Nations Unies

CCPR/C/LBN/3

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

28 décembre 2016

Français

Original : arabe

Anglais, arabe, espagnol et français seulement

Comité des droits de l ’ homme

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 40 du Pacte

Troisièmes rapports périodiques des États parties attendus en 1999

Liban *

[Date de réception : 8 novembre 2016]

1.Le présent rapport contient un examen des mesures prises par l’État pour promouvoir et faire respecter les droits civils et politiques pendant la période 1997-2016. Il tient compte des sujets qui ont suscité l’intérêt du Comité des droits de l’homme et apporte des réponses aux recommandations et observations finales faites lors de son examen du rapport périodique présenté par le Liban en 1996.

2.Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques est devenu, depuis sa ratification le 3 novembre 1972, une partie intégrante du système juridique libanais. Selon les dispositions de l’article 2 du Code de procédure civile, le Pacte prime les lois ordinaires, mais pas la Constitution.

3.La protection des droits de l’homme est une priorité de l’État, qui s’est engagé à les respecter et à les mettre en œuvre dans tous les domaines. L’État fait aussi tout ce qui est en son pouvoir pour améliorer au mieux les lois et les pratiques de manière à ce que les normes en matière de droits de l’homme au Liban soient conformes aux dispositions des conventions régionales et internationales.

4.Le Liban compte parmi les pays qui ont fait les frais des répercussions des crises politiques et des guerres régionales, notamment les agressions israéliennes répétées sur le territoire libanais (la guerre la plus destructrice étant celle de juillet 2006), sans oublier l’assassinat de l’ancien Premier Ministre en 2005 et ses graves conséquences sur la situation interne du pays, ainsi que la crise politique et sécuritaire en République arabe syrienne et dans l’ensemble de la région arabe et ses incidences sur la vie sociale et politique au Liban. Cela se manifeste par des désaccords croissants entre les différentes composantes politiques et la paralysie des institutions constitutionnelles.

5.La crise syrienne a eu les conséquences les plus graves sur le fonctionnement de l’État. Le Liban n’a pas fermé ses frontières, mais a reçu plus de 1,5 million de déplacés syriens. L’État a assumé le fardeau et la responsabilité de leur garantir une vie décente. Cela s’est traduit par des pressions sociales et économiques, voire sécuritaires, accrues et par de nouvelles responsabilités pour l’État qui, depuis des années, subit des attaques terroristes, qu’il s’agisse des attentats à la bombe survenus dans différentes parties du territoire libanais, des assassinats de plusieurs personnalités politiques, des crimes de guerre commis pendant le conflit de Nahr el-Bared, des attentats d’Ain Alaq ou encore d’autres actes terroristes – dont les plus récents sont les attentats de la banlieue sud de Beyrouth et l’attentat de Verdun.

6.En dépit de toutes ces difficultés, la majorité des droits consacrés par le Pacte international est respectée au Liban. Les trois pouvoirs – l’exécutif, le législatif et le judiciaire – œuvrent, seuls ou en coopération, pour veiller à ce que l’État s’acquitte de ses obligations internationales en matière de respect des droits garantis par le Pacte. Un certain nombre de lois et de décisions administratives ont ainsi été adoptées. Des projets de loi ont également été élaborés par les commissions spécialisées de la Chambre des députés, mais ils n’ont à ce jour pas été adoptés, compte tenu de la situation politiques difficile susmentionnée dans laquelle les dispositions du Pacte international risquent de ne pas être complètement traduites en actes. Peut-être l’élaboration par la Chambre des députés du Plan d’action national en faveur des droits de l’homme 2014-2019 annoncée le 12 octobre 2012, et l’adoption le 4 avril 2014 par les commissions parlementaires des droits de l’homme et de l’administration et de la justice du projet de loi visant la création de la Commission nationale indépendante des droits de l’homme reflètent les garanties de l’État pour l’ensemble des droits civils et politiques.

7.Le présent rapport a été établi conformément aux spécifications et aux directives adoptées par la Commission des droits de l’homme chargée de la surveillance de l’application du Pacte. Il se compose d’une introduction et de trois parties qui reprennent la teneur des dispositions du Pacte.

Première partie

Article 1 : Droit du peuple à disposer de lui-même et à disposer librement de ses richesses et de ses ressources naturelles

I.Droit du peuple à disposer de lui-même

8.Le Document de l’entente nationale (Accord de Taëf) adopté en 1989 contient des dispositions convenues en ce qui concerne le système politique, économique et social au Liban. Le préambule de la Constitution adopté au titre de la loi constitutionnelle no 18 du 21 septembre 1990 dispose ce qui suit :

Le peuple est la source des pouvoirs et le détenteur de la souveraineté qu’il exerce à travers les institutions constitutionnelles.

Le Liban est une république démocratique, parlementaire et le régime est fondé sur le principe de la séparation des pouvoirs, leur équilibre et leur coopération.

Le Liban est arabe dans son identité et son appartenance.

Le régime économique est libéral et garantit l’initiative individuelle et la propriété privée, ainsi que le développement équilibré des régions, culturellement, socialement et économiquement.

9.Cependant, les crises politiques régionales et leur propagation au Liban, ont imposé des limites au droit du peuple à disposer de lui-même. Les autorités œuvrent de manière permanente à maintenir, autant que possible, la stabilité et la sécurité du pays, ainsi que le fonctionnement de ses institutions.

II.Droit du peuple à disposer librement de ses richesses et de ses ressources naturelles

10.Le peuple dispose librement de ses richesses et de ses ressources naturelles sans restrictions, si ce n’est celles dues à leur bonne gestion et utilisation dans le cadre de la mise en œuvre de la politique de développement durable, sans préjudice du droit des générations futures. L’État prend des mesures pour préserver ces richesses et ressources naturelles hydrauliques, forestières et énergétiques.

11.Par exemple, la Chambre des députés a adopté le 29 juillet 2002 la loi sur la protection de l’environnement no 444/2002, qui consacre les principes fondamentaux de protection des ressources et richesses naturelles forestières et aquatiques que sont la côte, l’eau douce, l’eau de mer, l’eau des rivières, les eaux souterraines, les ressources marines et la biodiversité marine. Bien que le décret no 4810/1966 dispose que la jouissance du domaine public maritime revient au public et que la délivrance de licences d’exploitation ne peut être qu’un acte exceptionnel, le nombre des licences d’exploitation accordées augmente de manière considérable.

12.L’État a déjà ratifié une série de traités internationaux relatifs à la protection des ressources en eau, notamment :

La Convention des Nations Unies sur la diversité biologique conclue à Rio de Janeiro le 5 juin 1992 en vertu de la loi no 360 du 1er août 1994 ;

Les deux protocoles additionnels à la Convention sur la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée, adoptée à Barcelone le 16 février 1976 en vertu de la loi no 292 du 22 février 1994 ;

La Convention sur la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée en vertu de la loi du 16 octobre 2008.

13.On notera à cet égard la résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies 69/212, qui enjoint à l’entité israélienne d’assumer la responsabilité qui est la sienne de dédommager le Gouvernement libanais des dégâts écologiques causés à ses plages et eaux territoriales pendant la guerre de juillet 2006. Cependant, l’entité israélienne refuse à ce jour de s’y conformer.

14.En ce qui concerne la protection des richesses forestières, le droit libanais prévoit des dispositions protectionnistes et consacre le droit des citoyens d’en bénéficier, notamment l’instauration de zones de réserves naturelles, l’obligation de reboisement après extraction de sable et de roches (par exemple dans les licences d’exploitation de carrières) et l’interdiction de l’abattage des arbres (loi sur les forêts). En outre, le Code de l’environnement no 444/2002 consacre un chapitre spécial à la protection de l’environnement terrestre et du sous-sol.

15.Le Liban a ratifié les traités internationaux suivants :

Les deux conventions relatives à la couche d’ozone en vertu de la loi no 253 du 22 juillet 1993 ;

La Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, adoptée à Rio de Janeiro en vertu de la loi no 359 du 1er août 1994 ;

L’amendement de Copenhague au Protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone en vertu de la loi no 120 du 25 octobre 1999 ;

La Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants en vertu de la loi no 432 du 29 juillet 2002 ;

Le Protocole de Kyoto à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques en vertu de la loi no 738 du 15 mai 2006 ;

De même que les accords internationaux sur l’huile d’olive et les olives de table, la promotion de la culture de l’olivier qui favorise la conservation des sols et les accords de coopération technique dans le domaine des cultures protégées.

16.En ce qui concerne la protection des ressources énergétiques, les dispositions légales portent sur la protection de leurs sources et de leur exploitation. La production pétrolière, gazière et minière est régie par le décret no 8018/2002 régissant les entreprises industrielles. De même, la loi no 132 de 2010 sur l’exploitation des ressources pétrolières en mer définit les conditions juridiques pour l’exploration et l’exploitation des ressources pétrolières et gazières dans les eaux territoriales libanaises. Quant à l’exploitation des stations-service, elle est soumise aux dispositions du décret no 5509/1994.

Deuxième partie

Articles 2 à 5 : Principes fondamentaux régissant l’application et le respect des droits

I.Article 2 : Respect et garantie des droits de tous les individus, sans distinction aucune

17.Le respect et la garantie des droits de tous les individus, sans distinction aucune, est l’un des principes fondamentaux consacrés par la Constitution libanaise (alinéa c) du préambule de la Constitution et articles 7, 9 et 11 de la Constitution, Déclaration universelle des droits de l’homme et Pacte international – qui est le thème du présent rapport – et Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale ratifiée par l’État le 12 novembre 1971). Il est de la responsabilité des organes officiels de l’État de respecter ce principe sans discrimination fondée sur la race, la couleur, l’ascendance, l’origine nationale ou ethnique, ou la religion. Un soin particulier est apporté à l’application du principe d’égalité pour les questions de statut personnel, le système en vigueur dans ce domaine au Liban étant un système confessionnel qui renvoie chaque Libanais au statut personnel régissant sa communauté.

18.L’État a pris de nombreuses mesures visant à éliminer toutes les formes de discrimination subies par la population dans la mise en œuvre des droits reconnus, notamment la discrimination fondée sur la nationalité et la religion.

19.S’agissant des mesures prises pour éliminer les formes de discrimination contre les étrangers, le Liban a, en raison de sa situation géographique et de sa détermination à respecter les droits de l’homme, ouvert ses frontières à toutes les personnes dont la vie est menacée du fait de la persécution, de la guerre ou de la mauvaise situation sécuritaire. Le pays a ainsi accueilli depuis 1948 un grand nombre de réfugiés palestiniens suite aux incursions menées par Israël dans leurs terres et leur expropriation. Le Liban est miné par la présence sur son sol de plus de 1,5 million de réfugiés syriens qui ont fui le conflit dans leur pays, en plus des Irakiens qui ont cherché refuge au Liban en raison de l’insécurité qui règne chez eux, et des travailleurs étrangers venus d’Égypte, du Sri Lanka, des Philippines et d’autres pays. L’État déploie tous les efforts possibles pour garantir à ces étrangers, sur un pied d’égalité avec les Libanais, les droits reconnus dans le Pacte, et ce malgré les coûts économiques et sociaux qui en résultent, la forte augmentation de la pauvreté et du chômage ainsi que la saturation des systèmes de santé et d’éducation et des services d’infrastructure.

20.Les étrangers au Liban peuvent être répartis en trois catégories distinctes :

Les réfugiés palestiniens ;

les déplacés syriens ; et

les travailleurs étrangers – les employés de maison.

