NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.RESTREINTE*

CCPR/C/95/D/1512/200629 mars 2009

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMMEQuatre‑vingt‑quinzième session16 mars‑3 avril 2009

CONSTATATIONS

Communication n o  1512/2006

Présentée par:

Allan Kendrick Dean (représenté par un conseil, M. Tony Ellis)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Nouvelle-Zélande

Date de la communication:

8 septembre 2006 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 22 novembre 2006 (non publiée sous forme de document)

Date de l’adoption des constatations:

17 mars 2009

Objet: Condamnation à une détention à titre préventif; rétroactivité du régime des peines; réinsertion d’un détenu en internement préventif

Questions de procédure: Non‑épuisement des recours internes

Question s de fond: Détention arbitraire; accès à la justice pour contester la légalité de la détention; droit à un traitement en vue de la réinsertion pendant la détention; droit de bénéficier d’une peine plus légère

Article s du Pacte: 9, 10, 14 et 15

Article s du Protocole facultatif: 2, 5 (par. 2 b))

Le 17 mars 2009, le Comité des droits de l’homme a adopté le texte ci‑après en tant que constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif en ce qui concerne la communication no 1512/2006.

[ANNEXE]

ANNEXE

CONSTATATIONS DU COMITÉ DES DROITS DE L ’ HOMME AU TITRE DU PARAGRAPHE 4 DE L ’ ARTICLE 5 DU PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES

Quatre ‑vingt ‑quinzième session

concernant la

Communication n o 1512/2006**

Présentée par:

Allan Kendrick Dean (représenté par un conseil, M. Tony Ellis)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Nouvelle‑Zélande

Date de la communication:

8 septembre 2006 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 17 mars 2009,

Ayant achevé l’examen de la communication no 1512/2006 présentée au nom de M. Allan Kendrick Dean en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l ’ article 5 du Protocole facultatif

1.L’auteur de la communication, datée du 8 septembre 2006, est Allan Kendrick Dean, de nationalité néo‑zélandaise, actuellement en internement préventif (c’est‑à‑dire interné pour une durée indéterminée, jusqu’à ce que la Commission des libérations conditionnelles décide de la mise en liberté) en Nouvelle‑Zélande. Il se déclare victime de violations par la Nouvelle‑Zélande du paragraphe 3 a) et b) de l’article 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques; de l’article 7; des paragraphes 1 et 4 de l’article 9; des paragraphes 1 et 3 de l’article 10; des paragraphes 1, 2, 3 et 5 de l’article 14; du paragraphe 1 de l’article 15 et de l’article 26. Il est représenté par un conseil, M. Tony Ellis.

Rappel des faits présentés par l ’ auteur

2.1Le 24 juin 1995, l’auteur est entré dans un cinéma et s’est assis à côté d’un jeune garçon de 13 ans. Il a posé sa main sur les genoux du garçon et l’a laissée sur l’entrejambe de son pantalon. Le garçon est allé s’asseoir ailleurs.

2.2Avant cet incident, l’auteur avait déjà été condamné 13 fois pour différents actes d’attentat à la pudeur commis sur une période de près de quarante ans. Il avait été prévenu deux fois qu’il risquait une peine d’internement préventif s’il comparaissait de nouveau pour des faits analogues.

2.3L’auteur a été inculpé d’«attentat à la pudeur sur un garçon âgé de 12 à 16 ans». Il a plaidé coupable de ce chef d’inculpation à l’audience en procédure accélérée devant le tribunal de district et encourait donc une peine maximale de trois ans d’emprisonnement. Toutefois, conformément à l’article 75 de la loi sur la justice pénale de 1985 (abrogée depuis), le tribunal de district s’est déclaré incompétent en ce qui concerne la détermination de la peine, faisant valoir qu’il avait des raisons de penser que l’auteur était passible d’internement préventif. L’affaire a alors été renvoyée au tribunal de première instance (High Court) pour être jugée. Le 3 novembre 1995, l’auteur a été condamné à une peine d’internement préventif, avec possibilité de demander la libération conditionnelle le 22 juin 2005, conformément à la loi applicable à l’époque, qui fixait à dix ans la période pendant laquelle un condamné ne peut pas prétendre à la libération conditionnelle.

2.4L’auteur a fait appel et a été débouté sans motif, en date du 23 novembre 1995. Il n’avait pas obtenu l’aide juridictionnelle pour l’appel. À la suite de jugements du Conseil privé et de la cour d’appel qui avaient établi que la procédure d’appel, suivie également dans le cas de l’auteur, était viciée, l’auteur a demandé que l’appel soit de nouveau examiné. Il a obtenu l’aide juridictionnelle. La cour d’appel l’a débouté en date du 17 décembre 2004. L’auteur a fait une demande d’autorisation de former recours auprès de la Cour suprême, qui a été refusée en date du 11 avril 2005.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur fait valoir que la peine d’internement préventif était de toute évidence excessive par rapport à la gravité de l’infraction et a donc constitué une violation du droit d’être traité avec dignité, en violation de l’article 7 du Pacte ou bien du paragraphe 1 de l’article 10. Il avance que le principe de proportionnalité dans l’application d’une peine est au cœur de l’interdiction d’une peine cruelle, inhumaine ou dégradante. Il ajoute que l’incertitude inhérente au placement en internement préventif a des conséquences psychologiques graves qui font de sa peine un traitement cruel et inhumain.

3.2L’auteur fait valoir en outre que le caractère disproportionné de la peine constitue une violation du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte. D’après lui, cette disposition s’applique à la procédure pénale tout entière, y compris au prononcé de la peine, et une condamnation manifestement excessive n’est pas équitable.

