NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/GEO/CO/315 novembre 2007

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMMEQuatre‑vingt‑onzième sessionGenève, 15 octobre-2 novembre 2007

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits de l’homme

Géorgie

1.Le Comité des droits de l’homme a examiné le troisième rapport périodique de la Géorgie (CCPR/C/GEO/3) à ses 2483e et 2484e séances (CCPR/C/SR.2483 et 2484), les 15 et 16 octobre 2007, et a adopté les observations finales ci‑après à sa 2500e séance (CCPR/C/SR.2500), le 26 octobre 2007.

A. Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le troisième rapport périodique de l’État partie, qui a été soumis dans les délais et qui contient des renseignements détaillés utiles sur les faits nouveaux survenus depuis l’examen du deuxième rapport périodique, à la lumière de certaines des observations finales précédentes. Le Comité apprécie la participation d’une délégation composée de spécialistes de différents domaines se rapportant au Pacte, ainsi que les réponses orales et écrites aux questions et aux préoccupations exprimées par le Comité pendant l’examen du rapport.

B. Aspects positifs

3.Le Comité accueille avec satisfaction les modifications d’ordre législatif et institutionnel importantes et de grande portée qui ont été introduites dans l’État partie pendant les années couvertes par le rapport en vue de renforcer la primauté du droit, et en tenant compte de certaines recommandations faites par le Comité en 2002.

4.Le Comité accueille avec satisfaction la ratification par la Géorgie, en 2006, du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ce qui devrait garantir un plus grand respect de l’article 7 du Pacte.

5.Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption de la loi sur les restitutions de biens, le 29 décembre 2006, et encourage l’État partie à prendre toutes les mesures nécessaires pour en assurer sans délai la mise en œuvre.

Principaux sujets de préoccupation et recommandations

6.Le Comité prend note des difficultés signalées par l’État partie pour assurer l’application du Pacte en Abkhazie et dans la région de Tskhinvali en Ossétie du Sud et reconnaît qu’il a pris des mesures positives pour assurer la protection des droits garantis dans le Pacte aux habitants des territoires qui ne sont pas actuellement sous son contrôle, notamment en encourageant les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales de l’ONU invités en Géorgie à se rendre dans ces territoires et à engager un dialogue avec les autorités de facto, mais il s’inquiète de ce que les populations concernées n’exercent pas pleinement les droits garantis dans le Pacte (art. 1 et 2).

L’État partie devrait continuer à prendre toutes les mesures possibles, sans discrimination, pour accroître la protection des droits consacrés par le Pacte assurée à la population de ces régions par les autorités de facto de l’Abkhazie et de la région de Tskhinvali en Ossétie du Sud. Il devrait veiller à ce que les organismes internationaux soient en mesure d’opérer sans obstacle.

7.Le Comité donne acte: a) des modifications apportées en avril 2007 à la loi sur les réfugiés qui accorde aux réfugiés enregistrés en Géorgie un droit de séjour temporaire et b) de la nouvelle procédure de recours contre les décisions d’expulsion rendues par le Procureur général. Toutefois, il reste préoccupé par le fait que la législation actuelle ne garantit pas entièrement le respect du principe du non‑refoulement (art. 2, 6 et 7).

L’État partie devrait:

a) Mettre en place des garanties législatives et procédurales effectives afin qu’aucune personne ne puisse être renvoyée dans un pays où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être arbitrairement privée de la vie ou d’être soumise à des tortures ou à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;

b) Dispenser aux gardes frontière une formation sur les droits des demandeurs d’asile et mettre en place un mécanisme pour accélérer le défèrement des demandeurs d’asile à l’autorité chargée des demandes d’asile.

8.Le Comité donne acte de l’adoption en mai 2006 de la loi sur l’élimination de la violence domestique et la protection et le soutien des victimes de cette violence, mais il reste préoccupé par le nombre toujours élevé de femmes qui sont victimes de violence en Géorgie, en particulier de violence domestique, ainsi que par l’insuffisance des mesures et des services mis en place pour protéger les victimes. Le Comité note avec regret que l’État partie considère que ce sont les organisations non gouvernementales qui sont au premier chef responsables de la création et de la gestion des foyers pour les victimes de violence domestique, sans leur assurer un financement suffisant (art. 3, 23 et 26).

L’État partie devrait prendre rapidement des mesures pour assurer la mise en œuvre de la loi de 2006, notamment:

a) Mettre en place un dispositif pour rassembler des données ventilées sur les cas de violence domestique, indiquant le sexe, l’âge et le lien de parenté entre la victime et l’auteur des violences, ainsi que sur les enquêtes et les poursuites engagées. Ces données devraient être rendues publiques;

b) Procéder sans délai à des enquêtes sur les plaintes pour violence domestique et pour tout autre acte de violence à l’égard des femmes, comme l’enlèvement en vue du mariage et le viol, et engager des actions pénales contre les auteurs;

c) Prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la protection des victimes de violence domestique, notamment en créant un nombre suffisant de foyers dans tout le pays.

