Nations Unies

CCPR/C/DOM/CO/6

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

27 novembre 2017

Français

Original : espagnol

Comité des droits de l’homme

Observations finales concernant le sixième rapportpériodique de la République dominicaine *

1.Le Comité des droits de l’homme a examiné le sixième rapport périodique de la République dominicaine (CCPR/C/DOM/6) à ses 3416e et 3417e séances (CCPR/C/ SR.3416 et 3417), les 16 et 17 octobre 2017. À sa 3441e séance (CCPR/C/SR.3441), le 3 novembre 2017, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le sixième rapport périodique de la République dominicaine et les renseignements qu’il contient. Il apprécie l’occasion qui lui a été offerte de renouer un dialogue constructif avec la délégation de l’État partie au sujet des mesures prises pendant la période considérée pour appliquer les dispositions du Pacte. Il remercie l’État partie des réponses écrites (CCPR/C/DOM/Q/6/Add.1) apportées à la liste de points (CCPR/C/DOM/Q/6), des réponses qui ont été données oralement par la délégation et des renseignements complémentaires qui lui ont été communiqués par écrit.

B.Aspects positifs

3.Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption par l’État partie, durant la période considérée, de mesures législatives et institutionnelles relatives aux droits civils et politiques, notamment :

a)L’adoption de la loi organique no 5-13 sur l’égalité des droits des personnes handicapées, en 2013, et du règlement d’application de la loi, en 2016 ;

b)La mise en place du système de suivi des recommandations de l’Organisation des Nations Unies aux fins de la compilation des recommandations des organes de l’ONU ;

c)L’adoption de la loi organique no 590-16 sur la police nationale, en 2016, et du règlement relatif à l’usage de la force.

4.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments internationaux ci-après ou y a adhéré :

a)Le Deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, auquel l’État partie a adhéré le 21 septembre 2016 ;

b)le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, ratifié le 14 octobre 2016.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Mise en œuvre du Pacte et du Protocole facultatif s’y rapportant

5.Le Comité est préoccupé par le fait qu’aucune mesure n’a été prise pour mettre en œuvre ses constatations relatives aux communications no 193/1985 (Pierre Giry c. République dominicaine) et no 449/1991 (B. Mójica c. République dominicaine) et par les informations selon lesquelles la société civile a été peu consultée dans le cadre de l’établissement des rapports destinés au Comité. Il est également préoccupé par l’arrêt TC/0256/14 rendu en 2014 par le Tribunal constitutionnel déclarant inconstitutionnel l’instrument utilisé par l’État partie pour reconnaître la compétence de la Cour interaméricaine des droits de l’homme. Il est en outre préoccupé par le retard pris dans l’adoption du Plan national des droits de l’homme (art. 1er et 2).

6. L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour assurer le suivi effectif et la pleine application des constatations et des observations finales du Comité. Il devrait garantir la consultation large et ouverte de la société civile dans le cadre de l’établissement des rapports destinés au Comité et de la mise en œuvre des recommandations de celui-ci. Il devrait également redoubler d’efforts pour faire connaître le Pacte et le Protocole facultatif s’y rapportant au grand public, aux avocats, aux juges et aux procureurs. Le Comité appuie l’intention de l’État partie de reconnaître à nouveau la compétence de la Cour interaméricaine des droits de l’homme.

Institution nationale des droits de l’homme

7.Le Comité se félicite de la mise en place du Bureau du Défenseur du peuple en 2013. Il constate toutefois avec préoccupation que cette institution n’est pas totalement conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) et ne dispose pas d’une indépendance suffisante pour s’acquitter de son mandat. Il note également que son budget annuel n’est pas intégralement utilisé (art. 2).

8. L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour que le Bureau du Défenseur du peuple puisse s’acquitter de son mandat avec efficacité, en toute indépendance et en pleine conformité avec les Principes de Paris, en faisant notamment bon usage de son budget. Le Comité encourage le Bureau du Défenseur du peuple à poursuivre le processus d’accréditation auprès du Sous-Comité d’accréditation de l’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’homme.

