Nations Unies

CCPR/C/119/D/2613/2015

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

12 mai 2017

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Constatations adoptées par le Comité au titre de l’article 5 (par. 4) du Protocole facultatif, concernant la communication no 2613/2015 * , **

Communication présentée par :

Jose Henry Monge Contreras (représenté par des conseils)

Au nom de :

L’auteur

État partie :

Canada

Date de la communication :

29 mai 2015 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise en application des articles 92 et 97 du règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 29 mai 2015 (non publiée sous la forme d’un document)

Date des constatations :

27 mars 2017

Objet :

Renvoi en El Salvador

Questions de procédure :

Recevabilité − épuisement des recours internes/griefs insuffisamment étayés

Questions de fond :

Droit à la vie ; torture, peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Article(s) du Pacte :

6, 7, 9, 17 et 23, seuls et lus conjointement avec l’article 2 (par. 3)

Article(s) du Protocole facultatif :

2, 3 et 5

1.1L’auteur est Jose Henry Monge Contreras, de nationalité salvadorienne, né le 19 mars 1971 et résidant actuellement au Canada. Il est sous le coup d’une mesure d’expulsion vers El Salvador, sa demande visant à obtenir le statut de réfugié au Canada ayant été rejetée. Son renvoi en El Salvador était prévu pour le 30 mai 2015. L’auteur affirme que les droits qu’il tient des articles 6, 7, 9, 17 et 23, seuls et lus conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (ci‑après le Pacte) seraient violés si le Canada procédait à son renvoi forcé. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 19 août 1976. L’auteur est représenté par des conseils.

1.2Le 29 mai 2015, en application des articles 92 et 97 de son règlement intérieur, le Comité, agissant par l’intermédiaire du Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires, a demandé à l’État partie de ne pas expulser l’auteur vers El Salvador tant que la communication serait à l’examen.

1.3Le 24 juin 2016, le Comité, agissant par l’intermédiaire du Rapporteur spécial, a rejeté la demande de levée des mesures provisoires formulée par l’État partie.

Exposé des faits

2.1L’auteur est né à Cinquera (El Salvador) le 19 mars 1971. Il est arrivé au Canada en 2005 pour fuir la violence des gangs. Son épouse et ses trois filles vivent toujours en El Salvador.

2.2L’auteur indique que, pendant la guerre civile en El Salvador, plusieurs membres de sa famille élargie ont pris part aux activités du Front de libération nationale Farabundo Martí, tandis que son oncle Ricardo était membre d’un escadron de la mort du gouvernement. En 1987, un autre de ses oncles a été tué par des membres de l’escadron de la mort commandé par Ricardo parce qu’il avait aidé l’épouse de celui-ci à s’enfuir d’El Salvador pour échapper au comportement violent de son mari. En 1992, après la fin du conflit, Ricardo est devenu chef d’un gang appelé la Mara Salvatrucha (MS‑13).

2.3En avril 1993, Ricardo s’est mis très en colère contre la grand-mère, la mère et un frère de l’auteur (Manuel) parce qu’ils étaient entrés dans la maison de son épouse, où il vivait encore. En mai 1993, Manuel a été assassiné par des membres de la MS-13. L’auteur a aidé la police à identifier ceux qui avaient participé à l’assassinat, et trois individus ont été reconnus coupables et condamnés à une peine de dix ans d’emprisonnement.

2.4L’auteur affirme que, en raison de sa contribution à l’enquête sur le meurtre de Manuel, il est devenu une cible de la MS-13. En juillet 1993, il a été blessé par balle au genou par un membre du gang. En novembre 2003, lorsque les membres du gang condamnés pour le meurtre de Manuel ont été libérés de prison, l’auteur et un ami, Carlos Arturo Arevalo, ont été attaqués devant une échoppe par des membres présumés de la MS‑13. Arevalo est mort des suites de cette agression. En mars 2004, des membres présumés de la MS-13 ont tiré depuis une voiture sur l’auteur et un autre ami, Martir Gregorio Aguilar, alors qu’ils circulaient à moto. Aguilar a été tué.

2.5À la suite de ces événements, l’auteur est entré dans la clandestinité. Il a déménagé à Tejute puis à San Matias pour quelques mois. Comme il ne se sentait pas en sécurité, il a décidé de retourner dans son village d’origine en décembre 2004. En janvier 2005, des membres de la MS-13 ont menacé l’auteur et son frère avec un couteau, mais ces derniers ont réussi à leur échapper. Après ces faits, l’auteur a décidé de quitter le pays, laissant derrière lui son épouse et ses trois filles, âgées de 19, 17 et 13 ans.

2.6Après le départ de l’auteur, sa famille a reçu des menaces, y compris des lettres et des appels téléphoniques, de membres de la MS-13 demandant où se trouvait l’auteur ou réclamant de l’argent en échange de quoi ses filles seraient épargnées. L’épouse de l’auteur a fait des versements de 100 à 200 dollars aux membres de la MS-13 pour se protéger et protéger sa famille. On lui a dit que la seule raison pour laquelle sa famille était toujours en vie était que la MS-13 savait que l’auteur devrait tôt ou tard retourner auprès des siens.

2.7L’épouse de l’auteur a essayé d’installer sa famille à plusieurs endroits différents. En novembre 2010, des membres de la MS-13 ont tiré des coups de feu vers la maison de la famille pendant que ses occupants dormaient et ont laissé une lettre de menaces. La famille a donc décidé de déménager à nouveau. En outre, la fille aînée a été abordée sur le chemin de l’école par des membres de la MS-13 qui lui ont demandé où se trouvait son père, et la cadette a été envoyée vivre chez ses grands-parents après avoir été directement menacée. Les filles de l’auteur ont dû être scolarisées à domicile en raison des menaces reçues.

2.8À son arrivée au Canada le 9 août 2005, l’auteur a présenté une demande d’asile. Le 28 avril 2009, la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a conclu que l’auteur ne pouvait pas être admis au Canada pour des motifs de sécurité en raison de son appartenance au Front de libération nationale Farabundo Martí avant 1992, à une époque où cette organisation était considérée comme « appelant ou incitant au renversement de tout gouvernement par la force ». Cette décision de refus a fait l’objet d’une demande de dispense ministérielle en juillet 2013 et de nouveau en janvier 2014, mais l’auteur n’a pas encore reçu de réponse. L’auteur a déposé une demande de réexamen judiciaire de la décision de la Section de l’immigration, qui a été rejetée par la Cour fédérale le 3 mars 2010.

2.9L’auteur a présenté une demande d’examen des risques avant renvoi, qui a été rejetée le 15 octobre 2009 au motif qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve indépendants permettant de conclure à un risque de torture, un risque pour la vie ou un risque de traitements ou peines « cruels et inusités ». L’auteur a ensuite déposé une demande de contrôle juridictionnel de la décision de la Section de l’immigration, qui a été rejetée par la Cour fédérale le 7 septembre 2010.

