Pacte international relatif aux droits civilset politiques

Distr.

GÉNÉRALE

CCPR/CO/80/LTU

4 mai 2004

FRANÇAIS

Original: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

Quatre‑vingtième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits de l’homme

Lituanie

1.Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique de la Lituanie (CCPR/C/LTU/2003/2) à ses 2181e et 2182e séances, les 24 et 25 mars 2004, et a adopté les observations finales ci‑après, à sa 2192e séance, le 1er avril 2004.

A. Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le deuxième rapport périodique de la Lituanie et se félicite du dialogue franc et constructif qu’il a eu avec la délégation. Il salue la concision du rapport et la pertinence des informations qu’il contient sur la mise en œuvre dans la pratique de la législation.

B. Aspects positifs

3.Le Comité relève avec satisfaction les efforts que l’État partie déploie sans relâche pour réformer son système judiciaire et réviser sa législation de façon que la protection qu’ils assurent soit conforme au Pacte. Il se félicite en particulier de la création du Comité parlementaire sur les droits de l’homme et des trois institutions de médiateur: les Médiateurs parlementaires, le Médiateur pour l’égalité des chances et le Médiateur pour la protection des droits de l’enfant. Le Comité encourage l’État partie à étendre les pouvoirs des deux derniers médiateurs, afin de les habiliter à engager des actions en justice, comme peuvent le faire les Médiateurs parlementaires.

4.Le Comité se félicite de l’amendement proposé à la loi d’indemnisation des préjudices causés par des actions illégales des autorités publiques, actuellement à l’examen au Parlement. Il encourage l’État partie à adopter cette modification, qui devrait améliorer encore la mise en œuvre des constatations du Comité concernant les communications présentées au titre du Protocole facultatif, notamment quand le Comité demande l’indemnisation de la victime.

5.Le Comité se félicite de l’adhésion de la Lituanie au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte, qu’elle a ratifié le 2 août 2001.

D. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

6.Le Comité relève qu’environ 30 % des recommandations et propositions formulées par le Médiateur parlementaire n’ont apparemment pas été suivies d’effet (art. 2).

L’État partie devrait prendre toutes les mesures voulues pour que ces décisions soient mises en œuvre plus systématiquement.

7.Le Comité s’inquiète de l’élaboration du projet de loi sur le statut juridique des étrangers qui, selon le troisième rapport que l’État partie a soumis au Comité contre le terrorisme du Conseil de sécurité, pourrait permettre l’expulsion des étrangers considérés comme une menace pour la sécurité de l’État, même s’ils risquent de subir une violation de leurs droits visés à l’article 7 du Pacte dans le pays de renvoi. Le Comité s’inquiète également de ce que, dans les cas de soupçon de menace contre l’État, il n’est pas possible de surseoir à l’expulsion en attendant l’examen d’un recours éventuel, ce qui peut avoir pour effet de priver l’intéressé du recours garanti par l’article 2.

L’État partie est engagé à veiller à ce que les mesures de lutte contre le terrorisme prises dans le cadre de la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité ou à un autre titre, soient pleinement conformes au Pacte. Il devrait veiller en particulier à assurer à tous les individus se trouvant sur leur territoire sans exception une protection absolue contre le refoulement vers un pays où les droits garantis à l’article 7 risquent d’être violés.

8.Tout en saluant l’adoption du Programme d’intégration des Roms dans la société lituanienne et les progrès accomplis durant la première phase de ce programme que la délégation a exposés, le Comité reste préoccupé par la situation économique et sociale de la minorité rom et par les conséquences de cette situation pour l’exercice des droits garantis par le Pacte. Il note que les Roms sont toujours gravement touchés par la discrimination, la pauvreté et le chômage et qu’ils ne jouent aucun rôle dans la vie publique de l’État partie (art. 26 et 27).

L’État partie devrait communiquer au Comité une évaluation des résultats obtenus au terme de la première phase du Programme d’intégration, en donnant des détails sur les réalisations et les progrès et en précisant dans quelle mesure la situation sociale et économique de la minorité rom s’en est trouvée améliorée. Le Comité encourage également l’État partie à tenir compte de cette évaluation pour concevoir et mettre en œuvre la deuxième phase du Programme.