Non-discrimination

9.Le Comité est préoccupé par l’absence de cadre juridique complet de lutte contre la discrimination et par les informations concernant la discrimination raciale systématique dont seraient victimes les personnes d’ascendance haïtienne, la vulnérabilité dans laquelle se trouvent les migrants haïtiens et les actes de violence et d’agression dont ils sont victimes. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles les personnes handicapées sont victimes de discrimination dans l’accès aux services de base, à l’éducation et à l’emploi, notamment par le faible taux d’emploi des femmes handicapées. Il est en outre préoccupé par les informations selon lesquelles les lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués feraient l’objet de discrimination, de violences et d’agressions, notamment de la part de la police, et en particulier par le taux élevé de violence à l’égard des personnes transgenres. Le Comité regrette l’absence d’informations sur les enquêtes menées, les poursuites engagées et les sanctions prononcées dans des affaires de discrimination et de violence envers ces personnes (art. 2, 3, 25, 26 et 27).

10. L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour assurer une protection complète contre la discrimination et pour éliminer de jure et de facto les stéréotypes et la discrimination envers les personnes d’ascendance haïtienne, notamment les migrants haïtiens, les personnes handicapées et les lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués, notamment en multipliant les programmes de formation à l’intention des forces de l’ordre et de sécurité et en augmentant le nombre de campagnes de sensibilisation visant à promouvoir la tolérance et le respect de la diversité. Il devrait également adopter des lois interdisant la discrimination et les crimes de haine fondés sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, et garantir la pleine reconnaissance de l’égalité des couples de même sexe et de l’identité légale des personnes transgenres. Il devrait en outre veiller à ce que les actes de discrimination et de violence commis par des particuliers ou des agents de l’État donnent systématiquement lieu à une enquête, à ce que les responsables reçoivent des peines appropriées et à ce que les victimes aient accès à une pleine réparation.

Égalité des droits entre hommes et femmes

11.Le Comité prend note des efforts que fait l’État partie pour donner effet au principe de l’égalité entre les hommes et les femmes, mais il est préoccupé par la faible participation des femmes à la vie politique et publique, ainsi que par leur sous-représentation dans le secteur public comme dans le secteur privé, en particulier aux postes de décision et de haut niveau, notamment dans les organes législatifs, au Gouvernement, dans la fonction publique, dans les partis politiques et au niveau international (art. 2, 3, 25 et 26).

12. L’État partie devrait redoubler d’efforts pour accroître la participation des femmes à la vie politique et publique, ainsi que leur représentation dans les secteurs public et privé, en particulier aux postes de décision et de haut niveau, en adoptant notamment, si nécessaire, des mesures spéciales temporaires pour donner pleinement effet aux dispositions du Pacte.

Violence à l’égard des femmes

13.Le Comité prend note des efforts importants que fait l’État partie pour combattre la violence à l’égard des femmes, notamment les initiatives du parquet et le Programme national de prévention et de répression de la violence du Ministère de la femme, mais il demeure préoccupé par les taux élevés de violence à l’égard des femmes, notamment le taux de violence familiale, et en particulier le nombre annuel toujours élevé de féminicides et de viols. Il est également préoccupé par le faible nombre de jugements et regrette l’absence de statistiques sur les condamnations prononcées pour ce type de violence, qui crée l’impunité pour les auteurs et fait obstacle à l’assistance, à la protection et à l’indemnisation des victimes. Le Comité est en outre préoccupé par les carences de la protection des victimes, notamment le nombre limité de foyers d’accueil, en particulier dans les zones rurales, où ils sont inexistants (art. 2, 3, 6, 7, 14 et 26).

14. L’État partie devrait poursuivre et intensifier ses efforts pour prévenir, combattre et réprimer tous les actes de violence à l’égard des femmes, et créer un registre national des statistiques. Il devrait faire en sorte que tous les fai t s de violence donnent rapidement lieu à des enquêtes approfondies et impartiales, que les auteurs soient poursuivis et sanctionnés, et que les victimes obtiennent pleine réparation. Il devrait également veiller à ce que toutes les victimes aient accès à une assistance et à une protection, notamment en créant des foyers accessibles dans tout le pays pour répondre à la demande existante, y compris dans les zones rurales. L’État partie devrait garantir la pleine mise en œuvre de programmes de formation à l’intention du personnel de la police et des institutions judiciaires.

