NATIONS UNIES

CAT

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/COL/CO/3/Add.224 septembre 2008

FRANÇAISOriginal: ESPAGNOL

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION

Réponses du Gouvernement colombien *,** au sujet des conclusions et recommandations du Comité contre la torture (CAT/C/CR/31/1)

[16 octobre 2007]

Introduction

1.On trouvera dans le présent document les réponses du Gouvernement colombien au sujet d’un certain nombre de recommandations et conclusions du Comité contre la torture concernant le troisième rapport périodique présenté par la Colombie (CAT/C/CR/31/1).

Programme des paysans soldats

2.En vertu de la Constitution «tous les Colombiens sont tenus de prendre les armes quand la nécessité publique l’exige pour défendre l’indépendance nationale et les institutions publiques», sauf exception prévue par la loi en matière de recrutement militaire. Le programme des paysans soldats entre dans le cadre de la définition ci‑dessus et en tant qu’élément de la politique de sécurité démocratique, il a beaucoup contribué au succès de la lutte engagée par la force publique contre tous ceux qui fomentent la violence.

Existence d ’ antennes de bureaux du Procureur dans des unités militaires

3.Pour ce qui est de la présence de magistrats de l’ordre judiciaire dans des unités militaires, il convient de préciser qu’il s’agit de délégués de la Fiscalía General de la N ación qui exercent leur charge en toute indépendance. Étant donné la nature même des opérations militaires, ces agents de l’État jouent donc un rôle capital à divers stades de la procédure − perquisitions, arrestations, levée de cadavres − qui facilite le travail de la force publique, dans le respect de la légalité et des compétences de chaque entité. Il importe de noter qu’il existe un accord interinstitutions en la matière.

4.Pour ce qui est de la politique des pouvoirs publics, la section du Plan national de développement (2006‑2010), approuvé en vertu de la loi no 1151 de 2007, consacrée aux droits de l’homme, prévoit les mesures de protection des défenseurs des droits de l’homme ci‑après:

a)Renforcer les mesures de prévention par les moyens suivants:

i)En offrant aux autorités locales, dans un effort de décentralisation accrue, une formation et des avis qui leur permettent d’inscrire dans les plans de développement, les plans d’aménagement du territoire et les plans d’intervention des stratégies visant à prévenir les violations des droits de l’homme et les infractions du droit international humanitaire;

ii)En développant le système d’alerte précoce et en mettant en place un système d’information géré par l’État;

iii)En élaborant et en mettant en œuvre une pédagogie à l’intention des communautés afin de susciter un sentiment d’appropriation des droits de l’homme qui amène la société civile à se mobiliser pour prévenir les menaces et les attaques des groupes armés illégaux; et

iv)En maintenant les programmes de protection des défenseurs des droits de l’homme, des syndicalistes, des défenseurs de la cause des autochtones et des militants d’horizons divers qui sont victimes de persécutions et de menaces;

b)Mettre en œuvre en prévision des situations d’urgence des mesures de prévention, de protection et d’intervention, et prévoir la réinstallation des populations déplacées et le renforcement du système intégral de prise en charge du problème des déplacements forcés;

c)Prendre des mesures particulières axées sur l’application des règles du droit international humanitaire, c’est‑à‑dire mettre fin à la participation des enfants aux conflits armés, appliquer la Convention sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction, et créer le Fonds contre les mines antipersonnel;

d)Renforcer le Comité spécial chargé d’enquêter sur les violations des droits de l’homme ainsi que les instances chargées de l’administration de la justice, et assurer le contrôle et le suivi des procédures judiciaires engagées à la suite de ces violations;

e)Élaborer un plan d’action national pour les droits de l’homme destiné à orienter et à coordonner l’action des pouvoirs publics à court, à moyen et à long terme, définissant les domaines prioritaires sur la base d’accords interinstitutions et avec la participation de la société civile. De son côté, le Défenseur du peuple élaborera et mettra en œuvre un modèle de suivi, d’évaluation et de surveillance des politiques des pouvoirs publics qui ont une incidence sur les droits de l’homme. Enfin, la vice‑présidence de la République qui coiffe le Programme présidentiel en faveur des droits de l’homme a un rôle clairement défini de coordination de la politique en matière de droits de l’homme. Les organisations internationales et les ONG seront invitées à participer à l’élaboration du plan.

