Nations Unies

CAT/OP/CRI/ROSP/1

Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

6 janvier 2021

Français

Original : espagnol

Anglais, espagnol et français seulement

Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Visite effectuée au Costa Rica du 3 au 14 mars 2019 : observations et recommandations adressées à l’État partie

Rapport établi par le Sous-Comité * , **

Table des matières

Page

I.Introduction3

II.Mécanisme national de prévention3

III.Questions relatives au cadre juridique et institutionnel de la prévention de la torture et des mauvais traitements4

A.Définition de la torture et obstacles aux enquêtes en bonne et due forme sur les actes de torture4

B.Placement en détention avant jugement6

C.Contrainte par corps pour non-paiement de pension alimentaire6

D.Aménagements du régime pénitentiaire7

E.Transparence et accès à l’information7

IV.Situation des personnes privées de liberté8

A.Locaux de la police judiciaire et des forces de l’ordre8

B.Centres pénitentiaires9

C.Centres pour adolescents et jeunes adultes en conflit avec la loi16

D.Établissements psychiatriques17

V.Formation et conditions de travail des intervenants du système pénitentiaire18

VI.Étapes suivantes19

Annexes

I.Lista de personas con quienes se reunió el Subcomité21

II.Lugares de privación de libertad visitados24

I.Introduction

1.Conformément au mandat que lui confère le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a effectué sa première visite au Costa Rica du 3 au 14 mars 2019.

2.La délégation du Sous-Comité était composée des membres suivants: Roberto Fehér Pérez (chef de la délégation), María Dolores Gómez, María Luisa Romero, Nora Sveaass et Juan Pablo Vegas. Elle était assistée de trois spécialistes des droits de l’homme du Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) et deux agents de sécurité de l’Organisation des Nations Unies (ONU).

3.Le Sous-Comité a tenu des réunions avec les personnes dont le nom figure à l’annexe I et a visité les lieux de privation de liberté dont la liste figure à l’annexeII. Il a également tenu des réunions avec des membres du mécanisme national de prévention et visité avec eux un lieu de privation de liberté afin d’examiner les méthodes de travail de cet organe.

4.À la fin de la visite, la délégation a présenté oralement ses observations préliminaires confidentielles aux autorités. On trouvera dans le présent rapport les conclusions et les recommandations du Sous-Comité concernant la prévention des actes de torture et des mauvais traitements dont pourraient être victimes les personnes privées de liberté qui sont placées sous la juridiction du Costa Rica compte tenu des faits observés.

5.Le Sous-Comité recommande que le présent rapport soit distribué à tous les organes, services et établissements concernés.

6.Le présent rapport restera confidentiel jusqu’à ce que le Costa Rica décide de le rendre public. Le Sous-Comité appelle l’attention de ce pays sur le fait que seules les recommandations formulées dans les rapports de visite du Sous-Comité qui ont été rendus publiques peuvent servir de base à la soumission de demandes au Fonds spécial créé en application du Protocole facultatif (art.26).

7.Le Sous-Comité recommande au Costa Rica de demander la publication du présent rapport conformément à l’article 16 (par. 2) du Protocole facultatif.

8.Le Sous-Comité tient à remercier les autorités et l’attaché de liaison pour l’assistance qu’ils lui ont apportée pendant la planification de sa visite. Il regrette toutefois que, invoquant des raisons de sécurité, le Bureau des enquêtes judiciaires ne l’ait pas autorisé à s’entretenir avec les détenus dans leur cellule lors de la visite de trois antennes de cet organisme situées à San José et à l’extérieur de cette ville. Bien que le Sous-Comité ait informé les autorités de cette absence de coopération pendant la visite, le problème n’a pas été réglé.

II.Mécanisme national de prévention

9.En 2006, le Costa Rica a chargé, par décret exécutif, le Service de défense des habitants d’assumer la fonction de mécanisme national de prévention. En janvier 2009, le mécanisme a commencé de fonctionner en tant qu’unité indépendante faisant partie du Service de défense des habitants et, en 2015, il est devenu un organe fortement décentralisé administrativement rattaché au Service de défense des habitants. Au cours de sa visite, le Sous-Comité a pu observer la bonne dynamique de travail existant entre le Service de défense des habitants et le mécanisme. D’une manière générale, le mécanisme est indépendant ; aucune ingérence du Service de défense des habitants n’a été constatée, que ce soit dans l’accomplissement par le mécanisme de sa mission, l’allocation du budget ou la sélection et la nomination des membres du personnel du mécanisme.

10.Le Sous-Comité a pris note avec satisfaction du très haut niveau de professionnalisme et de compétence démontré par le mécanisme dans ses activités de prévention de la torture. Dans les rapports qu’il établit, le mécanisme fournit des informations détaillées sur les observations, et les recommandations qui y sont formulées servent de fondement aux décisions de justice et aux décisions du pouvoir exécutif.

11.Le Sous-Comité constate avec préoccupation que le mécanisme manque de personnel. Actuellement, le mécanisme ne dispose pas des ressources humaines ni des spécialistes de différentes disciplines dont il aurait besoin pour s’acquitter de sa mission sans dépendre du Service de défense des habitants. Dans ses tâches quotidiennes, par exemple, le mécanisme doit compter sur la coopération du Service de défense des habitants pour obtenir les services de chauffeurs ou de spécialistes comme les médecins ou les psychologues.

12. Le Sous-Comité recommande à l’État partie de continuer de garantir l’indépendance fonctionnelle du mécanisme et de lui fournir les ressources humaines et financières nécessaires à l’exécution de ses fonctions. Afin d’appuyer l’important travail accompli par le mécanisme, le Sous-Comité recommande au Costa Rica d’accroître la visibilité des rapports et des recommandations du mécanisme, et de veiller à ce que des fonctionnaires de haut rang soient présents à la présentation des rapports annuels du mécanisme.

III.Questions relatives au cadre juridique et institutionnel de la prévention de la torture et des mauvais traitements

A.Définition de la torture et obstacles aux enquêtes en bonne et due forme sur les actes de torture

Définition et qualification de la torture

13.Le Sous-Comité a fait part aux membres de l’Assemblée nationale de sa préoccupation quant au fait que la définition de l’infraction de torture figurant à l’article123bis du Code pénal n’est pas conforme aux dispositions de l’article premier de la Convention contre la torture. Il a constaté en particulier que cette définition de l’infraction n’inclue pas l’intention de punir et ne couvre pas non plus les actes visant à intimider la victime ou une tierce personne ou à faire pression sur elles. En outre, conformément à l’article premier de la Convention, l’auteur de l’infraction doit être un agent de la fonction publique ou toute autre personne « agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite ». Le Comité contre la torture n’est pas opposé à ce que des définitions de portée plus vaste soient inscrites dans les lois nationales pour autant, à tout le moins, qu’elles contiennent les normes énoncées dans la Convention. Or certains actes ne sont pas réprimés par le Code pénal costaricien, notamment ceux commis par des personnes agissant à titre officiel ou à l’instigation ou avec le consentement exprès ou tacite d’un agent de la fonction publique. En outre, le Code pénal prévoit une peine de trois à dix ans d’emprisonnement contre les particuliers, et une peine plus lourde, de cinq à douze ans d’emprisonnement, contre les agents de la fonction publique coupables de tels actes.

14.Le Sous-Comité a été informé qu’une seule condamnation pour torture avait été prononcée au Costa Rica bien que, dans au moins cinq arrêts prononcés à la suite de recours en habeas corpus et en amparo, la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême ait conclu que des actes de torture et des mauvais traitements avaient été commis. D’après les informations fournies par le Bureau du Procureur (Fiscalía), le fait d’infliger des coups et blessures à des personnes privées de liberté relève de l’infraction d’abus de pouvoir ; le Comité contre la torture l’avait déjà signalé en 2008. Le Sous-Comité est préoccupé par l’application erronée de l’article331 du Code pénal relatif à l’abus de pouvoir, étant donné que cet article vise à protéger la légalité des actes administratifs et non la dignité et l’intégrité physique et psychologique de la personne. Au-delà de cette distinction fondamentale, des sanctions très différentes sont encourues selon que ces actes sont rattachés à l’une ou à l’autre des infractions précitées.

15. Le Sous-Comité recommande à l’État partie de procéder d’urgence aux modifications législatives nécessaires pour mettre en conformité la définition de l’infraction de torture avec celle qui figure dans les traités internationaux auxquels il est partie. Le Sous-Comité lui demande instamment de qualifier correctement les actes illégaux d’agents de la fonction publique commis contre des personnes privées de liberté, ou commis par des tiers à l’instigation ou avec le consentement explicite ou tacite de ces agents.

