Pacte international relatif aux droits civilset politiques

Distr.

RESTREINTE *

CCPR/C/73/D/779/1997

7 novembre 2001

FRANÇAIS

Original: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMMESoixante‑treizième session15 octobre-2 novembre 2001

CONSTATATIONS

Communication n° 779/1997

Présentée par:Mme Anni Äärelä et M. Jouni Näkkäläjärvi (représentés par un conseil, Mme Johanna Ojala)

Au nom de:Les auteurs

État partie:Finlande

Date de la communication:4 novembre 1997 (date de la lettre initiale)

Décisions antérieures:Décision prise par le Rapporteur spécial conformément à l’article 91 du règlement intérieur, transmise à l’État partie le 3 novembre 1998 (non publiée sous forme de document)

Date de l’adoption des constatations:24 octobre 2001

Le 24 octobre 2001, le Comité des droits de l’homme a adopté ses constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif concernant la communication n° 790/1997. Le texte est annexé au présent document.

[Annexe]

ANNEXE

CONSTATATIONS DU COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME AU TITRE DU PARAGRAPHE 4 DE L’ARTICLE 5 DU PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIF

AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES

– Soixante‑treizième session –

concernant la

Communication n° 779/1997*

Présentée par:Mme Anni Äärelä et M. Jouni Näkkäläjärvi (représentés par un conseil, Mme Johanna Ojala)

Au nom de:Les auteurs

État partie:Finlande

Date de la communication:4 novembre 1997 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l’homme, institué conformément à l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 24 octobre 2001,

Ayant achevé l’examen de la communication n° 779/1997 présentée au Comité par Mme Anni Äärelä et M. Jouni Näkkäläjärvi en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et par l’État partie,

Adopte les constatations ci‑après:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif

1.Les auteurs de la communication, datée du 4 novembre 1997, sont Anni Äärelä et Jouni Näkkäläjärvi, tous deux de nationalité finlandaise. Ils se disent victimes d’une violation par la Finlande du paragraphe 3 de l’article 2, des paragraphes 1 et 2 de l’article 14 et de l’article 27 du Pacte. Ils sont représentés par un conseil.

Rappel des faits présentés par les auteurs

2.1Les auteurs, qui appartiennent à l’ethnie samie, sont éleveurs de rennes et membres de la coopérative de renniculture Sallivaara qui dispose de 286 000 hectares de terres domaniales pour l’élevage du renne. Le 23 mars 1994, le Comité des droits de l’homme a déclaré irrecevable pour non–épuisement des recours internes une précédente communication présentée par les auteurs et d’autres éleveurs, qui soutenaient que l’exploitation forestière et la construction de routes dans certaines zones d’élevage du renne constituaient une violation de l’article 27 du Pacte. Le Comité a estimé en particulier que l’État partie avait établi que l’article 27 pouvait être invoqué dans les procédures internes que les auteurs auraient dû engager avant de saisir le Comité. Par la suite, et après des négociations infructueuses, les auteurs ont engagé une action devant le tribunal de district de Laponie contre le Service national des forêts et des parcs (Service des forêts). L’action visait à faire interdire, sur la base notamment de l’article 27 du Pacte, toute exploitation forestière ou construction de routes dans la zone de Mirhaminmaa‑Kariselkä, où se trouveraient certains des meilleurs pâturages d’hiver de la coopérative Sallivara.

2.2Le 30 août 1996, le tribunal de district a décidé, après un transport sur les lieux effectué à la demande des auteurs, d’interdire la coupe d’arbres et la construction de routes sur les 92 hectares de la zone de Kariselkä, mais d’autoriser ces activités dans le secteur de Mirhaminmaa. Le tribunal s’est attaché à déterminer «si les effets néfastes de l’abattage sont tels que l’on peut considérer qu’ils privent les Samis de la possibilité de pratiquer l’élevage des rennes, activité qui fait partie de leur culture, est adaptée à l’évolution moderne, et est rentable et rationnelle». Le tribunal a estimé que la coupe d’arbres dans le secteur de Mirhaminmaa serait bénéfique, à long terme, à l’élevage de rennes dans ce secteur, et serait conforme à ces intérêts. Dans la zone de Kariselkä, la situation environnementale étant différente, il fallait s’attendre à une diminution considérable à long terme des réserves de lichen. Se fondant notamment sur les décisions du Comité, le tribunal a estimé que la coupe d’arbres, conjuguée au fait que ce secteur servait de pâturage en cas de nécessité, aurait pour effet d’empêcher l’élevage des rennes dans ce secteur. Le fait qu’un expert, qui témoignait pour le Service des forêts, ait révélé qu’il ne s’était pas rendu dans la forêt en question, a contribué à l’adoption de cette décision. Après la décision, l’exploitation s’est poursuivie dans le secteur de Mirhaminmaa.

