Nations Unies

CCPR/C/118/D/2135/2012

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

28 novembre 2016

Français

Original : anglais

Comité des droits de l ’ homme

Décision adoptée par le Comité au titre du Protocole facultatif, concernant la communication no 2135/2012 * , **

Communication présentée par :

Y. Z. (non représenté par un conseil)

Au nom de :

L’auteur

État partie :

Bélarus

Date de la communication :

1er décembre 2011 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise en application de l’article 97 du Règlement intérieur du Comité, communiquée à l’État partie le 12 mars 2012 (non publiée sous forme de document)

Date de la décision :

3 novembre 2016

Objet :

Détention arbitraire ; procès équitable

Question(s) de procédure :

Abus du droit de présenter une communication

Question(s) de fond :

Arrestation arbitraire − détention ; procès équitable − droit de disposer de suffisamment de temps pour préparer sa défense, assistance d’un avocat, témoins

Article(s) du Pacte :

2 (par. 2 et 3), 9 (par. 1) et 14 (par. 1 et 3 a), b), d) et e))

Article(s) du Protocole facultatif :

5 (par. 2 b))

1.L’auteur de la communication est Y. Z., de nationalité bélarussienne, né en 1959. Il affirme que l’État partie a violé les droits qu’il tient du paragraphe 1 de l’article 9 et des paragraphes 1 et 3 a), b), d) et e) de l’article 14, lus conjointement avec les paragraphes 2 et 3 de l’article 2 du Pacte. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour le Bélarus le 30 décembre 1992.

Exposé des faits

2.1Le 19 décembre 2010, jour de l’élection présidentielle au Bélarus, l’auteur comptait se rendre de Gomel à Minsk pour participer à une manifestation visant à empêcher les fraudes lors du dépouillement du scrutin. Il affirme qu’il était un représentant de Nicolai Statkevich, un des candidats à l’élection.

2.2Vers 5 h 45 ce jour-là, l’auteur a été appréhendé par la police à la gare routière de Gomel au motif qu’il proférait des injures en public et commettait donc un acte de vandalisme mineur réprimé par l’article 17.1 du Code des infractions administratives du Bélarus. Le jour même, il a été placé dans un centre de détention provisoire.

2.3Le 20 décembre 2010, l’auteur a été jugé coupable de vandalisme mineur et condamné à douze jours de détention administrative par le tribunal de district de Gomel, ce qui lui a valu de séjourner dans un centre de détention provisoire du 19 au 31 décembre 2010. Le tribunal ne lui a pas laissé suffisamment de temps pour préparer sa défense, ne l’a pas autorisé à se faire assister par son avocat et n’a pas respecté son droit de faire interroger des témoins. L’auteur soutient que les policiers cités à comparaître à charge ont fait de faux témoignages et qu’il a été condamné en raison de sa proximité politique avec un des candidats de l’opposition. L’auteur était présent à l’audience de confirmation de l’acte d’accusation, qui s’est tenue le 20 décembre 2010, et a été avisé de la procédure à suivre et du délai à respecter pour interjeter appel. Il a mené une grève de la faim pendant les douze jours de sa détention administrative.

2.4Le 5 janvier 2011, l’auteur a déposé un recours devant le tribunal régional de Gomel, faisant valoir qu’il avait été détenu arbitrairement et condamné illégalement pour vandalisme mineur. La loi bélarussienne fixe à cinq jours le délai d’appel d’une décision administrative. Dans son recours, l’auteur priait le tribunal de lui accorder une dérogation à cette règle au motif que pendant le laps de temps prévu, il était en détention provisoire.

2.5Le 26 janvier 2011, le tribunal régional de Gomel a rejeté la demande de l’auteur, déclarant que seul un motif valable pouvait justifier l’octroi d’une dérogation à la règle des cinq jours et que l’auteur n’avait pas fait état de pareil motif.

2.6Le 14 février 2011, l’auteur a fait appel de la décision du tribunal régional de Gomel devant la Cour suprême du Bélarus, qui l’a débouté le 4 avril 2011.

2.7L’auteur soutient qu’il a épuisé tous les recours internes disponibles et utiles et qu’il n’a pas exercé de recours au titre de la procédure de contrôle car cette forme de recours ne constitue pas une voie de recours utile.

Teneur de la plainte

3.L’auteur affirme que les faits tels qu’il les a présentés font apparaître une violation des droits qu’il tient de l’article 9, paragraphe 1, et de l’article 14, paragraphes 1 et 3 a), b), d) et e), lus conjointement avec l’article 2, paragraphes 2 et 3, du Pacte.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Par une note verbale datée du 20 juillet 2012, l’État partie conteste la recevabilité de la communication, faisant valoir que l’auteur n’a pas épuisé tous les recours internes disponibles et qu’il s’est en particulier abstenu de saisir le ministère public au titre de la procédure de contrôle. De plus, selon l’État partie, la communication n’aurait tout simplement pas dû être enregistrée car elle n’est pas suffisamment fondée en droit pour mériter un examen, que ce soit sur la recevabilité ou sur le fond. L’État partie fait savoir qu’en ce qui le concerne, l’affaire est close, et qu’il se dissociera de toutes constatations adoptées par le Comité.