Interruption volontaire de grossesse et droits en matière de procréation

15.Le Comité prend note des efforts que fait l’État partie pour lutter contre la mortalité maternelle, mais il est préoccupé par le fait que l’avortement constitue dans tous les cas une infraction pénale, passible d’une peine pouvant aller jusqu’à vingt ans d’emprisonnement, y compris lorsque la vie ou la santé de la femme ou de la fille enceinte est en danger et lorsque la conduite de la grossesse à son terme pourrait causer une souffrance ou un préjudice grave à la femme ou à la fille enceinte, en particulier dans les cas où la grossesse est le résultat d’un viol ou d’un inceste ou lorsque la grossesse n’est pas viable, avec pour conséquences un nombre élevé d’avortements non médicalisés et un taux élevé de mortalité maternelle. Il est également préoccupé par la persistance de taux élevés de grossesse chez les petites filles et les adolescentes, qui sont dus notamment au manque de services de santé procréative adéquats et à l’inadéquation et à l’insuffisance de l’information. Il est en outre préoccupé par les informations selon lesquelles des personnes handicapées seraient soumises à une stérilisation forcée (art. 2, 3, 6, 7, 17 et 26).

16. L’État partie devrait modifier sa législation afin de garantir l’accès légal, sûr et effectif à l’interruption volontaire de grossesse lorsque la vie ou la santé de la femme ou de la fille enceinte est en danger et lorsque la conduite de la grossesse jusqu’à son terme pourrait causer une souffrance ou un préjudice grave à la femme ou à la fille enceinte, en particulier dans les cas où la grossesse est le résultat d’un viol ou d’un inceste ou lorsque la grossesse n’est pas viable. En outre, l’État partie ne devrait pas, dans tous les autres cas, réglementer la grossesse ou l’avortement d’une manière qui serait contraire à son obligation de garantir que les femmes et les filles n’aient pas à recourir à des avortement non médicalisés, et devrait revoir en conséquence sa législation relative à l’avortement. Il ne devrait pas appliquer de sanctions pénales aux femmes et aux filles qui avortent ni aux prestataires de services médicaux qui les assistent, car de telles mesures obligent les femmes et les filles à recourir à des avortements non médicalisés. Il devrait également assurer le plein accès aux services de santé sexuelle et procréative et à l’éducation pour sensibiliser les hommes, les femmes et les adolescents dans tout le pays. De même, il devrait veiller à ce que toutes les procédures prévues pour obtenir le consentement entier et éclairé des personnes handicapées avant une stérilisation soient dûment suivies. À cette fin, l’État partie devrait dispenser une formation spéciale au personnel de santé pour lui permettre de mieux connaître les procédures d’obtention du consentement ainsi que les effets préjudiciables et les incidences de la stérilisation forcée.

Usage excessif de la force et exécutions extrajudiciaires

17.Le Comité accueille avec satisfaction le Code de déontologie de la police nationale et le règlement relatif à l’usage de la force, qui reprend certains principes importants des Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois. Il est préoccupé par les informations faisant état de brutalités policières et d’un usage excessif de la force de la part des agents des forces de l’ordre et des forces de sécurité, en particulier la police nationale. Il est également préoccupé par les informations faisant état d’un nombre élevé d’exécutions extrajudiciaires (art. 2, 6, 7, 10 et 14).

18. L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour lutter contre l’usage excessif de la force de la part des agents des forces de l’ordre et des forces de sécurité. Il devrait veiller à ce que le règlement relatif à l’usage de la force et sa mise en œuvre soient pleinement conformes aux normes internationales, notamment le Pacte et les Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois, et faire en sorte que les agents des forces de l’ordre et des forces de sécurité reçoivent une formation au sujet de ces normes et les appliquent dans la pratique. Il devrait veiller à ce que les cas de brutalités ou d’usage excessif de la force, notamment de la force létale, de la part d’agents des forces de l’ordre et des forces de sécurité fassent immédiatement et d’office l’objet d’une enquête, non seulement de la part du parquet mais aussi de la part d’un mécanisme indépendant, impartial et efficace, et à ce que les auteurs de ces actes soient dûment poursuivis et sanctionnés par des peines appropriées proportionnées à la gravité de l’infraction. Il devrait également veiller à ce que la responsabilité civile de l’État soit engagée dans toutes les affaires mettant en cause la police, notamment en modifiant l’article 61 de la loi organique sur la police nationale.