2.3Le Service des forêts ayant fait appel devant la cour d’appel de Rovaniemi, l’Office de la foresterie a demandé l’application d’une mesure alors exceptionnelle, une audience contradictoire. La Cour a fait droit à cette requête, mais rejeté la demande de l’auteur visant à ce que la cour d’appel elle-même ordonne un transport sur les lieux. Ayant entre‑temps examiné la forêt, l’expert a renouvelé la déposition qu’il avait faite en première instance pour le Service des forêts. Un autre expert, témoignant pour le Service des forêts, a indiqué que la coopérative d’élevage des auteurs ne pâtirait pas beaucoup de la réduction des terres d’élevage du fait de l’exploitation; cependant, la Cour n’avait pas été informée que l’expert en question avait déjà proposé aux autorités que le troupeau des auteurs soit réduit de 500 bêtes en raison d’un surpâturage grave.

2.4Le 11 juillet 1997, la Cour d’appel, annulant le jugement rendu en première instance, a autorisé l’exploitation forestière également dans le secteur de Kariselkä, et condamné les auteurs aux dépens s’élevant à environ 75 000 markkaa. La Cour a donné une interprétation différente des conclusions de l’expert. Elle a estimé que l’exploitation étant envisagée sur une faible surface (et sans autres travaux routiers), l’incidence sur les lichens épiphytes serait minime et elle augmenterait, à la longue, la quantité de lichen territorial. Se fondant sur l’observation que la zone en question n’était pas le principal pâturage hivernal et qu’elle n’avait pas été utilisée, ces dernières années, comme pâturage d’appoint, la Cour a conclu qu’il n’avait pas été établi que les coupes auraient des effets néfastes sur les rennes, à long terme, et que les effets immédiats eux‑mêmes seraient minimes. Les auteurs n’ont été informés ni par la cour d’appel ni par le Service des forêts que ce dernier avait présenté à la Cour des arguments, selon eux biaisés, reposant sur les conclusions du Comité selon lesquelles il n’y avait pas eu violation de l’article 27 du Pacte dans une autre affaire (Jouni Länsman et consorts c. Finlande). Les auteurs n’ont eu connaissance de cette pièce du dossier que lorsque l’arrêt de la cour d’appel leur a été signifié, lequel précisait que les arguments en question avaient été pris en compte, mais qu’il était «manifestement superflu» d’inviter les auteurs à les commenter. Le 29 octobre 1997, par un arrêt non motivé, la Cour suprême a souverainement décidé de ne pas autoriser le pourvoi en cassation. Par la suite, l’exploitation du bois a démarré dans la zone de Kariselkä, mais aucune route n’a été construite.

2.5Le 15 décembre 1997, le médiateur a décidé que la municipalité d’Inari et son maire avaient exercé des pressions indues sur les auteurs, en leur demandant officiellement de renoncer à leur action en justice, mais il n’a pas estimé que le Service des forêts avait agi indûment ou de manière illicite. L’intervention du médiateur s’est limitée à porter cette conclusion à l’attention des parties. Le 1er juin 1998, une décision du Ministère de l’agriculture et de la foresterie (du 13 novembre 1997) réduisant la taille autorisée du troupeau de Sallivaara de 500 têtes pour le ramener de 9 000 à 8 500 bêtes est entrée en vigueur. Les 3 et 11 novembre 1998, le Service des forêts a exigé des auteurs une somme dépassant 20 000 markkaa au titre des dépens7. Cette somme, réclamée par voie de saisie par le Service des forêts, représente une part considérable des revenus imposables des auteurs.

Teneur de la plainte

3.1Les auteurs soutiennent qu’en autorisant l’abattage d’arbres et la construction de routes dans le secteur de Kariselkä où se trouvent les meilleurs pâturages d’hiver de leur coopérative d’élevage, la cour d’appel a violé l’article 27 du Pacte. Ils font valoir que l’exploitation forestière sur les pâturages et la diminution concomitante du nombre autorisé de rennes constituent un déni de leur droit de vivre selon leur culture, collectivement avec d’autres Samis, culture dont la perpétuation de l’élevage du renne représente un aspect essentiel.

3.2Les auteurs allèguent une violation des paragraphes 1 et 2 de l’article 14 du Pacte, faisant valoir que la cour d’appel n’avait pas été impartiale, dans la mesure où elle avait préjugé le résultat de l’affaire et violé le principe de l’égalité des armes en: i) autorisant une audience contradictoire tout en refusant un transport sur les lieux; ii) prenant en considération des éléments matériels sans permettre à l’autre partie de les commenter. Les auteurs soutiennent également que leur condamnation en appel aux dépens, alors qu’il avait été fait droit à leur demande en première instance, dénote une orientation tendancieuse et empêche effectivement d’autres Samis d’invoquer les droits énoncés dans le Pacte pour défendre leur culture et leur mode de vie. Il n’existe pas de mécanisme public destiné à aider les parties impécunieuses à s’acquitter des dépens8.

3.3Les auteurs soutiennent en outre que le Service des forêts a exercé une influence indue alors que les tribunaux étaient saisis de l’affaire. Ils font valoir qu’ils ont été harcelés, que des réunions publiques ont été organisées pour les critiquer, que la municipalité leur a officiellement demandé de renoncer à leur action en avançant qu’elle risquait de compromettre le développement économique de la coopérative d’élevage, et que le Service des forêts avait allégué sans preuve qu’un des auteurs avait commis une infraction.