21.Des problèmes juridiques se posent pour garantir aux étrangers les droits civils et politiques suivants :

Le droit à la reconnaissance de leur personnalité juridique (art. 16).

Le droit à un procès équitable (art. 7, 9, 10, 11, 14 et 15).

Le droit de circuler librement et le droit de choisir leur lieu de résidence (art. 12).

Le droit de réunion et d’association (art. 21 et 22).

22.En ce qui concerne le droit des étrangers à la reconnaissance de leur personnalité juridique, au même titre que les Libanais, le cas des réfugiés palestiniens et déplacés syriens qui sont venus au Liban sans documents d’identité ou celui relatif à ceux qui n’ont pas procédé à l’enregistrement des naissances survenues au Liban, a posé de nombreux problèmes. 

23.En conséquence, le Gouvernement a adopté le décret no 89/2005 portant création d’un organisme officiel – le Comité de dialogue libano-palestinien – pour améliorer la situation des Palestiniens à tous les niveaux. Celui-ci a pris des mesures pour délivrer des documents d’identité à ceux qui n’en ont pas. Il s’agit là d’une action visant à garantir aux Palestiniens le droit à la reconnaissance de leur personnalité juridique.

24.Le 14 novembre 2011, la présidence du Conseil des ministres a publié la circulaire no 29/2011 relative aux documents émis par l’Autorité palestinienne en vertu de laquelle les administrations et les institutions étatiques et municipales sont appelées à valider les documents de l’Autorité palestinienne relatifs aux registres du statut personnel (enregistrement des naissances, des décès, des mariages et des divorces), conformément aux dispositions de l’article 16 du Pacte.

25.En ce qui concerne les déplacés syriens, le Gouvernement a signé un mémorandum d’accord avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et lui a accordé le droit d’exercer ses activités au Liban, même si l’État n’a pas ratifié la Convention relative au statut des réfugiés de 1951 et le Protocole y afférent de 1967. Les autorités collaborent avec le HCR en vue d’assurer l’enregistrement des nouvelles naissances et des personnes arrivant au Liban et la reconnaissance de leur personnalité juridique.

26.Quant au droit des étrangers à un procès équitable, sur un pied d’égalité avec les Libanais, l’article 9 du Code de procédure civile garantit à toutes les personnes résidant au Liban le droit d’ester en justice (recours à la justice et droits de la défense), sans que soit prévue de distinction entre le Libanais et la personne de nationalité étrangère.

27.En ce qui concerne le droit de s’adresser aux tribunaux, la loi libanaise relative aux frais de justice ne contient pas de dispositions prévoyant des différences de traitement entre les Libanais et les étrangers en matière de frais de justice.

28.Cependant, le Code de procédure pénale contient des dispositions qui pourraient être interprétées comme une dérogation à ce principe, puisqu’il impose aux personnes de nationalité étrangère portant directement plainte devant la cour pénale une obligation additionnelle. Il s’agit du versement d’une caution comme condition de recevabilité de la plainte dans sa forme (art. 68 et 155 du Code de procédure pénale). En outre, le Code prévoit la possibilité d’exempter les personnes de nationalité étrangère du paiement de la caution si l’infraction dont il est question est un délit et si le juge considère qu’il y a des motifs le justifiant. À cet égard, il convient de noter que le fait d’exiger des plaignants – libanais ou étrangers – le versement d’une caution a pour but de réduire le recours abusif au droit d’ester en justice. Si, par contre, une caution additionnelle est imposée aux plaignants de nationalité étrangère, c’est parce qu’ils risquent de quitter le pays après avoir usé abusivement de leur droit de porter plainte.

29.En vertu de l’article 416 du Code de procédure civile, les étrangers résidant légalement au Liban peuvent en outre bénéficier de l’assistance d’un avocat si la condition de réciprocité est remplie. De plus, dans les affaires pénales, les modalités de la commission d’office d’un avocat pour les personnes ne disposant pas de moyens s’appliquent aussi bien au Libanais qu’à la personne de nationalité étrangère.

30.Le législateur libanais garantit en outre, par la loi no 164 du 24 août 2011 relative à la répression du crime de traite des êtres humains, le droit des étrangers à ester en justice en permettant aux victimes étrangères de ce crime de rester au Liban, en vertu d’une décision judiciaire les y autorisant, pendant toute la durée de l’enquête.

31.S’agissant du droit des étrangers de circuler librement et de choisir librement leur lieu de résidence, au même titre que les Libanais, il convient de préciser que ce droit a suscité une polémique quant aux employés domestiques, aux déplacés syriens (pour lesquels la construction de camps n’a pas été décidée) et aux Palestiniens vivant dans les camps.

32.Tout d’abord, en réponse à la recommandation no 22, il faudrait indiquer clairement que l’État s’emploie à réprimer et sanctionner les violations du droit des employés domestiques de circuler librement et qui prennent forme à travers la confiscation de leurs documents d’identité par les employeurs. En effet, le 23 juin 2014, un juge a rendu, en réponse à la requête d’une employée domestique, une décision ordonnant à une employeuse de restituer son passeport à celle-ci, considérant que le droit de circuler librement est l’un des droits constitutionnels garantis pour tous les individus, quelle que soit leur nationalité.

33.Par ailleurs, les décisions de certaines municipalités d’imposer un couvre-feu aux étrangers – c’est-à-dire aux déplacés syriens – en leur interdisant de circuler après 20 heures, sont sans le moindre doute une violation du principe d’égalité et du droit des personnes résidant au Liban de circuler librement. Compte tenu de leur illégalité, ces décisions peuvent faire l’objet d’un appel devant les instances administratives et judiciaires compétentes.

34.Enfin, parallèlement à la nécessité de maintenir la sécurité et l’ordre public dans des conditions de sécurité difficiles à l’intérieur des camps, l’État déploie des efforts considérables pour sécuriser et faciliter la circulation des Palestiniens à l’intérieur et à l’extérieur des camps.

35.Pour ce qui est du droit des étrangers à la liberté de réunion et d’association, au même titre que les Libanais, la loi reconnaît le droit des étrangers de créer des associations, conformément à certaines conditions juridiques. Le 25 janvier 2015, les employés domestiques ont annoncé la création d’un syndicat pour défendre leurs droits, avec le soutien de la Fédération nationale des syndicats des ouvriers et des employés au Liban (Fenasol) et la présence d’un représentant du Directeur général de la sûreté publique. Mais cette initiative n’a pas été approuvée par le Ministre du travail.

36.Il convient de noter que les violations de ces droits donnent à la victime le droit d’engager une action contre l’auteur devant les juridictions compétentes en vue d’obtenir réparation du préjudice causé.

37.En ce qui concerne les mesures prises pour éliminer la discrimination fondée sur la religion en vue de garantir les droits, les textes de loi – à l’exception de ceux liés aux questions de statut personnel – sont des textes de portée générale qui s’appliquent à tous les citoyens sans aucune discrimination. La société libanaise est multiconfessionnelle, avec 18 communautés religieuses différentes reconnues par l’État libanais. Chacune de ces communautés a ses propres règles en matière de statut personnel et ne s’appliquent qu’à ses seuls membres. Cette diversité confessionnelle se reflète également dans le système politique et la répartition de certaines fonctions publiques. Certains considèrent que la diversité confessionnelle est un des piliers garants de la coexistence, car elle assure la protection de la spécificité de chaque communauté et garantit sa participation active à la gouvernance et à l’administration publique. Dans ce contexte, il faut reconnaître que la prise en compte de la diversité confessionnelle dans la gouvernance et l’administration aurait pour effet de limiter l’application du principe de l’égalité des droits pour tous les Libanais, puisque l’appartenance confessionnelle pourrait constituer un élément discriminatoire entre les Libanais. Par ailleurs, l’État s’est engagé, dans le cadre du préambule de la Constitution, à l’abolition du confessionnalisme politique, mais il n’a quasiment rien fait en ce sens, du fait de l’instabilité politique et sécuritaire.

II.Article 3 : Égalité des droits de l’homme et de la femme

38.La ratification par le Liban de la Convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes le 1er août 1996, en émettant des réserves sur les articles 9, 16 et 29 en raison de la spécificité de son système confessionnel, reflète, en fait, son engagement à respecter les droits des femmes et à prendre toutes les mesures visant à éliminer toutes les formes de discrimination à leur égard et à instaurer l’égalité totale entre elles et les hommes.

39.En réponse aux recommandations nos 18 et 19, l’État a adopté un certain nombre de lois visant à instaurer l’égalité entre femmes et hommes, soit par amendement de textes existants, soit par adoption de nouvelles lois, notamment :

La loi no 720 du 5 octobre 1998 relative à la création au sein du Conseil des ministres de la Commission nationale de la femme libanaise, dont une des missions est l’amélioration du statut des femmes et la proposition de projets de loi visant à instaurer l’égalité entre elles et les hommes ;

La décision du Conseil des ministres du 12 juin 2012 approuvant la Stratégie nationale de promotion des femmes au Liban, 2011-2021, et l’intégrant à tous les ministères en vue de garantir les droits des femmes dans tous les domaines sociaux civils, politiques, économiques et culturels ;

La loi no 162 du 17 août 2011 abrogeant les circonstances atténuantes accordées par l’article 562 de Code pénal à l’homme ayant surpris son conjoint, son ascendante, sa descendante ou sa sœur en flagrant délit d’adultère ou de rapports sexuels illégitimes avec un tiers, se sera rendu coupable sur la personne de l’un ou l’autre de ces derniers d’homicide ou de lésion non prémédités (c’est-à-dire les « crimes d’honneur ») ;

La loi no 293 du 1er avril 2014 sur « la protection des femmes et des autres membres de la famille de la violence domestique », prévoyant pour les femmes des mesures de protection en plus de celles garanties par les autres textes de loi, notamment le Code pénal, des sanctions plus sévères pour toutes violences commises contre elles, la modification des articles 487, 488, 489, 523, 527, 547, 559 et 618 du Code pénal, la mise en place d’un bureau du procureur général près de la cour d’appel de chaque province dédié aux affaires de violence domestique et la création d’un fonds spécial pour l’aide aux victimes de la violence familiale et leur réhabilitation, dont le financement est assuré par le budget de l’État et des dons.

40.En outre, avant la promulgation de la loi no 293/2014, le pouvoir judiciaire a pris des mesures pour lutter contre les violences faites aux femmes, notamment en poursuivant le conjoint – auteur des violences domestiques (morales ou physiques) – et en lui imposant des sanctions sévères, comme un moyen à la fois de coercition et de dissuasion. Après la promulgation de la loi, le pouvoir judiciaire a joué un rôle important dans la correction des imprécisions, notamment en élargissant la définition de la violence familiale pour inclure la violence morale.

41.En ce qui concerne le droit de la femme libanaise de transmettre sa nationalité à ses enfants et à son conjoint étranger, sur un pied d’égalité avec l’homme libanais marié à une étrangère, cette question ne fait toujours pas l’unanimité chez les différents partis politiques. Le Gouvernement libanais a créé le 21 mars 2012 un comité ministériel pour examiner l’amendement du dernier alinéa de l’article 4 du décret n° 15 du 19 janvier 1925 (loi sur la nationalité) en tant que premier pas positif sur la question du droit des femmes libanaises à transmettre leur nationalité à leur famille. Dans le même contexte, le Gouvernement a promulgué le décret no 4186 du 31 mai 2010 accordant des permis de séjour privilégiés de trois ans renouvelables au mari étranger d’une libanaise, à l’expiration d’un délai d’un an à compter de la date du mariage, ainsi qu’aux enfants de père étranger d’une libanaise, qu’ils soient majeurs ou mineurs et qu’ils aient un emploi ou non.

