Nations Unies

CCPR/C/118/D/2771/2016

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

1er décembre 2016

Français

Original : anglais

Comité des droits de l ’ homme

Décision adoptée par le Comité en vertu du Protocole facultatif, concernant la communication no 2771/2016 * , **

Communication présentée par :

X et Y (non représentés par un conseil)

Au nom de :

Les auteurs

État partie :

Canada

Date de la communication :

22 mars 2016 (date de la lettre initiale)

Date de la décision :

3 novembre 2016

Objet :

Équité du procès ; liberté d’expression ; non-discrimination ; absence de recours utile

Question(s) de procédure :

Épuisement des recours internes ; compatibilité avec les dispositions du Pacte ; griefs non étayés

Question(s) de fond :

Procès équitable ; liberté d’expression ; non-discrimination

Article(s) du Pacte :

2 (par. 3), 14 (par. 1), 19 et 26

Article(s) du Protocole facultatif :

2, 3 et 5 (par. 2 b))

1.Les auteurs de la communication sont X et Y, tous deux de nationalité saoudienne, résidant au Canada. Ils affirment être victimes d’une violation par le Canada des droits qu’ils tiennent des articles 2 (par. 3), 14 (par. 1), 19 et 26 du Pacte. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour le Canada le 19 août 1976.

Exposé des faits

2.1X pratiquait sa profession de médecin en Arabie saoudite. En juin 2005, il a commencé une résidence en neurochirurgie à l’Université d’Ottawa où il a accompli avec succès les deux premières années du programme mais a été officiellement soumis à un plan de remédiation à la fin de la troisième année. En 2009, l’auteur a commencé à critiquer la qualité du programme et l’administration, alléguant notamment une discrimination fondée sur la nationalité et la race, et qualifiant l’administration de « dictature corrompue ». Le 1er décembre 2009, le Comité du programme de formation en résidence de l’Université d’Ottawa a décidé d’exclure l’auteur du programme en raison de son comportement et de ses critiques à l’égard de l’administration. Le recours de l’auteur a été rejeté le 28 mars 2010 par un groupe mixte relevant du Sous-Comité de l’évaluation des résidents postdoctoraux ; le recours qu’il a présenté au Conseil de la faculté a été rejeté le 20 septembre 2010 et celui qu’il a soumis au Comité d’appel du Sénat a été rejeté le 28 janvier 2011. L’auteur a saisi la Cour supérieure de justice de l’Ontario à une date non précisée, en faisant valoir que le Comité d’appel du Sénat n’avait pas respecté les garanties d’une procédure régulière et avait commis une erreur dans sa décision de l’exclure du programme, et en invoquant également une violation de son droit à la liberté d’expression. La Cour a débouté l’auteur le 28 novembre 2011, au motif que la décision du Comité d’appel du Sénat était raisonnable et équitable sur le plan procédural et que la Cour n’avait aucune raison de réviser la décision académique d’une université. Les requêtes introduites par l’auteur pour être autorisé à interjeter appel devant la Cour d’appel de l’Ontario et la Cour suprême du Canada ont été rejetées le 1er octobre 2012 et le 7 mars 2013, respectivement. L’action civile en dommages-intérêts introduite par l’auteur devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario a été rejetée le 11 avril 2013 comme constituant un abus de procédure. Ses autres requêtes tendant à être autorisé à interjeter appel ont été rejetées le 18 octobre 2013 par la Cour d’appel de l’Ontario et le 13 mars 2014 par la Cour suprême du Canada.

2.2Y a commencé sa résidence en obstétrique et gynécologie à l’Université d’Ottawa en 2008. Compte tenu de son expérience professionnelle, elle a été admise en troisième année du programme. En 2009, elle a été soumise à un plan de remédiation pour un trimestre. En 2012, l’auteure a formé un recours contre la décision du Comité du programme de formation en résidence de la placer en probation devant le Comité d’appel du Conseil de la faculté. Son recours a été rejeté le 21 janvier 2013. Son recours ultérieur devant le Comité d’appel du Sénat a été rejeté le 29 août 2013. L’auteure a saisi la Cour supérieure de justice de l’Ontario, en faisant valoir que la décision du Comité d’appel du Sénat était déraisonnable et violait les garanties d’une procédure régulière. La Cour l’a déboutée le 13 juin 2014. Le 10 octobre 2014, sa requête tendant à être autorisée à interjeter appel a été rejetée par la Cour d’appel de l’Ontario.

Teneur de la plainte

3.1Les auteurs soutiennent que parce que les autorités universitaires qui ont adopté les décisions les concernant n’étaient pas des tribunaux établis par la loi, ils n’ont pas bénéficié des garanties d’une procédure équitable au regard du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte.

3.2X affirme que c’est notamment parce qu’il a critiqué l’administration du Programme qu’il a été exclu de celui-ci et que par conséquent le droit à liberté d’expression qu’il tient du paragraphe 2 de l’article 19 du Pacte a été violé.

3.3Les auteurs affirment aussi que les droits qu’ils tiennent de l’article 26 du Pacte ont été violés parce qu’ils ont été victimes de discrimination de la part des autorités universitaires.

3.4En outre, les auteurs allèguent que l’État partie ne leur a pas offert un recours utile, en violation du paragraphe 3 de l’article 2, lu conjointement avec les articles 14 (par. 1), 19 (par. 2) et 26 du Pacte.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

4.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

4.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

4.3Le Comité relève que les allégations présentées par les auteurs au titre du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte concernent des décisions administratives prises par les autorités universitaires sur la base des faits dont elles avaient connaissance concernant les résultats et le comportement des auteurs. Le Comité considère cependant que les auteurs n’ont pas démontré qu’ils étaient censés avoir, en vertu de la loi canadienne, un droit de participer à un programme de résidence médicale et qu’en conséquence la détermination de ce droit aurait dû relever, conformément aux dispositions du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte, d’un tribunal établi par la loi et non des autorités universitaires. En tout état de cause, les recours des auteurs contre les décisions des autorités universitaires ont été examinés par les tribunaux de l’État partie et aucune pièce du dossier ne donne à penser que ceux-ci ont procédé en violation de l’article 14 (par. 1) du Pacte. Le Comité conclut donc que les griefs que les auteurs tirent du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte sont irrecevables au regard de l’article 3 du Protocole facultatif et sont incompatibles avec les dispositions du Pacte.

4.4Quant aux griefs des auteurs concernant la violation supposée des droits qu’ils tiennent des articles 19 (par. 1) et 26, le Comité note qu’ils reposent uniquement sur les suppositions des auteurs et ne sont pas dûment étayés par les documents pertinents. Par ailleurs, d’après les pièces du dossier, Y n’a apparemment pas porté son grief au titre de l’article 26 du Pacte devant les tribunaux de l’État partie et n’a donc pas épuisé tous les recours internes. Le Comité considère donc ces griefs comme irrecevables parce qu’ils ne sont pas étayés au regard de l’article 2 et parce que les auteurs n’ont pas épuisé les recours internes comme l’exige le paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

4.5Compte tenu de ce qui précède, le Comité décide de ne pas examiner les autres griefs des auteurs au titre du paragraphe 3 de l’article 2, lu conjointement avec les articles 14 (par. 1), 19 (par. 2) et 26 du Pacte.

5.Le Comité des droits de l’homme décide en conséquence :

a)Que la communication est irrecevable au regard des articles 2, 3 et 5 (par. 2 b)) du Protocole facultatif ;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et aux auteurs.