Présentée par:

George Howard (représenté par un conseil, Peter Hutchins de Hutchins, Soroka & Dionne)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Canada

Date de la communication:

9 octobre 1998 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 25 octobre 1999 (non publiée sous forme de document)

Date de l’adoption des constatations:

26 juillet 2005

Objet: Limitation du droit de pêche de l’auteur et conséquences pour son droit d’avoir, en commun avec les autres membres de son groupe, sa propre vie culturelle

Questions de procédure: Définition de la portée de la décision du Comité sur la recevabilité

Questions de fond: Droit d’avoir, en commun avec d’autres, sa propre culture

Article du Pacte: 27

Articles du Protocole facultatif: Sans objet

Le 26 juillet 2005, le Comité des droits de l’homme a adopté le texte ci‑après en tant que constatations concernant la communication no 879/1999 au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif. Le texte figure en annexe au présent document.

[ANNEXE]

ANNEXE

CONSTATATIONS DU COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME AU TITRE DU PARAGRAPHE 4 DE L’ARTICLE 5 DU PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT AU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX

DROITS CIVILS ET POLITIQUES

Quatre ‑vingt ‑quatrième session

concernant la

Communication n o  879/1999 *

Présentée par:

George Howard (représenté par un conseil, Peter Hutchins de Hutchins, Soroka & Dionne)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Canada

Date de la communication:

9 octobre 1998 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 26 juillet 2005,

Ayant achevé l’examen de la communication no 879/1999 présentée au nom de George Howard en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif

1.L’auteur de la communication, qui est datée du 9 octobre 1998, est M. George Howard, né le 5 juin 1946, membre de la Première Nation de Hiawatha, qui est reconnue en tant que peuple autochtone dans la législation de l’État partie. Il affirme être victime d’une violation par le Canada des droits qui lui sont reconnus au paragraphe 2 de l’article 2 et à l’article 27 du Pacte. Il est représenté par un conseil. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour le Canada le 19 août 1976.

______________________________

* Les membres du Comité dont le nom suit ont pris part à l’examen de la présente communication: M. Abdelfattah Amor, M. Nisuke Ando, M. Prafullachandra Natwarlal Bhagwati, M. Alfredo Castillero Hoyos, Mme Christine Chanet, M. Maurice Glèlè Ahanhanzo, M. Edwin Johnson, M. Walter Kälin, M. Ahmed Tawfik Khalil, M. Rajsoomer Lallah, M. Michael O’Flaherty, Mme Elisabeth Palm, Sir Nigel Rodley, M. Ivan Shearer, M. Hipólito Solari‑Yrigoyen, Mme Ruth Wedgwood et M. Roman Wieruszewski.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1La communauté Hiawatha à laquelle appartient l’auteur fait partie des Premières Nations Mississauga. Ces Premières Nations figuraient parmi celles qui étaient parties aux traités conclus avec la Couronne («les Traités Williams»), dont un traité signé en 1923 («le Traité de 1923»), qui régit, entre autres, les droits de chasse et de pêche des autochtones. Aux termes de ce traité, en échange d’une indemnisation de 500 000 dollars, les Premières Nations Mississauga «cèdent», «abandonnent» et «transmettent» au Gouvernement canadien leurs intérêts relatifs à des terres déterminées décrites dans le Traité ainsi que «tous leurs droits, titres, intérêts, prétentions, demandes et privilèges … relatifs à toutes les autres terres situées dans la province de l’Ontario, qu’ils ont déjà eus, ont maintenant ou prétendent avoir, à l’exception des réserves que Sa Majesté le Roi a mises de côté jusqu’à maintenant à leur intention».

2.2Le 18 janvier 1985, l’auteur a pris quelques poissons dans une rivière qui était mitoyenne de la réserve de sa nation sans en faire partie. Il a été sommairement déclaré coupable et condamné à une amende par la Cour provinciale de l’Ontario pour avoir pêché illégalement en dehors de la saison. La Cour a rejeté ses arguments selon lesquels il jouissait d’un droit de pêche constitutionnel fondé sur la protection, assurée par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, des «droits existants − ancestraux ou issus de traités − des peuples autochtones du Canada». Elle estimait que les ancêtres des Premières Nations dont descendait l’auteur avaient abandonné leurs droits de pêche en vertu du Traité de 1923 et qu’il ne subsistait donc plus aucun droit de cette nature. Le 9 mars 1987, la cour de district de l’Ontario a débouté l’auteur en appel.

2.3Le 13 mars 1992, la cour d’appel de l’Ontario a rejeté le recours formé par l’auteur contre la décision de la cour de district, estimant que le Traité de 1923 avait mis fin aux droits de pêche que détenait la Première Nation à laquelle appartenait l’auteur et que les représentants de celle‑ci avaient été au courant du Traité et de ses dispositions et les avaient compris. Le 12 mai 1994, la Cour suprême a rejeté un nouveau recours de l’auteur, considérant que par «des termes clairs», les Premières Nations avaient renoncé à tout droit de pêche spécial qui leur restait.

2.4En 1990, dans une autre affaire, la Cour suprême du Canada a déclaré que des «droits existants» au sens de l’article 35 de la Loi constitutionnelle devaient être confirmés par des preuves attestant un exercice continu, quand bien même il serait peu fréquent par moment, à moins qu’il ne soit prouvé qu’il existait «une intention claire et expresse» de la part de la Couronne de mettre fin à ces droits. Ultérieurement, le Gouvernement de l’Ontario s’est engagé à négocier dans les meilleurs délais des accords avec les autochtones sur la question de la chasse, de la pêche, de la cueillette et du piégeage.

2.5Le 7 mars 1995, le Gouvernement de l’Ontario et les Premières Nations parties aux Traités Williams ont signé les Accords dits «de préservation de l’exploitation communautaire», qui autorisaient l’exercice de certains droits de chasse et de pêche. En vertu de ces accords, renouvelables chaque année, les Premières Nations étaient autorisées à chasser et à pêcher en dehors des réserves pour leur subsistance, ainsi qu’à des fins cérémoniales et spirituelles, et de troc.

2.6Le 30 août 1995, le gouvernement nouvellement élu de l’Ontario a exercé son droit d’abroger lesdits Accords au motif qu’ils étaient incompatibles avec la décision prise par la Cour suprême dans l’affaire concernant l’auteur.

2.7En septembre 1995, les Premières Nations touchées par l’abrogation des Accords ont demandé aux tribunaux de rendre des ordonnances de mesures provisoires et définitives contre le Gouvernement de l’Ontario. La Cour de justice de l’Ontario a rejeté cette requête, considérant que le Gouvernement avait exercé dans les règles son droit − prévu dans les Accords − d’abroger ces instruments avec un préavis de 30 jours. L’auteur affirme que la Cour a «clairement indiqué» qu’aucune nouvelle procédure ne donnerait gain de cause aux requérants et qu’il était donc vain de poursuivre des recours coûteux.