42.S’agissant de la promotion des droits des femmes à participer à la vie politique, il convient de noter que leur rôle est encore limité en ce qui concerne leur participation au Gouvernement ou à la Chambre des députés. La Commission nationale de la femme libanaise, en collaboration avec les organisations de la société civile, a lancé des campagnes d’information et organisé des cours de formation à l’intention des femmes afin de les soutenir et de renforcer leur rôle dans la vie politique. La Chambre des députés est toujours saisie des projets de loi sur les élections législatives qui prévoient de garantir aux femmes une meilleure participation à la vie politique libanaise, par l’instauration de quotas leur garantissant de siéger à la Chambre des députés, aux conseils municipaux et au Gouvernement.

43.En ce qui concerne l’application du principe d’égalité entre femmes et hommes en matière de droits conjugaux au moment de la conclusion du contrat de mariage, pendant le mariage et à sa dissolution, et en réponse à la recommandation n° 19 relative à l’adoption d’un Code civil du statut personnel, aucune mesure n’a été prise, notamment en raison du confessionnalisme qui caractérise le système.

III.Article 4 : Respect des droits fondamentaux dans le cadre de l’état d’urgence

44.En réponse à la recommandation n° 10, il importe de rappeler les deux points suivants :

a)Les conditions juridiques pour décréter l’état d’urgence ;

b)Les cas de recours à la proclamation de l’état d’urgence entre 1997 et 2016.

a)Les conditions juridiques pour décréter l’état d’urgence

45.Pour marquer la détermination de l’État à respecter les droits de l’homme, le paragraphe 5 de l’article 65 de la Constitution stipule que l’état d’urgence est l’une des questions « fondamentales » dont la proclamation ou la levée requiert l’approbation de la majorité des deux tiers des membres du Conseil des ministres, dont le quorum de validité est fixé aux deux tiers de ses membres. Lorsqu’une telle décision est prise, le Conseil des ministres se conforme aux dispositions de l’article 4 de la loi sur la défense nationale (décret-loi no 102/83) qui définissent les conditions ci-après de recours à l’état d’urgence, en confiant le maintien de la sécurité à l’armée :

L’État est menacé, dans une ou plusieurs régions du pays, d’actes préjudiciables à sa sécurité ou à ses intérêts.

L’état d’urgence ne peut être décrété que pour une durée déterminée mentionnée dans le décret le proclamant et ne peut être prorogé qu’après approbation du Conseil des ministres et dans les mêmes conditions.

L’armée a le mandat de maintenir la sécurité et de protéger l’État contre toute atteinte. Toutes les forces armées sont sous le commandement du commandant en chef de l’armée, avec l’aide du Conseil militaire et sous la supervision du Conseil supérieur de la défense.

Voici les mesures spéciales que l’armée peut prendre afin de préserver la sécurité :

Perquisitions dans les immeubles et autres locaux, après l’obtention d’une autorisation des autorités judiciaires compétentes ;

Contrôle des ports et des navires dans les eaux territoriales libanaises ;

Contrôle de l’arrivée et du départ des étrangers ;

Interdiction des rassemblements non autorisés ou à caractère militaire ;

Poursuite des fauteurs de troubles qui seront déférés devant les tribunaux compétents dans un délai de cinq jours à partir du jour de leur arrestation ; et

Lutte contre la contrebande.

Les auteurs des actes portant atteinte à la sécurité et les personnes gardées à vue dans le cadre de la mise en application des mesures susmentionnées sont tous déférés devant les tribunaux militaires.

b) Les cas de recours à la proclamation de l ’ état d ’ urgence entre 1997 et 2016

46.Depuis la levée de l’état d’urgence proclamé par décret no 7988 du 27 février 1996 et malgré les crises sécuritaires récurrentes et les attaques terroristes sur les différentes régions, le Gouvernement n’a pas eu recours à l’état d’urgence entre 1997 et 2016.

IV.Article 5 : Droit à la large application des droits et l’adoption d’une interprétation étroite des restrictions

47.En 1990, l’État a formulé en termes clairs, ne donnant pas lieu à interprétation, son engagement à respecter les droits de l’homme dans les paragraphes b) et c) de la Constitution, qui disposent que le Liban est une république démocratique parlementaire fondée sur le respect des libertés publiques, engagée par les pactes arabes et internationaux relatifs aux droits de l’homme et attachée à l’application de leurs principes dans tous les champs et domaines, sans exception. Ainsi, l’État, avec tous ses organes, ne prend pas le texte du Pacte, en partie ou dans son intégralité, comme une excuse pour bafouer les droits reconnus. Il emploie le principe de l’interprétation stricte des restrictions, qui peuvent être imposées à l’exercice des droits, en tenant compte des dispositions du paragraphe 2 de l’article 4 du Pacte.

Troisième partie

Articles 6 à 27 : Droits civils et politiques reconnus

I.Article 6 : Droit à la vie

48.Le Liban s’est engagé à respecter le droit à la vie des personnes résidant sur son territoire en vertu de la Constitution, de la Déclaration universelle des droits de l’homme, de la Charte arabe des droits de l’homme, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, des Conventions de Genève de 1949 et des Protocoles additionnels y afférents de 1977, de la Convention contre la torture et de la Convention relative aux droits de l’enfant. Cependant, la question de l’abolition de la peine de mort fait encore l’objet de controverses entre les différentes factions politiques. L’État a pris de nombreuses mesures pour s’acquitter de ses obligations internationales à cet égard. Par conséquent, en réponse aux recommandations nos 20 et 21, il sera rendu compte de ce qui suit :

a)Les mesures prises pour assurer la protection du droit à la vie ;

b)Les infractions pour lesquelles la loi prévoit la peine de mort ;

c)Les mécanismes juridiques permettant la grâce ou la commutation de la peine de mort ;

d)Les dispositions légales relatives à l’application de la peine de mort – le cas des enfants et des femmes enceintes.

a)Les mesures prises pour assurer la protection du droit à la vie

49.Le législateur a promulgué le 21 mars 1994 la loi no 302/94 prévoyant la peine de mort pour les homicides intentionnels (art. 547 et 548 du Code pénal) et les crimes politiques (art. 198 du Code pénal) et interdisant aux juges de faire usage de leur pouvoir discrétionnaire d’admettre des circonstances atténuantes et de commuer la peine de mort en prison à vie. L’application de la peine capitale s’est poursuivie jusqu’en 1998, conformément aux dispositions de la loi no 302/94 (4 personnes ont été exécutées en 1997 et 2 autres en 1998), ce qui a suscité des protestations internes (d’officiels et de membres de la société civile) et internationales. Ces protestations ont conduit le législateur à adopter le 2 août 2001 la loi no 332 abrogeant la loi no 302/94 et rétablissant les dispositions du Code pénal en vigueur avant l’amendement. Entre 1999 et 2003, aucune peine capitale n’a été mise à exécution. Cet espoir a été bref, puisque trois personnes ont été exécutées le 19 janvier 2004. Il y a actuellement 57 condamnés à mort et le Ministre de la justice a, depuis 2004, le pouvoir de signer les décrets d’application de leur condamnation, ce qui reflète un moratoire de facto sur la peine de mort conformément aux dispositions de l’article 6 du Pacte. Il convient de noter que la peine de mort est la seule sanction pénale au Liban qui n’est pas appliquée aux criminels directement après le prononcé de la décision judiciaire définitive, mais doit faire l’objet d’un décret d’application émis par le pouvoir exécutif et signé à la fois par le Président de la République, le Premier Ministre et le Ministre de la justice.

50.Le Ministère de la justice a élaboré en 2008 un projet de loi portant abolition de la peine de mort et en a fait une large promotion. Certains députés ont également déposé un projet de loi portant abolition de la peine de mort.

51.En plus de ce qui précède, le Plan national pour les droits de l’homme débattu au Parlement en 2012 recommande au Gouvernement d’adopter la résolution 62/149 de l’Assemblée générale des Nations Unies intitulée « Moratoire sur l’application de la peine de mort » et de ratifier le Deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

b)Les infractions pour lesquelles la loi prévoit la peine de mort

52.En réponse à la recommandation no 20, les infractions passibles de la peine de mort sont des crimes et sont visées par les lois suivantes :

Le Code pénal et la loi du 11 janvier 1958 portant modification dudit code ;

Le Code de justice militaire ;

La loi no 673 du 16 mars 1998 sur les stupéfiants, les substances psychotropes et les précurseurs ;

La loi no 64 du 12 août 1988 sur la protection de l’environnement contre la pollution due à des déchets dangereux et des matières nocives.

53.Premièrement, le Code pénal prévoit la peine de mort pour tout auteur des infractions suivantes :

La trahison contre la nation (art. 273 à 276) ;

Les actes d’agression commis pour inciter à la sédition (art. 308 à 310) (voir la loi du 1er janvier 1958 portant amendement de ces articles) ;

Les actes de terrorisme ayant entraîné mort d’homme (art. 315) ;

L’homicide ou les actes de torture commis par les membres d’une bande armée (art. 336) ;

L’homicide intentionnel (art. 549) ;

L’homicide dans le but de déclencher un incendie (art. 591) ;

Les atteintes portées aux routes et aux moyens de transport ayant entraîné mort d’homme (art. 599) ;

L’homicide accompagné de vol (art. 640, 642 et 643).

54.Deuxièmement, le Code de justice militaire prévoit la peine de mort pour tout militaire auteur des infractions suivantes :

La désertion à l’ennemi (art. 110 et 112) ;

La mutilation volontaire opérée dans le but de se soustraire à ses obligations militaires s’il était en présence de l’ennemi (art. 120) ;

La capitulation devant l’ennemi (art. 121) ;

La trahison et le complot militaire ainsi que l’espionnage (art. 124, 125, 128 à 130) ;

Les pillages et les actes de sabotage (art. 132) ;

Les destructions (art. 135) ;

L’insubordination ou l’abandon de poste en présence de l’ennemi (art. 152, 163 et 165) ;

Les membres des armées de terre et de l’air ayant abandonné ou s’étant départi de leur véhicule ou ayant capitulé devant l’ennemi sans avoir épuisé tous les moyens de défense (art. 167, 168 et 171).

55.Troisièmement, la loi sur la protection de l’environnement contre la pollution due à des déchets dangereux et des matières nocives prévoit la peine de mort pour les auteurs des infractions visées aux articles 10 et 11 de ladite loi.

56.Quatrièmement, la loi sur les stupéfiants, les substances psychotropes et les précurseurs prévoit la peine de mort pour quiconque commet le crime visé à l’article 140 relatif aux actes d’agression perpétrés à l’encontre des agents de la force publique.

c)Les mécanismes juridiques permettant la grâce ou la commutation de la peine de mort

57.Tout condamné à mort peut demander au juge chargé de l’affaire de commuer sa peine capitale en réclusion à perpétuité ou de le gracier.

58.En ce qui concerne la commutation de la peine de mort en une peine moins sévère, le juge peut, de sa propre initiative ou à la demande de l’auteur du crime ou de son avocat, commuer la peine capitale en réclusion à perpétuité dans les cas suivants :

Lorsque le juge reconnaît que le mobile était honorable […]. Le mobile est honorable s’il se distingue par la magnanimité et la noblesse, s’il est dépourvu d’égoïsme et de considérations personnelles, et de bénéfices matériels (art. 193 du Code pénal).

