Nations Unies

CCPR/C/115/D/2284/2013

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

9 décembre 2015

Original : français

Comité des droits de l ’ homme

Communication no 2284/2013

Constatations adoptées par le Comité à sa 115e session(19 octobre-6 novembre 2015)

Communication présentée par  :

F. M. (représenté par Stewart Istvanffy)

Au nom de  :

L’auteur

État partie  :

Canada

Date de la communication  :

16 août 2013 (date de la lettre initiale)

Références  :

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 23 août 2013 (non publiée sous forme de document)

Date des constatations  :

5 novembre 2015

Objet  :

Expulsion du Canada vers le Tchad

Question(s) de procédure  :

Allégations insuffisamment étayées; incompatibilité ratione materiae avec le Pacte

Question(s) de fond  :

Droit à un recours utile; droit à la vie; interdiction de la torture ou des traitements cruels, inhumains ou dégradants; droit des étrangers (expulsion).

Article(s) du Pacte  :

2, 6 (par. 1), 7 et 13

Article(s) du Protocole facultatif  :

2

Annexe

Constatations du Comité des droits de l’homme au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (115e session)

concernant la

Communication no 2284/2013 *

Présentée par  :

F. M. (représenté par Stewart Istvanffy)

Au nom de  :

L’auteur

État partie  :

Canada

Date de la communication  :

16 août 2013 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 5 novembre 2015,

Ayant achevé l’examen de la communication no 2284/2013 présentée au nom de F. M. en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit :

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5du Protocole facultatif

1.1L’auteur de la communication datée du 16 août 2013, est F. M., de nationalité tchadienne, né le 1er novembre 1975 à Moundou (Tchad); il est menacé d’expulsion vers le Tchad. Il affirme que si l’État partie l’expulsait, il violerait les articles 2, 6 (par. 1), 7 et 13 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. L’auteur est représenté. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour le Canada le 19 août 1976.

1.2Le 23 août 2013, en application de l’article 92 de son règlement intérieur, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires, a informé l’auteur qu’il avait rejeté sa demande d’octroi de mesures provisoires demandant à l’État partie de ne pas l’expulser tant que la communication serait à l’examen.

1.3Le 9 décembre 2013, après examen de nouvelles preuves soumises par l’auteur le 6 décembre 2013 (voir le paragraphe 2.12 ci-dessous), le Comité, en application de l’article 92 de son règlement intérieur, et agissant par l’intermédiaire de son Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires, a demandé à l’État partie de ne pas expulser l’auteur vers le Tchad tant que la communication était à l’examen. Cette demande a été réitérée auprès de l’État partie les 18 décembre 2013 et 5 juin 2014.

1.4Le 5 février 2014, dans le cadre de ses observations sur la recevabilité et le fond de la communication, l’État partie a informé le Comité qu’il acceptait de surseoir temporairement au renvoi de l’auteur.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1À la suite des événements qui ont eu lieu à N’Djamena, les 2 et 3 février 2008, au cours desquels les rebelles ont attaqué et pris temporairement le contrôle de la capitale, l’auteur et sa famille ont quitté leur résidence pour se réfugier à Kousseri. Pendant leur absence, et comme leur résidence était l’une des seules munie d’un puits, les rebelles sont entrés dans leur maison et ont profité de l’accès à l’eau. Après que les rebelles ont été chassés de la ville, l’auteur et sa famille ont pu revenir dans leur maison. Dans la nuit du 20 mars 2008, soit lelendemain de leur retour, vers une heure du matin, l’auteur a été réveillé par une douzaine d’hommes enturbannés qui se sont présentés comme étant membres de l’Agence nationale de sécurité. Ils l’ont accusé d’avoir aidé les rebelles en les laissant entrer chez lui pour y puiser de l’eau. Sans le laisser donner d’explication, certains l’ont giflé puis l’ont emmené dans un lieu secret en lui bandant les yeux.

2.2Pendant sa détention incommunicado, l’auteur a été questionné sur ses déplacements durant la guerre, sur l’Association pour la promotion des libertésfondamentales au Tchad dont il était membre, sur leur président et sur la rébellion en général. Il a été battu, menacé et intimidé. Il a gardé une cicatrice sur la jambe gauche. La détention de l’auteur a duré quatre jours, soit jusqu’au 24 mars 2008, lorsqu’un officier lui a proposé de le libérer en échange de sa voiture. L’officier lui a également dit que s’il refusait, il serait exécuté comme les autres qui avaient soutenu les rebelles. L’auteur a accepté de signer les documents pour sa libération. L’officier qui l’a aidé à s’échapper l’a conduit jusqu’à la frontière avec le Cameroun où l’intéressé a pu, grâce à l’aide de son employeur, obtenir un visa pour les États-Unis. Pendant qu’il était au Cameroun, l’auteur a appris que sa maison ainsi que plusieurs autres du quartier avaient été détruites par le feu. Il a aussi appris que les agents de l’Agence nationale de sécurité le recherchaient toujours. Les trois enfants de l’auteur,nés respectivement les 16 avril 1998, 29 septembre 2001 et 20 août 2006,demeurent à ce jour au Tchad.

