Présentée par:

Franz Wallmann et consorts (représentés par Alexander H. E. Morawa)

Au nom de:

Les auteurs

État partie:

Autriche

Date de la communication:

2 février 2001 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial conformément à l’article 91 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 30 juillet 2001 (non publiée sous forme de document)

Date de l’adoption des constatations:

1er avril 2004

Le 1er avril 2004, le Comité des droits de l’homme a adopté ses constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif concernant la communication no 1002/2001. Le texte des constatations figure en annexe au présent document.

[ANNEXE]

ANNEXE

CONSTATATIONS DU COMITÉ DES DROITS DE L’ HOMME AU TITRE DU PARAGRAPHE 4 DE L’ ARTICLE  5 DU PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX

DROITS CIVILS ET POLITIQUES

Quatre ‑vingtième session

concernant la

Communication n o  1002/2001 **

Présentée par:

Franz Wallmann et consorts (représentés par Alexander H. E. Morawa)

Au nom de:

Les auteurs

État partie:

Autriche

Date de la communication:

2 février 2001 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 1er avril 2004,

Ayant achevé l’examen de la communication no 1002/2001, présentée au nom de M. Franz Wallmann et consorts en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par les auteurs de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif

1.Les auteurs de la communication sont M. Franz Wallmann (premier auteur) et sa femme, Mme Rusella Wallmann (deuxième auteur), tous deux de nationalité autrichienne, ainsi que l’«Hotel zum Hirschen Josef Wallmann KG» (troisième auteur), société en commandite à responsabilité limitée, représenté par M. et Mme Wallmann aux fins de la présente communication. Les auteurs affirment être victimes de violations par l’Autriche du paragraphe 1 de l’article 22 du Pacte. Ils sont représentés par un conseil.

Rappel des faits présentés par les auteurs

2.1Le premier auteur est le directeur d’un hôtel à Salzbourg, l’«Hotel zum Hirschen», société en commandite (Kommanditgesellschaft ) qui est le troisième auteur. Jusqu’en décembre 1999, le premier auteur et M. Josef Wallmann étaient les commanditaires de cette société, le commandité étant la «Wallmann Gesellschaft mit beschränkter Haftung», société à responsabilité limitée (Gesellschaft mit beschränkter Haftung). Depuis décembre 1999, date à laquelle le premier auteur et Josef Wallmann ont quitté la société en commandite, le deuxième auteur détient 100 % des parts de la société à responsabilité limitée et tient lieu de commanditaire détenant 100 % des parts de la société en commandite.

2.2L’«Hotel zum Hirschen Josef Wallmann», société en commandite (Kommanditgesellschaft)– ci‑après désigné comme le troisième auteur – est membre obligatoire de la section régionale de Salzbourg de la Chambre de commerce autrichienne (Landeskammer Salzburg), comme l’exige le paragraphe 2 de l’article 3 de la loi sur la Chambre de commerce (Handelskammergesetz). Le 26 juin 1996, la Chambre régionale a exigé de la société en commandite qu’elle verse sa cotisation (Grundumlage) pour 1996, d’un montant de 10 230 schillings autrichiens.

2.3Le 3 juillet 1996, le premier auteur a introduit au nom du troisième auteur un recours auprès de la Chambre fédérale de commerce (Wirtschaftskammer Österreich), invoquant une violation de son droit à la liberté d’association protégé par la Constitution autrichienne (Bundesverfassungsgesetz) et la Convention européenne des droits de l’homme. Le 9 janvier 1997, la Chambre de commerce fédérale a rejeté ce recours.

2.4Le premier auteur a alors déposé auprès de la Cour constitutionnelle autrichienne (Verfassungsgerichtshof) une plainte constitutionnelle. Celle‑ci l’a déclarée le 28 novembre 1997 irrecevable parce qu’elle n’avait aucune chance d’aboutir au vu de la jurisprudence de la Cour concernant le statut de membre obligatoire de la Chambre de commerce et a renvoyé l’affaire à la Cour suprême administrative (Verwaltungsgerichtshof) pour qu’elle revoie le calcul des droits d’adhésion annuels. En conséquence la Cour n’a pas examiné la question du statut de membre obligatoire du troisième auteur.

2.5Le 3 juillet 1998, le premier auteur a adressé une requête à la Commission européenne des droits de l’homme (Commission européenne), se plaignant d’une violation de droits qui lui sont reconnus au paragraphe 1 de l’article 6 (droit à ce qu’il soit équitablement statué sur ses droits et obligations de caractère civil), de l’article 10 (liberté d’expression), de l’article 11 (liberté d’association) et de l’article 13 (droit à un recours effectif) de la Convention européenne des droits de l’homme. Dans une lettre datée du 10 juillet 1998, le secrétariat de la Commission européenne a informé le premier auteur de ses craintes quant à la recevabilité de sa requête, lui faisant savoir que, selon la jurisprudence de la Commission, le statut de membre dans une chambre de commerce n’était pas couvert par le droit à la liberté d’association, car les chambres de commerce ne pouvaient être considérées comme des associations au sens de l’article 11 de la Convention européenne. Qui plus est, l’article 6 de la Convention ne s’appliquait pas aux procédures internes concernant la perception d’impôts et de droits. La requête de l’auteur serait donc inévitablement déclarée irrecevable par la Commission. En l’absence d’autres observations de la part de l’auteur, ladite requête ne pouvait être ni enregistrée ni communiquée à la Commission.