2.8Le 16 janvier 1997, la Cour suprême a rejeté une requête de l’auteur tendant à ce que son cas soit réexaminé. L’auteur a fait valoir que l’évolution de la jurisprudence de la Cour suprême, selon laquelle une intention claire de mettre fin aux droits de pêche devait accompagner l’abandon d’un intérêt foncier pour que l’extinction de ces droits soit valide, justifiait un réexamen de son cas.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur se plaint de manière générale d’être privé, avec tous les autres membres de sa nation, de la possibilité d’exercer, individuellement et de concert avec d’autres personnes, ses droits de pêche liés à son statut d’autochtone au point que cela met en péril la survie de sa communauté sur les plans culturel, spirituel et social. Il affirme que la chasse, la pêche, la cueillette et le piégeage sont des éléments essentiels de sa culture et qu’en le privant de la possibilité d’exercer ces activités on compromet la transmission de sa culture à d’autres personnes et aux générations futures.

3.2Concrètement, l’auteur estime que dans son cas le jugement prononcé par la Cour suprême est incompatible avec l’article 27 du Pacte. Se référant à l’Observation générale no 23 du Comité, il fait valoir que le Canada a failli à son devoir de prendre des mesures positives de protection en n’intervenant pas en sa faveur dans la procédure judiciaire. Ni le Pacte ni les autres règles du droit international applicable en la matière n’ont été mentionnés ou examinés au cours de la procédure. La décision de la Cour suprême a de surcroît entraîné un déni d’éléments essentiels de la culture, du bien‑être spirituel, de la santé, de la survie et du développement sur le plan social et de l’éducation des enfants. L’auteur affirme que les Traités Williams sont les seuls instruments à ne pas protéger les droits de chasse et de pêche des autochtones puisqu’ils les abrogent explicitement et que la décision prise à son encontre par la Cour suprême constitue une anomalie au regard de la jurisprudence de cette instance. Se référant à la décision du Comité dans l’affaire Kitok c. Suède, l’auteur fait valoir que loin d’être nécessaires «pour la survie et le bien‑être de la minorité dans son ensemble», les restrictions en question mettent en péril sa survie même sur les plans culturel et spirituel.

3.3L’auteur soutient que l’abrogation unilatérale des Accords de préservation de l’exploitation communautaire constitue une violation de l’article 27 du Pacte. Il estime que l’article 27 impose «l’obligation de restaurer les droits fondamentaux sur lesquels repose la survie culturelle et spirituelle des Premières Nations, à un degré suffisant pour assurer la survie et le développement de la culture de la Première Nation grâce à la survie et au développement des droits de ses membres pris individuellement». Alors qu’ils représentaient un certain progrès, les Accords, de par leur caractère contractuel et la facilité avec laquelle ils pouvaient être abrogés unilatéralement, n’avaient pas contribué à garantir la protection voulue à l’auteur et à la fragile culture de la minorité à laquelle il appartenait.

3.4L’auteur affirme aussi qu’il y a eu violation de l’article 27 et du paragraphe 2 de l’article 2 du Pacte car le Gouvernement fédéral et le Gouvernement provincial sont disposés à envisager uniquement une indemnisation pécuniaire pour la perte des droits des autochtones, à l’exclusion de la restauration de ces droits. Le versement d’une somme d’argent n’est pas la «mesure positive» de protection attendue, considérée comme nécessaire au paragraphe 2 de l’article 2.

3.5L’auteur ajoute que sa plainte telle qu’elle est exprimée ci‑dessus devrait être interprétée dans le contexte du paragraphe 2 de l’article premier du Pacte dès lors que le statut des Premières Nations en tant que «peuples» est reconnu au niveau national. Il fait observer que le paragraphe 2 de l’article 5 du Pacte ne permet pas à l’État partie de faire valoir que les Premières Nations ne jouissent pas, en droit international, d’un tel statut puisqu’il leur a été conféré par la législation interne.

3.6En conséquence, l’auteur demande au Comité d’exhorter l’État partie à faire le nécessaire en vue de mettre en œuvre les mesures voulues pour garantir la reconnaissance et l’exercice des droits de chasse, de pêche, de piégeage et de cueillette des Premières Nations moyennant l’élaboration d’un nouveau traité.

3.7L’auteur déclare que la même affaire n’a pas été soumise pour examen à une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

Observations soumises par l’auteur dans un enregistrement vidéo

4.Dans sa communication initiale du 9 octobre 1998, l’auteur, se référant à la tradition orale des Premières Nations de Mississauga, a demandé au Comité de tenir compte, en plus des pièces écrites présentées par les parties, d’un témoignage oral sous la forme d’un enregistrement vidéo contenant un entretien avec l’auteur et deux autres membres des Premières Nations de Mississauga sur l’importance de la pêche pour leur identité, leur culture et leur mode de vie. Le 12 janvier 2000, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son rapporteur spécial pour les nouvelles communications (de l’époque), a décidé de ne pas accepter l’enregistrement vidéo en tant qu’élément de preuve en application de la disposition du Protocole facultatif autorisant uniquement une procédure écrite (par. 1 de l’article 5 du Protocole facultatif). Dans une lettre datée du 7 février 2000, l’auteur a fourni au Comité une transcription de l’enregistrement vidéo du témoignage en question. Le Comité sait gré à l’auteur de s’être montré coopératif en lui fournissant cette transcription.

Observations de l’État partie sur la recevabilité de la communication

5.1Dans une lettre datée du 28 juillet 2000, l’État partie affirme que la communication est irrecevable pour non‑épuisement des recours internes. Il souligne que la législation en vigueur réglemente, sans l’interdire, la pratique de la chasse et de la pêche. La réglementation en question, qui porte sur l’octroi de permis, le volume des prises autorisées et les restrictions saisonnières, vise à promouvoir la conservation, la sécurité et l’éthique en matière de chasse et de pêche. L’auteur peut, à l’instar de toute autre personne, se livrer à ses pratiques traditionnelles dans le respect des limites fixées.

5.2L’État partie fait observer que les Premières Nations parties aux Traités Williams ont une action actuellement en instance devant la Cour fédérale dans laquelle elles affirment que le Gouvernement fédéral et le Gouvernement de l’Ontario ont manqué à leur obligation fiduciaire. Elles réclament, entre autres, une mesure corrective qui les rétablirait dans leurs droits de pêche et de chasse en dehors des réserves. Les parties ont décidé d’un commun accord de surseoir à la procédure contentieuse pendant que les négociations se poursuivaient.

5.3L’État partie fait observer en outre que les Premières Nations parties aux Traités Williams ne se sont pas prévalues de la possibilité de contester l’abrogation des Accords. Même si le tribunal a rejeté leur première requête pour vice de procédure, il a clairement indiqué qu’elles avaient la possibilité de déposer une nouvelle requête. Or, elles ne l’ont pas fait. L’État partie note que, quand bien même, aux dires de l’auteur, il aurait été «vain» de le faire, le Comité a toujours considéré qu’il ne suffit pas de douter de l’efficacité d’un recours pour être dispensé de l’exercer.

5.4Troisièmement, l’État partie fait observer que rien n’empêche les Premières Nations parties aux Traités Williams de demander à la Commission des revendications des Indiens, organe consultatif indépendant, de les aider à résoudre tout litige dans leurs négociations avec le Gouvernement fédéral au sujet de leurs revendications; or ce mécanisme de règlement n’a pas été mis à profit.

Commentaires de l’auteur

6.1Dans une lettre datée du 21 décembre 2000, l’auteur a rejeté les observations de l’État partie, affirmant qu’il a épuisé les recours internes dès lors que la décision obligatoire prononcée en ce qui le concerne par la Cour suprême a confirmé l’extinction de ses droits liés à son statut d’autochtone.