2.3L’auteur a profité de ce que l’un de ses oncles travaillait dans un aéroport du Tchad pour acheter un billet à bas prix pour les États-Unis et quitter le Tchad, le 13 avril 2008, par avion. Des États-Unis, l’auteur,qui ne parle pas l’anglais et a de la famille au Canada, a traversé la frontière canadienne le 29 avril 2008 et a revendiqué le statut de réfugié au Canada.

2.4L’auteur joint à l’appui de sa demande devant le Comité une attestation de Souleymane Guengueng (non datée), ainsi qu’une lettre de Brian McDonough, datée du 12 décembre 2012. M. Guengueng témoigne de ce que F. M., qu’il a rencontré à Montréal en janvier 2013, a bien été arrêté au Tchad, qu’il y a échappé de justesse à la mort et que, en cas de renvoi, il ferait face à des risques similaires pour sa vie. Quant à la lettre de M. McDonough, avocat et directeur de l’Office de la pastorale sociale de l’archevêché de Montréal, elle met en évidence les risques encourus par l’auteur en cas de retour au Tchad. M. McDonough dit s’être directement entretenu avec Marie Larlem, coordonnatrice générale de l’Association pour la promotion des libertésfondamentales au Tchad, au nom de laquelle l’auteur s’est occupé de prisonniers d’opinion et de victimes de mauvais traitements. Mme Larlem a confirmé sans équivoque le risque encouru par F. M. en cas de retour forcé au Tchad, en raison du contrôle exercé par les militaires, et les exactions commises contre les défenseurs des droits de l’homme, qui restent impunies.

2.5De plus, M. McDonough souligne dans le même témoignage s’être entretenu avec l’abbé Diondoh, qui s’était chargé de la garde des enfants de F. M. après le départ de ce dernier du Tchad. L’abbé Diondoh lui a confirmé que les personnes œuvrant pour la protection des droits de l’homme sont exposées à des menaces.

2.6Le 29 novembre 2010, la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a refusé la demande d’asile de l’auteur. La Commission a estimé que la demande de l’auteur souffrait de « sérieux problèmes de crédibilité », jugeant son témoignage comme invraisemblable et non crédible. La Commission a notamment jugé non crédible que la maison de l’auteur ait été détruite par les autorités gouvernementales au motif que celles-ci lui en voulaient. La Commission a relevé que les autorités gouvernementales avaient détruit près de 1 000 maisons dans différents secteurs de la ville, avec pour but de chasser les rebelles, et que rien n’indiquait que l’auteur ait été particulièrement ciblé.

2.7La Commission de l’immigration et du statut de réfugié a également jugé non crédible le témoignage de l’auteur concernant son adhésion à une association faisant la promotion des libertés fondamentales au Tchad, après avoir déterminé que sa carte de membre était un faux. Le fait que l’auteur n’a pas déposé de demande de protection aux États-Unis, son port d’arrivée, mais qu’il a préféré se diriger vers la frontière canadienne, a été jugé incompatible avec son allégation selon laquelle il craint pour sa vie. La Commission a finalement statué que l’auteur n’avait pas établi être une personne à protéger et a donc rejeté sa demande d’asile.

2.8Une demande de contrôle judiciaire a été présentée à la Cour fédérale du Canada, mais celle-ci a été refusée, après audition, le 20 décembre 2011, au motif que la décision de la Commission était raisonnable. L’auteur a entretemps déposé le 22 novembre 2011 une demande de résidence permanente pour considérations humanitaires, dans laquelle il a présenté des arguments relatifs à la situation générale au Tchad, ainsi qu’à son intégration au Canada. La demande a été rejetée le 25 juillet 2012, l’agent en charge de la procédure de résidence permanente pour considérations humanitaires ayant déterminé que bien que la situation globale des droits de la personne au Tchad était préoccupante à certains égards, l’auteur n’avait pas démontré en quoi il serait personnellement exposé à des risques. En outre, il a été déterminé que le niveau d’établissement de l’auteur au Canada n’était pas suffisant en soi pour justifier d’accorder la demande. Le 26 octobre 2012, l’auteur a déposé une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire à l’encontre du rejet de sa demande pour considérations humanitaires en vertu de l’article 72, paragraphe 1, de la loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. La Cour fédérale du Canada a rejeté cette demande le 21 mars 2013.