3.4Les auteurs affirment que la décision injustifiée de la Cour suprême de ne pas autoriser le pourvoi en cassation a violé leur droit à un recours utile, au sens du paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte. Ils font valoir que le refus de les autoriser à se pourvoir devant la Cour suprême constitue, en violation de l’article 14, un déni de justice et démontrent qu’aucun recours utile ne peut être engagé face à cette violation.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond de la communication

4.1L’État partie a répondu à la communication par un mémoire daté du 10 avril 1999, dans lequel il a contesté la recevabilité de la demande. Il fait valoir que les recours internes n’ont pas été épuisés en ce qui concerne certaines prétentions. Les auteurs n’ayant pas fait appel des conclusions du jugement de première instance qui autorisaient l’exploitation du bois et la construction de routes dans le secteur de Mirhaminmaa, ils n’ont pas épuisé les voies de recours internes, et cette partie de la communication n’est donc pas recevable en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

4.2L’État partie soutient qu’aucune violation des dispositions du Pacte n’a été établie. En ce qui concerne l’allégation de violation de l’article 27, l’État partie reconnaît que la communauté samie constitue une minorité ethnique, protégée en vertu de cette disposition, et que les Samis ont droit à sa protection. Il admet en outre que l’élevage de rennes est un aspect incontesté de la culture samie, qui est donc protégé en vertu de l’article 27, dans la mesure où il constitue un aspect essentiel de cette culture, nécessaire à sa survie.

4.3L’État partie fait toutefois valoir, se référant aux affaires Lovelace c. Canada9 et Ilmari Länsman et consorts c. Finlande10, qu’il ne faut pas considérer que toute ingérence, qui modifie de façon limitée la situation antérieure, constitue une violation des droits énoncés à l’article 27. Dans l’affaire Länsman, le Comité a énoncé le critère consistant à déterminer si l’incidence «est telle que – les auteurs sont – effectivement privés du droit de jouir [des droits énoncés à l’article 27]». L’État partie fait également référence à la jurisprudence de la Cour suprême norvégienne et de la Commission européenne des droits de l’homme, qui exigent que les intérêts des populations autochtones aient fait l’objet d’une ingérence grave et appréciable pour qu’une action en justice puisse être engagée11.

4.4En l’espèce, l’État partie souligne que l’exploitation forestière à Kariselkä s’effectue sur une superficie limitée, à savoir 92 hectares sur les 286 000 hectares que totalisent les terres de la coopérative. Il se reporte aux faits de l’affaire Jouni Länsman et consorts c. Finlande12, dans laquelle le Comité a estimé que l’abattage d’arbres dans une zone de 3 000 hectares sur un total de 255 000 hectares ne constituait pas une violation de l’article 27.

4.5L’État partie souligne que la demande des auteurs a été minutieusement examinée par deux juridictions qui se sont explicitement référées à l’article 27 du Pacte. Les tribunaux ont entendu des experts, examiné un grand nombre de pièces et procédé à un transport sur les lieux avant de se prononcer sur les faits. La cour d’appel a estimé que les pâturages de lichen étaient appauvris et que les coupes contribueraient à les régénérer13. En outre, la coupe intermédiaire envisagée constituait également une modalité d’abattage qui aurait eu des incidences moindres, et qui, en tout état de cause, était moins importante que les abattages envisagés dans l’affaire Jouni Länsman, dans laquelle le Comité avait estimé qu’il n’y avait pas eu violation. L’État partie conteste également que le secteur de Kariselkä puisse être qualifié de «meilleurs pâturages d’hiver»; il note que la Cour a estimé que le secteur en question n’était pas la principale zone de pâturage en hiver, et qu’il n’avait même pas été utilisé ces dernières années comme pâturage d’appoint.

4.6L’État partie souligne également que, comme le Comité l’avait exigé dans l’affaire Jouni Länsman, les personnes touchées ont effectivement pris part aux décisions les concernant. Les projets du Service des forêts ont été élaborés en consultation avec les propriétaires de rennes, en tant que principaux groupes intéressés. Suite à l’avis du Comité de Sallivaara, une solution différente de celle initialement recommandée par le Comité des espaces naturels a été adoptée pour concilier foresterie et élevage, solution qui a notamment abouti à la réduction de la surface consacrée à la foresterie. À cet égard, l’État partie insiste bien sur l’obligation juridique qu’avait le Service des forêts d’exploiter le bois selon un mode d’aménagement durable et de protéger les ressources naturelles, en tenant compte notamment des exigences de la culture samie concernant l’élevage du renne14. L’État partie fait donc valoir que les intérêts respectifs de la foresterie et de la renniculture ont été correctement pris en compte pour définir les mesures d’aménagement forestier les plus appropriées.

4.7L’État partie souligne que le Comité a approuvé ce type de conciliation dans l’affaire Ilmari Länsman, dans laquelle celui-ci a estimé que, pour que des activités économiques planifiées soient conformes à l’article 27, les auteurs devaient être capables de continuer à tirer parti de l’élevage. En l’espèce, les mesures visées contribuent également à l’élevage du renne dans la mesure où elles stabilisent la production de lichen et sont compatibles avec elle. En outre, de nombreux éleveurs, y compris les auteurs, pratiquent la foresterie sur leurs terres parallèlement à l’élevage.

4.8Enfin, l’État partie soutient que, contrairement à l’affirmation des auteurs, aucune décision de réduction du nombre de rennes n’a été prise bien que les comités d’éleveurs et le Parlement sami aient émis des avis.