2.6Dans une lettre datée du 22 juillet 1998, le premier auteur a répondu au secrétariat de la Commission, exposant ses arguments en faveur de l’enregistrement de sa requête. Le 11 août 1998, le secrétariat a informé l’auteur que sa requête avait été enregistrée. Par suite de l’entrée en vigueur du Protocole no 11 de la Convention européenne, le 1er novembre 1998, la requête de l’auteur a été transférée à la Cour européenne des droits de l’homme. Le 31 octobre 2000, un collège de trois juges de la Cour a déclaré la requête irrecevable en vertu du paragraphe 4 de l’article 35 de la Convention, notant «que le requérant avait été informé des obstacles potentiels à la recevabilité de sa requête» et statuant que les plaintes formulées par l’auteur ne faisaient apparaître «aucune violation des droits et libertés consacrés par la Convention ou ses protocoles».

2.7Le 13 octobre 1998 et le 16 décembre 1999, la Chambre de commerce fédérale a rejeté les recours du troisième auteur contre les décisions de la Chambre régionale de Salzbourg, spécifiant le montant des droits d’adhésion pour 1998 et 1999. Il n’a pas été déposé de requête constitutionnelle contre ces décisions.

Teneur de la plainte

3.1Les auteurs affirment être victimes d’une violation du paragraphe 1 de l’article 22 du Pacte parce que l’adhésion obligatoire du troisième auteur à la Chambre de commerce régionale, s’ajoutant à l’obligation de s’acquitter de droits d’adhésion annuels, constitue une atteinte à leur droit à la liberté d’association, y compris leur droit de fonder une autre association ou d’adhérer à une autre association à des fins commerciales similaires.

3.2Les auteurs font valoir que l’applicabilité de l’article 22 à la question de l’adhésion obligatoire aux Chambres de commerce fédérale et régionale autrichiennes doit être déterminée en fonction des normes internationales. La qualification des chambres d’organismes de droit public en vertu de la législation autrichienne ne rend pas compte de leur véritable statut dès lors que les Chambres: 1) représentent les intérêts des entreprises qui y adhèrent plutôt que l’intérêt public, 2) se livrent à un vaste éventail d’activités économiques à but lucratif, 3) aident leurs membres à établir des contacts commerciaux, 4) n’exercent pas de pouvoirs disciplinaires à l’égard de ces derniers et 5) n’ont pas la qualité d’organismes professionnels d’utilité publique puisque leur but est limité à «des activités commerciales». Les auteurs font valoir que l’article 22 du Pacte est applicable aux chambres car elles exercent les fonctions d’un organisme privé défendant ses propres intérêts économiques.

3.3Les auteurs affirment que même si les chambres doivent être considérées comme des organismes de droit public, la charge financière que doivent supporter leurs membres du fait des droits d’adhésion annuels qui sont perçus empêche en fait lesdits membres de créer des associations entre eux à l’extérieur, étant donné que l’on ne peut raisonnablement s’attendre à ce que des hommes d’affaires s’acquittent d’autres cotisations, en sus des droits d’adhésion annuels perçus par les chambres, pour financer d’autres associations privées destinées à promouvoir leurs intérêts économiques. Les droits d’adhésion annuels ont pour effet − et sont fixés dans le but – d’interdire de facto l’exercice du droit de libre association en dehors des chambres.

3.4Pour les auteurs, le système d’adhésion obligatoire ne constitue pas une restriction nécessaire visant à promouvoir un intérêt public légitime, au sens du paragraphe 2 de l’article 22 du Pacte. Ce type d’adhésion obligatoire est sans équivalent dans la plupart des autres États européens.

3.5Pour ce qui est de la réserve de l’Autriche au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, les auteurs affirment que, si on en prend le texte à la lettre, la même affaire n’a pas été examinée par la «Commission européenne des droits de l’homme», dès lors que la première requête des auteurs à la Commission avait été rejetée par la Cour européenne des droits de l’homme sans qu’elle soit examinée quant au fond, notamment en ce qui concerne les questions de savoir si la Chambre de commerce autrichienne peut être qualifiée d’«association» et si l’adhésion obligatoire à cet organisme n’empêche pas les personnes d’exercer leur droit à la liberté d’association à l’extérieur. Le fait que le secrétariat de la Cour européenne n’ait pas informé l’auteur des problèmes soulevés par la question de la recevabilité de sa requête l’a privé de son droit de choisir son for en déchargeant la Cour européenne de sa requête et en la présentant au Comité. Quant au fait qu’il a déjà reçu une lettre du secrétariat de la Commission en juillet 1998, il est jugé sans objet parce que cette lettre a précédé l’enregistrement de sa requête et parce que la jurisprudence de la Cour a entre‑temps évolué.

Observations de l’ État partie sur la recevabilité

4.1Le 26 septembre 2001, l’État partie a formulé ses observations sur la recevabilité de la communication. Il considère, en ce qui concerne le premier auteur, qu’en vertu du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif lu conjointement avec la réserve correspondante de l’Autriche, le Comité n’est pas compétent pour examiner l’affaire.