2.10En octobre 2010, l’auteur a déposé une deuxième demande d’examen des risques avant renvoi en soumettant de nouveaux éléments de preuve concernant les risques encourus en El Salvador. Sa demande a été rejetée le 20 septembre 2011. Le 19 octobre 2011, la Cour fédérale a accordé à l’auteur un sursis provisoire au renvoi en attendant le contrôle juridictionnel de la décision de rejet de la demande d’examen des risques. La procédure de contrôle juridictionnel a été suspendue le 13 décembre 2011, parce que l’État partie a accepté que la demande soit réexaminée par un autre agent. L’auteur indique qu’il a mis à jour la demande d’examen des risques quatre fois depuis novembre 2010, en y ajoutant des renseignements complémentaires sur la situation dans le pays et les actes de harcèlement et les menaces dont son épouse et ses filles avaient fait l’objet.

2.11En juillet 2012, l’auteur a présenté une demande de résidence permanente pour considérations d’ordre humanitaire, qui a été rejetée le 21 janvier 2015. Le 9 juin 2015, la demande de contrôle juridictionnel présentée par l’auteur au sujet de cette décision a été rejetée par la Cour fédérale.

2.12Le 20 avril 2015, une troisième décision défavorable a été rendue à l’issue de l’examen des risques avant renvoi par un nouvel agent, qui a lui aussi constaté que l’auteur n’avait pas fourni d’éléments suffisants pour établir que sa vie serait menacée ou qu’il risquerait d’être soumis à la torture ou à des traitements ou peines cruels et « inusités » à son retour en El Salvador. L’auteur a déposé une demande de contrôle juridictionnel de cette troisième décision, qui a été rejetée le 24 septembre 2015.

2.13Le 28 mai 2015, la Cour fédérale a rejeté la requête en sursis à l’exécution de la mesure de renvoi soumise en même temps que les demandes de contrôle juridictionnel des décisions défavorables rendues à l’issue de l’examen des risques avant renvoi et de la décision de rejet de la demande de l’auteur pour considérations d’ordre humanitaire.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que, s’il est renvoyé en El Salvador, il sera exposé à un risque d’être arbitrairement privé de la vie, en violation de l’article 6 du Pacte, et d’être soumis à la torture et à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en violation de l’article 7 du Pacte, étant donné qu’il a été la cible de la MS-13 depuis 1993 en raison de sa participation à l’enquête sur le meurtre de son frère Manuel, qui a abouti à la condamnation de trois membres de la MS-13 impliqués dans ce crime.

3.2L’auteur affirme que les menaces se sont poursuivies après son départ d’El Salvador. Il affirme que son épouse a subi de nombreuses menaces de violence et tentatives d’extorsion, que ses filles ont été harcelées et menacées sur le chemin de l’école et que la famille a dû quitter son domicile par peur. Il fait valoir que son retour en El Salvador l’exposerait, ainsi que sa famille, à un grave danger. Il se réfère à la documentation qu’il a fournie à l’appui de ses griefs, dont il ressort qu’il est courant que la MS-13 continue de s’en prendre à une personne pendant de nombreuses années.

3.3L’auteur fournit une déclaration du policier salvadorien qui a été chargé de protéger sa famille et qui serait chargé de le protéger en cas de retour, indiquant que la police n’a pas les moyens d’offrir la protection voulue à la famille, dont la vie et l’intégrité physique seraient menacées si l’auteur retournait en El Salvador.

3.4L’auteur fait valoir que de nombreux documents attestent la persistance des problèmes de violence causés par la MS-13 et l’incapacité du Gouvernement à protéger la population contre cette violence. Il affirme que la violence en El Salvador vient en grande partie des rivalités entre gangs, parmi lesquels la MS-13, l’un des plus violents, qui compte plus de « 70 000 agents ». Il indique que, entre 2012 et 2013, le taux d’homicides en El Salvador était de 41,2 pour 100 000 habitants et que, selon l’Associated Press, les gangs étaient responsables de plus de 50 % des homicides. Il note que, en octobre 2012, le Ministère des finances des États-Unis d’Amérique a décrit la MS‑13 comme une « organisation criminelle transnationale ».

3.5L’auteur affirme que les mesures prises par l’État pour négocier une trêve entre les gangs en mars 2012 ont été vaines et que les méthodes employées par la MS‑13 dans ses attaques et ses opérations se sont sophistiquées, ce qui accroît encore le danger qui pèse sur lui. En conséquence, il affirme qu’il serait très probablement tué s’il était renvoyé en El Salvador.

3.6L’auteur affirme que la décision défavorable rendue en 2015 à l’issue de l’examen des risques avant renvoi, dans laquelle il était conclu que sa vie ne serait pas mise en danger et qu’il ne risquait pas d’être soumis à la torture ou à des traitements ou peines cruels et « inusités » à son retour en El Salvador, contenait de multiples erreurs. Premièrement, l’examen de sa demande n’a pas été fait en temps voulu : l’auteur a présenté la demande le 20 octobre 2010 et n’a reçu la réponse négative que le 20 octobre 2015. L’auteur affirme avoir été lésé par la durée de la procédure. Par exemple, l’agent chargé de l’examen a noté qu’après des années de menaces, la famille du demandeur « n’avait pas subi de dommages corporels » grâce à la protection de la police. L’auteur estime que l’appréciation aurait probablement été différente si elle avait été faite en temps voulu.

3.7Deuxièmement, l’auteur affirme que l’agent chargé de l’examen des risques avant renvoi n’a pas dûment tenu compte de deux éléments de preuve essentiels : il a rejeté pour « fondement insuffisant » la déclaration de l’agent de la police salvadorienne qui avait affirmé que l’État partie n’était pas en mesure de protéger l’auteur. Il a aussi rejeté la déclaration sous serment d’un spécialiste de la violence des gangs en Amérique centrale, au motif que celui‑ci n’avait pas une connaissance précise de la situation de l’auteur et que ses conclusions concernant les actes que la MS-13 commettrait contre l’auteur étaient de simples hypothèses. L’auteur note que l’expert a fourni des informations détaillées sur la façon dont les gangs opèrent et les risques courus par les personnes qu’ils visent, en particulier lorsqu’il s’agit de témoins ou de victimes d’infractions commises par ces gangs, et sur l’incapacité de l’État partie à protéger les victimes. L’auteur considère que cette analyse montre clairement le risque auquel il serait exposé s’il était renvoyé en El Salvador.

3.8Troisièmement, l’auteur affirme que l’agent chargé de l’examen des risques avant renvoi a commis une erreur en se concentrant uniquement sur les mesures prises par l’État partie pour protéger la population contre la violence des gangs, essentiellement sur le plan législatif, et non sur la mise en œuvre effective de ces mesures. Il affirme que l’agent mentionne la recherche d’une trêve comme preuve des efforts déployés par le Gouvernement, malgré les documents fournis en octobre 2014 indiquant que la trêve n’existait plus et que des actes tels que l’extorsion et l’homicide étaient de nouveau en augmentation.

