Nations Unies

CAT/OP/ROU/1

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

8 mars 2018

Français

Original : anglais

Anglais, espagnol et français seulement

Sous-Co mité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Visite en Roumanie menée du 3 au 12 mai 2016 : observations et recommandations adressées à l’État partie

Rapport du Sous-Comité * , **

Table des matières

Page

I.Introduction3

II.Facilitation de la visite et coopération3

III.Représailles3

IV.Mise en œuvre du Protocole facultatif : le mécanisme national de prévention4

V.Problèmes fondamentaux6

A.Cadre normatif, institutionnel et politique6

B.Ressources9

C.Registres10

D.Séparation des détenus10

E.Torture et mauvais traitements10

F.Mécanismes de plainte12

G.Santé12

VI.Situation des personnes privées de liberté13

A.Détention par la police13

B.Institutions pénitentiaires15

C.Centres pour migrants et demandeurs d’asile19

D.Établissements psychiatriques19

VII.Suivi et diffusion22

Annexes

I.List of places of deprivation of liberty visited by the Subcommittee23

II.Officials and other persons with whom the delegation met25

I.Introduction

1.Conformément au mandat que lui confère le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a effectué sa première visite régulière en Roumanie du 3 au 12 mai 2016.

2.Les membres du Sous-Comité qui ont participé à la visite étaient les suivants : Aisha Shujune Muhammad (chef de la délégation), Suzanne Jabbour, Miloš Janković et Margarete Osterfeld. L’équipe était secondée de trois spécialistes des droits de l’homme du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), d’agents de sécurité de l’Organisation des Nations Unies (ONU) et d’interprètes.

3.La délégation a fait 30 visites, dont deux de suivi, dans des lieux de privation de liberté. Elle s’est rendue dans des commissariats de police, des prisons, des centres d’hébergement pour migrants et demandeurs d’asile, des maisons de retraite, des foyers pour enfants de type familial et des établissements psychiatriques (voir annexeI). Les membres de la délégation ont tenu des réunions avec les autorités roumaines compétentes, avec l’Avocat du peuple, avec des représentants du mécanisme national de prévention, avec des membres de la société civile et avec le Représentant de l’ONU en Roumanie (voir annexe II).

4.À la fin de la visite, la délégation a soumis oralement ses observations préliminaires confidentielles aux autorités roumaines. Dans le présent rapport, le Sous-Comité présente ses conclusions et recommandations concernant la prévention de la torture et des mauvais traitements des personnes privées de liberté en Roumanie. L’expression « mauvais traitements » est ici utilisée au sens générique et vise toutes les formes de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

5.Le rapport du Sous-Comité demeurera confidentiel jusqu’au moment où les autorités roumaines décideront de le rendre public, conformément au paragraphe 2 de l’article 16 du Protocole facultatif. Le Sous-Comité appelle l’attention de l’État partie sur le Fonds spécial créé en application du Protocole facultatif et sur le fait qu’il peut invoquer les recommandations formulées par le Sous-Comité dans ses rapports de visite rendus publics pour demander que des projets soient soutenus financièrement par le Fonds.

6. Le Sous-Comité recommande à la Roumanie de rendre public le présent rapport conformément au paragraphe 2 de l ’ article 16 du Protocole facultatif. Il lui recommande également de distribuer le rapport à tous les services gouvernementaux et établissements publics concernés.

II.Facilitation de la visite et coopération

7.Le Sous-Comité tient à remercier les autorités roumaines de leur coopération et de leur contribution au bon déroulement de sa visite. Il souhaite en particulier remercier le Gouvernement roumain pour toutes les informations qu’il a fournies avant et après la visite, pour avoir délivré des autorisations d’accès sans restriction aux lieux de détention et pour avoir facilité la coordination sur le terrain. Les autorités ont permis au Sous-Comité d’accéder à tous les lieux qu’il a visités et la délégation a pu s’entretenir en privé avec les interlocuteurs de son choix dans tous les centres de détention visités.

III.Représailles

8.Le Sous-Comité s’inquiète du risque de représailles auquel sont exposées les personnes avec lesquelles il s’est entretenu. Il tient à souligner que toute forme d’intimidation ou de représailles envers des personnes privées de liberté constitue une violation de l’obligation qui incombe à l’État partie de coopérer avec le Sous-Comité en vertu du Protocole facultatif. Conformément à l’article 15 du Protocole facultatif, leSous-Comité demande aux autorités roumaines de faire en sorte que nul ne soit l’objet de représailles à la suite de la visite de sa délégation. À cet égard, il appelle l’attention des autorités roumaines sur sa politique concernant les représailles en lien avec son mandat d’inspection (CAT/OP/6/Rev.1).

9. Le Sous-Comité condamne catégoriquement tout acte de représailles. Il souligne que les personnes qui fournissent des informations à des institutions ou des organismes nationaux ou internationaux ou coopèrent avec eux ne doivent pas être punies ni pénalisées pour l ’ avoir fait. Le Sous-Comité demande à être tenu informé des mesures que l ’ État partie a adoptées pour empêcher les représailles et pour enquêter sur tous les éventuels cas de représailles. En outre, il prie l ’ État partie de lui donner dans sa réponse des informations détaillées sur les mesures qu ’ il aura prises pour protéger d ’ éventuelles représailles les personnes que la délégation a rencontrées, ou auxquelles elle a rendu visite ou qui lui ont donné des renseignements pendant sa visite, et de décrire ce qu ’ il aura fait pour enquêter sur les allégations de représailles.

IV.Mise en œuvre du Protocole facultatif : le mécanisme national de prévention

10.La Roumanie a ratifié le Protocole facultatif le 2 juillet 2009 et, lors de la ratification, a suspendu la mise en œuvre des obligations découlant de la quatrième partie du Protocole facultatif pour une période de trois ans. En 2012, la Roumanie a demandé au titre du paragraphe 2 de l’article 24 du Protocole facultatif que cette suspension soit prorogée de deux ans. Par la loi no 181 du 28 décembre 2014, le Parlement roumain a adopté le décret d’urgence no 48 (2014) désignant l’Avocat du peuple comme mécanisme national de prévention et a modifié la loi portant création de l’Avocat du peuple (loi no 35 de 1997) en y mentionnant la fonction de mécanisme national de prévention.

11.Lorsqu’ils se livrent à des activités propres au mandat de prévention de la torture, les membres de l’équipe qui se rendent dans les lieux de détention sont indépendants. Le Sous-Comité note qu’en dehors de dispositions générales indiquant que l’Avocat du peuple est indépendant des autres pouvoirs publics, il n’est pas fait mention de l’indépendance du mécanisme national de prévention ni de celle de ses membres.

12.Le Sous-Comité note avec préoccupation que le manque d’autonomie budgétaire a des effets globalement négatifs sur l’indépendance du mécanisme national de prévention. Comme ses fonds proviennent du budget général du bureau de l’Avocat du peuple, le mécanisme a des difficultés à obtenir des ressources suffisantes, ce qui nuit à son bon fonctionnement. Par exemple, le mécanisme ne peut pas prendre en charge les frais de transport liés aux visites des lieux de détention et les fonctionnaires ne peuvent se livrer à aucune autre activité.

13. Le Sous-Comité rappelle à l ’ État partie qu ’ en vertu du paragraphe 3 de l ’ article 18 du Protocole facultatif, il est légalement tenu de fournir des ressources financières et humaines suffisantes au mécanisme national de prévention. Il souhaite être informé des mesures que l ’ État partie compte prendre à cet effet.

14. Le Sous-Comité recommande au Gouvernement roumain de fournir au mécanisme national de prévention des ressources humaines et financières suffisantes pour qu ’ il puisse s ’ acquitter efficacement de ses fonctions en créant une ligne budgétaire spécifique, et d ’ accorder au mécanisme l ’ autonomie institutionnelle lui permettant d ’ utiliser ses ressources. Le mécanisme national de prévention devrait disposer des ressources nécessaires à son bon fonctionnement et jouir d ’ une autonomie financière et opérationnelle totale dans l ’ exercice de ses fonctions au titre du Protocole facultatif. Les fonds devraient être prévisibles, pour que le mécanisme puisse élaborer son plan de travail annuel et planifier ses visites et ses activités de coopération avec d ’ autres partenaires suffisamment à l ’ avance.

15.D’après des informations reçues pendant la visite, le mécanisme national de prévention mène les types de visites suivants : d’office, à partir d’un plan de visites annuel ou de façon inopinée ; sur la base d’une demande ; ou lorsqu’il a connaissance d’une situation dans laquelle des actes de torture ou des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants se produisent dans un lieu de détention. L’équipe qui mène les visites comprend au moins un médecin et un représentant d’une organisation non gouvernementale (ONG) qui est choisi par l’Avocat du peuple.

16. Le Sous-Comité se félicite de la coopération qui s ’ est instaurée entre le mécanisme national de prévention et les organis ations de la société civile. Il  recommande à l ’ État partie d ’ encourager le mécanisme à collaborer de façon plus directe et indépendante avec les organisations de la société civile, notamment et à tout le moins en les associant davantage à ses visites, à la rédaction des rapports et au dialogue avec les autorités.

17.En tant que chef du mécanisme national de prévention, le Médiateur adjoint est chargé du mandat de prévention de la torture et élabore le rapport annuel du mécanisme, qui est inclus dans le rapport annuel de l’Avocat du peuple et donc soumis à l’approbation de ce dernier. La nécessité d’obtenir l’approbation de l’Avocat du peuple et l’inclusion du rapport du mécanisme dans le rapport annuel de l’Avocat du peuple peuvent compromettre l’indépendance réelle ou supposée du mécanisme.