4.2L’État partie estime que la réserve est applicable à la communication parce que le premier auteur a déjà soumis la même affaire à la Commission européenne des droits de l’homme, dont le secrétariat l’a informé de ses craintes quant à la recevabilité de sa requête, concluant qu’elle serait probablement déclarée irrecevable. Comme le secrétariat n’a pas soulevé uniquement des questions de forme dans sa lettre au premier auteur – puisqu’il mentionne plusieurs précédents puisés de la jurisprudence de la Commission – la Commission européenne a procédé à un examen de la requête quant au fond et a par conséquent «examiné» la même affaire.

4.3En outre, la Cour européenne, dans sa décision du 31 octobre 2000, a déclaré qu’elle «avait examiné la requête». Le fait qu’elle ait fini par la rejeter comme irrecevable ne préjuge pas de la présente décision puisque la requête n’avait pas été rejetée pour les motifs de forme visés aux paragraphes 1 et 2 de l’article 35 de la Convention. Au contraire, la conclusion de la Cour selon laquelle la plainte de l’auteur «ne fait apparaître aucune violation des droits et libertés énoncés dans la Convention ou ses protocoles» montre clairement que l’examen de la Cour a inclus «une analyse approfondie du fond de l’affaire». La requête a donc été rejetée quant au fond conformément au paragraphe 4 de l’article 35 de la Convention, comme manifestement infondée.

4.4Pour l’État partie, l’applicabilité de la réserve n’est pas entravée par le fait qu’il soit fait explicitement référence à la Commission européenne des droits de l’homme. Même si la requête de l’auteur a été finalement rejetée non pas par la Commission européenne, mais par la Cour européenne, la Cour a assumé les fonctions de la Commission après l’entrée en vigueur du Protocole no 11, le 1er novembre 1998, date à laquelle toutes les affaires dont était saisie auparavant la Commission lui ont été transférées. La nouvelle juridiction doit donc être considérée comme le successeur de la Commission.

4.5Enfin, l’État partie fait valoir que le fait que la Cour européenne n’ait pas informé le premier auteur de son intention de rejeter son application n’empêche pas la réserve de l’Autriche d’être applicable en l’espèce.

Commentaires des auteurs

5.1Dans une lettre datée du 15 octobre 2001, le premier auteur a modifié la communication de façon à y inclure sa femme et l’«Hotel zum Hirschen Josef Wallmann KG» en tant qu’auteurs additionnels.

5.2En réponse aux observations de l’État partie concernant la recevabilité, les auteurs affirment que des réserves autorisées et dûment acceptées aux instruments internationaux deviennent partie intégrante de ces instruments et doivent donc être interprétées conformément aux règles aux articles 31 et 32 de la Convention de Vienne sur le droit des traités. Comme il ressort clairement du sens ordinaire du libellé de la réserve de l’Autriche qu’il y est fait référence à un examen par la Cour européenne des droits de l’homme, il ne subsiste aucune possibilité d’interprétation fondée sur son contexte ou son but et son objet, sans parler des autres moyens d’interprétation des instruments visés à l’article 32 de la Convention de Vienne (travauxpréparatoires et circonstances de l’adoption de l’instrument). Le sens ordinaire du texte de la réserve étant également clair pour ce qui est d’exiger que la même question «n’ait pas été examinée» par la Commission européenne, le simple fait que le premier auteur ait présenté4 une requête à la Commission ne permet pas de conclure que la réserve est inapplicable à la présente communication.

5.3Les auteurs rappellent que la requête n’a jamais été «examinée» par la Commission européenne, puisque la lettre du secrétariat en date du 10 juillet 1998, informant le premier auteur de certaines craintes au sujet de la recevabilité, a été envoyée à un moment où la requête n’avait été ni enregistrée ni portée à l’attention de la Commission. De même, la Commission n’a jamais examiné la requête après son enregistrement en raison de son transfert à la nouvelle Cour européenne, après l’entrée en vigueur du Protocole no 11.

5.4Les auteurs rejettent l’argument de l’État partie selon lequel la nouvelle Cour européenne a simplement remplacé la Commission européenne et que la réserve de l’Autriche, en dépit de son libellé, devrait couvrir les situations dans lesquelles la même affaire a été examinée par la nouvelle Cour, au motif que les compétences de cette nouvelle juridiction sont plus larges que celles de la Commission.

5.5Qui plus est, les auteurs affirment que, quoi qu’il en soit, il ressort de la référence faite dans la décision de la Cour européenne à la lettre du secrétariat datée du 10 juillet 1998 que la Cour avait rejeté la requête comme irrecevable ratione materiae au regard de l’article 11 de la Convention, ce qui ne peut toutefois être considéré comme un examen au sens de la réserve de l’Autriche, au vu de la jurisprudence du Comité.

5.6Les auteurs rappellent que la réserve de l’Autriche au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif est le seul texte qui mentionne expressément la «Commission européenne des droits de l’homme» au lieu d’une «autre procédure internationale d’enquête ou de règlement». Le but visé par ceux qui ont rédigé la réserve est jugé sans objet parce que le sens clair et ordinaire de la réserve ne permet pas de recourir à des moyens supplémentaires d’interprétation des instruments internationaux au sens de l’article 32 de la Convention de Vienne.

5.7Se référant à la jurisprudence de la Cour européenne et de la Cour interaméricaine des droits de l’homme, les auteurs soulignent que les réserves émises au sujet d’instruments relatifs aux droits de l’homme doivent être interprétées en faveur des particuliers. Toute tentative visant à élargir la portée de la réserve de l’Autriche doit donc être rejetée, dans la mesure où le Comité dispose d’instruments appropriés pour prévenir une utilisation abusive des procédures parallèles existantes comme les notions de «justification des griefs» et d’«abus de droit de pétition», en plus des dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif.

