Nations Unies

CMW/C/LKA/CO/2

Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Distr. générale

11 octobre 2016

Français

Original : anglais

Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Observations finales concernant le deuxième rapportpériodique du Sri Lanka *

Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique du Sri Lanka (CMW/C/LKA/2) à ses 333e et 334e séances (voir CMW/C/SR.333 et 334), tenues les 1er et 2 septembre 2016, et adopté les observations finales suivantes à sa 341e séance, tenue le 7 septembre 2016.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le deuxième rapport périodique de l’État partie, qui a été établi en réponse à la liste de points à traiter avant l’établissement du rapport (CMW/C/LKA/QPR/2). Le Comité accueille également avec satisfaction les informations additionnelles fournies pendant le dialogue par la délégation dirigée par Ravinatha Aryasinha, Ambassadeur et Représentant permanent du Sri Lanka auprès de l’Office des Nations Unies à Genève et d’autres organisations internationales ayant leur siège à Genève, et composée de représentants du Ministère chargé de la promotion et de la protection de l’emploi à l’étranger et de la Mission permanente du Sri Lanka auprès de l’Office des Nations Unies à Genève et d’autres organisations internationales ayant leur siège à Genève. Il se félicite du dialogue ouvert et constructif qu’il a eu avec la délégation.

Le Comité reconnaît que si le Sri Lanka, qui est principalement un pays d’origine, a réalisé des progrès en matière de protection des droits de ses travailleurs à l’étranger, de nombreux problèmes subsistent cependant. Il note que l’État partie devient de plus en plus un pays de destination et que des efforts sont par conséquent nécessaires pour assurer la protection des travailleurs migrants dans l’État partie.

Le Comité note que de nombreux pays dans lesquels sont employés des travailleurs migrants sri lankais ne sont pas parties à la Convention, ce qui peut constituer un obstacle à l’exercice par ces travailleurs des droits que leur reconnaît la Convention.

B.Aspects positifs

Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments internationaux suivants, ou y a adhéré :

a)Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, en mai 2016 ;

b)Convention relative aux droits des personnes handicapées, en février 2016 ;

c)Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des filles, en juin 2015 ;

d)Convention (no 122) de l’Organisation internationale du Travail (OIT) sur la politique de l’emploi, 1964, en février 2016.

Le Comité se félicite de l’adoption des mesures institutionnelles et autres ci-après :

a)Le Cadre et Plan d’action pour la période 2016-2020 visant à lutter contre les violences sexuelles et sexistes, dont un chapitre est consacré aux violations et aux violences dans le secteur de l’emploi à l’étranger ;

b)La feuille de route pour la période 2011-2016 pour la lutte contre les pires formes de travail des enfants ;

c)Le Plan d’action national pour la période 2011-2016 pour la promotion et la protection des droits de l’homme, dont une section est consacrée aux droits des travailleurs migrants ;

d)La politique nationale pour la période 2006-2016 pour un travail décent et le Cadre de développement ;

e)La politique nationale en matière de santé des migrants, la Stratégie nationale d’enseignement technique et professionnel pour les populations vulnérables et la Politique nationale sur les ressources humaines et l’emploi, adoptées en 2012.

Le Comité considère que l’invitation faite par l’État partie à des titulaires de mandat au titre des procédures spéciales en décembre 2015 est un élément positif. Il se félicite du rôle de premier plan joué par l’État partie dans le cadre de mécanismes consultatifs tels que le Processus de Colombo, le Dialogue d’Abu Dhabi et le Processus de Bali concernant la traite des personnes, le trafic de migrants et la criminalité transnationale qui s’y rapporte, ainsi que le Forum mondial sur la migration et le développement.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

1.Mesures d’application générale (art. 73 et 84)

Législation et application

Le Comité est préoccupé par l’absence d’une législation globale sur la migration destinée à protéger les droits des travailleurs migrants ainsi que par l’insuffisance des mesures prises par l’État partie pour mettre sa législation en conformité avec la Convention et par les retards s’agissant de l’adoption du projet de loi relatif à l’Autorité chargée de l’emploi et de la migration.

Rappelant la recommandation formul ée précédemment (CMW/C/LKA/CO/1 , par. 14), le Comité recommande à l’État partie d’adopter une législation globale sur la migration et de prendre les mesures nécessaires pour que les lois et politiques nationales, y compris le projet de loi relatif à l’Autorité chargée de l’emploi et de la migration, soient conformes aux dispositions de la Convention.

Déclarations et réserves

Tout en se félicitant du retrait par l’État partie, le 16 août 2016, de ses réserves concernant l’article 29 de la Convention, le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie maintient ses déclarations et réserves concernant les articles 49 et 54, ce qui pourrait constituer un obstacle au plein exercice des droits des travailleurs migrants reconnus par la Convention.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour retirer ses déclarations et réserves concernant les articles 49 et 54 de la Convention.

Articles 76 et 77

Le Comité note que l’État partie n’a pas fait les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention, reconnaissant la compétence du Comité pour recevoir et examiner les communications d’États parties et de particuliers concernant des violations des droits reconnus par la Convention.

Le Comité recommande à nouveau à l’État partie (voir CMW/C/LKA/CO/1, par. 16) d’envisager la possibilité de faire les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention.

Coordination

Le Comité se félicite de la création en 2010 du Comité consultatif national pour les migrations de main-d’œuvre, mais est préoccupé par le fait que celui-ci n’est pas suffisamment représentatif des groupes d’intérêt féminins et des principaux ministères et organismes publics œuvrant en faveur de l’autonomisation des femmes et du développement de l’enfant.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De renforcer davantage le rôle et les moyens du Comité consultatif national pour les migrations de main-d’œuvre en le dotant des ressources humaines, techniques et financières nécessaires, et de renforcer également son mandat en le chargeant de mettre en œuvre et de coordonner, à tous les niveaux, des politiques de migration globales, cohérentes et efficaces ainsi que d’évaluer l’impact de ces politiques sur les droits des travailleurs migrants et les membres de leur famille ;

b) De veiller à ce que le Comité consultatif compte parmi ses membres ordinaires des représentants des groupes d’intérêt féminins et des principaux ministères et organismes publics qui œuvrent en faveur de l’autonomisation des femmes et du développement de l’enfant.

Collecte de données

Le Comité se félicite des efforts de l’État partie pour fournir des données sur les travailleurs migrants à l’étranger, mais est préoccupé par le fait que les indicateurs utilisés dans les statistiques officielles de main-d’œuvre ne tiennent pas compte des travailleurs migrants. Il est également préoccupé par le caractère fragmentaire de ces statistiques, qui ne tiennent pas compte des travailleurs migrants en situation irrégulière, des travailleurs migrants enfants dans l’État partie ou des travailleurs migrants dans l’État partie.

