Nations Unies

CCPR/C/113/D/1949/2010

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

7 mai 2015

Français

Original: anglais

Comité des droits de l ’ homme

Communication no 1949/2010

Constatations adoptées par le Comité à sa 113e session(16 mars-2 avril 2015)

Communication présentée par:

Pavel Kozlov et consorts(représentés par un conseil, Raman Kisliak)

Au nom de:

Les auteurs

État partie:

Bélarus

Date de la communication:

15 mars 2010 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application des articles 92 et 97 du règlement intérieur, communiquéeà l’État partie le 18 mai 2010(non publiée sous forme de document)

Date des constatations:

25 mars 2015

Objet:

Refus d’autoriser une manifestation

Question(s) de procédure:

Recevabilité (défaut manifeste de fondement); faits et preuves

Question(s) de fond:

Procès équitable; liberté d’expression; liberté de réunion; discrimination fondée sur l’opinion politique ou autre

Article(s) du Pacte:

14 (par. 1), 19 (par. 2), 21 et 26

Article(s) du Protocole facultatif:

2

Annexe

Constatations du Comité des droits de l’homme au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatifaux droits civils et politiques (113e session)

concernant la

Communication no 1949/2010 *

Présentée par:

Pavel Kozlov et consorts(représentés par un conseil, Raman Kisliak)

Au nom de:

Les auteurs

État partie:

Bélarus

Date de la communication:

15 mars 2010 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 25mars 2015,

Ayant achevé l’examen de la communication no 1949/2010,présentée par Pavel Kozlov, Valery Ilyash, Sergei Pstyga, Marat Brashko and Raman Kisliak en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par les auteurs de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5du Protocole facultatif

1.Les auteurs de la communication sont Pavel Kozlov, né en 1936, Valery Ilyash, né en 1951, Sergei Pstyga, né en 1976, Marat Brashko, né en 1970, et Raman Kisliak, né en 1975, tous de nationalité bélarussienne. Ils affirment être victimes de violations par le Bélarus des droits qu’ils tiennent des articles 14 (par. 1), 19 (par. 2), 21 et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Raman Kisliak présente la communication en son nom propre et en qualité de conseil pour les quatre autres auteurs.

Rappel des faits présentés par les auteurs

2.1Le 28 août 2009, Pavel Kozlov, le premier auteur, a demandé au Comité exécutif de la ville de Brest l’autorisation de tenir un piquet «contre l’indifférence des agents de l’État» le 27 septembre 2009, pour appeler l’attention de la population sur l’indifférence des agents de l’État à l’égard des requêtes émanant de citoyens et sur la violation systématique par des agents de l’État de la loi relative aux requêtes. Il précisait dans sa demande que cinq personnes (les auteurs de la présente communication) tiendraient le piquet et que le lieu envisagé était la zone piétonnière de la rue Gogol à Brest.

2.2Le 16 septembre 2009, M. Kozlov a reçu une lettre du Comité exécutif de la ville de Brest, datée du 14 septembre 2009 et signée par son Vice-Président, l’informant que l’autorisation de tenir le piquet à l’endroit indiqué était refusée. Cette lettre renvoyait à la décision no 1715 du Comité exécutif de la ville de Brest datée du 25 octobre 2006 («Concernant la désignation d’un lieu unique pour l’organisation des rassemblements publics à Brest»), en vertu de laquelle les rassemblements publics ne peuvent avoir lieu que dans un endroit précis à Brest, à savoir le complexe sportif Lokomotive. Il était indiqué en outre que la demande du premier auteur était rejetée sur le fondement de l’article 6 de la loi relative aux manifestations publiques dans la République du Bélarus.

2.3Le 15 octobre 2009, les auteurs ont contesté devant le tribunal du district Lénine de Brest la décision du Vice-Président du Comité exécutif de la ville de Brest datée du 14 septembre 2009, affirmant que cette décision violait leur droit à la liberté d’expression et constituait une discrimination fondée sur leurs opinions. Le tribunal du district Lénine de Brest a tenu les 6 et 9 novembre 2009 des audiences publiques au cours desquelles les auteurs ont demandé que les responsables du Comité exécutif de la ville de Brest soient cités comme témoins. Le tribunal a refusé, affirmant que le Comité exécutif était représenté de manière appropriée. Les auteurs ont été déboutés de leur appel le 9 novembre 2009.