5.8Les auteurs concluent que la communication est recevable en vertu du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif en ce qui concerne le premier auteur, la même question n’étant pas en cours d’examen devant une autre procédure internationale d’enquête ou de règlement et la réserve de l’Autriche n’étant pas applicable en l’espèce. En ce qui concerne les deuxième et troisième auteurs, il n’est pas nécessaire que le Comité examine la question de savoir si la réserve émise par l’Autriche au sujet du paragraphe 2 a) de l’article 5 s’applique, dans la mesure où ces auteurs n’ont pas saisi la Commission européenne ou la Cour européenne des droits de l’homme.

5.9Enfin les auteurs affirment qu’ils ont suffisamment montré, aux fins de la recevabilité, que les Chambres de commerce autrichiennes fédérale et régionale exercent les fonctions d’associations au sens du paragraphe 1 de l’article 22 du Pacte.

Observations complémentaires de l’ État partie

6.1Le 30 janvier 2002, l’État partie a présenté d’autres observations sur la recevabilité ainsi que sur le fond. Il affirme que la communication est irrecevable en vertu des articles 1er et 2 du Protocole facultatif en ce qui concerne le troisième auteur concerné, dès lors que selon la jurisprudence du Comité, les associations et sociétés ne peuvent être considérées comme des particuliers et ne sont pas non plus habilitées à revendiquer la qualité de victimes d’une violation d’un des droits protégés par le Pacte.

6.2L’État partie affirme que la communication est également irrecevable en ce qui concerne les premier et deuxième auteurs dans la mesure où ils se plaignent essentiellement des violations des droits de leur société. Bien que, en tant que société en commandite, l’«Hotel zum Hirschen Josef Wallmann», n’ait pas la personnalité morale, il peut agir de la même manière que des entités jouissant d’une telle personnalité dans ses relations juridiques, comme l’a montré le fait que l’«Hotel zum Hirschen Josef Wallmann» était partie à la procédure interne. Dès lors que tous les recours internes ont été intentés au nom du troisième auteur et qu’aucune plainte concernant personnellement les premier et deuxième auteurs n’a été étayée aux fins de l’article 2 du Protocole facultatif, les premier et deuxième auteurs ne sont pas fondés à invoquer l’article premier du Protocole facultatif. En outre, les premier et deuxième auteurs n’ont pas épuisé les recours internes puisque seul le troisième auteur était partie à la procédure interne.

6.3De plus, le deuxième auteur ne peut affirmer être victime de la décision contestée de la Chambre de commerce régionale de Salzbourg en date du 26 juin 1996 puisqu’elle n’est devenue commanditaire dans la société et actionnaire de la société à responsabilité limitée qu’en décembre 1999.

6.4S’agissant de l’argument des auteurs selon lequel la réserve de l’Autriche mentionne la Commission européenne mais ne mentionne pas la Cour européenne des droits de l’homme, l’État partie explique que ladite réserve a été formulée conformément à une recommandation du Comité des ministres tendant à ce que les États membres du Conseil de l’Europe «qui signent ou ratifient le Protocole facultatif aient la possibilité de faire une déclaration […] à l’effet d’exclure la compétence du Comité des droits de l’homme de l’ONU pour recevoir et examiner des plaintes présentées par des particuliers au sujet d’affaires en cours d’examen ou déjà examinées au titre de la procédure établie par la Convention européenne».

6.5L’État partie affirme que sa réserve diffère de réserves analogues émises par d’autres États membres dans la mesure où, par souci de clarté, le mécanisme approprié de la Convention y est directement visé. Toutes les réserves visent à prévenir un nouvel examen par un organe international après une décision adoptée par le mécanisme institué par la Convention européenne. Il serait donc inapproprié de nier la validité et l’applicabilité continue de la réserve émise par l’Autriche en se fondant simplement sur le fait qu’une réforme structurelle du mécanisme d’examen est intervenue.

6.6L’État partie note que, après la fusion de la Commission européenne et de l’«ancienne» Cour, la «nouvelle» Cour européenne peut être considérée comme le «successeur légal» de la Commission puisque la plupart de ses fonctions essentielles étaient auparavant exercées par la Commission. Attendu que la référence à la Commission européenne figurant dans la réserve de l’État partie visait précisément ces fonctions, la réserve reste entièrement valable après l’entrée en vigueur du Protocole no 11. L’État partie affirme qu’il n’était pas possible de prévoir, lorsqu’il avait émis sa réserve en 1987, que les mécanismes d’examen de la Convention européenne seraient remaniés.

6.7L’État partie réaffirme que la même affaire a déjà été examinée par la Cour européenne qui, pour déclarer irrecevable la requête de l’auteur en vertu des paragraphes 3 et 4 de l’article 35 de la Convention européenne, a dû l’examiner quant au fond, ne serait‑ce que sommairement. Il conclut que la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif.