Interdiction de l’esclavage, du travail forcé et de la traite des personnes

19.Le Comité salue les efforts que fait l’État partie pour lutter contre la traite des êtres humains, la violence sexuelle et l’exploitation sexuelle. Toutefois, il est préoccupé par les informations faisant état de la persistance de ces phénomènes, qui touchent particulièrement les personnes vulnérables comme les femmes, les enfants et les personnes d’origine haïtienne. Il est également préoccupé par l’insuffisance des ressources mises à disposition pour apporter assistance et soutien aux victimes, notamment le nombre limité de foyers pour les victimes de la traite. Il est également préoccupé par les informations concernant la prévalence du travail des enfants, malgré les efforts déployés par l’État partie, en particulier dans les secteurs de la domesticité et de l’agriculture. Il est en outre préoccupé par les informations relatives à l’exploitation et au travail forcé, dont seraient victimes en particulier les travailleurs d’origine haïtienne, notamment dans le secteur sucrier (art. 3, 7, 8 et 24).

20. L’État partie devrait redoubler d’efforts pour combattre la traite des êtres humains, la violence sexuelle et l’exploitation sexuelle, et veiller à ce que les mesures qu’il a prises à cet effet soient mises en œuvre efficacement. Il devrait également faire en sorte que ces infractions fassent l’objet d’une enquête, que les responsables soient poursuivis et sanctionnés et que les victimes aient accès à des mesures appropriées de protection et d’assistance, notamment en mettant à leur disposition des foyers dans toutes les régions du pays. Il devrait intensifier ses efforts pour prévenir, combattre et réprimer le travail des enfants et le travail forcé, en particulier dans les secteurs de la domesticité et de l’agriculture. Il devrait garantir la mise en place de la protection juridique et le respect de la législation du travail, notamment au moyen d’une formation appropriée, de la réalisation d’inspections efficaces et de l’imposition de sanctions contre les employeurs.

Personnes privées de liberté et conditions de détention

21.Le Comité est préoccupé par les informations faisant état de la persistance de taux élevés de surpopulation carcérale et de mauvaises conditions de vie, en particulier dans les prisons relevant de l’ancien modèle carcéral, ainsi que par le recours insuffisant aux mesures de substitution à l’incarcération, comme la surveillance électronique et la remise en liberté (art. 6, 7, 9 et 10).

22. L’État partie devrait redoubler d’efforts pour améliorer les conditions de détention et réduire la surpopulation carcérale, notamment en modernisant son système pénitentiaire et en promouvant des mesures de substitution à la privation de liberté. Il devrait aussi veiller à ce que la détention préventive soit uniquement imposée à titre exceptionnel, en application d’une décision individualisée établissant qu’un tel placement en détention est raisonnable et nécessaire, et à ce qu’elle soit aussi brève que possible. De même, il devrait faire en sorte que les conditions de détention dans toutes les prisons du pays soient conformes à l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela).