2.9Le 23 décembre 2011, l’auteur a présenté une première demande d’examen des risques avant renvoi, en vertu de l’article 112 de la loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, dans laquelle il a présenté les mêmes risques que dans sa demande d’asile. Sa demande a été rejetée le 31 mai 2012 au motif que les preuves soumises ne faisaient que réitérer les arguments initiaux de l’auteur ou avaient peu de valeur probante. L’agent d’examen des risques avant renvoi a déterminé que la situation au Tchad était marquée par une diminution d’activités des groupes rebelles et une diminution conséquente des arrestations arbitraires. Il en fut donc conclu que l’auteur n’était pas exposé à un risque de persécution. Le 26 octobre 2012, l’auteur a déposé une demande de contrôle judiciaire de cette décision devant la Cour fédérale, qui a été autorisée. En conséquence, la Cour fédérale a ordonné, le 17 décembre 2012, le sursis de son renvoi. Cependant, les 15 juillet 2013, la Cour fédérale a rejeté la demande après avoir conclu que l’agent d’examen des risques avant renvoi n’avait pas commis d’erreur en rejetant les preuves qui étaient disponibles au moment de sa demande initiale de protection. La Cour fédérale a en outre réaffirmé que la production par l’auteur d’une fausse carte de membre de l’Association pour la promotion des libertés fondamentales avait contribué à la conclusion initiale de la Commission que l’auteur n’était pas crédible. Par ailleurs, la Cour fédérale a jugé raisonnable la conclusion de l’agent d’examen des risques avant renvoi, qui a établi que la SPR aurait rendu la même décision si elle avait été saisie des nouvelles preuves avancées par l’auteur.

2.10Le 28 octobre 2013, l’auteur a déposé une seconde demande d’examen des risques avant renvoi. Un sursis à son renvoi lui a été accordé jusqu’à l’issue de la procédure. Sa demande a été rejetée le 20 novembre 2013. À l’appui de sa demande, l’auteur avait soumis les mêmes témoignages que ceux qu’il a joints à sa demande devant le Comité (exposés aux paragraphes 2.4 et 2.5 ci-dessus). L’agent d’examen des risques avant renvoi n’a pas accordé de valeur probante à ces nouvelles pièces en raison, notamment, de contradictions chronologiques relevées entre le témoignage de M. Guengueng et l’histoire de l’auteur.

2.11Le 27 novembre 2013, l’auteur a déposé une demande d’autorisation de contrôle judiciaire de la seconde décision d’examen des risques avant renvoi, ainsi qu’une demande de sursis d’exécution de son renvoi vers le Tchad. Le 4 décembre 2013, la demande de sursis d’exécution a été rejetée. La date de départ de l’auteur a été fixée au 10 décembre 2013.

2.12Le 6 décembre 2013, l’auteur a présenté au Comité une nouvelle demande de mesures provisoires visant à suspendre son renvoi vers le Tchad. Pour étayer sa demande, l’auteur joint le témoignage du 5 décembre 2013 de l’avocate Jacqueline Moudeïna, présidente de l’Association tchadienne pour la promotion et la défense des droits de l’homme et coordonnatrice du Collectif des avocats des victimes de Hissène Habré. Me Moudeïna note dans son témoignage que l’auteur risquerait sa vie s’il devait retourner au Tchad, notamment en raison de son activisme au sein de l’église catholique, de son travail au sein d’une grande organisation des droits de l’homme au Tchad et en raison de soupçons mal fondés quant à son supposé appui à la rébellion en février et mars 2008. Me Moudeïna ajoute avoir pu consulter la majorité des preuves soumises aux autorités canadiennes et pense que le danger est réel et élevé pour l’auteur. Les faits ont été vérifiés auprès de plusieurs personnes qui ont témoigné du danger encouru par F. M. Par ailleurs, Me Moudeïna confirme que le militaire qui en veut le plus à l’auteur est actuellement le Chef de la sécurité à l’aéroport de N’Djamena. Me Moudeïna conclut que l’auteur fait face à un risque immédiat pour sa vie et sa sécurité, en particulier un risque de disparition forcée. En cas de retour, il serait immédiatement arrêté et torturé.

2.13Le 18 décembre 2013, l’auteur a informé le Comité qu’il avait été placé en détention le 10 décembre 2013 par les services de douane canadiens (Agence des services frontaliers du Canada, ASFC). L’auteur note qu’il a bénéficié de deux audiences pour contester sa détention, respectivement les 12 et 16 décembre 2013, mais qu’il a été informé par les agents de l’ASFC que la demande de mesures provisoires du Comité n’était pas contraignante pour les autorités canadiennes et qu’elle restait sujette à une décision discrétionnaire du Ministère de la sécurité publique.

2.14Le 7 mars 2014, une nouvelle demande d’autorisation de contrôle judiciaire présentée par l’auteur à l’encontre de la décision d’examen des risques avant renvoi du 20 novembre 2013 (par. 2.10) a été rejetée par la Cour fédérale.