Le Comité recommande à nouveau (voir CMW/C/LKA/CO/1, par. 22) à l’État partie de mettre en place un mécanisme qui permette de recueillir des statistiques qualitatives et quantitatives sur la migration ainsi que des informations en rapport avec tous les aspects de la Convention, notamment concernant les travailleurs migrants en situation irrégulière, et de recueillir des données détaillées sur la situation des travailleurs migrants dans l’État partie. Le Comité encourage l’État partie à compiler des informations et des statistiques ventilées par sexe, âge, nationalité, situation matrimoniale, situation de famille, motifs d’entrée et de sortie du pays et type de travail effectué, de façon à pouvoir véritablement agir sur les politiques et la mise en œuvre de la Convention, conformément à la cible 17.18 des objectifs de développement durable. Le Comité recommande également à l’État partie de renforcer les capacités des agents de l’État à recueillir et à analyser les données, et d’obtenir la coopération de ses représentations consulaires et diplomatiques à l’étranger pour compiler les données sur la migration, y compris la situation des travailleurs migrants en situation irrégulière et les victimes de la traite. Lorsqu’il n’est pas possible d’obtenir des informations précises, par exemple dans le cas des travailleurs migrants en situation irrégulière, le Comité souhaiterait obtenir des informations tirées d’études ou d’estimations.

Suivi indépendant

Le Comité accueille avec satisfaction le fait que la Commission nationale des droits de l’homme du Sri Lanka ait engagé des activités concernant les droits des travailleurs migrants et qu’elle ait nommé, en 2012, des référents pour la question des migrants. Le Comité accueille également avec satisfaction le fait que le dix-neuvième amendement à la Constitution ait renforcé l’indépendance de la Commission. Il est toutefois préoccupé par le fait que la Commission ne dispose peut-être pas de ressources suffisantes, qu’elle ne soit pas systématiquement consultée par l’État partie au sujet des questions de migrations qui ont des conséquences en matière de droits de l’homme et que l’État partie n’ait pas pleinement tenu compte de ses recommandations.

Le Comité réitère la recommandation formulée en 2015 par le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants (voir A/HRC/29/36/Add.1, par. 78 f), (en anglais seulement)) tendant à ce que l’État partie dote la Commission de ressources suffisantes, la consulte systématiquement sur toutes les questions de migrations ayant des conséquences sur les droits de l’homme et mette en œuvre les recommandations de la Commission, notamment s’agissant de la migration de main-d’œuvre de l’État partie et de la détention de migrants dans l’État partie.

Formation à l’application de la Convention et diffusion d’informations sur la Convention

Le Comité se félicite des différentes mesures prises par l’État partie afin de diffuser des informations sur la Convention et ses dispositions et de former les agents de l’État, le personnel diplomatique et les membres de la police aux questions de migration de main-d’œuvre, mais reste préoccupé par le fait que la Convention n’a pas encore été traduite dans les langues nationales.

Le Comité réitère sa recommandation précédente (voir CMW/C/LKA/CO/1, par. 24 c)) afin que l’État partie traduise la Convention dans les langues nationales et recommande à l’État partie de développer les programmes d’enseignement et de formation à la Convention, en tenant compte des questions d’égalité des sexes, et de mettre ces programmes à la disposition de tous les agents de l’État et de toutes les personnes travaillant dans les domaines en rapport avec la migration.

Participation de la société civile

Le Comité se félicite que la société civile soit représentée au Comité consultatif national sur la migration de main-d’œuvre, mais est préoccupé par le fait que les organisations de la société civile qui travaillent avec des travailleurs migrants ne soient pas représentées au conseil d’administration du Bureau sri-lankais de l’emploi à l’étranger. Le conseil est chargé de réglementer les organismes de recrutement, mais ceux-ci y sont surreprésentés, ce qui crée un conflit d’intérêt. En outre, il ne compte que deux femmes parmi ses membres.

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que le processus de sélection des membres du conseil d’administration du Bureau sri-lankais de l’emploi à l’étranger soit transparent et équilibré et que les membres du conseil ne soient pas confrontés à des conflits d’intérêt. De plus, l’État partie devrait s’assurer que les travailleurs migrants et les femmes soient représentés de manière satisfaisante au conseil, et qu’un expert des problèmes d’égalité des sexes, connaissant bien les questions de migration, le droit du travail et les droits des femmes, y soit nommé en qualité de conseiller.

2.Principes généraux (art. 7 et 83)

Non-discrimination

Le Comité prend acte de la création d’un sous-comité ministériel chargé d’examiner la pratique discriminatoire consistant à demander les antécédents familiaux aux migrantes qui cherchent à trouver un emploi d’employée de maison, mais constate que la circulaire du Ministère de la promotion et de la protection de la main-d’œuvre à l’étranger sur la question n’a toujours pas été abrogée. Cette pratique viole les droits des femmes à la non-discrimination fondée sur le sexe, la situation parentale et l’âge, de même que leur droit à la liberté de circulation. De plus, elle se traduirait par une corruption accrue, une charge de travail excessive pour le personnel initialement chargé de fournir des conseils aux travailleurs migrants et à leur famille, une migration irrégulière dangereuse, l’exposition des femmes à des violences et à la traite et la perte pour leurs enfants de la garantie d’être pris en charge et protégés étant donné que leur mère s’est tournée vers la migration irrégulière.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’abroger la circulaire du Ministère de la promotion et de la protection de la main-d’œuvre à l’étranger et de chercher à la remplacer par une solution globale qui protège les droits des travailleuses migrantes et de leurs enfants ;

b) De recourir aux antécédents familiaux pour identifier les familles vulnérables de travailleurs migrants et leur apporter le soutien dont elles ont besoin au lieu de s’en servir pour refuser aux femmes le droit de chercher un emploi à l’étranger ;

c) De diversifier les mesures en faveur des enfants, de promouvoir l’égalité des sexes et un partage plus équitable de l’éducation des enfants entre hommes et femmes, en veillant à ce que les enfants grandissent dans un environnement favorable à leur développement, et à ce que toutes les politiques et mesures les concernant soient guidées par leur intérêt supérieur.

Le Comité constate à nouveau avec préoccupation (voir CMW/C/LKA/CO/1, par. 25) que les droits énoncés aux articles 12 (2) et 14 de la Convention ne s’appliquent qu’aux citoyens. De même, il constate que :

a)La législation nationale ne couvre pas tous les motifs de discrimination interdits visés aux articles 1 (1) et 7 de la Convention et ne précise pas que sont interdites aussi bien les formes directes qu’indirectes de discrimination ;

b)La loi relative aux immigrants et aux émigrants prévoit que les travailleurs migrants peuvent se voir refuser l’entrée sur le territoire de l’État partie ou en être expulsés pour les motifs discriminatoires que sont l’état de santé, la situation médicale, un handicap psycho-social et la prostitution ;

c)Les articles 18 et 20 de la loi relative aux immigrants et aux émigrants prévoient la mise en quarantaine pour raison médicale des travailleurs migrants qui cherchent à entrer dans l’État partie.