Lorsque le juge reconnaît à l’infraction le caractère politique (art. 198 du Code pénal).

59.Si le juge estime que l’auteur du crime bénéficie d’une excuse atténuante (art. 251 et 252 du Code pénal) ou de circonstances atténuantes (art. 253 du Code pénal), la peine de mort est commuée en détention à temps d’un an au moins et de sept ans au plus dans le premier cas, et en travaux forcés à perpétuité ou à temps de sept à vingt ans dans le second cas.

60.S’agissant de la grâce accordée au condamné à mort, il faudrait préciser que celui-ci peut bénéficier de l’amnistie ou de la grâce (art. 147 et 150 à 156 du Code pénal). L’amnistie émane du pouvoir législatif. Elle éteint toute peine principale (comme la peine capitale), accessoire ou complémentaire (art. 150 du Code pénal). La grâce, quant à elle, est accordée par le Président de la République, après avoir consulté la Commission des grâces (art. 391 à 393, 395 et 399 du Code de procédure pénale), et elle ne peut concerner les peines accessoires ou complémentaires. Dans le cas de la peine de mort, la partie civile doit, conformément au paragraphe 3 de l’article 170 du Code pénal, être dédommagée dans un délai qui n’excèdera pas trois ans.

61.Outre ce qui précède, le condamné à mort bénéficiera des dispositions du Code d’application des peines 463/2002, tel que modifié par la loi no 183/2011, qui confèrent au juge d’application des peines le pouvoir de commuer la peine de mort en une peine allant de trente-cinq à quarante ans d’emprisonnement, pourvu que la personne condamnée remplisse les conditions générales de réduction de peine, notamment le fait d’avoir passé trente ans en prison, la bonne conduite, le dédommagement de la partie civile et l’extinction du droit à indemnisation.

d)Les dispositions légales relatives à l’application de la peine de mort – le cas des enfants et des femmes enceintes

62.Selon les dispositions de l’article 420 et des articles suivants du Code de procédure pénale, une condamnation à la peine capitale n’est exécutée qu’après consultation de la Commission des grâces et approbation du Président de la République. Le jugement est exécuté par voie de décret précisant le lieu et les modalités d’exécution de la peine. La peine capitale ne peut être exécutée les dimanches, les vendredis et les jours de fête nationale ou religieuse. La peine capitale infligée à une femme enceinte n’est exécutée que dix semaines après l’accouchement. En outre, la loi no 422/2002 sur la protection des mineurs en conflit avec la loi ou exposés au danger dispose qu’il est du devoir du Tribunal pénal des mineurs de remplacer la peine de mort pour des crimes commis par des mineurs par une peine de prison de cinq à quinze ans (art. 6 et 15 de ladite loi).

II.Article 7 : Le droit de chacun de ne pas être soumis à la torture ni à des traitements cruels, inhumains ou dégradants, non plus qu’à une expérience médicale ou scientifique sans son libre consentement

63.L’article 8 de la Constitution a consacré le principe de protection de la liberté individuelle en la rattachant naturellement à la protection du droit de chacun au respect de son intégrité. L’État respecte le droit au respect de l’intégrité, physique et morale, en garantissant à chacun la protection des droits suivants :

a)Le droit de ne pas être soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

b)Le droit de ne pas être soumis à une expérience médicale ou scientifique sans son libre consentement.

a)Le droit de chacun de ne pas être soumis à la torture ou à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

64.En réponse à la recommandation no 17, et conformément aux dispositions de l’article 7 du Pacte, référence est faite au rapport initial du Liban relatif à l’application de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants présenté en mars 2016 par le Gouvernement libanais au Comité contre la torture des Nations Unies, rapport qui comporte l’ensemble des mesures prises par l’État dans le cadre de la prévention et la lutte contre la torture.

65.Il serait cependant utile de rappeler ce qui suit :

La loi libanaise protège le droit de chacun de ne pas être soumis à la torture ou à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et prévoit des peines pour les atteintes à ce droit dans les différents articles du Code pénal qui sanctionnent l’agression physique ou mentale (art. 371, 401, 547 à 549, 554 à 558, 573 à 578, 582 et 584).

L’État a procédé à l’élargissement de la portée de la protection juridique grâce à la ratification de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en vertu de la loi no 185 du 25 mai 2000 et du Protocole facultatif y afférent en vertu de la loi no 12 du 5 septembre 2008, conformément aux dispositions de l’article 7 du Pacte. L’État a déployé des efforts inlassables et pris des mesures préventives et répressives pour remplir ses obligations à cet égard.

b)Le droit de chacun de ne pas être soumis à une expérience médicale ou scientifique sans son libre consentement

66.Le Code de déontologie médicale, promulgué par la loi no 288 du 22 février 1994 et modifié par la loi no 240 du 22 octobre 2012, consacre un chapitre spécial à l’expérimentation humaine. Les dispositions de ce code sont conformes à l’article 7, notamment en termes d’interdiction pour le médecin de prescrire des médicaments ou traitements à titre d’expérimentation, sauf après que des études scientifiques adaptées ont été pratiquées pour chaque cas particulier dans un centre hospitalo-universitaire spécialisé, que le comité d’éthique du centre hospitalo-universitaire ait donné son approbation, que le traitement ait été enregistré auprès du Ministère de la santé et que le patient (ou ses parents dans le cas des mineurs) ait donné son consentement et à condition que ce traitement lui est proposé gratuitement.

67.La pratique de l’avortement est légalement interdite. L’avortement thérapeutique doit être l’unique moyen pour sauver la vie de la mère en grand danger. Cet avortement ne pourra être réalisé qu’après accord de la mère et après l’approbation de deux médecins spécialistes, en plus du médecin traitant ou le chirurgien.

III.Article 8 : Le droit relatif à la prévention de la traite des personnes

68.Étant donné sa gravité, l’État mène une guerre contre la traite des êtres humains par tous les moyens et s’efforce de lutter contre ce crime et de garantir la protection des personnes qui en sont victimes. On trouvera ci-après certaines des mesures prises à cet égard :

La ratification du Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (loi no 682 du 24 août 2005) ;

La répression sévère du crime de traite des personnes et les dispositions prévoyant des mécanismes juridiques pour aider et protéger les victimes et les témoins (loi no 164 du 24 août 2011) ;

La fixation des conditions de passation de contrats entre l’État et les établissements et associations de la société civile en matière d’aide et de protection des femmes et des enfants victimes de la traite des personnes et la définition des règles d’assistance (décret no 9082 du 10 octobre 2012) ;

L’élaboration par le Comité gouvernemental constitué des représentants des ministères concernés d’un guide pratique sur le crime de la traite des personnes et d’un autre sur les indicateurs relatifs à ce crime ;

L’organisation par le Ministère de la justice, le Ministère de l’intérieur et des municipalités, le Ministère du travail et le Ministère des affaires sociales de sessions de formation à la gestion des crimes de traite des êtres humains et à la façon de traiter les victimes et les moyens de leur prêter assistance, destinées aux agents de la force publique ;

L’adoption par le Ministre des affaires sociales du « Plan d’action sectoriel sur la traite des enfants au Liban » ;

Depuis l’entrée en vigueur de la loi no 164, l’autorité judiciaire s’est employée à poursuivre et à punir les auteurs du crime de traite des êtres humains. Dans ce contexte, le Bureau de la protection des mœurs a été rebaptisé Bureau de la lutte contre la traite des êtres humains et de la protection des mœurs du Service de la police judiciaire.

69.Dans le but de promouvoir les droits des travailleurs domestiques migrants et de prévenir leur exploitation dans le cadre de la traite des êtres humains, le Ministère du travail a pris plusieurs mesures pour les protéger, notamment l’établissement d’un contrat type et la signature de mémorandums d’entente avec certains des États dont ils sont ressortissants. Il a, en outre, soumis au Gouvernement, le 16 juillet 2014, un projet de loi autorisant l’adhésion du Liban à la Convention (no 189) sur les travailleuses et travailleurs domestiques de l’Organisation internationale du Travail, mais le Conseil des ministres n’a pris à ce jour aucune mesure en vue de la ratifier. Le Ministère du travail a également élaboré un manuel en plusieurs langues sur les droits et les obligations des travailleurs étrangers, un manuel que ces travailleurs reçoivent à leur arrivée à l’aéroport ou auprès des départements compétents dudit ministère. Il a mis en service un numéro d’urgence, le 1740, pour recevoir les appels et les plaintes, mis en place une unité administrative spéciale, à savoir la Division de l’inspection, de la prévention et de la sécurité, chargée d’examiner l’ensemble des plaintes de violation des droits des travailleurs étrangers et de faire surveiller de près les bureaux de recrutement par les inspecteurs du travail dans le but d’empêcher toute exploitation, et a établi ce qu’on appelle la « liste noire » des noms d’employeurs qui abusent des travailleuses domestiques.

IV.Article 9 : Le droit à la liberté et de ne pas faire l’objet d’une détention arbitraire

70.L’article 8 de la Constitution a consacré le principe de protection de la liberté individuelle en disposant que nul ne peut être arrêté ou détenu que suivant les dispositions de la loi. En application de ce qui précède, l’État – à travers ses appareils judiciaire et sécuritaire – a pris des mesures propres à garantir le droit à la liberté et de ne pas faire l’objet d’une détention arbitraire, dont les plus importantes sont la modification du Code de procédure pénale par la loi no 328 du 2 août 2001 et les dispositions garantissant à chacun les droits fondamentaux suivants :

a)Le droit de ne pas faire l’objet d’une détention, sauf dans les cas prévus par la loi (paragraphes 1, 4 et 5 de l’article 9) ;

b)Le droit d’être informé des infractions qui lui sont imputées et des raisons de son arrestation (paragraphe 2 de l’article 9) ;

c)Le droit de faire l’objet d’une enquête dans les meilleurs délais et d’être jugé dans un délai raisonnable (paragraphe 3 de l’article 9) ;

d)Le droit de bénéficier de mesures de substitution à la détention (paragraphe 3 de l’article 9).

a)Le droit de ne pas faire l’objet d’une arrestation, sauf dans les cas prévus par la loi

71.Les autorités, notamment judiciaires, prennent les mesures nécessaires (circulaires distinctes du ministère public, stages de formation continue à l’intention des juges et procédures d’établissement des responsabilités) pour garantir la liberté individuelle et l’interdiction de la détention arbitraire de toute personne (libanaise ou étrangère), sauf en conformité avec les dispositions ci-après énoncées dans le nouveau Code de procédure pénale :

L’officier de la police judiciaire ne peut prendre des mesures, mener une enquête ou initier une procédure contre quiconque que sous la supervision du pouvoir judiciaire et ne peut procéder à l’arrestation de quiconque que sur décision de la juridiction compétente – c’est-à-dire le procureur général compétent (art. 15, 16, 38 à 42 et 46 à 48).

La garde à vue ne peut excéder quarante-huit heures et peut être prolongée de quarante-huit heures supplémentaires sur décision motivée du procureur général, qu’il s’agisse de crimes ou de délits (art. 32, 42 et 47).

Les avis de recherche à l’encontre des personnes introuvables s’éteignent de droit dix jours après la date de leur délivrance par le ministère public, et peuvent être prolongés sur décision judiciaire pour une durée maximale de trente jours (art. 24).