4.9En résumé, l’État partie affirme que le droit des auteurs de jouir de la culture samie, notamment d’élever des rennes, a été correctement pris en compte en l’espèce. S’il est vrai que les abattages et les déchets qui en résulteront auront temporairement quelques effets néfastes sur les pâturages, il n’a cependant pas été établi que cette activité aurait des conséquences considérables et durables susceptibles d’empêcher les auteurs de continuer à élever des rennes à l’échelle actuelle dans le secteur en question. On a à l’opposé fait valoir que les pâturages s’étaient appauvris du fait de leur utilisation intensive et qu’ils devaient être régénérés. En outre, le secteur en question représente une très petite proportion de la superficie détenue par la coopérative, et pendant l’hiver il a été utilisé essentiellement lors de crises dans les années 70 et 80.

4.10En ce qui concerne les allégations de violation de l’article 14, l’État partie estime que ni la condamnation aux dépens ni les procédures suivies par les tribunaux ne constituent une violation dudit article.

4.11Au sujet de la condamnation aux dépens, l’État partie souligne qu’en vertu de sa législation, la partie perdante est tenue, lorsque demande lui en est faite, de prendre en charge les frais de justice, dans la limite du raisonnable, de la partie gagnante15. La loi ne prévoit pas de dérogation lorsque les parties sont une personne physique et un organisme public, ni lorsque l’affaire a trait aux droits de l’homme. Ces principes sont les mêmes dans un grand nombre d’autres États, notamment en Autriche, en Allemagne, en Norvège et en Suède, et ils sont justifiés en ce qu’ils permettent d’éviter des actions en justice inutiles et des retards. L’État partie soutient que ce mécanisme, joint à l’aide juridictionnelle gratuite pour les frais d’avocats, assure l’égalité devant les tribunaux des demandeurs et des défendeurs. Il note toutefois qu’à partir du 1er juin 1999, la loi sera modifiée pour permettre à un tribunal de réduire d’office les dépens, qui seraient autrement manifestement déraisonnables ou inéquitables au regard des éléments de fait établis pendant la procédure, de la situation des parties et de l’importance de l’affaire.

4.12Dans le cas d’espèce, le montant des dépens auxquels les auteurs ont été condamnés était inférieur de 10 000 markkaa à la somme de 83 765,59 markkaa réclamée par le Service des forêts.

4.13En ce qui concerne la procédure suivie par la cour d’appel, l’État partie fait valoir qu’aux termes de sa législation (telle qu’elle s’appliquait à l’époque), il n’appartient pas aux parties de requérir une audience contradictoire, mais au tribunal d’en ordonner une s’il estime nécessaire d’apprécier la fiabilité et la valeur des dépositions orales effectuées devant le tribunal de district. S’agissant du refus de procéder à un transport sur les lieux, la Cour a estimé, après avoir entendu toutes les dépositions orales en audience contradictoire, qu’un tel acte de procédure n’apporterait aucun élément nouveau pertinent. Le procès‑verbal du transport sur les lieux effectué par le tribunal de district n’étant pas contesté, un nouveau transport n’était donc pas nécessaire. L’État partie fait observer qu’un témoin pouvait se rendre sur place et inspecter le secteur en question, et qu’une telle visite ne peut pas avoir nuit à l’intérêt de la justice. Toutefois, l’arrêt de la Cour n’indique pas si le témoin s’est effectivement rendu dans la forêt ni si cet élément de preuve était essentiel. Un des témoins des auteurs également connaissait bien la forêt en question.

4.14S’agissant des observations relatives à l’affaire Jouni Länsman présentées par le Service des forêts après l’expiration du délai d’appel, l’État partie note que cela est simplement dû au fait que les constatations du Comité ont été rendues après ce délai. La lettre du Service des forêts se résumant à une description objective de la décision et ne contenant pas d’observations détaillées16, l’État partie a estimé qu’il était manifestement inutile de demander à l’autre partie de la commenter. L’État partie note que la Cour aurait pu en tout état de cause estimer que les constatations du Comité avaient été prises en compte d’office comme source de droit, et que les deux parties auraient pu y apporter des commentaires lors de l’audience contradictoire.

4.15L’État partie rejette l’allégation des auteurs selon laquelle le droit à un recours utile n’a pas été respecté, en violation de l’article 2. Le Pacte a été directement intégré au droit finlandais et peut être directement invoqué (comme cela a été le cas) devant les tribunaux, à tous les degrés. S’il peut être fait appel de toute décision de première instance, le pourvoi en cassation des arrêts rendus en appel doit faire l’objet d’une autorisation. Or, celle‑ci n’est accordée que lorsqu’il est nécessaire d’assurer la cohésion du droit d’annuler une décision d’une juridiction inférieure pour vice de procédure ou pour un autre motif ou lorsqu’il existe d’autres raisons valables. Dans le cas d’espèce, les demandes et les arguments des auteurs ont été attentivement examinés au cours de deux instances.