2.4Le 19 novembre 2009, les auteurs ont formé auprès de la chambre judiciaire des affaires civiles du tribunal régional de Brest un recours en annulation contestant la décision du tribunal du district Lénine de Brest. Le 24 décembre 2009, la chambre judiciaire des affaires civiles du tribunal régional de Brest a annulé la décision rendue par le tribunal du district Lénine de Brest le 9 novembre 2009, «sans procéder à l’examen» du recours formé par les auteurs contre la décision du Vice-Président du Comité exécutif de la ville de Brest datée du 14 septembre 2009, au motif que les auteurs n’avaient pas «suivi la procédure extrajudiciaire préalable requise dans ce type d’affaires».

2.5Le 20 janvier 2010, le Président du tribunal régional de Brest a saisi le Présidium du tribunal régional de Brest d’une protestation contre la décision rendue par la chambre judiciaire des affaires civiles du tribunal régional de Brest le 24 décembre 2009. Le 27 janvier 2010, le Présidium du tribunal régional de Brest a annulé la décision rendue par la chambre judiciaire des affaires civiles du tribunal régional de Brest le 24 décembre 2009 et a ordonné un nouvel examen du recours en annulation formé par les auteurs le 19 novembre 2009.

2.6Le 18 février 2010, la chambre judiciaire des affaires civiles du tribunal régional de Brest a examiné puis rejeté le recours en annulation formé par les auteurs le 19 novembre 2009, déclarant que le refus opposé à leur demande d’autorisation de tenir un piquet était légal et fondé sur la décision no 1715 du Comité exécutif de la ville de Brest datée du 25 octobre 2006 (voir plus haut par. 2.2) et sur la loi relative aux manifestations publiques dans la République du Bélarus. Les auteurs affirment qu’ils ont épuisé tous les recours internes disponibles et utiles.

Teneur de la plainte

3.1Les auteurs se déclarent victimes de violations par le Bélarus des droits qu’ils tiennent des articles 14 (par. 1), 19 (par. 2), 21 et 26 du Pacte international relatifs aux droits civils et politiques.

3.2Les auteurs affirment que leur liberté d’expression a été restreinte arbitrairement, parce que ni le Vice-Président du Comité exécutif de la ville de Brest, ni les tribunaux n’ont avancé, dans leurs décisions, d’autre raison que l’application automatique de la décision no 1715 du Comité exécutif pour justifier le refus opposé à leur demande. Ils font valoir que cette restriction n’était pas justifiée par des raisons de sécurité nationale, de sûreté publique, d’ordre public ou de protection de la santé ou de la moralité publiques, et qu’elle n’était pas non plus nécessaire à la protection des droits et des libertés d’autrui, de sorte qu’elle était contraire à l’article 19 du Pacte. Ils affirment que la restriction imposée aux 300 000 habitants de Brest du fait que les rassemblements publics doivent être organisés dans un lieu unique, qui plus est un stade éloigné du centre-ville et entouré de murs de béton, a pour effet de déplacer toutes les manifestations à l’extérieur de l’espace public général et empêche dans la pratique de mener toute action publique, ce qui porte atteinte à la liberté d’expression.

3.3Les auteurs affirment en outre que le refus de les autoriser à tenir leur piquet dans un autre lieu que celui désigné dans la décision no 1715 du Comité exécutif de la ville de Brest constitue une discrimination fondée sur leurs opinions, contraire à l’article 26 du Pacte, puisque le Comité exécutif a autorisé à de nombreuses reprises des manifestations en dehors du lieu officiellement désigné. Ils donnent des informations sur six manifestations publiques qui se sont tenues en d’autres lieux que celui désigné, avec l’autorisation du Comité exécutif de la ville de Brest.