Enquêtes sur les actes de torture et mécanismes de plainte

16.Le Sous-Comité a constaté des insuffisances dans les enquêtes sur les infractions de torture. Étant donné que ni les médecins légistes ni les membres du personnel médical qui s’occupent de personnes privées de liberté n’utilisent le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul), les cas de mauvais traitements ou actes de torture ne peuvent être consignés. En outre, comme l’a constaté le Sous-Comité dans l’une des antennes du Bureau des enquêtes judiciaires, lorsque des personnes privées de liberté subissent des violences, elles ne font pas systématiquement l’objet d’un examen médico-légal.

17.Il est ressorti des entretiens avec des médecins qui sont au contact des personnes privées de liberté qu’au lieu de signaler les éventuels cas de torture ou de mauvais traitements au Bureau du Procureur ainsi que le prévoit l’article281 du Code de procédure pénale, le personnel médical les porte à la connaissance du service juridique du centre pénitentiaire, lequel ouvre une enquête administrative et décide s’il faut ou non signaler ces cas au Bureau du Procureur. Les directeurs des centres pénitentiaires et les psychiatres procèdent de la même manière lorsqu’ils reçoivent des plaintes pour mauvais traitements en prison, sauf si le détenu demande explicitement à déposer une plainte au pénal.

18.Le Sous-Comité a eu accès au texte de différentes plaintes déposées par des personnes privées de liberté. Selon les témoignages qu’il a recueillis, les plaignants n’ont jamais été notifiés de l’ouverture d’une quelconque procédure. Dans l’un des centres pénitentiaires, les plaintes sont déposées par l’intermédiaire d’un détenu appelé «messager», qui les dépose dans une boîte où l’autorité compétente peut les récupérer.

19.Certes, les cellules sont équipées d’un téléphone et le Service de défense des habitants peut recevoir les plaintes par téléphone, mais des détenus ont déclaré ne pas connaître l’existence de cette ligne téléphonique. Les détenus ayant tenté d’utiliser cette ligne téléphonique ont dit qu’ils n’étaient pas parvenus à expliquer la situation dans les limites fixées pour la durée de l’appel. D’après les détenus ayant réussi à porter plainte, dans l’immense majorité des cas, l’organisme transmet la plainte au centre pénitentiaire avec les données relatives au plaignant afin de permettre à l’auteur présumé de se défendre contre les allégations formulées. De ce fait, le risque de représailles est élevé. En outre, la communication de la plainte au Bureau du Procureur n’est pas systématique: elle « dépend de la gravité des actes ».

20.D’après les renseignements reçus par le Sous‑Comité, il arrive que le Bureau du Procureur recueille les dépositions des victimes au centre pénitentiaire et que l’examen médical se déroule en présence de surveillants, ce qui accroît le risque de représailles contre les détenus et peut inciter ces derniers à renoncer à porter plainte.

21. Le Sous-Comité recommande aux autorités compétentes de procéder immédiatement à une enquête impartiale chaque fois qu’il y a des motifs raisonnables de croire qu’un acte de torture ou que des mauvais traitements ont été commis, même en l’absence d’une plainte en bonne et due forme, et d’établir la responsabilité des personnes qui ont été les instigateurs de ces actes, ou qui y ont consenti expressément ou tacitement. À cette fin, l’État partie doit informer le ministère public de la responsabilité de l’État en cas de pareils agissements, le sensibiliser à ce sujet et former son personnel dans ce domaine.

22. Le Sous-Comité recommande que le personnel médical, les médecins légistes et tous les agents de la fonction publique (policiers, juges, procureurs et défenseurs) travaillant au contact des personnes privées de liberté soient informés de la nécessité d’utiliser le Protocole d’Istanbul et de l’obligation qui leur incombe de dénoncer au Bureau du Procureur tout acte de torture ou mauvais traitement. Le Sous-Comité prie en outre instamment l’État partie de prendre les mesures voulues pour que les personnes privées de liberté fassent systématiquement l’objet d’un examen médico ‑ légal en cas d’agression et pour que le rapport médico-légal établi soit conforme aux dispositions du Protocole.

23. Le Sous-Comité recommande que les mécanismes de plainte soient utilisés au mieux pour garantir aux personnes privées de liberté un accès direct et en toute confidentialité au Bureau du Procureur ; il recommande également que l’établissement de l’existence d’une infraction de torture soit confié au Bureau du Procureur et que celui-ci prenne les mesures voulues pour protéger les victimes contre toute forme de représailles.

B.Placement en détention avant jugement

24.Le Sous-Comité est, pour les raisons énoncées ci-après, préoccupé par le recours à la détention avant jugement et par ses effets sur la surpopulation :

a)L’application de mesures de substitution à la privation de liberté est insuffisante malgré l’existence de nombreuses dispositions législatives pertinentes ;

b)Dans la procédure de flagrance, le procureur peut d’emblée demander le placement en détention avant jugement et sa décision n’est pas susceptible d’appel. Environ un tiers des personnes arrêtées sont maintenues en détention pendant de courtes périodes sans raison valable ;

c)Le Code de procédure pénale dispose que le placement en détention avant jugement est obligatoire pour certaines infractions ;

d)Les médias et l’opinion publique font pression sur les autorités judiciaires pour qu’elles règlent les problèmes de sécurité par l’enfermement.

25. Le Sous-Comité prie instamment l’État partie :

a) De former les juges à l’application et l’interprétation correctes des dispositions juridiques relatives aux mesures de substitution à la détention ;

b) De recourir aux mesures de protection de manière exceptionnelle dans les procédures de flagrance en évitant l’emprisonnement de courte durée ;

c) D’envisager d’apporter les modifications nécessaires au Code de procédure pénale et de limiter le placement en détention avant jugement en appliquant les principes de légalité, de présomption d’innocence, de nécessité et de proportionnalité et, ainsi, d’éviter qu’il y soit recouru de façon arbitraire ;

d) De garantir le respect de l’indépendance des acteurs de la justice et d’adopter une stratégie visant à prévenir efficacement le harcèlement dont ils font l’objet.

C.Contrainte par corps pour non-paiement de pension alimentaire

26.La loi sur les pensions alimentaires dispose qu’une personne peut faire l’objet d’une contrainte par corps pendant une durée maximum de six mois pour non-paiement de pension alimentaire. Le fait que cette personne est sans emploi ou revenus ne l’affranchit pas de son obligation de payer la pension alimentaire, mais la loi confère au juge le pouvoir discrétionnaire d’octroyer au débiteur un délai de grâce pouvant être prolongé d’un mois, afin de lui permettre de trouver un emploi rémunéré. Toutefois, il ressort de la jurisprudence que la prolongation du délai de grâce n’est accordée qu’exceptionnellement. En outre, le Sous-Comité a recueilli des témoignages indiquant que cette mesure est imposée à des personnes qui ne peuvent payer de pension alimentaire pour des raisons économiques, qui se trouvent en situation de rue ou qui sont atteintes de toxicomanie ou d’alcoolisme, ainsi qu’à des personnes souffrant de maladie mentale. En pareil cas, il semblerait que la contrainte par corps soit utilisée pour éviter d’hospitaliser et/ou de soigner la personne, les démarches à accomplir étant complexes ; une telle pratique constitue une privation illégale de liberté.

27.Le Sous-Comité a constaté que les personnes emprisonnées au titre de la contrainte par corps étaient détenues dans des lieux surpeuplés et soumises au même régime que celles qui étaient détenues pour des raisons pénales. Dans le quartier du centre pénitentiaire Jorge Arturo Montero Castro qui est réservé à ces personnes le Sous-Comité a constaté que les cafards grouillaient et que les services sanitaires y étaient insuffisants ; dans le centre pénitentiaire Vilma Curling, il a constaté que les détenus n’étaient pas assez nourris et que la prise en charge médicale et psychologique y était insuffisante.

28. Lorsqu’il existe d’autres mesures efficaces qui permettent d’obtenir le versement d’une pension alimentaire, le Sous-Comité recommande de les utiliser à titre prioritaire et d’éviter autant que possible de recourir à la contrainte par corps, en particulier lorsque la personne visée est dans l’incapacité économique de payer. Lorsque la personne est atteinte de toxicomanie ou d’alcoolisme ou qu’elle souffre de problèmes mentaux, il convient de tenir compte de la santé du débiteur et d’appliquer les dispositions juridiques pertinentes.

D.Aménagements du régime pénitentiaire

29.Selon les informations reçues par le Sous-Comité, l’administration pénitentiaire a la faculté d’octroyer des aménagements du régime pénitentiaire et elle s’en sert en favorisant les détenus qui ont le plus fort pouvoir d’achat. En outre, des retards ont été constatés dans l’établissement des appréciations, en particulier dans le cas de passage d’un régime ordinaire à un régime plus ouvert. L’absence de loi d’exécution des peines empêche tout contrôle juridictionnel des aménagements du régime pénitentiaire qui sont octroyés en invoquant le règlement, norme juridique de rang inférieur. Le Sous-Comité a aussi été informé du fait que certains centres pénitentiaires n’offrent pas les programmes de réadaptation nécessaires en milieu carcéral ou qu’ils n’ont pas les ressources humaines nécessaires pour assurer la participation de détenus à de tels programmes.