Le Comité recommande à nouveau (CMW/C/LKA/CO/1, par. 26) à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour que tous les travailleurs migrants et les membres de leur famille qui se trouvent sur son territoire ou qui relèvent de sa juridiction jouissent des droits que leur reconnaît la Convention sans discrimination d’aucune sorte, conformément à l’article  7 de la Convention. Le Comité recommande également à l’État partie :

a) De réviser la Constitution afin d’interdire la discrimination directe et indirecte fondée sur tous les motifs visés par la Convention ;

b) D’abroger toutes les dispositions discriminatoires concernant l’entrée et l’expulsion de travailleurs migrants dans la loi relative aux immigrants et aux émigrants, y compris les dispositions autorisant la mise en quarantaine pour raison médicale ;

c) De veiller qu’aucun examen médical ne soit pratiqué au point d’entrée pour des motifs discriminatoires tels qu’une affection qui ne pose pas de danger, un handicap physique ou psycho-social, l’infection réelle ou supposée par le VIH/sida, l’existence d’autres maladies transmissibles, la prostitution, l’orientation sexuelle ou l’identité de genre.

Droit à un recours utile

Le Comité est préoccupé par le manque d’informations concernant les possibilités pour les travailleurs migrants d’accéder à un recours utile dans l’État partie. Tout en se félicitant de l’action menée par le Bureau sri-lankais de l’emploi à l’étranger en matière de conciliation et de règlement des différends, il est préoccupé par :

a)L’absence d’information et de mécanisme permettant d’informer les travailleurs migrants de leurs droits et des possibilités de recours prévues par le système juridique de l’État partie ;

b)Le manque de suivi des plaintes en raison notamment du personnel insuffisant du Bureau de l’emploi à l’étranger chargé des questions de conciliation et de règlement des différends ainsi que les compétences insuffisantes du personnel en la matière, qui n’est pas suffisamment formé pour traiter spécifiquement les plaintes déposées par des femmes, en particulier dans les bureaux régionaux ;

c)Le fait que les plaintes des travailleurs migrants pauvres ou peu éduqués et de ceux qui ne se sont pas faits enregistrer avant leur départ ne sont pas véritablement examinés, ou bien que le Bureau de l’emploi à l’étranger refuse de leur fournir une assistance ;

d)Le fait que certains travailleurs migrants sri-lankais sont contraints par leur employeur de signer des documents, le plus souvent rédigés dans une langue étrangère, dans lesquels ils se disent avoir été bien traités dans l’État de destination s’ils veulent être autorisés à retourner dans l’État partie, et par conséquent le refus du Bureau de l’emploi à l’étranger de recevoir leur plainte.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De veiller à ce que, en droit comme en fait, les travailleurs migrants et le membres de leur famille, y compris ceux qui se trouvent en situation irrégulière, ont les mêmes possibilités que les citoyens de l’État partie en ce qui concerne le dépôt de plaintes et les possibilités de recours utile devant les tribunaux en cas de non-respect des droits que leur reconnaît la Convention ;

b) De faire davantage d’efforts pour informer les travailleurs migrants et les membres de leur famille, y compris ceux qui se trouvent en situation irrégulière, des voies de recours juridiques et autres auxquelles ils ont accès en cas de violation des droits qui leur sont reconnus par la Convention ;

c) D’allouer des ressources supplémentaires suffisantes au mécanisme de conciliation et de règlement des différends du Bureau de l’emploi à l’étranger pour lui permettre de traiter plus efficacement les plaintes, de fournir une assistance juridique accrue aux travailleurs migrants afin qu’ils puissent porter plainte, et d’assurer périodiquement des formations, y compris concernant les questions de non-discrimination, au personnel du Bureau sri-lankais de l’emploi à l’étranger ;

d) De créer un conseil de médiation chargé de traiter de questions précises concernant les plaintes déposées par des travailleurs migrants et de fournir, sur demande, une médiatrice ;

e) De veiller que les travailleurs migrants de retour dont les droits ont été violés obtiennent réparation, y compris le versement d’une indemnisation financière, et à l’existence de services spécifiquement chargés de recevoir les plaintes pour violences sexuelles et sexistes.

3.Droits de l’homme de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 8 à 35)

Gestion aux frontières et migrants en transit

Le Comité constate :

a)Qu’aux termes de la loi relative aux immigrants et aux émigrants, tenter de sortir de l’État partie de manière irrégulière constitue une infraction passible d’au minimum un an de prison ;

b)Que l’article 19 de la loi relative aux immigrants et aux émigrants permet aux agents de l’immigration d’inspecter tout courrier, messages écrits, mémorandum ou tout autre document écrit ou imprimé, y compris les plans, photographies et autres images en possession des travailleurs migrants à l’entrée dans l’État partie.

Le Comité exhorte l’État partie à garantir le droit des migrants en situation irrégulière comme des migrants sans papier d’identité de sortir de tout État, y compris le leur, et à dépénaliser la sortie irrégulière. Il recommande à l’État partie de garantir le droit à la vie privée de tous les travailleurs migrants et les membres de leur famille qui souhaitent entrer dans le pays, conformément à l’article 14 de la Convention.

Régularité de la procédure, détention et égalité devant les tribunaux

Le Comité note avec préoccupation :

a)Que les migrants sans papier d’identité et les demandeurs d’asile ont été fréquemment arrêtés et détenus dans des centres pénitentiaires de l’État ou des centres de détention des services d’immigration en attente de comparaître en vue de leur expulsion ;

b)Que les familles avec enfants peuvent être détenues dans des circonstances exceptionnelles ;

c)Qu’il existe un manque d’informations concernant les garanties d’une procédure équitable pour les travailleurs migrants et les membres de leur famille dans les affaires pénales et administratives, y compris la détention et l’expulsion.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De veiller que la détention administrative ne soit utilisée qu’en dernier ressort et de promouvoir des mesures alternatives qui ne comportent pas de privation de liberté, conformément à son o bservation générale n o  2 sur les droits des travailleurs migrants en situation irrégulière et des membres de leur famille ;

b) De mettre rapidement totalement fin à la détention d’enfants fondée sur leur statut migratoire ou le statut migratoire de leurs parents et d’autoriser les enfants à rester avec les membres de leur famille et/ou leur tuteur dans un environnement non privatif de liberté au sein de la communauté tant que leur situation migratoire n’est pas réglée, conformément à leur intérêt supérieur et à leur droit à la liberté et à la vie de famille ;