9.Le Comité est préoccupé par les allégations faisant état de décès résultant d’une utilisation excessive de la force par les membres de la police et les personnels pénitentiaires. Il est particulièrement préoccupé par les troubles de mars 2006 dans la prison no5 de Tbilissi, au cours desquels au moins sept détenus auraient perdu la vie (art. 6).

L’État partie devrait prendre des mesures énergiques pour éliminer toutes les formes d’utilisation excessive de la force par les agents des services de maintien de l’ordre. Il devrait en particulier:

a) Veiller à ce que des enquêtes impartiales soient menées rapidement sur les plaintes dénonçant des actes des membres des forces de l’ordre et rendre publics les résultats de ces enquêtes, y compris en ce qui concerne les troubles de la prison n o  5 de Tbilissi en 2006;

b) Engager des poursuites pénales contre les responsables signalés;

c) Dispenser aux membres des forces de l’ordre une formation mettant en évidence le caractère délictueux de l’utilisation excessive de la force, ainsi que le principe de proportionnalité qui doit régir l’usage de la force. À ce sujet, le Comité appelle l’attention de l’État partie sur les Principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois;

d) Accorder une indemnisation aux victimes ou à leur famille.

10.Le Comité reconnaît que l’État partie a pris des mesures positives dans les domaines législatif et judiciaire et pour ce qui est de la surveillance, afin de renforcer les garanties contre la torture et autres mauvais traitements, et aussi qu’il y a eu une diminution notable des allégations de mauvais traitements en détention, mais il regrette que des actes de torture et de mauvais traitements commis par la police, spécialement pendant l’arrestation des suspects, continuent d’être rapportés (art. 2, 7 et 9).

L’État partie devrait:

a) Veiller à ce que des enquêtes impartiales soient rapidement ouvertes sur les plaintes faisant état d’actes de torture et d’autres mauvais traitements, et engager des poursuites pénales contre les responsables;

b) Assurer aux victimes une réparation suffisante;

c) Mettre en place des mécanismes nationaux indépendants et compétents pour la prévention de la torture, ainsi que le requiert le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, comme l’actuel bureau du Défenseur public;

d) Continuer d’appliquer un plan d’action complet pour lutter contre la torture et les mauvais traitements pour les années à venir, en tenant compte des recommandations formulées par le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, à la suite de sa visite en Géorgie en 2005.

11.Le Comité prend note des mesures adoptées par l’État partie pour améliorer le traitement des prisonniers, comme la construction de la nouvelle prison dans le district de Gldani (Tbilissi), mais il demeure préoccupé par le fait que les conditions continuent d’être mauvaises dans un certain nombre de prisons qui sont surpeuplées et où les rations alimentaires sont insuffisantes et de mauvaise qualité, les détenus ne voient pas assez la lumière du jour et ne peuvent pas prendre suffisamment l’air, les conditions d’hygiène personnelle sont insuffisantes; il s’inquiète aussi du grand nombre des décès de prisonniers qui seraient dus aux conditions pénitentiaires, telles dans certains centres de détention telles qu’elles constituent des mauvais traitements (art. 10).

L’État partie devrait prendre immédiatement des mesures énergiques, positives et coordonnées pour améliorer les conditions de toutes les personnes privées de liberté, qu’elles n’aient pas encore été jugées ou qu’elles aient été condamnées, et respecter tous les éléments énoncés dans l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus. En particulier, il faut mettre immédiatement fin au surpeuplement alarmant. De plus, l’État partie devrait concevoir des peines de substitution à l’emprisonnement.

12.Le Comité donne acte de l’adoption par l’État partie de la stratégie visant à permettre aux personnes déplacées à l’intérieur du pays de mener une vie normale tout en conservant leur droit de retour, des efforts qu’il a consentis pour établir un plan d’action ainsi que des mesures qu’il a prises pour créer les conditions favorables au retour librement consenti des déplacés dans leur lieu de résidence permanente, mais il regrette les cas qui ont été rapportés d’expulsion forcée des bâtiments publics servant d’hébergement dans les régions de Tbilissi, de Kutaisi et d’Adjara, sans décision judiciaire ni l’accord des intéressés, lesquels n’ont pas reçu une indemnisation appropriée ni un soutien de la part des organes gouvernementaux (art. 12 et 26).

L’État partie devrait faire en sorte que la privatisation des bâtiments publics servant d’hébergement soit dûment réglementée et prendre toutes les mesures voulues pour empêcher que les cas d’expulsion forcée de personnes déplacées à l’intérieur du pays ne se reproduisent à l’avenir. Il devrait veiller en outre à ce que le plan d’action pour les personnes déplacées soit parfaitement compatible avec le Pacte, en particulier avec les principes du retour volontaire et de la non ‑discrimination.