4.16En ce qui concerne les griefs d’ordre général relatifs au harcèlement et à l’ingérence, l’État partie fait observer que le Service des forêts a signalé à la police que le mari de l’un des auteurs aurait commis une infraction en abattant des arbres sans autorisation sur une propriété domaniale. Alors que la police poursuit son enquête, l’auteur en question a versé une indemnisation au Service des forêts pour les dommages causés et les frais d’enquête. Toutefois, ces questions n’ont pas eu d’incidence sur la conduite du Service des forêts en ce qui concerne les questions soulevées dans la communication.

Réponse des auteurs aux observations de l’État partie

5.1Les auteurs ont répondu aux observations de l’État partie le 10 octobre 1999.

5.2En ce qui concerne la recevabilité de la communication, ils indiquent que le recours qu’ils ont engagé ne portait pas sur l’exploitation du bois dans le secteur de Mirhaminmaa, mais qu’ils se sont efforcés devant la cour d’appel de défendre la décision du tribunal de district concernant le secteur de Kariselkä.

5.3En ce qui concerne le fond, les auteurs font toutefois valoir que les abattages dans le secteur de Mirhaminmaa portent immédiatement et nécessairement atteinte à leurs droits, au regard de l’article 27. En effet, l’exploitation dans les meilleurs pâturages d’hiver de la coopérative empiète de plus en plus sur les activités d’élevage des auteurs et accroît l’importance stratégique du secteur de Kariselkä pour l’élevage; elle devrait donc être prise en compte. Le secteur de Kariselkä devient particulièrement important dans les moments de crise, en hiver et au printemps, lorsque les rennes manquent de nourriture parce que de tels herbages sont rares. Les auteurs font valoir que l’importance du secteur de Kariselkä s’est également accrue depuis que d’autres activités dans la zone limitent les possibilités d’élevage, notamment l’extraction d’or à grande échelle, d’autres activités d’extraction minière, le tourisme à grande échelle et l’exploitation d’une station radar. Ils soulignent que ces empiètements ont réduit les terres disponibles pour l’élevage, ce qui a contribué au surpâturage dans les autres terres. Les auteurs précisent qu’en tout état de cause, l’abattage d’arbres dans le secteur de Kariselkä a commencé.

5.4Les auteurs contestent l’observation de l’État partie, selon lequel aucune décision visant à diminuer le nombre de rennes n’a été prise, en joignant au dossier une décision du Ministère de l’agriculture et de la foresterie, datée du 13 novembre 1997, entrée en vigueur le 1er juin 1998, qui réduit le troupeau de Sallivaara de 500 têtes (de 9 000 à 8 500 bêtes). Cette réduction était une conséquence de l’appauvrissement des pâturages (que l’État partie a reconnu), alors que la cour d’appel aurait conclu que ceux‑ci étaient suffisants en quantité et en qualité. Les auteurs contestent également la référence de l’État partie au fait que les auteurs eux-mêmes abattent des arbres, en faisant valoir qu’ils y étaient obligés pour assurer leur subsistance dans un contexte économique difficile, et que cette pratique n’était nullement comparable, par son ampleur, aux coupes effectuées par l’État partie.

5.5En ce qui concerne les observations de l’État partie sur les questions soulevées dans la communication au titre de l’article 14, les auteurs précisent, au sujet de la condamnation aux dépens, qu’ils n’ont pas bénéficié du régime révisé plus souple, désormais applicable en la matière suite à un amendement résultant en partie de la soumission de la présente communication. Les auteurs soulignent que l’Office de la foresterie, en demandant l’exécution forcée de la condamnation aux dépens, a publiquement fait savoir qu’il cherchait par là «à empêcher des procès inutiles». Or, le fait que les auteurs aient eu gain de cause en première instance démontre au moins que ce procès ne pouvait pas être considéré comme inutile.

5.6Au sujet de l’audience contradictoire et du refus de la cour d’appel d’ordonner un transport sur les lieux, les auteurs font observer que, bien qu’une telle audience fût exceptionnelle à l’époque, ils ne contestent pas cette audience en tant que telle, mais l’ensemble de la procédure. En effet, celle‑ci a été injuste dans la mesure où une audience contradictoire a été accordée, alors que le transport sur les lieux a été refusé. Les auteurs soutiennent que la Cour a rejeté la demande de transport sur les lieux avant que tous les témoins aient été entendus. En tout état de cause, selon la procédure finlandaise, un transport sur les lieux aurait dû être effectué avant l’audience principale. Les auteurs font également valoir que le dossier de l’inspection (composé d’un procès‑verbal d’une page et de quelques photographies) ne doit pas et ne peut pas remplacer un transport sur les lieux d’une journée.

5.7En ce qui concerne les conclusions que le Service des forêts a transmises à la cour d’appel après l’expiration du délai, les auteurs soulignent qu’elles comprenaient les constatations du Comité dans l’affaire Jouni Länsman ainsi qu’un mémoire. Au début de l’audience contradictoire, les auteurs, qui ont voulu fournir la décision à la Cour, ont été informés que le Service des forêts l’avait déjà fait. La Cour n’a pas fait mention du mémoire, dont les auteurs n’ont pas eu connaissance durant l’audience. Selon les auteurs, le mémoire donnait une interprétation incorrecte des constatations du Comité, comme cela a été montré par la traduction fournie par l’État partie. Ce mémoire ne pouvait pas signifier, comme l’affirmait le Service des forêts, qu’aucune violation du Pacte ne s’était produite dans la présente affaire. Les deux affaires étaient bien distinctes, dans la mesure où, dans l’affaire Jouni Länsman, les constatations étaient fondées sur la façon dont les juridictions nationales avaient traité le dossier, alors que la présente affaire était toujours en cours. Les auteurs, qui considèrent que le mémoire a eu une incidence non négligeable sur la décision de la Cour, n’ont pas pu y répondre, en violation des droits qui sont énoncés à l’article 14. La Cour suprême n’a pas sanctionné cette violation puisqu’elle a refusé d’autoriser le recours en cassation. L’exploitation du bois s’étant poursuivie, du fait que la procédure a été conduite en violation de l’article 14, l’article 27 a également été violé.