30. Le Sous-Comité recommande à l’État partie d’adopter rapidement une loi d’exécution des peines, ce qui réduirait le pouvoir discrétionnaire en matière d’aménagement pénitentiaire. Il recommande à l’administration pénitentiaire de respecter les garanties et les droits des personnes privées de liberté et de prendre les mesures nécessaires pour que tous les condamnés puissent accéder rapidement aux programmes de réadaptation.

E.Transparence et accès à l’information

31.Le Sous-Comité a constaté qu’il n’existe pas d’informations officielles à jour ventilées par situation procédurale sur les taux d’occupation des centres pénitentiaires.

32. Le Sous-Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures voulues pour améliorer la transparence dans l’administration pénitentiaire et l’accès à l’information. Il lui recommande en particulier de publier sur Internet des statistiques actualisées sur le système pénitentiaire en indiquant au minimum les informations citées au paragraphe 31.

IV.Situation des personnes privées de liberté

A.Locaux de la police judiciaire et des forces de l’ordre

33.Le Sous-Comité a été informé de situations, principalement observées le week-end ou lorsque les arrestations avaient lieu de nuit, dans lesquelles des personnes privées de liberté passaient plus de six heures en cellule dans les locaux des forces de l’ordre, ce qui constitue un dépassement du délai maximal prévu.

34. Le Sous-Comité recommande que les autorités veillent au strict respect des garanties fondamentales et que les mesures nécessaires soient prises à cette fin, notamment que des horaires spéciaux soient aménagés pour le ministère public et les tribunaux.

35.Il a été rapporté au Sous-Comité que seules les personnes arrêtées qui présentent des blessures pendant leur garde à vue sont emmenées à l’hôpital par la police. Pour sa part, le Bureau des enquêtes judiciaires dispose de médecins qui effectuent des visites dans les cellules de San José et d’Alajuela. S’ils détectent des cas de mauvais traitements, un rapport est établi puis transmis au responsable du quartier dans lequel se trouvent les cellules. De l’avis du Sous-Comité, ce rapport devrait être contrôlé par une autorité distincte et indépendante.

36. Le Sous-Comité recommande que le personnel médical procède à un examen systématique de toute personne placée en garde à vue, lequel devrait avoir lieu dès que possible. Il recommande également l’instauration de procédures de signalement systématique au ministère public, par le personnel médical, de toutes indications de mauvais traitements.

37.La notification des droits des personnes privées de liberté constitue un élément fondamental dans la prévention de la torture et des mauvais traitements. La délégation a assisté à une telle notification dans des locaux des forces de l’ordre et a constaté que les renseignements nécessaires n’avaient pas été fournis. Lors de la « lecture de ses droits », la personne privée de liberté a été invitée à reconnaître qu’elle était en pleine possession de ses facultés intellectuelles, or c’est aux professionnels de la santé qu’il incombe de se prononcer à ce sujet, et non à la personne privée de liberté elle-même.

38. Le Sous-Comité recommande l’adoption d’un texte type qui regrouperait l’ensemble des garanties judiciaires des personnes privées de liberté, conformément au droit international et aux dispositions constitutionnelles et juridiques applicables, et pourrait être utilisé par tous les services de police du pays habilités à mettre des personnes en garde à vue.

39.Le Sous-Comité a constaté avec préoccupation l’existence d’anomalies dans les registres tenus par les services de police. Dans certains postes de police, les informations étaient saisies dans un système informatique, tandis que dans d’autres, un registre de procès-verbaux sans pagination était utilisé. Il est donc apparu que les données n’étaient pas recueillies selon une méthode harmonisée. En outre, un manque de rigueur a été observé en matière de saisie des données : certains champs n’étaient pas remplis et les feuillets étaient corrigés ou raturés. La procédure employée n’était pas claire, de sorte qu’il était nécessaire de consulter d’autres registres pour comprendre la situation d’une personne privée de liberté. Enfin, les plaintes pour torture ou mauvais traitements n’étaient pas consignées dans les locaux des forces de l’ordre.

40. Le Sous-Comité recommande à l’État partie d’établir un registre national des gardes à vue unifié et, si possible, informatisé, et d’y faire figurer, au minimum, les informations suivantes :

a) Date, heure et lieu de l’arrestation, heure d’arrivée au poste de police, motifs de l’arrestation et autorité l’ayant ordonnée, identité des agents de police ;

b) État de santé de la personne privée de liberté, circonstances et causes de toute blessure constatée ;

c) Date, heure et motifs du transfert vers un hôpital, des locaux de police ou une prison, ainsi que de la remise en liberté ou de la prolongation de la garde à vue ;

d) Date et heure auxquelles : la personne a bénéficié de l’assistance d’un avocat ; sa famille ou des tiers ont été avertis ; elle a reçu des visites ; il a été procédé à un examen médical ; la première comparution devant une autorité judiciaire a eu lieu ;

e) Inventaire des effets personnels de la personne privée de liberté, qu’elle doit signer lorsque ses effets lui sont confisqués et lorsqu’ils lui sont restitués ;

f) Informations relatives au comportement, à la discipline et à la mise en place de restrictions ;

g) Demandes et plaintes, notamment dénonciations d’actes de torture ou d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, à moins que celles-ci ne revêtent un caractère confidentiel.

B.Centres pénitentiaires

Allégations de torture et de mauvais traitements

41.Des allégations de mauvais traitements subis par des personnes privées de liberté ont été portées à la connaissance du Sous-Comité dans tous les centres pénitentiaires où il s’est rendu. Dans la majorité des cas, les agents pénitentiaires étaient accusés de porter des coups à mains nues ou avec une matraque, de tirer les cheveux, de proférer des insultes et de harceler verbalement les détenus. Certaines des personnes interrogées ont indiqué que les mauvais traitements étaient toujours le fait des mêmes agents, que les personnes privées de liberté ont identifiés de façon concordante. Le Sous-Comité a relevé chez ces personnes une réticence manifeste à signaler les maltraitances, par peur de représailles.

42.Les allégations de mauvais traitements étaient plus fréquentes au sein de l’unité de surveillance renforcée de San Rafael (ancienne unité de « haute sécurité » du centre pénitentiaire Jorge Arturo Montero Castro), qui accueille les détenus à haut risque. D’après les informations obtenues, lorsqu’un détenu frappe à la porte pour formuler une quelconque demande, les agents pénitentiaires entrent, munis de matraques en bois et de boucliers de protection (dont certains ont été retrouvés dans la salle de permanence), emmènent le détenu dans la cour dont dispose chaque cellule et se mettent à plusieurs pour lui infliger des coups de matraque. Ensuite, le détenu est enfermé et il lui arrive parfois de passer la nuit dehors ou de rester à terre pendant des heures. Une personne privée de liberté a expliqué que, lors d’un passage à tabac, on lui avait fracturé la cloison nasale (radiographie à l’appui) ainsi que la clavicule (ce qui se voyait à l’œil nu).

43.Le Sous-Comité s’inquiète également des allégations formulées par des femmes poursuivies pour des délits contre des enfants, qui affirment être battues par les autres personnes privées de liberté à leur arrivée dans le quartier, au vu et au su du personnel pénitentiaire.

44. Le Sous-Comité enjoint à l’État partie d’instaurer un système permettant que les actes de torture et les mauvais traitements fassent l’objet d’une dénonciation et d’une enquête effectives, en encourageant la formation professionnelle du personnel des lieux de détention, à qui il convient notamment d’enseigner le respect des droits des personnes privées de liberté. En outre, le Sous-Comité recommande que le ministère public procède à des visites périodiques dans les centres pénitentiaires en vue de recueillir les dénonciations des personnes privées de liberté en leur offrant toutes les garanties correspondantes.

Surpopulation carcérale

45.Lors de la visite du Sous-Comité, 15 547 personnes étaient en détention au Costa Rica, dans des conditions marquées par la surpopulation et l’entassement. Le pays affichait alors l’un des taux d’emprisonnement les plus élevés d’Amérique latine. Ce facteur, combiné à l’inadaptation de l’infrastructure pénitentiaire, se traduit par une surpopulation importante dans certains centres.

46.Le Sous-Comité a été informé que le Ministère de la justice et de la paix travaillait à l’élaboration d’une nouvelle méthode de détermination de la capacité des prisons, qui serait utilisée pour calculer des indices de surpopulation fiables et servirait de point de départ à la construction de nouvelles prisons.