4.2Dans une note verbale datée du 4 janvier 2013, l’État partie réitère ses observations initiales en date du 20 juillet 2012.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Dans une lettre du 14 décembre 2012, l’auteur fait valoir que, selon la jurisprudence du Comité et celle de la Cour européenne des droits de l’homme, saisir le ministère public d’une demande de contrôle juridictionnel ne peut pas être considéré comme un recours interne utile.

5.2En ce qui concerne les objections formulées par l’État partie au sujet de la compétence du Comité et de l’applicabilité de son règlement intérieur, l’auteur fait observer que le Comité interprète les dispositions du Pacte et que « [s]es constatations [...] au titre du Protocole facultatif constituent une décision qui fait autorité, rendue par l’organe institué en vertu du Pacte lui-même et chargé d’interpréter cet instrument ». En conséquence, l’État partie est tenu de respecter les décisions du Comité, ainsi que ses « règles, pratiques et méthodes de travail ».

Délibérations du Comité

Défaut de coopération de l’État partie

6.1Le Comité prend note des arguments de l’État partie, qui soutient qu’aucun fondement juridique ne justifie l’examen de la communication de l’auteur étant donné que celle-ci a été enregistrée en violation des dispositions du Protocole facultatif ; qu’en ce qui le concerne, l’affaire est close ; et qu’il se dissociera de toutes constatations adoptées par le Comité.

6.2S’agissant des objections soulevées par l’État partie à propos de l’enregistrement de la communication et de l’intention de celui-ci de clore l’affaire, le Comité fait observer que tout État partie au Pacte qui adhère au Protocole facultatif reconnaît qu’il a compétence pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers qui se déclarent victimes d’une violation de l’un quelconque des droits énoncés dans le Pacte (préambule et art. 1er du Protocole facultatif). En adhérant au Protocole facultatif, les États parties s’engagent implicitement à coopérer de bonne foi avec lui pour lui permettre et lui donner les moyens d’examiner les communications qui lui sont soumises et, après examen, de faire part de ses constatations à l’État partie et aux particuliers (par. 1 et 4 de l’article 5). Pour un État partie, l’adoption d’une mesure, quelle qu’elle soit, qui empêche le Comité de prendre connaissance d’une communication, d’en mener l’examen à bonne fin et de faire part de ses constatations est incompatible avec ces obligations. C’est au Comité qu’il appartient de déterminer si une communication doit être enregistrée. En n’acceptant pas la compétence du Comité s’agissant de déterminer s’il y a lieu d’enregistrer une communication et en déclarant d’emblée qu’il n’acceptera pas la décision rendue par celui-ci sur la recevabilité et le fond d’une communication, l’État partie viole les obligations que l’article premier du Protocole facultatif met à sa charge.

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

7.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

7.3En application du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité doit s’assurer que l’auteur a épuisé tous les recours internes disponibles. Le Comité prend note de l’objection de l’État partie selon laquelle l’auteur n’a pas épuisé tous les recours internes disponibles et, en particulier, n’a pas saisi le ministère public d’une demande de contrôle juridictionnel. Il renvoie à sa jurisprudence, dont il ressort que saisir le ministère public d’une demande de contrôle juridictionnel concernant une décision de justice devenue exécutoire ne constitue pas un recours devant être épuisé au sens du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

7.4À cet égard, le Comité relève que l’auteur était présent à l’audience tenue par le tribunal le 20 décembre 2010, à l’issue de laquelle il a été informé du délai à respecter et de la procédure à suivre pour former un recours. Il note aussi que l’auteur a été libéré le 31 décembre 2010, mais n’a interjeté appel auprès du tribunal régional de Gomel au motif qu’il avait été détenu arbitrairement et condamné illégalement pour vandalisme mineur que le 5 janvier 2011, soit seize jours après sa condamnation, alors que la loi de l’État partie fixe à cinq jours le délai de recours contre une décision administrative. À la lumière des éléments du dossier, le Comité constate que l’auteur n’a pas expliqué pourquoi il ne pouvait pas interjeter appel pendant qu’il se trouvait en détention. Le Comité conclut que l’auteur n’a pas respecté le délai de recours fixé par la loi, et ce, en toute connaissance de cause. Il estime donc que les dispositions du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif s’opposent à ce qu’il examine la présente communication.

8.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide :

a)Que la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif ;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur de la communication.