18.Lorsqu’ils ont rencontré les autorités et se sont rendus dans des lieux de privation de liberté, les membres de la délégation ont constaté qu’il n’y avait aucune politique cohérente de suivi de l’application des recommandations formulées par le mécanisme national de prévention à l’issue de ses visites. Le mécanisme devrait être encouragé à élaborer une stratégie concernant la publication de ses rapports de visite et leur présentation aux autorités afin que ces documents puissent être utilisés comme base de dialogue.

19. Les autorités de l ’ État et le mécanisme national de prévention devraient nouer un véritable dialogue permanent pour que les recommandations du mécanisme soient appliquées. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de publier et de diffuser largement les rapports annuels du mécanisme. Il invite instamment l ’ État partie à mettre en place un cadre institutionnel pour examiner les rapports de visite du mécanisme et en suivre l ’ application.

20.Le Sous-Comité croit comprendre que tout détenu a le droit de soumettre une requête aux services de l’Avocat du peuple. C’est le titulaire officiel du mandat de prévention de la torture qui connaît des requêtes concernant des allégations d’actes de torture, de peines ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le Sous-Comité a été informé qu’en 2015, le bureau de l’Avocat du peuple avait enregistré 461 requêtes et mené 36 enquêtes dans des lieux de détention.

21.Le Sous-Comité est préoccupé par la manière dont le mécanisme national de prévention envisage l’approche préventive prescrite dans le Protocole facultatif. Il lui semble essentiel que le mécanisme définisse et expose une vision claire de son approche de la prévention de la torture et qu’il s’appuie sur des stratégies globales pour s’acquitter pleinement de son mandat de prévention. Afin d’éviter toute confusion entre les mandats et tout double emploi, il faudrait que l’Avocat du peuple fasse une distinction claire entre le mandat du mécanisme national de prévention et ses autres attributions. Les requêtes individuelles devraient être traitées par l’Avocat du peuple et ne devraient pas relever du mandat du mécanisme.

22.Le Sous-Comité souligne que le mécanisme national de prévention devrait compléter plutôt que remplacer les systèmes de surveillance existants en Roumanie, et son fonctionnement devrait faciliter une coopération et une coordination efficaces entre les dispositifs de prévention dans ce pays. Le mécanisme national de prévention, en coopération avec l’Avocat du peuple, devrait faire une distinction claire entre les mandats de ces deux organes afin que chacun d’entre eux puisse s’acquitter pleinement et efficacement de son mandat.

23. Le Sous-Comité recommande au mécanisme national de prévention de mettre l ’ accent non seulement sur la visite des lieux de privation de liberté mais aussi sur d ’ autres activités de prévention. Il lui recommande également d ’ élaborer un plan de travail annuel comprenant toutes les activités préventives, dont l ’ élaboration d ’ observations portant sur les projets de loi, la sensibilisation et la formation.

24.Le Sous-Comité a constaté que le mécanisme national de prévention était peu connu des autorités, des personnes privées de liberté et des représentants d’organisations de la société civile, ce qui risquait de nuire à son efficience et à son efficacité. Dans la plupart des lieux de privation de liberté ni l’administration ni les personnes détenues ne connaissaient l’existence du mécanisme et des visites qu’il effectuait. En outre, le Sous-Comité estime que dans des lieux de détention, certains agents n’étaient pas bien informés des recommandations du mécanisme, tandis que d’autres n’avaient reçu aucune information de la part du mécanisme, même après une visite de leur établissement. Le Sous-Comité constate aussi avec préoccupation que le mécanisme ne peut pas garantir à ses interlocuteurs qu’ils ne subiront pas de représailles.

25. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie d ’ améliorer la visibilité du mécanisme national de prévention, notamment en menant des activités destinées à mieux faire connaître le Protocole facultatif et le mandat du mécanisme. Les recommandations du mécanisme devraient faire l ’ objet de débats et de dialogues nourris. À cette fin, le Sous-Comité recommande au mécanisme de renforcer ses activités d ’ information auprès des établissements dans lesquels des personnes sont privées de liberté, en collaboration avec les ministères compétents et avec les législateurs. Il recommande également à l ’ État partie de favoriser de tels échanges. En outre, le mécanisme national de prévention devrait participer aux initiatives législatives et aux activités de plaidoyer, comme le prévoit l ’ article  19 du Protocole facultatif ce qui améliorerait la visibilité générale du mécanisme.

26. Le Sous-Comité recommande également d ’ élaborer de nouveaux matériels sur le mandat du mécanisme national de prévention et sur ses activités, et de les distribuer au personnel des lieux de privation de liberté et aux détenus, ainsi qu ’ à l ’ ensemble de la société civile.

27. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de renforcer les capacités des nouveaux membres du mécanisme national de prévention et d ’ intensifier les activités de formation s ’ adressant à tous ceux qui participent à l ’ action du mécanisme. Il recommande également au mécanisme de continuer à renforcer ses capacités en coopérant plus activement avec le Sous-Comité et en dialoguant avec les autres mécanismes nationaux de prévention et avec les réseaux appropriés de mécanismes nationaux de prévention.

V.Problèmes fondamentaux

A.Cadre normatif, institutionnel et politique

28.Le Sous-Comité salue le cadre juridique global en matière de prévention de la torture, qui est dans une large mesure satisfaisant, et félicite la Roumanie d’avoir entrepris de nombreuses réformes législatives. De manière générale, la définition de la torture dans le droit national, les garanties juridiques existantes contre la torture et les mauvais traitements, et la protection juridique des droits des personnes privées de liberté respectent les normes internationales en la matière. Toutefois, le Sous-Comité est gravement préoccupé par le décalage important que l’on constate fréquemment entre le cadre juridique en place et son application dans la pratique, nombre de protections juridiques n’étant apparemment pas appliquées de façon cohérente.

29.La délégation a constaté qu’un nombre considérable de personnes privées de liberté ne disposaient pas d’informations sur les charges retenues contre elles ou sur l’état d’avancement de leur affaire, bien que tous les détenus interrogés aient été représentés par des avocats commis d’office. Des informations sur les droits des détenus étaient certes généralement disponibles dans les quartiers pénitentiaires, mais elles se limitaient à une compilation de lois qui étaient incompréhensibles pour la plupart et qui n’étaient disponibles dans aucune des langues étrangères ou minoritaires du pays, notamment dans les centres réservés aux ressortissants étrangers. La délégation a, cependant, trouvé encourageant de voir que des écrans LCD présentant la législation interne et une sélection d’instruments internationaux concernant les droits des détenus avaient été installés dans les pièces communes de certaines prisons visitées.

30. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour mettre pleinement en œuvre sa législation nationale relative à la prévention de la torture. Il recommande à la Roumanie de veiller à ce que des instructions soient données aux agents chargés de la mise en détention pour que soit garanti le respect effectif et systématique du droit de toute personne privée de liberté d ’ être informée oralement et par écrit, dès le début de la détention, de la raison de son arrestation et de ses droits pendant sa détention, dans un langage simplifié et dans une langue qu ’ elle peut comprendre. Ces informations devraient notamment porter sur toute possibilité de grâce, de commutation de peine, de libération conditionnelle, de libération et de toute autre forme de libération anticipée. Il recommande également l ’ élaboration, la diffusion et la distribution d ’ affiches, de brochures et d ’ autres supports d ’ information renseignant les détenus sur leurs droits dans un langage clair et facile à comprendre .

31.La délégation a constaté que de nombreux détenus interrogés avaient été fortement encouragés à passer aux aveux lors de leur arrestation ou au début de la détention pour réduire leur peine d’emprisonnement, comme le prévoient les articles 374 4) et 39610) du Code de procédure pénale. Bien que, dans le cas d’un aveu, le Code requière des preuves corroborant l’infraction, la délégation note avec préoccupation que les dispositions susmentionnées peuvent amener la justice et les forces de l’ordre à accorder trop de poids aux aveux.

32. Le Sous-Comité recommande à la Roumanie de garantir l ’ accès des détenus à un avocat de leur choix, dès leur arrestation, ainsi que leur droit à être assistés de leur avocat lors des interrogatoires. L ’ État partie devrait développer et renforcer le système d ’ aide juridictionnelle, actuellement surchargé, de manière à assurer une représentation juridictionnelle efficace et de qualité pour tous les détenus, sur un pied d ’ égalité  ; il devrait également envisager de modifier le Code de procédure pénale en vue d ’ en retirer toute disposition qui pourrait inciter à l ’ extorsion d ’ aveux.

33.Le Sous-Comité note avec préoccupation qu’en application de l’article 31 de la loi no 218 de 2002, des personnes peuvent faire l’objet d’une détention administrative pendant vingt-quatre heures dans un poste de police sans garanties suffisantes, ce qui rend les détenus vulnérables face à des mauvais traitements et à des actes de torture de la part d’officiers de police. À cet égard, le Sous-Comité prend acte des conclusions du Rapporteur spécial sur l’extrême pauvreté et les droits de l’homme en ce qui concerne les exactions policières, particulièrement à l’encontre des Roms (voir A/HRC/32/31/Add.2, par. 24 à 29), ainsi que des informations fournies par les organisations de la société civile qui indiquent que les groupes vulnérables et marginalisés sont les plus touchés, notamment les Roms, les sans‑abri, les travailleurs du sexe, les toxicomanes et les personnes transgenres. Étant donné que la plupart des personnes font des déclarations au moment de leur arrestation ou au début de leur détention et qu’un grand nombre passent aux aveux, les garanties entourant le placement en détention par la police sont insuffisantes et cette situation est extrêmement préoccupante.