2.15Le 2 juin 2014, l’auteur a transmis au Comité une convocation de l’ASFC invitant ce dernier à se présenter à l’aéroport international Pierre-Elliot Trudeau, Montréal, le 10 juin 2014 pour son départ du Canada.

2.16Le 4 juin 2014, la Cour fédérale a rejeté la requête en sursis de l’exécution du renvoi de l’auteur vers le Tchad. Dans cette décision, la Cour fédérale a pris note de la demande de mesures provisoires du Comité, mais a noté que « le Canada n’[était] pas lié par une telle recommandation ».La Cour a également noté que, pour étayer les risques encourus, le demandeur présentait les mêmes arguments qui avaient été considérés lors de sa demande d’asile et ses demandes d’examen des risques avant renvoi, et que ce dernier avait bénéficié de remises de départ, ainsi que des nombreux recours prévus par la loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Par ordonnance du 28 août 2014, la Cour fédérale a refusé à l’auteur l’autorisation de présenter une demande de révision judiciaire de sa décision du 4 juin 2014.

2.17L’auteur ne s’est pas présenté à l’aéroport le 10 juin 2014 comme il y était invité dans la convocation de l’ASFC. Il vit donc depuis dans la clandestinité au Canada.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur allègue être persécuté par les autorités tchadiennes pour avoir ravitaillé les rebelles en eau potable, mais aussi sans doute pour avoir été membre d’une organisation non gouvernementale de défense des droits de l’homme. L’auteur a de fortes raisons de croire qu’il sera arrêté à l’aéroport, placé en détention et torturé par les autorités tchadiennes en cas de retour. Il rappelle qu’il a déjà été victime de torture dans le passé et ajoute qu’il sera aussi probablement victime d’une exécution extrajudiciaire, à laquelle il a déjà échappé de justesse, en violation des articles 6 et 7 du Pacte, s’il était renvoyé au Tchad.

3.2L’auteur a vu sa demande de statut de réfugié rejetée par la SPR pour manque de crédibilité alors qu’il avait fourni un nombre important de preuves à l’appui de sa demande. Les preuves consistent en une copie de sa carte de membre de l’Association pour la promotion des libertés fondamentales au Tchad, de photos prises lors de la destruction de sa maison, de photos montrant ses cicatrices,d’articles en lien avec les événements des 2 et 3 février 2008 et d’une lettre de témoignage d’un prêtre au Tchad. D’autres témoignages soumis ont été rejetés au motif que les personnes en question n’avaient pas eu directement connaissance des faits.

3.3S’agissant de la procédure d’examen des risques avant renvoi, l’auteur considère qu’elle n’est pas conforme au Pacte dans la mesure où tous les éléments de preuve qui étaient disponibles au moment de la procédure devant la SPR ne peuvent être réexaminés par l’agent d’examen des risques avant renvoi, en application de l’article 113, alinéa a), de la loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Par ailleurs, la norme de révision employée par le juge de la Cour fédérale lors de la révision de la décision d’un agent d’examen des risques avant renvoi est celle de la « décision raisonnable », ce qui signifie que, bien que le juge affirme qu’il aurait pu décider autrement, la décision sera maintenue si elle est assortie d’un raisonnement logique, en fait et en droit. L’auteur considère donc les recours au Canada comme étant inefficaces en violation de l’article 2 du Pacte.

3.4Pour les mêmes raisons, l’auteur se prévaut également de l’article 13 du Pacte, qui aurait été violé puisque ce dernier n’a pas pu faire valoir les raisons qui militent contre son expulsion, ni faire examiner son cas par une autorité compétente.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond

4.1Le 5 février 2014, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité et le fond. L’État partie note que les allégations de l’auteur sont les mêmes que celles qu’il a soumises devant les instances nationales et rappelle qu’il n’appartient pas au Comité de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des éléments de preuve, sauf si l’appréciation par les autorités internes a été manifestement arbitraire ou a représenté un déni de justice. Les éléments soumis par l’auteur ne sauraient conduire à la conclusion que les décisions du Canada ont été entachées d’irrégularités de ce type.

4.2Selon l’État partie, le grief que l’auteur tire de l’article 2 du Pacte doit être déclaré irrecevable, car ses dispositions ne peuvent pas être invoquées isolément et par elles-mêmes. L’article 2 ne confère pas un droit indépendant à réparation, mais définit simplement la portée des obligations juridiques des États parties. Étant donné le caractère accessoire de l’article 2, seule une violation conjointe d’un droit reconnu peut ouvrir droit à un recours. Par conséquent, les allégations de l’auteur s’y rapportant devraient être rejetées en application de l’article 3 du Protocole, ou, subsidiairement, déclarées sans fondement. Le mandat du Comité n’est pas ici de se pencher sur le système canadien dans son ensemble. Par ailleurs, toutes les instances canadiennes s’étant penché sur le dossier de l’intéressé ont soigneusement examiné les allégations ainsi que la preuve. Il n’a pas pu être démontré que les autorités canadiennes ont agi de façon arbitraire ni qu’elles ont commis une quelconque faute dans l’évaluation de son dossier.

