccupé par le faible taux d’inscription des garçons et des filles handicapés dans les établissements scolaires, ainsi que par l’absence d’aménagements raisonnables permettant aux enfants handicapés d’accéder à l’instruction, tant en zone urbaine qu’en zone rurale, et aux adultes d’accéder à l’éducation. Il s’inquiète de la discrimination qui frappe les enfants ayant un handicap psychosocial ou intellectuel dans l’accès à l’éducation et le maintien dans le système scolaire. Le Comité est préoccupé par le fait qu’on n’instaure pas le principe de la gratuité de l’éducation pour les enfants − filles et garçons − handicapés.

Le Comité recommande à l’État partie:

a) De mettre au point un modèle d’éducation inclusif, à tous les niveaux, en milieu urbain comme en milieu rural, qui prenne en compte les particularités liées au genre et à la culture au moyen des aménagements raisonnables nécessaires afin de garantir l’accès des enfants − filles et garçons − et des jeunes handicapés au système éducatif;

b) D’adopter un plan de formation obligatoire des enseignants aux méthodes d’éducation inclusive pour les personnes handicapées, en éliminant les exigences qui entravent l’accès des enfants ayant un handicap psychosocial ou intellectuel au système scolaire et leur maintien dans ce cadre, et en veillant à prévoir le budget requis à cet effet;

c) De mettre en œuvre des initiatives et des partenariats public-privé pour mettre au point des supports et des méthodes pédagogiques sous des formes accessibles et permettre l’accès aux nouvelles technologies et à Internet pour les étudiants handicapés.

Santé (art. 25)

Le Comité est préoccupé par la discrimination envers les personnes handicapées constatée dans l’accès à la santé, notamment sexuelle et procréative, qui résulte des obstacles à l’accessibilité aux services de santé, y compris le manque d’équipements de conception universelle, par exemple pour la prestation de services de gynécologie et d’obstétrique. Il est également préoccupé par l’absence de renseignements sur le droit à la santé des personnes handicapées des zones rurales et sur la disponibilité de services de réadaptation au niveau local. Le Comité craint que des traitements médicaux ne soient administrés à des personnes handicapées en l’absence du consentement libre et éclairé des intéressés.

Le Comité recommande à l’État partie:

a) D’adopter les mesures législatives voulues pour protéger les personnes handicapées contre la discrimination dans le domaine de la santé, leur assurer l’accès aux systèmes d’assurance médicale, mettre au point des campagnes de santé publique destinées aux personnes handicapées, qui prennent en compte la dimension du genre et celle de l’âge, les droits sexuels et procréatifs et la prévention et le traitement du VIH/sida, et intégrer les femmes handicapées dans les campagnes de prévention du cancer du sein et du cancer du col de l’utérus;

b) D’adopter des plans et de prévoir des budgets pour rendre accessibles les services de santé, y compris la fourniture d’équipements de conception universelle;

c) De produire des statistiques et des données sur les personnes handicapées afin de favoriser une meilleure planification leur permettant d’accéder aux services de santé dans le pays, et de recenser les possibilités d’accès aux services locaux de réadaptation;

d) D’adopter des mesures propres à garantir le respect du droit des personnes handicapées d’exprimer leur consentement libre et éclairé pour un traitement médical.

Adaptation et réadaptation (art. 26)

Le Comité est préoccupé par le nombre de personnes qui ont acquis un handicap par suite d’accidents lors d’une migration, et par l’absence de programmes de réadaptation professionnelle et sociale leur permettant de vivre dans la société.

Le Comité prie instamment l’État partie de prévoir et mettre en œuvre des programmes de réadaptation pour les migrants salvadoriens rapatriés qui ont acquis un handicap, le but étant de les réinsérer sur les plans professionnel et social.

Travail et emploi (art. 27)

Le Comité est préoccupé par les disparités dans l’accès à l’emploi des hommes et des femmes handicapés et par l’absence de dispositif de surveillance de l’égalité dans les conditions d’emploi des personnes handicapées. Il juge préoccupant également que la mise au point d’aménagements raisonnables ne fasse par partie intégrante des politiques de l’emploi, ce qui perpétue la discrimination envers les personnes handicapées dans l’emploi. Le Comité est préoccupé par l’absence de formation professionnelle à l’intention des personnes handicapées.

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter des mesures, y compris des actions positives, visant à garantir l’égalité d’accès au marché du travail pour les femmes et les hommes handicapés. Il recommande également de mettre en œuvre des programmes d’accès à la formation professionnelle pour les personnes handicapées et de promouvoir la formation formelle et informelle des personnes handicapées dispensée gratuitement par l’entité technique à laquelle l’État partie a confié la prestation.

Niveau de vie adéquat et protection sociale (art. 28)

Le Comité constate que les mesures de protection sociale protègent essentiellement les personnes handicapées à la suite du conflit armé, et que l’État ne dispose pas de stratégies visant à réaliser le droit à un niveau de vie adéquat et à la protection sociale sous ses différents aspects, y compris le logement, l’habillement, l’alimentation, l’eau potable et la réduction de la pauvreté. Le Comité juge préoccupant que les personnes handicapées se trouvent en situation d’analphabétisme. Il est également préoccupé par le fait que les personnes handicapées vivant en milieu rural et dans les régions reculées ne peuvent accéder à certains services de base, y compris l’eau potable et l’assainissement, et que les initiatives visant à assurer l’approvisionnement en eau ne tiennent pas compte des besoins des personnes handicapées.