3.3L’auteur fait valoir aussi que le droit à un procès équitable a été violé quand l’affaire a été renvoyée pour jugement du tribunal de district au tribunal de première instance étant donné que la nature des charges s’est trouvée fondamentalement modifiée dès lors que la peine encourue passait d’un maximum de trois ans d’emprisonnement à un internement préventif. L’auteur fait valoir que la nature de l’inculpation comprend également la peine maximale qui peut être prononcée, étant donné que c’est en fonction de la peine maximale encourue que quelqu’un décide de plaider coupable ou non. Dans la présente affaire, l’auteur a plaidé coupable pour une infraction d’attentat à la pudeur dans le cadre d’une procédure accélérée devant le tribunal de district. Quand celui‑ci a renvoyé l’affaire au tribunal de première instance pour le prononcé de la peine, l’auteur n’a pas eu la possibilité de reconsidérer son plaider‑coupable et d’envisager un procès. Il fait valoir qu’il y a là violation des paragraphes 1 et 3 a) de l’article 14 du Pacte parce qu’il a été reconnu coupable selon la procédure accélérée, sans jury, et que l’affaire a été renvoyée à une juridiction qui pouvait prononcer la peine la plus lourde autorisée par la loi sans les nécessaires garanties d’une procédure équitable.

3.4L’auteur fait valoir que le retard mis à rendre une décision dans l’appel qu’il avait formé, qui a été rejeté neuf ans après l’introduction de l’appel, constitue une violation des paragraphes 3 c) et 5 de l’article 14 du Pacte. Il fait valoir qu’à titre de réparation pour ce retard, il aurait dû bénéficier d’une réduction de peine et obtenir un emprisonnement d’une durée déterminée à la place de l’internement préventif. Or, le tribunal a refusé d’entrer en matière sur cette question, qui a été soulevée par l’avocat de l’auteur à l’audience d’appel; de l’avis de l’auteur, le tribunal considérait que l’auteur pouvait prétendre à la libération conditionnelle six mois plus tard. L’auteur fait valoir que la question de la possibilité d’obtenir la libération conditionnelle était indépendante de la question de savoir s’il avait été victime d’une violation de ses droits et s’il avait droit à une réparation; il y avait donc violation du droit à un procès équitable garanti au paragraphe 1 de l’article 14.

3.5L’auteur fait valoir en outre que l’audience d’appel a été entachée d’une violation des paragraphes 1 et 3 d) de l’article 14 parce que la cour d’appel a procédé à un examen inquisitoire sur le passé pénal de l’auteur et est allée rechercher le dossier d’un jugement rendu le 24 juillet 1970. L’auteur affirme qu’il y a là violation de la règle de la procédure contradictoire et se plaint de n’avoir pu examiner le dossier qu’après que la cour d’appel s’était déjà forgé son opinion. Il ajoute que la cour n’a produit qu’une partie du dossier et que le dossier complet n’a été présenté que parce que le conseil l’avait demandé et qu’il y manquait le jugement rendu en appel dans l’affaire de 1970.

3.6L’auteur fait valoir que les objections de son conseil ont été écartées sans raison par la cour d’appel, en violation du paragraphe 1 de l’article 14. En outre, il y a une autre violation de cette même disposition parce que la cour d’appel n’a pas demandé un rapport psychiatrique actuel. L’auteur dit que quand il a été condamné, en 1995, la cour était saisie d’un rapport d’expertise psychologique datant de 1993 et d’un rapport d’expertise psychiatrique datant de 1995, qui ne faisait que deux pages et avait été établi à l’issue d’un unique entretien avec l’auteur. Il ajoute que le psychiatre qui avait établi ce rapport faisait l’objet d’une enquête pour faute dans l’exercice de sa pratique dans son État d’origine. L’auteur fait valoir que, vu le nombre d’années qui s’étaient écoulées, la cour d’appel avait le devoir de demander un nouveau rapport pour pouvoir statuer sur le recours.

3.7L’auteur affirme que la justice a exercé une discrimination à son encontre en raison de son orientation sexuelle car il a été traité plus durement que les hétérosexuels en ce qui concerne la fixation de la peine. Il renvoie aux annotations du juge qui l’avait condamné en 1970 à huit ans d’emprisonnement et qui montrent une attitude nettement homophobe. Il cite également l’article 140A (abrogé) de la loi sur les infractions pénales de 1961, en vertu duquel il a été condamné, qui ne qualifie d’infraction pénale que les attentats à la pudeur commis par un homme sur tout garçon âgé entre 12 et 16 ans. L’article a été remplacé par une disposition sans mention du sexe en 2003 seulement.

3.8L’auteur invoque une violation du paragraphe 2 de l’article 15 du Pacte parce qu’il n’a pas bénéficié d’une peine plus clémente que celle à laquelle ont droit les personnes condamnées après la promulgation de la loi sur les peines de 2002. Ainsi, pour tous les délinquants condamnés à un internement préventif avant l’entrée en vigueur de la loi, la période pendant laquelle ils ne pouvaient pas prétendre à la libération conditionnelle était automatiquement de dix ans alors que pour ceux qui ont été condamnés après, cette période incompressible est de cinq ans. Dans ce contexte, l’auteur fait valoir que la durée minimale de la détention à accomplir avant de pouvoir prétendre à la libération conditionnelle représente une peine. Il fait également valoir que la différence de traitement entre les délinquants, qui repose exclusivement sur la date à laquelle la peine a été prononcée, constitue une discrimination en violation de l’article 26.