4.3En ce qui concerne les griefs tirés du paragraphe 1 de l’article 6 et de l’article 7, l’État partie soutient que l’auteur n’a pas suffisamment étayé ses allégations aux fins de la recevabilité. Il n’a pu étayer, en particulier, ses allégations selon lesquelles sa vie serait menacée et risquerait la torture ou de mauvais traitements s’il était renvoyé au Tchad. Les juridictions nationales ont jugé que l’entièreté de son récit n’était pas crédible car il n’était pas appuyé par des preuves objectives et comportait des incohérences et des contradictions. En outre, l’auteur a présenté un faux document à la SPR afin de prouver son adhésion à une association de promotion des libertés fondamentales au Tchad, ce qui a grandement contribué à miner sa crédibilité. Il ressort de la décision de la SPR que l’auteur a affirmé n’avoir jamais été arrêté, accusé ou détenu dans le passé, ce qui contredit ses allégations selon lesquelles il aurait été arrêté, puis détenu pendant quatre jours en mars 2008. L’auteur n’a pas pu expliquer pourquoi il avait omis de mentionner cet élément. En outre, ses allégations selon lesquelles il serait toujours recherché aujourd’hui par l’agent qui l’aurait libéré en 2008 en échange de sa voiture sont invraisemblables. En effet, l’auteur n’est pas parvenu à expliquer pourquoi l’agent qui lui aurait prétendument sauvé la vie en 2008 serait maintenant à sa recherche. Il n’a pas non plus expliqué pourquoi il n’avait pas déposé l’affidavit de Mme Larlem lors de sa demande auprès de la SPR afin de corroborer son statut de membre de l’Association de promotion des libertés fondamentales, document qu’il a présenté pour la première fois lors de son premier examen des risques avant renvoi. Devant le Comité, il n’a présenté aucun fait nouveau, ni aucune nouvelle preuve démontrant qu’il serait exposé à un risque de persécution s’il était renvoyé au Tchad.

4.4L’État partie ajoute que les allégations de l’auteur sont objectivementdénuées de fondement, puisque les preuves qu’il a présentées ne font que rapporter les propos de tierces personnes ou contiennent des informations beaucoup trop vagues pour conclure à une menace personnelle et réelle. L’auteur n’a pas fourni de preuve, ni même allégué, que sa famille ou ses anciens collègues ou employeurs auraient été menacés ou ciblés depuis son départ du Tchad. Si l’intéressé était activement recherché par des agents opérant dans les hautes sphères de l’État tchadien tel qu’il le prétend, sa famille demeurée au Tchad ou encore ses anciens collègues ou employeurs auraient été contactés par des agents de l’État tentant de le retrouver, ou auraient eux-mêmes subi des menaces.

4.5En outre, les informations fournies dans les documents déposés en preuve par l’auteur sont beaucoup trop vagues et générales pour démontrer l’existence d’une menace réelle et personnelle. Par exemple, dans sa lettre, l’abbé Diondoh déclare seulement que les gens qui en voulaient à l’auteur demandent toujours des renseignements à son sujet, sans offrir d’explications ou de précisions à l’égard de cette affirmation. Par ailleurs, la lettre ne contient aucune information indiquant que les enfants de l’auteur, dont l’abbé se chargerait depuis le départ de l’intéressé, auraient fait l’objet de quelconques menaces. Quant à la lettre de M. McDonough, elle ne contient pas d’informations suffisamment précises afin de démontrer que l’auteur serait recherché par les agents du régime. Devant le Comité, la seule nouvelle preuve soumise, l’attestation de soutien écrite par Me Moudeïna datée du 5 décembre 2013, ne prouve nullement que l’auteur soit exposé à un risque d’être torturé ou tué s’il était renvoyé. Elle ne donne aucune précision sur ses sources, ni n’explique pourquoi le Chef de la sécurité à l’aéroport de la capitale en voudrait personnellement à F. M.

4.6L’État partie rappelle que les preuves déposées par l’auteur auprès de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié vont à l’encontre de ses affirmations selon lesquelles sa maison aurait été détruite parce qu’il était personnellement ciblé par le régime. La preuve démontre plutôt que la maison de l’auteur a subi le même sort que près de 1 000 autres maisons à N’Djamena qui ont été détruites durant la même période par le régime tchadien pour chasser les rebelles de la capitale. Par ailleurs, les informations fournies par M. Guengueng contredisent les allégations de l’auteur.