c) De s’abstenir en placer en détention les migrants qui ont des besoins particuliers, notamment les femmes, les enfants, les personnes âgées et les personnes handicapées physiques ou mentales et, le cas échéant, de veiller à l’existence de conditions de détention spécifiques et d’in stallations de détention sûres et adaptées aux besoins particuliers des hommes et des femmes, y compris un accès à des soins de santé sexuelle et procréative ;

d) De prendre les mesures nécessaires pour assurer aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille, en particulier s’ils se trouvent en situation irrégulière, les mêmes garanties qu’aux citoyens de l’État partie devant les tribunaux dans le cadre des procédures administratives et judiciaires, y compris les procédures de mise en détention et d’expulsion ;

e) De veiller que les garanties minimum consacrées par la Convention soient respectées s’agissant des procédures administratives et judiciaires engagées contre les travailleurs migrants et les membres de leur famille.

Assistance des services consulaires

Le Comité accueille avec satisfaction les diverses mesures prises par l’État partie pour renforcer l’assistance fournie par les services consulaires, y compris la publication en 2014 d’un manuel opérationnel pour les sections des missions diplomatiques dans les pays de destination concernant les affaires liées à la main-d’œuvre, mais constate :

a)Que les travailleurs migrants sri-lankais continuent d’être victimes de nombreuses violations de leurs droits dans les États où ils sont employés, y compris de violence sexuelle et sexiste, que l’assistance qu’ils reçoivent des services consulaires est insuffisante et que le personnel consulaire chargé de leur porter assistance n’est pas suffisamment formé ;

b)Que le manuel opérationnel n’est pas appliqué ;

c)Que des travailleurs migrants sri-lankais ont été emprisonnés dans des États du Golf pour des motifs tels qu’avoir quitté la famille d’accueil ou ne pas s’être acquittés de leurs obligations contractuelles, et qu’il existe des rapports concernant des travailleurs migrants de retour qui avaient été incarcérés pendant plusieurs mois, y compris dans des couloirs de la mort, sans que le personnel consulaire ait pu leur rendre visite ou même n’ait été informé de leur situation ;

d)Qu’il n’existe pas de mécanisme destiné à déterminer la fréquence des visites effectuées par le personnel consulaire dans des lieux de détention des pays de destination ou les mesures prises concernant les travailleurs migrants détenus.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De faire de la protection active des travailleurs migrants, y compris des travailleurs migrants en situation irrégulière et de ceux qui travaillent dans des situations isolées, une priorité pour ses missions diplomatiques dans les États de destination ;

b) De renforcer les services d’action sociale et l’assistance fournie par les services consulaires de l’État partie aux travailleurs migrants dans les États de destination, y compris les services d’assistance psychologique et les conseils juridiques différenciés selon qu’ils sont destinés à des hommes ou à des femmes ;

c) De veiller à ce que les missions diplomatiques disposent d’un personnel suffisant et que celui-ci ait reçu la formation nécessaire afin d’être en mesure d’adopter une approche fondée sur les droits de l’homme dans les affaires concernant les travailleurs migrants, y compris les questions liées au genre, et qu’il applique le manuel opérationnel ;

d) De veiller à ce que les attachés chargés des questions de main-d’œuvre nouvellement nommés aient suivi le cours de trois mois sur la gestion internationale de la main-d’œuvre, dispensé par l’Institut international de formation diplomatique Bandaranaike ;

e) De veiller que les missions diplomatiques dans les États où sont employés les travailleurs migrants appliquent des politiques précises en matière de prévention des détentions arbitraires et de réponse en cas de détention ainsi qu’en cas de violence sexuelle et sexiste et notamment comptent parmi leur personnel des agents féminins chargées de s’occuper des cas de violence sexuelle, disposent d’une ligne d’assistance téléphonique gratuite ouverte vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, ont établi une liste d’avocats locaux capables d’aider sur le plan juridique les travailleurs migrants de l’État partie et de veiller également que le personnel des missions se rende fréquemment dans les centres de détention de migrants ;

f) De fournir dans son troisième rapport périodique des statistiques ventilées sur l’assistance juridique apportée aux travailleurs migrants sri-lankais et aux membres de leur famille à l’étranger, accompagnées d’exemples.

Syndicats

Le Comité est préoccupé par le fait que le droit constitutionnel d’adhérer à un syndicat ne concerne que les citoyens de l’État partie.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires, y compris de réviser la législation, afin de garantir à tous les travailleurs migrants, y compris ceux qui se trouvent en situation irrégulière, le droit de participer à des activités syndicales et d’adhérer librement à un syndicat, conformément à l’article 26 de la Convention.

Soins de santé

Le Comité se félicite de l’importance accordée par l’État partie à la santé des travailleurs migrants, aussi bien dans l’État partie dans le cadre de la politique nationale de santé pour les migrants qu’au niveau international en coopération avec l’Organisation internationale pour les migrations et l’Organisation mondiale de la Santé. Le Comité est toutefois préoccupé par le fait que :

a)L’assurance maladie obligatoire gérée par le Bureau sri-lankais de l’emploi à l’étranger ne couvre pas certaines affections ou situations importantes, comme les dépenses engagées dans le pays d’accueil, les maladies contractées ou les blessures subies lors de fuites en raison de conditions de travail abusives, et les maladies sexuellement transmissibles, y compris le VIH/sida ;

b)Le niveau des prestations versées est très faible, en particulier dans le cas de blessures graves dues à des mauvais traitements de la part des employeurs ;

c)Le délai au cours duquel les travailleurs migrants de retour peuvent obtenir les dossiers médicaux nécessaires pour les demandes de remboursement en cas d’accident est trop court ;

d)la durée de couverture n’est que de deux ans et ne peut être prolongée qu’en s’enregistrant auprès du Bureau sri-lankais de l’emploi à l’étranger, ce qui peut être difficile voire impossible pour les travailleurs migrants employés à l’étranger pour des durées supérieures à deux ans ;

e)De nombreux travailleurs migrants ne connaissent pas bien leurs droits au titre du système d’assurance et seul un très petit nombre cherchent à présenter des demandes de remboursement ou à obtenir une indemnisation, alors même qu’ils sont nombreux à avoir été blessés à la suite d’accidents ou à être tombés malades en raison de mauvaises conditions de travail à l’étranger ;

f)D’après certains rapports, des travailleurs migrants de retour qui souffrent de problèmes de santé physique ou mentale connus ou sont atteints de handicaps ne reçoivent pas les soins de longue durée dont ils ont besoin ;