6.8Sur le fond, l’État partie fait observer que la Chambre de commerce autrichienne n’est pas une entité privée mais un organisme public établi par la loi, qui ne relève pas de l’article 22 du Pacte. L’adhésion obligatoire à des chambres telles que les chambres de travailleurs et d’employeurs, les chambres agricoles et les chambres de travailleurs indépendants est courante dans le cadre de la législation autrichienne. Certaines caractéristiques des chambres de commerce sont énoncées dans la Constitution, notamment leur système d’adhésion obligatoire, leur mode d’organisation en tant qu’organisme de droit public, leur autonomie financière et administrative, leur structure démocratique et leur supervision par l’État (en particulier le contrôle de leurs activités financières par la Cour des comptes). En outre, les Chambres jouent un rôle dans la gestion des affaires publiques en commentant les projets de loi présentés au Parlement, qui doivent être soumis à ses experts, et en nommant des juges non professionnels pour les tribunaux de prud’hommes et les juridictions sociales ainsi que des représentants au sein de nombreuses commissions s’occupant de la gestion des affaires publiques.

6.9L’État partie réfute les arguments des auteurs assimilant les Chambres de commerce fédérale et régionale à des associations privées (voir par. 3.2), affirmant 1) que la représentation des intérêts économiques communs des membres de la Chambre est une fonction d’utilité publique, 2) que la Chambre est un organisme à but non lucratif pour lequel les droits d’adhésion sont limités et ne dépassent pas le montant permettant de couvrir les dépenses nécessaires à son fonctionnement, en application de l’article 131 de la loi sur la Chambre de commerce, 3) que les adresses des membres des chambres sont accessibles au grand public par le biais du registre du commerce, 4) que le fait que la Chambre n’exerce pas de pouvoir disciplinaire ne signifie pas nécessairement qu’elle n’est pas une organisation professionnelle dans la mesure où des pouvoirs disciplinaires ne sont pas un élément constitutif d’organisations de ce type, et 5) que si l’on excepte les questions disciplinaires, la Chambre peut, à tous égards, être assimilée à une organisation professionnelle d’utilité publique.

6.10L’État partie affirme que toute comparaison avec la structure des chambres de commerce d’autres pays européens ne prend pas en considération le fait que la Chambre autrichienne ne pourrait pas assumer les fonctions publiques qui lui sont assignées si elle était traitée de la même manière que les associations privées. Le fait qu’elle soit un organisme de droit public a également été confirmé par la Cour européenne des droits de l’homme, dans la mesure où elle a été créée non pas par un acte privé mais par une loi et qu’elle s’acquitte de fonctions d’utilité publique telles que la prévention des pratiques commerciales déloyales, la promotion de la formation professionnelle et le contrôle des actions de ses membres. L’État partie fait sienne la conclusion de la Cour européenne selon laquelle l’article 11 de la Convention européenne ne s’applique pas à la Chambre de commerce et considère que l’argument est applicable à l’article 22 du Pacte.

6.11En ce qui concerne l’argument des auteurs qui affirment que les droits d’adhésion annuels perçus par la Chambre ont pour effet d’empêcher ses membres de créer d’autres associations ou d’adhérer à d’autres associations, l’État partie fait valoir que les montants en cause sont relativement modestes en comparaison des autres frais des auteurs et sont déductibles de l’impôt comme le sont les contributions aux organismes professionnels ou syndicaux privés. La contribution annuelle à l’Association privée des propriétaires d’hôtels, qui va de 5 000 à 24 000 schillings autrichiens, n’a pas empêché près de 1 000 membres de cette association d’y adhérer. Dans le cas de l’auteur, la cotisation en cause s’élève à moins de 10 000 schillings, montant qui reste abordable.

Commentaires complémentaires des auteurs

7.1Dans une lettre datée du 11 mars 2002, les auteurs ont répondu aux observations complémentaires de l’État partie. Tout en admettant que le Comité a, en principe, statué jusqu’à présent que seuls les particuliers pouvaient lui adresser des communications, ils estiment que rien n’empêche plusieurs personnes qui se livrent à la même activité économique de présenter une plainte collective. Selon la jurisprudence du Comité, de telles «catégories de personnes» constituent une entité semi‑indépendante aux fins de la recevabilité au titre de l’article 1er et de l’article 2 du Protocole facultatif, les personnes concernées se contentant de se tenir derrière cette entité. L’expression «catégories de personnes» couvre donc une pratique de plus en plus fréquente qui devrait déboucher un jour sur la reconnaissance d’entités constituées d’individus en tant qu’auteurs de communications.

7.2Les auteurs font valoir qu’en refusant d’admettre que les premier et deuxième auteurs ont étayé leur allégation de violation de leurs propres droits, l’État partie ne tient pas compte du fait que, en vertu de l’article 22, le droit à la liberté d’association est, «de par [sa] nature même et de façon inaliénable, [lié] à la personne». Le fait que ce droit soit également lié, dans une certaine mesure, à des activités commerciales ne signifie nullement qu’il est moins protégé. Comme les premier et deuxième auteurs ont été personnellement touchés dans leurs activités économiques par la perception de cotisations annuelles résultant de leur adhésion obligatoire à la Chambre de commerce, ils n’ont pas perdu leurs droits individuels simplement parce qu’ils ont créé une société en application des dispositions du droit interne, pas plus qu’ils n’ont perdu leur droit de réclamer ces droits au moyen d’une requête individuelle.