6.2L’auteur fait valoir que la procédure en cours devant la Cour fédérale soulève des questions différentes et ne saurait lui assurer la réparation qu’il demande. Cette procédure porte sur la violation d’une obligation fiduciaire plutôt que sur le rétablissement des droits de capture des autochtones et vise (sous sa forme actuelle) à obtenir une déclaration en ce sens, consistant à consentir «un recours en application de l’obligation qu’a la Couronne en tant que partie défenderesse de mettre des réserves à la disposition des plaignants ou de les dédommager si cette obligation n’est pas remplie». Au demeurant, la Cour fédérale est obligée de s’en tenir à la décision de la Cour suprême, pour qui les droits des autochtones en question ont été éteints par les Traités Williams. L’auteur note que, même si la procédure devant la Cour fédérale pouvait permettre à sa communauté d’acquérir d’autres terres et d’être équitablement indemnisée de ce qu’elle a cédé en 1923, elle ne rendra pas à l’auteur ses droits de capture, puisque, selon la Cour suprême, ils se sont éteints à cette époque.

6.3Pour ce qui est de l’action visant à contester l’abrogation des Accords de préservation de l’exploitation communautaire, l’auteur affirme que l’issue de toute nouvelle procédure est «tout à fait prévisible». Le juge a déclaré qu’il était «arrivé à la conclusion, après examen des faits de la cause, que rien ne justifiait l’octroi d’une réparation par déclaration ou par injonction». Se référant à la jurisprudence du Comité, l’auteur note que, dans son cas, la Cour suprême s’est déjà «prononcée sur la même question quant au fond» et qu’il n’était donc pas nécessaire d’engager une nouvelle procédure. En outre, la Cour suprême ayant rejeté sa demande tendant à ce que sa décision soit réexaminée, cette décision restait obligatoire pour les tribunaux inférieurs.

6.4Pour ce qui est de la proposition de l’État partie de poursuivre les négociations, l’auteur affirme que de telles négociations ne constituent pas un «recours» au sens du Protocole facultatif et qu’au demeurant l’État partie n’a pas montré que de telles négociations étaient susceptibles de rétablir l’auteur dans ses droits de capture. Le 16 mai 2000, les Premières Nations ont été informées que ces négociations ne reprendraient pas tant que le Gouvernement de l’Ontario n’y serait pas partie. En outre, la Commission des revendications des Indiens est un organe consultatif dont les recommandations ne sont pas contraignantes pour le Gouvernement fédéral. Qui plus est, elle peut seulement faciliter la solution de certains types de litiges et le Gouvernement fédéral a déjà déclaré que la question du rétablissement des droits de capture n’en faisait pas partie.

Observations ultérieures des parties

7.1Dans une lettre datée du 12 juillet 2001, l’État partie a répondu aux commentaires de l’auteur affirmant que, même si ce dernier dit intervenir non pas en tant que représentant des Nations parties aux Traités Williams, mais en son propre nom, il agit manifestement en leur nom et demande, en conséquence, une réparation collective.

7.2En ce qui concerne la procédure en cours devant la Cour fédérale, l’État partie fait valoir qu’il est tout à fait significatif que les Premières Nations demandent réparation pour le non‑respect d’une obligation fiduciaire découlant de la cession par les autochtones de leurs droits, y compris de chasse et de pêche. Même si elles demandent actuellement réparation, les Premières Nations avaient réclamé auparavant le rétablissement de leurs droits avant de modifier de leur plein gré leur argumentation de façon à ne plus revendiquer cet élément. L’État partie souligne que les Premières Nations ont la possibilité de demander le rétablissement de leurs droits de chasse et de pêche devant une juridiction provinciale compétente. D’ailleurs, elles ont intenté une action devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario.

7.3L’État partie fait observer que, dans sa décision concernant l’auteur, la Cour suprême s’est occupée essentiellement de la question factuelle de savoir s’il jouissait d’un droit de pêche dans le secteur où il avait été surpris en train de pêcher et inculpé. Elle n’a nullement abordé la question de la violation des obligations fiduciaires et celle des recours disponibles en pareil cas; en conséquence, ces questions peuvent encore être soumises aux tribunaux.

7.4Le 5 septembre 2001, l’auteur a envoyé d’autres commentaires, affirmant qu’il remplissait toutes les conditions de recevabilité: en particulier, il avait la qualité de victime au sens de l’article premier du Protocole facultatif, ayant été privé, en application d’une décision de la plus haute autorité judiciaire, de la possibilité de pratiquer la pêche en tant que membre d’une «minorité» au sens de l’article 27. Se référant à des affaires antérieures tranchées par le Comité, il fait valoir que le fait que la réparation qu’il pourrait obtenir au titre du Protocole facultatif pourrait bénéficier à d’autres membres de sa communauté est sans objet. Il dénonce des violations bien déterminées de ses droits consacrés par le Pacte. Enfin, il a épuisé tous les moyens de droit disponibles. Il affirme qu’il serait injuste de le priver de son droit de présenter au Comité une requête individuelle fondée sur le Pacte simplement parce que la Première Nation à laquelle il appartient exerce d’autres recours devant les tribunaux canadiens en vertu de la législation interne en même temps que d’autres Premières Nations parties aux Traités Williams.

7.5L’auteur affirme qu’en vertu du droit canadien tel qu’il se présente actuellement, il n’est pas possible aux tribunaux de rétablir des droits autochtones éteints. Tous les tribunaux, y compris la Cour suprême du Canada, ne sont liés que par la reconnaissance, par la Loi constitutionnelle de 1982, des droits autochtones «existants». Il considère que le fait qu’en l’espèce la Cour suprême n’a pas examiné la question de la violation de l’obligation fiduciaire est sans objet − et que même si elle l’avait fait, le résultat aurait été le même. De même, pour ce qui est de l’opportunité d’engager une nouvelle action au sujet de l’abrogation des Accords de préservation de l’exploitation communautaire, force est de constater que les tribunaux auraient été liés par la décision de la Cour suprême selon laquelle, dans le cas de l’auteur, il n’existe aucun droit autochtone dont il puisse se prévaloir.

7.6Le 15 janvier 2003, l’État partie a présenté d’autres observations, contestant l’affirmation selon laquelle, en raison de sa législation telle qu’elle se présentait actuellement, le rétablissement de droits éteints était impossible. Il a fait observer que dans la décision de la Cour suprême citée à cet effet, la Cour ne s’était pas prononcée sur ce que seraient, le cas échéant, les obligations fiduciaires de la Couronne vis‑à‑vis de la Première Nation dans le cadre de la cession ou de l’extinction des droits de cette dernière, sur la question de savoir s’il y avait eu violation d’une quelconque obligation de cette nature, et sur les recours éventuellement disponibles. Or, ces questions sont précisément soulevées dans le cadre de l’action en cours intentée par les Premières Nations parties aux Traités Williams devant la Cour fédérale ou pourraient l’être dans le cadre d’une action devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario.

7.7L’État partie fait remarquer en outre que le Gouvernement fédéral n’a pas refusé d’engager des négociations au sujet des droits de chasse, de pêche, de piégeage et de cueillette des Premières Nations parties aux Traités Williams. Le Gouvernement fédéral considère toutefois que le rétablissement de tels droits nécessiterait la participation du Gouvernement de l’État de l’Ontario dès lors que ce dernier exerce seul sa juridiction sur les terres provinciales de la Couronne et sur le droit de récolte sur ces terres, conformément à la Loi constitutionnelle. Le Gouvernement de l’Ontario s’emploie actuellement à revoir les revendications des Premières Nations et n’a pas encore décidé s’il accepterait la demande de négociations.