La garde à vue ne peut être autorisée pour les besoins de l’enquête que si l’infraction constitue un délit punissable d’une peine d’emprisonnement d’un an au moins ou si le défendeur ait déjà fait l’objet d’une condamnation criminelle ou d’une peine d’emprisonnement sans sursis de plus de trois mois (art. 46 et 107).

Le juge d’instruction doit motiver le mandat d’arrêt et y démontrer les motifs factuels et matériels (art. 107).

72.Les infractions à ces dispositions et principes juridiques peuvent engager la responsabilité de leurs auteurs, qu’ils soient juges ou agents des forces de l’ordre. La loi garantit le droit de la victime d’obtenir réparation par les mécanismes suivants :

En sus des sanctions disciplinaires infligées par ses supérieurs administratifs, l’officier de police judiciaire qui enfreint les règles relatives à la garde à vue s’expose à des poursuites du chef de « privation de liberté », infraction visée aux articles 367 à 369 du Code pénal.

73.Le juge qui enfreint ces règles s’expose aux mêmes poursuites du chef de « privation de liberté », dans le respect des règles de procédure régissant l’engagement de poursuites à l’encontre de juges auteurs d’une infraction.

Toute victime d’arrestation illégale a le droit d’engager une action civile ou pénale en vue de demander réparation. La réparation accordée aux victimes d’arrestation arbitraire doit être juste, adéquate et proportionnelle au préjudice matériel et moral subi.

Toute victime peut invoquer le principe de la responsabilité de l’État pour les actes de ses employés et saisir le Conseil d’État d’une action en responsabilité pour demander des comptes à l’État et réparation de la faute commise par l’un de ses employés – c’est-à-dire l’un des membres des forces de l’ordre – qui, au cours de l’exercice de ses fonctions (infraction aux règles de la garde à vue), lui a porté préjudice matériel et moral.

Si l’infraction aux règles de la garde à vue est commise par un juge, la victime peut également invoquer les dispositions du Code de procédure civile qui permettent aux citoyens d’engager une action contre l’État au sujet de la responsabilité des magistrats – qu’il s’agisse de juges du fond, de juges d’instruction ou de magistrats du parquet – pour les fautes graves résultant d’un manquement aux obligations professionnelles.

b)Le droit d’être informé des infractions qui lui sont imputées et des raisons de son arrestation

74.La personne chargée de l’enquête, qu’il s’agisse d’un juge ou d’un officier de la police judiciaire, doit informer la personne gardée à vue, après vérification de son identité, de tous les faits qui lui sont reprochés et des charges qui pèsent contre elle, sans omettre le moindre fait qui a conduit à l’ouverture de l’enquête. Le non-respect de cette procédure emporte nullité du procès-verbal d’interrogatoire (art. 76 du Code de procédure pénale). S’il s’avère que le droit de la personne gardée à vue d’être notifiée des charges qui pèsent contre elle n’a pas été respecté, il revient aux tribunaux d’exercer leur contrôle sur la protection des droits des personnes gardées à vue et de prononcer la nullité de l’interrogatoire effectué lors de l’enquête préliminaire ou de l’instruction préparatoire.

c)Le droit de faire l’objet d’une enquête dans les meilleurs délais et d’être jugé dans un délai raisonnable

75.Le droit de la personne gardée à vue d’être interrogée dans les meilleurs délais découle des dispositions du nouveau Code de procédure pénale, notamment le chapitre sur les pouvoirs du juge d’instruction, qui a le devoir d’interroger « immédiatement » la personne gardée à vue (art. 107 et suivants). Ce droit signifie fondamentalement que, sans excuse légitime, l’interrogatoire de la personne gardée à vue doit avoir lieu sans délai. Les autorités judiciaires et les services de sécurité veillent, dans la mesure du possible, à ce que ce droit soit respecté, en tenant obligatoirement compte de la pression considérable exercée sur les centres de détention du fait de l’augmentation du nombre d’infractions après le déclenchement de la crise syrienne.

76.En ce qui concerne le droit de la personne gardée à vue d’être jugée dans un délai raisonnable, le nouveau Code de procédure pénale définit clairement ce délai à l’article 108, qui stipule que :

À l’exception des situations où l’intéressé a déjà été condamné à une peine d’emprisonnement d’un an au moins, la détention provisoire ne peut dépasser deux mois en matière délictuelle, renouvelables une fois en cas d’extrême nécessité.

À l’exception des crimes d’homicide et de ceux liés aux stupéfiants et aux atteintes à la sûreté de l’État, des crimes présentant un grave danger, des crimes de terrorisme et des cas où l’intéressé a déjà fait l’objet d’une peine criminelle, la détention provisoire ne peut dépasser six mois en matière criminelle, renouvelables une seule fois par ordonnance motivée.

77.Dans ce contexte, le Conseil supérieur de la magistrature et le parquet de la Cour de cassation ont émis un certain nombre de directives ordonnant aux juges d’instruction et aux juges du fond de se conformer aux dispositions de l’article 108 susmentionné. Des cours de formation continue sur la détention provisoire et sur l’obligation de comparution dans les plus brefs délais des personnes gardées à vue sont dispensés.

d)Le droit de bénéficier de mesures de substitution à la détention

78.La liberté est la règle, et la détention l’exception. C’est pourquoi en vertu de l’article 111 du nouveau Code de procédure pénale, le juge d’instruction peut, indépendamment de la catégorie d’infraction visée et après demande de l’avis du ministère public, substituer à l’arrestation du défendeur sous contrôle judiciaire, assortie d’une ou plusieurs obligations qu’il estime nécessaires, notamment :

L’obligation de résider dans un lieu donné, l’interdiction de quitter ce lieu et l’obligation d’y élire domicile ;

L’interdiction de fréquenter certains établissements ou endroits ;

L’obligation de remettre son passeport au greffe de la juridiction d’instruction et d’en aviser la Direction générale de la sûreté de l’État, à condition que cette confiscation n’excède pas la durée légale de la détention provisoire ;

L’obligation de s’engager à ne pas quitter le périmètre de contrôle et de se rendre régulièrement au centre de contrôle pour confirmer sa présence ;

L’interdiction d’exercer certaines professions pendant toute la durée du contrôle ;

L’obligation de se soumettre régulièrement à des examens médicaux et de laboratoire pendant une durée fixée par le juge d’instruction ;

L’obligation de fournir un cautionnement dont le montant est fixé par le juge d’instruction.

79.Les juges d’instruction ont recours à l’application de ces dispositions pour, d’une part, préserver les droits des justiciables, et de l’autre, atténuer le problème de la surpopulation carcérale.

V.Article 10 : Droits des détenus

80.La loi garantit les droits des personnes privées de liberté, et les autorités prennent les mesures nécessaires possibles en vue d’en assurer le respect. Nous verrons ci-après les textes juridiques et les procédures judiciaires adoptés pour garantir les droits suivants :

a)Le droit des prisonniers à un traitement humain (point 1) ;

b)Le droit au respect du principe de séparation entre condamnés et personnes gardées à vue (point 2 a)) ;

c)Le droit au respect du principe de séparation entre mineurs et adultes (point 2 b)) ;

d)Le droit à la réadaptation et à la réinsertion (point 3).

a)Le droit des prisonniers à un traitement humain

81.Le droit comprend un ensemble de règles visant à assurer que les prisonniers soient traités humainement. Il reconnaît pour les prisonniers des droits fondamentaux inviolables dans diverses lois (art. 46 et 58 du Code pénal, art. 49, 52, 53, 56, 59, 60, 67, 80, 109, 110 et 111 du décret no 14310/1949 sur les prisons sous contrôle de la Direction générale des forces de sécurité intérieure, art. 26, 29, 31, 38, 42 et 43 du décret no 6236 relative aux prisons et lieux de détention relevant du Ministère de la défense nationale, art. 410 et 411 du Code de procédure pénale et art. 4 de la loi no 463 du 17 septembre 2002 portant Code d’application des peines). Le plein respect des droits des prisonniers ne correspond tout simplement pas à la réalité observée dans les prisons et les centres de détention, du fait de la crise de surpopulation, du retard qu’ont pris les gouvernements successifs à faire face au nombre croissant de prisonniers, de l’absence de dotation financière nécessaire à la construction de nouvelles prisons dans différentes régions du Liban, de l’augmentation du nombre de détenus et de prisonniers dans les prisons libanaises après le déclenchement de la crise syrienne et de la lutte contre la menace que constituent les activités menées par les terroristes à l’intérieur des prisons. Mais malgré cela, l’État s’emploie à veiller à ce que les prisonniers soient traités humainement.

82.On trouvera une description détaillée des efforts entrepris par le Gouvernement libanais pour veiller à ce que les prisonniers soient traités humainement dans le chapitre 16 du rapport initial présenté par le pays au titre de la Convention contre la torture (mars 2016) – merci de bien vouloir vous y reporter. Cependant, il est nécessaire d’attirer l’attention sur les mesures importantes suivantes :

L’adoption par le Gouvernement d’une stratégie nationale pour le transfert des attributions de l’administration pénitentiaire du Ministère de l’intérieur à celui de la justice, en vertu de la décision no 34 du 7 mars 2012 ;

L’adoption de la loi no 216 du 30 mars 2012 qui a ramené la durée de l’année pénitentiaire de douze à neuf mois ;

La mise en place au Ministère de la justice d’une direction des prisons chargée de l’inspection, du contrôle et de l’organisation des prisons, et la nomination d’un juge à sa tête ;

La création de commissions judiciaires dans les gouvernorats libanais, chargées de veiller à la mise en œuvre de la loi sur l’application des peines (loi no 463 du 17 septembre 2002, telle que modifiée par la loi no 183 du 5 octobre 2011), dont la plus importante est l’instance appelée à examiner la possibilité d’envisager une réduction de peine des personnes condamnées ;

La création par le Ministère des affaires sociales d’un centre de services de développement à la prison centrale de Roumieh ;

La création d’unités administratives au niveau des organes chargés du maintien de l’ordre, en l’occurrence la Direction générale de la sûreté publique, la Direction générale des forces de sécurité intérieure et le Commandement de l’armée libanaise, pour améliorer les conditions de détention et garantir le respect des droits des prisonniers en leur sein.

b)Le droit au respect du principe de séparation entre condamnés et personnes gardées à vue

83.La loi pose le principe de séparation entre prisonniers et personnes gardées à vue. Néanmoins, les conditions de vie dans les centres de détention de la police et les prisons sont loin d’être exemplaires et sont caractérisées par de nombreuses insuffisances en termes de moyens disponibles et de services, ainsi qu’en matière d’infrastructures disponibles en raison des conditions politiques et sécuritaires instables, ce qui se répercute de manière négative sur l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus. En effet, le principe de séparation entre prisonniers et personnes gardées à vue n’est pas pleinement mis en œuvre dans les prisons. Toutefois, conscientes de leurs responsabilités en la matière, les autorités tentent de déployer tous les efforts nécessaires en vue de garantir le respect de ce principe.

c)Le droit au respect du principe de séparation entre mineurs et adultes

84.Les autorités respectent le principe de séparation entre mineurs et adultes dans les centres de détention et les prisons. Les mineurs sont détenus ou emprisonnés dans des lieux qui leur sont réservés dans la prison de Roumieh et qui relèvent du Département des mineurs du Ministère de la justice.

d)Le droit à la réadaptation et à la réinsertion

85.Les prisonniers adultes n’ont toujours pas le droit à la réadaptation et à la réinsertion. Les efforts déployés par l’État dans ce domaine sont encore insuffisants, compte tenu notamment de la crise politique et sécuritaire, tant interne que régionale, dont souffre le Liban. Les services de réadaptation (notamment psychologique) et de réinsertion (notamment sociale) des prisonniers sont dans une grande mesure assurés par des associations non gouvernementales, nationales et internationales. S’agissant des mineurs, la situation est différente parce que leurs conditions de détention tiennent compte des normes et standards internationaux. L’État poursuit ses efforts pour améliorer les quartiers réservés aux mineurs et garantir l’exercice de leurs droits fondamentaux dans les prisons.