3.4Les auteurs affirment également avoir été privés de leur droit à un procès équitable parce que les tribunaux ont refusé de citer des témoins clefs qu’ils souhaitaient interroger et ont aussi refusé de demander des éléments supplémentaires au Comité exécutif de la ville de Brest et de procéder à un examen in situ du complexe sportif Lokomotive. Les auteurs soutiennent en outre que les tribunaux n’ont pas été impartiaux lorsqu’ils ont examiné leur affaire, en violation de l’article 14 (par. 1) du Pacte.

3.5Les auteurs affirment que les restrictions imposées à leur droit de réunion pacifique constituent une violation de l’article 21 du Pacte, car elles ne sont pas autorisées par la Constitution du Bélarus, ni nécessaires dans une société démocratique.

Défaut de coopération de l’État partie

4.Dans une note verbale datée du 25 janvier 2012, l’État partie a rappelé qu’en adhérant au Protocole facultatif il avait reconnu la compétence du Comité en vertu de l’article premier de ce texte pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers relevant de sa juridiction qui se déclarent victimes d’une violation d’un des droits énoncés dans le Pacte. Il fait observer cependant que cette compétence est reconnue pour autant que soient appliquées les autres dispositions pertinentes du Protocole facultatif, notamment celles qui énoncent les conditions à remplir par les auteurs des communications et les critères de recevabilité, en particulier les articles 2 et 5. L’État partie maintient que le Protocole facultatif ne fait pas obligation aux États parties d’accepter le règlement intérieur du Comité ni l’interprétation que fait celui-ci des dispositions du Protocole, interprétation qui ne pourrait être efficace que si elle était faite conformément à la Convention de Vienne sur le droit des traités. Il fait valoir qu’en ce qui concerne la procédure d’examen des communications, les États parties doivent s’appuyer en premier lieu sur les dispositions du Protocole facultatif et que la pratique bien établie du Comité, ses méthodes de travail et sa jurisprudence, auxquelles celui-ci renvoie, ne relèvent pas du Protocole facultatif. Il ajoute qu’il considérera toute communication enregistrée en violation des dispositions du Protocole facultatif comme incompatible avec celui-ci et la rejettera sans faire d’observations sur la recevabilité ou sur le fond, et que les décisions prises par le Comité au sujet de communications ainsi rejetées seront réputées «non valides» pour ses autorités. Il considère que la présente communication et plusieurs autres communications dont le Comité a été saisi ont été enregistrées en violation du Protocole facultatif.

Délibérations du Comité

Absence de coopération de l’État partie

5.1Le Comité prend note des observations de l’État partie, qui objecte qu’il n’existe pas de fondement juridique à l’examen de la communication présentée par les auteurs du fait que celle-ci, selon lui, a été enregistrée en violation des dispositions du Protocole facultatif, qui soutient qu’il n’est pas tenu de reconnaître le règlement intérieur du Comité et l’interprétation faite par le Comité des dispositions du Protocole facultatif, et qui indique que toute décision prise par le Comité relativement à la présente communication sera considérée par ses autorités comme «non valide».