3.9L’auteur affirme en outre qu’il souffre de dépression et de troubles post‑traumatiques chroniques et que le risque qu’il soit victime d’un effondrement psychologique en cas de retour en El Salvador est très élevé. Il ajoute que cette situation a eu des effets négatifs sur la santé mentale de son épouse (qui souffre de dépression) et le bien-être émotionnel de ses filles, qui craignent constamment pour leur sécurité.

3.10L’auteur fait valoir que la protection contre le refoulement est internationalement reconnue comme un droit de l’homme fondamental. Il fait en outre valoir que les instruments internationaux et le droit coutumier reconnaissent l’interdiction absolue et non susceptible de dérogation de renvoyer une personne vers un pays dans lequel elle risque d’être soumise à la torture et il invoque les dispositions des instruments internationaux et régionaux pertinents relatifs aux droits de l’homme ainsi que la jurisprudence internationale et régionale dans ce domaine.

3.11L’auteur affirme que la demande de sursis à expulsion a été rejetée le 28 mai 2015 en raison d’une erreur manifeste dans l’application de la loi, contre laquelle il ne reste aucun recours interne disponible. Il affirme donc que son expulsion du Canada le priverait de son droit à un recours judiciaire utile, en violation du paragraphe 3 de l’article 2, lu conjointement avec les articles 6, 7, 9, 17 et 23 du Pacte.

Observations de l’État partie

4.1Dans une note du 27 novembre 2015, l’État partie a formulé des observations sur la recevabilité et le fond de la communication. Il fait valoir que la communication de l’auteur est irrecevable pour non-épuisement des recours internes utiles disponibles et pour défaut de fondement. Quant aux griefs que l’auteur tire de l’article 9 du Pacte, l’État partie déclare qu’ils sont irrecevables ratione materiae.

4.2L’État partie fait valoir que tous les recours internes n’ont pas été épuisés par l’auteur et que la communication est donc irrecevable. À cet égard, il indique que l’auteur n’a pas présenté de demande de sursis administratif au renvoi à l’Agence des services frontaliers du Canada, ce qui constitue un autre recours ayant des chances sérieuses d’aboutir. Les personnes qui soumettent de nouvelles preuves d’un risque personnel, c’est-à-dire des preuves qui n’ont pas déjà été examinées par un agent des services compétents, par exemple un agent chargé de l’examen des risques avant renvoi, peuvent demander à l’Agence un sursis à leur renvoi. La Cour d’appel fédérale a statué que les agents d’exécution devaient surseoir au renvoi si celui-ci exposait la personne concernée à un « risque de mort, de sanctions excessives ou de traitement inhumain ». L’État partie indique en outre que, si la décision concernant son renvoi avait été défavorable, l’auteur aurait pu demander un contrôle juridictionnel de cette décision.

4.3En ce qui concerne l’allégation de l’auteur, qui affirme que son renvoi en El Salvador constituerait une violation de l’article 9 du Pacte, l’État partie fait valoir que, si les griefs de l’auteur portent sur un risque de détention arbitraire en El Salvador, cette allégation est irrecevable en ce que lesdits griefs n’entrent pas dans le champ du paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte. Il fait valoir à cet égard que le paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte n’impose pas aux États parties l’obligation de ne pas renvoyer des personnes qui courent un risque réel de détention arbitraire dans l’État de destination. Il souligne que l’observation générale no 31 (2004) sur la nature de l’obligation juridique générale imposée aux États parties au Pacte limite les obligations exceptionnelles des États parties aux ressortissants étrangers qui sont sous le coup d’une mesure d’expulsion vers un pays « s’il y a des motifs sérieux de croire qu’il y a un risque réel de préjudice irréparable, tel le préjudice envisagé aux articles 6 et 7 du Pacte ».

4.4L’État partie affirme que les allégations de l’auteur concernant le paragraphe 3 de l’article 2 ne sont pas suffisamment étayées et devraient être déclarées irrecevables. Il ajoute que l’auteur n’a pas indiqué clairement quelles violations du paragraphe 3 de l’article 2, seul ou pris conjointement avec d’autres articles, ont eu lieu. Il affirme que les arguments de l’auteur concernant la décision de 2015 relative à sa demande d’examen des risques avant renvoi et la décision de la Cour fédérale relative à sa demande de sursis sont manifestement infondés et que l’auteur n’a fourni aucun élément démontrant que ces décisions ont été arbitraires ou ont constitué un déni de justice. Il fait valoir que l’agent chargé de l’examen et la Cour fédérale ont examiné attentivement les allégations de l’auteur et les éléments de preuve fournis, et que le Comité n’est pas compétent pour réévaluer ces décisions nationales.

4.5L’État partie fait valoir aussi que l’auteur n’a pas suffisamment étayé les griefs qu’il tire de l’article 17 et du paragraphe 1 de l’article 23 du Pacte aux fins de la recevabilité. L’auteur n’a pas expliqué en quoi son renvoi en El Salvador constituerait une immixtion arbitraire ou illégale dans sa vie de famille. À ce sujet, l’État partie renvoie à la jurisprudence du Comité dans l’affaire Stewart c. Canada et affirme que la décision d’expulser l’auteur a été prise conformément à la loi et ne constitue donc pas une immixtion arbitraire ou disproportionnée dans la vie de famille de l’auteur et des siens, compte tenu en particulier du fait que la famille proche de l’auteur vit en El Salvador.

4.6Enfin, l’État partie fait valoir que les allégations de l’auteur au titre des articles 6 et 7 du Pacte, à savoir qu’il serait exposé à un risque réel de préjudice irréparable en cas de renvoi en El Salvador, ne sont pas suffisamment étayées. Il affirme que l’auteur n’a pas établi qu’à première vue sa communication était recevable et il renvoie aux constatations du Comité dans l’affaire X . c. Danemark, dans lesquelles le Comité souligne que les États parties ont l’obligation de ne pas extrader, déplacer ou expulser une personne de leur territoire ou la transférer par d’autres moyens si cette mesure a pour conséquence nécessaire et prévisible d’exposer l’intéressé à un risque réel de préjudice irréparable.

4.7L’État partie fait valoir que des rapports objectifs sur le pays indiquent que El Salvador dispose d’une police efficace et d’un système judiciaire capable de protéger les citoyens. Il reconnaît qu’il existe encore de graves problèmes liés aux gangs, parmi lesquels les violences commises par la MS-13. Toutefois, il note que des rapports objectifs indiquent que les autorités ne consentent pas de manière expresse ou tacite à la violence des gangs. Il ajoute qu’une série de mesures ont été mises en œuvre pour réprimer les activités de ces gangs depuis le départ de l’auteur en 2005 et qu’une loi interdisant les gangs a été promulguée en 2010, ce qui a permis d’engager un certain nombre de poursuites. L’État partie mentionne également l’adoption d’une loi sur la protection des victimes et des témoins.