3.9L’auteur fait valoir que le régime d’internement préventif en vigueur en Nouvelle‑Zélande est contraire au paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte parce qu’il ne présente pas de garanties permettant d’empêcher la détention arbitraire; il est contraire aussi au paragraphe 1 de l’article 14 parce que la juridiction de jugement peut seulement prononcer une partie de la peine et que le reste est à la discrétion d’un organe administratif, au paragraphe 2 de l’article 14 parce que la présomption d’innocence n’est pas respectée et au paragraphe 1 de l’article 15 parce que ce régime prévoit une peine discrétionnaire en fonction d’une présomption de dangerosité future et ne sanctionne pas des actes déjà commis. L’auteur invoque également une violation du paragraphe 4 de l’article 9 parce que son maintien en détention n’est pas périodiquement réexaminé par un tribunal vu que la Commission des libérations conditionnelles n’est pas indépendante à l’égard du pouvoir exécutif et ne présente pas les garanties d’une procédure judiciaire. L’auteur fait référence aux constatations du Comité dans Rameka et consorts c. Nouvelle-Zélande et note que neuf membres du Comité avaient une opinion différente pour une raison ou une autre de l’opinion de la majorité, qui estimait que l’internement préventif peut être ordonné si les garanties voulues sont en place pour assurer le respect du Pacte. L’auteur rappelle l’opinion dissidente exprimée par six membres du Comité et affirme que la jurisprudence du Comité lui-même montre que ce dernier n’est pas lié par une décision précédente.

3.10L’auteur renvoie à l’observation du Comité dans Rameka et consorts c. Nouvelle ‑ Zélande selon laquelle les auteurs de cette communication n’ont avancé aucun argument permettant d’affirmer que la Commission des libérations conditionnelles devrait être considérée comme n’étant pas assez indépendante et impartiale aux fins du paragraphe 4 de l’article 9 du Pacte. À ce propos, l’auteur fait valoir que les membres de la Commission sont nommés par le pouvoir politique et que la majorité d’entre eux ne sont pas juristes. De plus, le Département de l’administration pénitentiaire a une influence indue sur les membres de la Commission des libérations conditionnelles étant donné que c’est lui qui organise et assure leur formation. L’auteur ajoute que les audiences de la Commission ne sont pas publiques et qu’elle n’applique pas une procédure contradictoire et qu’en outre le droit d’être représenté par un avocat n’est pas respecté.

3.11L’auteur se déclare victime d’une violation du paragraphe 3 de l’article 10 parce qu’on lui a refusé sans justification un traitement qui pourrait aider à sa réadaptation et lui permettre d’être libéré. Il indique qu’à sa première audition devant la Commission des libérations conditionnelles, le 22 juin 2005, la Commission a conclu qu’il n’avait pas suivi assez de programmes visant à traiter ses penchants délictueux et que s’il était libéré il y aurait un risque trop grand pour la collectivité. La Commission a recommandé le transfert de l’auteur à la prison d’Auckland pour qu’il suive un traitement de prévention de la récidive et soit aidé dans l’élaboration d’un plan en vue de sa remise en liberté. Toutefois, l’auteur n’a jamais été transféré et après l’audience du 23 juin 2006 la Commission des libérations conditionnelles a de nouveau recommandé son transfert le plus tôt possible à la prison d’Auckland afin qu’il établisse un plan en vue de sa libération. La Commission indiquait que si un plan adéquat était en place à la prochaine audience, en novembre 2006, elle ordonnerait la remise en liberté. L’auteur affirme que la politique du Département, consistant à ne pas proposer de traitement spécifique aux condamnés en internement préventif tant qu’ils n’ont pas accompli les années de peine nécessaires pour pouvoir prétendre à la libération conditionnelle, constitue une violation du droit à la réadaptation.

3.12L’auteur fait valoir qu’à cause de la politique du Département, il a été maintenu arbitrairement en détention au‑delà de la date à laquelle il pouvait prétendre à la libération conditionnelle, en violation du paragraphe 1 de l’article 9, et qu’il n’existe pas de possibilité de faire examiner par un tribunal authentiquement indépendant et impartial la légalité de son maintien en détention. Dans ce contexte, il affirme que le Département de l’administration pénitentiaire n’est pas tenu de suivre les recommandations de la Commission des libérations conditionnelles.

3.13L’auteur invoque également une violation du droit à l’égalité de traitement devant la loi parce que la politique du Département de l’administration pénitentiaire est discriminatoire à l’encontre des détenus en internement préventif, qui ne peuvent pas bénéficier des programmes de traitement tant qu’ils n’ont pas exécuté la durée de la peine obligatoire avant de pouvoir être libérés sur parole, alors que les condamnés à des peines de durée déterminée peuvent bénéficier d’un traitement quand ils ont exécuté les deux tiers de leur peine. Il objecte que le manque de ressources ne peut pas servir de prétexte pour justifier une violation d’un droit garanti dans le Pacte.

3.14L’auteur affirme que depuis le rejet par la Cour suprême de sa demande d’autorisation de faire recours, le 11 avril 2005, tous les recours internes sont épuisés.

Observations de l ’ État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Dans une réponse datée du 5 juin 2007, l’État partie conteste la recevabilité et le fond de la communication.