7.3En ce qui concerne les recours internes, les auteurs affirment qu’en l’absence de toute indication de la part de l’État partie quant aux recours – autres que le fait de faire appel de la décision de la Chambre et de déposer une requête constitutionnelle – que les premier et deuxième auteurs auraient pu intenter en droit autrichien, au nom du troisième auteur, pour défendre leurs droits à la liberté d’association, les objections de procédure de l’État partie sont nulles et non avenues. De plus, par le biais de ces recours, les auteurs ont donné à l’État partie l’occasion de réparer la violation alléguée de l’article 22 de la Convention, ce qui constitue, selon la jurisprudence du Comité, le principal objet de l’obligation d’épuiser les recours internes.

7.4En réponse à l’argument selon lequel le deuxième auteur n’a pas étayé son grief de violation de l’article 22, les auteurs font valoir que leur société en commandite, l’«Hotel zum Hirschen» continue d’être un membre forcé de la Chambre de commerce. Leur communication visait initialement à contester la décision fixant les droits d’adhésion pour 1996; or, les décisions ultérieures concernant les droits d’adhésion ont été similaires. Le deuxième auteur a été touché par ces décisions lorsqu’elle est devenue commanditaire et actionnaire de la société «Wallmann Gesellschaft mit beschränkter Haftung».

7.5Pour ce qui est de l’épuisement des recours internes contre les décisions ultérieures de la Chambre régionale de Salzbourg, les auteurs affirment que la Chambre de commerce fédérale a rejeté, le 13 octobre 1998 et le 16 décembre 1999, respectivement, les appels du troisième auteur contre les décisions concernant ses droits d’adhésion pour 1998 et 1999. Aucun autre appel n’a été interjeté contre ces décisions dans la mesure où de tels recours auraient été inefficaces au regard de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle et en particulier de sa décision du 28 novembre 1997 par laquelle elle a rejeté la plainte constitutionnelle concernant les droits d’adhésion pour 1996.

7.6Pour ce qui est de la réserve de l’Autriche, les auteurs rappellent que rien n’empêchait l’État partie d’émettre, comme d’autres États parties à la Convention européenne l’ont fait, une réserve au moment de la ratification du Protocole facultatif pour que le Comité ne puisse pas être saisi d’une communication si la même affaire a déjà été examinée «au titre de la procédure instituée par la Convention européenne», comme il est recommandé par le Comité des ministres, ou, pour utiliser la formulation plus large employée lors d’un examen antérieur, par «une autre instance internationale d’enquête ou de règlement».

7.7De plus, les auteurs affirment que l’État partie pourrait même envisager d’émettre une réserve à cet effet en ratifiant une nouvelle fois le Protocole facultatif, pour autant que cette réserve puisse être considérée comme compatible avec l’objet et le but de cet instrument. Ce qu’il n’est pas possible de faire, en revanche, c’est d’élargir le champ d’application de la réserve existante d’une façon contraire aux règles fondamentales de l’interprétation des traités.

7.8Les auteurs réfutent l’argument de l’État partie qui avance que les fonctions essentielles de la «nouvelle» Cour européenne, comme la prise des décisions en matière de recevabilité et l’établissement des faits de la cause, relevaient à l’origine de la compétence exclusive de la Commission européenne, arguant à ce sujet que l’«ancienne Cour européenne» connaissait régulièrement de telles questions. Ils contestent l’argument selon lequel la restructuration des organes institués par la Convention n’était pas prévisible en 1987, en citant des extraits du rapport explicatif du Protocole no 11, qui contiennent un bref historique des débats sur la «fusion de la Cour et de la Commission» qui avaient eu lieu entre 1982 et 1987.

7.9Sur le fond, les auteurs contestent les arguments de l’État partie qui considère que la Chambre de commerce est un organisme de droit public, faisant observer 1) que le simple fait que la Cour ait été établie par la loi n’en fait pas automatiquement un organisme de droit public; 2) que le droit de formuler des observations sur les projets de loi n’est pas une attribution particulière aux organismes de droit public; 3) que la Cour des comptes supervise les activités financières des nombreuses entités, y compris des sociétés appartenant en partie à l’État; 4) que les membres des commissions opérant dans le domaine de l’administration publique sont nommés non seulement par certaines chambres mais aussi par des associations représentant des groupes d’intérêts concernés tels que les syndicats ou les Églises.

7.10En outre, les auteurs affirment 1) que même si la possibilité qu’ont des groupes de personnes de se faire représenter peut être d’utilité publique, cela ne transforme pas pour autant les intérêts économiques des membres de la Chambre en «intérêts publics»; 2) que la Chambre se livre à des activités économiques à but lucratif de vaste portée dans la mesure où elle est actionnaire de sociétés et mène des campagnes publicitaires au profit de ses membres; 3) que la fonction consistant à sanctionner les membres qui enfreignent les obligations professionnelles constitue, au regard de la jurisprudence de la Commission européenne des droits de l’homme, une des caractéristiques essentielles des organismes professionnels d’utilité publique; 4) que la Cour européenne des droits de l’homme a confirmé en 1991 le statut d’organisme de droit public de la Chambre de commerce autrichienne en se fondant uniquement sur les lois internes portant création de la Chambre sans procéder à une évaluation approfondie de la question; et 5) que la Chambre n’est qu’une association privée à laquelle sont indûment conférés des pouvoirs spéciaux l’habilitant à intervenir dans toutes les branches de l’administration et à exiger une adhésion obligatoire.