13.Le Comité prend note des efforts que l’État partie a consentis récemment pour réformer son système judiciaire et en améliorer l’efficacité, mais il demeure préoccupé par les atteintes à l’indépendance de la justice et par le problème de la corruption des magistrats (art. 14).

L’État partie devrait prendre des mesures pour garantir l’indépendance du système judiciaire. Il devrait en particulier prendre des initiatives pour éliminer toutes les formes d’atteinte à l’indépendance de la justice et veiller à ce que des enquêtes approfondies, indépendantes et impartiales soient rapidement menées sur toutes les allégations d’ingérence, notamment par la corruption; il devrait aussi engager des poursuites et punir les responsables, y compris les juges qui peuvent être complices.

14.Le Comité regrette l’insuffisance du niveau d’éducation des juges et le fait qu’ils ne sont généralement pas formés au droit international relatif aux droits de l’homme, ce qui a pour résultat que dans la pratique les droits reconnus dans les Pactes sont très rarement appliqués directement.

L’État partie devrait intensifier ses efforts pour donner aux juges le niveau d’éducation requis pour garantir une bonne administration de la justice. Il devrait en particulier assurer une formation concernant les dispositions du Pacte et sur les implications de celui-ci pour l’interprétation de la Constitution et de la législation nationale, de façon à garantir que tous les actes du pouvoir judiciaire soient conformes aux obligations de l’État partie découlant du Pacte.

15.Le Comité note que l’État partie a expliqué que le statut d’organe public légal était accordé exclusivement à l’église orthodoxe géorgienne pour des raisons tenant à des facteurs historiques et sociaux. Toutefois il craint que le statut différent d’autres groupes religieux puisse conduire à une discrimination. Il regrette que les problèmes liés à la restitution des lieux de culte et autres biens des minorités religieuses, confisqués pendant la période communiste, n’aient pas été réglés (art. 18).

L’État partie devrait prendre des mesures pour garantir le respect sans réserve du droit à la liberté de religion ou de conviction et veiller à ce que sa législation et ses pratiques soient entièrement conformes à l’article 18 du Pacte. Il devrait s’occuper des problèmes liés à la confiscation des biens des minorités religieuses.

16.Le Comité se déclare préoccupé par le fait que les actes de harcèlement à l’encontre des journalistes n’ont pas été l’objet d’enquêtes suffisantes (art. 19).

L’État partie devrait garantir la liberté d’expression et la liberté de la presse et des médias en général, et veiller à ce que les plaintes dénonçant des atteintes à ces droits fassent sans délai l’objet d’enquêtes et que les responsables soient poursuivis et punis.

17.Le Comité demeure préoccupé par les obstacles auxquels se heurtent les minorités pour exercer leurs droits culturels, ainsi que par le faible niveau de représentation politique des minorités. Le Comité reconnaît qu’il n’est pas interdit d’utiliser les langues des minorités dans la sphère privée et que les langues des minorités sont enseignées à l’école, mais il s’inquiète de ce que le fait de ne pas connaître la langue géorgienne risque d’entraîner une marginalisation et une sous-représentation des minorités dans différents domaines publics et privés (art. 25 et 26).

L’État partie devrait:

a) Envisager la possibilité d’autoriser les minorités à utiliser leur propre langue dans leurs communications avec les autorités et l’administration locales;

b) Prendre toutes les mesures voulues pour garantir une représentation et une participation politiques suffisantes des minorités, en particulier des communautés arménienne et azérie, ainsi que pour leur donner les moyens d’améliorer leur connaissance de la langue géorgienne. L’État partie devrait prendre des mesures pour faire disparaître les pratiques discriminatoires fondées sur la langue;

c) Promouvoir l’intégration des minorités dans la société géorgienne. À cette fin, l’État partie devrait instaurer un dialogue avec les groupes concernés et les organisations de la société civile qui travaillent dans le domaine des questions des minorités;

d) Arrêter des indicateurs et des points de référence pour déterminer si les objectifs poursuivis dans la lutte contre la discrimination ont été atteints.

18.Le Comité fixe au 1er novembre 2011 la date à laquelle le quatrième rapport périodique de la Géorgie devra lui être soumis. Il demande que le troisième rapport périodique et les présentes observations finales soient diffusés auprès du grand public ainsi qu’auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives. Des exemplaires de ces documents devraient être distribués aux universités, aux bibliothèques, à la bibliothèque du Parlement et à tous les autres organes intéressés. Le Comité demande également que le quatrième rapport périodique et les présentes observations finales soient portés à la connaissance de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans le pays. Il serait souhaitable de diffuser aux minorités un résumé du rapport et des observations finales dans leur propre langue.

19.Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait adresser, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations du Comité figurant aux paragraphes 8, 9 et 11. Le Comité prie l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux autres recommandations et sur l’application du Pacte dans son ensemble.

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