34. Le Sous-Comité recommande que les personnes privées de liberté bénéficient des garanties fondamentales, notamment le droit d ’ informer un tiers de leur détention et d ’ être assistées d ’ un avocat sans délai après la mise en détention initiale ou l ’ arrestation ainsi qu ’ après tout transfèrement d ’ un lieu de détention à un autre.

35.Le Sous-Comité note que la réforme pénale qui a mené à l’adoption du nouveau Code pénal et du nouveau Code de procédure pénale (en vigueur depuis février 2014) a introduit des dispositions concernant la mise à l’épreuve, la libération anticipée et les solutions de substitution à la détention. Au vu du taux élevé de récidive, le Sous-Comité salue avec satisfaction l’adoption en 2015 d’une Stratégie nationale de réinsertion sociale des personnes privées de liberté pour la période 2015-2019 et les mesures prises afin d’augmenter les capacités des institutions au sein des systèmes judiciaire et pénitentiaire dans le domaine de la réinsertion sociale.

36.Bien que des solutions de substitution à la détention aient été instaurées récemment, les entretiens avec des prévenus et des condamnés, ainsi que l’examen des dossiers montrent que les bénéfices de cette modification de la législation et de la politique n’ont pas encore eu d’effet pour la majorité des personnes ayant affaire avec la justice. La délégation a en particulier noté avec grande inquiétude que les détentions avant jugement ne semblaient pas toujours être une mesure de dernier recours, y compris pour les personnes de moins de 18 ans.

37.Le Sous-Comité se félicite que les problèmes liés à la surpopulation carcérale et aux conditions matérielles dans les établissements pénitentiaires soient reconnus par l’État partie et soient considérés comme des priorités du Gouvernement. En dépit de récents progrès en la matière, la délégation a observé que la surpopulation demeurait un problème grave dans la plupart des établissements visités et resterait difficile à combattre tant que l’État partie ne se détacherait pas clairement de sa culture de l’incarcération et ne tendrait pas à la création de solutions de substitution à l’incarcération dans les systèmes de justice pénale, de sécurité sociale et de santé.

38. Le Sous-Comité note que la détention devrait toujours être envisagée en dernier recours pour tout individu, mais plus particulièrement pour les personnes âgées de moins de 18 ans . Il demande instamment à l ’ État partie d ’ utiliser plus volontiers les substitutions à la détention, telles que la mise à l ’ épreuve, la libération sous caution, la médiation, le travail d ’ intérêt général et les condamnations à des peines avec sursis. Les personnes accusées d ’ un délit ne devraient pas être maintenues en prison à moins que la gravité du délit, le risque que l ’ accusé prenne la fuite ou ne se présente pas au tribunal, le besoin de protéger la population ou le risque de subornation de témoins ou de soustraction de preuves n ’ en décident autrement. L ’ État partie devrait également garantir que des critères clairs pour l ’ incarcération dans les systèmes de justice pénale, de sécurité sociale et de santé soit établis, que le cas de chaque personne incarcérée soit examiné pour déterminer si les conditions d ’ incarcération sont remplies, et que les solutions de substitution à la privation de liberté soient disponibles plus facilement et efficacement. L ’ État partie devrait également poursuivre ses efforts pour améliorer la réinsertion sociale des détenus en vue de diminuer le taux de récidive et la population pénitentiaire.

39.Le Sous-Comité note qu’en vertu de la législation, une libération conditionnelle peut être octroyée si le condamné a purgé au moins les deux tiers de sa peine, si celle-ci est inférieure à dix ans, ou au moins les trois quarts de sa peine, si elle va de dix à vingt ans de réclusion. Une libération conditionnelle peut être octroyée en fonction de l’âge du détenu et de la durée de la peine considérée comme purgée en raison du travail fourni en détention. Toutefois, la délégation a eu vent de nombreuses plaintes concernant le refus et le report de l’application d’une liberté conditionnelle, même pour les primo-délinquants condamnés à des peines plutôt légères. Les détenus interrogés ne comprenaient souvent pas les raisons du report de leur demande, le trouvaient injuste et avaient l’impression d’avoir travaillé des années pour rien, ce qui suscitait un sentiment d’injustice entraînant de la frustration. De nombreux détenus interrogés se sont également dit préoccupés par la discrimination envers une vaste majorité des détenus qui n’ont pas la possibilité de travailler ou de se former faute de possibilités au sein du système pénitentiaire.

40. Afin de faire reculer la surpopulation carcérale, le Sous-Comité recommande à l ’ État partie d ’ envisager systématiquement la possibilité d ’ une libération conditionnelle si les prescriptions légales sont satisfaites. Il devrait également revoir la procédure d ’ examen des demandes de libération conditionnelle par la Commission des libérations conditionnelles et les tribunaux afin d ’ en garantir la transparence et l ’ impartialité. Toute décision de rejet ou de report d ’ une demande de libération conditionnelle devrait être dûment motivée et notifiée au détenu en vue d ’ un recours éventuel. L ’ État partie devrait également envisager de modifier sa législation en matière de libération conditionnelle, afin que les détenus qui n ’ ont pas pu travailler en l ’ absence de possibilités de travail ne soient pas victimes de discrimination.

B.Ressources

41.La délégation a constaté que le manque de ressources humaines et financières pour assurer l’administration des lieux de privation de liberté était un problème grave qu’il fallait régler immédiatement. La pénurie de personnel dans tous les domaines, y compris le système pénal, le système de justice pénale, le système de sécurité sociale et le système de santé, est chronique.

42.La délégation a noté que les membres du personnel pénitentiaire n’avaient souvent aucune connaissance des normes, des pratiques et des protocoles internationaux dans le domaine des droits de l’homme, qu’ils devraient pourtant utilisés dans le cadre de leur travail. Le personnel médical ne connaît pas notamment le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocol d’Istanbul), outil clef pour identifier et documenter les cas de torture et de mauvais traitements. Une éducation et une formation à ce sujet sont requises non seulement pour garantir l’établissement des responsabilités, mais aussi pour prévenir les violations des droits de l’homme et promouvoir une culture de respect de la dignité humaine.

43. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie d ’ augmenter sensiblement et urgemment les investissements dans les ressources humaines aussi bien en termes d ’ effectif qu ’ en termes de qualité, particulièrement en ce qui concerne le personnel de sécurité, les psychologues, les travailleurs sociaux et le personnel médical . Les autorités devraient évaluer périodiquement la proportion d ’ agents pénitentiaires par rapport au nombre de détenus pour garantir l ’ efficacité des services fournis et des activités d ’ éducation, de formation et d ’ emploi. Il devrait également revoir l ’ ensemble des rémunérations proposées pour qu ’ elles soient attrayantes et prennent en considération la nature spécifique du travail. Le personnel devrait avoir accès à une formation spécifique au stress et à la gestion des risques, et devrait pouvoir bénéficier d ’ une aide ou d ’ un soutien psychologique. Une formation aux normes, pratiques et protocoles relatifs aux droits de l ’ homme, y compris le Protocole d ’ Istanbul, les Principes de base sur le recours à la force et l ’ utilisation des armes à feu par les responsables de l ’ application des lois et l ’ Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela), devrait être fournie au personnel pénitentiaire, y compris le personnel médical et les membres des services de sécurité .

C.Registres

44.Bien que la délégation félicite l’État partie d’avoir initié un projet dans certaines institutions permettant d’accéder aux registres des personnes incarcérées par une base de donnée électronique, elle a constaté que la fragmentation et la dispersion des informations, notamment les allégations d’incidents dont ont été victimes les personnes, ont rendu difficile voire impossible de retracer la procédure de détention et de comprendre la nature de ces allégations. Le Sous-Comité rappelle que la tenue de registres de détention complets et fiables est l’une des garanties fondamentales contre la torture et les mauvais traitements, et une condition préalable du respect effectif des garanties procédurales, telles que le droit de comparaître rapidement devant un juge et le droit de contester la légalité de la détention.

45. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie d ’ étendre son projet à toutes les institutions, d ’ accélérer la numérisation des registres de détention et de s ’ assurer que les informations sur les détenus soient rapidement enregistrées. Ce faisant, les registres papier devraient être simplifiés et harmonisés, et tous les renseignements sur les détenus devraient être systématiquement disponibles dans un système centralisé .

D.Séparation des détenus

46.La délégation a constaté que les différentes catégories de prisonniers n’étaient pas séparées en fonction de leur statut, leur casier judiciaire, les motifs de leur détention, leur âge, leurs besoins spécifiques ou les nécessités de leur traitement. Lors de la détention au poste de police, les primo-délinquants n’étaient pas séparés des récidivistes et les enfants étaient parfois enfermés avec les adultes.

47.Dans les prisons visitées, les prévenus n’étaient pas séparés des prisonniers condamnés et ceux atteints d’une maladie infectieuse ou contagieuse n’étaient pas séparés des détenus en bonne santé et donc placés en quarantaine ; la situation était parfois la même pour les personnes placées en détention provisoire. En outre, la délégation a remarqué que les fumeurs étaient détenus avec les non-fumeurs. Elle a également constaté avec inquiétude que, en ce qui concerne la répartition des prisonniers dans les différents régimes, la gravité de l’infraction et la vulnérabilité du détenu, par exemple des jeunes prisonniers ou de ceux souffrant de troubles psychologiques ou d’incapacité mentale, n’avaient pas été dûment prises en compte.

48. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de garantir la séparation effective de tous les détenus mineurs et majeurs, des hommes et des femmes, des prévenus et des condamnés, et de séparer les détenus en fonction de la gravité des infractions commises . En outre, les besoins particuliers de traitement et de soins médicaux des personnes souffrant de maladies infectieuses ou contagieuses devraient être pris en compte, et les fumeurs devraient être séparés des non-fumeurs. Des mesures devraient également être prises pour protéger les personnes vu lnérables privées de liberté, y  compris les enfants, les jeunes, les personnes souffrant de troubles psychologiques ou mentaux et d e handicaps physiques, les minorités et les personnes marginalisées.

E.Torture et mauvais traitements

49.Dans les postes de police visités, la grande majorité des détenus qu’a rencontrés la délégation n’avaient jamais été victimes de mauvais traitements. La délégation n’a pas reçu la moindre allégation et n’a trouvé aucune preuve de mauvais traitements infligés par le personnel de sécurité dans les centres de détention, y compris provisoire, visités.

50.La délégation a toutefois été informée d’une allégation de mauvais traitements physiques (coups à la tête) qui auraient été commis lors d’une arrestation par les forces spéciales de la Direction des enquêtes relatives au crime organisé et au terrorisme. Des preuves médicales qui concordent avec le témoignage ont été consignées dans le dossier médical du détenu.

51.Dans certaines prisons visitées, la délégation a reçu plusieurs témoignages convergeant sur des mauvais traitements physiques, mentaux ou sexuels infligés à des détenus par le personnel de sécurité, en particulier des membres des unités spéciales d’intervention, ou par d’autres détenus avec, dans certains cas, la complicité du personnel pénitentiaire. À Iași en particulier, la délégation a relevé avec grande préoccupation une culture de la peur et de la violence, où les personnes vulnérables, particulièrement les enfants, les jeunes, les personnes pauvres, celles sans famille, les analphabètes, les personnes appartenant à des groupes marginalisés ou minoritaires étaient fréquemment battues et maltraitées physiquement et sexuellement dans les cellules, les couloirs et les cages d’escaliers qui n’étaient pas surveillés par des caméras. Le Sous-Comité constate qu’il pourrait s’agir là d’une stratégie de contrôle servant à compenser le manque de personnel et de surveillance. Cela n’est cependant pas acceptable.

52.La délégation s’est entretenue avec de jeunes détenus qui en sont arrivés à s’automutiler en se faisant des entailles profondes dans le bras ou d’autres parties du corps pour ne pas se faire battre par des membres des unités spéciales d’intervention.

53.En outre, la délégation a constaté une surpopulation et des conditions matérielles déplorables dans plusieurs établissements pénitentiaires, ce qui équivaut à un traitement cruel, inhumain et dégradant.

54. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie :

a) D e veiller à ce que toutes les formes de violence, de torture et de mauvais traitements fassent l ’ objet d ’ une enquête approfondie et impartiale, et à ce que les responsables soient poursuivis pour torture et mauvais traitements comme le prévoient les articles 281 et 282 du Code pénal ;

b) D e fournir au personnel médical, aux forces de l ’ ordre, aux juges, aux avocats et aux procureurs la formation nécessaire pour leur permettre de reconnaître les signes de tortu re et de mauvais traitements, y  compris une formation à l ’ utilisation du Protocole d ’ Istanbul  ;

c) D e garantir que les unités spéciales d ’ intervention soient utilisées uniquement en tant qu ’ équipe d ’ intervention d ’ urgence. L ’ usage de la force devrait toujours être une solution de dernier recours et la force ne devrait être utilisée que si elle n ’ est nécessaire, proportionnelle et progressive, et si elle n ’ est pas excessive et arbitraire. Chaque agent des unités spéciales d ’ intervention devrait être muni d ’ une caméra lorsqu ’ il interagit avec les détenus à l ’ intérieur ou à l ’ extérieur de l ’ établissement. Des caméras de vidéosurveillance devraient être installées dans tous les espaces communs et les données enregistrées devraient être stockées pendant une période suffisante ;

d) D e prendre des mesures concrètes pour protéger les prisonniers les plus vulnérables et marginalisés et de leur garantir un accès à une procédure de plainte qui soit adaptée à leurs besoins, notamment ceux des enf ants, et qui soit accessible et  fiable ;

e) D e respecter l ’ interdiction formelle de toute forme de violence à l ’ encontre des enfants, et les stratégies d ’ éducation et de réinsertion des enfants en conflit avec la loi, comme le prévoit la Convention relative aux droits de l ’ enfant ;

f) D e poursuivre et d ’ accroître leurs efforts pour améliorer les conditions de détention dans les lieux de privation de liberté.

F.Mécanismes de plainte

55.Le Sous-Comité constate que, sur les 8 634 plaintes déposées entre 2013 et 2015 pour actes de torture, enquête abusive, mauvais traitements et comportement abusif, infractions pénales visées aux articles 280 à 282 et 296 du Code pénal, seuls 22 actes d’accusation pour comportement abusif (art. 296 du Code pénal en vigueur, art. 250 de l’ancien Code pénal) et deux pour enquête abusive (art. 280 du Code pénal en vigueur, art. 266 de l’ancien Code pénal) ont été émis. Il est préoccupé de ce qu’aucune poursuite n’ait abouti à des condamnations pour actes de torture ou mauvais traitements, soit en vertu de l’ancien Code pénal, soit en vertu du Code pénal en vigueur depuis 2013.

56.Tout en prenant note de l’existence de différents mécanismes de surveillance, le Sous-Comité est préoccupé par le manque d’efficacité des procédures de plainte ainsi que par le fait que, d’une manière générale, l’État ne réagit pas comme il convient aux allégations de torture et de mauvais traitements et ne conduit pas les enquêtes nécessaires.

57.La délégation a constaté que dans les différents lieux de détention, les détenus étaient peu informés des procédures de plainte existantes, voire pas du tout. Ces mécanismes sont largement perçus comme inefficaces, non indépendants et inutiles car ils ne permettent pas aux plaignants d’être entendus sur le fond ni de disposer de recours utiles. Dans plusieurs lieux de détention, la crainte de représailles et les répercussions éventuelles qu’une plainte pourrait avoir sur les droits, les mesures disciplinaires et la libération conditionnelledissuadaient en outre les détenus d’avoir recours aux mécanismes en question.

58.Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie d ’ envisager de mettre en place un organe distinct et pleinement indépendant qui serait chargé de recevoir les plaintes ainsi que de revoir l ’ actuelle procédure de plainte afin d ’ en garantir la confidentialité et l ’ efficacité. En outre, l ’ État partie devrait faire en sorte que les juges soient automatiquement informés de toutes les plaintes pour actes de torture et mauvais traitements, et que ces plaintes soient systématiquement transmises à l ’ organe chargé des poursuites pénales compétent aux fins d ’ enquête. Les personnes qui ont porté plainte pour actes de torture et mauvais traitements devraient être protégées contre les représailles physiques, disciplinaires ou administratives.

G.Santé

59.La délégation a trouvé que la situation concernant les soins médicaux était préoccupante dans la plupart des établissements visités. D’une manière générale, les services médicaux étaient inappropriés, et insuffisamment financés et dotés en personnel. Le personnel médical n’était pas formé à certaines questions relatives à la santé dans les centres de détention, aux normes relatives à la santé en prison élaborées par l’Organisation mondiale de la Santé ou au Protocole d’Istanbul.

60.À part dans les hôpitaux psychiatriques, l’examen médical initial des personnes privées de liberté était superficiel et la description de leur état de santé était incomplète.

61.La délégation a aussi constaté que les détenus, à leur arrivée dans un centre de détention, n’étaient pas systématiquement soumis à un dépistage approfondi des maladies infectieuses et contagieuses, notamment de la tuberculose multirésistante. Elle a noté que la longue période de quarantaine (vingt et un jours) imposée aux nouveaux détenus augmentait le risque de transmission de maladies infectieuses et contagieuses aux détenus en bonne santé. En outre, la délégation était alarmée de constater que les détenus présentant des troubles mentaux et ayant besoin d’un suivi psychosocial et d’un traitement psychosocial ou psychiatrique ne faisaient pas l’objet d’une évaluation et d’un dépistage adéquats. Elle était préoccupée par la prévalence de l’automutilation dans les prisons visitées, qui pourrait s’expliquer par l’absence de suivi psychosocial adéquat.

62.L’accès à des professionnels qualifiés, aux soins de santé primaires et aux médicaments de base posait problème dans la plupart des établissements pénitentiaires visités, et, dans bien des cas, les demandes de soins médicaux n’aboutissaient pas. Il était très préoccupant de constater que les personnes privées de liberté n’avaient systématiquement pas accès à des soins dentaires, psychosociaux et gynécologiques.

63.Le personnel médical travaillant dans les locaux de la police et les centres de détention relève du Ministère de la justice et du Ministère de l’intérieur respectivement, ce qui soulève des questions quant à son indépendance et au risque de conflits d’intérêts. En outre, la délégation a constaté avec préoccupation que l’on demandait aux médecins de donner leur accord pour l’application de mesures disciplinaires, ce qui posait des problèmes de conflit de loyauté.