4.8L’État partie affirme que la famille de l’auteur a bénéficié de la protection efficace de l’État salvadorien et que ce facteur a été pris en considération dans l’appréciation des trois demandes d’examen des risques avant renvoi que l’auteur a présentées. Dans sa décision de 2009, l’agent chargé de l’examen, après avoir soigneusement examiné des rapports de pays objectifs, a estimé que l’auteur n’avait pas réfuté par des preuves claires et convaincantes la présomption de protection de l’État en El Salvador. Cette décision a été confirmée par la Cour fédérale, qui a observé que l’auteur « n’avait pas expliqué pourquoi il ne pouvait pas se prévaloir de la protection que l’État salvadorien accordait au reste de sa famille ». L’État partie fait observer que, même si la présence de la MS-13 a été constatée sur son propre territoire, l’auteur n’a signalé aucun incident dans lequel il aurait été pris pour cible depuis son arrivée en 2005.

4.9L’État partie affirme également que, compte tenu des mesures prises par le Gouvernement salvadorien pour réprimer la violence des gangs et protéger ses citoyens, l’auteur n’a pas présenté d’informations crédibles montrant qu’il risque de subir un préjudice irréparable. Des rapports objectifs indiquent que cette violence touche surtout les petites entreprises familiales, les services de transport public et les groupes vulnérables tels que les femmes et les enfants. L’État partie note que l’auteur ne présente aucune des caractéristiques personnelles qui l’exposeraient à un risque particulier en cas de renvoi en El Salvador. Il fait observer que le dernier événement ayant suscité chez l’auteur la crainte de subir des violences de la part d’un gang remonte à la période 2003-2005 et que l’auteur n’a présenté aucun élément crédible tendant à prouver qu’il demeure une cible pour ces gangs.

4.10L’État partie note que l’auteur a pu vivre et travailler dans son pays sans subir de préjudice de juillet 1993 à novembre 2003 et qu’il n’a pas expliqué pourquoi il n’avait pas été pris pour cible au cours de cette période, si ce n’est en émettant l’hypothèse que la MS‑13 avait peut-être pensé qu’il était décédé ou que la période coïncidait avec la peine de prison des membres du gang condamnés pour le meurtre de son frère en 1993. L’État partie fait observer que le caractère organisé de la MS‑13 et sa capacité d’agir depuis la prison rendent ces scénarios invraisemblables.

4.11L’État partie fait valoir que les allégations de l’auteur concernant les menaces et le chantage subis par sa famille ont été examinées de manière approfondie par les autorités nationales. Lors de l’examen des risques avant renvoi effectué en 2015, il a été estimé que les menaces reçues ne permettaient pas d’affirmer que l’auteur était pris pour cible par la MS‑13 pour avoir dénoncé certains de ses membres à la police en 1993.

4.12L’État partie estime que le Comité devrait accorder un poids important aux conclusions des autorités nationales, conformément à sa jurisprudence. Il fait valoir que l’auteur n’a pas mis en évidence d’élément des décisions des agents chargés de l’examen des risques avant renvoi et de la Cour fédérale dans son affaire qui ait été manifestement arbitraire ou ait constitué un déni de justice.

4.13L’État partie fait valoir que, lors de l’examen des risques avant renvoi effectué en 2015, il a été estimé que les preuves disponibles n’étaient pas suffisantes pour conclure que l’auteur n’avait pas de possibilités de trouver refuge ailleurs dans le pays. L’État partie prend note de l’allégation de l’auteur, selon qui une telle possibilité n’existe pas. Il tient également compte du fait que l’auteur a tenté de s’installer dans deux localités différentes (Tejute et San Matias) en El Salvador mais ne s’y est pas senti en sécurité à cause de la présence de membres du gang. Il relève toutefois que rien ne prouve que ces personnes s’en sont prises à l’auteur.

4.14L’État partie fait en outre valoir que, dans l’hypothèse où certains de ses aspects seraient considérés comme recevables, la communication devrait être considérée comme dénuée de fondement. Il affirme qu’il n’existe pas de motifs sérieux de croire que le renvoi de l’auteur en El Salvador en 2015 exposerait l’intéressé à un risque réel et personnel de préjudice irréparable tel que ceux envisagés aux articles 6 et 7 du Pacte.

4.15Tout en reconnaissant que les allégations de l’auteur concernant la MS-13 sont graves, l’État partie fait valoir que l’intéressé n’a pas démontré que les faits qui auraient eu lieu en El Salvador plus de dix ans auparavant signifiaient qu’il serait exposé à un risque de préjudice irréparable s’il était renvoyé aujourd’hui. Il réaffirme que le Gouvernement salvadorien déploie des efforts importants pour faire face à la violence des gangs, que les autorités ont accordé une protection à la famille de l’auteur et que celui-ci pourrait demander une protection policière pour lui-même si cela était nécessaire.

4.16L’État partie fait en outre valoir la nécessité de prendre en considération le fait que l’auteur est considéré comme interdit de territoire au Canada pour des raisons de sécurité.

4.17Enfin, l’État partie note que l’agent chargé des décisions concernant les demandes pour considérations d’ordre humanitaire a relevé que l’auteur déclarait souffrir de dépression et de troubles post-traumatiques mais qu’il n’avait fourni aucun renseignement indiquant qu’il se faisait soigner ou que son traitement ne serait pas disponible en El Salvador. L’agent qui s’est prononcé sur la demande d’examen des risques avant renvoi en 2015 a pris note des documents fournis concernant l’incidence psychologique de la situation sur l’auteur mais il a estimé que ce facteur psychologique ne permettait pas d’affirmer que l’auteur serait exposé à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et « inusités » au sens de l’article 97 de la loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Dans une lettre datée du 28 mars 2016, l’auteur a fait part de ses commentaires sur les observations de l’État partie. Il se fonde sur les éléments communiqués précédemment concernant le contexte factuel de ses allégations, y compris au sujet des erreurs présumées dans la procédure d’appréciation préalable des risques dans l’État partie.

5.2En réponse à l’argument de l’État partie, qui affirme qu’il n’a pas épuisé tous les recours utiles disponibles, l’auteur fait valoir qu’en l’espèce, l’introduction d’une demande de sursis au renvoi auprès de l’Agence des services frontaliers du Canada ne constitue pas un recours utile. Il fait valoir qu’une requête en sursis au renvoi ne peut pas être assimilée à un appel ou à une nouvelle appréciation des éléments déjà étudiés en 2015 dans le cadre de l’examen des risques avant renvoi et de la requête aux fins de sursis.

5.3Renvoyant à l’affaire Canada c. Shpati, l’auteur explique que l’Agence des services frontaliers du Canada n’examine que les nouvelles preuves d’un risque personnel qui n’avaient pas été évaluées auparavant. Il affirme que l’agent chargé de son dossier partirait du principe que les conclusions sur lesquelles repose la décision rendue à l’issue de l’examen des risques avant renvoi sont correctes et que toute appréciation du risque porterait uniquement sur les nouveaux éléments soumis pendant la période de quarante jours allant de la réception de la décision défavorable, le 20 avril 2015, à la date à laquelle l’arrêté d’expulsion devait être exécuté, à savoir le 30 mai 2015. Faisant référence à la jurisprudence du Comité dans l’affaire Muhonen c. Finlande, l’auteur fait valoir que la portée limitée de la demande de sursis en fait un recours inefficace.