9.Le Comité relève avec préoccupation que les cas de violence familiale contre les femmes et les enfants sont en hausse. Il prend note des efforts faits par l’État partie pour lutter contre la violence familiale, notamment le Programme public pour l’égalité des chances et le Plan d’action pour lutter contre les violences aux enfants, mais constate qu’il n’existe pas de texte de loi traitant spécialement de la violence familiale en Lituanie (art. 3 et 7).

L’État partie devrait prendre toutes les mesures qui s’imposent pour combattre la violence familiale, notamment adopter une législation appropriée. La nouvelle législation devrait prévoir la possibilité d’imposer des mesures d’interdiction afin de protéger les femmes et les enfants des membres violents de la famille. L’État partie devrait poursuivre ses efforts pour mettre en place des foyers et d’autres formes d’assistance à l’intention des victimes de violence familiale et prendre des mesures pour encourager les femmes à signaler aux autorités les violences dont elles peuvent être victimes, et pour apprendre aux fonctionnaires de police à traiter avec la sensibilité nécessaire les plaintes pour violences, y compris en cas de viol en tenant compte des conséquences psychologiques pour les victimes.

10.Le Comité relève avec inquiétude qu’il n’existe pas de mécanisme indépendant d’inspection chargé de recevoir et d’examiner les plaintes faisant état de conduite illégale de la part de membres des forces de police. Cette lacune peut contribuer à l’impunité dont jouissent les fonctionnaires de police impliqués dans des violations des droits de l’homme (art. 2, 7 et 9).

L’État partie devrait instituer un organe indépendant habilité à recevoir toutes les plaintes dénonçant un usage excessif de la force ou une autre forme d’abus de pouvoir de la part des forces de police, ainsi qu’à enquêter et à statuer sur ces affaires.

11.Le Comité est préoccupé de ce que l’article 12 de la loi sur la détention provisoire et du Code de l’application des peines permette de placer des adultes en détention avec des mineurs dans des «circonstances exceptionnelles». Le Comité prend note de l’explication donnée par l’État partie, qui a affirmé que la séparation des mineurs et des adultes était la norme mais relève que la loi n’énonce aucun critère permettant de définir ces «circonstances exceptionnelles».

L’État partie devrait veiller à ce que les mineurs accusés d’une infraction pénale et privés de liberté soient détenus séparément des adultes, conformément à l’article 10, paragraphe 2 b), du Pacte.

12.Le Comité a pris note des renseignements donnés oralement par la délégation sur l’éducation sexuelle dispensée dans les écoles, mais il est préoccupé par le taux élevé de grossesses non désirées et d’avortements chez les jeunes filles âgées de 15 à 19 ans ainsi que par le nombre élevé des jeunes filles de cette tranche d’âge contractant le VIH/sida, ce qui met en danger leur vie et leur santé (art. 6).

L’État partie devrait prendre de nouvelles mesures de prévention pour diminuer le nombre de grossesses non désirées et les cas de transmission du VIH/sida, notamment en renforçant ses programmes de planification familiale et d’éducation sexuelle.

13.Le Comité note avec préoccupation que la détention pour infraction administrative existe toujours dans l’État partie et regrette que très peu d’informations aient été fournies sur les différentes formes de détention administrative, telles que l’hospitalisation d’office pour traitement psychiatrique, la détention dans un centre pour immigrés et la détention en tant que sanction administrative. Il s’inquiète également du fait que la garde à vue peut dépasser le délai de 48 heures dans lequel l’intéressé doit être déféré devant un juge pour inculpation pénale ou soumis aux procédures applicables aux infractions administratives, et que l’intéressé peut être renvoyé en garde à vue pour complément d’enquête (art. 7 et 9).

L’État partie devrait supprimer la détention pour infraction administrative de son système d’application des lois et revoir sa législation afin d’assurer le respect du Pacte, notamment du paragraphe 4 de son article 9 qui prévoit qu’un recours utile doit être disponible pour toutes les formes de détention. Il devrait aussi veiller à ce que les personnes maintenues en détention au-delà de 48 heures, délai légal de la garde à vue, ne restent pas dans les locaux de police, et qu’une fois placées en détention provisoire elles ne puissent pas y être renvoyées en garde à vue.

14.Le Comité est préoccupé par la situation en ce qui concerne la traite des êtres humains, en particulier par le faible nombre d’actions pénales engagées pour les affaires bien étayées de traite (art. 3 et 8).