64.La délégation a constaté que les conditions d’hygiène dans certaines prisons visitées étaient telles qu’elles présentaient un risque de santé publique.

65. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de garantir l ’ accès à un médecin et l ’ examen par un médecin indépendant dès que possible après l ’ arrestation ou le transfert dans un établissement pénitentiaire, les renseignements médicaux devant être consignés dans un registre, dans le plein respect de l ’ éthique et de la déontologie médicale. L ’ intégralité des demandes de soins médicaux qui sont formées par les personnes privées de liberté devraient être traitées en temps voulu et avec professionnalisme . Le Sous-Comité rappelle à l ’ État partie qu ’ il lui incombe au premier chef de protéger la santé et le bien-être des personnes privées de liberté.

66. L ’ État partie devrait procéder d ’ urgence à une évaluation des besoins dans tous les établissements du pays afin de répondre aux besoins en matière de soins de santé tant de base que spécialisés et de faciliter la distribution de fournitures médicales en quantité suffisante. Le Ministère de la santé devrait participer au contrôle des soins de santé fournis dans les prisons, au recrutement des professionnels de la santé et à l ’ organisation de formations à l ’ intention des professionnels de la santé.

67.L ’ État partie devrait veiller à ce que les professionnels de la santé soient formés à identifier les lésions qui sont caractéristiques de la torture ou des mauvais traitements conformément au Protocole d ’ Istanbul. Le Sous-Comité recommande que des professionnels de santé soient présents dans tous les lieux de détention pour diagnostiquer, surveiller et traiter les graves symptômes de manque et toutes les autres conséquences de la toxicomanie.

VI.Situation des personnes privées de liberté

A.Détention par la police

1.Centres de garde à vue et de détention provisoire

68.La délégation a constaté que la limite de cent-quatre-vingt jours imposée à la durée de détention dans les centres de garde à vue et de détention provisoire relevant de l’Inspection générale de la police roumaine était généralement respectée, mais elle s’inquiète toujours de ce que le placement des prévenus dans ces centres ne semble pas être limité à des circonstances exceptionnelles. Malgré les dispositions de l’article 115 1) de la loi no 254 de 2013 exigeant que les détenus soient transférés dans des établissements pénitentiaires pendant la phase du procès, la délégation a rencontré des détenus placés dans des centres de garde à vue et de détention au stade de l’instruction pénale.

69.La délégation a rencontré de nombreux enfants qui avaient passé plusieurs mois en détention avant jugement dans des centres de garde à vue et de détention provisoire, certains d’entre eux ayant été incarcérés avec des adultes, y compris des récidivistes auteurs d’infractions graves. Elle a constaté qu’un juge pouvait proroger le placement en détention d’un enfant pour des motifs purement économiques, par exemple lorsqu’il considérait que les parents n’étaient pas en mesure de prendre en charge leur enfant à la maison. La longueur de la détention avant jugement des enfants, à laquelle s’ajoutent de mauvaises conditions de vie, les restrictions dont les visites de la famille font l’objet et l’obligation de rester dans la cellule pendant de longues heures, est assimilable à un mauvais traitement.

70. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures nécessaires pour accroître le recours à des mesures de substitution à la détention avant jugement, non privatives de liberté, en tenant dûment compte des normes internationales et régionales . La détention avant jugement devrait être une mesure de dernier ressort dans les procédures pénales ; elle ne devrait être utilisée que pour des durées limitées et, conformément à la loi, compte étant dûment tenu de l ’ enquête sur l ’ infraction présumée et de la protection de la société et de la victime.

71.Les enfants et les adolescents ne devraient être privés de liberté qu ’ en dernier ressort, pour la durée la plus courte possible, et sous réserve du réexamen régulier de cette mesure. Ils devraient être détenus dans des conditions qui les protègent contre les influences néfastes et qui tiennent compte des besoins propres à leur âge .

2.Conditions matérielles

72.La délégation a constaté que la quasi-totalité des centres de détention de garde à vue et de détention provisoire qu’elle a visités étaient situés dans le sous-sol des bâtiments de la police. Les détenus avaient donc peu ou pas accès à la lumière naturelle et les cellules étaient mal ventilées.

73.Tout en notant qu’un projet national de rénovation de plusieurs locaux de détention de la police était en cours, la délégation a constaté que de nombreuses cellules restaient délabrées et que la literie était de mauvaise qualité (matelas vieux et sales).

74.Elle a aussi observé que la plupart des établissements visités ne disposaient pas d’espace commun pour les activités récréatives et sportives, ne laissant aux détenus d’autre choix que de rester dans leur cellule presque toute la journée. Les espaces de promenade étaient souvent très petits et parfois oppressants, complétement clôturés ou entourés de hauts murs.

75.La délégation a reçu plusieurs plaintes concernant la qualité et la quantité de la nourriture servie dans les locaux de la police.

76. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour rendre les conditions matérielles dans les locaux de la police conformes aux normes internationales, en mettant particulièrement l ’ accent sur l ’ amélioration de l ’ hygiène, de la nourriture, de la ventilation, de la lumière, de la literie et de la possibilité de faire de l ’ exercice. L ’ État partie devrait également agrandir et améliorer les espaces de promenade et veiller à ce que tous les locaux de la police disposent de salles communes et que des activités récréatives et sportives puissent s ’ y dérouler. La qualité de la nourriture servie aux détenus devrait être améliorée.

B.Institutions pénitentiaires

1.Surpeuplement

77.Dans la plupart des prisons visitées, le Sous-Comité a constaté un important surpeuplement, ce qui posait de graves problèmes de santé et d’hygiène. En outre, la plupart des dortoirs qu’il a visités dans les établissements pénitentiaires étaient trop grands et comptaient plus de 20 lits et un seul sanitaire, ce qui privait les détenus de toute intimité.

78.La prison d’Iaşi, l’un des établissements de détention les plus surpeuplés où s’est rendue la délégation, comptait 1 507 détenus au moment de la visite alors que la capacité officielle était de 730 places. La délégation a visité plusieurs cellules dans lesquelles les détenus disposaient de moins de deux mètres carrés chacun et devaient rester dans leur lit pratiquement toute la journée faute d’espace.

79. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures à court terme et à long terme qui s ’ imposent pour réduire le surpeuplement dans les prisons. Ces mesures devraient comprendre le recours à des sanctions non privatives de liberté et ne devraient pas se limiter à la construction de nouveaux établissements. Les détenus devraient être logés dans des conditions conformes aux normes internationales en vigueur, notamment en ce qui concerne le cubage d ’ air et la surface minimum. L ’ État partie devrait envisager de diviser les grands dortoirs afin de réduire le nombre de détenus par cellule et de leur donner plus d ’ intimité.

2.Conditions matérielles, hygiène et assainissement

80.Les conditions matérielles dans les établissements pénitentiaires variaient selon les régions. Dans plusieurs établissements visités, la surface minimum par détenu, l’éclairage, le chauffage et la ventilation laissaient à désirer, et certains établissements étaient très vieux et en mauvais état. Le niveau général de l’hygiène, l’accès à l’eau salubre et l’état des toilettes suscitaient de vives préoccupations. Le Sous-Comité a noté que dans tous les lieux visités, les détenus ne disposaient pas d’espace de rangement pour leurs affaires personnelles.

81.D’une manière générale, les détenus n’étaient pas satisfaits de la qualité et de la diversité de la nourriture et dépendaient des vivres apportés par leur famille ou achetés dans le magasin de la prison pour combler leurs besoins nutritionnels. En l’absence de réfrigérateurs et d’armoires, cette nourriture était stockée sous les lits, attirant rats et souris.

82.Dans la prison de Poarta Albă, 23 personnes étaient détenues dans une cellule de 64 mètres carrés, qui avait une fenêtre d’un mètre carré et deux toilettes sordides, dont se dégageait une odeur nauséabonde. Dans une autre, les détenus ne disposaient que de 1,3 mètre carré chacun, il y avait de la moisissure au plafond, les matelas étaient sales et les détenus se plaignaient de punaises de lit et de maladies liées à l’hygiène.

83.Dans la prison d’Iași, des détenus se plaignaient de ce que des rats remontaient par les tuyaux des installations sanitaires délabrées. D’autres se plaignaient des matelas vieux et sales, des punaises de lit et des cafards.

84. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour entreprendre les travaux de rénovation nécessaires dans l ’ ensemble des établissements pénitentiaires afin d ’ améliorer les conditions matérielles dans lesquelles vivent les détenus. L ’ État partie devrait allouer aux prisons un budget plus élevé pour l ’ alimentation.

85. Les médecins devraient surveiller régulièrement la qualité et la quantité de l ’ alimentation, les conditions d ’ hygiène ainsi que la fourniture d ’ eau potable, veiller à l ’ éclairage et à la ventilation des locaux et faire périodiquement rapport au directeur de l ’ établissement pour suite à donner.

3.Confinement des détenus

86.La délégation a observé que les détenus placés dans des quartiers fermés et des quartiers de haute sécurité étaient confinés pratiquement jour et nuit dans leurs cellules ou leurs dortoirs. En outre, les prisonniers à haut risque étaient isolés dans leurs cellules pendant de longues périodes.

87.Le Sous-Comité considère que les détenus ne peuvent pas être simplement laissés à leur sort, à languir enfermés dans leur cellule. Il est capital que les prisonniers, pour leur bien-être et leur réinsertion, bénéficient d’un programme décent d’activités, principalement professionnelles, éducatives et sportives.

88. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de permettre aux détenus de passer une partie raisonnable de la journée, huit heures ou plus, en dehors de leur cellule ou de leur dortoir et de participer, avec d ’ autres détenus, à des activités constructives de natures variées .

4.Traitement des personnes présentant un handicap mental

89.La délégation a rencontré plusieurs détenus présentant un handicap mental ou des troubles mentaux qui étaient placés dans des établissements pénitentiaires avec d’autres détenus. Elle a constaté que, dans certains établissements, les détenus présentant un handicap mental étaient laissés seuls dans leurs cellules pendant des mois.

90.Le Sous-Comité considère qu’incarcérer des personnes présentant un handicap mental est inapproprié et que le recours au placement à l’isolement est assimilable à un mauvais traitement.

91.Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de transférer les détenus présentant un handicap mental dans des établissements spécialisés, où ils pourront être mis en observation et traités sous la supervision de professionnels de la santé ayant les qualifications requises . L ’ État partie devrait mettre un terme à la pratique consistant à enfermer les personnes présentant un handicap mental seules dans leurs cellules pendant de longues périodes.

5.Travail et activités récréatives

92.La délégation a noté au cours de sa visite que certaines prisons proposaient un programme de travail satisfaisant pour les détenus. Dans de nombreuses prisons visitées, elle a toutefois constaté avec préoccupation qu’une grande partie de la population carcérale n’avait accès ni à un travail rémunéré ou non rémunéré ni à des activités récréatives, éducatives et professionnelles. Lorsque l’accès à ces activités était possible, dans bien des cas, il était limité aux personnes faisant l’objet d’une mesure de semi-liberté ou d’un placement à l’extérieur.

93.Il est tout aussi important, voire plus important, qu’un programme d’activités satisfaisant soit proposé aux personnes placées dans un quartier de haute sécurité qu’à celles faisant l’objet d’un placement à l’extérieur. En effet, un tel programme peut contribuer pour beaucoup à contrer les effets négatifs que l’environnement fermé d’un tel quartier peut avoir sur la personnalité d’un détenu. Le travail et la participation aux activités récréatives, éducatives et professionnelles sont essentiels pour réduire la violence et améliorer les compétences des personnes privées de liberté de manière à ce qu’elles puissent se réinsérer dans la société.

94. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de diversifier davantage les activités proposées aux détenus, quel que soit leur régime de détention, et d ’ en augmenter le nombre.

95.Le Sous-Comité recommande aussi que des activités professionnelles soient proposées aux détenus. Les détenus devraient avoir la possibilité de travailler afin de maintenir ou d ’ accroître leur capacité de gagner honnêtement leur vie après leur libération. Des activités récréatives et culturelles devraient aussi être organisées dans tous les établissements pour le bien-être physique et mental des détenus .

6.Régimes de détention

96.La délégation a constaté que la décision de soumettre un condamné à tel ou tel régime (détention dans un quartier de haute sécurité, détention ordinaire, semi-liberté ou placement à l’extérieur) dépendait exclusivement du type d’infraction commise et de la durée de la peine, plutôt que d’être fondée sur une évaluation poussée de chaque détenu permettant de déterminer la menace que celui-ci risque de présenter, ses vulnérabilités ou ses besoins spéciaux. En outre, la délégation note avec une vive préoccupation que, dans certains établissements pénitentiaires tels que la prison d’Iaşi, les enfants et les jeunes (18 à 21 ans) sont détenus dans des quartiers de haute sécurité. Le régime de détention dans de tels quartiers, où le risque de violence est très élevé, est tout à fait inadéquat pour les enfants et les jeunes et ne leur convient pas.

97. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de revoir les critères de détermination du régime d ’ exécution des peines, en vue de prendre en considération tous les aspects pertinents de la personnalité du détenu en plus du type d ’ infraction commise et de la durée de la peine. Il exhorte l ’ État partie à mettre immédiatement un terme à la détention des personnes de moins de 18 ans dans les quartiers de haute sécurité et de trouver des solutions de substitution à la détention ou de les placer en semi-liberté si nécessaire.

7.Sanctions disciplinaires

98.De nombreux détenus interrogés par la délégation se sont plaints de l’utilisation excessive de sanctions, qui ont parfois été jugées disproportionnées par rapport à l’acte commis. La délégation a été choquée par les témoignages d’enfants qui avaient été punis, y compris physiquement, quand ils avaient dénoncé leurs conditions de vie, demandé une visite médicale ou s’étaient plaints d’actes de violence ou de maltraitance. La délégation a noté avec grande inquiétude que, d’une part, les personnes qui tentaient de se suicider, s’automutilaient ou observaient une grève de la faim étaient sanctionnées au motif qu’elles ne respectaient pas le règlement intérieur et que, d’autre part, des peines collectives semblaient être appliquées dans certains établissements. Enfin, en cas de manquement à la discipline, l’administration carcérale prononçait les mêmes sanctions à l’encontre des enfants et des jeunes placés dans des quartiers de sécurité maximum qu’à l’encontre des adultes.

99.Dans la prison de Iaşi, des détenus avaient l’impression qu’ils étaient parfois délibérément placésdans des cellules avec des personnes avec lesquelles ils ne s’entendaient pas afin qu’éclatent des disputes, qui seraient ensuite sanctionnées.

100. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie d ’ encourager l ’ utilisation d ’ autres modes de règlement des différends dans les établissements carcéraux afin de prévenir les infractions disciplinaires et de résoudre les conflits. Les tentatives de suicide, l ’ automutilation et les grèves de la faim devraient être considérées comme la manifestation d ’ une souffrance psychologique devant faire l ’ objet d ’ une attention et d ’ un soutien particuliers au lieu de constituer un manquement au régime disciplinaire. L ’ État partie devrait garantir que les sanctions soient proportionnelles à l ’ acte commis, tenir compte de l ’ âge et de la vulnérabilité des détenus et permettre aux prisonniers de se défendre .

8.Mise à l’isolement

101.La délégation a constaté que les personnes étaient souvent mises à l’isolement pour des violations du règlement intérieur, même mineures, et que ces placements, bien que limités à dix jours au plus et enregistrés comme tels, étaient parfois répétés à intervalles rapprochés.

102.La délégation a aussi constaté avec préoccupation que des détenus présentant un handicap mental étaient mis à l’isolement, parfois au titre d’une mesure de protection ou pour endiguer la surpopulation.

103. Vu ses effets dévastateurs sur la santé physique et mentale, la mise à l ’ isolement ne devrait être utilisée qu ’ en dernier ressort dans des cas exceptionnels, pour une durée aussi brève que possible et avec l ’ autorisation d ’ une autorité compétente et elle devrait faire l ’ objet d ’ un contrôle indépendant . L ’ État partie devrait tout mettre en œuvre pour que la mise à l ’ isolement demeure exceptionnelle et que les détenus ne soient jamais mis à l ’ isolement pendant des périodes prolongées (c ’ est-à-dire plus de quinze jours d ’ affilée), notamment si les mises à l ’ isolement se suivent à quelques jours d ’ intervalle. Les moyens de contrainte devraient rester exceptionnels et ne devraient jamais être utilisés à titre de sanctions disciplinaires . Le placement de personnes présentant un handicap mental dans des conditions similaires à celles de l ’ isolement devrait être strictement interdit si leur handicap risque d ’ être exacerbé par de telles mesures.

9.Moyens de contrainte

104.La délégation s’est dite préoccupée par des renseignements selon lesquels, dans la prison de Iaşi, des moyens de contrainte, à savoir des menottes et des « dispositifs en T », par lesquels les poignets et les chevilles sont menottés et reliés par une chaîne, étaient imposés à des détenus mis à l’isolement et selon lesquels des moyens de contrainte étaient imposés systématiquement à des détenus considérés comme présentant un « haut risque » pour tous les déplacements hors de leur cellule. La délégation a noté que l’utilisation de ces moyens n’était soumise à aucun délai maximum.

105. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que les moyens de contrainte ne soient jamais employés en tant que sanction et ne soient utilisés qu ’ à la condition qu ’ aucune forme de contrôle moins incapacitante ne permette de prévenir un risque réel et qu ’ ils cessent d ’ être utilisés dès que possible .

10.Contacts avec le monde extérieur et visites

106.La délégation a constaté que dans les prisons de Giurgiu et d’Aiud, les visites conjugales périodiques étaient parfois limitées pour les détenus soumis à un régime fermé ou à un régime de haute sécurité. Dans la prison de Poarta Albă, des détenus âgés de 18 à 21 ans ont dit à la délégation qu’ils n’avaient pas le droit de recevoir leur conjoint. Dans toutes les prisons visitées, les détenus non mariés ont dit qu’il était difficile, coûteux et compliqué d’obtenir l’acte notarié nécessaire pour pouvoir prétendre aux visites conjugales.

107. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de faire en sorte que tous les détenus sans discrimination puissent recevoir des visites conjugales, sans considération du régime auquel ils sont soumis ou du type d ’ unité dans lequel ils se trouvent. L ’ État partie devrait aussi envisager de simplifier la procédure et les conditions d ’ obtention des visites conjugales afin que les couples non mariés et les partenaires de même sexe y aient droit .