5.8Le 7 août 2001, les auteurs ont soumis une copie d’une nouvelle décision du Ministère de l’agriculture, datée du 17 janvier 2000, réduisant de 1 000 têtes supplémentaires le troupeau de la coopérative de Sallivaara (devant revenir de 8 500 à 7 500 bêtes) au motif de l’appauvrissement des pâturages. Ainsi, en deux ans et demi le troupeau a été réduit de 17 % au total.

Délibérations du Comité

6.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 87 de son règlement intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Dans la mesure où les griefs des auteurs ne portent pas sur l’exploitation du bois dans le secteur de Mirhaminmaa en tant que tel, il n’est pas nécessaire au Comité de se prononcer sur les arguments avancés par l’État partie au sujet de la recevabilité en ce qui concerne ledit secteur.

6.3S’agissant de l’allégation des auteurs relative à l’ingérence indue de la municipalité d’Inari, le Comité considère, vu que les procédures judiciaires visées par la tentative d’ingérence ont en fait abouti, que les auteurs n’ont pas étayé l’argumentation selon laquelle ces faits constituaient une violation d’un droit énoncé dans le Pacte.

6.4En ce qui concerne les actes de harcèlement et d’intimidation dont les auteurs affirment avoir été victimes pendant la procédure en ce que l’Office de la foresterie avait organisé une réunion publique pour critiquer les auteurs et avait allégué, sans preuve, qu’ils avaient commis un vol, lesdits auteurs n’ont pas donné suffisamment de détails. L’absence d’éléments de preuve, autres que leur simple affirmation, ne permet pas au Comité d’en examiner comme il convient le bien-fondé et les incidences sur la procédure. Cette partie de la communication n’a donc pas été suffisamment étayée aux fins de sa recevabilité, et elle est déclarée irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.1Le Comité déclare les parties restantes de la communication recevables, et il procède à les examiner au fond. Il a examiné la communication à la lumière de toutes les informations qui lui ont été fournies par les parties, comme le prévoit le paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif.

7.2.S’agissant de l’argument des auteurs selon lequel leur condamnation aux dépens, qui représentent une somme élevée, en appel, a constitué une violation du droit à l’égalité d’accès aux tribunaux, en vertu du paragraphe 1 de l’article 14, le Comité considère que l’obligation stricte faite par la loi d’accorder le remboursement des frais de l’instance à la partie gagnante peut décourager des personnes estimant que leurs droits reconnus dans le Pacte ont été violés d’engager une action en justice pour obtenir réparation. Dans le cas d’espèce, le Comité note que les auteurs étaient des personnes physiques qui avaient engagé une procédure en alléguant des violations de droits reconnus à l’article 27 du Pacte. Dans ces circonstances, le Comité estime que la condamnation par la cour d’appel au versement d’une somme élevée au titre de la liquidation des dépens, sans qu’elle puisse prendre en considération les effets de cette décision sur les auteurs de la communication à l’examen, ou ses effets sur l’accès aux tribunaux d’autres plaignants se trouvant dans le même genre de situation, constitue une violation des droits reconnus au paragraphe 1 de l’article 14, lu conjointement avec l’article 2 du Pacte. Le Comité note que depuis que des amendements ont été apportés en 1999 à la loi relative à la procédure judiciaire, les tribunaux de l’État partie ont maintenant la possibilité de prendre ces éléments en considération au cas par cas.

7.3S’agissant de l’allégation des auteurs concernant l’article 14, selon laquelle la procédure appliquée par la cour d’appel était injuste dans la mesure où une audience contradictoire a été accordée et un transport sur les lieux a été refusé, le Comité estime qu’en règle générale, il appartient aux juridictions internes de déterminer quelle est la procédure à suivre dans l’intérêt de la justice. C’est aux auteurs qu’il incombe de montrer que telle ou telle pratique a donné lieu à une injustice dans le cadre de la procédure considérée. En l’espèce, une audience contradictoire a été ordonnée parce que la Cour a estimé nécessaire de déterminer la fiabilité et la valeur qu’il convenait d’accorder à une déposition orale. Les auteurs n’ont pas montré que cette décision était manifestement arbitraire ou en quoi elle constituait un déni de justice. Quant à la décision de ne pas procéder à un transport sur les lieux, le Comité estime que les auteurs n’ont pas montré que la décision de la cour d’appel de se fonder sur le transport sur les lieux effectué par le tribunal de district, et sur le procès‑verbal de cet acte de procédure, ont donné lieu à une injustice ou ont manifestement modifié l’issue de l’affaire. Par conséquent, le Comité n’est pas à même de conclure que l’article 14 a été violé dans le cadre de la procédure suivie par la cour d’appel en la matière.