Expulsions et non-refoulement

23.Le Comité est préoccupé par le nombre élevé d’expulsions de personnes d’origine haïtienne, ainsi que par les informations faisant état d’expulsions massives et arbitraires sans garanties procédurales, notamment dans le cas des reconduites à la frontière. Il est également préoccupé par le nombre extrêmement faible de personnes qui ont obtenu l’asile, par les critères d’admission restrictifs et par l’insuffisance des garanties procédurales offertes aux demandeurs d’asile ou de statut de réfugié, notamment les délais restrictifs de quinze jours pour présenter une demande et de sept jours pour faire appel d’une décision, ainsi que par l’insuffisance des informations fournies aux demandeurs d’asile sur leurs droits, ce qui les expose au risque d’être refoulés. Il juge également préoccupantes les informations selon lesquelles les migrants et les demandeurs d’asile ou de statut de réfugié seraient placés en détention de manière arbitraire et pour une durée indéterminée et leur accès à un avocat serait insuffisant. Le Comité est préoccupé en outre par les obstacles auxquels se heurtent les personnes qui ont obtenu le statut de réfugié ou l’asile et qui souhaitent bénéficier d’une protection permanente, notamment l’absence de documents permettant de régulariser leur séjour, ce qui leur fait courir le risque d’être expulsées et rend difficile l’accès aux services de base. Enfin, il est préoccupé par l’insuffisance de la formation reçue par les agents de l’immigration et du contrôle des frontières en ce qui concerne les normes internationales. S’il prend acte des informations fournies par l’État partie indiquant que les mineurs ne doivent pas être expulsés, le Comité est préoccupé par la situation de vulnérabilité dans laquelle se trouvent le grand nombre de migrants haïtiens mineurs non accompagnés remis au consulat haïtien ou au Conseil national de l’enfance et de l’adolescence (art. 2, 6, 7, 9, 13, 16, 24 et 26).

24. L’État partie devrait d’urgence prendre des mesures efficaces pour :

a) Revoir ses lois et ses pratiques de manière à garantir que les expulsions se déroulent conformément aux dispositions du Pacte et aux normes internationales, dans le strict respect d’une procédure régulière et du principe de non-refoulement ;

b) Assurer dans la pratique la protection des demandeurs d’asile et de statut de réfugié, y compris des migrants et des mineurs haïtiens ou non - haïtiens , conformément au Pacte et aux normes internationales, en particulier en révisant les critères d’admission et les procédures de demande d’asile et d’appel, et en délivrant systématiquement des documents d’identité reconnus aux réfugiés afin de les protéger contre toute expulsion indue et de leur assurer l’accès aux services de base ;

c) Éviter de placer les migrants et les demandeurs d’asile en détention de manière arbitraire et pour une durée non déterminée, veiller à ce qu’ils aient accès à un avocat et à l’information concernant leurs droits, y compris à la frontière, et proposer des solutions de substitution à la détention pour les demandeurs d’asile ou de statut de réfugié, en veillant à ce que la détention ne soit qu’une mesure de dernier ressort ;

d) Assurer la mise en œuvre de programmes de formation sur le Pacte, les normes internationales relatives à l’asile et aux réfugiés et les normes relatives aux droits de l’homme, à l’intention des agents de l’immigration et du contrôle des frontières ;

e) Publier des données statistiques sur le nombre de personnes qui ont demandé l’asile ou le statut de réfugié et sur le nombre de personnes auxquelles ce statut a été accordé ou refusé.

Apatridie

25.Le Comité regrette que, par son arrêt 0168/13 de 2013, la Cour constitutionnelle ait privé de la nationalité dominicaine plusieurs milliers de Dominicains, la plupart d’origine haïtienne, les rendant ainsi apatrides. Il prend note avec regret du refus de l’État partie d’admettre l’existence de cas d’apatridie et déplore que l’État partie n’ait pas donné effet à l’arrêt rendu par la Cour interaméricaine des droits de l’homme dans l’affaire Caso de personas dominicanas y haitianas expulsadas vs. República Dominicana, en août 2014. Le Comité est préoccupé par la situation du grand nombre de personnes de première génération et de leurs descendants qui ont été privés de leur nationalité dominicaine du fait de l’arrêt 0168/13 de la Cour constitutionnelle. S’il prend note de l’adoption de la loi no 169/14, qui vise à atténuer les conséquences de l’arrêt 0168/13, le Comité est préoccupé par la portée limitée de cette loi et par les obstacles supplémentaires qu’elle a créés, notamment en instaurant des procédures et des prescriptions excessives. À cet égard, il est préoccupé par la situation des personnes du groupe A qui n’ont pas encore reçu tous leurs documents relatifs à la nationalité, des personnes du groupe B qui attendent toujours d’être naturalisées pour recouvrer leur nationalité dominicaine et dont la naturalisation a été reportée, des personnes qui n’ont pas pu s’inscrire pendant le processus spécial d’enregistrement et des personnes nées entre le 18 avril 2007 et le 26 janvier 2010. Le Comité est également préoccupé par les allégations selon lesquelles certaines personnes du groupe A se seraient vu refuser le droit de voter aux dernières élections. S’il note que l’État partie a déclaré que tous les enfants avaient accès à l’enseignement primaire, le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les personnes qui n’ont pas de documents attestant leur nationalité dominicaine, y compris des enfants, n’auraient pas accès aux services de base, notamment l’éducation, l’emploi, le logement, la santé et la justice, et seraient privées de leurs droits civils et politiques (art. 2, 14, 16, 23, 24, 25 et 26).