4.7L’État partie conclut que même en supposant que F. M. ait été détenu pendant quatre jours il y a plus de cinq ans, cela ne permet pas de conclure à un risque réel de subir des traitements prohibés aujourd’hui. Les craintes de l’intéressé sont fondées sur de pures spéculations selon lesquelles il représenterait toujours un intérêt pour les autorités. L’État partie reconnaît que la situation générale des droits de la personne au Tchad demeure préoccupante, tel qu’il ressort des sources documentaires récentes étudiées par les autorités canadiennes. Toutefois, l’auteur n’a pas réussi à démontrer qu’il serait personnellement exposé à un risque d’être ciblé par les autorités. En conséquence, la communication devrait être déclarée irrecevable en ce qui concerne les articles 6 et 7 du Pacte.

4.8En ce qui concerne l’article 13, l’État partie rappelle que l’auteur a pu faire valoir les motifs militant en faveur de sa demande d’asile et contre son expulsion à maintes reprises devant les autorités canadiennes. Il a bénéficié d’une audience orale devant la SPR suivie d’une décision de la même instance. Cette décision a ensuite été examinée sur le fond par la Cour fédérale, qui a rejeté la demande de contrôle judiciaire au motif que la Commission de l’immigration et du statut de réfugié avait tenu compte de la preuve présentée et que ses conclusions étaient raisonnables. L’auteur a également présenté une demande pour considérations humanitaires, qui a été rejetée, à l’instar de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de cette décision devant la Cour fédérale. Finalement, l’auteur a aussi eu recours au processus d’examen des risques avant renvoi et ce, à deux reprises. Les deux demandes d’examen des risques avant renvoi, entendues par deux agents administratifs différents, ont été rejetées. En outre, la première demande d’examen des risques avant renvoi a été examinée sur le fond par la Cour fédérale, qui l’a rejetée au motif que l’agent avait adéquatement analysé la preuve et que ses conclusions étaient raisonnables. Quant à la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la seconde décision d’examen des risques avant renvoi, elle demeure pendante. Toutefois, la Cour fédérale a refusé d’octroyer un sursis d’exécution de la mesure de renvoi de l’auteur. Se référant à l’observation générale no 15 (1986) sur la situation des étrangers au regard du Pacte, l’État partie note que l’article 13 ne porte directement que sur la procédure, et non sur les motifs de fond de l’expulsion, et conclut que l’auteur n’a pas étayé son allégation de violation de cette disposition, qui devrait par conséquent être déclarée irrecevable.

4.9En conclusion, l’État partie réaffirme que l’auteur n’a pas démontré qu’il subirait un préjudice irréparable s’il était renvoyé au Tchad. Ses allégations ont fait l’objet d’un examen approfondi et ont été rejetées par toutes les autorités canadiennes. Ses allégations devraient donc être déclarées irrecevables au titre des articles 2, 6, 7 et 13 du Pacte. À titre subsidiaire, si le Comité est d’avis que la communication est recevable, le Canada soutient que cette dernière est dénuée de fondement, pour les mêmes raisons.

4.10Pour ce qui est de la situation actuelle de l’auteur, l’État partie note également que, suite au rejet par la Cour fédérale de la demande de sursis de son exécution, une mesure de renvoi a été émise par l’ASFC, fixant sa date de départ au 10 décembre 2013. Comme suite à la demande de mesures provisoires du Comité du 9 décembre 2013, l’État partie a accepté de surseoir à son renvoi. L’auteur demeure au Canada. En dépit du sursis de son renvoi, l’auteur aurait tout de même dû se présenter à l’aéroport comme prévu le 10 décembre 2013 afin d’y rencontrer un agent de l’ASFC, n’ayant pas été informé du sursis de son renvoi par l’ASFC. Ayant omis de le faire, les agents ASFC ont procédé à certaines vérifications pour tenter de le localiser. Ayant constaté que l’auteur ne résidait pas à l’adresse fournie aux autorités et qu’il était sans domicile fixe, l’auteur a été placé en détention conformément à l’article 55 de la loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, car il est considéré comme étant à risque de ne pas se présenter pour une éventuelle mesure de renvoi.

4.11Les motifs de la détention de l’auteur ont été contrôlés régulièrement par la Section de l’immigration, tel que prévu par la loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (art. 57, par. 1 et 2). Le 16 décembre 2013, une offre de libération avec garant lui a été faite, moyennant une caution de 2 500 dollars canadiens et à la condition qu’il reste en tout temps à l’adresse fournie par les autorités canadiennes et qu’il se présente à un bureau de l’ASFC dans les 48 heures suivant sa libération, puis chaque semaine. Le 19 décembre 2013, l’auteur a été libéré sous ces conditions.