47. Le Sous-Comité recommande que la méthode envisagée respecte les normes internationales pertinentes, notamment celles qui portent sur la superficie minimale en fonction du taux d’occupation prévu. Le Sous-Comité recommande aussi que les politiques publiques visant à réduire la surpopulation ne reposent pas uniquement sur la construction de nouveaux établissements mais passent également par la mise en œuvre de nouvelles politiques en matière pénale donnant la priorité aux mesures de substitution à l’emprisonnement, ainsi que par l’octroi d’aménagements du régime carcéra l.

48.Dans plusieurs des prisons où il s’est rendu, le Sous-Comité a relevé des conditions d’habitabilité constituant un traitement inhumain et dégradant. Des matelas bloquaient le passage dans les couloirs des dortoirs. D’autres matelas étaient placés sous les lits (dans un espace d’environ 30 cm de hauteur) ainsi que dans la salle de bains, au contact de l’eau. Dans certains quartiers, des lits avaient été montés sur les sanitaires.

49.L’entassement, avilissant en soi, a de surcroît des effets collatéraux tels que l’apparition et la propagation de maladies transmissibles, le manque d’hygiène ou encore la violence entre personnes privées de liberté ou commise par le personnel pénitentiaire. Il est aussi un terreau sur lequel prospère la corruption.

50.Le manque d’espace contraint les personnes privées de liberté à suspendre leur linge au plafond pour le faire sécher, faisant courir un grave risque d’incendie. À cela s’ajoute la présence d’installations électriques artisanales, dotées de câbles inadaptés, qui accroît encore le risque.

51.Au vu des risques sanitaires que pose la surpopulation carcérale, le Sous ‑ Comité demande instamment à l’État partie d’adopter des mesures d’urgence. Il l’exhorte en outre à retirer le câblage précaire observé dans certains centres pénitentiaires de façon à réduire le risque d’incendie. Le Sous-Comité prie l’État partie de redoubler d’efforts pour lutter contre la surpopulation carcérale et lui demande de l’informer des mesures spécialement prises à cet effet et des progrès réalisés à cet égard.

Conditions matérielles et alimentation

52.Les conditions matérielles varient selon l’ancienneté du lieu d’hébergement. Dans la plupart des centres pénitentiaires, les structures sont vétustes et les installations sanitaires sont parfois obstruées. Ailleurs, comme dans le quartier C du centre pénitentiaire Nelson Mandela, d’anciennes caves à vin ont été aménagées en dortoirs. Les lieux moins confinés, par exemple les « maisonnettes » des centres Nelson Mandela et de Liberia, offrent davantage de confort matériel mais commencent à être surpeuplés. Le Sous-Comité a été informé de problèmes de débordement des systèmes d’écoulement des eaux pluviales en cas d’averses, à l’origine de l’inondation des cours centrales de nombreux quartiers. Il a pu observer la présence d’insectes dans les dortoirs et a constaté que les matelas en mousse étaient souvent en très mauvais état. Il a pris note avec la plus grande inquiétude de l’état déplorable des installations électriques dans la quasi-totalité des centres examinés. Les câbles étaient en majorité dénudés, ce qui exposait les personnes privées de liberté à un danger constant. Dans plusieurs secteurs du centre pénitentiaire Marcos Garvey, de nombreux détenus ont dit avoir subi des coupures d’eau fréquentes, parfois à titre de punition.

53. Le Sous-Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures d’urgence pour améliorer les conditions matérielles dans les centres pénitentiaires du pays et de mettre au point une stratégie et un plan d’action en vue de régler les différents problèmes évoqués. Le Sous-Comité recommande notamment que les personnes privées de liberté aient accès à l’eau et bénéficient de conditions de lumière et d’aération adaptées, de sanitaires en bon état de marche et de matelas en bon état, conformément à l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règle s Nelson Mandela).

54.En ce qui concerne l’alimentation, il a été rapporté au Sous-Comité, à l’occasion de ses visites dans les différents centres pénitentiaires, que la nourriture était servie en quantité insuffisante et manquait de cuisson, en particulier s’agissant des pâtes, du riz et des haricots, et que les normes d’hygiène n’étaient pas respectées lors de l’élaboration et du transport des aliments. À La Reforma, le Sous-Comité a constaté que les aliments étaient transportés dans des récipients ouverts, sur lesquels les mouches pouvaient se poser. En outre, la chaîne du froid était rompue en raison d’un dysfonctionnement de la chambre frigorifique, qui remontait à deux ans. Le Sous-Comité a vu de la viande sous vide, déjà décongelée, laissée à l’air libre pendant des heures avant d’être cuisinée le lendemain, ce qui représente un risque sanitaire. Dans le centre pénitentiaire Nelson Mandela, le Sous‑Comité a constaté que les récipients dans lesquels la nourriture était servie contenaient encore des résidus de graisse après avoir été lavés à l’eau froide.

55.Le Sous-Comité recommande aux autorités responsables de prendre les mesures nécessaires à l’amélioration des conditions d’hygiène lors de la préparation et du transport des aliments, à l’effet d’empêcher la transmission d’infections gastro ‑ intestinales susceptibles de se propager dans le centre pénitentiaire. Il convient en particulier de former le personnel et les détenus qui travaillent en cuisine ainsi que les personnes chargées de transporter les aliments à l’adoption de pratiques respectueuses de l’hygiène et responsables.

56.Selon les informations fournies par l’État partie, huit personnes sont responsables des questions de nutrition pour l’ensemble des personnes privées de liberté du pays : quatre nutritionnistes et quatre fonctionnaires techniques spécialisés en nutrition. Deux des nutritionnistes travaillent dans des centres pénitentiaires et les deux autres sont dans les bureaux centraux. L’État partie a également fourni des informations au sujet de la planification nutritionnelle et du menu hebdomadaire. Le Sous-Comité n’a pas rencontré de nutritionnistes dans les centres auxquels il a rendu visite, mais des personnes privées de liberté lui ont, à plusieurs reprises, signalé que les menus n’étaient pas très variés et que leur apport nutritionnel était insuffisant.

57. Le Sous-Comité recommande que le système pénitentiaire emploie davantage de nutritionnistes chargés d’élaborer des menus équilibrés et variés et qu’il s’assure que ces menus pourvoient aux besoins nutritionnels de la population carcérale.

58.Dans le centre pénitentiaire Marcos Garvey, le Sous-Comité a constaté que les micro-ondes étaient interdits dans les quartiers en raison de problèmes d’installation électrique. Les personnes privées de liberté ont indiqué que, si elles souhaitaient réchauffer leurs aliments, elles devaient payer 250 colons par plat à un « garçon de courses ». Le Sous-Comité a visité le lieu où les aliments sont réchauffés et a pu vérifier l’existence d’une telle procédure ; il a aussi pu consulter un reçu signé par la direction, d’un montant de 57 000 colons, qui correspondait aux recettes de la veille. La directrice du centre a fait valoir que les sommes perçues étaient gérées par un « conseil de détenus ». Toutefois, aucune des personnes privées de liberté n’a mentionné un tel organe ni dit bénéficier de l’argent collecté. Le Sous-Comité estime que ce dispositif favorise la corruption.

59. Le Sous-Comité recommande que les mesures nécessaires soient prises pour permettre aux personnes privées de liberté de réchauffer leur nourriture gratuitement.

Soins médicaux

60.Le Sous-Comité a constaté avec préoccupation que la prestation des services de santé laissait à désirer dans les centres pénitentiaires, notamment du fait d’horaires trop restreints pour l’apport des soins médicaux ou infirmiers, du manque d’accès aux médecins et aux médicaments et de l’absence de permanence médicale à certaines heures de la nuit. À l’exception de médecins des centres pénitentiaires Vilma Curling et Gerardo Rodríguez et d’un infirmier de La Reforma, le Sous-Comité n’a pas pu s’entretenir avec les professionnels de santé, qui étaient généralement absents pour diverses raisons.

61.Au centre La Reforma, où près de 4 000 personnes sont détenues, moins de 80 consultations se tiennent chaque jour (y compris celles des patients atteints de maladies chroniques, qui viennent habituellement renouveler leurs médicaments sans subir d’examen poussé), assurées par les quatre médecins présents chaque jour. Dans tous les centres pénitentiaires où le Sous-Comité s’est rendu, les mêmes difficultés d’accès aux services médicaux ont été rapportées de façon systématique. Les personnes privées de liberté s’inscrivent sur une liste mais n’obtiennent pas de soins en temps utile. En conséquence, elles attendent longtemps avant d’être reçues en consultation, de sorte qu’une affection au départ facile à soigner a le temps de s’aggraver. Les demandes de consultation ne sont pas consignées dans un registre et il est donc difficile de contrôler l’accès aux soins dispensés par des professionnels.

62. Afin d’accélérer les démarches et d’améliorer leur transparence, le Sous ‑ Comité recommande la tenue d’un registre de coordination des demandes de soins médicaux et des réponses apportées.