4.2En ce qui concerne l’allégation de l’auteur qui fait valoir que l’infraction pour laquelle il a été reconnu coupable était discriminatoire à l’égard des hommes homosexuels et que sa condamnation a été plus lourde en raison de son homosexualité, l’État partie objecte que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes pour ce grief puisqu’il ne l’a pas soulevé en appel. L’État partie rejette en outre l’allégation sur le fond et affirme que le fait qu’en 1995 la législation ne prévoyait pas une infraction spécifique constituée par un acte d’attentat à la pudeur commis par une femme sur la personne d’un jeune garçon ne constitue pas une discrimination contre l’auteur. À ce sujet, l’État partie explique que même si une infraction spécifique constituée par un acte d’attentat à la pudeur commis par une femme sur un garçon n’existait pas en 1995, le chef d’inculpation retenu en pareil cas était une infraction plus générale, comme l’agression. Il ajoute que l’auteur n’a pas apporté d’élément pour montrer qu’il avait été condamné à une peine plus lourde parce qu’il était homosexuel. Il explique que les actes sexuels de l’auteur sont contraires à la loi pénale non pas parce qu’ils sont homosexuels ou hétérosexuels mais parce qu’ils sont commis sur la personne d’enfants. L’État partie relève que les annotations du tribunal de jugement mentionnées par l’auteur concernent sa condamnation de 1970, c’est‑à‑dire avant l’entrée en vigueur du Pacte et du Protocole facultatif.

4.3En ce qui concerne la nature de la peine d’internement préventif, l’État partie note que l’auteur cherche principalement à amener le Comité à revenir sur ses constatations dans l’affaire Rameka et consorts c. Nouvelle ‑ Zélande. Il invite le Comité à suivre au contraire la jurisprudence établie dans cette affaire, d’autant plus que l’auteur a été condamné exactement en vertu du même régime que les deux auteurs de cette communication. Si le Comité avait l’intention de s’écarter de ses constatations dans l’affaire Rameka, l’État partie souhaiterait faire une réponse complète. L’État partie ajoute que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes en ce qui concerne certains de ses griefs. Les griefs relatifs à l’indépendance et à l’impartialité de la Commission des libérations conditionnelles n’ont pas été soulevés dans le mémoire d’appel de l’auteur et le conseil de celui‑ci a expressément informé la cour d’appel qu’il ne plaidait pas sur ces points. De plus, l’auteur n’a pas demandé le réexamen judiciaire des décisions de la Commission des libérations conditionnelles le concernant et n’a pas non plus engagé d’action pour violation de la Déclaration des droits néo‑zélandaise. Sur le fond, l’État partie fait valoir que les dispositions de l’article 14 qui concernent les infractions pénales ne s’appliquent pas à la Commission des libérations conditionnelles qui, en effet, ne prend pas part à des décisions concernant une infraction pénale. La procédure de cet organe n’est pas non plus conçue pour déterminer des droits et obligations «de caractère civil» au sens du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte. Alors que les tribunaux ont pour fonction de déterminer la culpabilité et de prononcer une peine à la mesure de la gravité de l’infraction, le rôle de la Commission des libérations conditionnelles est simplement d’administrer la peine prononcée par le tribunal, étant donné que le principal élément à considérer dans une libération conditionnelle n’est pas la punition mais la sécurité de la collectivité. Quoi qu’il en soit, l’État partie fait valoir que quand on considère la Commission des libérations conditionnelles globalement, en tenant compte du fait qu’elle a été créée par une loi en tant qu’autorité statutaire indépendante, que des garanties statutaires sont en place pour prémunir contre la partialité et qu’une révision judiciaire par les tribunaux est possible, on voit bien que les prescriptions de l’article 14 sont satisfaites.

4.4En ce qui concerne les griefs de l’auteur relatifs à la possibilité de suivre des programmes de réadaptation, l’État partie objecte que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes puisqu’à aucun moment il n’a cherché à faire réexaminer les décisions du Département de l’administration pénitentiaire à ce propos. À l’audience d’appel, le conseil de l’auteur a expressément informé la cour qu’il ne plaidait pas sur ces points. Sur le fond, l’État partie fait valoir que le système pénitentiaire néo‑zélandais satisfait aux prescriptions du paragraphe 3 de l’article 10 car il offre toute une gamme de programmes de réadaptation bien ciblés pendant l’incarcération, avant la remise en liberté et après la libération conditionnelle. Il fait valoir que le paragraphe 3 de l’article 10 ne contient pas un droit absolu de recevoir un traitement psychologique individualisé ou de participer à un programme de réadaptation particulier. L’État partie décrit en détail l’assistance à la réadaptation que l’auteur a reçue pendant ses nombreuses périodes d’incarcération, notamment les programmes de réadaptation spécialisés pour les pédophiles et un programme de psychothérapie individualisé. L’auteur n’en a pas moins récidivé, même quand il était en liberté sur parole. L’État partie rejette l’allégation de l’auteur qui affirme que si sa remise en liberté a été retardée c’est parce qu’on ne lui a pas offert de programme de réadaptation pendant sa détention actuelle et fait valoir que l’auteur a suivi un certain nombre de programmes de réadaptation ainsi qu’un programme de psychothérapie individualisé. De plus, il a eu la possibilité en 2000 de participer au programme «Te Piriti», qui est un programme préalable à la remise en liberté conçu pour les auteurs de délits sexuels contre des enfants. D’après l’État partie, l’auteur a refusé de participer à ce programme parce qu’il y avait des psychologues femmes et parce que le programme ne traitait pas de son orientation homosexuelle. D’après l’État partie, le traitement de prévention de la récidive offert dans la prison d’Auckland, que la Commission des libérations conditionnelles avait mentionné en 2005, est précisément le programme «Te Piriti» que l’auteur a refusé de suivre. L’État partie ajoute que l’auteur a bien été transféré à la prison d’Auckland, en juillet 2006, et qu’il a de nouveau comparu devant la Commission des libérations conditionnelles en novembre 2006. La Commission a estimé que l’auteur n’avait pas encore présenté de plan global en vue de sa libération montrant la supervision et l’appui dont il bénéficierait une fois remis en liberté et a donc décidé de reporter la décision à mars 2007. À la demande du conseil, l’audience a été reportée à juin 2007.