Décision du Comité sur la recevabilité

8.1À sa soixante‑dix‑septième session, le Comité a examiné la recevabilité de la communication.

8.2Le Comité s’est assuré, aux fins du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

8.3Pour ce qui est de l’argument de l’État partie selon lequel l’auteur agit au nom de tierces parties, le Comité a noté que l’auteur se disait personnellement victime, au sens de l’article premier du Protocole facultatif, d’une violation présumée de ses droits reconnus par le Pacte par suite de la décision de la Cour suprême confirmant sa condamnation pour pêche illégale. Pour ce qui est de la position d’autres personnes, le Comité a rappelé sa jurisprudence selon laquelle rien ne s’opposait, en principe, à ce qu’un groupe de personnes, s’estimant victimes d’un même préjudice, présentent ensemble une communication alléguant une atteinte à leurs droits. Toutefois, dans le cas présent, comme la communication pouvait être perçue comme ayant été présentée au nom d’autres personnes ou groupes de personnes, le Comité a noté que l’auteur n’avait soumis ni une autorisation émanant de ces personnes ni des arguments attestant qu’il était en position de représenter d’autres personnes devant le Comité sans leur autorisation. En conséquence, le Comité a estimé que la communication était irrecevable au titre de l’article premier du Protocole facultatif dans la mesure où il était possible de considérer qu’elle avait été soumise au nom d’autres personnes que l’auteur lui‑même.

8.4S’agissant des arguments de l’État partie selon lesquels les négociations en cours pourraient assurer un recours utile, le Comité s’est référé à sa jurisprudence en vertu de laquelle les recours qui devaient être épuisés aux fins du Protocole facultatif étaient, essentiellement, des recours judiciaires. Une procédure de négociations fondée, entre autres, sur des considérations extrajudiciaires, notamment des facteurs politiques, ne pouvait généralement être considérée comme étant de la même nature que les recours en question. Même si ces négociations étaient considérées comme un recours utile supplémentaire devant être épuisé dans certaines circonstances, le Comité a rappelé, en se référant à l’article 50 du Pacte, que l’État partie était responsable, aux termes du Pacte, des actes de ses autorités provinciales autant qu’il l’était des actes des autorités fédérales. Comme les autorités provinciales n’avaient jusqu’à présent pas pris de décision sur la question de savoir s’il convenait d’accepter la demande de négociations des Premières Nations, le Comité considérerait en tout état de cause ce recours comme étant excessivement long. En conséquence, vu l’état actuel des négociations, le Comité estimait qu’à tous points de vue, rien de ce qui figurait au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif ne l’empêchait d’examiner la communication.

8.5Il en allait de même pour l’argument selon lequel des actions étaient en cours devant la Cour fédérale et la Cour supérieure de justice de l’Ontario. Outre le fait que les deux actions avaient été intentées par les Premières Nations plutôt que par l’auteur et que leur issue n’aurait aucune incidence sur la condamnation de l’auteur en 1985 pour pêche illégale, le Comité considérait que même si l’auteur pouvait individuellement bénéficier d’un tel recours, ce recours était excessivement long en ce qui le concernait. Le Comité concluait donc que la Cour suprême s’étant déjà prononcée sur son cas, l’auteur avait épuisé les recours internes pour ce qui était des droits de pêche autochtones qu’il revendiquait, qui faisaient partie intégrante de sa culture.

8.6Le 1er avril 2003, le Comité a donc conclu que la communication était recevable dans la mesure où l’auteur avait été privé, en vertu d’une décision de droit pénal, de la possibilité d’exercer, individuellement et de concert avec d’autres membres de la communauté autochtone à laquelle il appartenait, des droits de pêche autochtones qui faisaient partie intégrante de sa culture.

Examen de la communication quant au fond

Observations de l’État partie sur le fond

9.1Par une lettre datée du 23 mars 2004, l’État partie présente ses observations sur la communication quant au fond. Contestant les dires de l’auteur selon lesquels le paragraphe 2 de l’article 2 et l’article 27 du Pacte auraient été violés, l’État partie soutient que l’auteur peut jouir, individuellement et de concert avec les autres membres de la Première Nation de Hiawatha, des aspects de sa culture qui touchent à la pêche.

9.2L’État partie rappelle que selon le Traité de 1923, la Première Nation à laquelle l’auteur appartient a convenu de renoncer à ses droits de pêche autochtones, si ce n’est dans les réserves qui lui ont été affectées. La Cour de l’Ontario a estimé que ces droits issus de traités s’appliquaient aux eaux adjacentes aux réserves, décision que le Gouvernement a interprétée comme signifiant qu’ils pouvaient s’étendre jusqu’à 100 yards (91,44 m) à partir du rivage dans les eaux situées face aux frontières de la réserve. Dans ces eaux, les membres de la Première Nation de Hiawatha n’ont pas à respecter les restrictions normales applicables à la pêche telles que saisons de pêche et limites de prises et ont le droit de pêcher toute l’année à des fins alimentaires, sociales et cérémoniales. En tout état de cause, l’État partie fait observer que ni l’auteur ni la Première Nation de Hiawatha ne dépendent de la pêche pour vivre. Les membres de la Première Nation de Hiawatha (dont 184 membres vivent dans la réserve et 232 au‑dehors) vivent au premier chef du tourisme et la pêche représente un loisir fort apprécié des personnes qui visitent la région. Les rives du lac Rice sur lesquelles vit la Première Nation de Hiawatha seraient parmi les plus poissonneuses de la région.

9.3L’État partie ajoute que l’auteur peut aussi se procurer une licence de pêche de loisir lui permettant de pêcher de mai à novembre dans les lacs et rivières de la région des lacs Kawartha au milieu de laquelle se trouve la réserve de la Première Nation de Hiawatha. Les quelques restrictions imposées à la pêche sont ciblées et ne touchent que quelques espèces; elles visent à assurer que la vulnérabilité particulière de chaque espèce soit prise en compte et que toutes les personnes qui exploitent cette ressource, dont l’auteur et les autres membres de la Première Nation de Hiawatha, en profitent. Des limites sont imposées sur le type d’espèce qui peut être pêchée, la durée pendant laquelle la pêche est ouverte pour chaque espèce et le volume des prises. Lorsque les eaux à la lisière de la réserve de Hiawatha sont fermées du 16 novembre à fin avril pour des raisons de préservation, l’auteur peut pêcher la plupart des espèces dans d’autres lacs et rivières un peu plus loin de janvier à mars et de mai à décembre.

9.4L’État partie fait ainsi valoir que, comme l’auteur peut pêcher tout au long de l’année, partager ses prises avec sa famille et montrer à ses enfants et petits‑enfants comment pêcher, il n’est pas empêché de jouir des droits de pêche propres à sa culture. Prétendre comme le fait l’auteur que les eaux dans lesquelles il est autorisé à pêcher ne seraient pas assez poissonneuses est inconciliable avec le fait qu’il peut pêcher dans la rivière Otonabee, adjacente à la réserve de la Première Nation de Hiawatha, un peu en aval de là où il pêchait le 18 janvier 1985, et avec les enquêtes sur les ressources halieutiques et les déclarations publiques faites par la Première Nation de Hiawatha pour attirer les touristes. Il existe des possibilités de pêche légales pour l’auteur même pendant l’hiver où les eaux proches de la réserve de Hiawatha sont fermées à la pêche.