Commentaires de l’auteur sur la recevabilité et le fond

5.1Le 31 octobre 2014, l’auteur a formulé des commentaires sur les observations de l’État partie dans lesquels il a réitéré ses arguments initiaux. Il note que malgré l’intervention du Comité, il a été convoqué pour un entretien de pré-départ le 23 mai 2014, en vue de l’ordre de renvoi qui a été pris à son encontre, prévoyant son départ du Canada le 10 juin 2014. Comme l’auteur ne s’est pas présenté à cette date, il est actuellement recherché et vit dans la clandestinité. Vivant caché et isolé, il n’a donc pas accès à un soutien psychologique ni à des soins médicaux dont il a pourtant besoin pour faire face aux épisodes d’anxiété et de dépression qu’il connaît.

5.2Il réaffirme qu’il n’a pas bénéficié de recours utiles lors de l’examen de ses demandes d’examen des risques avant renvoi et demandes de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale; que les pièces déposées comme nouvelles preuves à forte valeur probante dans ses demandes d’examen des risques avant renvoi ont été écartées sans discernement; que trop d’inférences négatives ont été tirées de certaines contradictions dans son témoignage, qui doivent être attribuées à l’état de choc et de fatigue dans lequel il se trouvait à son arrivée au Canada; et qu’il souffre à présent de stress, d’anxiété et de dépression majeure. En outre, l’auteur réaffirme qu’en cas de retour forcé vers le Tchad, il risquerait d’être arrêté, détenu, torturé et soumis à une exécution extrajudiciaire par les autorités tchadiennes.

Soumissions additionnelles de l’auteur

6.1Le 19 mars 2015, l’auteur a affirmé être en détresse psychologique, souffrir d’idées noires et vivre dans la réclusion la plus totale, vivant dans la clandestinité et effrayé à l’idée d’être arrêté et renvoyé au Tchad. L’auteur demande un traitement accéléré de sa communication par le Comité.

6.2Le 8 avril 2015, l’auteur a de nouveau attiré l’attention du Comité sur la dégradation de sa santé psychique et joint plusieurs lettres de soutien à sa cause.

Délibérations du Comité

Respect des mesures provisoires

7.Le Comité prend note de la position de l’État partie selon laquelle il dit avoir accepté de surseoir à l’exécution du renvoi de l’auteur, ainsi que son affirmation selon laquelle l’auteur aurait dû se présenter à l’aéroport suite à la convocation de l’ASFC en dépit du sursis de son renvoi. Le Comité demeure cependant préoccupé par la décisionde la Cour fédérale du Canada,adoptée le 4 juin 2014, qui a affirmé que le Canada n’était pas lié par les mesures provisoires adoptées par le Comité en faveur de l’auteur. Le Comité rappelle sa position constante, selon laquellel’inobservation des mesures provisoires est incompatible avec l’obligation de respecter de bonne foi la procédure d’examen des communications individuelles établie par le Protocole facultatif. En outre, le Comité rappelle à l’État partie que ses obligations au titre du Pacte et du Protocole facultatif s’imposent à l’État partie dans son ensemble, ce qui inclut toutes les branches de son gouvernement.

Examen de la recevabilité

8.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

8.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

8.3Le Comité note que l’auteur s’est prévalu de nombreux recours administratifs et judiciaires, et que rien ne s’oppose actuellement à son renvoi au Tchad. Par ailleurs, l’État partie n’a pas mis en cause le fait que les recours internes aient été épuisés. En conséquence, le Comité considère que les conditions énoncées au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif ont été remplies.

8.4En ce qui concerne le grief que l’auteur tire de l’article 2 du Pacte concernant la décision relative à son expulsion, le Comité rappelle que cette disposition ne peut être invoquée de façon indépendante et considère donc cette partie de la communication irrecevable au titre de l’article 2 du Protocole facultatif.

8.5Le Comité note également les griefs tirés de la violation alléguée de l’article 6, mais considère que l’auteur ne les a pas suffisamment étayés aux fins de la recevabilité. En conséquence, le Comité déclare également cette partie de la communication irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

8.6De la même manière, le Comité est d’avis que l’auteur n’a pas suffisamment étayé le grief tiré de l’article 13 du Pacte, aux fins de la recevabilité, concernant son allégation qu’il n’a pu faire valoir les raisons militant contre son expulsion et faire examiner son cas par une autorité compétente. Le Comité prend note de l’argumentation de l’État partie selon laquelle la procédure d’asile concernant l’auteur a été conduite conformément à la loi et que ce dernier a pu bénéficier de tous les recours prévus par la loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Le Comité relève que l’auteur a eu la possibilité de soumettre et de contester des moyens de preuve concernant son renvoi, et s’est prévalu de la possibilité, en droit interne, de faire réexaminer sa demande d’asile à plusieurs reprises par les autorités compétentes, comme la SPR et laCour fédérale, ainsi que les procédures administratives de l’examen des risques avant renvoi et de l’examen des considération humanitaires. Le Comité considère par conséquent que l’auteur n’a pas étayé, aux fins de la recevabilité, cette partie de sa communication qui doit donc être déclarée irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

8.7Le Comité note que l’État partie conteste la recevabilité de la communication au motif que l’auteur n’a pas étayé les griefs qu’il tire de l’article 7 du Pacte. Le Comité considère cependant que les arguments invoqués par l’État partie à l’appui de la non-recevabilité sont intimement liés au fond de l’affaire, et devraient donc être examinés à ce stade.