4.5En ce qui concerne le renvoi de l’affaire du tribunal de district au tribunal de première instance, l’État partie fait valoir que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes étant donné qu’il n’a jamais fait la moindre démarche pour retirer son plaider-coupable ou pour faire appel de sa condamnation. Il ajoute que l’auteur n’a pas apporté d’élément montrant qu’il ne savait pas qu’il encourait une peine d’internement préventif. Au contraire, il avait dans le passé été averti à plusieurs reprises que l’internement préventif pourrait être prononcé s’il continuait à commettre des atteintes aux enfants. L’État partie note en outre que l’auteur était représenté par un conseil pendant toute la procédure.

4.6En ce qui concerne les griefs relatifs à l’appel de sa condamnation, l’État partie objecte que le temps écoulé avant de juger de nouveau l’appel formé par l’auteur ne représente pas une violation de l’article 14 et que même si c’était le cas, une réduction de peine ne serait pas une réparation appropriée étant donné que ce retard n’a causé aucun préjudice à l’auteur et que le nouveau jugement en appel a constitué la réparation pour la procédure viciée suivie dans l’appel initial formé par l’auteur. L’État partie fait valoir que l’appel initial avait été jugé dans des délais raisonnables, le 21 mars 1996. L’auteur n’a pas contesté la procédure qui avait abouti à la décision sur l’appel. D’autres appelants avaient contesté cette procédure et par la suite la loi avait été modifiée et l’auteur avait donc eu la possibilité d’obtenir une nouvelle audience pour son appel. Il en avait fait la demande le 21 mai 2003 et les audiences avaient eu lieu le 10 novembre et le 15 décembre 2004. Comme le reconnaît l’auteur lui‑même, dans ce retard douze mois sont dus à l’indisponibilité du conseil. Par conséquent, les sept années et trois mois qui se sont écoulés pour statuer sur l’appel ne peuvent pas être attribués exclusivement à l’État partie.

4.7Pour ce qui est de la production par la cour d’appel d’un dossier judiciaire relatif à l’un des précédents procès, l’État partie affirme qu’il n’y a pas violation de l’article 14 étant donné que la cour a demandé le dossier en réponse à une observation du conseil qui avait affirmé que l’auteur était simplement un délinquant «importun». Après avoir obtenu le dossier, qui concernait une condamnation à huit ans d’emprisonnement pour agression sexuelle sur des garçons de moins de 16 ans, en 1970, la cour d’appel a donné à la défense et à l’accusation une nouvelle possibilité d’être entendues. Pour ce qui est des griefs relatifs à la décision de la cour d’appel de rejeter l’appel formé par l’auteur, l’État partie objecte que l’auteur ne fait que chercher à obtenir que le Comité examine la décision de la cour et que cette partie de la communication est donc irrecevable étant donné que le Comité n’a pas pour rôle de procéder à une nouvelle appréciation des constatations de fait ou d’examiner l’application qui est faite de la loi. En ce qui concerne le rapport d’expertise psychologique produit deux ans auparavant, l’État partie note que l’auteur n’a pas contesté cet aspect devant la cour d’appel et que cette partie de la communication est donc irrecevable pour non‑épuisement des recours internes. L’État partie explique que, de plus, l’auteur aurait très bien pu présenter à la cour d’appel des rapports d’expertise psychologique ou psychiatrique qu’il aurait obtenus lui‑même.

4.8En ce qui concerne le grief de l’auteur qui affirme que la peine d’internement préventif a été manifestement excessive et disproportionnée, l’État partie renvoie aux constatations du Comité dans l’affaire Rameka et consorts c. Nouvelle ‑ Zélande et fait valoir que l’auteur cherche essentiellement à obtenir un réexamen des décisions prises par les juridictions nationales pour déterminer si cette peine aurait dû être prononcée. La cour d’appel a rejeté l’argument selon lequel cette peine était excessive et la Cour suprême a refusé l’autorisation de faire recours. Pour déterminer si la peine d’internement préventif était appropriée, la cour d’appel a tenu compte, entre autres considérations, du lourd passé de délinquant sexuel de l’auteur, des trois avertissements qu’il avait déjà reçus lui signifiant qu’il risquait un internement préventif s’il récidivait, de la gravité des actes commis en 1970, qui démontraient que, s’il en avait l’occasion, l’auteur était plus qu’un «peloteur», de l’échec des programmes de réadaptation et de l’inobservation par l’auteur des conditions particulières de la dernière libération conditionnelle dont il avait bénéficié, qui l’obligeaient à suivre une psychothérapie. L’État partie fait valoir que ce qui est attendu du Comité c’est principalement d’agir comme un autre degré de juridiction pour réexaminer la peine; par conséquent la communication devrait être déclarée irrecevable. Sur le fond, l’État partie objecte que, dans les circonstances particulières de l’auteur, l’imposition de la peine ne représente pas une violation de l’article 7 ni du paragraphe 1 de l’article 10 du Pacte.