9.5Pour ce qui est de l’argument de l’auteur selon lequel la décision prise par la Cour suprême dans son cas serait incompatible avec les obligations faites à l’État partie au titre de l’article 27 du Pacte, l’État partie rappelle les questions et les arguments présentés aux tribunaux et les décisions de ces derniers. L’auteur a été inculpé de pêche illégale pendant la fermeture de la pêche parce qu’il avait attrapé du brochet dans l’Otonabee à proximité mais non dans les limites de la réserve de la Première Nation de Hiawatha. Au procès devant la Cour provinciale de l’Ontario, l’auteur a plaidé non coupable et fait valoir qu’il avait le droit de pêcher en tant que membre de la Première Nation de Hiawatha, que ce droit n’avait pas disparu avec le Traité de 1923 et qu’il ne devrait pas être abrogé par les règlements de pêche. Le juge du fond, qui avait reçu des centaines de pages de pièces justificatives, a conclu que les terres sur lesquelles l’infraction aurait eu lieu avaient en fait été cédées par le Traité de 1923 et que tout droit de pêche spécial avait de ce fait disparu. Au stade de l’appel devant la cour de district de l’Ontario, le juge a estimé qu’il ne pouvait pas conclure que les Indiens auraient été induits en erreur à l’époque du Traité de 1923 et que l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, qui reconnaissait et confirmait l’existence des droits issus de traités des peuples autochtones du Canada, ne créait pas de nouveaux droits ni ne rétablissait les droits qui avaient été cédés. Quant à la cour d’appel de l’Ontario, elle était appelée à trancher la question centrale de savoir si les droits des membres de la Première Nation de Hiawatha de pêcher dans l’Otonabee avaient été ou non cédés au titre du Traité de 1923. L’auteur faisait valoir qu’il ne fallait pas interpréter le Traité comme éteignant ces droits et, en même temps, que la Bande du lac Rice (comme la Première Nation de Hiawatha s’appelait naguère) n’avait pas eu suffisamment connaissance des conditions énoncées dans le Traité et ni ne les avait assez bien comprises pour se sentir liée par lui. La Cour a estimé que les termes du Traité de 1923 montraient clairement et sans ambiguïté que la Bande avait renoncé à ses droits de pêche sur l’ensemble du territoire de l’Ontario lorsqu’elle avait signé le Traité, et conclu que la Couronne avait établi, comme elle en avait le devoir, que les représentants de la Bande connaissaient et comprenaient le Traité et ses clauses. La Cour suprême, saisie en appel, devait statuer sur le point de savoir si les signataires du Traité Williams de 1923 avaient renoncé à leurs droits de pêche issus de traités. Après avoir examiné minutieusement l’appréciation des éléments de preuve par les juridictions inférieures, elle a fait siennes leurs constatations et conclu que le contexte historique n’apportait aucun élément permettant de conclure que les termes du Traité de 1923 étaient ambigus ou n’auraient pas été compris des signataires Hiawatha. À ce propos, la Cour a fait observer que ces derniers comptaient des commerçants et un fonctionnaire et qu’ils savaient tous lire et écrire et participaient activement à l’économie et à la société de leur province.

9.6L’État partie fait valoir que la tentative faite par l’auteur de saper les constatations de fait des tribunaux va à l’encontre du principe soutenu par le Comité selon lequel il appartient aux juridictions des États parties et non au Comité d’apprécier les faits et les éléments de preuve dans une affaire donnée. L’État partie conteste par ailleurs l’idée émise par l’auteur qu’en l’espèce la décision de la Cour suprême revenait sur ce que la Première Nation de Hiawatha croyait comprendre depuis longtemps, à savoir qu’après 1923 elle avait conservé ses droits de pêche autochtones et n’avait pas à observer la législation de l’Ontario en la matière. Selon l’État partie, cette thèse n’avait été étayée d’aucun élément de preuve à l’audience, bien au contraire.

9.7Enfin, l’État partie affirme que l’article 27 doit permettre à une minorité de faire le choix d’accepter la limitation de ses droits à poursuivre son mode de vie traditionnel sur un certain territoire en échange d’autres droits et avantages. C’est ce choix que la Première Nation de Hiawatha a opéré en 1923 et, de l’avis de l’État partie, l’article 27 ne permet pas à l’auteur de revenir sur l’option prise par sa communauté plus de 80 ans auparavant. Il relève que l’auteur n’a soulevé aucun argument au titre des obligations internationales du Canada, y compris de l’article 27 du Pacte, au cours de la procédure judiciaire.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

10.1Le 30 août 2004, l’auteur commente les observations de l’État partie et réaffirme que les Traités Williams sont les seuls traités conclus au Canada qui ne protègent pas les droits autochtones de chasse, de pêche, de piégeage et de cueillette, et sont au contraire réputés avoir mis expressément fin à ces droits. En conséquence, l’auteur soutient qu’il ne jouit pas du même statut juridique et constitutionnel spécial que les membres de tous les autres peuples autochtones du Canada qui jouissent de droits autochtones ou issus de traités. Il considère qu’une indemnisation financière ne saurait se substituer aux mesures de protection nécessaires qu’appelle la culture de la minorité au sens de l’article 27 du Pacte.

10.2L’auteur affirme qu’en sa qualité de membre d’un groupe minoritaire, il a droit à la protection des activités économiques qui constituent un élément essentiel de sa culture. L’exercice de leurs droits culturels par les membres de communautés autochtones est étroitement associé au territoire et à l’utilisation de ses ressources. L’auteur note que l’État partie ne nie pas que la pêche représente un élément essentiel de la culture de la minorité à laquelle il appartient, et qu’il articule au contraire son argumentation autour du fait que l’auteur est en mesure d’exercer son droit de pêche. L’auteur déclare cependant que l’État partie ne précise pas s’il est habilité à exercer son droit culturel de pêcher en vertu d’un droit distinct et complémentaire de tout privilège reconnu par la loi à toute personne, autochtone ou non, qui s’acquitte d’une redevance en échange d’un permis de pêche délivré par les autorités.

10.3L’auteur s’élève aussi contre le fait que l’État partie se focalise uniquement sur la pêche et émet l’idée que cette insistance traduit une lecture par trop étroite de la décision de recevabilité du Comité. Selon l’auteur, sa communication touche aussi à ses droits de chasse, de piégeage et de cueillette qui font également partie intégrante de la culture qui lui est refusée.

10.4L’auteur souligne que c’est l’importance culturelle et sociétale du droit à la pêche, à la chasse, au piégeage et à la cueillette qui est au cœur de sa communication, non son aspect économique. Le fait que les membres de la Première Nation de Hiawatha participent à l’économie générale du Canada ne saurait ni ne devrait diminuer l’importance de leurs traditions et mode de vie culturels et sociétaux.