11.Transfèrement de détenus

108.La délégation était préoccupée par les moyens de transports employés pour transférer les femmes et les enfants détenus d’un établissement à un autre. Dans une camionnette utilisée pour le transport, afin de les séparer des hommes, les femmes et les enfants étaient placés dans un petit compartiment d’environ un mètre carré s’apparentant à une cage, sans ventilation ni chauffage, eau ou nourriture, pour des trajets qui pouvaient être fréquents et extrêmement longs (jusqu’à douze heures). Le Sous-Comité considère que les conditions dans lesquelles s’effectuent ces transfèrements ne constituent pas un traitement humain.

109.En outre, les personnes présentant ou soupçonnées de présenter des maladies infectieuses n’étaient pas séparées des autres détenus pendant le transfèrement et aucune mesure préventive n’était employée pour empêcher la transmission de ces maladies.

110. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de revoir les modes de transport des détenus, en particulier pour les femmes et les enfants, afin qu ’ aucune souffrance physique inutile ne soit infligée aux détenus et que les détenus en bonne santé ne soient pas transportés avec ceux présentant des maladies infectieuses.

C.Centres pour migrants et demandeurs d’asile

111.La délégation a visité deux centres d’hébergement ouverts pour les demandeurs d’asile, l’un à Giurgiu et l’autre à Bucarest, qui n’ont suscité aucune inquiétude.

112.La délégation s’est aussi rendue dans les locaux réservés à la détention de migrants (le centre de détention pour étrangers d’Otopeni, à Bucarest), qui accueillaient 42 personnes lors de la visite ; le centre peut en accueillir jusqu’à 164. La délégation a constaté que les personnes hébergées étaient généralement enfermées dans leur chambre toute la journée et que leurs contacts avec les autres résidents et le personnel se limitaient au strict minimum. Le Sous-Comité fait remarquer que l’isolement des migrants, associé au manque de renseignements sur leur statut et à l’incertitude quant à leur avenir, peut avoir des incidences sur leur santé mentale.

113. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de faire en sorte que les migrants logés dans des locaux de détention de migrants ne soient pas enfermés dans leur chambre ni traités comme des détenus.

114.La délégation a été informée que le centre comptait sur les résidents pour assurer l’interprétation des propos des nouveaux-arrivants, lorsque ceux-ci fournissaient des informations d’ordre général et pendant leurs examens médicaux. Le Sous-Comité constate avec préoccupation que cette pratique contrevient aux normes relatives à la confidentialité et au secret médical et constitue un manquement au principe de neutralité.

115. Pour l ’ interprétation pendant les séances d ’ information et les examens médicaux, le centre devrait recourir aux services d ’ interprètes professionnels plutôt qu ’ à ceux des proches, des amis ou des autres résidents présents dans les locaux.

116.La délégation a rencontré deux migrants présentant des problèmes psychologiques qui, malgré la présence d’un psychologue au centre, n’avaient pas bénéficié de services spécialisés.

117. Le Sous-Comité recommande que toutes les personnes présentant des problèmes de santé, notamment mentale, fassent l ’ objet d ’ un examen médical et psychologique complet réalisé par des professionnels spécialisés. À l ’ issue de cet examen, les migrants devraient recevoir le traitement nécessaire et leur état de santé devrait être pris en compte dans le cadre de toute procédure légale applicable à l ’ expulsion.

D.Établissements psychiatriques

118.La délégation a visité cinq établissements psychiatriques relevant du Ministère de la santé, notamment des institutions qui accueillent des personnes dont la mise à l’isolement a été ordonnée par la justice dans le cadre de procédures pénales, et des établissements qui accueillent, outre des patients ordinaires, des personnes dont l’hospitalisation a été décidée à la suite de procédures civiles. Elle n’a pas reçu d’allégations de mauvais traitements dans les établissements visités mais estime que les conditions de vie dans l’hôpital psychiatrique surveillé de Grajduri constituent un traitement cruel et inhumain. La délégation a été aussi choquée par les conditions de vie dans le service de psychiatrie de l’hôpital d’urgence du comté de Cluj-Napoca et par le fait que tous les patients portaient des pyjamas en permanence, ce qui n’est pas propice à l’amélioration de leur estime d’eux-mêmes et de leur confiance en soi.

1.Placement non volontaire et garanties juridiques

119.Le placement non volontaire en établissement psychiatrique est régi par la loi no 487 de 2002 sur la santé mentale (art. 53 à 68), qui prévoit d’importantes garanties pour les patients soumis à ce type de placement. À Călărași, même si les patients n’étaient pas libres de quitter l’hôpital, seuls quelques-uns d’entre eux avaient été officiellement soumis à un placement non volontaire. Le Sous-Comité craint que cette incapacité à suivre la procédure prévue par la loi puisse priver les patients de toute garantie contre le placement non volontaire. De surcroît, il est ressorti de la consultation de dossiers médicaux que nombre de patients n’avaient pas pu consentir à leur hospitalisation et à leur traitement et que les formulaires correspondants avaient été signés par une tierce partie ou n’avaient pas été signés du tout.

120. L ’ objectif du placement non volontaire est de protéger les patients qui ne sont pas en mesure de fournir leur consentement au moment de l ’ hospitalisation ou qui n ’ ont pas les facultés de discernement requises. Le Sous-Comité recommande au personnel médical de s ’ efforcer systématiquement d ’ obtenir le consentement libre et éclairé du patient pour ce qui est de son placement et de ses soins. Si cela n ’ est pas possible, le personnel devrait mettre en œuvre la procédure de placement non volontaire afin que les patients puissent bénéficier des garanties légales en place.

121.La délégation a été informée que plusieurs patients qui avaient été placés dans des hôpitaux psychiatriques et avaient connu différentes institutions pendant de nombreuses années ne pouvaient pas en sortir, car ils n’avaient pas de famille et nulle part où aller. Le Sous-Comité est préoccupé par l’absence de centres intermédiaires qui assureraient la prise en charge sociale des patients jusqu’à ce qu’ils sortent définitivement d’un établissement. Par conséquent, de nombreux patients hospitalisés dans des établissements psychiatriques ne s’y trouvent pas pour recevoir un traitement, mais parce que les hôpitaux fonctionnent dans une large mesure comme des centres d’aide sociale pour des personnes sans ressources ni soutien familial. Le Sous-Comité est d’avis que l’internement de personnes ne présentant pas de déficience mentale dans une institution psychiatrique ou neuropsychiatrique peut relever d’un traitement inhumain et dégradant.

122. Le Sous-Comité recommande l ’ adoption de mesures, telles que la création de « maisons de mi-parcours », visant à éviter le séjour en hôpital psychiatrique de patients pour des raisons socioéconomiques plutôt que médicales. L ’ État partie devrait aussi accélérer la mise en place de services communautaires à l ’ intention des personnes présentant un handicap mental et des troubles psychosociaux de façon à éviter leur hospitalisation. La pauvreté et l ’ absence de soutien familial ne devraient jamais justifier le placement en hôpital psychiatrique. L ’ État partie devrait établir des services de protection sociale pour aider les patients de longue date à se réinsérer dans la société.

2.Patients admis sur décision du tribunal

123.Le placement et l’obligation de soins imposés aux personnes n’ayant pas la capacité juridique sont prévus par le Code pénal (art. 109 et 110) et le Code de procédure pénale (art. 245 à 248 et 566 à 572). La législation énonce que ces personnes peuvent être hospitalisées dans un hôpital psychiatrique où des mesures de sécurité sont prévues en application d’une décision du tribunal et sur le fondement d’un examen médico-légal. Le placement obligatoire dans un établissement médical peut être imposé aux délinquants présentant une maladie mentale, une addiction à des drogues ou à d’autres substances ou une maladie infectieuse. Ce placement à durée indéterminée peut se prolonger jusqu’au rétablissement de la personne. La décision est réexaminée tous les douze mois, à la lumière d’un examen médico-légal.

124.La délégation a visité l’hôpital psychiatrique surveillé de Grajduri, dans lequel tous les patients avaient été admis en application d’une décision d’un tribunal. La délégation a été perturbée par les conditions de vie dans l’institution et par l’état de désespoir des patients qu’elle a rencontrés. Elle a constaté que toutes les unités de l’hôpital étaient excessivement surpeuplées. Au moment de la visite, l’hôpital accueillait 340 patients dans des locaux pouvant en recevoir 240. Elle a aussi pris note du manque de personnel et d’activités pour les patients. Les effectifs des médecins et des infirmières étaient insuffisants, il n’y avait qu’un seul psychologue, qu’un seul travailleur social et aucun ergothérapeute. Les infirmières devaient souvent prendre en charge un grand nombre de patients, ce qui lesmettait en danger. Les membres du personnel ont fait savoir qu’il n’était pas rare qu’un ou deux employés aient à prendre en charge 100 patients. La délégation a constaté que, peut-être faute de personnel, on abusait des médicaments pour maîtriser les patients.

125. Le Sous-Comité recommande d ’ allouer les ressources nécessaires pour garantir des conditions de vie adéquates à l ’ hôpital psychiatrique surveillé de Grajduri. Des mesures devraient être prises immédiatement pour réduire la surpopulation et augmenter le nombre de professionnels de la santé travaillant auprès des patients détenus dans de telles institutions. Les professionnels de la santé devraient être qualifiés et formés aux normes internationales relatives aux droits de l ’ homme, en particulier aux dispositions de la Convention relative aux droits des personnes handicapées. En outre, le nombre de psychiatres, d ’ infirmières, de psychologues, d ’ ergothérapeutes et de travailleurs sociaux devrait être augmenté, des soins pluridisciplinaires devraient être fournis aux patients et des activités de réadaptation, des formations professionnelles et des loisirs devraient être proposés.