63.Le Sous-Comité a reçu de nombreuses plaintes, confirmées par le personnel pénitentiaire, au sujet des délais d’obtention d’une consultation extérieure sur avis médical, laquelle peut prendre des mois ou des années voire ne jamais avoir lieu. Dans les registres de demandes de consultations extérieures auxquels il a eu accès, le Sous-Comité a constaté l’absence de suivi adapté en cas de retard ou d’annulation.

64.Le Sous-Comité recommande de coordonner efficacement les soins médicaux demandés par les personnes privées de liberté ou prescrits par un médecin et de faire en sorte qu’il soit remédié aux problèmes de santé de ces personnes sans délai.

65.Dans bon nombre des centres pénitentiaires visités, les installations médicales étaient modernes et bien entretenues. Les fournitures médicales utilisées pour les soins et les dispositifs d’urgence étaient adéquats. Le Sous-Comité a constaté avec inquiétude que, dans presque tous les centres visités, très peu de soins dentaires étaient dispensés, malgré l’existence de cabinets dentaires. Lors des consultations, seules les extractions étaient effectuées.

66.Le Sous-Comité a été informé que les consultations médicales avaient toujours lieu en présence d’agents pénitentiaires. De ce fait, la personne privée de liberté était limitée dans les informations qu’elle pouvait livrer, soit parce qu’elle avait peur des représailles ou craignait qu’il soit fait état de ses problèmes en dehors du cadre médical, soit parce qu’elle avait honte.

67.Le Sous-Comité prie instamment l’État partie de modifier la configuration des salles de consultation médicale afin de créer un environnement propice au respect de la vie privée. Il rappelle également aux médecins qu’ils ont une obligation de confidentialité à l’égard de leurs patients. Le Sous-Comité recommande que les médecins, dentistes et infirmiers qui exercent dans les différents centres pénitentiaires soient formés de façon à pouvoir prendre en charge la population qui y réside pour ce qui est des traitements, des relations et du suivi ainsi que dans les situations d’urgence réelle. De même, il est suggéré qu’ils soient sensibilisés à la possibilité que les personnes privées de liberté présentent des lésions, même si la personne n’en fait pas mention, de sorte que cette information puisse être traitée comme il convient, conformément aux dispositions du Protocole d’Istanbul.

Gestion des personnes privées de liberté à haut risque

68.Au sein de l’unité de surveillance renforcée de San Rafael, les détenus à haut risque purgent leur peine dans des cellules individuelles et n’ont accès ni à l’extérieur ni à l’éducation, au travail ou aux autres activités. Si certains disposent d’un téléviseur dans leur cellule, d’autres, privés d’accès à la télévision et aux journaux ou revues, sont totalement coupés du monde extérieur. Plusieurs détenus ont évoqué la présence de rongeurs dans les cellules, le manque de nourriture et les problèmes d’accès aux soins médicaux. D’ailleurs, la plupart des détenus avec lesquels le Sous-Comité s’est entretenu présentaient des coupures aux bras, à l’abdomen et au cou après s’être automutilés pour pouvoir être soignés. Le Sous‑Comité a demandé que ceux dont les plaies étaient ouvertes bénéficient de soins. Il s’est également entretenu avec un détenu présentant des troubles mentaux, qui se trouvait dans cette unité depuis plusieurs années. Ce détenu ne recevait aucune visite, car il provenait d’une autre ville, et il ne bénéficiait d’aucun traitement psychiatrique ou psychologique.

69.Les femmes détenues dans l’aile F de très haute sécurité du centre pénitentiaire Vilma Curling vivaient dans des cellules en très mauvais état avec un accès à une courette entourée de barreaux.

70.Bien conscient que des mesures de sécurité renforcées peuvent être nécessaires pour certaines personnes privées de liberté, le Sous-Comité est cependant d’avis que ces mesures ne doivent pas se muer en une peine supplémentaire. En conséquence, le Sous-Comité estime que toute mesure de sécurité à l’origine d’une aggravation déraisonnable des conditions de réclusion constitue une forme de maltraitance envers les personnes privées de liberté. À cela s’ajoute le fait que, dans l’unité de surveillance renforcée de San Rafael, certaines de ces personnes ont été victimes des mauvais traitements continuels infligés par le personnel pénitentiaire.

71. Le Sous-Comité prie instamment l’État partie de veiller au respect des droits des personnes privées de liberté à haut risque, en se conformant aux normes internationales. Ces personnes doivent pouvoir faire de l’exercice, participer à des activités, rencontrer d’autres détenus, et s’informer et communiquer avec le monde extérieur, notamment avec leurs proches. De plus, leur éventuel placement en isolement doit être aussi court que possible et faire l’objet d’évaluations, au moment de l’admission puis à intervalles réguliers, donnant lieu à l’ajustement des mesures de sécurité et des régimes appliqués . En outre, le Sous-Comité demande que, sans délai, chacun des résidents de l’unité de surveillance renforcée de San Rafael bénéficie d’un traitement médical et, si nécessaire, psychologique ou psychiatrique, et qu’il soit fait en sorte que le personnel pénitentiaire cesse de les agresser physiquement. Le Sous ‑ Comité recommande au ministère public de consigner les dénonciations, en prenant toutes les mesures de précaution qui s’imposent, et de mener au plus vite des enquêtes au sujet des délits présumés.

Régime disciplinaire

72.Le Sous-Comité constate que le règlement du système pénitentiaire national établit une procédure disciplinaire et interdit notamment d’appliquer automatiquement des sanctions disciplinaires, d’imposer des sanctions collectives, de proscrire les contacts avec la famille, d’empêcher les détenus d’avoir des relations sexuelles et de réduire la nourriture. De nombreuses personnes détenues dans des quartiers de haute sécurité se sont toutefois plaintes des restrictions d’accès à l’eau et de l’interdiction de prendre part à des activités sportives, professionnelles ou éducatives qui leur avaient été imposées en guise de punition collective.

73. Le Sous-Comité rappelle que les punitions collectives et les restrictions d’eau doivent être strictement interdites. Toute restriction imposée aux droits des personnes privées de liberté doit résulter d’une procédure disciplinaire régulière.

74.Le Sous-Comité note que le règlement du système pénitentiaire national interdit le placement à l’isolement en tant que sanction. Cette disposition entre toutefois en contradiction avec l’alinéa e) de l’article 473 du Code de procédure pénale, selon lequel le juge de l’application des peines peut approuver, à titre de sanction, la mise à l’isolement pour une durée supérieure à quarante‑huit heures. Au cours de sa visite, le Sous-Comité a pu observer que, dans la pratique, le juge d’application des peines approuvait l’isolement en cellule disciplinaire (bocho) pendant plus de quarante-huit heures et que cette mesure avait été prononcée pour des périodes pouvant aller jusqu’à un mois, et ce sans aucun contrôle médical. Les personnes concernées doivent avoir accès au téléphone et ont droit à une heure de lumière naturelle par jour, mais le Sous-Comité a constaté qu’une personne placée à l’isolement n’avait pas pu sortir de sa cellule ni communiquer deux jours durant.

75.Dans certains cas, l’isolement est utilisé comme outil de gestion pénitentiaire. Au centre pénitentiaire Vilma Curling, le Sous-Comité s’est entretenu avec deux personnes privées de liberté qui avaient été placées à l’isolement parce qu’elles ne pouvaient apparemment être transférées dans aucun des quartiers sans courir le risque d’être agressées. D’après le médecin du centre pénitentiaire, l’une d’elles souffrait de plusieurs traumatismes mais n’avait bénéficié d’aucune prise en charge médicale depuis sa mise à l’isolement.

76. Le Sous-Comité rappelle que l’isolement doit être une mesure exceptionnelle, strictement limitée dans le temps et soumise à une surveillance médicale et judiciaire, et qu’il ne doit pas être utilisé comme un outil de gestion pénitentiaire. En application des Règles Nelson Mandela, la période d’isolement ne doit pas être supérieure à quinze jours consécutifs. Les conditions de détention dans les cellules d’isolement doivent garantir le respect de l’intégrité physique et de la dignité des personnes.

Procédures de fouille et d’inspection

77.Dans la majorité des centres pénitentiaires qu’il a visités, le Sous-Comité a entendu de nombreuses allégations selon lesquelles les inspections des dortoirs étaient violentes et utilisées comme punition, et le personnel pénitentiaire détruisait ou volait les effets personnels des détenus. Dans certains centres pénitentiaires, il a appris que des personnes privées de liberté et des membres de leur famille avaient été soumis à des fouilles corporelles invasives et humiliantes. Quelques détenus ont en outre affirmé avoir été humiliés lors de fouilles des cavités corporelles réalisées sous prétexte d’opérations de recherche de stupéfiants.

78. Le Sous-Comité recommande aux autorités de prendre les mesures nécessaires pour que les inspections soient réalisées sans violence et qu’elles ne visent pas à intimider les personnes privées de liberté. Il recommande en outre à l’État partie de veiller à ce que les formalités d’enregistrement et d’entrée applicables aux visiteurs ne soient pas dégradantes et soient conformes aux Règles Nelson Mandela (règles 50 à 52 et 60).