g)Les activités de contrôle, les stratégies de prévention et l’appui fourni par les ambassades de l’État partie à l’étranger sont insuffisants.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’analyser les insuffisances du régime d’assurance santé géré par le Bureau sri-lankais de l’emploi à l’étranger pour les travailleurs migrants dans le pays et d’y remédier, par exemple d’étendre la couverture aux soins de santé dans les pays d’accueil ;

b) De généraliser la couverture des travailleurs migrants, notamment d’offrir une assurance médicale appropriée ainsi que de prévoir une indemnisation suffisante en cas d’accident ;

c) D’allonger, pour les travailleurs migrants de retour, le délai de demande du dossier médical, nécessaire pouvoir déposer une demande d’indemnisation en cas d’accident et de porter à plus de deux ans la durée de couverture  ;

d) De veiller que tous les travailleurs migrants potentiels soient pleinement informés de leurs droits au titre du régime d’assurance, et notamment d’organiser des séances d’information à leur intention avant le départ ;

e) D’offrir aux travailleurs migrants de retour, y compris à ceux qui souffrent d’un handicap lié à leur séjour à l’étranger, les soins et les services de longue durée dont ils ont besoin ;

f) De renforcer les activités de contrôle et les stratégies de prévention mises en œuvre par les ambassades de l’État partie dans les pays d’accueil ainsi que l’appui fourni, et notamment de veiller que les femmes ont effectivement accès à des services de santé sexuelle et procréative.

4.Autres droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille qui sont pourvus de documents ou en situation régulière (art. 36 à 56)

Informations avant le départ et droit d’être informé

Le Comité se félicite des efforts de l’État partie visant à renforcer l’information et la formation avant le départ des futurs travailleurs migrants, y compris la permanence téléphonique vingt-quatre heures sur vingt-quatre, le guide sur la migration de travail sans danger, et le nouveau centre de ressources pour les migrants à Tangalle. Il est toutefois préoccupé par le fait que :

a)Certains travailleurs candidats à l’émigration auraient considéré cette formation insuffisante ;

b)La formation des travailleurs domestiques est axée sur la cuisine et le nettoyage, avec peu de formation linguistique et des informations insuffisantes sur ce qui les attend dans l’État de destination, sur leurs droits et sur les moyens de lutter contre les violations de ces droits ;

c)La formation sur le système de dépôt de plainte contre les recruteurs et les agents de l’étranger est souvent menée par les agents de recrutement eux-mêmes ;

d)La formation à la langue arabe pour les travailleurs migrants qui se rendent dans les États du Golfe est insuffisante et leur manque de compétences en matière de communication serait l’une des principales causes de harcèlement, d’abus et de non-paiement des salaires ;

e)Le guide sur la migration de travail sans danger ne fait aucune référence à la Convention ;

f)Selon certaines informations, certains migrants ne suivent même pas la formation requise, des pots de vin étant parfois versés pour obtenir le certificat de formation.

Le Comité recommande que l’État partie :

a) Renforce et améliore la formation et l’information préalables au départ conformément à la Convention et en tenant compte du genre, afin de promouvoir la prise de décision s éclairée et d’améliorer les capacités des migrants potentiels, y compris leurs compétences linguistiques, et leur niveau général d’éducation ;

b) Donne les moyens aux travailleurs migrants de connaître leurs droits et la manière des faire-valoir, notamment en leur fournissant des informations sur le recrutement équitable, les normes de travail décent, la protection sociale, les questions financières, la culture et le mode de vie dans le pays de destination et sur les lois importantes, en précisant sur quels points celles-ci sont différentes pour les femmes, ainsi que les coordonnées des attachés du travail et des agents des services sociaux dans l’ État d’emploi ;

c) Veille à ce que les travailleurs migrants soient bien informés des processus de migration et, en particulier, à ce que les contrats de travail signés par eux sont toujours écrits dans une langue qu’ils peuvent lire et comprendre.

Droit de créer des syndicats

Le Comité regrette qu’aucun progrès n’ait été fait en vue d’étendre le droit constitutionnel de former un syndicat aux travailleurs migrants, conformément à sa recommandation précédente.

Le Comité renouvelle sa recommandation antérieure (CMW/C/LKA/CO/1, par. 32) dans laquelle il demande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour garantir aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille le droit de former des associations et des syndicats pour la promotion et la protection de les intérêts économiques, sociaux, culturels et autres, et de faire partie de leurs instances dirigeantes, conformément à l’article 40 de la Convention sur les travailleurs migrants, ainsi qu’à la Convention (n o  87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, de l’Organisation internationale du Travail.

Droit de voter et d’être élu dans l’État d’origine

Le Comité regrette que, malgré sa recommandation précédente (CMW/C/LKA/CO/1, par. 34) et la recommandation de la Commission des droits de l’homme de Sri Lanka et en dépit de quinze années de sensibilisation par la société civile dans l’État partie, il n’existe toujours pas de disposition permettant aux travailleurs migrants de voter sans être physiquement présents.

Le Comité engage l’État partie à prendre, sans plus attendre, des mesures, notamment à caractère législatif, pour garantir la mise en œuvre du droit de vote des travailleurs migrants sri lankais résidant à l’étranger et à redoubler d’efforts pour faciliter l’exercice du droit de vote par les Sri lankais qui résident et travaillent à l’étranger lors des élections présidentielles et législatives qui doivent se tenir en 2020.

Droit de transférer ses gains et ses économies

Le Comité est préoccupé par le manque d’informations sur les mesures prises par l’État partie pour répondre à ses recommandations précédentes (CMW/C/LKA/CO/1, par. 36) à propos de l’article 46 de la Convention.

Rappelant ses recommandations antérieures (CMW/C/LKA/CO/1, par. 36), le Comité recommande à l’ État partie de prendre des mesures pour réduire le coût de l’envoi et de la réception de fonds conformément à l’objectif 10.c des Objectifs de développement durable, de s’attaquer à tout obs tacle fondé sur le sexe dans l’ accès aux systèmes de transferts de fonds sûrs et d’un coût abordable, et de faciliter l’utilisation productive des envois de fonds.

5.Promotion de conditions saines, équitables, dignes et légales en ce qui concerne les migrations internationales des travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 64 à 71)

Enfants qui restent au pays

Le Comité est préoccupé par l’incidence élevée chez les enfants de travailleurs migrants qui restent au pays des perturbations liées à l’éducation, la négligence, l’abandon, la maltraitance et l’exploitation, notamment les sévices sexuels subis par les filles, l’alcoolisme, le travail des enfants (à l’intérieur et à l’extérieur du foyer), les mariages précoces et la traite, et se félicite à cet égard des efforts récents de l’État partie, tels que le Programme Shramika Surekama visant notamment à créer une base de données sur le bien-être et les besoins de protection des enfants de travailleurs migrants sri-lankais et le projet pilote destiné à mettre en place un plan coordonné de soins pour les enfants de travailleurs migrants de l’État partie qui restent au pays.