7.4Quant à l’allégation des auteurs selon laquelle la cour d’appel aurait violé leur droit à une procédure équitable, énoncé au paragraphe 1 de l’article 14, en ne leur donnant pas l’occasion de faire des observations sur le mémoire dans lequel l’Office de la foresterie avait présenté ses arguments juridiques après l’expiration des délais, le Comité note que l’une des obligations fondamentales des tribunaux est d’assurer l’égalité des parties, notamment en leur permettant de contester tous les arguments et les éléments de preuve avancés par la partie adverse17. La cour d’appel indique que c’est pour des raisons bien précises qu’elle a tenu compte de certaines conclusions soumises par une partie et estimé qu’il était «manifestement inutile» d’inviter l’autre partie à y répondre. Les auteurs n’ont donc pas pu répondre à un mémoire présenté par l’autre partie dont la cour a tenu compte pour prendre une décision en faveur de la partie ayant présenté lesdites observations. Le Comité estime que la cour d’appel n’a pas donné aux parties la possibilité de contester leurs observations respectives et que les principes d’égalité devant les tribunaux et de procédure équitable contenus dans le paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte ont été violés.

7.5Abordant la violation de l’article 27 que constituerait l’autorisation de l’exploitation forestière dans le secteur de Kariselkä, le Comité note qu’il est pas contesté que les auteurs appartiennent à un groupe culturel minoritaire et que l’élevage du renne est un élément essentiel de leur culture. Par le passé, la méthode employée par le Comité a consisté à chercher à déterminer si l’ingérence de l’État partie dans cette activité d’élevage atteignait un seuil tel que ledit État partie ne protégeait pas de manière adéquate le droit des auteurs de vivre selon leur culture. Le Comité doit donc déterminer si l’exploitation du bois sur les 92 hectares du secteur de Kariselkä a atteint ce seuil.

7.6Le Comité note que les auteurs, et d’autres groupes intéressés essentiels, ont été consultés au cours de l’élaboration, par le Service des forêts, des projets d’abattage, et que ces projets ont été en partie modifiés pour tenir compte des critiques formulées par eux. Ayant examiné les éléments de preuve, partiellement contradictoires, fournis par les experts, et après avoir procédé à un transport sur les lieux, le tribunal de district a estimé que le secteur de Kariselkä était nécessaire à l’exercice des droits culturels des auteurs visés à l’article 27 du Pacte. La cour d’appel, dans son arrêt, est parvenue à une conclusion différente en se fondant sur ces mêmes éléments de preuve, puisqu’elle a considéré, également dans l’optique de l’article 27, que les coupes envisagées contribueraient à un certain point à assurer la viabilité à long terme de l’élevage du renne, en permettant la régénération du lichen terricole en particulier, et estimé en outre que la zone en question avait une importance secondaire pour l’élevage dans le cadre global des terres de la coopérative. Se fondant sur les éléments qui lui ont été communiqués par les auteurs et par l’État partie, le Comité estime manquer d’informations pour pouvoir formuler des conclusions indépendantes sur l’importance objective du secteur pour l’élevage, et les incidences à long terme sur la viabilité de l’élevage ainsi que sur les conséquences touchant les droits énoncés à l’article 27. C’est pourquoi le Comité ne saurait conclure que l’abattage d’arbres sur 92 hectares, compte tenu des circonstances de l’espèce, constitue de la part de l’État partie une violation de l’article 27 du Pacte par manquement à son obligation de protéger de manière appropriée les droits des auteurs de vivre selon la culture samie.

7.7À la lumière des conclusions ci‑dessus, le Comité considère qu’il est inutile d’examiner les allégations complémentaires que les auteurs ont formulées au titre de l’article 2 du Pacte.

8.1Le Comité des droits de l’homme, agissant conformément au paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, considère que les faits qui lui sont soumis font apparaître une violation par la Finlande du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte, lu conjointement avec l’article 2 du Pacte, ainsi qu’une violation supplémentaire du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte pris isolément.

8.2Conformément au paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, le Comité estime que les auteurs ont droit à un recours utile. S’agissant de la condamnation des auteurs aux dépens, le Comité estime qu’étant donné que la condamnation aux dépens viole le paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte et qu’en outre elle a été prononcée suivant une procédure qui elle‑même viole le paragraphe 1 de l’article 14, l’État partie a l’obligation de restituer aux auteurs la partie des frais qu’ils ont déjà remboursée et de renoncer à exiger le versement du montant restant. S’agissant de la violation du paragraphe 1 de l’article 14 découlant de la procédure appliquée par la cour d’appel concernant le mémoire présenté tardivement par l’Office de la foresterie (par. 7.4), le Comité estime que, la décision de la cour d’appel ayant été entachée d’une violation des dispositions relatives aux garanties de procédure équitable, l’État partie a l’obligation de réexaminer les demandes des auteurs. Il a également l’obligation de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas à l’avenir.

9.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y avait eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de 90 jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. Il l’invite en outre à diffuser les constatations du Comité.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel présenté par le Comité à l’Assemblée générale.]