L’État partie devrait renforcer les mesures visant à lutter contre la traite des femmes et des enfants et sanctionner ceux qui exploitent des femmes à de telles fins. Le Comité l’encourage à continuer à assurer la protection des femmes victimes de traite de manière à leur permettre de chercher refuge et de témoigner contre les responsables dans le cadre de procédures pénales ou civiles. L’État partie devrait également coopérer avec les autres États à la lutte pour l’élimination de la traite transnationale. Le Comité souhaite être informé des mesures qui seront prises dans ce domaine et de leurs résultats.

15.Le Comité est préoccupé par des informations selon lesquelles les demandeurs d’asile en provenance de certains pays sont empêchés de demander l’asile à la frontière. Il s’inquiète de plus du fait que, bien que les demandeurs d’asile ne soient placés en détention que dans des «circonstances exceptionnelles», les critères permettant de définir ces circonstances exceptionnelles restent peu clairs. Le Comité s’inquiète en outre du très faible nombre de personnes à qui l’asile a été accordé ces dernières années, par rapport au nombre de demandes déposées pendant la même période (art. 12 et 13).

L’État partie devrait prendre des mesures pour garantir à tous les demandeurs d’asile, quel que soit leur pays d’origine, la possibilité d’utiliser les procédures nationales de demande d’asile, en particulier dans les cas où la demande est faite à la frontière. Il devrait aussi exposer les critères appliqués pour décider de placer un demandeur d’asile en détention ainsi que la situation concernant les demandeurs d’asile mineurs. Il devrait garantir que les mineurs ne soient placés en détention que lorsque les circonstances particulières propres à leur cas le justifient et que la nécessité de les maintenir en détention soit régulièrement examinée par un tribunal ou par un magistrat.

16.Le Comité réitère les préoccupations qu’il avait exprimées dans les observations finales formulées à l’issue de l’examen du précédent rapport de l’État partie quant aux distinctions qui continuent d’être faites entre les différentes religions en matière d’enregistrement, ce qui constitue une inégalité de traitement contraire aux articles 18 et 26. Il relève que les communautés religieuses qui ne réunissent pas les conditions fixées pour l’enregistrement sont désavantagées puisqu’elles ne peuvent pas avoir la personnalité juridique et qu’elles peuvent de ce fait, comme la délégation l’a reconnu, être confrontées à certaines difficultés, notamment pour ce qui est de la restitution des biens confisqués.

L’État partie devrait faire en sorte qu’il n’y ait aucune discrimination en droit ni en fait dans le traitement des différentes religions.

17.Le Comité exprime à nouveau les inquiétudes qu’il avait formulées dans les observations finales relatives au précédent rapport concernant les conditions imposées aux personnes qui voudraient effectuer un service autre que militaire pour des raisons d’objection de conscience, en particulier en ce qui concerne les critères admis par la Commission spéciale et la durée du service civil par rapport au service militaire.

Le Comité recommande à l’État partie de préciser les motifs et les conditions à remplir pour être admis à accomplir un service de remplacement en invoquant l’objection de conscience ou les convictions religieuses, d’assurer le respect du droit à la liberté de conscience et de religion en permettant dans la pratique de réaliser un service de remplacement en dehors des forces armées, et de faire en sorte que la durée de ce service ne lui donne pas un caractère punitif (art. 18 et 26).

18.Le Comité constate avec préoccupation que le nouveau Code du travail est trop restrictif notamment en ce qu’il interdit la grève dans des services qui ne peuvent pas être considérés comme essentiels et en ce qu’il impose une majorité des deux tiers pour lancer un mot d’ordre de grève, ce qui peut représenter une violation de l’article 22.

L’État partie devrait apporter au Code du travail les modifications qui s’imposent pour assurer la protection des droits garantis par l’article 22 du Pacte.

19.L’État partie devrait assurer une large diffusion au texte de son deuxième rapport périodique, aux réponses apportées à la liste des points à traiter du Comité ainsi qu’aux présentes observations finales.

20.Conformément au paragraphe 5 de l’article 70 du règlement intérieur du Comité, l’État partie est invité à donner, dans un délai d’un an, toutes informations utiles sur la suite donnée aux recommandations figurant dans les paragraphes 7, 9 et 13 ci‑dessus. Le Comité demande que les renseignements relatifs aux autres recommandations soient incluses dans le troisième rapport périodique de l’État partie, qui devra être soumis avant le 1er avril 2009.

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