Le Comité recommande à l’ État partie de renforcer l’attention accordée à la protection de la famille et des enfants de travailleurs migrants qui restent au pays, en particulier en vue de prévenir la maltraitance et le travail des enfants et de garantir l’accès des enfants à l’éducation, en veillant à ce que l’Autorité nationale de protection de l’enfance prend en compte leurs besoins spécifiques. Le Comité recommande à l’État partie de :

a) Mettre en place un système permettant de générer des plans de développement de la famille ou des plans de protection de l’enfance coordonnés ;

b) Renforcer les efforts interinstitutions en vue d’appuyer la politique de tolérance zéro à l’égard du travail des enfants ;

c) Solliciter l’assistance technique du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) afin de s’assurer que l’intérêt supérieur de l’enfant est dûment pris en considération dans toutes les politiques et procédures liées à la migration.

Coopération internationale avec les pays de destination

Tout en notant que l’État partie a signé plusieurs mémorandums d’accord et conclu divers accords bilatéraux, le Comité est préoccupé par le fait que :

a)Les travailleurs migrants sri-lankais continuent de subir de nombreuses violations de leurs droits dans les États d’emploi, notamment le fait d’ être privés du droit de quitter leur lieu de travail, le non-paiement des salaires, la confiscation de leurs passeports, le harcèlement, la violence, les menaces, de mauvaises conditions de vie et les difficultés d’accès aux soins de santé voire, dans certains cas, la torture ;

b)Bien que les mémorandums d’accord ou les accords prévoient des réunions annuelles, ces réunions ne se déroulent pas régulièrement avec tous les États d’emploi.

Le Comité recommande à l’État partie de :

a) Promouvoir activement la ratification de la Convention par les États de destination et renforcer sa coopération avec ces États afin de prévenir les violations, telles que la substitution du contrat, la confiscation des passeports, le non-paiement des salaires, les abus et l’exploitation ;

b) Promouvoir une coopération bilatérale, régionale et internationale tenant compte de la problématique hommes-femmes dans le domaine des migrations avec les États de destination ;

c) Continuer, à travers le Processus de Colombo et le Dialogue d’Abou Dhabi, à renforcer la coopération entre les pays d’origine, en prônant des normes équitables en matière de recrutement, un contrat de travail contraignant, unifié, fondé sur le droit international des droits de l’ homme et les normes du travail, stipulant la définition de l’emploi, le salaire, les conditions de travail et de vie, et indiquant des voies de recours et des réparations efficaces ;

d) Négocier avec tous les États de destination des accords bilatéraux contraignants qui soient soucieux de l’égalité des sexes et non-discriminatoires, et garantir la protection des droits de l’homme des travailleurs migrants, y compris le droit à la sécurité sociale ;

e) Remédier à la situation des travailleurs migrants victimes du système de la Kafalah, en particulier dans les États du Golfe, et envisager de soulever cette question en vue d’encourager les gouvernements des pays concernés à abolir ce système ;

f) Surveiller efficacement l’application des accords bilatéraux, et veiller à ce que tous les accords et mémorandums d’accord bilatéraux signés avec les États de destination soient rendus publics, en assurant la transparence et le suivi de leur mise en œuvre.

Travailleurs domestiques migrants

Le Comité se félicite de la création de refuges pour les travailleuses domestiques migrantes. Tout en notant que le Ministère de la promotion de l’emploi à l’étranger et de la protection sociale a élaboré, avec l’Entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes (ONU-Femmes), un contrat de travail type pour les travailleuses domestiques migrantes, le Comité est préoccupé par l’absence de progrès dans les négociations visant à faire approuver un tel contrat par les États d’emploi. Le Comité est également préoccupé par le fait que :

a)Les femmes dans l’État partie continuent d’être contraintes de devenir des travailleuses domestiques migrantes en raison de l’absence d’égalité d’accès à l’emploi dans l’État partie, du fait de pratiques sociales discriminatoires et de la violence familiale ;

b)La majorité des travailleurs domestiques migrants sri-lankais font l’objet de harcèlement sur le lieu de travail, et les plaintes liées à l’absence de jours de congé et de repos ainsi qu’au manque de sommeil, au non-paiement des salaires, aux insultes, aux restrictions en matière de communication et à la privation de nourriture demeurent nombreuses ;

c)L’État partie n’a ni adopté une loi sur les travailleurs domestiques ni ratifié de la Convention (no 189) sur les travailleuses et travailleurs domestiques, 2011, de l’OIT ;

d)Les femmes sont parfois envoyées à l’étranger par leurs parents ou des membres de leur famille en raison des incitations financières fournies.

Se référant à son o bservation générale n o  1 (2011) sur les travailleurs domestiques migrants, le Comité recommande à l’État partie :

a) D’intensifier ses efforts pour créer des possibilités d’activités rémunératrices pour les femmes dans l’État partie, notamment dans les zones rurales, et de prévenir la violence familiale afin de faire de la migration un choix et non une nécessité ;

b) D’inclure dans tous les accords bilatéraux, un contrat type pour les travailleurs domestiques, qui soit juridiquement exécutoire dans l’État partie et l’État d’emploi et comporte des dispositions sur les salaires, les horaires de travail et les conditions de travail, la rémunération des heures supplémentaires, les congés annuels et les voies de recours utiles, notamment ;

c) D’établir un salaire de référence pour les travailleurs domestiques, reflétant les compétences et l’expérience, qui devrait s’appliquer à tous les travailleurs dans tous les États de destination et être inclus dans les accords bilatéraux ;

d) D’inclure, parmi les personnes expérimentées dans les formations préalables au départ, des travailleuses domestiques migrantes revenues au pays susceptibles de fournir des témoignages de première main ;

e) De renforcer sa coopération avec les États d’emploi s’agissant des cadres et accords pour la protection des droits des travailleurs domestiques migrants, y compris en donnant l’exemple par l’adoption d’une loi sur les travailleurs domestiques et la ratification de la Convention (n o  189) sur les travailleuses et travailleurs domestiques, 2011, de l’OIT ;

f) De professionnaliser le travail domestique à Sri Lanka en tant que solution de rechange au travail domestique des migrants, moyennant une attention égale, la reconnaissance juridique et procédurale, l’allocation de ressources, des mécanismes de plainte, et des mécanismes de contrôle et de supervision ;

g) D’abolir les incitations financières accordées aux travailleurs domestiques potentiels, qui peuvent être utilisées pour les contraindre à migrer.