VI.Article 11 : Droit de ne pas imposer une peine d’emprisonnement pour manquement à une obligation contractuelle

86.Il n’y a rien de nouveau dans ce domaine. L’État confirme que tous les textes de loi considèrent l’emprisonnement comme une sanction pénale, qui ne s’applique que lorsque l’individu commet une infraction pénale. Cette sanction ne pourra lui être imposée pour manquement à une obligation contractuelle (voir le rapport présenté en 1997).

VII.Article 12 : Droit de circuler librement et de choisir librement sa résidence

87.L’État respecte le droit de circuler librement et de choisir librement sa résidence. Cette liberté ne fait l’objet de restrictions que pour les motifs énoncés au paragraphe 3 de l’article 12.

88.En ce qui concerne les étrangers au Liban, la question de la violation de ce droit a fait l’objet d’une réponse. On se référera donc aux informations communiquées dans le présent rapport à propos de l’article 2 du Pacte.

VIII.Article 13 : Le droit de l’étranger de ne pas être expulsé arbitrairement du pays

89.La loi consacre le droit de l’étranger de ne pas être expulsé arbitrairement du pays. Il ne peut en être expulsé que selon les dispositions légales et sur la base des décisions prises par les autorités suivantes :

Le Conseil des ministres sur proposition du Ministre de la justice, accompagnée du rapport du procureur général de la Cour de cassation dans lequel il décide d’extrader l’étranger à la suite d’une demande d’extradition formulée par son pays d’origine ;

Les tribunaux libanais : la Cour pénale ou le juge unique pénal ;

Le Directeur général de la sûreté publique.

90.En ce qui concerne l’extradition de l’étranger ayant fait l’objet d’une demande d’extradition par son pays d’origine, le parquet de la Cour de cassation, le Ministère de la justice et le Conseil des ministres tiennent compte des dispositions du Code pénal (art. 31 à 34) ou les dispositions des traités bilatéraux conclus avec certains États. Quant aux tribunaux, ils ne prononcent l’extradition qu’en vertu d’un texte juridique clair, et l’écartent en application de l’article 3 de la Convention contre la torture lorsqu’il y a des motifs sérieux de croire que l’étranger serait en danger dans son pays. Le Directeur général de la sûreté publique prend la décision d’expulser un étranger s’il estime que sa présence au Liban constitue une menace pour la sécurité et l’ordre public. Dans ce cas, l’étranger peut s’y opposer et il revient au Directeur général de décider de ne pas l’expulser s’il trouve que les motifs exposés sont suffisamment sérieux. Dans le cas où la décision d’expulsion est arbitrairement prise par le directeur général de la sûreté publique, l’étranger peut saisir le juge des référés afin d’empêcher l’exécution de la décision administrative d’expulsion et de contester sa légitimité devant le Conseil d’État.

IX.Article 14 : Les droits de l’homme dans l’administration de la justice

91.Le Code de procédure civile, le nouveau Code de procédure pénale et le Code pénal prévoient des dispositions qui garantissent, tant au Libanais qu’à l’étranger, le respect des droits ci-après en ce qui concerne l’administration de la justice :

a)Le droit d’être entendu par un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi et garantissant un procès équitable et public ;

b)Le droit au respect de la présomption d’innocence ;

c)Le droit au respect des garanties fondamentales de procédure ;

d)Le droit du mineur à un traitement spécial ;

e)Le droit d’interjeter appel des décisions judiciaires ;

f)Le droit de ne pas être poursuivi plus d’une fois pour un même fait.

92.L’autorité judiciaire doit exercer ses pouvoirs de contrôle et de réparation applicables aux victimes en cas de violation de ces droits.

a)Le droit d’être entendu par un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi et garantissant un procès équitable et public

93.La loi garantit le droit d’être entendu par un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi et garantissant un procès équitable (art. 7 du Code de procédure civile). Le Conseil d’État a consacré ce droit dans sa décision du 1er avril 2014 portant annulation de la décision de la Direction générale de la sûreté publique, qui interdit la présence de l’avocat aux interrogatoires de ses clients, en considérant que cette décision administrative a violé le droit de l’individu d’être interrogé équitablement et publiquement.

94.L’existence du tribunal militaire d’exception suscite de nombreuses critiques sur la manière dont ce droit est garanti. Et nombreux sont les appels – internationaux et nationaux – exigeant l’abolition de ce tribunal qui porte atteinte aux droits de l’homme relatifs aux garanties judiciaires, notamment en termes d’impossibilité pour les victimes de poursuivre la procédure devant le tribunal et de demander réparation aux personnes juridiquement responsables. Il ne reste cependant aux victimes que la possibilité de s’adresser aux tribunaux civils conformément aux dispositions des articles 134 et suivants du Code des obligations et des contrats, ce qui aurait pour conséquence le prolongement de la procédure et l’impossibilité d’exercer ce droit avant le prononcé de la décision par le tribunal militaire. En réponse à la recommandation no 14, la Chambre des députés est saisie actuellement de trois projets de loi sur l’abolition du tribunal militaire et la réattribution aux juridictions de l’ordre judiciaire de la compétence en matière de poursuite de nombreuses infractions. Ces projets de loi sont encore débattus.

95.Les tribunaux garantissent le principe du caractère public des procès, sauf dans les cas énoncés à la dernière phrase du paragraphe 1 de l’article 14.

96.En ce qui concerne le principe de l’égalité devant la loi, il convient de se référer aux informations communiquées dans le présent rapport à propos de l’article 2 du Pacte.

97. S’agissant de l’indépendance du pouvoir judiciaire, et en réponse à la recommandation no 15, le pouvoir législatif est saisi de divers projets pour garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire des pouvoirs exécutif et législatif.

b)Le droit au respect de la présomption d’innocence

98.Le droit au respect de la présomption d’innocence est un des droits fondamentaux reconnus pour les personnes accusées d’avoir commis une infraction pénale. Il est également un des principes fondamentaux appliqués par l’autorité judiciaire à toutes les étapes de l’action publique et des procédures y afférentes, notamment pendant le procès où la condamnation d’une personne ne peut être prononcée s’il existe des doutes sur sa culpabilité.

c)Le droit au respect des garanties fondamentales de procédure

99.L’article 47 du nouveau Code de procédure pénale constitue le texte de base énonçant et garantissant les droits des personnes gardées à vue avant qu’elles ne fassent l’objet d’une quelconque procédure d’instruction ou d’un quelconque moyen d’investigation. Ainsi, à la suite des amendements apportés en 2011, la personne gardée à vue bénéficie des droits suivants :

Le droit à ce que l’autorité chargée de l’enquête soit légalement compétente pour la mener – à savoir les magistrats du ministère public et les officiers de la police judiciaire sur mandat du procureur général ou du juge d’instruction compétent ;

Le droit d’être interrogée dans les meilleurs délais ;

Le droit d’être informée de l’infraction dont elle est accusée, des preuves et des éléments de preuve qui ont conduit à son inculpation ;

Le droit de s’entretenir avec un avocat qu’elle désigne par déclaration consignée dans le procès-verbal de l’enquête préliminaire, sans qu’il soit nécessaire d’établir un mandat en bonne et due forme.

100.Il convient de noter ici l’existence d’une divergence de jurisprudence relative à la présence de l’avocat à l’interrogatoire de son client au cours de l’enquête préliminaire. Certains juges permettent la présence de l’avocat, alors que d’autres s’en tiennent à la lettre du texte et ne le permettent pas.

Le droit de bénéficier de l’assistance d’un interprète assermenté si elle ne maîtrise pas la langue arabe ;

Le droit de communiquer avec un membre de sa famille, son employeur, un avocat de son choix ou une de ses connaissances ;

Le droit d’être examinée par un médecin légiste ;

Le droit de garder le silence, de refuser de répondre et de ne pas y être contraint ;

Le droit de ne pas être tenue de prêter serment, eu égard à l’impact qu’il a sur le libre exercice de la volonté.

101.Il incombe aux officiers de police judiciaire d’informer le suspect des droits susmentionnés dès le début de la garde à vue et de mentionner cette formalité dans le procès-verbal. L’omission de cette formalité pourrait entraîner la nullité du procès-verbal de l’interrogatoire.

102.Le droit à un avocat tant au cours de l’instruction préparatoire que tout au long du procès est un des droits fondamentaux reconnus en vertu des dispositions du nouveau Code de procédure pénale. Le juge – d’instruction ou du fond – rend la personne gardée à vue attentive à ce droit avant de commencer la procédure. Si elle ne dispose pas de moyens lui permettant d’engager un avocat, l’Ordre des Avocats en sera informé pour lui en désigner un.

103.La liste des témoins à charge doit être notifiée à la personne gardée à vue, qui a le droit de s’opposer à leur audition et de soumettre la liste des témoins à décharge.

104.En ce qui concerne son droit de ne pas être contrainte de faire des aveux, il convient de se référer aux informations communiquées dans le présent rapport à propos de l’article 7 du Pacte.

d)Le droit des mineurs à un traitement spécial

105.Le législateur a promulgué le 6 juin 2002 la loi no 422 sur la protection des mineurs en conflit avec la loi ou exposés au danger, laquelle prévoit pour les enfants des procédures et des droits qui doivent être respectés sous peine de nullité de l’enquête préliminaire, notamment ce qui suit :

Les mineurs en conflit avec la loi ont droit à un traitement équitable et humain. L’autorité chargée de l’enquête s’attachera, dans toute la mesure du possible, à traiter leurs cas en évitant le recours à une procédure judiciaire et en privilégiant les règlements et solutions à l’amiable et les mesures non privatives de liberté ;

Les mineurs ne sont pas détenus avec des adultes ;

La confidentialité de la procédure dont le mineur fait l’objet doit être respectée et la nature et les circonstances de l’infraction commise ne doivent pas être divulguées (art. 33 et 40) ;

Les parents, tuteurs ou ceux qui ont la garde du mineur doivent être immédiatement informés de l’infraction qui lui est imputée ;

Le travailleur social agréé doit être immédiatement averti et invité à assister à l’enquête.

e)Le droit d’interjeter appel des décisions judiciaires

106.La loi consacre le droit d’interjeter appel des décisions judiciaires devant deux juridictions. Les jugements rendus par les tribunaux de première instance peuvent faire l’objet d’un appel devant les cours d’appel, dont les arrêts sont susceptibles de pourvoi en cassation, conformément aux règles énoncées dans les codes de procédure civile et de procédure pénale. Dans le cas d’un jugement définitif de condamnation, la loi permet à la personne condamnée d’être rejugée à la lumière de faits nouveaux et sur la base de motifs pertinents ou de bénéficier d’une amnistie ou d’une grâce.

f)Le droit de ne pas être poursuivi plus d’une fois pour le même fait

107.L’article 182 du Code pénal établit le droit de ne pas être poursuivi plus d’une fois pour le même fait. La justice pénale applique ce principe, en tenant compte des intérêts de l’inculpé. Les dispositions légales régissant la question de la poursuite de l’inculpé devant les tribunaux étrangers figurent aux articles 27, 28 et 29 du Code pénal.