10.5Se référant à la superficie de la réserve de la Première Nation de Hiawatha (790,4 ha) et de la réserve partagée avec deux autres Premières Nations (un certain nombre d’îles), l’auteur affirme qu’il n’est pas raisonnable de donner à entendre qu’il peut exercer utilement de concert avec les membres de sa communauté ses droits inhérents à la pêche et à la chasse dans les limites des réserves et des eaux qui leur sont immédiatement adjacentes. Ces droits perdraient tout intérêt en l’absence de terres suffisamment étendues sur lesquelles les exercer. Dans ces conditions, il rappelle qu’à l’exception des Premières Nations parties aux Traités Williams, toutes les autres Premières Nations du Canada qui ont conclu des traités avec la Couronne ont vu leurs droits de capture reconnus bien au‑delà des limites de leurs réserves − sur l’intégralité de leurs territoires traditionnels.

10.6S’agissant de l’argument de l’État partie selon lequel il peut pêcher avec un permis de pêche récréative, l’auteur soutient qu’il n’est pas un pêcheur amateur. À son avis, les règlements applicables à la pêche de loisir sont destinés à encourager la pêche sportive et indiquent clairement que cette activité constitue un privilège et non un droit. En règle générale, cette activité est interdite, sauf conformément aux règlements et pour autant que l’on détienne un permis. Les règlements prévoient des exceptions à la règle générale en faveur de personnes titulaires d’un permis délivré en vertu des Règlements sur les permis de pêche communautaires des autochtones, mais l’auteur déclare qu’on lui a refusé le bénéfice de cette disposition parce que la Cour avait décidé que ses droits autochtones s’étaient éteints suite à la conclusion du Traité Williams.

10.7L’auteur relève qu’en comparant ses activités de pêche à celles d’un pêcheur amateur, l’État partie assimile son accès à la pêche à un privilège et non à un droit. Ses activités de pêche ne sont donc pas considérées comme prioritaires par rapport aux activités de pêcheurs sportifs et peuvent être limitées unilatéralement par l’État sans qu’il soit tenu de consulter l’auteur ou les dirigeants de sa Première Nation. Aux dires de l’auteur, ce traitement est contraire à celui reconnu à d’autres autochtones du Canada pour lesquels la Loi constitutionnelle de 1982 prévoit que l’exercice des droits autochtones et issus de traités prime sur toutes les autres utilisations à l’exception de la préservation.

10.8L’auteur fait valoir que l’État partie est tenu de prendre des mesures positives pour protéger ses droits de pêche et de chasse et que le fait de l’autoriser à pêcher en vertu de règlements applicables à la pêche récréative n’est pas une mesure positive au sens du paragraphe 2 de l’article 2 du Pacte.

10.9Il ajoute qu’il lui est interdit chaque année, du 16 novembre à fin avril, de pêcher sur le territoire traditionnel de la Première Nation de Hiawatha. Selon lui, l’argument avancé par l’État partie qu’il peut pêcher dans les lacs et rivières un peu éloignés de la réserve de Hiawatha ne tient pas compte des notions de territoire autochtone car ces lacs ne font pas partie du territoire traditionnel de la Première Nation de Hiawatha. L’auteur fait aussi valoir que les règlements privilégient la pêche à la ligne et que les méthodes de pêche traditionnelles (filet maillant, harpon, piège à poisson‑appât, senne, épuisette, etc.) sont soumises à des restrictions. De ce fait, une bonne partie des poissons pêchés traditionnellement par les Mississaugas ne peuvent l’être selon les méthodes traditionnelles (filet et piège). L’auteur indique aussi qu’il ne peut pas pratiquer la pêche sur glace sur le territoire traditionnel de sa Première Nation. Il renvoie à un arrêt de la Cour suprême (R. c. Sparrow, 1990) dans lequel la Cour estimait que l’interdiction faite aux peuples autochtones d’exercer leurs droits autochtones à l’aide de techniques traditionnelles constituait une atteinte à ces droits car il était impossible de faire une distinction nette entre le droit de pêcher et la technique de pêche. Enfin, l’auteur fait valoir que les limites de prises imposées par les règlements le contraignent effectivement à ne pêcher que pour sa consommation personnelle.

10.10Pour les raisons ci‑dessus, l’auteur soutient que ses droits aux termes de l’article 27 et du paragraphe 2 de l’article 2 du Pacte ont été violés et prie le Comité d’exhorter l’État partie à faire le nécessaire en vue de mettre en œuvre les mesures voulues pour garantir la reconnaissance et l’exercice des droits, protégés par la Loi constitutionnelle, de chasse, de pêche, de piégeage et de cueillette moyennant l’élaboration d’un nouveau traité.

Observations ultérieures des parties

11.1Par une lettre du 15 décembre 2004, l’État partie conteste l’assertion de l’auteur que la portée de la décision de recevabilité du Comité s’étend aux droits de chasse, de pêche et de cueillette. Il déclare que le texte de la décision de recevabilité est clair et que la question dont le Comité est saisi ne vise que «les droits de pêche qui font partie intégrante» de la culture de l’auteur. Si l’auteur n’accepte pas cette limite, libre à lui de demander au Comité de revoir sa décision sur la recevabilité, auquel cas l’État partie se réserve le droit de présenter de nouvelles observations sur le sujet.

11.2L’État partie fait aussi valoir que le Traité de 1923 a été négocié à la demande des Premières Nations elles‑mêmes, lesquelles revendiquaient la reconnaissance de droits aux territoires de chasse traditionnels en Ontario au nord du 45e parallèle. Après étude de ces revendications, la Couronne a conclu des traités par lesquels les Premières Nations renonçaient à leurs droits sur les territoires situés en Ontario en échange d’une indemnisation. La Bande du lac Rice n’ignorait rien de l’élaboration du traité et comme la cour d’appel l’a constaté dans l’affaire de l’auteur, il ressort des minutes de la réunion du conseil de la Bande que le projet de traité a été lu, interprété et expliqué avant d’être approuvé à l’unanimité.

11.3Quant aux griefs de l’auteur à propos des restrictions imposées en ce qui concerne les espèces qu’il peut pêcher et les méthodes de pêche, l’État partie fait valoir qu’ils auraient dû être formulés plus tôt, au titre de l’article 27. Il relève à cet égard que la communication initiale de l’auteur était axée sur les restrictions saisonnières de sa faculté de pêcher et soulevait d’autres arguments quant à sa faculté de transmettre ses connaissances à ses enfants, de s’adonner à cette activité avec sa communauté et de pêcher pour sa subsistance. Il ne prétendait nullement être empêché de pêcher tel ou tel poisson ou de recourir aux méthodes de pêche traditionnelles et l’État partie n’a pas été invité à faire des observations sur la recevabilité et le bien‑fondé de telles revendications. Il note par ailleurs que les éléments de preuve présentés par l’auteur à l’appui de ces revendications sont très généraux et ne sont pas propres à la Première Nation de Hiawatha, ce qui met en cause leur fiabilité. C’est pourquoi l’État partie demande au Comité de ne pas s’arrêter sur ces doléances.