Agences de recrutement

Tout en se félicitant des différentes mesures prises par l’État partie pour renforcer la réglementation applicable aux agences de recrutement et la supervision de ces agences, notamment le Code de conduite pour les agences de placement à l’étranger agréées de 2013, le Comité constate avec préoccupation que :

a)Les agences de recrutement de l’État partie disposent de larges compétences en ce qui concerne la signature des contrats, la formation préalable au départ, le traitement des plaintes, la conciliation et le rapatriement, alors que leurs activités ne sont pas suffisamment surveillées et réglementées ;

b)Selon certaines informations, il existe des abus dans le dispositif de recrutement de l’État partie, qui consistent notamment à falsifier des documents, facturer illégalement des frais exorbitants pour des services, substituer des contrats, obtenir des signatures sur des formulaires de contrat vierges ou incomplets, imposer une servitude pour dettes, recruter sans agrément valable, envoyer des travailleurs non enregistrés par des moyens frauduleux, traiter des dossiers sans justificatifs appropriés et recruter des enfants ;

c)Alors que 2 473 plaintes ont été déposées contre des agents agréés en 2014 (sur lesquelles 1 471 ont donné lieu à un règlement), seul un agrément a été retiré cette même année ;

d)La loi portant création du Bureau sri-lankais de l’emploi à l’étranger ne comporte pas de dispositions suffisamment spécifiques en ce qui concerne les conditions applicables à l’octroi et au retrait de l’agrément pour les agences de placement à l’étranger ;

e)Les contrats signés dans les bureaux des agences de recrutement ne sont pas toujours traduits dans une langue que les travailleurs migrants comprennent, et les travailleurs migrants ne reçoivent généralement pas un exemplaire du contrat ni des informations sur la procédure à suivre pour porter plainte dans le cas où le contrat n’est pas respecté ;

f)Les agences de recrutement ne font pas bon accueil aux femmes. En outre, 60 % des agences agréées au plan national se trouvant dans le district de Colombo et sont donc difficile d’accès pour les populations rurales, un certain nombre de travailleurs migrants candidats au départ trouvent, semble-t-il, le recrutement contraignant et prenant. Cette situation contribue au fait que la majorité des migrants potentiels de l’État partie s’appuient sur des réseaux informels pour l’information et le placement, ce qui conduit nombre d’entre eux à être victimes de fausses agences de recrutement et d’usuriers qui leur prêtent de l’argent à des taux d’intérêt élevés ;

g)La loi sur le Bureau sri-lankais de l’emploi à l’étranger prévoit une commission de recrutement d’un montant faible, fixé en fonction du salaire du travailleur migrant, tandis que les agents de recrutement, leurs sous-traitants et les intermédiaires demandent souvent aux candidats au départ des commissions excessives ;

h)Le mécanisme de recrutement de l’État partie ne permet pas aux travailleurs migrants de changer de travail lorsqu’ils se trouvent à l’étranger.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De veiller à la pleine mise en œuvre du Code de conduite pour les agences de placement à l’étranger agréées et de le rendre juridiquement contraignant, en tenant compte de toutes les parties prenantes ;

b) De renforcer la réglementation et la surveillance du secteur du recrutement, en mettant en œuvre une politique de recrutement globale, soucieuse des besoins des femmes, équitable et répondant à des normes exigeantes ; de veiller à ce que les agences de recrutement améliorent les services qu’elles proposent et de les tenir responsables lorsqu’elles ne respectent pas leurs obligations ; de prendre des dispositions contre les sous-traitants et les intermédiaires en situation irrégulière et de sanctionner les agences non agréées ; et de mettre à jour périodiquement et rendre publique la liste noire des agences ;

c) D’imposer aux agences de recrutement d’affecter, sur demande, leur personnel féminin à la gestion du recrutement des femmes employées comme domestiques et de faciliter l’accès aux agences de façon à réduire le recours aux réseaux informels et aux intermédiaires, notamment dans les districts ruraux ;

d) De coopérer avec les pays de destination pour s’assurer que des frais de recrutement illégaux ne soient pas facturés et que les contrats de travail signés dans le pays d’origine ne soient pas remplacés par des contrats moins avantageux dans le pays de destination ;

e) De mettre fin au paiement d’une commission incitative avant le départ, laquelle peut placer le travailleur migrant dans une situation de servitude pour dettes qui l’empêche de quitter un employeur abusif ou complique cette démarche, et d’envisager d’adopter une politique de gratuité du placement pour les personnes qui se proposent d’aller travailler à l’étranger et d’autoriser le changement d’emploi durant le séjour à l’étranger.

Retour et réinsertion

Le Comité se félicite de l’adoption en décembre 2015 d’une politique de retour et de réinsertion des travailleurs migrants et d’un plan d’action national, introduits dans le programme de 2016 du Bureau sri-lankais de l’emploi à l’étranger, mais constate toutefois avec préoccupation que :

a)Il existe un manque d’information sur la question de savoir si les accords de réadmission avec l’Union européenne et l’Australie comprennent toutes les garanties sur le fond et sur la procédure prévues dans la Convention, notamment l’interdiction de l’expulsion collective, pour les migrants concernés ;

b)Le plan d’action national pour 2016 ne mentionne aucune activité particulière concernant les femmes ;

c)Certains travailleurs migrants rapatriés font état de services de réinsertion insuffisants, surtout pour les personnes qui auraient été victimes de sévices à l’étranger ;

d)De nombreuses travailleuses migrantes sri-lankais sont confrontées à des problèmes familiaux et sociaux à leur retour, notamment à une stigmatisation pour motif absence de moralité ;

e)L’État partie reçoit chaque année quelque 300 dépouilles, sur lesquelles on constate parfois des mutilations ou des prélèvements d’organes, qui ne sont pas autopsiées et que les familles ne sont pas autorisées à voir.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De faire en sorte que les accords de réadmission existants et à venir entre l’État partie et les pays hôtes garantissent durablement la réinsertion économique, sociale et culturelle des travailleurs migrants de retour dans l’État partie, comportent des garanties de base et procédurales en leur faveur et les protègent contre les mauvais traitements et toute violation de leurs droits dans le cas où ils sont expulsés ;

b) De faciliter le rapatriement de tous les travailleurs migrants démunis, notamment ceux qui ont fui un employeur abusif ou qui se trouvent dans une situation irrégulière, en détention ou ailleurs ;

c) De développer les services fournis dans le cadre de la réinsertion des travailleurs migrants de retour dans leur pays en tenant compte des différences entre hommes et femmes, notamment les services d’aide psychosociale et d’aide à la subsistance, et de prendre en charge tout particulièrement les victimes de violences sexuelles et sexistes et les personnes victimes de sévices durant leur migration ;

d) De mener des programmes de sensibilisation visant à mettre en valeur la contribution des travailleuses migrantes et à lutter contre la stigmatisation dont elles sont victimes lorsqu’elles rentrent dans leur pays ;

e) De pratiquer en toute indépendance des autopsies des corps de tous ses travailleurs migrants de l’État partie décédés à l’étranger et de permettre aux membres de leurs familles de disposer rapidement des résultats.