Programmes de prise en charge

79.Le Ministère de la justice et de la paix a fait parvenir au Sous-Comité des renseignements sur les divers programmes de prise en charge mis en place dans les centres pénitentiaires. Le Sous-Comité ne dispose pas de suffisamment d’informations pour pouvoir évaluer le caractère systématique, la cohérence et la portée (mesurée par le nombre de personnes privées de liberté qui y participent) de ces programmes. Toutefois, les entretiens qu’il a menés ont révélé le manque de mesures de réinsertion suffisantes et adéquates. La plupart des personnes interrogées ne se voient en effet proposer aucune activité physique, récréative, éducative ou professionnelle.

80.Le Costa Rica a créé trois centres de prise en charge intégrée. Le Ministère de la justice et de la paix les décrit comme des centres pénitentiaires dont l’objectif est de réduire le risque de récidive grâce à un modèle pénitentiaire qui permet l’inclusion sociale. Le Sous-Comité a visité le centre Reinaldo Villalobos Zúñiga, qui était très différent des autres centres pénitentiaires dans lesquels il s’était rendu. L’établissement était propre et organisé et les personnes privées de liberté n’étaient pas enfermées dans leurs quartiers respectifs. La présence d’agents pénitentiaires était assez limitée dans les locaux de l’école et les ateliers de production et le modèle adopté était celui de la sécurité dynamique. Même si des points restent à améliorer, le Sous-Comité estime que, dans l’ensemble, ce modèle de prise en charge devrait être appliqué dans les autres centres pénitentiaires du pays.

81. Le Sous-Comité recommande qu’une stratégie appropriée soit élaborée et que suffisamment de ressources financières et humaines soient allouées afin d’offrir aux personnes privées de liberté de véritables possibilités de réadaptation par des activités telles que la lecture ou des activités sportives, artistiques, récréatives, éducatives et professionnelles. Il importe en outre de renforcer le modèle adopté dans les centres de prise en charge intégrée et d’en mesurer les résultats, afin de pouvoir le reproduire et le développer sur la base des informations collectées. Le Sous-Comité considère que, pour que le modèle de prise en charge fonctionne, il est indispensable que la population de l’établissement n’excède pas la capacité d’accueil réelle.

Traitement des femmes privées de liberté

82.Outre le quartier pour femmes du centre Liberia, qui comptait 32places, le centre pénitentiaire Vilma Curling était le seul établissement pour femmes du Costa Rica. Cette situation était à l’origine de nombreux déracinements et rendait difficiles les contacts avec la famille. En outre, les possibilités de transfert pour les détenues ayant des problèmes de comportement étaient pratiquement nulles. Les autorités pénitentiaires n’ont pas été en mesure de donner précisément la capacité d’accueil du centre Vilma Curling mais, au moment de la visite, 647personnes y étaient détenues et le Comité a constaté que quelques‑uns des quartiers étaient surpeuplés, certaines femmes devant dormir dans les douches.

83. Le Sous-Comité recommande à l’État partie de respecter les dispositions du règlement du système pénitentiaire national afin que les femmes privées de liberté puissent être détenues à proximité de leurs proches et que les liens soient ainsi renforcés, en particulier avec leurs enfants âgés de plus de 3  ans. Il recommande en outre à l’État partie d’appliquer des mesures de substitution à la privation de liberté, conformément aux Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l’imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (Règles de Bangkok).

84.Le Sous-Comité a reçu des plaintes des détenues concernant l’insuffisance de la prise en charge médicale, en particulier le manque de régularité des mammographies et l’absence de suivi gynécologique. Un dispensaire doté de tous les équipements nécessaires pour pouvoir assurer une prise en charge médicale adaptée a été construit dans l’enceinte du centre pénitentiaire Vilma Curling mais il n’était pas autorisé à recevoir des patientes au moment de la visite. En outre, le médecin a indiqué qu’il y avait de nombreux cas de diabète et d’obésité morbide parmi les détenues et que cela était dû à l’excès de glucides dans l’alimentation. Les serviettes hygiéniques et le linge de lit n’étant pas fournis, les détenues les obtenaient grâce aux visites. Le Sous-Comité a constaté qu’il y avait beaucoup de mouches sur les aliments, que la date de péremption de certaines denrées alimentaires avait été dépassée et que les récipients donnés aux détenues n’étaient pas toujours propres. Il a également constaté que le nombre de douches et de sanitaires en état de fonctionnement était insuffisant.

85. Le Sous-Comité renouvelle les recommandations formulées plus haut concernant la prise en charge médicale, l’alimentation, les conditions d’hygiène et de salubrité et la fourniture des articles d’hygiène personnelle nécessaires. Il recommande en outre de prendre d’urgence les mesures qui s’imposent pour que le dispensaire puisse disposer d’une autorisation sanitaire et assurer des services de santé spécialement destinés aux femmes, conformément aux Règles de Bangkok (règles 5 à 13).

C.Centres pour adolescents et jeunes adultes en conflit avec la loi

86.La loi no 7576 relative à la justice pénale pour mineurs fixe l’âge de la responsabilité pénale à 12ans, ce qui est inférieur à l’âge recommandé par le Comité des droits de l’enfant.

87.Au moment de la visite, les enfants et adolescents en conflit avec la loi étaient détenus dans le centre de formation pour mineurs Zurquí, à Heredia, tout comme une partie de la population carcérale des jeunes adultes. Comme il n’existait qu’un seul centre, les enfants et adolescents originaires de régions éloignées se trouvaient déracinés. En outre, la séparation des jeunes en fonction du sexe, de l’âge et du statut juridique, conformément à la loi, faisait qu’au moment de la visite, un garçon et une fille âgés de 12 à 15ans étaient seuls dans leurs quartiers respectifs et ne pouvaient communiquer qu’avec le personnel pénitentiaire.

88.Le centre, dont les infrastructures étaient vieillissantes et en mauvais état, offrait peu d’espaces de détente et de récréation et les pavillons d’hébergement ne répondaient pas à l’objectif de réadaptation des adolescents. On trouvait en particulier dans les sections G1 et G2, qui constituaient les quartiers de haute sécurité, des cellules individuelles sales et obscures, fermées entre 18 heures et 7 heures, avec des lits en ciment, des matelas sans drap et des douches en très mauvais état. Les jeunes détenus ne disposaient pour se détendre que d’une petite cour intérieure (37,4 m²) entourée de grilles et dont le taux d’humidité était très élevé (41,8 %) à cause des vêtements qui y séchaient. Certains des enfants et adolescents interrogés dans ces quartiers ont déclaré qu’ils avaient été battus à coups de matraque par les gardiens, qu’ils n’avaient droit qu’à une heure de lumière naturelle par jour et qu’il arrivait qu’ils ne sortent pas plusieurs jours de suite. Dans d’autres quartiers, en raison des problèmes de cohabitation entre enfants et adolescents, le centre avait fixé des horaires différents pour l’accès aux cours extérieures. L’administration du centre a admis que c’était à cause du manque de personnel que les enfants et adolescents ne pouvaient sortir plus souvent dans la cour et participer à des activités sportives. En outre, le Sous-Comité a constaté que le personnel n’avait pas suivi de formation particulière pour s’occuper des enfants et adolescents en conflit avec la loi.

89.Le Sous-Comité s’est alarmé du nombre d’enfants et d’adolescents qui présentaient des coupures résultant d’actes d’automutilation. Plusieurs enfants et adolescents interrogés ont indiqué qu’ils se mutilaient pour recevoir des soins médicaux, quitter leur quartier de détention ou se donner une échappatoire. Même si certains bénéficiaient d’un suivi psychologique, l’absence de prise en charge globale du problème était préoccupante. Quelques enfants et adolescents se sont plaints du manque d’accès aux soins médicaux.

90.Le Sous-Comité a constaté que l’ambiance à la garderie du centre était tout à fait différente et que le lieu était adapté aux mères, bien que quelques personnes privées de liberté aient mentionné le manque de soins pédiatriques.

91.Bien que l’administration du centre ait indiqué que des activités, telles que des ateliers d’artisanat ou de botanique, étaient organisées, les seules activités mentionnées par les enfants et les adolescents étaient les cours dispensés à l’école, la séance au gymnase ou à la salle de billard une fois par semaine et les travaux rémunérés tels que l’entretien des espaces verts, la cuisine et le ménage. Les enfants et adolescents en détention provisoire ne pouvaient pas participer à ces activités.