7.11Pour ce qui est de la liberté de créer d’autres associations ou d’adhérer à d’autres associations, les auteurs affirment que l’adhésion obligatoire à un organe aura d’une manière générale pour effet d’entraver cette liberté et leurs efforts pour convaincre d’autres membres forcés de la Chambre d’adhérer à de telles associations. Ils réaffirment que les droits d’adhésion, qui s’élèvent à 40 000 schillings autrichiens, ne représentent pas une somme modeste compte tenu des pertes enregistrées par la société en commandite au cours des années écoulées et de la nécessité d’améliorer les installations de l’hôtel.

7.12Les auteurs réaffirment qu’ils ont suffisamment étayé leur plainte, au moins aux fins de la recevabilité.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

8.1Avant d’examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 87 de son règlement intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

8.2Le Comité constate que l’État partie a invoqué la réserve qu’il avait émise à l’égard du paragraphe 2 a)  de l’article 5 du Protocole facultatif qui l’empêche d’examiner des plaintes ayant déjà été «examinées» par la «Commission européenne des droits de l’homme». Pour ce qui est de l’argument des auteurs selon lequel la requête soumise par le premier auteur à la Commission n’a en fait jamais été examinée par cet organe mais a été déclarée irrecevable par la Cour européenne des droits de l’homme, le Comité fait observer que la Cour européenne, à la suite d’un amendement à la Convention en vertu du Protocole no 11, a légalement assumé les fonctions de l’ancienne Commission, à savoir: recevoir les requêtes présentées au titre de la Convention européenne, prendre une décision concernant la recevabilité et procéder à un premier examen sur le fond. Il fait remarquer, aux fins d’établir l’existence d’un examen parallèle ou, selon le cas, successif de l’affaire par le Comité et les organes de Strasbourg, que la nouvelle Cour européenne des droits de l’homme a succédé à l’ancienne Commission européenne en en reprenant les fonctions.

8.3Le Comité estime qu’une reformulation de la réserve de l’État partie dans le cadre d’une nouvelle ratification du Protocole facultatif, comme l’a suggéré l’auteur, dont l’objet serait uniquement d’énoncer ce qui est en fait une conséquence logique de la réforme des mécanismes de la Convention européenne, serait un exercice purement formaliste. Pour des raisons de continuité et compte tenu de l’objet et du but de la réserve, le Comité interprète celle‑ci comme s’appliquant également aux plaintes qui ont été examinées par la Cour européenne.

8.4En ce qui concerne la question de savoir si le contenu de la présente communication est identique à l’affaire examinée par la Cour européenne, le Comité rappelle qu’une même affaire concerne les mêmes auteurs, les mêmes faits et les mêmes droits essentiels. Les deux premières conditions étant réunies, le Comité note que le paragraphe 1 de l’article 11 de la Convention européenne, tel qu’il a été interprété par les organes de Strasbourg, est suffisamment proche du paragraphe 1 de l’article 22 du Pacte qui est à présent invoqué pour qu’il puisse conclure que les droits essentiels en cause concernent la même affaire.

8.5En réponse à l’argument des auteurs qui affirment que la Cour européenne n’a pas «examiné» sa plainte sur le fond quand elle a déclaré la requête irrecevable, le Comité rappelle sa jurisprudence selon laquelle dès lors que la Commission européenne a déclaré la requête irrecevable, non seulement pour vice de forme, mais aussi pour des motifs reposant sur un examen quant au fond, il est considéré que la même affaire a été «examinée» au sens des réserves sur le paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif. Le Comité est convaincu que la Cour européenne ne s’est pas contentée d’examiner des critères de recevabilité portant purement sur la forme mais a estimé que la requête était irrecevable au motif qu’elle ne faisait «apparaître aucune violation des droits et libertés énoncés dans la Convention ou ses protocoles».

8.6Le Comité note que les auteurs, se fondant sur la référence faite dans la décision de la Cour européenne à la lettre du secrétariat de la Commission européenne expliquant les obstacles potentiels à la recevabilité, font valoir que la requête a été déclarée irrecevable ratione materiae au regard de l’article 11 de la Convention et qu’elle a donc été «examinée» au sens de la réserve de l’Autriche. Or, il n’est pas possible de déterminer avec précision dans la présente affaire quels sont exactement les motifs sur lesquels s’est fondée la Cour européenne pour rejeter la requête du premier auteur lorsqu’elle l’a déclarée irrecevable en vertu du paragraphe 4 de l’article 35 de la Convention.

8.7Ayant statué que la réserve de l’État partie était applicable en l’espèce, le Comité conclut que la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, en ce qui concerne le premier auteur, dans la mesure où la même affaire a déjà été examinée par la Cour européenne des droits de l’homme.

8.8Le Comité note que le deuxième auteur n’était pas concerné par l’examen de la requête par la Cour européenne et que sa communication porte de surcroît sur des faits différents de ceux invoqués dans la requête du premier auteur à la Commission européenne, à savoir l’obligation qui lui avait été faite par la Chambre régionale de Salzbourg de payer des droits d’adhésion après qu’elle est devenue commanditaire et actionnaire dans une société à responsabilité limitée en décembre 1999. Par conséquent, la réserve de l’État partie ne s’applique pas au deuxième auteur.