Mouvements illégaux ou clandestins et emploi de travailleurs migrants en situation irrégulière

Le Comité prend connaissance avec intérêt du Plan stratégique 2015-2019 pour la surveillance de la traite des êtres humains et la lutte contre celle-ci et des mesures prises pour identifier et protéger les victimes de la traite mais note avec préoccupation que :

a)Bien qu’elle vise à garantir assistance et protection aux victimes de la traite des êtres humains, entre autres, la loi sur la protection des victimes et des témoins, adoptée en février 2015, ne répond pas aux normes internationales ;

b)Il n’y a pas de mesures efficaces pour protéger les victimes et leur offrir de véritables recours, notamment une indemnisation et une réadaptation ;

c)Le nombre de poursuites ouvertes est faible et les responsables sont insuffisamment punis ;

d)Les victimes de la traite ne sont pas suffisamment protégées contre le risque d’être poursuivies, arrêtées ou punies parce qu’elles sont entrées ou qu’elles résident illégalement dans l’État partie, ou en raison des activités dans lesquelles elles sont engagées du fait direct de leur situation de victimes de la traite.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De modifier la loi de 2015 sur la protection des victimes et des témoins afin de l’aligner sur les normes internationales, notamment la Convention ;

b) De procéder de façon systématique et transparente à des enquêtes impartiales et énergiques sur tous les cas de traite dénoncés, engager des poursuites contre les éventuels responsables et, s’ils sont reconnus coupables, les condamner et assurer une indemnisation aux victimes ;

c) De poursuivre ses efforts pour prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, y compris à l’échelon régional et en coopération avec les pays voisins, et par un renforcement de la coopération interinstitutions sur la traite des êtres humains, conformément à la cible 5.2 des objectifs de développement durable ;

d) De redoubler d’efforts pour repérer toutes les victimes de la traite des êtres humains et leur apporter protection et assistance, en particulier en leur fournissant un hébergement, des soins médicaux et un appui psychosocial, et en prenant d’autres mesures pour faciliter leur réinsertion sociale, en tenant compte des différents besoins entre hommes et femmes ;

e) De prendre des mesures pour faire en sorte que les victimes de la traite ne soient pas poursuivies, placées en détention ou punies en raison des activités auxquelles elles se livrent du fait direct de leur situation de victimes de la traite ;

f) D’évaluer l’ampleur de la traite des êtres humains, de procéder à la collecte systématique de données ventilées en vue de mieux combattre ce phénomène, en particulier la traite de femmes et d’enfants, et de traduire en justice les personnes qui s’y livrent ;

g) De renforcer la formation des responsables de l’application des lois, des juges, des procureurs, des inspecteurs du travail, des enseignants, des travailleurs de santé et du personnel des ambassades et des consulats, et de diffuser plus largement les informations sur la traite des êtres humains et l’assistance aux victimes.

6.Suivi et diffusion

Suivi

Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des informations détaillées sur les mesures adoptées pour donner suite aux recommandations énoncées dans les présentes observations finales. Il lui recommande de prendre toutes les mesures appropriées pour faire en sorte que ses recommandations soient mises en œuvre, notamment en les soumettant aux membres du Gouvernement, au Parlement et à l’appareil judiciaire, ainsi qu’aux autorités locales, pour examen et suite à donner.

Le Comité prie l’État partie d’associer les organisations de la société civile à la mise en œuvre des recommandations figurant dans les présentes observations finales.

Rapport de suivi

Le Comité invite l’État partie à lui fournir dans les deux ans, c’est-à-dire le 1 er  octobre 2018 au plus tard, des informations écrites sur la mise en œuvre des recommandations figurant aux paragraphes 9, 11, 37 et 45 ci-dessus.

Diffusion

Le Comité demande également à l’État partie de diffuser largement les présentes observations finales, notamment auprès des organismes publics, du Parlement, de l’appareil judiciaire, des autorités locales concernées, des organisations non gouvernementales et des autres membres de la société civile ainsi que du grand public.

7.Assistance technique

Le Comité recommande à l’État partie de faire plus largement appel à l’assistance internationale, y compris à l’assistance technique, pour élaborer un programme global visant à mettre en œuvre les recommandations susmentionnées et la Convention dans son ensemble. Il l’engage également à poursuivre sa coopération avec les institutions spécialisées et les programmes du système des Nations Unies, notamment le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme en ce qui concerne l’assistance technique et le renforcement des capacités pour l’établissement de rapports.

8.Prochains rapport périodique

Le Comité invite l’État partie à lui soumettre son troisième rapport périodique le 1 er  octobre 2021 au plus tard et à y faire figurer des informations concernant la mise en œuvre des présentes observations finales. L’État partie peut par ailleurs opter pour la procédure simplifiée de soumission des rapports, selon laquelle le Comité établit à l’intention de l’État partie une liste de points à traiter qui lui est communiquée avant la présentation de son rapport suivant. Les réponses de l’État partie à cette liste constituent son rapport aux fins de l’article 73 de la Convention.

Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur ses directives pour l’établissement des rapports périodiques (CMW/C/2008/1) et lui rappelle que ses rapports doivent être conformes à ces directives et ne pas dépasser 21 200 mots (résolution 68/268 de l’Assemblée générale). Si l’État partie soumet un rapport dont le nombre de mots dépasse la limite fixée, il sera invité à l’abréger conformément aux directives susmentionnées. Si l’État partie n’est pas en mesure de remanier son rapport et de le soumettre à nouveau, la traduction de ce rapport aux fins de son examen par le Comité ne pourra pas être garantie.

Le Comité prie l’État partie d’assurer une large participation de tous les ministères et organes publics concernés à l’élaboration de son prochain rapport périodique (ou des réponses à la liste de points à traiter dans le cas de la procédure simplifiée) et, parallèlement, de consulter largement toutes les parties prenantes concernées, notamment la société civile et les organisations de travailleurs migrants et de défense des droits de l’homme.

Le Comité invite également l’État partie à lui soumettre un document de base commun ne dépassant pas 42 400 mots, établi conformément aux critères fixés pour les documents de base communs figurant dans les directives harmonisées pour l’établissement de rapport au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme concernant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument, approuvé à la cinquième réunion intercomités des organes conventionnels relatifs aux droits de l’homme en juin 2006 (voir HRI/GEN/2/Rev.6).