92.Alors même que la loi garantit expressément le droit des mineurs de ne pas être détenu au secret, quelles que soient les circonstances, ni placé à l’isolement, le Sous‑Comité a pu constater qu’au moment de la visite, quelques enfants et adolescents se trouvaient à l’isolement. L’administration du centre a confirmé que cette mesure pouvait être prise et qu’elle devait être notifiée au juge de l’application des peines chargé des mineurs lorsque l’isolement se prolongeait au-delà de vingt‑quatre heures. D’autres enfants et adolescents interrogés ont dit qu’il n’y avait pas de procédure disciplinaire et que les punitions collectives et la suspension des visites étaient utilisées comme sanctions, en dépit des dispositions de la loi relative à la justice pénale pour mineurs.

93.Le Sous-Comité a aussi visité le centre spécialisé pour jeunes adultes Ofelia Vincenzi ; celui-ci accueillait de jeunes hommes âgés de 18 à 25ans qui avaient commis les faits qui leur étaient reprochés alors qu’ils étaient mineurs. Les principaux problèmes observés concernaient la vétusté des infrastructures, l’insuffisance de l’accès aux soins médicaux et la présence des gardiens pendant les consultations psychologiques. La majorité des personnes privées de liberté prenaient certes part à un programme d’enseignement et quelques-unes avaient accès à une activité professionnelle rémunérée, mais les installations n’offraient pas assez d’espace pour permettre l’organisation d’activités pédagogiques et récréatives ou d’activités de réadaptation.

94. Le Sous-Comité recommande à l’État partie :

a) D’envisager la possibilité de modifier la législation pénale applicable aux mineurs, afin de l’aligner sur les recommandations du Comité des droits de l’enfant ;

b) De réaménager les espaces destinés à accueillir les enfants et adolescents en conflit avec la loi pénale, afin d’éviter leur déracinement et de répondre à leurs besoins de réadaptation sociale, et d’améliorer les conditions de détention et l’offre d’activités dans le centre Zurquí ;

c) D’interdire les punitions collectives, les restrictions des visites et le recours à l’isolement pour les jeunes, conformément à la législation en vigueur. Toute restriction imposée aux droits des enfants et adolescents privés de liberté doit résulter d’une procédure disciplinaire régulière ;

d) De développer les soins de santé et les soins de santé mentale, qui doivent être prodigués en toute confidentialité, et de prendre des mesures globales pour prévenir l’automutilation.

D.Établissements psychiatriques

95.Le Sous-Comité se félicite du changement de paradigme dans la gestion de la santé mentale et du fait qu’à l’heure actuelle, seuls les patients présentant des troubles aigus sont placés en institution puis, une fois leur état stabilisé, pris en charge par le Conseil national des personnes handicapées afin qu’une place leur soit attribuée dans une structure résidentielle. Avant leur admission à l’hôpital psychiatrique, les patients sont évalués par un psychiatre médico-légal qui en réfère au juge compétent;celui-ci décide alors de prendre, ou ne pas prendre, une mesure de sûreté curative. Le Sous-Comité note toutefois avec préoccupation que l’État partie ne compte aucun médecin légiste spécialisé en psychiatrie depuis décembre 2018.

96. Le Sous-Comité rappelle qu’il est urgent de mettre en place un service de médecine légale spécialisé en psychiatrie, étant donné qu’il est impossible de procéder à la révision des mesures de sûreté (art. 98, 100 et 487 du Code de procédure pénale), de déterminer les cas d’irresponsabilité pénale et d’atténuation de la responsabilité et d’évaluer la nécessité du placement de la personne concernée, s’il n’y a pas de professionnels pour le faire.

97.Le personnel médical a indiqué au Sous-Comité qu’une enquête administrative préliminaire était ouverte si un patient prétendait avoir été maltraité, mais qu’un signalement n’avait été effectué auprès du ministère public que lorsque le patient le demandait. Cette situation préoccupe le Sous-Comité étant donné qu’il s’agit de patients atteints de maladies mentales.

98. Le Sous-Comité recommande à l’État partie d’élaborer un protocole d’action à suivre en cas d’infractions commises contre des patients atteints de maladies mentales, dans lequel serait inscrite l’obligation de signaler immédiatement, selon qu’il convient, le cas au ministère public.

99.Le centre de prise en charge des personnes atteintes d’une maladie mentale et en conflit avec la loi a été transféré en 2011 dans les locaux d’une ancienne usine textile. Le Sous-Comité a constaté qu’il s’agissait d’un centre d’enfermement plutôt que de réadaptation, qu’il comprenait des quartiers pénitentiaires (personnes en détention provisoire et personnes condamnées) et que les patients y étaient sous la garde du personnel pénitentiaire. Au moment de la visite, le centre accueillait 111personnes, alors que sa capacité était de 90. Comme il s’agissait d’une usine, il n’y avait pas de cloisons, en conséquence de quoi les patients manquaient d’intimité, et presque pas de lumière naturelle. Les patients ne pouvaient sortir à l’air libre qu’une heure par jour, dans une rue asphaltée derrière le centre. Les activités sportives à l’intérieur (aucun espace extérieur aménagé) et la télévision étaient les seules activités proposées. Les représentants du centre ont indiqué que début 2019, il serait possible de transférer des patients en conflit avec la loi dans les trois pavillons de l’hôpital psychiatrique national conçus pour les accueillir.

100. Le Sous-Comité recommande :

a) D’achever dès que possible la rénovation des pavillons de l’hôpital psychiatrique, afin que les personnes atteintes de maladies mentales et en conflit avec la loi puissent être accueillies dans des conditions adaptées ;

b) D’adopter les mesures nécessaires pour que les personnes atteintes de maladies mentales et en conflit avec la loi puissent prendre part à des activités éducatives et à des séances d’ergothérapie.

V.Formation et conditions de travail des intervenants du système pénitentiaire

101.Le Sous-Comité a constaté que les centres pénitentiaires qu’il a visités manquaient de personnel pénitentiaire et de personnel technique (avocats, psychologues, travailleurs sociaux et conseillers). De nombreuses personnes privées de liberté se sont plaintes au Sous-Comité qu’elles ne pouvaient se rendre à leurs rendez-vous médicaux, assister aux cours scolaires ou participer aux activités récréatives à cause du manque de personnel pour les surveiller, plaintes qui ont parfois été confirmées par les agents pénitentiaires.

102.Le Sous-Comité a pris note du programme de formation initiale de l’École de formation pénitentiaire destiné aux agents pénitentiaires et a été informé par les agents interrogés que la formation était insuffisante. Il existait en outre peu de possibilités de formation continue et celles-ci n’étaient pas proposées à tous les agents de la même manière. Le Sous-Comité a constaté en particulier que les agents pénitentiaires qui travaillaient avec les mineurs, les jeunes adultes et les femmes n’avaient pas suivi de formation spécialisée. En outre, selon des informations communiquées par l’État partie, le cursus de base ne comprenait pas de cours sur la Convention contre la torture et son protocole facultatif.

103.Le Sous-Comité note avec satisfaction qu’au Costa Rica, le personnel pénitentiaire est indépendant des forces de l’ordre depuis vingt‑cinq ans environ, qu’il est doté de son propre cadre juridique et qu’il relève du Ministère de la justice. Dans ce contexte, le Sous‑Comité est profondément préoccupé par les informations qu’il a reçues selon lesquelles la formation des agents pénitentiaires pourrait bientôt être assurée par l’École de police du Ministère de la sécurité publique. Le travail des agents pénitentiaires est intrinsèquement différent de celui qu’effectuent les forces de l’ordre, les premiers devant mettre l’accent sur la réinsertion. Il n’est donc pas recommandé que les deux formations soient dispensées par la même institution.

104.En ce qui concerne les conditions de travail des agents pénitentiaires, le Sous‑Comité a constaté que les dortoirs et salles de bain qu’ils utilisaient étaient en très mauvais état, voire surpeuplés parfois, ce qui pouvait accroître leur stress. Le Sous-Comité rappelle qu’il importe d’allouer au personnel pénitentiaire les ressources et le matériel dont il a besoin pour travailler dans de bonnes conditions, et de lui garantir un hébergement décent et les services de base voulus.

105. Le Sous-Comité souligne que, pour prévenir la torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants, il est nécessaire de former correctement le personnel concerné aux droits de l’homme en général et à la prévention de la torture en particulier. Il rappelle que, conformément à la Convention contre la torture, l’État partie est tenu de veiller à ce que la formation professionnelle du personnel traite dans le détail de l’interdiction de la torture et des mauvais traitements. Il recommande à l’État partie de renforcer l’École de formation pénitentiaire et d’intégrer les droits de l’homme dans les cursus destinés à l’ensemble du personnel pénitentiaire, et non pas seulement aux gardiens. À cette fin, il recommande aux autorités de demander l’aide des organismes internationaux en vue de la révision et de l’adaptation des programmes d’enseignement. Il recommande en outre de mettre en place un système obligatoire de formation continue, tant pour les agents pénitentiaires que pour le personnel technique. Il recommande enfin de dispenser une formation spécialisée et continue aux personnes qui travaillent avec les enfants et adolescents en conflit avec la loi pénale.