5.Par ailleurs, il importe de souligner que le Gouvernement a réagi énergiquement aux diverses menaces dont ont été victimes les membres des organisations de défense des droits de l’homme et a adopté des mesures visant à renforcer la protection de ces personnes et des membres de leur famille.

6.C’est ainsi que le Programme présidentiel pour les droits de l’homme et le droit international humanitaire a pris des mesures conservatoires, en concertation avec le Groupe des droits de l’homme de la Direction générale de la police nationale et la Direction des droits de l’homme du Ministère de l’intérieur et de la justice, afin de prévenir tout acte qui risquerait de porter atteinte à l’intégrité physique des personnes menacées.

7.Par ailleurs, le Programme présidentiel a pris part aux travaux de divers groupes chargés de la réglementation et de l’évaluation des risques concernant les programmes de protection, relevant du Ministère de l’intérieur et de la justice, qui ont examiné, entre autres, la situation du collectif d’avocats «José Alvear Restrepo», du syndicat SINALTRAINAL, et de l’Organisation populaire de femmes, et des mesures de protection ont été adoptées afin de garantir la sécurité des personnes considérées et de leur permettre d’exercer leurs activités de défenseurs des droits de l’homme ou de dirigeants syndicaux. Diverses réunions ont également été organisées pour faire le point des mesures existantes et les compléter.

8.Le Programme présidentiel des droits de l’homme et du droit international humanitaire a demandé à la Direction nationale des ministères publics régionaux d’enquêter sur ces faits inquiétants et coordonne l’action de la Direction de la police judiciaire (DIJIN) et du ministère public en vue de l’ouverture d’une enquête efficace qui permette de découvrir les auteurs d’un certain nombre de menaces (reçues en 2006 et 2007).

9.Grâce aux efforts des instances compétentes, le nombre de violations des droits fondamentaux des défenseurs des droits de l’homme a diminué en 2007, comme en témoigne le tableau ci‑après:

Violations

Janvier‑juillet 2006

Janvier‑juillet 2007

Variations en pourcentage

Meurtres d’autochtones

30

27

‑10 %

Meurtres de syndicalistes d’autres secteurs

12

6

‑50 %

Meurtres d’enseignants affiliés à des syndicats

22

13

‑41 %

Meurtres d’enseignants non affiliés à des syndicats

12

3

‑75 %

Meurtres de journalistes

1

1

0 %

10.À noter enfin l’arrêté no 10 de 2007 (joint en annexe) du Ministère de la défense nationale, afin de réaffirmer le respect par les forces armées des principes de légalité, de nécessité et de proportionnalité, en leur qualité d’autorité chargée de respecter et de faire respecter la Constitution et les lois et de prévenir l’assassinat des personnes protégées, sachant que les forces armées sont tenues d’appliquer strictement les règles du droit humanitaire.

11.L’application du droit international humanitaire suppose des mesures de prévention, des mesures de contrôle et des mesures législatives. L’arrêté ministériel précise à cet égard que les principes de légalité, de distinction, de nécessité et de proportionnalité doivent inspirer en tout temps la conduite des forces armées. Étant donné les circonstances et les nouvelles formes que revêtent les actes délictueux commis par les groupes armés illégaux − lesquels agissent de plus en plus souvent par petits groupes vêtus en civil − les forces armées doivent s’efforcer par tous les moyens de faire la distinction entre les combattants et les civils et protéger ces derniers en toutes circonstances.

12.Afin de veiller à l’application de l’arrêté en question, il est créé un Comité de suivi des plaintes pour homicides de personnes protégées, qui a pour fonctions:

a)D’appuyer autant que nécessaire les enquêtes pénales et disciplinaires pertinentes;

b)De renforcer les contrôles et de formuler des recommandations à l’intention du commandement de l’armée;

c)D’effectuer un diagnostic des facteurs qui influent sur la survenance de ce genre de faits;

d)D’organiser périodiquement des rencontres avec les organismes internationaux qui s’occupent de la question pour échanger des informations.

Lutte contre l ’ impunité

13.Au cours des dernières années, le Gouvernement a mis en œuvre une politique de lutte contre l’impunité en cas de violation des droits de l’homme et d’infraction au droit international humanitaire qui a pour objectif de venir à bout des obstacles qui empêchent d’élucider les cas de violation des droits de l’homme et d’infraction au droit international humanitaire, d’en condamner les auteurs et d’indemniser les victimes.

14.Cette politique a pris forme progressivement comme suit.