X.Article 15 : Droit au respect du principe de la légalité des délits et des peines

108.La Constitution (art. 8) et le Code pénal (art. 6 à 14) consacrent le principe de la légalité des délits et des peines et même les mesures de sûreté. L’autorité judiciaire respecte ce principe lorsqu’elle poursuit ou juge une personne concernée par une infraction. Nul ne peut être poursuivi en justice, accusé d’une infraction ou condamné à une peine qu’au regard de la loi applicable au moment où l’infraction a été commise. Cependant, ce principe admet une exception qui consiste à faire appliquer, avec effet rétroactif, la loi la plus clémente contre l’inculpé. Toute loi nouvelle abolissant une peine, en édictant une plus douce ou en atténuant une déjà prévue s’applique immédiatement et rétroactivement aux personnes ayant commis des infractions antérieurement à sa mise en vigueur, sauf au cas où une condamnation définitive a été prononcée à leur encontre.

XI.Article 16 : Droit à la reconnaissance de la personnalité juridique

109.Le droit à la personnalité juridique est reconnu à tous ceux qui sont en possession de documents légaux permettant de les identifier. La loi prévoit des mécanismes juridiques qui permettent aux personnes non enregistrées de s’enregistrer dans les registres de statut personnel. En ce qui concerne les mesures prises pour assurer la reconnaissance de la personnalité juridique des étrangers, il convient de se référer aux informations communiquées dans le présent rapport à propos de l’article 2 du Pacte.

XII.Article 17 : Droit au respect de la vie privée

110.La loi consacre le principe du respect de la vie privée et punit toute violation de ce principe, notamment en ce qui a trait aux droits suivants :

a)Le droit à l’inviolabilité du domicile ;

b)Le droit au secret de la correspondance ;

c)Le droit à la réputation et à l’honneur.

a)Le respect du droit à l’inviolabilité du domicile

111.L’article 14 de la Constitution consacre le principe du respect de l’inviolabilité du domicile dans lequel nul ne peut pénétrer, sauf dans les cas prévus par la loi. Par respect de ce qui précède, les articles 571 et 572 du Code pénal érigent en infraction la violation de domicile, tandis que le nouveau Code de procédure pénale prévoit les conditions auxquelles une perquisition de domicile peut être ordonnée (art. 33 et 47), et dont les plus importantes sont :

Une perquisition de domicile s’effectue sur décision du procureur général et par des officiers de la police judiciaire sous son autorité ;

La perquisition s’effectue en présence du suspect ou de son avocat, de deux membres adultes de sa famille ou de deux témoins choisis par le procureur général ;

La perquisition n’est autorisée qu’entre cinq heures du matin et huit heures du soir, à moins que le propriétaire du domicile ne consente expressément à ce qu’une perquisition soit effectuée en dehors de ces heures.

b)Le respect du droit au secret de la correspondance

112.Le Code pénal a consacré un chapitre à la criminalisation des violations du secret de la correspondance :

L’article 579 punit toute personne qui divulgue sans raison valable, ou d’utiliser à son avantage ou à celui d’un tiers, un secret dont elle a eu connaissance du fait de sa situation, sa profession, son métier ou son domaine de spécialisation.

L’article 580 du Code pénal prescrit une peine d’emprisonnement pour une durée de deux mois à deux ans pour toute personne employée de l’administration des postes et des télégraphes qui abuse de sa qualité pour ouvrir, détruire ou voler une lettre fermée ou divulguer son contenu à une personne autre que celle à laquelle elle est destinée. Toute personne employée par l’administration du téléphone qui divulgue le contenu d’une communication téléphonique qu’elle a entendue du fait de sa profession ou son travail est passible de la même peine.

L’article 581 punit toute personne qui détruit ou ouvre délibérément une lettre ou un télégramme qui ne lui sont pas destinés ou intercepte une communication téléphonique par des moyens détournés, ainsi que toute personne qui prend connaissance du contenu d’une lettre, d’un télégramme ou d’une communication téléphonique et le divulgue au détriment d’une autre personne.

La loi no 140 relative à la protection du droit au secret des communications effectuées à travers tout moyen de communication a été promulguée le 27 octobre 1999 et modifiée par la loi no 158 du 27 décembre 2000. Cette loi respecte les principes internationaux relatifs à l’application des droits de l’homme à la surveillance des communications, à savoir la légalité, la légitimité de l’objectif, l’adéquation, la nécessité et la proportionnalité, en vertu d’une décision judiciaire pour ce qui est des infractions passibles d’une peine d’emprisonnement de plus d’un an, et d’une décision administrative en ce qui concerne la lutte contre le terrorisme, les crimes contre la sûreté de l’État et la criminalité organisée.

113.Dans tous les cas, l’interception des appels téléphoniques est limitée dans le temps.

c)Le respect du droit à la protection de la réputation et de l’honneur

114.Ce droit est protégé en vertu des dispositions des articles 582 et 584 du Code pénal qui répriment l’injure, la calomnie et la diffamation.

XIII.Article 18 : Droit au respect de la liberté de croyance

115.L’article 9 de la Constitution a consacré la liberté de croyance en termes absolus, et a imposé à l’État l’obligation de respecter toutes les religions et les confessions religieuses et d’assurer et de protéger la liberté de culte, à la condition que l’ordre public ne s’en trouve pas compromis. Le pouvoir judiciaire a joué un rôle important dans la protection de la liberté de croyance, et a émis plusieurs décisions de justice qui en garantissent l’exercice. Nous faisons référence ici, en réponse à la recommandation no 23, à la décision judiciaire du 1er septembre 2012 qui énonce une définition large et expresse de la liberté de croyance incluant la liberté de chacun de ne pas avoir de croyance. Par respect pour la liberté de croyance, les décisions judiciaires rendues en 2014 ont consacré le droit de chacun à changer de nom si celui-ci reflète son appartenance confessionnelle.

116.Après que de nombreux citoyens ont présenté des demandes à l’administration pour que la mention précisant leur appartenance confessionnelle soit rayée de leur acte de naissance, le Ministre de l’intérieur et des municipalités a pris, le 21 octobre 2008, une décision donnant suite auxdites demandes et émis, le 6 février 2009, une circulaire affirmant le droit de chaque citoyen d’exiger que la mention relative à son appartenance confessionnelle ne soit pas portée sur les registres de l’état civil ou en soit rayée. Selon l’inventaire de la Direction générale du statut personnel du Ministère de l’intérieur et des municipalités, environ 300 personnes ont bénéficié de cette décision.

XIV.Article 19 : Droit au respect de la liberté d’opinion et d’expression

117.En réponse à la recommandation no 24, il convient de noter que la loi no 382/94 sur la diffusion radiophonique et télévisée et le décret no 7997/96 n’ont pas fait l’objet d’un amendement. Il n’y a pas lieu d’interpréter cela comme une restriction de l’exercice de la liberté d’opinion et d’information au Liban, puisque tous les acteurs politiques, voire religieux, expriment en toute liberté leurs opinions à travers les organismes de télévision et de radiodiffusion autorisées.

118.Les restrictions à la liberté d’information, eu égard à l’importance des motifs évoqués pour les imposer, peuvent trouver leur fondement dans la censure préalable exercée par la Direction générale de la sûreté publique sur les œuvres cinématographiques, les pièces de théâtre, les produits culturels importés, les publications étrangères, les données et les tracts (art. 1 du décret-loi no 2 du 1er janvier 1977, art. 1 de la loi du 27 novembre 1947 relative à l’assujettissement de tous les films cinématographiques à la censure, art. 9 du décret no 2873 du 16 décembre 1959 et décret-loi no 55 du 5 août 1967) et dans le pouvoir qu’a le Ministre de l’information d’interdire l’entrée au Liban de toute publication étrangère s’il y a lieu de le faire (art. 50 de la loi sur les publications). La décision des autorités administratives d’interdire tout travail intellectuel ou artistique se justifie par les risques de troubles à l’ordre public, d’atteinte au sentiment national ou à la moralité publique, ou d’incitation à la division confessionnelle, qui relèvent des restrictions autorisées au paragraphe 3 de l’article 19.

119.Une des critiques qui pourrait également être formulée en ce qui concerne l’exercice du droit à la liberté d’opinion et d’expression est l’omission de l’État de garantir le droit d’accès à l’information, d’autant plus que la Constitution et les lois ne prévoient pas expressément la liberté d’accès aux informations (dont les plus importantes sont celles disponibles auprès des ministères et administrations publiques). Cependant, un projet de loi sur le droit d’accès à l’information et la protection des dénonciateurs de la corruption est à l’étude à la Chambre des députés depuis 2009. Celui-ci n’a pas encore été adopté en raison du retard pris par la Chambre des députés dans la discussion dudit projet et de l’interruption des sessions parlementaires qui s’en est suivie, compte tenu de l’instabilité politique et sécuritaire.

XV.Article 20 : Droit d'incriminer la guerre et l’incitation à la haine

120.Le Code pénal incrimine l’appel à la guerre ou au conflit entre les différentes composantes de la nation, ainsi que l’appel à la haine nationale, raciale ou religieuse, notamment :

Les actes comprenant l’incitation à la sédition et à la discorde confessionnelles (art. 295, 308, 310, 313, 317 et 318 du Code pénal, et art. 25 du décret-loi no 104 du 30 juin 1977 portant modification de certaines dispositions de la loi sur les publications) ;

Le blasphème public du nom de Dieu (art. 473 du Code pénal) ;

L’outrage public à l’un des cultes religieux célébrés en public (art. 474 du Code pénal) ;

Les entraves apportées à l’exercice d’un culte et la destruction des lieux de culte (art. 475 du Code pénal) ;

Le non-respect par le ministre du culte des dispositions légales relatives au changement de religion (art. 476 du Code pénal).

121.Ces textes ne peuvent en aucun cas être considérés comme une violation du droit à la liberté d’opinion et de croyance, mais s’inscrivent plutôt dans le cadre des restrictions reconnues au paragraphe 3 de l’article 19.

XVI.Article 21 : Droit de réunion pacifique

122.En réponse à la recommandation no 26, le droit de réunion pacifique au Liban a subi une évolution depuis le retrait des troupes syriennes du pays. Avant 2006, ce droit avait fait l’objet de nombreuses violations. Cependant, après le départ des troupes syriennes, l’État avait pris des mesures pour garantir ce droit à plusieurs occasions, notamment :

Après l’assassinat de l’ancien Premier Ministre en 2005, un grand nombre de citoyens se sont réunis pour exiger le départ des troupes syriennes du Liban ;

Après le départ des troupes syriennes, un certain nombre de citoyens se sont réunis pour remercier la Syrie de l’aide apportée au Liban ;

En 2013, les fonctionnaires se sont réunis et ont manifesté pour exiger de meilleurs salaires et l’adoption de la grille des grades et des salaires ;

En juillet 2015, les militants de la société civile au Liban se sont réunis pour exiger des solutions à la crise des déchets et réclamer le départ du Gouvernement après l’aggravation de la crise.

123.Les autorités ont réaffirmé leur engagement à protéger et à garantir le droit de manifestation pacifique, en tenant obligatoirement compte des restrictions relatives au maintien de la sécurité et de l’ordre public ainsi que de la protection des droits et libertés d’autrui. Plusieurs critiques ont été formulées à propos des violations du droit de réunion et de manifestation pacifique par les services de sécurité lors des rassemblements réclamant la résolution de la crise des déchets. À cet égard, on ajoutera les précisions ci-après :

1)Ces rassemblements n’ont pas tous été pacifiques. Certains ont même donné lieu à des agressions contre les forces de l’ordre et à des dégradations de biens privés.