VI.Étapes suivantes

106. Le Sous-Comité demande qu’une réponse lui soit communiquée dans les six mois à compter de la date de transmission du présent rapport à l’État partie. Dans ce document, l’État partie devrait répondre directement à toutes les recommandations et demandes de renseignements complémentaires formulées dans le présent rapport, et rendre compte en détail des mesures déjà prises ou prévues (en précisant le calendrier fixé pour la mise en œuvre des recommandations). Cette réponse devrait contenir des renseignements détaillés sur la suite donnée aux recommandations, notamment celles formulées à l’intention de chaque institution, et sur les politiques et pratiques en général .

107. L’article 15 du Protocole facultatif interdit toutes les sanctions et représailles, quelles qu’en soient la forme et la source, visant une personne qui a été en contact ou a tenté d’être en contact avec le Sous-Comité. Le Sous-Comité rappelle à l’État partie l’obligation qui lui incombe de prévenir de telles sanctions ou représailles et le prie de fournir, dans sa réponse, des renseignements détaillés sur les mesures qu’il aura prises pour s’acquitter de cette obligation.

108. Le Sous-Comité rappelle que la prévention de la torture et des mauvais traitements constitue une obligation continue et de large portée revenant à l’État partie . Il demande donc à l’État partie de l’informer de toute mesure législative, réglementaire ou politique et de tout fait nouveau pertinent touchant le traitement des personnes privées de liberté et les travaux du mécanisme national de prévention.

109. Le Sous-Comité considère que sa visite et le présent rapport font partie d’un dialogue continu. Il sera heureux de pouvoir aider l’État partie à s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu du Protocole facultatif en lui fournissant de plus amples conseils et une assistance technique en vue d’atteindre leur objectif commun, qui est de prévenir la torture et les mauvais traitements dans les lieux de privation de liberté. Il estime que le moyen le plus efficace de poursuivre le dialogue serait pour lui de rencontrer les autorités nationales chargées de la mise en œuvre de ses recommandations dans les six mois qui suivent la réception de la réponse au présent rapport.

110. Le Sous-Comité recommande que, conformément à l’article 12 (al. d) ) du Protocole facultatif, les autorités nationales et le mécanisme national de prévention engagent le dialogue avec le Sous-Comité au sujet de la suite donnée à ses recommandations dans les six mois qui suivent la réception par le Sous-Comité de la réponse au présent rapport. Il recommande également au Costa Rica et au mécanisme national de prévention d’entamer des discussions avec lui sur les modalités de ce dialogue au moment de soumettre sa réponse au présent rapport .

Annexe I

[Espagnol seulement]

Lista de personas con quienes se reunió el Subcomité

A.Autoridades nacionales

Ministerio de Justicia y Paz

Sra. Marcia González, Ministra

Sr. Fabián Solano Fernández

Sr. Christopher Camacho

Sr. José Luis Bermúdez Obando

Sr. Kenny Gozo Sánchez

Sra. Soledad Bonilla

Sr. Rubén Camacho Piedra

Sr. Pablo Bertoizi

Sr. Jeff Rodríguez Alvarado

Ministerio de Seguridad Pública

Sr. Eduardo A. Solano, Viceministro

Dirección General de Migración y Extranjería

Sr. Jhonny Martin Artavia, Jefe de Asesoría Jurídica

Poder Judicial

Sra. Nancy Hernández López, magistrada de la Sala Constitucional de la Corte Suprema de Justicia

Sra. Odilie Robles Escobar, jueza de ejecución de la pena de Alajuela

Sr. Mario Rodríguez, juez de ejecución de la pena de Alajuela

Sr. José Román Matamoros, juez de ejecución de la pena de San José

Sr. Roy Murillo, juez de ejecución de la pena

Sr. Armando Castillo Fallas, Secretaría General del Organismo de Investigación Judicial

Sr. Javier Ulate Carrillo, sección de cárceles del Organismo de Investigación Judicial

Sr. José Pablo Esquivel Segura

Sr. Alexis Mora Cambronero

Sra. Natalie Fonseca

Sra. Karla Gamboa Somarribas

Ministerio Público

Sra. Laura Monge, Ministerio Público

Sr. Carlo Díaz Sánchez, Fiscalía Adjunta de la Pena

Sra. Carlos E. Montenegro, Fiscalía Ejecución de la Pena

Sr. José Pablo Miranda Hurtado, Fiscal General

Sra. Emilia Navas Aparicio, Fiscalía General

Sra. Mayra Campos, Fiscalía Adjunta

Defensa Pública

Sra. Diana Montero, Directora de la Defensa Pública

Sr. Erik Núñez

Sra. Laura Arias Guillen, unidad de ejecución de la pena

Sr. Abraham Sequeira Morales

Sr. Héctor Sánchez Ureña

Sr. Alejandro Montero Acuña

Defensoría de los Habitantes

Sra. Catalina Crespo, Defensora de los Habitantes

Sra. Laura Arguedas Mejía, Asuntos internacionales

Sra. Lilliana Castro López, Defensoría de la Mujer

Sra. Nathalie Araya Jácome, Área de calidad de vida

Sra. Jenny Phillips, Directora de admisibilidad

Sra. Laura Fernández Díaz, Dirección Niñez y Adolescencia

Sr. Álvaro Paniagua, Dirección de Protección

Mecanismo nacional de prevención de la tortura

Sr. Roger Víquez, coordinador nacional

Sr. Esteban Vargas Ramírez

Sra. Lorna Elizondo Cubero

Sra. Chorlys Chacón Espinoza

Asamblea Legislativa

Sra. Carolina Hidalgo Herrera, Presidenta

Sr. Enrique Sánchez Carballo, diputado

Sra. Karine Niño, diputada

B.Departamentos de ciencias forenses y medicina legal

Sr. Maikol Araoz Vega, médico

Sra. Sandra Solórzano Herra, médico forense

Sr. Franz Vega, jefe del Departamento Médico Legal

Sra. Gina Bagnarello, perito encargado de proyectos

Sra. Anayana Rodríguez Quesada, perito de la unidad genética

Sr. Alejandro Hernández, perito genético

Sra. Emily Solano Monzález, médico forense, patología

Sr. Daniel Gómez Murillo, jefatura interina del departamento

Sr. Carlo Escalante, colegio de médicos

Sr. Oscar Valverde Comos, colegio de profesionales en psicología

Sra. Ana Cristina Monge, colegio de profesionales en psicología

C.Organismos de las Naciones Unidas

Coordinadora Residente de las Naciones Unidas

Programa de las Naciones Unidas para el Desarrollo (PNUD)

Instituto Latinoamericano de las Naciones Unidas para la Prevención del Delito y el Tratamiento del Delincuente (ILANUD)

D.Sociedad civil

Asociación Ciudadana ACCEDER

DNI Costa Rica

Centro por la Justicia y el Derecho Internacional (CEJIL)

Annexe II

[Espagnol seulement]

Lugares de privación de libertad visitados

A.Delegaciones de la Fuerza Pública

Delegación policial de El Carmen, San José

Delegación policial Desamparados Sur, San José

Delegación policial Desamparados Norte, San José

Delegación policial Hatillo, San José

Delegación policial Liberia, Guanacaste

Centro de Aprehendidos de Barrio México

B.Delegaciones del Organismo de Investigación Penal

Sección Cárceles I, Unidad de celdas I, Tribunales de Justicia de San José

Sección de Cárceles, Delegación Regional de Alajuela

Delegación Regional de Limón

Sección Cárceles, Tribunales de Justicia de Limón

C.Centros penitenciarios

Centro de Atención Institucional Vilma Curling, Desamparados, San José

Centro de Atención Institucional Jorge Arturo Montero Castro, San Rafael, Alajuela

Unidad de Atención Específica, San Rafael, Alajuela

Centro de Atención Institucional Liberia, Liberia

Centro de Atención Institucional San José, San José

Centro de Atención Institucional Nelson Mandela, San Carlos, Alajuela

Centro de Atención Institucional Marcos Garvey, Limón

Centro de Atención Institucional Gerardo Rodríguez, San Rafael, Alajuela

Unidad de Atención Integral Reynaldo Villalobos, San Rafael, Alajuela

D.Centros de reintegración social para niños, niñas y adolescentes

Centro de Formación Juvenil Zurquí, Santo Domingo, Heredia

Centro Especializado Adulto Joven, Ofelia Vicenzi, San Rafael, Alajuela

E.Hospitales psiquiátricos

Hospital Nacional Psiquiátrico, San José

Centro para la Atención de Personas con Enfermedad Mental en Conflicto con la Ley, La Uruca, San José

F.Centros de la Dirección General de Migración y Extranjería

Centro de Aprehensión Región Central, Heredia