5.4L’auteur fait également valoir que le sursis au renvoi est temporaire et n’a pas d’incidence sur la mesure de renvoi d’origine. Dans l’affaire Canada c.Shpati, la Cour d’appel fédérale a expliqué que l’obligation légale fondamentale de procéder au renvoi et les mots employés par le législateur pour encadrer le pouvoir discrétionnaire des agents indiquent que la marge de manœuvre est relativement limitée. Les agents d’exécution disposent de peu de latitude et les reports sont censés être temporaires. Ils ne sont pas censés se prononcer sur les demandes d’examen des risques avant renvoi ou pour considérations d’ordre humanitaire ni rendre de nouvelles décisions à ce sujet.

5.5L’auteur indique que le sursis au renvoi a pour objet de suspendre provisoirement le renvoi afin de permettre au ressortissant étranger de produire dans le cadre de l’examen des risques avant renvoi des éléments prouvant qu’il serait exposé à une menace pesant sur sa vie ou à un risque de traitements ou peines cruels et « inusités ». Il précise qu’il ne s’agit pas d’un droit d’appel d’une décision défavorable rendue à l’issue d’un examen des risques avant renvoi qui permettrait de contester les conclusions de l’agent. L’auteur affirme que, dans son cas, étant donné que les décisions de rejet de sa demande d’examen des risques avant renvoi et de sa demande pour considérations d’ordre humanitaire ont déjà été rendues et qu’il n’existe pas de nouveaux éléments, un sursis au renvoi ne peut plus être justifié.

5.6L’auteur fait en outre valoir que le sursis au renvoi est un recours discrétionnaire appliqué par un agent de l’Agence des services frontaliers du Canada et non un recours juridictionnel. Il cite l’affaire Arhuaco c. Colombie, dans laquelle le Comité a expliqué que le terme « recours internes » devait s’entendre comme visant au premier chef les recours juridictionnels. Il fait valoir que la gravité du risque pesant sur sa vie rend nécessaire un examen par un tribunal indépendant et impartial, compétent pour évaluer les risques auxquels il est exposé sur la base de l’ensemble des éléments disponibles et pas seulement sur celle des nouveaux éléments de preuve rassemblés pendant la période de quarante jours entre le rejet de la demande d’examen des risques avant renvoi et la date prévue pour l’expulsion.

5.7En ce qui concerne les griefs tirés de l’article 9, l’auteur affirme que l’État partie ne tient pas compte de l’ampleur des violations de son droit à la sécurité de la personne qui résulteraient de son expulsion. Il renvoie à l’observation générale no 35 sur la liberté et la sécurité de la personne, dans laquelle le Comité explique que le droit à la sécurité de la personne oblige aussi les États parties à prendre des mesures appropriées face aux menaces de mort contre des personnes dans la sphère publique et, plus généralement, à protéger les individus contre les menaces prévisibles pesant sur leur vie ou leur intégrité corporelle, et qui proviennent d’agents du Gouvernement ou de personnes privées.

5.8L’auteur affirme que l’argument de l’État partie, selon qui la protection accordée par le Pacte dans le contexte de l’expulsion d’un étranger ne va pas au-delà des articles 6 et 7, constitue une interprétation erronée de l’observation générale no 31 et n’est pas conforme aux constatations adoptées par le Comité. Il renvoie à l’affaire Warsame c. Canad a, dans laquelle le Comité a conclu que l’expulsion de l’auteur constituerait une violation du paragraphe 4 de l’article 12.

5.9L’auteur affirme que la portée du droit à la sécurité de la personne fait obligation à l’État de protéger les individus contre les menaces prévisibles pesant sur leur vie ou leur intégrité physique et provenant de personnes privées, comme les menaces du gang MS-13 à son égard. Il réaffirme qu’en tant que cible personnelle de ce gang, il risque d’être torturé et soumis à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et/ou tué à son retour en El Salvador. Il fait valoir que ce risque donne lieu à une violation de l’article 9 du Pacte étant donné que l’État n’est pas en mesure d’offrir à l’auteur et à sa famille la protection nécessaire. Il ajoute que les menaces pesant sur sa vie et son intégrité physique sont d’une gravité telle qu’elles constituent un risque de préjudice irréparable de nature à donner naissance à l’obligation de non-refoulement énoncée dans l’observation générale no 31.

5.10De plus, l’auteur fait valoir qu’il court également un risque prévisible de détention arbitraire étant donné la participation de la MS-13 à des enlèvements en El Salvador.

5.11L’auteur reconnaît que la communication initiale ne donnait pas de détails concernant la nature des violations alléguées de l’article 17 et du paragraphe 1 de l’article 23 et il saisit cette occasion pour apporter des précisions à ce sujet. Il affirme que, s’il était tué ou détenu arbitrairement en raison de son renvoi en El Salvador, cela porterait atteinte à l’intégrité de sa famille. Il affirme également que son renvoi en El Salvador exposerait son épouse et ses enfants à un risque réel de préjudice irréparable en accroissant notablement le risque déjà élevé qu’ils subissent des violences aux mains du gang MS-13.

5.12L’auteur affirme qu’une violation de l’article 17 et du paragraphe 1 de l’article 23 peut donner lieu à un préjudice irréparable. Il réaffirme que ses proches ont subi plusieurs fois des menaces de mort et des tentatives d’agression de la part du gang MS-13 depuis son départ en 2005 et que, à plusieurs reprises, des membres de la bande ont demandé à son épouse de révéler où il se trouvait et lui ont dit que la seule raison pour laquelle elle et sa famille étaient toujours en vie était que le gang attendait que l’auteur retourne auprès des siens.

5.13L’auteur affirme qu’il y a un risque réel que ses proches soient agressés ou tués par le gang MS-13 s’il est renvoyé en El Salvador, ce qui constitue un risque de préjudice irréparable dont découle l’obligation de ne pas l’expulser.

5.14En ce qui concerne l’argument de l’État partie, selon qui il n’a pas suffisamment étayé ses allégations au titre des articles 6 et 7, l’auteur affirme qu’il a établi l’existence à première vue d’une violation de ces articles. Tout en reconnaissant qu’il ne fait pas partie des catégories de population particulièrement exposées à la violence des gangs, comme les femmes et les enfants, il affirme que cela ne l’empêche pas de faire valoir un risque personnel. Il affirme qu’il existe de nombreuses preuves crédibles qu’il était personnellement visé avant son départ et qu’il reste menacé en El Salvador.

5.15L’auteur note que l’État partie a reconnu que sa famille avait été harcelée et menacée par le gang MS-13 depuis qu’il était parti pour le Canada. Il fait observer que l’argument de l’État partie, selon qui il n’a pas été menacé par le gang depuis son arrivée au Canada, ne tient pas dûment compte du fait que ce gang est très peu présent au Canada.