2)Toute atteinte à l’intégrité des citoyens ou tout usage excessif de la violence par les agents des forces de l’ordre peut faire l’objet d’un examen judiciaire pour établir les responsabilités et apporter réparation aux victimes.

XVII.Article 22 : Droit d’association

124.En réponse à la recommandation no 28, nous affirmons que la liberté d’association au Liban est consacrée par la loi du 3 août 1909. Aucune autorisation n’est requise pour qu’une association soit créée. Il lui est cependant nécessaire d’informer le Ministère de l’intérieur et des municipalités de sa constitution. Dans le cadre de la promotion du droit d’association, le Ministre de l’intérieur a diffusé la circulaire no 10/AM/2006 du 19 mai 2006 en vue de faciliter l’octroi de récépissés définitifs à des associations. Ces récépissés ne peuvent être refusés que seulement :

Si la déclaration ne contient pas toutes les informations requises par la loi ; et

Si l’objet de l’association est illégitime ou non conforme aux dispositions des lois et règlements en vigueur ou à la moralité publique.

125.Dans tous les cas, la décision de refus administratif d’accorder le récépissé définitif peut être contestée devant la juridiction compétente pour son caractère illégal ou pour abus de pouvoir.

126.En réponse à la recommandation no 28, l’interdiction énoncée à l’article 15 du décret-loi no 112/1959 est toujours en vigueur. Cependant, les fonctionnaires ont rejoint en 2013 l’« organe national de coordination » pour revendiquer leurs droits et n’ont nullement été empêchés d’exercer leur droit de se réunir et de manifester, malgré l’interdiction de le faire.

127.En ce qui concerne les juges, il n’y a pas de texte de loi clair et précis leur interdisant de créer une association. Ce sujet fait encore débat en interne. Certains estiment que la loi ne les empêche pas d’exercer leur droit de créer des associations, tandis que d’autres invoquent les dispositions de l’article 15 applicable aux fonctionnaires, qui est incompatible avec la notion de pouvoir judiciaire et ses fonctions.

XVIII.Article 23 : Droits de la famille

128.La loi reconnaît le droit de se marier et de fonder une famille. Cependant, les régimes de statut personnel soulèvent des problèmes en termes de reconnaissance des mariages civils contractés au Liban, même si ceux contractés entre Libanais à l’étranger sont bel et bien reconnus. Alors que le Ministre de l’intérieur et des municipalités a refusé en 2014 l’enregistrement d’un mariage civil contracté au Liban devant un officier d’état civil par deux Libanais ayant rayé la mention de leur appartenance confessionnelle et devenant de ce fait affiliés à aucune confession, le Comité suprême de consultation du Ministère de la justice a émis un avis juridique qui établit le droit du Libanais n’appartenant à aucune confession de contracter un mariage civil au Liban devant l’officier d’état civil et d’enregistrer son certificat de mariage dans les registres de l’état civil libanais.

129.En réponse aux recommandations nos 18 et 19 relatives à l’adoption d’un code civil du statut personnel qui garantisse l’égalité des droits et devoirs respectifs des époux au moment de la conclusion du mariage, pendant la durée du mariage et après sa dissolution, il convient de préciser que l’État a émis des réserves sur l’article 16 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Les lois sur le statut personnel applicables au peuple libanais ne reconnaissent pas le principe de l’égalité entre hommes et femmes en matière de mariage, d’autant plus que l’âge de la puberté, et non pas l’âge de la majorité, c’est-à-dire 18 ans, demeure le critère qui rend possible le mariage.

XIX.Article 24 : Droits de l’enfant

130.L’État a pris de nombreuses mesures pour assurer la protection des enfants, sans aucune discrimination. Parmi ces mesures, les plus importantes sont les suivantes :

Le décret no 700 du 25 mai 1999 relatif à l’interdiction d’employer des jeunes de moins de 16 ans pour des travaux dangereux dont la nature même constitue une menace pour leur vie, leur santé et leur moralité, et modifié par le décret no 8987 du 29 septembre 2012, qui porte cette limite d’âge à 18 ans ;

La loi no 91 du 14 juin 1999 portant modification de l’article 23 du Code du travail relatif à l’interdiction de l’exploitation du travail des enfants ;

Le décret no 3273 du 26 juin 2000 relatif à l’inspection du travail des mineurs ;

La loi no 414 du 5 juin 2002 portant ratification du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants ;

La loi no 335 du 2 août 2001 portant ratification de la Convention no 182 de l’Organisation internationale du Travail ;

La loi no 422 du 6 juin 2002 sur la protection des mineurs en conflit avec la loi ou exposés au danger ;

Les décrets no 8800 du 4 octobre 2002 et no 15119 du 10 septembre 2005 portant adjonction d’un article au décret no 14310 relatif à l’organisation des prisons, des centres de détention et des établissements de redressement et d’éducation des mineurs ;

Le décret no 11802 du 3 janvier 2004 sur la prévention, la sécurité et l’hygiène professionnelle dans tous les établissements auxquels s’applique le Code du travail ;

Le décret no 11859 du 11 février 2004 portant création, à l’hôpital public de Dahr al-Basheq, d’un institut pour mineures condamnées ;

Le décret no 5137 du 1er octobre 2010 portant création de la Commission nationale de lutte contre le travail des enfants ;

La loi no 150 du 17 août 2011 sur l’enseignement obligatoire et gratuit dans les écoles publiques jusqu’à l’âge de 15 ans.

131.La loi consacre le droit des enfants au Liban d’être enregistrés conformément aux dispositions de la loi régissant les registres du statut personnel. Il y a actuellement plus de 80 000 enfants libanais non enregistrés (il s’agit d’un chiffre officieux en raison de l’absence de statistiques officielles). Pour éviter l’aggravation de ce problème, le Conseil supérieur de l’enfance a élaboré un guide simplifié sur les mécanismes d’enregistrement des enfants, produit un film de sensibilisation et organisé des stages de formation spécialisée. S’agissant du droit d’acquérir une nationalité, l’enfant qui à l’origine n’est pas enregistré n’acquiert pas de nationalité. Pour ce qui est des enfants étrangers, il importe de se référer aux informations communiquées dans le présent rapport à propos de l’article 3 du Pacte.

XX.Article 25 : Droit de prendre part à la direction des affaires publiques

132.La Constitution consacre le droit du peuple de prendre part à la direction des affaires politiques par le biais du processus électoral aux niveaux local et national. Au niveau local, les Libanais votent et se font élire tous les six ans dans le cadre des élections municipales. Tout Libanais âgé de 21 ans révolus a le droit de vote et tout Libanais âgé de 25 ans révolus a le droit de se faire élire. Malgré le contexte instable, l’État s’est employé à organiser périodiquement des élections municipales, et ce en 1998, 2004 et 2010. Les élections municipales et des conseils de village de 2016 ont été organisées avec succès. Il convient de noter à cet égard que le Conseil constitutionnel, en se fondant sur l’article 25 du Pacte international, a abrogé la loi de 1997 visant à proroger le mandat des conseils municipaux en vertu de l’arrêt no 1/97 du 12 septembre 1997. Celui-ci considère que « le droit de vote […] est un droit constitutionnel, l’expression même du principe de la démocratie sur lequel le système constitutionnel libanais se base et qui jouit de la même valeur qu’il soit exercé dans le cadre d’élections législatives ou dans le cadre d’élections municipales » et que « du droit de vote découle un autre principe constitutionnel [...], celui de la périodicité de l’exercice des électeurs de leur droit de vote, ce qui implique qu’il est nécessaire d’appeler les citoyens à exercer leur droit de vote de manière périodique et dans des délais raisonnables ».

133.Au niveau national, les Libanais participent au processus de sélection des membres de la Chambre des députés élus tous les quatre ans au scrutin secret et direct par tout citoyen âgé de 21 ans, à l’exception des militaires et des condamnés privés de leurs droits civiques. Tout Libanais ayant atteint l’âge de 25 ans a le droit de se porter candidat à des élections législatives, à l’exception des militaires, de certains fonctionnaires s’ils n’ont pas démissionné un certain temps avant l’échéance électorale et des condamnés privés de leurs droits civiques. Il convient de noter que la loi électorale no 25/2008 a introduit un certain nombre de réformes pour garantir l’intégrité des élections ainsi que la liberté et l’égalité des électeurs, parmi lesquelles il y a lieu de citer :

La tenue des élections en une journée dans tout le Liban ;

La réglementation de l’information électorale et de l’affichage électoral ;

La création de la Commission de surveillance de la campagne électorale ;

L’instauration d’une période de silence électoral ;

L’autorisation accordée aux organisations de la société civile de surveiller le processus électoral ;

La fixation d’un plafond pour les dépenses électorales ;

L’obligation de passer dans l’isoloir pour faire son choix.

134.Par respect de ce qui précède, des élections législatives se sont déroulées en 1996, 2000 (le mandat de la Chambre des députés élus cette fois-ci a duré quatre ans et huit mois), 2005 et 2009. Cependant, en raison des conditions de sécurité exceptionnellement difficiles, les élections qui devaient se tenir en juin 2013 n’ont pas eu lieu. La Chambre des députés a alors adopté un amendement à la loi électorale, par lequel elle a prolongé le mandat des députés jusqu’au 20 novembre 2014. La Chambre s’est réunie de nouveau le 11 octobre 2014 et a prolongé le mandat de ses membres jusqu’au 20 juin 2017. Dans sa décision no 7 du 28 novembre 2014 rendue à propos du recours en invalidation de la prorogation du mandat du Parlement et malgré son rejet dudit recours afin d’éviter le vide institutionnel, le Conseil constitutionnel a estimé que la tenue d’élections périodiques est un principe constitutionnel auquel on ne peut porter atteinte. Cela étant, la Chambre des députés n’a pas été en mesure d’élire un président malgré la vacance présidentielle depuis mai 2014.

135.En ce qui concerne le principe de l’égalité d’accès aux fonctions publiques, il importe de se référer aux informations communiquées dans le présent rapport à propos de l’article 2 relatif à la discrimination fondée sur la religion. Il convient de noter que le Conseil constitutionnel veille à l’application de ce principe par les autorités (conformément aux dispositions du paragraphe c) du préambule et des articles 7 et 12 de la Constitution). Dans sa décision no 3/2014, le Conseil constitutionnel a invalidé la loi sur la régularisation de la situation des notaires après la tenue d’un concours restreint, en considérant que cette loi, en restreignant le concours à des personnes précises et en les exemptant de certaines conditions énoncées dans la loi sur l’organisation du notariat, a établi une distinction entre les candidats du concours restreint et ceux du concours ouvert et va à l’encontre du principe de l’égalité prévu dans la Constitution. Il a également invalidé la loi prévoyant la promotion des membres de la sûreté publique qui ont réussi au concours, sans la prise en considération de leur classement et de manière à les distinguer des autres candidats qui auraient eu de meilleures notes.

XXI.Article 26 : Droit à l’égalité devant la loi

Se référer aux informations communiquées dans le présent rapport à propos de l’article 2 du Pacte.

XXII.Article 27 : Droit des minorités au respect de leur liberté de croyance

Se référer aux informations communiquées dans le présent rapport à propos de l’article 18 du Pacte.