26. L’État partie devrait d’urgence prendre des mesures efficaces pour :

a) Garantir la réintégration dans la nationalité dominicaine de toutes les personnes qui ont été concernées par l’arrêt 0168/13 de la Cour constitutionnelle, conformément aux dispositions du Pacte et des autres instruments internationaux pertinents, notamment en donnant suite à l’arrêt de la Cour interaméricaine des droits de l’homme d’août 2014. En particulier, l’État partie devrait veiller à ce que toutes les personnes du groupe A reçoivent leurs documents de nationalité afin qu’elles soient réintégrées dans la nationalité dominicaine, et à ce que toutes les personnes qui satisfont aux critères du groupe B retrouvent immédiatement leur nationalité dominicaine, notamment au moyen de mesures visant expressément les personnes du groupe B qui n’ont pas pu s’inscrire pendant le processus spécial d’enregistrement. Il devrait également publier régulièrement des informations actualisées sur toutes les personnes qui ont bénéficié de la loi 169/14 ainsi que celles qui ont reçu leurs documents d’identité ;

b) Prendre toutes les mesures nécessaires, de jure et de facto, pour prévenir et réduire les cas d’apatridie, notamment en envisageant d’adhérer à la Convention relative au statut des apatrides de 1954 et à la Convention sur la réduction des cas d’apatridie de 1961, comme l’avait précédemment recommandé le Comité (CCPR/C/DOM/CO/5, par .  22).

Indépendance du pouvoir judiciaire

27.Le Comité constate avec préoccupation que les mécanismes existants peuvent ne pas suffisamment garantir l’indépendance et la compétence de l’appareil judiciaire, notamment la non-ingérence d’autres pouvoirs dans le pouvoir judiciaire. À cet égard, il note avec préoccupation que la procédure de sélection et de nomination des juges ne permet pas de garantir effectivement leur indépendance, leur aptitude et leur intégrité (art. 14 et 26).

28. L’État partie devrait poursuivre ses efforts pour faire en sorte que le processus de sélection et de nomination des juges soit mené par un organisme indépendant et garantir l’indépendance, l’aptitude et l’intégrité des juges, y compris leur protection contre les ingérences politiques.

Corruption

29.Le Comité est préoccupé par les informations faisant état d’un niveau élevé de corruption dans l’État partie, à tous les échelons de l’administration, et notamment par les allégations concernant le versement de pots-de-vin pour accéder aux services de base et influencer les agents de l’État, et par l’impunité qui entoure parfois ces actes (art. 25).

30. L’État partie devrait redoubler d’efforts pour combattre et éliminer la corruption et l’impunité à tous les niveaux, notamment en diligentant des enquêtes, en particulier sous la conduite du ministère public, et en imposant des sanctions et des peines appropriées aux responsables, compte tenu des recommandations de la Conférence des États parties à la Convention des Nations Unies contre la corruption concernant le Code pénal, les pots-de-vin et le détournement de fonds de la part d’agents publics.

Liberté d’expression et d’association, et violence à l’égard des défenseurs des droitsde l’homme et des journalistes

31.Le Comité est préoccupé par les actes de violence et d’intimidation dont sont victimes les défenseurs des droits de l’homme et les journalistes, notamment ceux qui s’opposent à l’arrêt 0168/13 de la Cour constitutionnelle. Il regrette également l’absence d’informations sur les mesures prises pour garantir aux travailleurs migrants le droit de réunion pacifique et le droit à la liberté d’association, y compris la liberté syndicale, et pour que l’exercice de ces droits n’entraîne pas le licenciement ou l’expulsion des intéressés. Il est préoccupé en outre par les informations selon lesquelles des employeurs et des chefs d’entreprise empêcheraient l’exercice du droit à la liberté d’association et à la liberté syndicale (art. 6, 7, 19, 21 et 22).