126.De manière plus préoccupante, des professionnels de la santé ont admis que des patients présentant tout type de maladie psychiatrique étaient placés à l’hôpital psychiatrique surveilléde Grajduri, y compris des personnes présentant un handicap intellectuel pour qui, de l’avis des professionnels, le placement obligatoire dans une telle institution n’était pas nécessaire. La délégation a aussi appris avec préoccupation que certains des patients qui s’étaient rétablis, selon l’examen médical, n’avaient pas été autorisés à sortir par le tribunal en raison de l’absence de solution de substitution à la détention et de la situation socioéconomique du patient.

127. Le Sous-Comité recommande qu ’ une évaluation de tous les patients détenus dans de tels hôpitaux soit réalisée à l ’ échelle nationale. De surcroît, l ’ État partie devrait examiner dans les meilleurs délais les moyens de mettre en place des services communautaires afin de faire sortir les patients de l ’ hôpital psychiatrique surveillé une fois qu ’ ils sont rétablis.

128.Le Sous-Comité est vivement préoccupé par les conclusions de l’enquête menée par le Centre de ressources juridiques en 2014 et 2015 sur les droits des enfants et des jeunes handicapés en Roumanie. En particulier, il est préoccupé par le nombre de personnes handicapées qui sont décédées dans des institutions au cours des quatre années précédant l’étude − 4 600 personnes handicapées dont 1 500 enfants et jeunes − et par le fait que moins de 10 de ces décès aient été signalés à la police ou au ministère public. Le Sous‑Comité est aussi préoccupé par les renseignements, fournis par l’État partie, selon lesquels il est difficile et peu efficace de se plaindre des actes de maltraitance subis dans des centres sociaux, qui relèvent du Ministère de la santé (voir aussi CAT/C/ROU/CO/2, par. 14 a)).

129. Le Sous-Comité fait sienne la recommandation du Comité contre la torture qui engage l ’ État partie à modifier la législation en vue d ’ octroyer aux personnes présentant un handicap mental et psychosocial le droit à la capacité juridique et d ’ assurer la supervision et la surveillance efficaces par les organes judiciaires de tout placement en hôpital ou établissement psychiatrique de personnes présentant un handicap mental et psychosocial (voir CAT/C/ROU/CO/2, par. 14 a)). L ’ État partie devrait mettre en place un mécanisme spécial de plainte à l ’ intention des personnes placées dans de telles institutions pour faire en sorte que les patients bénéficient d ’ une représentation en justice indépendante pour pouvoir obtenir que leur plainte soit examinée par un tribunal ou un autre organe indépendant et accorder une réparation aux victimes. Les notifications du décès de personnes placées en institutions devraient être systématiquement transmises à la police ou au ministère public et une enquête efficace sur les circonstances du décès devrait être m enée dans les meilleurs délais.

VII.Suivi et diffusion

130. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de rendre public le présent rapport, compte tenu de l ’ effet préventif d ’ une telle mesure, comme il l ’ y a déjà invité au paragraphe 6 ci-dessus. Il lui recommande aussi de distribuer ledit rapport aux institutions concernées dans tous les secteurs de l ’ administration.

131. Le Sous-Comité rappelle que le présent rapport ne constitue que la première étape d ’ un dialogue constructif avec les autorités roumaines sur les problèmes énumérés ci-dessus. Il demande à l ’ État partie de lui adresser, dans un délai de six mois à compter de la date de la transmission du présent rapport, une réponse écrite comportant une description détaillée des mesures prises et envisagées pour donner suite à ses recommandations.

Annexe I

[Anglais seulement]

List of places of deprivation of liberty visited by the Subcommittee

Ministry of Justice

1. Giurgiu penitentiary

2.Poarta Alba penitentiary

3.Aiud penitentiary

4.Gherla penitentiary

5. Iasi penitentiary

6. Botosani penitentiary

7. Târgșoru penitentiary

8. Cluj female facility (female section of Gherla penitentiary)

Ministry of Interior

1. Center no. 1 of Bucharest, Police General Directorate

2. Center no. 10 of Bucharest Police General Directorate, 19 Police Station

3.Center no. 12 of Bucharest Police General Directorate, Regional Transport Police Service Bucharest, Cluj Police station

4. Detention and provisional arrest centre of Iasi, Country Police Inspectorate

5.Botosani Country Police Inspectorate

6.Botosani Border Police

7.Bucharest Otopeni accommodation center for migrants

8. Centre for Accommodation and Asylum Procedures Giurgiu

9.Regional Centres for Accommodation and Asylum Procedures in Bucharest

10.Local police section no. 1, Bucharest (Calea Grivitei 208)

Ministry of Labour, Family, and Social Protection

1.Giurgiu retirement home

2. Gherla retirement home

Giurgiu family-type accommodation for children:

3.Sos. Balanoaiei, nr.31, Giurgiu, Tel 0762247709, Bulichi Rodica

4.Str. Selari nr. 27, Jud Giurgiu, 0762247726, Costea Daniela

5.Str. Murelor, nr.36, Giurgiu, tel0762247710, Bulichi Rodica

Ministry of Health

1. Security Psychiatric Hospital, Calarasi

2. Psychiatric section of Cluj-Napoca Emergency Clinical County Hospital

3.Institute of Psychiatry, Iasi

4.Institute of Psychiatry for long term care, Grajduri

5.Security Psychiatric Hospital, Grajduri

Annexe II

[Anglais seulement]

Officials and other persons with whom the delegation met

Ministry of Justice

Gabriela SCUTEA, Secretary of State

Cătălin BEJAN, General Director, National Administration of Penitentiaries

Iulia CĂRBUNARU, Legal Advisor, Probation Department

Rusla GEAMANU, Legal Advisor, Department for the Elaboration of Normative Acts

Crina MORTEANU, Advisor to the Minister

Anca STOICA, Director, Department of European Affairs

Mădălina MANOLACHE, Legal Advisor

Ministry of Internal Affairs

General Inspectorate of Romanian Police

Dumitru JIANU, Deputy General Inspector

Marin CĂMINIȘTEANU, Head of Unit, Legal Directorate

Claudiu IARU, Head of Unit for Coordination of Preventive Arrests Centers

General Inspectorate of Border Police

Dana HUTUL, Head of Unit for Expertize on Travel Documents and Forensics

General Inspectorate of Romanian Gendarmerie

Viorel SĂLAN, Deputy General Inspector

Victor Viorel LAMBĂ, Expert

General Inspectorate for Immigration

Viorel VASILE, General Inspector

Ioan PUHACE, Deputy General Inspector

Mircea BABĂU, Director, Asylum and Integration Directorate

Victor GÂNDAC, Director, Migration Directorate

National Anti-drug Agency

Gina CUSA, Deputy Director

Diana SERBAN, Head of Unit

Police Academy

David UNGUREANU, Expert

Directorate General for Operational Management

Cornel CIOCOIU, General Director

Medical Directorate

Sorin LAMER, Head of Unit

Dorinela URSULEANU, Head of Unit

Directorate General for Management of Human Resources

Macoveli OVIDIU, Deputy General Director

Legal Directorate General

Lucia IACOB, Head of Unit

Gabriel CRĂCIUN, Expert

Directorate for European Affairs and International Relations

Cătălin NECULA, Deputy Director

Claudia VIȘOIU, Expert

Ministry of Labour

Valeriu NICOALE, Secretary of State

Gabriela COMAN, President, National Authority for Children Protection

Ivona BATALI, General Director, General Department of External Relations

Cristina ONCICĂ, Superior Counsellor, General Department of External Relations

Ministry of Health

Iulian Chiriac, Secretary of State

Sorin LUCA, General Director, DGAMPP

Costin ILIUTA, Head of Department, DGAMPP

Daniela ENACHE, Secretary’s Advisor

Ileana BOTEZAT-ANTONESCU, Director, CNSMLA

Raluca NICA, Psychologist, CNSMLA

Marilena MITICA, Social Assistant, CNSMLA

Gabriel GOICEANU, Legal Advisor, CNSMLA

Office of the People’s Advocate

Victor CIORBEA, People’s Advocate

Magda Constanța ȘTEFĂNESCU, Deputy People’s Advocate — prevention of torture in places of detention

Emma TURTOI, Head of Bureau — Constitutional Contentious and Appeal in the interest of the Law Bureau

Andreea Elena BĂICOIANU, Head of Bureau — legal acts, external relations and communication Bureau

Andrei PLAVET, Counsellor — translator

National Preventive Mechanism

Magda Constanța ȘTEFĂNESCU, Deputy People’s Advocate — the Field on the prevention of torture in places of detention

Nicoleta CONSTANTINESCU, expert

Mihaela SÎRBU, Counsellor

Nicolae VOICU, Counsellor

Anne-Marie BROWNE, Counsellor

Elena CIOBANU, Counsellor

Felicia BOȚAN, Counsellor Alba Zonal Centre

Maria LEPADATU, counsellor Bacău Zonal Centre

Lucian MOȘOIU, counsellor Craiova Zonal Centre

United Nations

Sandie BLANCHET, UNICEF Romania, Acting Resident Coordinator

Civil Society

Maria Nicoleta ANREESCU, Executive Director, APADOR — CH

Cristinel BUZATU, Jurist Expert, APADOR — CH

Georgiana PASCU, Programme Manager, Advocate for Dignity - Human Rights Centre for Legal Resources (CLR)

Teodora Ion ROTARU, ACCEPT Association

Anca BUCAR, Psychologist, ICAR Foundation