11.4Pour ce qui est de l’affirmation de l’auteur selon laquelle l’État partie a l’obligation de prendre des mesures positives pour protéger ses droits de pêche et qu’il ne l’a pas fait, l’État partie avance que l’auteur jouit du droit issu de traités, protégé par la Loi constitutionnelle, de pêcher dans la réserve de sa nation et les eaux qui lui sont adjacentes. Dans la réserve que la Première Nation de l’auteur partage avec les Mississaugas du lac Curve et de l’île Scugog (réserve du Trent no36A), le droit de pêche issu de traités de l’auteur est aussi protégé. L’État partie fait observer que la réserve partagée se compose de plus d’une centaine d’îles réparties entre une douzaine de lacs et de rivières des Kawarthas et que les eaux adjacentes à ces îles offrent d’amples possibilités de pêche à l’auteur et aux membres de la Première Nation de Hiawatha. Dans ces eaux, l’auteur peut pêcher à tout moment de l’année à l’aide des techniques traditionnelles propres à sa communauté. L’État partie estime que la protection constitutionnelle évoquée plus haut constitue une mesure positive.

11.5L’État partie explique en outre qu’en vertu des principaux traités de cession de terrains du Canada, y compris les Traités Williams, ce qui était naguère des droits autochtones de chasse et de pêche a été redéfini et réaménagé au moyen des traités. Les termes des traités variaient selon l’objet du traité et la situation des parties. D’après l’État partie, les traités visant des régions éloignées, à la population disséminée, et peu urbanisées protègent la pratique de la pêche et l’exploitation de la faune à des fins de subsistance en fonction des particularités locales. Les Traités Williams visaient par contre des terres très proches de zones urbanisées et la question ne se posait pas de protéger ces droits à des fins de subsistance.

11.6S’agissant de l’argument avancé par l’auteur qu’un permis de pêche récréative est un simple privilège et non un droit, l’État partie fait observer que l’article 27 n’exige pas qu’une activité culturelle soit protégée moyennant la reconnaissance d’un droit. De l’avis de l’État partie, l’obtention d’un permis ne viole pas en soi l’article 27. L’État partie explique aussi qu’en vertu d’un permis de pêche récréative de l’Ontario une personne peut choisir de pêcher non pas pour se distraire, mais à des fins alimentaires, sociales et éducatives ou encore cérémoniales.

11.7L’État partie conteste l’argument de l’auteur que les limites de prises prévues par les règlements le contraignent à ne pêcher que pour sa consommation personnelle. Il explique qu’il n’y a aucune limite au nombre de poissons qu’il peut attraper dans les eaux des réserves ou celles qui les jouxtent et que dans les eaux qui se trouvent au‑delà de ce périmètre, lorsque la pêche est ouverte, il peut attraper des perchaudes et des mariganes en nombre illimité ainsi que 6 dorés jaunes, 6 achigans à grande bouche, 6 grands brochets, 5 truites ou saumons, 1 maskinongé et 25 grands corégones par jour. L’État partie conclut que l’auteur ne saurait par conséquent soutenir qu’il peut pêcher uniquement pour sa consommation personnelle. Il ajoute que l’auteur n’a pas présenté d’éléments de preuve attestant des besoins de sa famille élargie et des raisons pour lesquelles ils ne pourraient être satisfaits.

11.8L’État partie conteste aussi la déclaration de l’auteur selon laquelle il lui serait interdit de pêcher dans le territoire traditionnel de la Première Nation de Hiawatha chaque année du 16 novembre à fin avril et rappelle que l’auteur peut pêcher tout au long de l’année dans les eaux du lac Rice et l’Otonabee adjacent à la réserve de la Première Nation de Hiawatha, ainsi que dans les eaux adjacentes aux îles de la réserve du Trent. Muni d’un permis de pêche récréative, il peut aussi pêcher dans le lac Scugog en janvier et février et dans des lacs et rivières de districts de pêche voisins. Dans ces conditions, l’État partie relève que l’auteur n’a présenté aucun élément de preuve à l’appui de son affirmation que ces eaux se trouveraient en dehors du territoire et des zones de pêche traditionnels de la Nation de Hiawatha. Selon l’État partie, au contraire, tout porte à croire que les sept Premières Nations parties aux Traités Williams se partageaient leur territoire traditionnel.

11.9Enfin, l’État partie rappelle que la demande faite par l’auteur tendant à ce que le Comité formule des constatations et offre des voies de recours en faveur d’autres personnes que lui‑même ne relève pas en l’espèce de la portée de la décision de recevabilité. L’État partie rappelle que la Première Nation de Hiawatha et les autres Premières Nations parties aux Traités Williams sont en plein conflit avec la Couronne au nom de leurs membres, dans la mesure où elles cherchent une voie de recours pour un manquement présumé au devoir fiduciaire de la Couronne en ce qui concerne le renoncement à certains droits de chasse, de pêche et de piégeage aux termes des Traités Williams. Aussi serait‑il inapproprié que l’auteur demande au Comité de formuler des constatations et d’offrir des voies de recours au nom des Premières Nations qui n’ont pas saisi le Comité en bonne et due forme; de telles constatations préjugeraient de l’issue du contentieux au Canada. Si le Comité, contrairement à l’État partie, estimait que les droits de pêche de l’auteur au titre de l’article 27 ont été violés, les mécanismes législatifs et réglementaires existants permettraient à l’État de multiplier les possibilités de pêche en faveur de l’auteur et de sa communauté.

11.10Dans sa réponse aux nouvelles observations de l’État partie, l’auteur, dans une lettre datée du 5 avril 2005, affirme que les îles de la réserve partagée des eaux de la rivière Trent, bien que nombreuses, sont de taille extrêmement réduite, nombre d’entre elles étant constituées de simples amas de rochers, ce qui signifie que les possibilités de pêche sont négligeables. La superficie moyenne des îles serait de 0,68 ha.

11.11L’auteur rappelle par ailleurs que la comparaison avec des traités contemporains n’est pas inutile et montre que malgré l’urbanisation et le développement économique et le fait que certains autochtones ne soient pas tributaires des activités traditionnelles pour leur subsistance, tous les traités à l’exception des Traités Williams reconnaissent et protègent les droits de chasse, de pêche et de piégeage de même que l’exercice de ces droits sur une partie raisonnable du territoire traditionnel de la communauté autochtone.

11.12En réponse à l’affirmation de l’État partie que l’auteur n’a pas apporté de preuves que le lac Scugog et les autres lacs et rivières des districts de pêche voisins se trouvent en dehors des zones de pêche traditionnelles de la Première Nation de Hiawatha, l’auteur renvoie à une carte indiquant les territoires de chasse familiaux des Mississaugas, dressée à partir de la description faite de ces territoires à l’occasion des dépositions devant les Commissaires des Traités Williams en 1923. Selon l’auteur, la carte montre que le territoire de chasse traditionnel de Hiawatha se trouvait près du lac Rice et n’incluait pas le lac Scugog.

11.13L’auteur conteste par ailleurs la déclaration faite par l’État partie que le Traité Williams a été négocié selon les règles avec la Première Nation de l’auteur; il fait valoir qu’il n’y a eu qu’une seule journée d’audition dans la communauté et que le conseiller juridique de la communauté n’a pas été autorisé à y participer. La signification culturelle et religieuse de la pêche pour les Mississaugas a été totalement négligée et les droits de pêche traditionnelle non commerciale ont été pratiquement éteints. Aussi l’auteur réitère‑t‑il son argument que l’État partie n’a pas mis en œuvre les Traités Williams de façon à assurer que l’auteur puisse jouir de sa culture.