4.9En ce qui concerne la question de la non‑rétroactivité de la loi de 2002 sur les peines, entrée en vigueur sept ans après la condamnation, l’État partie objecte que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes puisqu’il n’a pas soulevé ces griefs en appel. Sur le fond, l’État partie fait valoir que le paragraphe 1 de l’article 15 du Pacte ne s’étend pas aux peines fixées dans une loi promulguée après qu’un individu a été reconnu coupable et condamné et qu’il n’impose pas aux États parties l’obligation de faire de nouveau juger par les tribunaux des personnes qui ont déjà été condamnées. À ce sujet, l’État partie explique que la loi de 2002 sur les peines ne prévoit pas une période de cinq ans à accomplir avant de pouvoir prétendre à la libération conditionnelle, contrairement à ce que prétend l’auteur, mais oblige la juridiction de jugement à prononcer une peine d’emprisonnement minimale de cinq ans. L’État partie fait valoir que l’auteur n’a pas montré qu’il aurait été condamné à une «peine plus légère» s’il avait été condamné en vertu de la loi de 2002, car il n’est pas possible de spéculer sur la peine minimale d’emprisonnement que le tribunal aurait prononcée. L’État partie ajoute que la date à laquelle une peine est prononcée ne constitue pas une «autre situation» au sens de l’article 26 du Pacte.

Commentaires de l ’ auteur sur les observations de l ’ État partie

5.1L’auteur conteste l’objection de l’État partie qui affirme que certaines parties de sa communication sont irrecevables pour non‑épuisement des recours internes. Il fait valoir qu’aucun recours utile n’est ouvert en Nouvelle‑Zélande pour des violations des droits garantis dans le Pacte étant donné que le Pacte n’a pas été incorporé à la législation nationale et que l’article 4 de la Déclaration des droits empêche les tribunaux d’examiner la question de savoir si un texte de loi est contraire aux droits consacrés dans la Déclaration des droits. L’auteur renvoie à une décision de la cour d’appel qui rejette une contestation du régime de l’internement préventif fondée sur une violation des articles 9, 22, 23 et 25 de la Déclaration des droits et des articles 7, 9, 10, 14 et 15 du Pacte, en motivant son rejet par le fait qu’elle est empêchée par l’article 4 de la Déclaration des droits de s’interroger sur le bien‑fondé ou sur un autre aspect du régime d’internement préventif. La Cour suprême a refusé l’autorisation de faire recours, affirmant que l’idée que la peine d’internement préventif était illégale en soi ne peut pas être défendue face à l’article 4 de la Déclaration des droits.

5.2De plus, l’auteur note qu’en ce qui concerne le paragraphe 3 de l’article 10 du Pacte, il n’existe pas de disposition équivalente dans la Déclaration des droits et que les recours internes ne sont donc pas disponibles. Il affirme que depuis qu’il a envoyé sa communication initiale, il a demandé en vain au Département de l’administration pénitentiaire de l’aider à élaborer une proposition en vue de sa remise en liberté qui lui permettrait de sortir de prison. Il s’est également occupé de chercher un psychologue privé vu que le Département avait refusé d’en engager un. Comme il ne pouvait pas produire de plan de libération suffisamment solide, la Commission des libérations conditionnelles a refusé la remise en liberté.

5.3L’auteur retire la partie de sa communication relative à l’indépendance de la Commission des libérations conditionnelles étant donné que ce grief n’a pas été présenté devant toutes les juridictions nationales.

5.4Pour ce qui est du grief tiré de l’incompatibilité du régime de l’internement préventif avec les articles 7, 9, 10, 14 et 15 du Pacte, l’auteur reconnaît qu’il s’agit du même grief que celui qui était soulevé dans l’affaire Rameka, mais dit qu’il s’appuie sur les opinions individuelles jointes aux constatations du Comité et demande à celui-ci de rendre une décision différente. L’auteur ajoute qu’il a soulevé en appel la question du caractère excessif de la peine et qu’en tout état de cause, il n’existe pas de recours utile étant donné que le régime ne peut pas être attaqué devant les tribunaux en raison de l’article 4 de la Déclaration des droits. En se fondant sur la jurisprudence du Comité, l’auteur fait donc valoir que cette partie de la communication n’est pas irrecevable pour non-épuisement des recours internes.

5.5Pour ce qui est du grief de discrimination du fait que l’infraction dont il a été reconnu coupable visait seulement les homosexuels de sexe masculin et qu’il a été condamné à une peine plus lourde en raison de son homosexualité, l’auteur dit qu’il n’aurait pas pu soulever en appel la question des annotations portées dans le jugement de 1970 car il n’en a eu connaissance qu’à l’audience d’appel, après avoir obtenu copie du dossier que la cour d’appel avait produit. L’auteur conteste l’objection de l’État partie qui affirme qu’il n’a pas montré que la peine prononcée était plus lourde parce qu’il était un homosexuel de sexe masculin et il renvoie à des rapports d’expert qui ont établi que la peine d’internement préventif était prononcée près de quatre fois plus souvent pour des infractions commises par des homosexuels que par des infractions commises par des hétérosexuels.

5.6L’auteur réaffirme que le renvoi de l’affaire du tribunal de district au tribunal de première instance a constitué une violation des droits garantis à l’article 14 du Pacte et affirme que le tribunal de jugement avait le devoir de l’informer qu’il risquait une condamnation plus sévère et qu’il avait la possibilité de ne pas plaider coupable.

5.7L’auteur réaffirme qu’il est victime d’un retard excessif dans le jugement en appel. Il explique qu’il n’a pas demandé d’autorisation spéciale de faire recours auprès du Conseil privé parce que l’aide juridictionnelle n’est pas prévue pour cela et qu’une autorisation spéciale n’est accordée que dans des circonstances exceptionnelles.