15.En 1998, le Gouvernement colombien a promulgué le décret no 2429 «portant création du Comité spécial d’appui et de suivi des enquêtes sur des violations des droits de l’homme». Le Comité avait pour fonctions:

a)D’appuyer les démarches dans les enquêtes sur des violations des droits de l’homme;

b)De faciliter la coordination et de surveiller et de contrôler le déroulement des enquêtes;

c)De diffuser les résultats des enquêtes.

16.Les travaux menés en 2001 en concertation avec diverses institutions ont permis d’esquisser les grandes lignes d’une politique de renforcement de la capacité de l’État en matière d’enquête et de régression dans les cas de violation des droits de l’homme et d’infraction au droit international humanitaire. Ces grandes lignes étaient les suivantes:

a)Appui à un certain nombre d’enquêtes;

b)Renforcement des systèmes de protection des personnes chargées des enquêtes;

c)Formation de fonctionnaires et octroi d’un soutien technique pour les aider à s’acquitter de leur tâche;

d)Mise en place de mécanismes alternatifs de règlement des conflits;

e)Création d’un réseau de communication entre institutions.

17.En juillet 2003, le Gouvernement a conclu un accord de coopération internationale avec le Gouvernement des Pays‑Bas en vue de mettre en place une stratégie de gestion et de coordination interinstitutions de la lutte contre l’impunité face aux violations des droits de l’homme et aux infractions au droit international humanitaire. Cet accord a pour objectifs:

a)L’élaboration et la mise en œuvre d’une politique de lutte contre l’impunité;

b)L’appui et le suivi d’un certain nombre de procédures judiciaires concernant des violations des droits de l’homme et des infractions au droit international humanitaire.

18.Le 6 mars 2006, le Conseil national de politique économique et sociale a adopté le document CONPES 3411 du Département national de la planification. Ce document définit la politique de lutte contre l’impunité face aux violations des droits de l’homme et aux infractions du droit international humanitaire, qui passe par le renforcement de la capacité de l’État en matière d’enquête, de condamnation et de répression.

19.La politique de lutte contre l’impunité est conçue de manière à prendre en compte les stratégies et plans d’autres instances afin d’éviter les doubles emplois et à renforcer la collaboration entre elles.

Enquêtes médico ‑légales

20.Les autorités compétentes s’attachent à donner au personnel chargé des enquêtes médico‑légales une formation sur la question de la torture axée en particulier sur l’application des Protocoles d’Istanbul et de Minnesota. C’est ainsi qu’un cours sur le Protocole d’Istanbul et le Protocole de Minnesota a été organisé en novembre 2006 par l’Institut national de médecine légale et science médico‑légale (voir annexe «Temas y Expositores»).

21.Par ailleurs, suite à l’arrêt rendu le 12 septembre 2005 dans l’affaire Wilson Gutiérrez Soler c. Colombie par la Cour interaméricaine des droits de l’homme qui a déclaré l’État colombien responsable de la violation de droits de l’homme, un séminaire sur le Protocole d’Istanbul a été organisé à la demande du Ministère des relations extérieures, avec la coopération du Bureau du Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme en Colombie.

22.Le séminaire avait pour objet d’informer les participants sur les principes consacrés par le Protocole et sur sa mise en œuvre, afin de favoriser l’application des directives internationales concernant la prise de contact effective avec les victimes, les preuves documentaires et la conduite d’une enquête effective, l’idée maîtresse étant qu’un des moyens fondamentaux de protection contre la torture réside dans l’établissement de preuves documentaires sûres des traumatismes physiques et psychologiques qui permettront ensuite de punir les responsables et d’empêcher que de tels actes se reproduisent.

23.Les entités ci‑après, qui ont un rôle de premier plan à jouer dans la mise en œuvre du Protocole, étaient fortement représentées:

a)La Fiscalí a General de la Nación (qui comprend le Corps technique d’enquête et la Direction de la police judiciaire);

b)L’organe judiciaire;

c)La Police nationale;

d)La justice pénale militaire;

e)Le Département administratif de la sécurité;

f)Le Défenseur du peuple;

g)L’Institut national pénitentiaire (INPAC);

h)L’Institut national de médecine légale;

j)L’armée et la marine nationales;

k)Le Ministère des relations extérieures;

l)Le Ministère de l’intérieur et de la justice.