11.14En réponse à l’argument avancé par l’État partie que l’article 27 n’exige pas de protéger une activité culturelle par l’institution d’un droit, l’auteur soutient que sa situation se distingue de celle de l’auteur dans l’affaire évoquée par l’État partie. Le Comité a jugé en l’espèce que la législation qui portait atteinte aux droits de l’auteur reposait sur des fondements raisonnables et objectifs et s’imposait pour assurer la viabilité et la protection dans le temps de la minorité tout entière. On ne peut en dire autant de la réglementation de la pêche applicable à l’auteur dans le cas présent.

11.15L’auteur rejette l’idée avancée par l’État partie qu’il aurait formulé de nouvelles prétentions en soulevant la question des méthodes de pêche car il serait artificiel de faire la distinction entre son droit de pêcher et la manière particulière d’exercer ce droit. Il souligne qu’il ne s’agit pas d’une nouvelle revendication mais qu’il s’agit bien de la même que celle qu’il a formulée au titre de l’article 27 avant que le Comité ne statue sur la recevabilité.

11.16L’auteur rejette l’argument de l’État partie selon lequel il demanderait une réparation inappropriée. Il déclare qu’il s’est tenu entre les Premières Nations et l’Ontario non pas des négociations sur le fond, mais seulement des réunions préparatoires. L’auteur ajoute qu’au cours de ces réunions il a été convenu que l’ouverture d’entretiens ne serait pas interprétée ni présentée comme une admission de fait, de droit ou la reconnaissance de quoi que ce soit qui serait contraire à la position des parties, telle qu’elle est décrite dans la présente communication, et que l’argument de l’État partie porte ainsi atteinte à cet accord. Il rappelle que la seule voie de recours utile réside dans la négociation de bonne foi et en temps utile d’un accord qui, fondé sur une assise solide et conçu dans une perspective à long terme, permettrait à l’auteur de jouir de sa culture. Le meilleur outil disponible à cet effet dans la panoplie juridique du Canada resterait la protection des droits par voie de traité.

Examen de la communication quant au fond

12.1Le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été soumises par les parties, conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif.

12.2En ce qui concerne la portée de la décision sur la recevabilité, le Comité constate qu’au moment où il a pris sa décision, l’auteur n’avait produit aucun élément étayant ses revendications au sujet de ses droits de chasse, de piégeage et de cueillette et de l’épuisement des recours internes à cet égard. Il note aussi que l’auteur ne s’est plaint des restrictions imposées à l’utilisation des méthodes de pêche traditionnelles et des limites des prises qu’une fois la communication déclarée recevable. De l’avis du Comité, rien n’aurait empêché l’auteur de formuler ces revendications en temps opportun, lorsqu’il a soumis sa communication, s’il l’avait voulu. Comme l’État partie n’avait pas demandé à faire des observations sur la recevabilité de ces aspects des griefs de l’auteur et que les voies de recours internes que l’auteur a épuisées ne visaient que sa condamnation pour pêche hors saison, le Comité n’a pas pris en considération ces aspects de la plainte de l’auteur dans sa décision sur la recevabilité. Aussi le Comité ne s’y arrêtera‑t‑il pas.

12.3Tant l’auteur que l’État partie ont fait abondamment référence au Traité de 1923, conclu entre la Couronne et la Première Nation de Hiawatha et qui, selon les tribunaux de l’État partie, a éteint le droit de la nation dont l’auteur est membre de pêcher en dehors de ses réserves ou de leurs eaux adjacentes. Il n’appartient toutefois pas au Comité de se prononcer à ce sujet.

12.4Le Comité relève qu’il est indiscutable que l’auteur est membre d’une minorité qui jouit de la protection de l’article 27 du Pacte et qu’il est donc en droit d’avoir, en commun avec les autres membres de son groupe, sa propre culture. Il est indiscutable que la pêche fait partie intégrante de la culture de l’auteur.

12.5La question dont le Comité est saisi, telle qu’elle est déterminée par sa décision de recevabilité, est donc celle de savoir si les règlements de pêche de l’Ontario tels qu’ils sont appliqués à l’auteur par les tribunaux l’ont privé, en violation de l’article 27 du Pacte, de sa faculté d’exercer, individuellement et en commun avec d’autres membres de son groupe, des droits de pêche reconnus aux autochtones qui font partie intégrante de sa culture.

12.6L’État partie a soutenu que l’auteur avait le droit de pêcher tout au long de l’année dans les réserves de sa nation et les eaux adjacentes et que, titulaire d’un permis, il pourrait aussi pêcher dans d’autres zones de la région ouvertes à la pêche lorsque la région avoisinante des réserves est fermée. L’auteur a répliqué qu’il n’y avait pas assez de poisson dans les réserves et les eaux adjacentes pour que ce droit représente un intérêt quelconque et que les autres zones indiquées par l’État partie n’appartenaient pas aux zones de pêche traditionnelles de sa nation. Il a aussi affirmé que pêcher avec un permis représentait un privilège alors qu’il prétend pêcher de plein droit.

12.7Se référant à sa jurisprudence antérieure, le Comité estime que les États parties au Pacte peuvent réglementer les activités qui constituent un élément essentiel de la culture d’une minorité pour autant que ces règlements ne reviennent pas, de fait, à refuser ce droit. Le Comité doit donc rejeter l’argument de l’auteur selon lequel l’obligation de se procurer un permis de pêche violerait en soi ses droits au titre de l’article 27.

12.8Le Comité note que les éléments de preuve et les arguments présentés par l’État partie montrent que l’auteur a la possibilité de pêcher, soit en vertu du droit conféré par un traité dans les réserves et dans les eaux adjacentes à celles‑ci, soit sur la base d’un permis en dehors des réserves. La question de savoir si ce droit suffit ou non à permettre à l’auteur de jouir de cet élément de sa culture en commun avec les autres membres de son groupe dépend d’un certain nombre de considérations factuelles.

12.9Le Comité note que, en ce qui concerne les prises potentielles de poisson dans les réserves et les eaux adjacentes, l’État partie et l’auteur ne voient pas les choses sous le même angle. L’État partie a fourni des statistiques détaillées tendant à montrer que les eaux des réserves et celles qui leur sont adjacentes sont suffisamment poissonneuses pour permettre à l’auteur d’exercer utilement son droit de pêche, ce que conteste l’auteur. De même, les parties ne partagent pas le même point de vue sur l’étendue des zones de pêche de la Première Nation de Hiawatha.

12.10Le Comité note à cet égard que ces questions de fait n’ont pas été portées devant les tribunaux de l’État partie. Il rappelle que c’est au premier chef aux juridictions d’un État partie qu’il appartient d’apprécier les faits et les éléments de preuve dans un cas d’espèce, or l’absence d’une telle appréciation dans le cas présent gêne considérablement le Comité dans sa tâche.

12.11Le Comité considère qu’il n’est pas en mesure de tirer des conclusions indépendantes sur les conditions réelles dans lesquelles l’auteur peut exercer son droit de pêche et leurs conséquences pour sa jouissance du droit à sa propre culture. Bien qu’il comprenne le souci de l’auteur, compte tenu tout particulièrement de la superficie plutôt réduite des réserves en question et des limites imposées à la pêche en dehors des réserves, et sans préjuger de l’issue de toute action en justice ou de toute négociation entre les Premières Nations parties aux Traités Williams et le Gouvernement, il est d’avis que les informations dont il est saisi ne lui permettent pas de constater qu’il y a eu violation de l’article 27 du Pacte.

13.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif, est d’avis que les faits dont il est saisi ne font pas apparaître une violation du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

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