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter les mesures voulues pour garantir aux personnes handicapées l’accès aux dispositifs de protection sociale et au régime non contributif de pension, y compris pour les enfants handicapés. Le Comité recommande également à l’État partie d’adopter des politiques publiques, notamment des politiques de lutte contre la pauvreté, qui enrichissent le contenu du droit des personnes handicapées à un niveau de vie adéquat et à la protection sociale, en allouant les ressources budgétaires requises pour leur application. Le Comité engage vivement l’État partie à adopter des mesures visant à éliminer les obstacles à l’accès des personnes handicapées aux services de base ainsi qu’à l’eau potable et à l’assainissement dans les zones rurales et reculées, en consultant les organisations de personnes handicapées et en les associant à la surveillance desdites mesures.

Participation à la vie politique et à la vie publique (art. 29)

Le Comité déplore que le Code électoral empêche les personnes présentant un handicap psychosocial ou intellectuel d’exercer leur droit d’être élues à des fonctions électives des autorités municipales. Le Comité relève avec préoccupation qu’il n’existe pas de dispositif garantissant aux personnes handicapées le vote au scrutin secret, et que les mesures propres à garantir l’accessibilité des bureaux de vote sont insuffisantes.

Le Comité recommande à l’État partie d’abroger les dispositions qui restreignent l’exercice du droit de vote des personnes handicapées, et d’adopter des mesures pour garantir que les personnes handicapées peuvent se présenter à des fonctions électives. Le Comité encourage l’État partie à développer les possibilités de participation politique et sociale des organisations de personnes handicapées.

Participation à la vie culturelle et récréative, aux loisirs et au sport (art. 30)

Le Comité est préoccupé par l’absence de mesures en matière d’accès et de participation aux activités culturelles (théâtre, musées) et par les maigres progrès enregistrés dans la sphère privée pour promouvoir la participation des personnes handicapées, y compris des filles, des garçons et des jeunes en général, à la vie culturelle.

Le Comité recommande à l’État partie de continuer de mettre au point des politiques et des mesures propres à garantir la participation des personnes handicapées à la vie culturelle, aux activités récréatives, aux loisirs et au sport, et notamment de passer des accords publics et privés avec les organisations de la société civile et les entreprises pour la création d’espaces de loisir et de culture accessibles.

C.Obligations particulières (art. 31 à 33)

Statistiques et collecte des données(art. 31)

Le Comité constate avec préoccupation que les statistiques officielles ne rendent pas compte de la situation des personnes handicapées. Il prend note de la mise au point d’accords pour la conduite d’un recensement des personnes handicapées.

Le Comité prie instamment l’État partie d’inclure, lors du prochain recensement de la population salvadorienne, la collecte de renseignements sur la situation des droits des personnes handicapées, y compris des filles et des garçons handicapés vivant dans les zones rurales et les zones urbaines.

Coopération internationale (art. 32)

Le Comité déplore que l’État partie ne prévoie pas la participation de la société civile pour ce qui est des programmes de coopération internationale, en particulier ceux qui ont trait au handicap, participation qui est pourtant nécessaire pour favoriser une société inclusive.

Le Comité invite l’État partie à ménager des possibilités pour les organisations de personnes handicapées de participer à la conception et à la mise en œuvre de projets financés par la coopération internationale, et à articuler les programmes de coopération internationale autour du modèle des droits de l’homme préconisé dans la Convention.

Application et suivi au niveau national (art. 33)

Le Comité juge préoccupant que le Conseil national de la prise en charge intégrale des personnes handicapées ne réponde pas encore aux exigences de la Convention en ce qui concerne les mécanismes de mise en œuvre.

Le Comité recommande à l’État partie de mettre en place un dispositif de mise en œuvre de la Convention qui soit pleinement conforme aux dispositions de l’article 33 de cet instrument.

Le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas mis en place de cadre pour la surveillance de la mise en œuvre de la Convention.

Le Comité recommande à l’État partie de créer officiellement des mécanismes de surveillance de la Convention sur le plan intérieur, avec la participation de la société civile et la présence d’une institution conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris).

Coopération technique

Le Comité recommande à l’État partie de demander une assistance technique aux organisations membres du Groupe d’appui interorganisations pour la Convention relative aux droits des personnes handicapées afin de bénéficier de conseils et d’une assistance permettant de donner effet aux dispositions de la Convention et de donner suite aux présentes observations finales.

Suivi des observations finales et diffusion

Le Comité demande à l’État partie de donner suite aux recommandations formulées dans les présentes observations finales. Il lui recommande de transmettre ces observations, en vue de leur examen et de l’adoption de mesures, aux membres du Gouvernement et de l’Assemblée nationale, aux fonctionnaires des ministères compétents, aux membres de l’appareil judiciaire et des groupes professionnels concernés, tels que les professionnels de l’éducation, de la santé et de la justice, ainsi qu’aux autorités locales, au secteur privé et aux médias, en recourant à des stratégies de communication sociale accessibles.

Le Comité demande à l’État partie de diffuser largement les présentes observations finales sous des formes accessibles, en particulier auprès des organisations non gouvernementales et des organisations de personnes handicapées, ainsi qu’auprès de ces personnes et de leurs proches.

Le Comité encourage l’État partie à associer les organisations de la société civile, en particulier les organisations de personnes handicapées, à l’élaboration de ses prochains rapports périodiques.

Prochain rapport

Le Comité prie l’État partie de lui présenter ses deuxième et troisième rapports périodiques, en un seul document, le 14 janvier 2018 au plus tard.