5.2Le Comité rappelle que l’article 39 (par. 2) du Pacte l’autorise à établir son propre règlement intérieur, que les États parties ont accepté de reconnaître. Il fait en outre observer que tout État partie au Pacte qui adhère au Protocole facultatif reconnaît que le Comité a compétence pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers qui se déclarent victimes d’une violation de l’un quelconque des droits énoncés dans le Pacte (préambule et art. 1er). En adhérant au Protocole facultatif, les États s’engagent implicitement à coopérer de bonne foi avec le Comité pour lui permettre et lui donner les moyens d’examiner les communications qui lui sont soumises et, après l’examen, de faire part de ses constatations à l’État partie et au particulier concernés (art. 5, par. 1 et 4). Pour un État partie l’adoption d’une mesure, quelle qu’elle soit, qui empêche le Comité de prendre connaissance d’une communication, d’en mener l’examen à bonne fin et de faire part de ses constatations est incompatible avec ses obligations. C’est au Comité qu’il appartient de déterminer si une communication doit être enregistrée. Le Comité relève qu’en n’acceptant pas sa décision relative à l’opportunité d’enregistrer une communication et en déclarant à l’avance qu’il n’acceptera pas la décision du Comité concernant la recevabilité et le fond de cette communication, l’État partie viole les obligations qui lui incombent au titre de l’article premier du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3Le Comité prend note du grief des auteurs qui affirment que les droits qu’ils tiennent de l’article 14 du Pacte ont été violés parce que les tribunaux de l’État partie n’étaient pas impartiaux et avaient refusé de citer des témoins clefs qu’eux-mêmes souhaitaient interroger, et refusé également de demander des éléments supplémentaires au Comité exécutif de la ville de Brest et de procéder à un examen in situ du complexe sportif Lokomotive. Le Comité constate que les auteurs n’ont pas démontré de manière précise en quoi ces refus avaient compromis l’équité de la procédure, et conclut par conséquent qu’ils n’ont pas suffisamment étayé, aux fins de la recevabilité, le grief qu’ils soulèvent au titre de l’article 14 (par. 1) du Pacte. Il considère donc que cette partie de la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.4En ce qui concerne le grief de violation de l’article 26 du Pacte, en l’absence, dans le dossier, d’informations utiles supplémentaires, le Comité conclut que les auteurs n’ont pas suffisamment étayé leur plainte aux fins de la recevabilité, car ils n’ont pas montré que la décision de ne pas les autoriser à organiser un rassemblement avait un caractère discriminatoire. Les éléments soumis ne permettent pas d’établir clairement si les opinions politiques des auteurs ont, comme ils l’affirment, motivé la décision des autorités de ne pas autoriser le rassemblement à l’endroit souhaité. Le Comité déclare par conséquent que cette partie de la communication est également irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.5Enfin, le Comité considère que les auteurs ont suffisamment étayé, aux fins de la recevabilité, les autres griefs, qui soulèvent des questions au regard des articles 19 (par. 2) et 21 du Pacte. Il déclare donc cette partie de la communication recevable et procède à son examen quant au fond.

Examen au fond

7.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par les parties.

7.2Le Comité prend note du grief des auteurs qui affirment que leur liberté d’expression et leur liberté de réunion ont été arbitrairement restreintes, étant donné que ni le Vice-Président du Comité exécutif de la ville de Brest ni les juridictions nationales n’ont avancé dans leurs décisions, pour justifier le refus opposé à la demande des auteurs d’organiser un piquet, d’autre raison que l’application automatique de la décision no 1715 du 25 octobre 2006 par laquelle le Comité exécutif a désigné un complexe sportif éloigné du centre-ville comme lieu habituel des rassemblements publics à Brest. À l’appui de leur grief, les auteurs font valoir que la restriction imposée aux 300 000 habitants de Brest du fait que les rassemblements publics doivent être organisés dans un lieu unique, qui plus est un stade éloigné du centre-ville et entouré de murs de béton, a pour effet de déplacer toutes les manifestations publiques à l’extérieur de l’espace public général et empêche dans la pratique de mener toute action publique, ce qui porte atteinte à la liberté d’expression; les auteurs ajoutent que cette restriction n’était nécessaire pour aucun des motifs prévus à l’article 19 (par. 2) du Pacte, et que leur droit de se réunir pacifiquement a été restreint en violation de l’article 21 du Pacte, car la restriction imposée n’était pas nécessaire dans une société démocratique.

7.3Le Comité note en outre que dans la décision no 1715 du Comité exécutif de la ville de Brest désignant un stade comme lieu unique de rassemblements publics (à l’exception des manifestations et défilés de rue), ainsi que dans les décisions ultérieures des juridictions nationales concluant que la restriction imposée aux auteurs était conforme à la loi relative aux manifestations publiques dans la République du Bélarus et à la Constitution du Bélarus, aucun motif n’est avancé pour justifier la restriction imposée. Il prend note en particulier de la décision rendue le 18 février 2010 par la chambre judiciaire des affaires civiles du tribunal régional de Brest, par laquelle celle-ci a conclu que le refus d’autoriser les auteurs à organiser un piquet à l’endroit demandé était conforme à la loi car fondé sur la décision no 1715, en vertu de laquelle les manifestations de masse, y compris les piquets (c’est-à-dire la possibilité de se rassembler en un lieu précis pour soutenir ou contester une cause, avec ou sans documents d’information), ne peuvent avoir lieu qu’au stade Lokomotive.