Notes

Appendice

Opinion individuelle de Prafullachandra N. Bhagwati, membre du Comité (concordante)

J’ai lu le texte des constatations formulées par la majorité des membres du Comité. J’approuve ces constatations sauf celles qui sont énoncées au paragraphe 7.2 et, en partie, celles qui sont énoncées au paragraphe 8.2. Étant donné que je suis d’accord pour l’essentiel avec la majorité des membres sur la plupart des questions, il me semble inutile de revenir sur l’exposé des faits et je présenterai donc directement mon opinion dissidente concernant les paragraphes 7.2 et 8.2.

S’agissant de l’allégation de violation du paragraphe 1 de l’article 14, lu conjointement avec l’article 2 du Pacte, que constituerait la condamnation au remboursement de frais importants, la majorité des membres ont estimé que cette condamnation, étant donné les faits et les circonstances de l’espèce, constituait une violation desdits articles. Si certains des membres ont exprimé à cet égard un avis dissident, je me rallie pour ma part au point de vue de la majorité mais en raisonnant d’une manière un peu différente.

Il est clair qu’aux termes de la législation telle qu’elle s’appliquait à l’époque, la cour n’avait aucune liberté de manœuvre en matière de liquidation des dépens. Elle était tenue par la loi de décharger la partie gagnante des frais de justice. Elle ne pouvait ni moduler les dépens incombant à la partie perdante, ni même refuser de se prononcer à cet égard, compte tenu de la nature du litige, l’intérêt public en jeu ou la situation financière de la partie concernée. Cette disposition juridique a eu un effet inhibant sur l’exercice du droit d’accès à la justice pour des plaideurs démunis, et en particulier des personnes engagées dans une action publique. Imposer le paiement de frais importants en vertu d’une disposition juridique aussi rigide et aveugle dans les circonstances de l’espèce, à savoir une action en justice d’intérêt général menée par deux membres de la tribu samie en vue de sauvegarder les droits culturels de celle‑ci, qu’ils estimaient avoir été gravement violés, constituerait, à mon avis, une violation incontestable du paragraphe 1 de l’article 14, lu conjointement avec l’article 2 du Pacte. Il est satisfaisant de noter que ce genre de situation ne se reproduira pas car nous apprenons que la loi relative à l’imposition des coûts a depuis été modifiée. La cour a maintenant le pouvoir de décider de dispenser totalement ou non la partie gagnante du paiement des frais de justice et, le cas échéant, de déterminer le montant des frais en fonction des circonstances, dont celles que j’ai mentionnées ci‑dessus.

En ce qui concerne le paragraphe 8.2, les auteurs ont à mon avis droit à réparation conformément aux dispositions de ce paragraphe qui ont trait aux dépens, non seulement parce que la liquidation des dépens a été décidée à la suite de délibérations de la cour d’appel qui constituaient une violation des dispositions du paragraphe 1 de l’article 14, pour les raisons énoncées au paragraphe 7.4, mais aussi parce que la liquidation des dépens elle‑même violait le paragraphe 1 de l’article 14, lu conjointement avec l’article 2, pour les raisons énoncées au paragraphe 7.2. Je suis entièrement d’accord avec le reste du paragraphe 8.2.

(Signé) Prafullachandra N. Bhagwati

[Fait en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel que le Comité présente à l’Assemblée générale.]

Opinion individuelle de Abdelfattah Amor, Nisuke Ando, Christine Chanet, Eckart Klein, Ivan Shearer et Max Yalden, membres du Comité (en partie dissidente)

Nous partageons pour l’essentiel le point de vue des membres du Comité en ce qui concerne la liquidation des dépens [voir aussi Lindon c. Australie (communication no 646/1995)], mais nous ne pensons pas que dans le cas d’espèce il ait été démontré de manière convaincante et prouvé que les auteurs ont été touchés par la décision de la cour d’appel au point que l’accès au tribunal leur ait été ou leur serait interdit à l’avenir. À notre avis, les auteurs n’ont pas suffisamment apporté la preuve de leurs difficultés financières.

En ce qui concerne les effets dissuasifs éventuels dont pourraient souffrir à l’avenir les auteurs ou d’autres auteurs potentiels, il convient de tenir dûment compte de l’amendement au Code de procédure judiciaire, aux termes duquel un tribunal est habilité à réduire les dépens qui seraient manifestement déraisonnables ou inéquitables au regard des circonstances de l’espèce (voir par. 4.11 ci‑dessus).

Toutefois, étant donné que nous partageons le point de vue selon lequel l’arrêt rendu par la cour d’appel est entaché d’une violation du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte (voir par. 7.4 ci‑dessus), la décision de celle‑ci portant sur la liquidation des dépens est automatiquement mise en cause également. Nous nous associons donc à la position du Comité, selon laquelle l’État partie doit rembourser aux auteurs la partie des dépens déjà reçus et ne pas leur faire payer d’autres frais (voir par. 8.2 des constatations du Comité).

(Signé) Abdelfattah Amor(Signé) Nisuke Ando(Signé) Christine Chanet(Signé) Eckart Klein(Signé) Ivan Shearer(Signé) Max Yalden

[Fait en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel que le Comité présente à l’Assemblée générale.]

-----