5.8Pour ce qui est de la procédure devant la cour d’appel, l’auteur réaffirme que la cour n’avait pas le pouvoir de consulter le dossier de 1970 et qu’en le faisant malgré tout, elle a porté atteinte au droit à un procès équitable. En ce qui concerne l’argument de l’État partie, qui dit qu’il aurait pu présenter à la cour d’appel son propre rapport d’expertise psychologique, l’auteur répond qu’il appartenait à la cour d’appel de refuser de se prononcer à partir d’un rapport établi dix ans auparavant et qu’il n’aurait pas dû être condamné à l’internement préventif sur la base de ce rapport. L’auteur souligne de plus que depuis 2002, il est obligatoire de produire deux rapports pour pouvoir prononcer une peine d’internement administratif et que cette obligation aurait dû être respectée puisque l’audience en appel a eu lieu après 2002. En l’absence de deuxième rapport, la peine d’internement préventif est arbitraire.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 87 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2En ce qui concerne le grief, soulevé par l’auteur en vertu des paragraphes 1 et 3 a) de l’article 14 du Pacte, relatif au transfert de l’affaire du tribunal de district au tribunal de première instance, le Comité note que l’auteur n’a pas cherché à annuler son plaider-coupable et n’a pas non plus fait appel de sa condamnation. Il considère donc que cette partie de la communication est irrecevable pour défaut d’épuisement des recours internes, en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

6.3En ce qui concerne le grief de l’auteur qui fait valoir que la justice a exercé une discrimination à son encontre en raison de son homosexualité, en vertu de l’article 26 du Pacte, le Comité note que l’auteur a été reconnu coupable d’attentat à la pudeur sur la personne d’un mineur et qu’il n’a pas montré, aux fins de la recevabilité, qu’il a été victime de discrimination fondée sur son orientation sexuelle. Il considère donc que cette partie de la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.4Le Comité prend acte des griefs de l’auteur qui fait valoir que l’audience d’appel avait constitué une violation des droits garantis à l’article 14 parce que la cour d’appel avait produit le dossier de la condamnation de 1970 et n’avait pas ordonné un nouveau rapport d’expertise psychiatrique. Il constate que l’auteur était représenté par un conseil tout au long de la procédure, que le dossier de ses antécédents pénaux a été produit en réponse à un argument avancé par son propre conseil, que l’auteur aurait pu produire son propre rapport d’expertise psychiatrique et qu’il n’a pas contesté, lors de la procédure, la prise en compte du rapport en question. Pour ces raisons, le Comité conclut que l’auteur n’a pas fondé ses allégations et que, par conséquent, cette partie de la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.5En ce qui concerne le grief tiré de l’article 26 du Pacte, le Comité estime que l’auteur n’a pas montré que le Département de l’administration pénitentiaire avait exercé une discrimination à son encontre dans la fourniture d’un traitement de réadaptation. Il en conclut que cette partie de la communication est donc irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.6Le Comité relève que l’auteur a retiré ses griefs relatifs à la question de l’indépendance de la Commission des libérations conditionnelles.

6.7Le Comité prend acte du grief de l’auteur qui se dit victime d’une violation des articles 15 et 26 parce que la loi sur les peines de 2002 n’a pas été appliquée à son égard. Il fait valoir que la durée minimale de l’internement préventif pendant laquelle il ne pouvait pas prétendre à la libération conditionnelle est de cinq ans, alors que, lorsqu’il a été condamné, la période pendant laquelle il ne pouvait pas prétendre à la libération conditionnelle était de dix ans. Le Comité rappelle sa jurisprudence sur les modifications des régimes de condamnation et de libération conditionnelle, qui établit qu’il n’appartient pas au Comité de conjecturer sur ce qui se serait produit si la nouvelle loi avait été applicable, et que l’on ne saurait inférer de la peine qu’un juge statuant en vertu de la nouvelle législation aurait en fait imposée. Le Comité a également relevé dans sa jurisprudence que la durée de l’emprisonnement dépendait du comportement futur de l’auteur lui-même.

6.8Le Comité estime que, même à supposer, aux fins de l’argumentation, que le paragraphe 1 de l’article 15 s’applique à la période postérieure à la déclaration de culpabilité et à la condamnation et que les modifications du régime de libération conditionnelle dans le cas d’un internement préventif constituent une peine au sens de cette disposition, l’auteur n’a pas montré qu’une condamnation en vertu du nouveau régime aurait eu pour conséquence de raccourcir la durée de son emprisonnement. Prétendre que l’auteur aurait été libéré plus tôt au titre du nouveau régime revient à spéculer sur un certain nombre de mesures hypothétiques que le juge, agissant en vertu d’un nouveau régime des peines, et l’auteur lui-même auraient pu prendre. Par conséquent, le Comité conclut, en accord avec sa jurisprudence précédente, que l’auteur n’a pas montré qu’il était victime de la violation alléguée du paragraphe 1 de l’article 15 et de l’article 26, et que cette partie de la communication est irrecevable en vertu de l’article 1 du Protocole facultatif.

6.9Le Comité a pris note des réponses de l’État partie et de l’auteur en ce qui concerne l’existence de recours internes. Il considère qu’il n’y a aucun obstacle à la recevabilité des autres griefs présentés par l’auteur dans sa communication et procède à leur examen quant au fond.

6.10Le Comité conclut que les griefs relatifs à des violations du paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte (détention arbitraire), du paragraphe 4 de l’article 9 (recours), du paragraphe 3 de l’article 10 (reclassement), des paragraphes 3 c) et 5 de l’article 14 (sur la question des retards), de l’article 7, du paragraphe 1 de l’article 10 et de l’article 14 (sur le caractère qualifié d’excessif de la peine) ont été suffisamment étayés et qu’il convient de les examiner au fond.

Examen au fond

7.1Le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication à la lumière de toutes les informations communiquées par les parties, conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif.