7.4Le Comité rappelle que le droit de réunion pacifique, garanti par l’article 21 du Pacte, est un droit de l’homme fondamental, qui est essentiel à l’expression publique des points de vue et opinions de chacun et indispensable dans une société démocratique. Ce droit suppose notamment la possibilité d’organiser une réunion pacifique, y compris sous une forme fixe (comme un piquet) dans un lieu public, et d’y participer. Les organisateurs d’une réunion ont, en règle générale, le droit de choisir un lieu qui soit à portée de vue et d’ouïe du public ciblé, et l’exercice de ce droit ne peut faire l’objet que des seules restrictions a) imposées conformément à la loi et b) qui sont nécessaires dans une société démocratique, dans l’intérêt de la sécurité nationale ou de la sûreté publique, de l’ordre public ou pour protéger la santé ou la moralité publiques ou les droits et les libertés d’autrui. Lorsqu’ils imposent des restrictions au droit de réunion des particuliers afin de concilier ce droit avec l’intérêt général, les États parties doivent chercher à faciliter l’exercice de ce droit et non s’employer à le restreindre par des moyens qui ne sont ni nécessaires ni proportionnés. L’État partie est donc tenu de justifier la limitation du droit garanti à l’article 21 du Pacte.

7.5En l’espèce, les auteurs avaient choisi de tenir un piquet dans une zone piétonnière de la ville de Brest, le 27 septembre 2009, dans le but d’appeler l’attention de la population sur la violation systématique, selon eux, de la loi relative aux requêtes par des agents de l’État, mais leur demande a été rejetée. Dans ces circonstances et en l’absence d’explication de la part de l’État partie, le Comité considère que la décision des autorités de dénier aux auteurs le droit de se réunir pacifiquement dans le lieu public de leur choix était injustifiée. Il fait également observer, au vu des éléments figurant dans le dossier, que dans leurs réponses aux auteurs les autorités n’ont pas démontré en quoi la tenue d’un piquet à l’endroit demandé compromettrait la sécurité nationale, la sûreté publique ou l’ordre public, la sauvegarde de la santé ou la moralité publiques, ou les droits et les libertés d’autrui. Il note que l’interdiction de fait de se réunir dans les lieux publics de toute la ville de Brest à l’exception du stade Lokomotive limite indûment le droit à la liberté de réunion. Il en conclut que le droit que les auteurs tiennent de l’article 21 du Pacte a été violé.

7.6Le Comité relève que les auteurs affirment que l’interdiction de tenir un piquet les a également empêchés de répandre des informations, en violation de l’article 19. Il rappelle que la liberté d’opinion et la liberté d’expression constituent le fondement de toute société libre et démocratique. Les restrictions à l’exercice de ces libertés doivent répondre aux critères stricts de la nécessité et de la proportionnalité et «être appliquées exclusivement aux fins pour lesquelles elles ont été prescrites et [être] en rapport direct avec l’objectif spécifique qui les inspire». En l’absence de toute explication de la part de l’État partie et pour les raisons, mutatis mutandis, exposées au paragraphe 7.5 ci-dessus, le Comité conclut qu’il y a eu violation des dispositions du paragraphe 2 de l’article 19.

8.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, constate que les faits dont il est saisi font apparaître une violation par l’État partie du paragraphe 2 de l’article 19 et de l’article 21 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

9.En vertu du paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer aux auteurs un recours utile, y compris sous la forme du remboursement des frais de justice qu’ils ont engagés, ainsi qu’une indemnisation. Afin de garantir l’exercice sans réserve des droits consacrés par les articles 19 et 21 du Pacte sur son territoire, il devrait également revoir les dispositions de sa législation qui ont été appliquées en l’espèce. Il est en outre tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas.

10.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif l’État partie a reconnu que le Comité a compétence pour déterminer s’il y a ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet aux présentes constatations. L’État partie est invité en outre à rendre celles-ci publiques et à les diffuser largement en biélorusse et en russe.