Examen au fond

9.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité a examiné la communication en tenant compte de toutes les informations que lui ont communiquées les parties.

9.2Le Comité prend note du grief de l’auteur qui affirme que son expulsion du Canada vers le Tchad l’exposerait à un risque de préjudice irréparable en violation de l’article 7 du Pacte. Il prend note de l’argument de l’État partie qui fait valoir que les allégations de l’auteur sont en grande partie à caractère spéculatif, que l’auteur a été débouté par les différentes instances canadiennes ayant entendu sa cause, en raison d’incohérences, de manque de crédibilité et d’un manque de preuve objective qui établirait qu’il encourt un tel risque.

9.3Le Comité considère qu’il convient de tenir compte de l’obligation qui incombe à l’État partie en vertu du paragraphe 1 de l’article 2 du Pacte de garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa compétence les droits reconnus dans le Pacte, y compris dans l’application des procédures d’expulsion de non-nationaux. Il rappelle également l’obligation qui est faite aux États parties de ne pas extrader, déplacer ou expulser une personne de leur territoire ou la transférer par d’autres moyens si cette mesure a pour conséquence nécessaire et prévisible d’exposer la personne concernée à un risque réel de préjudice irréparable, tel que les traitements visés à l’article 7 du Pacte, que ce soit dans le pays vers lequel doit être effectué le renvoi ou dans tout autre pays vers lequel la personne pourrait être renvoyée par la suite. Le Comité a établi qu’un tel risque doit être personnel et qu’il faut des motifs sérieux de conclure à l’existence d’un risque réel de préjudice irréparable. C’est pourquoi tous les faits et circonstances pertinents doivent être pris en considération, notamment la situation générale des droits de l’homme dans le pays d’origine de l’auteur.

9.4Le Comité rappelle sa jurisprudence et réaffirme que c’est généralement aux juridictions d’appel des États parties au Pacte qu’il appartient d’apprécier les faits et les éléments de preuve dans un cas d’espèce, sauf s’il peut être établi que cette appréciation a été manifestement arbitraire ou a représenté un déni de justice.

9.5Le Comité constate que la demande de statut de réfugié présentée par l’auteur a été soigneusement évaluée par les autorités de l’État partie, qui ont conclu que les déclarations de l’auteur concernant le motif de sa demande et le compte rendu des événements qui étaient à l’origine de sa fuite du Tchad n’étaient pas crédibles. La SPR a jugé non crédible le témoignage de l’auteur, notamment eu égard à la présentation d’une carte de membre de l’Association pour la promotion des libertésfondamentales au Tchad qu’elle a évalué comme étant un faux. L’auteur n’a fourni aucune explication à cet égard, mis à part sa référence à des « contradictions » dans son témoignage lors de son arrivée au Canada (par. 5.2). En outre, la SPR a relevé une contradiction majeure dans le récit de l’auteur, qui a dans un premier temps affirmé n’avoir jamais été arrêté, accusé ou détenu, puis est revenu sur ces allégations en soutenant, comme il l’a fait devant le Comité, qu’il avait été arrêté puis détenu quatre jours durant en mars 2008 par des agents de l’Agence nationale de sécurité. En outre, ses allégations selon lesquelles il serait toujours recherché aujourd’hui par les agents qui l’auraient libéré en 2008 ont été jugées invraisemblables.

9.6Le Comité ne voit pas de raison de contester les conclusions de l’État partie, l’auteur n’ayant pas mis en évidence une irrégularité quelconque dans le processus de prise de décisions, ni un facteur de risque qui n’aurait pas été suffisamment pris en compte par les autorités de l’État partie. L’auteur n’a pas pu démontrer que les décisions adoptées dans son cas aient été manifestement déraisonnables, ou teintées d’irrégularité ou d’arbitraire. En outre, le Comité est d’avis que les nombreuses preuves documentaires et témoignages que l’auteur a présentés, tant devant les juridictions nationales que devant le Comité, s’ils dénotent indubitablement une situation préoccupante au Tchad, n’ont pour autant pas mis en évidence un risque personnel, ni des motifs sérieux de conclure à l’existence d’un risque réel de préjudice irréparable à son égard en cas de renvoi forcé vers le Tchad.

9.7Le Comité conclut donc que l’expulsion de l’auteur vers le Tchad ne constituerait pas une violation de l’article 7 du Pacte.

10.Le Comité, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte, constate que le renvoi de l’auteur au Tchad ne constituerait pas une violation de ses droits garantis par l’article 7 du Pacte.