32. L’État partie devrait poursuivre ses efforts pour garantir la protection effective des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme qui sont victimes de menaces et d’actes de violence et d’intimidation. Il devrait également faire en sorte que ces actes fassent rapidement l’objet d’enquêtes approfondies, indépendantes et impartiales, veiller à ce que les auteurs soient poursuivis et reçoivent des peines appropriées, et faire en sorte que les victimes bénéficient d’une assistance et d’une protection et obtiennent pleine réparation. L’État partie devrait en outre garantir aux travailleurs migrants la réalisation effective du droit de réunion pacifique et du droit à la liberté d’association, en veillant à ce que l’exercice de ces droits ne deviennent pas des motifs de licenciement ou d’expulsion. Il devrait prendre des mesures pour protéger efficacement le droit à la liberté d’association des travailleurs, y compris le droit syndical, le droit de négociation collective et le droit de grève.

Droits de l’enfant et certificats de naissance

33.Le Comité prend note des efforts faits par l’État partie pour accroître l’enregistrement des naissances, mais constate avec préoccupation que le taux d’enregistrement reste insuffisant, en particulier dans les cas où un des parents n’a pas la nationalité dominicaine. Il est également préoccupé par les informations concernant les critères excessifs auxquels est subordonné l’enregistrement des enfants d’ascendance haïtienne et les obstacles qui s’opposent à cet enregistrement, y compris lorsque l’un des parents est d’origine dominicaine, ce qui expose ces enfants au risque d’apatridie et limite l’exercice de leurs droits. Le Comité est également préoccupé par le fait que les enfants nés sur le territoire national de parents d’ascendance haïtienne ou de parents étrangers en situation irrégulière sont enregistrés comme étrangers. Il est aussi préoccupé par le nombre élevé de mariages d’enfants, en particulier dans les zones rurales et les régions touchées par la pauvreté (art. 16, 23 et 24).

34. L’État partie devrait poursuivre ses efforts pour faire en sorte que tous les enfants nés sur son territoire, y compris ceux qui ne sont pas nés à l’hôpital et ceux dont les parents n’ont pas la nationalité dominicaine, soient enregistrés et reçoivent un certificat de naissance officiel. Il devrait également veiller à ce que la nationalité dominicaine soit reconnue et accordée conformément au principe de non-discrimination. Il devrait en outre prendre les mesures nécessaires pour éliminer les mariages d’enfants, de jure et de facto, notamment en adoptant des mesures législatives instaurant l’interdiction absolue de tels mariages et en relevant l’âge minimum du mariage de 16 ans à 18 ans pour les deux contractants.

D.Diffusion et suivi

35.L’État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte, des deux Protocoles facultatifs s’y rapportant, de son sixième rapport périodique, des réponses écrites à la liste des points établie par le Comité et des présentes observations finales auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans le pays, ainsi qu’auprès du grand public, notamment des membres des communautés minoritaires et des peuples autochtones, afin de les sensibiliser aux droits consacrés par le Pacte.

36.Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie est invité à faire parvenir, au plus tard le 10 novembre 2019, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 10 (non-discrimination), 16 (interruption volontaire de grossesse et droits relatifs à la procréation) et 26 (apatridie).

37.Le Comité demande à l’État partie de lui soumettre son prochain rapport périodique le 10 novembre 2022 au plus tard et d’y faire figurer des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux présentes observations finales. Il demande également à l’État partie, lorsqu’il élaborera ce rapport, de tenir de vastes consultations avec la société civile et les organisations non gouvernementales présentes dans le pays. Conformément à la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le rapport ne devra pas dépasser 21 200 mots. L’État partie peut aussi indiquer au Comité, au plus tard le 10 novembre 2018, qu’il accepte d’établir son rapport en suivant la procédure simplifiée. En pareil cas, le Comité transmet une liste de points à l’État partie avant que celui-ci ne soumette son rapport. Les réponses de l’État partie à cette liste constitueront son rapport périodique suivant à soumettre en application de l’article 40 du Pacte.