5.16Pour ce qui est de la possibilité de se réfugier dans une autre région d’El Salvador, qu’invoque l’État partie, l’auteur affirme que cet argument se fonde sur la décision rendue en 2015 à l’issue de l’examen des risques avant renvoi, qui n’a pas tenu compte d’une grande partie des éléments de preuve qu’il avait soumis concernant la situation dans le pays. Il affirme que la MS-13 fait régner la violence dans tout le pays. Il se réfère à une décision de la Cour fédérale du Canada, dans laquelle celle-ci a reconnu que les personnes ayant eu maille à partir avec ce gang n’ont pas la possibilité de trouver refuge dans une autre région du pays. Il affirme que le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a exprimé la même position dans ses lignes directrices de 2016 sur le traitement des demandes d’asile émanant de Salvadoriens.

5.17En ce qui concerne l’argument de l’État partie concernant la protection policière, l’auteur se dit de nouveau préoccupé par le manque d’efficacité des mesures adoptées par les autorités salvadoriennes pour lutter contre les activités des gangs. Il fait valoir que l’État partie n’a pas contesté les éléments de preuve montrant que le Gouvernement est incapable de le protéger ainsi que sa famille. De plus, en ce qui concerne la capacité et la volonté du Gouvernement salvadorien de fournir une protection, il renvoie aux lignes directrices susmentionnées du HCR dans lesquelles il est indiqué que « la police … n’est généralement pas considérée comme offrant une protection suffisante aux résidents qui sont menacés par les gangs, étant donné que la présence des policiers est temporaire et que les bandes peuvent reprendre leurs activités une fois la police partie après quelques heures ou quelques jours ».

5.18L’auteur affirme en outre que l’État partie ne peut pas déroger aux obligations qui lui incombent au titre des article 6 et 7 du Pacte en invoquant l’exception de sécurité nationale. Il renvoie aux constatations du Comité contre la torture dans l’affaire Sogic. Canada, dans lesquelles le Comité explique que les principes juridiques interdisant de renvoyer une personne vers un pays où elle court un risque réel d’être tuée ou soumise à des traitements cruels, inhumains ou dégradants ne sont pas susceptibles de dérogation. Il affirme que, quelles que soient les menaces qu’il pourrait ou non faire peser sur la sécurité nationale, l’État partie ne peut pas l’expulser vers El Salvador compte tenu des risques découlant de cette mesure.

5.19En ce qui concerne les griefs tirés du paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte, l’auteur reconnaît que sa communication initiale n’était pas suffisamment détaillée. Il fait valoir que, dans la mesure où la procédure d’examen des risques avant renvoi a constitué un déni de justice, l’État partie ne lui a pas offert un recours utile contre les violations alléguées. Il ajoute que la décision rendue à l’issue de l’examen était entachée de graves et nombreuses erreurs de fait et de droit, y compris une approche arbitraire pour l’examen des preuves fournies. Il considère donc qu’il a été victime d’une violation des droits qu’il tient du paragraphe 3 de l’article 2 lu conjointement avec les articles 6, 7, 9 et 17 et avec le paragraphe 1 de l’article 23 du Pacte.

Observations complémentaires de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

6.1Dans une note du 22 juin 2016, l’État partie a fait part de ses observations sur la recevabilité et sur le fond de la communication et renouvelé sa demande de levée des mesures provisoires. Il soutient que la communication est irrecevable parce que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes et que ses allégations ne sont pas suffisamment étayées. Il affirme également que, à titre subsidiaire, la communication est dénuée de fondement.

6.2L’État partie réaffirme que la présentation à l’Agence des services frontaliers du Canada d’une demande de sursis administratif au renvoi est un recours efficace et rapide qui offre des perspectives raisonnables d’obtenir réparation et doit donc être épuisé aux fins de la recevabilité. Il ajoute que l’argument de l’auteur, qui fait valoir que l’Agence n’examine que les nouvelles preuves d’un risque personnel apparues après la décision défavorable rendue à l’issue de l’examen des risques avant renvoi, repose sur une vision trop étroite de ce recours. Il fait référence à l’affaire Atawnah c. Canada, dans laquelle la Cour d’appel fédérale a déclaré qu’un agent d’exécution ne se limitait pas à apprécier les nouveaux risques apparus depuis le dernier examen et disposait, pour le report d’un renvoi, d’un pouvoir discrétionnaire plus large que celui indiqué dans la jurisprudence. L’agent peut vouloir reporter le renvoi, par exemple, sur la base de nouvelles preuves étayant une allégation de risque qui a déjà été examinée ou d’éléments de preuve antérieurs à la dernière appréciation des risques.

6.3L’État partie affirme que le sursis au renvoi n’est pas une mesure discrétionnaire comme le prétend l’auteur et que les agents d’exécution doivent surseoir au renvoi si celui‑ci expose la personne concernée à un risque de mort, de sanctions excessives ou de traitement inhumain. Il indique qu’une personne peut solliciter l’autorisation de demander un contrôle juridictionnel de la décision si la demande de report a été rejetée. La personne peut également déposer une requête en sursis au renvoi en attendant l’issue de la demande d’examen juridictionnel. L’État partie fait valoir que les nombreuses décisions par lesquelles la Cour fédérale a annulé la décision d’un agent d’exécution ayant refusé de surseoir à un renvoi montrent que ces droits ne sont pas illusoires.

6.4En ce qui concerne les griefs tirés par l’auteur de l’article 9, l’État partie réaffirme que cet article n’impose pas aux États parties l’obligation de ne pas renvoyer des personnes qui courent un risque réel de détention arbitraire ou de menace à leur sécurité dans l’État de renvoi.

6.5L’État partie maintient que l’auteur n’a pas suffisamment étayé les griefs qu’il tire de l’article 17 et du paragraphe 1 de l’article 23 du Pacte. Il réaffirme que les États parties ont un large pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne l’expulsion d’étrangers de leur territoire, en particulier lorsque des considérations de sécurité sont en jeu. La décision d’expulser l’auteur a été prise compte tenu de l’intérêt majeur de l’État à veiller à ce que les personnes qui sont considérées comme une menace à la sécurité publique soient expulsées du territoire conformément à la législation interne et ne peut être considérée comme une atteinte arbitraire ou disproportionnée aux droits de l’auteur et de sa famille.

6.6L’État partie répète ses arguments en ce qui concerne les griefs tirés par l’auteur des articles 6 et 7 du Pacte. Il renvoie en outre aux mesures qui ont été récemment mises en œuvre en El Salvador pour étayer l’argument selon lequel l’auteur ne serait pas exposé à un risque réel de préjudice irréparable en cas de retour dans ce pays. À ce sujet, il indique que le Plan « El Salvador Seguro », lancé en juillet 2015, vise notamment à créer un système de justice plus efficace, à améliorer les services destinés aux victimes et à renforcer les institutions gouvernementales afin de lutter contre la criminalité.

6.7L’État partie indique également que El Salvador entend prendre des « mesures extraordinaires » pour limiter encore la communication entre les membres de gangs qui sont en prison et ceux qui sont à l’extérieur en transférant des centaines de chefs de gangs dans des quartiers de haute sécurité.