8.9Le Comité estime que le deuxième auteur a étayé, aux fins de l’article 2 du Protocole facultatif, l’argument selon lequel l’applicabilité de l’article 22 du Pacte à la Chambre de commerce autrichienne ne peut être exclue a priori. Il note en outre qu’étant une société en commandite, l’«Hotel zum Hirschen Josef Wallmann KG» n’a pas de personnalité juridique en droit autrichien. Même si le troisième auteur a la capacité d’entamer une procédure devant les tribunaux internes et s’est prévalu de cette capacité, le deuxième auteur, qui détient 100 % des parts de la société en commandite, est, en tant que commanditaire, responsable en ce qui concerne les obligations du troisième auteur vis‑à‑vis de ses créanciers. Le Comité considère par conséquent que le deuxième auteur est directement et personnellement touchée par l’adhésion obligatoire du troisième auteur à la Chambre et les droits d’adhésion annuels qui en résultent, et qu’elle peut par conséquent affirmer être victime d’une violation de l’article 22 du Pacte.

8.10En ce qui concerne le grief du deuxième auteur qui se plaint de ce que les droits d’adhésion annuels dont elle doit s’acquitter ont pour effet concret de l’empêcher de créer d’autres associations et d’adhérer à d’autres associations, le Comité conclut qu’elle n’a pas montré aux fins de la recevabilité que les montants qu’elle doit payer chaque année à la Chambre sont si élevés qu’ils constituent une restriction corollaire du droit à la liberté d’association. Le Comité conclut donc que cette partie de la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

8.11Pour ce qui est de l’objection de l’État partie selon laquelle le deuxième auteur n’a pas épuisé les recours internes dans la mesure où la société en commandite elle‑même était partie à la procédure interne, le Comité rappelle que lorsque sur la base de leur jurisprudence, les plus hautes juridictions internes ont tranché la question à l’examen, ôtant ainsi toute chance de succès à un recours devant les tribunaux nationaux, les auteurs ne sont pas tenus d’épuiser les recours internes. Le Comité note que l’État partie n’a pas montré en quoi les résultats d’un recours du deuxième auteur contre la perception de droits d’adhésion annuels par la Chambre à partir de 1999 auraient été différents de ceux du recours introduit au nom de la société en commandite, qui avait été rejeté par la Cour constitutionnelle autrichienne en 1998 au motif qu’il n’avait guère de chances d’aboutir.

8.12En conséquence, le Comité conclut que la communication est recevable dans la mesure où le deuxième auteur se plaint du statut de membre obligatoire imposé à la société en commandite «Hotel zum Hirschen Josef Wallman» et des droits d’adhésion perçus en conséquence par la Chambre depuis décembre 1999.

8.13Pour ce qui est du troisième auteur, le Comité note qu’étant une société et non un particulier, l’«Hotel zum Hirschen Josef Wallmann» ne peut soumettre une communication au titre du Protocole. La communication est donc irrecevable en vertu de l’article premier du Protocole facultatif dans la mesure où elle est présentée au nom du troisième auteur.

Examen quant au fond

9.1Le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été soumises par les parties, ainsi que le prévoit le paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif.

9.2Le Comité doit déterminer si le fait que la Chambre régionale de Salzbourg impose à l’«Hotel zum Hirschen» (troisième auteur) des droits d’adhésion annuels constitue une violation du droit du deuxième auteur à la liberté d’association garanti par l’article 22 du Pacte.

9.3Le Comité prend note de l’argument des auteurs qui affirment que, bien que la Chambre de commerce constitue un organisme de droit public en vertu du droit autrichien, sa qualité d’«association», au sens du paragraphe 1 de l’article 22 du Pacte, doit être déterminée en fonction de normes internationales, compte tenu des nombreuses fonctions non publiques assumées par la Chambre. Il note en outre l’argument de l’État partie selon lequel, en vertu du droit autrichien, la Chambre est un organisme public compte tenu de son rôle dans la gestion des affaires publiques ainsi que de ses objectifs d’utilité publique et qu’elle ne relève donc pas de l’article 22 du Pacte.

9.4Le Comité constate que la Chambre de commerce autrichienne a été créée en vertu d’une loi et non d’un accord privé et que ses membres sont subordonnés par la loi à son pouvoir de percevoir des droits d’adhésion annuels. Il constate également que l’article 22 du Pacte s’applique uniquement, questions d’adhésion comprises, aux associations privées.

9.5Le Comité considère que lorsque le législateur d’un État partie établit des chambres de commerce en tant qu’organismes de droit public, de tels organismes ne sont pas empêchés par l’article 22 du Pacte d’imposer des droits d’adhésion annuels à leurs membres, à moins que leur mise en place en vertu du droit public vise à contourner les garanties figurant à l’article 22. Or rien dans le dossier dont est saisi le Comité n’indique que la qualification de la Chambre de commerce autrichienne en tant qu’organisme de droit public, en vertu de la Constitution autrichienne et de la loi sur la Chambre de commerce de 1998, a pour effet de contourner l’article 22 du Pacte. Le Comité conclut par conséquent que l’adhésion obligatoire du troisième auteur à la Chambre de commerce autrichienne et les droits d’adhésion annuels qui lui sont imposés depuis 1999 ne constituent pas une atteinte aux droits reconnus au deuxième auteur en vertu de l’article 22.

10.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif, est d’avis que les faits dont il est saisi ne font apparaître aucune violation du paragraphe 1 de l’article 22 du Pacte.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

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