7.2L’auteur a invoqué un retard injustifié dans le jugement en appel. Le Comité note que l’appel a été examiné une première fois en 1996 mais qu’en 2002, un jugement du Conseil privé et de la cour d’appel a établi que la procédure appliquée pour cet appel avait été viciée. Plus tard, l’auteur a eu la possibilité de demander un nouveau jugement pour cet appel et l’audience a eu lieu le 21 mai 2003. La cour d’appel a rejeté le recours le 17 décembre 2004. Dans les circonstances particulières de l’affaire, le Comité estime que le retard mis à statuer sur l’appel ne représente pas une violation des paragraphes 3 c) et 5 de l’article 14 du Pacte.

7.3En ce qui concerne le grief de l’auteur qui affirme que la peine d’internement préventif prononcée a été de toute évidence excessive au regard de l’infraction qu’il avait commise, le Comité note que l’auteur a un lourd passé d’agressions sexuelles et d’attentats à la pudeur, qu’il a été plusieurs fois averti qu’en cas de récidive il risquait d’être condamné à l’internement préventif et qu’il avait commis l’infraction pour laquelle il avait été condamné à l’internement préventif dans les trois mois suivant sa remise en liberté après avoir été condamné pour des faits analogues. Le Comité estime que dans les circonstances de l’affaire la peine d’internement préventif n’était pas excessive et n’a pas représenté une violation de l’article 7 du Pacte ou du paragraphe 1 de l’article 10 ou de l’article 14.

7.4Le Comité rappelle que la peine d’internement préventif ne constitue pas en soi une violation du Pacte si elle est justifiée par des raisons impérieuses susceptibles d’être réexaminées par une autorité judiciaire. En ce qui concerne le grief tiré du paragraphe 4 de l’article 9, le Comité relève que la peine maximale fixée pour l’infraction commise par l’auteur était un emprisonnement de sept ans à l’époque où il a été condamné. Par conséquent, l’auteur avait accompli trois années de détention à des fins préventives quand la première audition de la Commission des libérations conditionnelles avait eu lieu, en 2005. Le Comité renvoie à ses constatations dans l’affaire Rameka et conclut que l’impossibilité pour l’auteur de contester l’existence d’une justification matérielle à son maintien en détention à des fins préventives pendant cette période a constitué une violation du droit garanti au paragraphe 4 de l’article 9 du Pacte de saisir un tribunal pour qu’il se prononce sur la question de la légalité de sa détention pendant cette période.

7.5Le Comité relève que l’auteur demeure incarcéré à l’expiration de la période minimale de détention préventive, fixée à dix ans, parce qu’un plan en vue de la remise en liberté assez solide, montrant que la supervision et l’appui nécessaires à sa réinsertion sociale étaient assurés, n’a pas pu être produit. Il relève que c’est à l’auteur même qu’il incombe de produire un tel plan et que lui-même n’a pas jugé bon d’assister à certains programmes de réhabilitation qui auraient pourtant constitué une étape préliminaire utile dudit processus. Si le Comité reconnaît qu’il est du devoir de l’État partie, dans les cas d’internement préventif, d’apporter au détenu l’assistance nécessaire pour lui permettre d’être remis en liberté dès que possible sans représenter un danger pour la collectivité, il apparaîtrait qu’en l’espèce, l’auteur aurait lui-même contribué à retarder la production dudit plan, entravant de ce fait l’examen de sa libération. Par conséquent, le Comité conclut que l’auteur n’a pas démontré l’existence de violations du paragraphe 1 de l’article 9 et du paragraphe 3 de l’article 10 du Pacte.

8.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif, est d’avis que les faits dont il est saisi font apparaître une violation du paragraphe 4 de l’article 9 du Pacte.

9.En vertu du paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer à l’auteur un recours utile. Il est tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas.

10.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y avait eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre‑vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. L’État partie est invité en outre à rendre publiques les présentes constatations.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

APPENDICE

Opinion individuelle (dissidente) de M. Krister Thelin

1.Le Comité, à la majorité de ses membres, a constaté une violation du droit que tient l’auteur du paragraphe 4 de l’article 9 du Pacte. Je me permets de ne pas être d’accord.

2.Conformément à la décision du Comité dans l’affaire Rameka et consorts c. Nouvelle ‑Zélande, la majorité souligne à bon droit qu’une peine d’internement préventif prononcée en vertu de la législation pénale de l’État partie ne constitue pas en soi une violation du Pacte. De plus, la légalité de la condamnation avait été réexaminée en appel. Le fait que l’auteur, qui avait été condamné régulièrement par un tribunal, n’ait pas pu obtenir un nouvel examen juridictionnel de son maintien en détention pendant un certain nombre d’années ne constitue pas, à mon sens, une violation du paragraphe 4 de l’article 9.

4.Cette disposition ne devrait pas être interprétée comme conférant un droit à contrôle juridictionnel pour un nombre illimité de fois (voir opinion dissidente de M. Ivan Shearer dans l’affaire Rameka et consorts c. Nouvelle ‑Zélande). Il ne doit être fait aucune distinction à cet égard entre une condamnation à un emprisonnement de durée déterminée − cas où la question de la libération conditionnelle peut par la suite se poser − et, comme dans la présente affaire, le cas où la détention est de nature préventive et ne peut être réexaminée qu’au bout d’un nombre d’années minimal fixe.

5.Pour ces raisons, j’estime que le Comité aurait dû conclure qu’il n’y avait pas violation non plus du paragraphe 4 de l’article 9 du Pacte.

(Signé) M. Krister Thelin

[Fait en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

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