6.8L’État partie renvoie en outre aux mesures de réforme antigangs votées par l’Assemblée législative salvadorienne le 21 avril 2015, qui mettent l’accent sur la prévention du crime et la réforme de la justice pénale, ainsi qu’à la décision rendue le 24 août 2015 par la Cour suprême salvadorienne, qui a statué que les gangs pouvaient être inculpés d’infractions terroristes. Il indique que, le 25 mars 2016, le Gouvernement salvadorien a adopté une loi qui impose de lourdes restrictions aux chefs de gangs condamnés et incarcérés.

6.9L’État partie soutient que, bien que l’incidence des mesures mentionnées ci-dessus ne soit pas connue et que la violence liée aux gangs persiste, El Salvador déploie des efforts importants pour faire face aux problèmes liés à ces gangs dans le pays.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif.

7.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

7.3Le Comité note que l’État partie affirme que les recours internes n’ont pas été épuisés puisque l’auteur n’a pas demandé à l’Agence des services frontaliers du Canada de surseoir à son renvoi. Il prend également note de l’argument de l’auteur, qui fait valoir que la suspension administrative du renvoi est temporaire, limitée à l’appréciation de nouveaux éléments de preuve et largement à la discrétion de l’agent d’exécution qui en est responsable. Il prend note de l’argument de l’État partie, qui indique qu’une décision défavorable concernant le report du renvoi peut être soumise à un contrôle juridictionnel et qu’il est également possible de déposer une requête en sursis au renvoi en attendant l’issue de la demande d’examen juridictionnel. Le Comité note, cependant, que ce contrôle juridictionnel porte principalement sur des points de procédure et ne comporte pas d’examen du fond de l’affaire. Au vu de ce qui précède, et compte tenu du fait que l’auteur a présenté trois demandes dans le cadre de la procédure d’examen des risques avant renvoi ainsi qu’une demande pour considérations d’ordre humanitaire et plusieurs requêtes auprès de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié et de la Cour fédérale, le Comité considère que l’auteur a épuisé tous les recours internes disponibles conformément aux prescriptions du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

7.4Le Comité note également que l’État partie fait valoir que les griefs que l’auteur tire du paragraphe 3 de l’article 2, des articles 6, 7 et 17 et du paragraphe 1 de l’article 23 ne sont pas suffisamment étayés. En ce qui concerne les griefs que l’auteur tire des articles 6 et 7, seuls et lus conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2, le Comité est d’avis que, aux fins de la recevabilité, le requérant a apporté assez d’éléments pour démontrer que son renvoi en El Salvador l’exposerait à un risque de préjudice irréparable et qu’aucun recours utile pour contester son expulsion n’était disponible dans son cas. Par conséquent, il déclare ces griefs recevables.

7.5En ce qui concerne les allégations de l’auteur au titre de l’article 17 et du paragraphe 1 de l’article 23, le Comité note que l’auteur affirme que, s’il était tué ou détenu arbitrairement en raison de son renvoi en El Salvador, cela porterait atteinte à l’intégrité de sa famille. Il note également que, selon l’auteur, des membres du gang MS-13 auraient déclaré à son épouse que la seule raison pour laquelle elle-même et ses filles étaient encore en vie était qu’ils savaient qu’un jour, l’auteur reviendrait vers elles. Il constate en outre que l’auteur n’a pas fourni d’autre renseignement ou élément d’appréciation ou explication concernant le point de savoir en quoi son renvoi en El Salvador constituerait une violation par l’État partie des droits qu’il tient des articles 17 et 23 du Pacte et lui ferait courir un risque important de subir un préjudice irréparable tel que celui envisagé aux articles 6 et 7 du Pacte. Le Comité conclut que cette partie de la communication est irrecevable en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif.

7.6Le Comité prend note de l’argument de l’État partie, selon qui les allégations de l’auteur au titre de l’article 9 de la Convention sont incompatibles ratione materiae. À cet égard, il prend note aussi du grief de l’auteur, qui affirme que l’obligation de l’État de protéger la sécurité de la personne s’étend à la protection des individus contre les menaces prévisibles pesant sur leur vie ou leur intégrité corporelle qui proviennent d’acteurs privés, et qu’il courrait un risque prévisible de détention arbitraire, étant donné la participation de la MS-13 à des enlèvements. Le Comité conclut que les griefs de l’auteur concernant une violation de l’article 9 sont recevables dans la mesure où, dans les circonstances de l’espèce, le renvoi de l’auteur pourrait l’exposer à un risque réel de subir un préjudice irréparable tel que celui envisagé aux articles 6 et 7 du Pacte.

7.7En conséquence, le Comité déclare que les griefs que l’auteur tire des articles 6, 7 et 9, seuls et lus conjointement avec le paragraphe 3 l’article 2 du Pacte, sont recevables et procède à leur examen quant au fond.

Examen au fond

8.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité a examiné la communication en tenant compte de toutes les informations que lui ont communiquées les parties.

8.2Le Comité prend note du grief de l’auteur, qui affirme que son expulsion vers El Salvador l’exposerait à un risque de préjudice irréparable, en violation des articles 6 et 7 du Pacte. L’auteur affirme qu’il est devenu une cible du gang MS-13 en raison de sa participation à l’enquête sur le meurtre de son frère en 1993, qui a abouti à la condamnation et à l’emprisonnement pour dix ans de trois membres du gang impliqués dans le meurtre, à la suite de quoi il a subi une succession d’agressions et sa famille a été l’objet de menaces.

8.3Le Comité note que l’auteur affirme que les menaces à l’égard de son épouse et de ses filles, y compris les demandes d’argent contre l’assurance que ses filles ne seraient pas blessées, se sont poursuivies après son départ, obligeant ses filles à être scolarisées à domicile. Il prend aussi note de l’argument de l’auteur, selon qui la décision défavorable rendue en 2015 à l’issue de l’examen des risques avant renvoi contenait de multiples erreurs et n’accordait pas suffisamment de poids aux preuves fournies.

8.4Le Comité prend note de l’argument de l’État partie, qui fait valoir que la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a conclu que l’auteur ne pouvait pas être admis au Canada pour des motifs de sécurité en raison de son appartenance au Front de libération nationale Farabundo Martí avant 1992, à une époque où cette organisation était considérée comme « appelant ou incitant au renversement de tout gouvernement par la force ». Cela étant, il note également que, depuis 1992, le Front de libération nationale Farabundo Martí est un parti politique légal en El Salvador, et que l’État partie ne donne aucune information qui permettrait au Comité de conclure que l’auteur représente actuellement une menace pour la sécurité nationale. Il souligne en outre qu’aucune raison ne saurait être invoquée en tant que justification ou circonstance atténuante pour excuser un non-respect par l’État partie des obligations qui lui incombent en matière de non-refoulement. La menace que l’auteur représenterait ne saurait donc l’emporter sur ces obligations. S’il devait être nécessaire de répondre à une telle menace, ce devrait être par d’autres moyens, qui soient compatibles avec les obligations de l’État partie découlant du Pacte.