24.Il y a lieu de noter que les fonctionnaires qui ont participé au séminaire seront appelés à leur tour à enseigner à leurs collègues les principes énoncés dans l’instrument considéré et à leur faire prendre conscience de l’importance de ces principes.

25.Par ailleurs, afin de faciliter l’administration de la justice, des directives tendant à ce que les autopsies soient effectuées avec la rigueur scientifique et juridique qui s’impose ont été mises au point. Ces instructions s’inspirent du Protocole d’autopsie élaboré par l’ONU pour les cas de violations des droits de l’homme qui a été publié dans le Bulletin de pathologie légale de l’Institut national de médecine légale et de science médico‑légale (voir annexe). Par ailleurs, une bonne partie des unités clefs du pays dispose de caméras numériques, ce qui facilite le travail des enquêteurs (voir annexe «Inventario»).

26.Il existe également des directives applicables aux examens médico‑légaux, qui sont jointes en annexe au présent document:

a)Abrégé des techniques d’examen sexologique médico‑légal, d’expertise médico‑légale et de maniement de la trousse de matériel pour le prélèvement de tissus dans le secteur médico‑légal et le secteur de la santé;

b)Guide de l’autopsie;

c)Guide pratique de l’examen odontologique en médecine légale;

d)Manuel sur l’identification des cadavres;

e)Règlement technique pour une approche médico‑légale intégrale de la violence conjugale;

f)Règlement technique médico‑légal sur le diagnostic de l’état d’ébriété.

27.Il importe enfin de souligner que lorsqu’elle enquête sur des comportements punissables, la Fiscalí a General de la Nación ne fait pas de discrimination quels que soient l’auteur de l’infraction, son statut social, la position ou la charge qu’il occupe, conformément aux principes inscrits dans la Constitution relatifs aux droits fondamentaux, aux garanties d’une procédure régulière et à une administration correcte de la justice, parmi d’autres.

28.Pour ce qui touche aux cas de violation du droit à la vie dont les victimes présentent des signes de torture, en particulier de sévices sexuels, les directions régionales du ministère public ont été informées de la recommandation du Comité, qui a également été transmise à la Direction nationale du Corps technique d’enquête (CTI) et à l’Institut national de médecine légale pour ce qui relève de leurs compétences afin qu’ils la prennent en compte.

29.La Fiscalí a General de la Nación , fidèle au devoir que lui impartissent la Constitution et les lois, veille à ce que les recommandations soient strictement appliquées, et à ce que la justice soit exercée dans le pays de manière efficiente, efficace et effective, sachant qu’il est du devoir de la Direction nationale des ministères publics régionaux d’assurer le suivi et l’évaluation des résultats des enquêtes diligentées par les unités du parquet et le ministère public, comme le prévoit la loi no 938 de 2004.

Indépendance et sécurité des procureurs

30.Selon les renseignements communiqués par le chef de l’Unité des droits de l’homme et du droit international humanitaire de la Fiscalí a General de la Nación , les procureurs délégués exercent leur charge en toute indépendance et impartialité et ont enquêté sur les cas de violation des droits de l’homme en toute autonomie, quels que soient les auteurs, en dehors de toute immixtion, ingérence ou entrave indues dans l’exercice de leurs activités.

31.On notera que le Gouvernement, par l’entremise de la vice‑présidence de la République, fournit à l’Unité nationale des droits de l’homme, si elle le demande, l’appui de l’armée et de la police pour garantir la sécurité des magistrats pendant le temps où ils séjournent dans des zones de troubles, et débloque les fonds nécessaires à cet effet.

32.D’autre part, la Section de sécurité et de soutien logistique de la Direction nationale du Corps technique d’enquête assure, par l’intermédiaire du Service de coordination des études techniques, la réalisation au niveau central des études du niveau de risque et de la gravité du danger auquel sont exposés les fonctionnaires qui font l’objet de menaces, et a défini les grandes lignes de celles qui doivent être effectuées au niveau national par les diverses sections du Corps technique d’enquête.

33.Ces travaux ont permis de concevoir des mesures préventives de sécurité qui vont de diverses recommandations en matière de sécurité personnelle et d’autoprotection à la mise en place d’un programme de sécurité. Ce programme bénéficie de l’appui de la Police nationale.

34.Des crédits budgétaires ont été alloués pour le financement de mesures de sécurité destinées à protéger un certain nombre de chefs ou magistrats des unités nationales et des directions régionales du ministère public, dont l’Unité des droits de l’homme et du droit international humanitaire.

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