8.5Le Comité note que l’État partie fait valoir que trois agents chargés des examens des risques avant renvoi, dont les décisions ont été confirmées par la Cour fédérale, ont conclu que l’auteur ne courait pas un risque personnel aux mains du gang MS-13 et qu’il n’avait pas réfuté la présomption de protection de l’État par des preuves claires et convaincantes. Il prend également note de l’argument de l’État partie, selon qui l’auteur n’a pas démontré que les faits qui se seraient produits entre 2003 et 2005 signifient qu’il serait exposé à un risque de préjudice irréparable s’il était renvoyé aujourd’hui, étant donné en particulier que, depuis son départ, El Salvador a mis en œuvre une série de mesures visant à réprimer les activités des gangs.

8.6Le Comité note que l’État partie fait valoir que l’auteur pourrait, si cela était nécessaire, demander une protection policière pour lui-même en El Salvador et qu’il n’existe pas de preuves suffisantes pour conclure à l’absence de possibilités de trouver refuge ailleurs dans le pays. Le Comité prend également note de l’argument de l’État partie, selon qui l’auteur n’a soumis aucun élément démontrant que les décisions rendues à l’issue de l’examen des risques avant renvoi ont été manifestement arbitraires ou ont constitué un déni de justice.

8.7Le Comité rappelle son observation générale no 31, dans laquelle il indique que les États parties ont l’obligation de ne pas extrader, déplacer, expulser quelqu’un ou le transférer par d’autres moyens de leur territoire s’il existe des motifs sérieux de croire qu’il y a un risque réel de préjudice irréparable tel que celui envisagé aux articles 6 et 7 du Pacte. Il rappelle aussi qu’un tel risque doit être encouru personnellement et qu’il faut des motifs sérieux de conclure à l’existence d’un risque réel de préjudice irréparable. C’est pourquoi tous les faits et circonstances pertinents doivent être pris en considération, notamment la situation générale des droits de l’homme dans le pays d’origine de l’auteur. Le Comité, rappelant en outre sa jurisprudence, réaffirme qu’il convient d’accorder un poids important à l’analyse qu’a faite l’État partie de l’affaire et que c’est généralement aux organes des États parties qu’il appartient d’apprécier les faits et les éléments de preuve en vue de déterminer l’existence d’un tel risque, sauf s’il peut être établi que cette appréciation a été de toute évidence arbitraire, manifestement entachée d’erreur ou a représenté un déni de justice.

8.8À cet égard, le Comité note que l’auteur et ses proches ont été directement visés par des actes répétés de violence de la part du gang MS-13 et que ces faits ne sont pas contestés par l’État partie. Au nombre de ceux-ci figurent le meurtre du frère de l’auteur ainsi que le fait que, selon l’auteur, un membre du gang MS-13 lui a tiré une balle dans le genou en juillet 1993, et qu’en novembre 2003 et en mars 2004, après la remise en liberté des membres du gang qui avaient été condamnés, il a été agressé, et qu’au cours de ces agressions deux de ses amis ont été tués. Le Comité prend également note de l’affirmation de l’auteur, selon qui, son frère et lui ont été menacés en janvier 2005 par un membre du gang MS-13 qui était armé d’un couteau, et que le gang a menacé à plusieurs reprises sa femme et ses filles et a notamment tiré des coups de feu en direction de son domicile, avec pour conséquence que l’une de ses filles a quitté le domicile et que l’autre a dû poursuivre sa scolarité à domicile.

8.9Le Comité constate que, tout au long de la procédure d’asile, l’État partie n’a pas dûment pris en considération différentes pièces fournies par l’auteur, notamment : a) la déclaration sous serment d’un expert de la violence des gangs en Amérique centrale, qui a conclu que l’auteur serait exposé « à un risque particulièrement important de graves atteintes à son intégrité physique et de meurtre en cas de renvoi » et que les autorités salvadoriennes ne seraient pas en mesure de lui assurer la protection nécessaire ; b) la déclaration dans laquelle le policier salvadorien chargé de protéger les proches de l’auteur a affirmé que l’État n’avait pas la capacité d’apporter à l’auteur et à sa famille la protection dont ils ont besoin ; c) la déclaration selon laquelle l’épouse de l’auteur avait été informée par le gang MS-13 que la seule raison pour laquelle ses filles et elle-même étaient en vie était que le gang savait qu’un jour, l’auteur reviendrait vers elles ; d) le certificat médical indiquant que l’auteur présentait un trouble de stress post‑traumatique chronique et qu’il était très probable qu’un retour en El Salvador provoquerait un effondrement psychologique.

8.10En outre, le Comité prend note de l’argument de l’État partie, qui fait valoir que la violence des gangs touche surtout les petites entreprises familiales, les services de transport public et les groupes vulnérables tels que les femmes et les enfants, et que l’auteur n’entre dans aucune de ces catégories, mais il constate que l’État partie n’a pas accordé suffisamment de poids à d’autres éléments figurant dans les informations données par l’auteur à l’appui de sa demande d’examen des risques avant renvoi, qui montrent que la violence de ces gangs touche particulièrement les victimes et les témoins de crimes et que les autorités salvadoriennes ne sont pas en mesure de leur fournir la protection nécessaire. Le Comité relève de plus que, compte tenu du profil de l’auteur, ces informations sont particulièrement pertinentes. Il prend note à cet égard des nombreuses informations disponibles faisant état de l’ampleur de la violence des gangs en El Salvador en général et plus particulièrement à l’égard des témoins. Il prend également note de l’argument de l’État partie, qui indique que le Gouvernement salvadorien a récemment pris des mesures pour lutter contre la violence des gangs mais que l’incidence de ces mesures n’est toujours pas connue et que cette violence persiste.

8.11Compte tenu de ce qui précède, le Comité considère que l’État partie, lorsqu’il a apprécié le risque auquel était exposé l’auteur, n’a pas dûment pris en compte la totalité des informations disponibles, ainsi que l’effet cumulé de ces éléments, dont il ressort que l’auteur courrait un risque réel de préjudice irréparable s’il était renvoyé en El Salvador. Dans ces circonstances, le Comité estime que l’expulsion de l’auteur vers El Salvador constituerait une violation des articles 6 et 7 du Pacte.

8.12Ayant conclu ce qui précède, le Comité décide de ne pas examiner séparément les griefs que l’auteur tire du paragraphe 3 de l’article 2 et de l’article 9 du Pacte.

9.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif, constate que l’expulsion de l’auteur vers El Salvador, si elle était exécutée, constituerait une violation des droits que l’auteur tient des articles 6 et 7 du Pacte.

10.Conformément au paragraphe 1 de l’article 2 du Pacte, qui dispose que les États parties s’engagent à respecter et à garantir à tous les individus se trouvant sur leur territoire et relevant de leur compétence les droits reconnus dans le Pacte, l’État partie est tenu de procéder à un réexamen des griefs de l’auteur, en tenant compte des obligations mises à sa charge par le Pacte ainsi que des présentes constatations. Le Comité prie l’État partie de ne pas expulser l’auteur vers El Salvador tant que sa demande d’asile sera à l’examen.

11.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité a compétence pour déterminer s’il y a violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingt jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet aux présentes constatations. L’État partie est invité en outre à rendre celles-ci publiques et à les diffuser largement dans les langues officielles du pays.